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Document 61993TJ0534

Urteil des Gerichts erster Instanz (Vierte Kammer) vom 14. Juli 1994.
Arlette Grynberg und Eileen Hall gegen Kommission der Europäischen Gemeinschaften.
Beamte - Personalvertretung - Wahlverfahren - Verteilung der Mandate - Vorläufiges Verzeichnis der gewählten Kandidaten - Ersetzung von gewählten Kandidaten.
Rechtssache T-534/93.

Sammlung der Rechtsprechung – Öffentlicher Dienst 1994 I-A-00183; II-00595

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1994:86

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 juillet 1994 ( *1 )

«Fonctionnaires — Comité du personnel —Procédure électorale —Répartition des sièges —Classement provisoire des élus —Remplacement d'élus»

Dans l'affaire T-534/93,

Ariette Grynberg et Eileen Hall, respectivement ancien fonctionnaire et fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant respectivement à Bruxelles et à Tervuren (Belgique), représentées par Me Jean-Noël Louis, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de la fiduciaire Myson SARL, 1, rue Glesener,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et Joseph Griesmar, conseiller juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet l'annulation des résultats des élections du comité local du personnel de la Commission, section de Bruxelles, dans la mesure où les requérantes, initialement élues, ont été remplacées par d'autres candidats,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de MM. C. P. Briët, président, A. Saggio et H. Kirschner, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 15 juin 1994,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige et cadre juridique

1

Du 9 au 11 novembre 1992, il a été procédé aux élections pour le renouvellement du comité local du personnel de la Commission à Bruxelles. Ces élections se sont déroulées en application de la réglementation relative à la procédure pour les élections du comité local du personnel de la Commission à Bruxelles (ci-après «réglementation électorale»), publiée dans les Informations administratives du 29 septembre 1992.

2

Selon cette réglementation électorale, il y avait 27 sièges à pourvoir, les propositions de candidatures devant être présentées sous forme de «listes portant au maximum chacune 27 titulaires et suppléants couplés»; les organisations syndicales ou professionnelles pouvaient présenter de telles listes, chacune dans un ordre choisi par l'organisation concernée (article 6). Les électeurs devaient voter soit pour une seule liste (vote «tête de liste») soit pour un maximum de 27 candidats titulaires et suppléants, choisis parmi une ou plusieurs listes (vote «préférentiel» ou «panaché»), étant précisé qu'une croix «tête de liste» complétée par des croix «préférentielles» à l'intérieur de cette même liste était considérée uniquement comme vote «préférentiel» (article 10).

3

L'article 11 de la réglementation électorale se lit comme suit:

«a)

La répartition des sièges entre les votes ‘tête de liste’ et les votes ‘panachés’ s'effectue au prorata du nombre de bulletins ayant émis

un vote ‘tête de liste’

un vote ‘panaché’.

b)

La répartition des sièges ‘tête de liste’ entre les listes se fait au prorata des votes ‘tête de liste’ exprimés pour chaque liste.

Dans chaque liste, les sièges ‘tête de liste’ sont attribués dans l'ordre de présentation de la liste aux candidats jusqu'à concurrence du nombre de sièges ‘tête de liste’ attribué à la liste.

c)

La répartition des sièges par ‘panachage’ se fait au prorata du total des votes exprimés pour les candidats de chaque liste.

Dans chaque liste, les sièges ‘panachés’ sont attribués aux candidats non élus par votes ‘tête de liste’ et ayant obtenu le plus grand nombre de voix.»

L'article 12, sous a), dispose:

«Un classement provisoire des élus de chaque liste est ainsi établi. Si parmi ceux-ci ne figure aucun représentant d'une catégorie, cadre ou des autres agents, le candidat de la catégorie ou cadre ou des autres agents à représenter ayant obtenu le plus grand nombre de voix préférentielles prend la place du dernier du classement provisoire des élus de la liste sur laquelle il s'est présenté.»

4

En date du 4 décembre 1992, le bureau électoral a publié, en vertu de l'article 19 de la réglementation électorale, le résultat des élections en cause dont il ressortait que, parmi les 7809 votes valables exprimés, 3072 avaient été des votes «tête de liste» et 4737 des votes «panachés». En conséquence, le bureau électoral a calculé, conformément à l'article 11, sous a), précité, que sur les 27 sièges à pourvoir onze sièges devaient être pourvus par le mode «tête de liste» et seize par le mode «panaché».

5

Procédant au classement provisoire des élus, selon l'article 12, sous a), première phrase, précité, le bureau électoral a d'abord constaté, pour le vote «tête de liste», que la liste no 3 (Union syndicale) avait obtenu 1125 votes, ce qui lui donnait droit à quatre des onze sièges. Ces quatre sièges ont été attribués aux quatre premiers couples de candidats figurant sur la liste dans l'ordre de présentation arrêté par l'Union syndicale; suivant cet ordre de présentation, le quatrième couple retenu était celui formé par M. T. et M. P., lequel a donc été déclaré élu, non pas au titre des votes «panachés» obtenus (561 voix), mais au titre de la place qu'il occupait sur la liste.

6

Toujours dans le cadre du classement provisoire, le bureau électoral a constaté, d'une part, que le nombre total des votes «panachés» s'élevait à 52192 et, d'autre part, que la liste no 3 en avait obtenu 14871, ce qui lui donnait également droit à quatre des seize sièges à pourvoir par le mode de scrutin «panaché». Cependant, parmi les quatre premiers couples de candidats, un couple (M. B. et M. G. M.) était déjà élu selon le mode de scrutin «tête de liste», de sorte que le bureau électoral, faisant application de l'article 11, sous c), deuxième alinéa, précité, a retenu le couple qui suivait dans l'ordre des votes «panachés» de la même liste, à savoir le couple formé par les requérantes (753 voix).

7

Enfin, il s'est avéré qu'aucun des candidats déclarés provisoirement élus ne représentait la catégorie des «agents locaux». Se trouvant dans l'obligation, imposée par l'article 12, sous a), deuxième phrase, précité, de procéder au remplacement d'un candidat élu afin d'assurer la représentation manquante des «agents locaux», le bureau électoral, d'une part, a retenu Mme K., appartenant à la liste no 3, qui représentait cette catégorie et qui avait obtenu, avec sa suppléante M(tm) L., 556 votes «panachés», et, d'autre part, a éliminé, à l'intérieur de la même liste no 3, le couple formé par les requérantes. Ce faisant, il a interprété l'article 12, sous a), de la réglementation électorale en ce sens que le classement provisoire visé par cette disposition était celui prévu à l'article 11, la répartition des sièges «tête de liste» devant avoir lieu avant celle des sièges «panachés», et a donc considéré le couple formé par les requérantes comme occupant la dernière place du classement provisoire des élus de la liste no 3.

8

Selon l'article 20 de la réglementation électorale, la validité des élections pouvait être contestée pendant les trois jours qui suivaient le jour de la publication des résultats. Par note du 4 décembre 1992, adressée au bureau électoral, M. B., en sa qualité de tête de la liste no 3, a contesté le résultat des élections au motif, notamment, que le remplacement des requérantes par le couple K./L. reposait sur une interprétation erronée de l'article 12 de la réglementation électorale. Il a souligné que cette interprétation était en contradiction avec la pratique antérieure, en rappelant que, lors des élections précédentes, c'était le couple élu avec le moindre nombre de voix à l'intérieur d'une même liste, tous élus confondus, qui avait été remplacé par le couple représentant la catégorie manquante du personnel. M. B. a, dès lors, demandé au bureau électoral d'établir la liste des élus sur la base d'une interprétation correcte dudit article 12.

9

Le 9 décembre 1992, le président du bureau électoral a transmis au directeur général de la direction générale Personnel et administration (DG IX) de la Commission un avis sur la contestation, dans lequel il a confirmé l'interprétation donnée par le bureau aux dispositions en question. Le 15 décembre 1992, le bureau électoral a examiné, à nouveau, la contestation. Il a à nouveau confirmé sa position. Toutefois, il a constaté que son interprétation était différente de celle du bureau électoral précédent, en 1990. Par conséquent, il a proposé de solliciter un avis du service juridique de la Commission.

10

Le directeur général de la DG IX a effectivement demandé cet avis. Le service juridique s'est rallié à l'interprétation donnée par le bureau électoral le 4 décembre 1992. Par conséquent, le directeur général a envoyé à M. B. une note datée du 7 janvier 1993, dans laquelle il indiquait: «Je vous informe que Mme K. ... est élue à la place de Mme Grynberg ... et dès lors que M. T. ... reste élu.» En ce qui concerne l'interprétation litigieuse de l'article 12, il renvoyait à l'avis émis par le service juridique le 18 décembre 1992 et joint à sa note, lequel confirmait l'interprétation consistant à opérer les remplacements éventuels à partir du groupe des seuls candidats élus par «panachage». En effet, le service juridique avait estimé, entre autres, que cette solution apparaissait plus conforme à l'importance et à l'ordre interne des élus «tête de liste», choisi par l'organisation ayant remporté à ce titre les sièges, ordre qu'il convenait dès lors de sauvegarder au prorata des sièges obtenus. La note a été reçue et enregistrée au secrétariat politique de l'Union syndicale. Le cachet porte la date manuscrite du 15 janvier 1993.

11

A compter du 1er janvier 1993, la requérante Grynberg a été admise à la retraite. Par une note du 7 avril 1993, enregistrée au secrétariat général de la Commission le 13 avril suivant, les requérantes ont introduit une réclamation contre la décision de la Commission portant validation de la liste des élus telle qu'arrêtée par le bureau électoral en ce que l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN») avait décidé que le couple K./L. était élu en leurs lieu et place et que, dès lors, le couple T./P. restait élu. A l'appui de leur réclamation, elles ont invoqué une violation de l'article 12 de la réglementation électorale, ainsi qu'une violation du principe de protection de la confiance légitime. Cette réclamation n'a pas fait l'objet d'une réponse explicite de I'AIPN.

Procédure et conclusions des parties

12

C'est dans ces conditions que les requérantes ont introduit le présent recours, qui a été enregistré au greffe du Tribunal le 7 octobre 1993. La procédure écrite a suivi un cours régulier.

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois posé des questions aux parties et les a invitées à indiquer le nombre complet des votes obtenus par tous les candidats lors des élections en cause.

La procédure orale s'est déroulée le 15 juin 1994. Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal.

13

Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler

la décision de la Commission portant validation des résultats des élections des 9, 10 et 11 novembre 1992 des membres du comité local du personnel, section de Bruxelles,

pour autant que de besoin, la décision implicite de rejet opposée par la Commission à la réclamation introduite le 7 avril 1993;

condamner la partie défenderesse au dépens de l'instance.

La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable et, en tout cas, non fondé;

statuer sur les dépens comme de droit.

Sur la recevabilité

14

Sans soulever d'exception d'irrecevabilité formelle, la Commission considère que le recours est irrecevable en raison, d'une part, de l'absence d'acte faisant grief aux requérantes et de procédure précontentieuse régulière et, d'autre part, de l'absence d'intérêt à agir dans le chef de la première requérante, Mme Grynberg.

Quant à l'existence d'un acte faisant grief et au déroulement de la procédure précontentieuse

Arguments des parties

15

La Commission soutient qu'il incombait aux deux requérantes, conformément à l'article 90 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), d'introduire dans les délais une réclamation contre un acte décisionnel leur faisant grief, émanant de l'AIPN (arrêt de la Cour du 27 octobre 1981, Venus et Obert/Conseil et Commission, 783/79 et 786/79, Rec. p. 2445, point 22). La proclamation des résultats des élections faite par le bureau électoral ne serait pas l'œuvre de l'AIPN et n'aurait donc pas pu donner lieu à une réclamation. Toutefois, les requérantes auraient eu la possibilité d'introduire elles-mêmes, conformément à l'article 20 de la réglementation électorale, une contestation des résultats électoraux, par laquelle elles auraient demandé que soit adoptée une décision portant à leur égard correction de ces résultats. Ainsi, en cas de rejet de cette demande, elles auraient pu introduire valablement, à l'encontre de ce rejet, une réclamation précontentieuse, suivie, le cas échéant, d'un recours.

16

Or, de l'avis de la Commission, les requérantes n'ont pas suivi cette procédure. En effet, la contestation introduite le 4 décembre 1992 par M. B. avait été signée par lui seul et celui-ci n'aurait produit aucun mandat de représentation émanant des requérantes. Cette contestation ne pouvant valoir demande de la part des requérantes, la réponse donnée le 7 janvier 1993 par le directeur général compétent n'aurait donc pu valoir rejet d'une telle demande.

17

Les requérantes estiment que la décision attaquée porte effectivement validation des élections en ce qu'elle confirme que le couple K./L. est élu et que le couple T./P. est élu à la place des requérantes. Il ne pourrait être raisonnablement contesté que cette décision constitue un acte faisant grief, et ce particulièrement à l'égard d'un fonctionnaire qui y est visé nommément.

18

Elles soulignent en outre que, selon le régime électoral applicable, les organisations syndicales ou professionnelles sont expressément autorisées à présenter des listes de candidats et qu'un mandat implicite est donné à la «tête de liste» dont la signature suffit, au moment de la présentation de la liste, pour justifier la validité de la proposition de candidature de chacun des membres titulaires et suppléants inscrits sur la liste. Dans ce contexte, elles soulignent qu'elles ont signé, respectivement les 4 et 10 septembre 1992, une déclaration, jointe en annexe à la réplique, par laquelle chacune d'elles a reconnu être informée «que le candidat tête de liste sera le responsable et le représentant de toutes les candidatures». Or, la liste des candidats de l'Union syndicale aurait été présentée sous la seule signature de sa «tête de liste», M. B., qui, conformément à la réglementation électorale, aurait remis au bureau électoral, pour chaque candidat titulaire ou suppléant, une copie datée et signée de la déclaration en question.

19

Au vu des déclarations produites par les requérantes en annexe à la réplique, la Commission admet, dans sa duplique, que M. B. disposait d'un mandat tacite pour introduire au nom des requérantes la contestation du 4 décembre 1992. La réponse du 7 janvier 1993 lui aurait donc été donnée en sa qualité de représentant de tous les candidats de la liste Union syndicale, c'est-à-dire dans des conditions opposables aux requérantes. La Commission ajoute que, pour les mêmes raisons, l'acte attaqué portant rejet de la contestation introduite par M. B. en sa qualité de «tête de liste» peut être considéré comme opposable aux requérantes et de nature à leur faire grief. Dès lors, la Commission s'en rapporte à la sagesse du Tribunal en ce qui concerne cet aspect de la recevabilité du recours.

Appréciation du Tribunal

20

Il y a lieu de rappeler que le juge communautaire a compétence en matière de contentieux électoral sur la base des dispositions du statut relatives aux recours des fonctionnaires. Ce contrôle juridictionnel est donc exercé dans le cadre des recours dirigés contre l'institution intéressée et ayant pour objet les actes ou omissions de l'AJPN auxquels donne lieu l'exercice du contrôle qu'elle assure en la matière (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 27 octobre 1987, Diezler e.a./CES, 146/85 et 431/85, Rec. p. 4283, point 5).

21

En l'espèce, le premier acte adopté par l'AIPN est la note du directeur général de la DG IX, datée du 7 janvier 1993. Dans cette note, le directeur général déclare que, «compte tenu» des avis du bureau électoral et du service juridique, «Mme K. ... est élue à la place de Mme Grynberg ... et dès lors que M. T. ... reste élu». Le directeur général a donc pris une décision propre, basée sur deux avis concernant la situation juridique. Cette décision se situe dans le cadre du devoir incombant à l'institution d'assurer la régularité des élections des organes représentatifs du personnel (arrêt du Tribunal du 8 mars 1990, Maindiaux e.a./CES, T-28/89, Rec. p. II-59, point 32).

22

La décision, en ce qu'elle mentionne nommément le couple de candidats formé par les requérantes et précise qu'il est évincé de la liste des élus, constitue un acte faisant grief aux intéressées, c'est-à-dire produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter directement et immédiatement leurs intérêts, en modifiant, de façon caractérisée, leur situation juridique (voir, en dernier lieu, l'arrêt du Tribunal du 15 juin 1994, Pérez Jiménez/Commission, RecFP p. II-497, point 34).

23

Quant au déroulement de la procédure précontentieuse, il y a lieu de constater que, dans sa note du 4 décembre 1992, M. B, qui était le représentant des requérantes, a demandé au bureau électoral de corriger la liste des élus. Le bureau électoral, en saisissant le directeur général, a implicitement rejeté cette demande. Le directeur général a alors adopté, le 7 janvier 1993, l'acte faisant grief sus-analysé, contre lequel les requérantes ont introduit une réclamation. Par conséquent, les formalités exigées par les articles 90 et 91 du statut ont été respectées (arrêt de la Cour du 29 septembre 1976, De Dapper e.a./Parlement, 54/75, Rec. p. 1381, points 28 à 31).

24

En ce qui concerne les délais, il convient de constater que la note du 7 janvier 1993 a été enregistrée le 15 janvier 1993 au secrétariat politique de l'Union syndicale, l'organisation à laquelle appartenaient les requérantes et qui avait proposé leur candidature aux élections en cause. La réclamation dirigée par les requérantes contre cette note ayant été enregistrée au secrétariat général de la Commission le 13 avril suivant et leur recours dirigé contre le rejet implicite de la réclamation ayant été introduit le 7 octobre suivant, il s'avère que les délais prévus par les articles 90 et 91 du statut ont été respectés en l'espèce.

25

II résulte de toutes les considérations qui précèdent que ce moyen d'irrecevabilité doit être rejeté.

Quant à l'intérêt à agir de Mme Grynberg

Arguments des parties

26

La Commission rappelle que Mme Grynberg a été admise à la retraite à compter du 1er janvier 1993, soit avant l'introduction de sa réclamation précontentieuse. N'étant plus fonctionnaire en activité, elle n'aurait plus qualité pour être membre du comité local du personnel. L'annulation de l'acte attaqué ne serait donc, de l'avis de la Commission, d'aucun profit pour Mme Grynberg en ce sens que l'exécution de l'arrêt ne pourrait conduire à lui conférer ex nunc la qualité de membre de ce comité. Un arrêt d'annulation ne pourrait pas non plus produire des effets ex tune, les avis rendus dans le passé par les organismes consultatifs auxquels Mme K. aurait participé, à la place de Mme Grynberg, dans des conditions jugées irrégulières n'ayant pas été contestés en temps utile, pas plus que les décisions administratives ayant fait suite à ces avis. Tous ces avis et décisions seraient donc devenus définitifs.

27

Les requérantes répondent que la première requérante, en dépit de sa mise à la retraite, a conservé un intérêt tant pour elle-même que pour sa suppléante, la seconde requérante, à ce que son recours fasse l'objet d'un arrêt. En effet, le régime électoral applicable, en prévoyant la présentation de couples de candidats titulaires et suppléants, aurait pour conséquence que l'intérêt des candidats «couplés» formerait un tout indissociable. Les requérantes en concluent que l'admission à la pension d'ancienneté de la première requérante n'aurait eu aucune conséquence pratique dans la mesure où elle aurait été suppléée, après avoir quitté les services de la Commission, par la seconde requérante, si bien que l'intérêt de la première ne pourrait être dissocié de celui de la seconde.

28

A l'audience, le Tribunal a attiré l'attention des parties sur l'arrêt Diezler e.a./CES, précité, dans lequel la Cour a admis que, en matière de contentieux électoral, un intérêt à agir existe dans le chef de tout électeur. En réponse à une question posée à ce sujet par le Tribunal, la Commission a insisté sur la circonstance que Mme Grynberg avait perdu jusqu'à sa qualité d'électeur avant l'introduction de la réclamation. Les requérantes ont soutenu, pour leur part, que le moment décisif pour apprécier l'existence d'un intérêt à agir est la date de la contestation électorale; or, en l'espèce, cette contestation aurait été adressée au bureau électoral le 4 décembre 1992, date à laquelle Mme Grynberg avait encore conservé sa qualité d'électeur.

Appréciation du Tribunal

29

II y a lieu de rappeler que la Cour a jugé, dans son arrêt Diezler e.a./CES (précité, point 9), que, en matière de contentieux électoral, un fonctionnaire justifie, par sa seule qualité d'électeur, d'un intérêt suffisant pour rendre recevable son recours. Le recours faisant l'objet de cet arrêt de la Cour visait, en substance, à l'annulation d'une réglementation électorale adoptée par l'assemblée générale du personnel et destinée à régir des élections qui ne devaient se dérouler qu'à l'avenir. Le Tribunal estime qu'un tel intérêt doit également être reconnu dans le chef d'un fonctionnaire tel que Mme Grynberg, qui avait la qualité d'électeur lors d'élections ayant effectivement eu lieu et qui se prévaut de cette qualité pour demander que soit contrôlé le résultat de ces élections.

30

Il convient de souligner que Mme Grynberg n'a pas été privée de cet intérêt à agir du seul fait qu'elle a perdu, en raison de sa mise à la retraite, sa qualité d'électeur avant l'introduction de son recours. En effet, tout électeur qui a eu le droit de participer à des élections conserve, jusqu'à l'expiration des délais prévus aux articles 90 et 91 du statut, un intérêt légitime à voir son droit de vote produire ses effets dans des conditions conformes aux dispositions statutaires ainsi qu'à celles arrêtées en vertu de l'article 1er, deuxième alinéa, de l'annexe II du statut auxquelles est soumise la procédure électorale.

31

Par conséquent, ce moyen d'irrecevabilité ne saurait non plus être accueilli.

Sur le fond

32

A l'appui de leur recours, les requérantes invoquent trois moyens tirés respectivement d'une méconnaissance de l'article 12 de la réglementation électorale ainsi que d'une violation du principe de protection de la confiance légitime et de l'article 25 du statut.

Quant au moyen tiré d'une méconnaissance de l'article 12 de la réglementation électorale

Arguments des partiesm

33

Les requérantes rappellent que les articles 11 et 12 de la réglementation électorale régissent le mode de répartition des sièges entre les votes «tête de liste» et les votes «panachés», sans indiquer de préférence hiérarchique entre les élus «tête de liste» et les élus «panachés». Pour établir le classement provisoire des élus, conformément à l'article 12, sous a), de la réglementation électorale, le bureau électoral devrait donc classer les candidats de chaque liste par référence au nombre de voix obtenues tant au titre des votes «tête de liste» que des votes «panachés». En procédant de cette manière, le bureau électoral établirait une seule liste provisoire.

34

Les requérantes soulignent que l'interprétation défendue par la Commission a pour conséquence que le bureau électoral ne procède pas en réalité à un classement provisoire, mais établit, dans un premier temps, une liste définitive des candidats élus par votes «tête de liste» et, ensuite, une liste provisoire des candidats élus par votes «panachés». Cela conduirait à traiter d'une manière différente les élus «tête de liste» et les élus «panachés», alors que tout électeur devrait disposer d'un droit de vote identique et que les élus devraient être traités de la même manière, à peine de violer le principe de l'égalité de traitement. L'égalité entre électeurs étant un principe essentiel à la base de toute démocratie, il s'ensuivrait que, quelque soit le mode de vote choisi par l'électeur, son choix devrait être pris en considération de la même manière. Au lieu de privilégier les électeurs ayant voté «tête de liste», il conviendrait d'appliquer une solution respectant le choix des électeurs et non l'ordre choisi par une organisation syndicale ou professionnelle.

35

La Commission, en revanche, est d'avis que le texte de l'article 11, sous c), de la réglementation électorale oblige le bureau électoral à inscrire prioritairement, c'est-à-dire en premier lieu par ordre chronologique, sur la liste des élus les candidats élus par votes «tête de liste», suivant en cela l'ordre progressif selon lequel ils figurent sur leur liste, conformément à la décision de leur organisation syndicale ou professionnelle, les sièges «panachés» devant être attribués aux seuls candidats non élus par votes «tête de liste». Ainsi, le bureau électoral, examinant les résultats des votes préférentiels obtenus par chaque candidat, devrait tout d'abord vérifier quels candidats ont déjà été élus au titre des votes «tête de liste».

36

En ce qui concerne le classement provisoire en vue d'un remplacement éventuel, conformément à l'article 12, sous a), de la réglementation électorale, la Commission estime que, selon la logique du procédé suivi, l'élu à remplacer doit être forcément celui figurant en dernier lieu sur la liste provisoire des sièges «panachés». Ce ne pourrait être que dans le cas où soit il n'y a aucun élu par votes «panachés», soit un tel élu est le seul représentant de sa catégorie ou cadre, que le remplacement devrait se réaliser aux dépens du dernier des élus par votes «tête de liste».

37

La Commission estime que toute approche visant à confondre les élus par votes «tête de liste» et ceux par votes «panachés» dans un seul groupe et à les classer en fonction du nombre global des votes obtenus placerait en concurrence deux groupes d'élus sur la base d'un élément de comparaison incorrect. La Commission souligne que la méthode électorale applicable en l'espèce impose à l'électeur souhaitant s'exprimer par un vote «tête de liste» l'ordre de liste établi par l'organisation syndicale ou professionnelle: ce serait bien cette liste dans cet ordre qui serait soumise au choix des électeurs. Par conséquent, le principe d'égalité de traitement ne serait pas violé par l'interprétation retenue par le bureau électoral, étant donné que, si tout électeur a un droit de vote identique, la forme à travers laquelle il l'exprime, suivant les diverses options que le régime électoral lui ouvre, peut conduire à des résultats qui sont légitimement différents. Dès lors, ce ne serait pas l'interprétation retenue par le bureau électoral qui aurait privilégié les votes «tête de liste», cet objectif étant celui du régime électoral lui-même.

38

A l'audience, les requérantes ont admis que les dispositions combinées des articles 11 et 12 de la réglementation électorale prévoyaient effectivement un ordre chronologique dans les opérations d'attribution des sièges et donc dans le classement provisoire des élus, en ce sens qu'il convenait de procéder d'abord au classement des candidats élus par les votes «tête de liste». Toutefois, la réglementation électorale aurait reflété la volonté manifeste de ses auteurs de privilégier, dans la mesure du possible, le mode de scrutin «panaché» par rapport au mode «tête de liste». Par conséquent, confrontée aux deux interprétations différentes possibles, la Commission, eu égard à la pratique antérieure suivie en la matière, à la confiance de l'électorat dans cette pratique et à la volonté manifestée par l'assemblée générale du personnel, aurait dû choisir la solution défendue par les requérantes, solution qui serait favorable au mode de scrutin «panaché».

Appréciation du Tribunal

39

Il convient de relever, tout d'abord, que le présent moyen n'a trait qu'à l'interprétation qu'il convient de donner à l'article 12, sous a), de la réglementation électorale, eu égard à l'économie générale de cette dernière et, en particulier, à son article 11. Aucune disposition de la réglementation électorale n'ayant été contestée sur le plan de sa légalité, il y a donc lieu pour le Tribunal de procéder à l'interprétation qui lui incombe en se plaçant dans la logique même du système électoral établi par l'assemblée générale locale du personnel dans le cadre de son pouvoir normatif d'arrêter les règles de droit électoral que doivent respecter aussi bien l'institution concernée que le personnel (arrêt Maindiaux e.a./CES, précité, point 45).

40

Il importe de relever, ensuite, qu'il ressort d'une interprétation littérale dudit article 12, sous a), que le classement des élus de chaque liste établi à l'issue des élections n'est, dans un premier temps, que «provisoire», étant donné que, dans l'hypothèse où, parmi les élus, ne figure aucun représentant de l'une des différentes catégories d'agents, un élu doit céder sa place à un candidat, initialement non élu, représentant la catégorie manquante; ce n'est qu'à la suite de cette opération que la désignation des élus devient «définitive». Or, dans la mesure où la disposition en cause prévoit expressément que ce classement provisoire est «ainsi» établi, le Tribunal estime qu'elle renvoie à la disposition qui la précède immédiatement, à savoir l'article 11 concernant la répartition des sièges.

41

Cet article 11, en ce qu'il énonce, sous c), que, dans chaque liste, les sièges «panachés» sont attribués aux «candidats non élus par votes ‘tête de liste’», implique que soient déterminés, dans un premier temps, les seuls candidats élus par le mode de scrutin «tête de liste». En effet, ce n'est que par après que peuvent être identifiés les candidats ayant obtenu le plus grand nombre de voix par le mode «panaché» qui ne figurent pas parmi les candidats déjà élus par le mode «tête de liste». Par conséquent, une interprétation littérale des dispositions précitées conduit à considérer que le dernier candidat du classement provisoire des élus d'une liste, au sens de l'article 12, sous a), est celui qui appartient au groupe des candidats élus par le mode de scrutin «panaché». Par ailleurs, ce n'est que cet ordre de classement, plaçant le groupe des élus «panachés» derrière celui des élus «tête de liste», qui a permis, en l'espèce, au couple de candidats formé par les requérantes de figurer provisoirement sur la liste des élus, du fait que M. B., élu prioritairement «tête de liste» et subsidiairement «panaché», leur avait cédé sa place.

42

Le Tribunal, constate, en outre que cette interprétation littérale est celle qui s'intègre le mieux dans le système global instauré par la réglementation électorale. En effet, ce système est caractérisé, en ce qui concerne la question à trancher en l'espèce, par la circonstance que, selon l'article 11, sous a), la première opération à effectuer à l'issue du scrutin consiste à procéder à une répartition entre tous les sièges à pourvoir en fonction du nombre total de bulletins correspondant à un vote «tête de liste», d'une part, et de ceux correspondant à un vote «panaché», d'autre part. Cette opération fondamentale de répartition, qui précède tout classement des élus et toute attribution des sièges, est le reflet de ce que deux modes de scrutin foncièrement différents sont ouverts aux électeurs. En vertu de la réglementation électorale, les résultats obtenus selon ces deux modes font en effet l'objet d'une péréquation en fonction du nombre d'électeurs qui ont opté soit pour le vote «tête de liste», en acceptant l'ordre de présentation des candidats sur les listes, soit pour le vote «panaché», en refusant le système des listes au profit d'un choix entre les différents candidats. En l'espèce, cette répartition a pour conséquence que, sur les 27 sièges à pourvoir, ceux pourvus par des candidats élus par des votes «tête de liste» ne sauraient, en principe, dépasser le nombre de onze tandis que ceux pourvus par des candidats élus par des votes «panachés» ne sauraient dépasser celui de seize.

43

Un autre élément caractéristique du système électoral réside dans la disposition de l'article 12, sous a), qui prévoit expressément, en matière de remplacement, que le candidat de la catégorie non représentée, qui est appelé à remplacer le dernier candidat du classement provisoire, est celui qui a obtenu le plus grand nombre «de voix préférentielles». Les requérantes, qui n'ont pas contesté la légalité de cette disposition, ont exposé que le système électoral accorde ainsi une certaine préférence au mode de scrutin «panaché». Par conséquent, l'opération de remplacement devrait être effectuée en prenant également en considération le nombre de voix obtenues selon le mode de scrutin «panaché» par les candidats élus par votes «tête de liste». Le Tribunal estime toutefois qu'une telle interprétation ne tiendrait pas compte de la volonté des électeurs qui, par leur vote «tête de liste», ont accepté l'ordre des candidats établi sur la liste. Certes, s'il était prévu, dans un régime électoral donné, que le remplaçant doive être désigné en fonction de sa position sur la liste, on pourrait en déduire que le candidat évincé devrait également être déterminé en fonction de sa position sur la liste. Cependant, dans la mesure où le remplaçant est désigné, en vertu de la réglementation électorale applicable en l'espèce, sur la base des votes «panachés» qu'il a obtenus, il est conforme à l'économie du système que le candidat évincé soit également déterminé par les seuls votes «panachés», sans que les votes «panachés» obtenus par les élus «tête de liste» soient pris en considération.

44

Une telle interprétation respecte en outre la répartition, décrite ci-dessus, entre les sièges pourvus respectivement selon le mode de scrutin «tête de liste» et selon le mode «panaché». En effet, si l'opération de remplacement était susceptible d'affecter tous les noms de la liste, la répartition initiale du nombre des sièges effectuée en fonction des deux modes de scrutin risquerait de se trouver modifiée a posteriori, ce qui affecterait la cohérence du système électoral pris dans son ensemble et la volonté exprimée par l'électorat.

45

En effet, si le couple K./L. élu par votes «panachés» avait remplacé non pas le couple formé par les requérantes, élu par votes «panachés», mais le couple T./P., élu par votes «tête de liste», la répartition initiale des 27 sièges à pourvoir entre onze sièges «tête de liste» et seize sièges «panachés» se serait trouvée ultérieurement modifiée, en méconnaissance du rapport de représentativité voulu par l'électorat, en un rapport 10/17. Or, dans l'intérêt de la cohérence du système électoral, un tel remaniement postérieur doit être limité aux seuls cas où il ne saurait être évité parce que la représentation obligatoire de chaque catégorie d'agents au sein du comité du personnel l'exige, comme dans les cas, mentionnés par la Commission, où le remplacement d'un candidat élu par votes «panachés» n'est pas possible, de sorte que, à titre exceptionnel, le dernier des élus par votes «tête de liste» doit céder sa place à un candidat élu par votes «panachés».

46

Il y a lieu d'ajouter que la solution à laquelle conduit une interprétation littérale et systématique de la réglementation en cause n'entraîne pas, contrairement à la thèse défendue par les requérantes, de violation du principe d'égalité des électeurs, c'est-à-dire de l'égalité de la valeur représentative de chaque vote, qui doit être respecté en matière électorale. En effet, il convient de rappeler, d'une part, que le conflit à l'origine du présent recours oppose, à l'intérieur d'une même liste, deux couples de candidats qui appartiennent à la même «famille politique». Le principe d'égalité de la valeur représentative des votes ne saurait donc être violé dans un cas comme celui qui se présente en l'espèce, où le nombre global des élus appartenant à une même liste, en l'occurrence la liste no 3 (Union syndicale), reste identique, que ce soit l'un ou l'autre couple de candidats qui figure sur le classement définitif des élus.

47

D'autre part, s'il est vrai que, à l'intérieur de la liste no 3, le couple de candidats formé par les requérantes, remplacé par le couple K./L., avait obtenu 753 votes «panachés», alors que le couple T./P., maintenu dans le classement définitif des élus, n'en avait obtenu que 561, il importe de souligner que ce dernier couple n'a pas été retenu comme élu au titre du mode de scrutin «panaché», mais au titre du mode de scrutin «tête de liste», et ce en raison de la quatrième place qu'il occupait sur la liste dans l'ordre de présentation établi par l'Union syndicale, alors que le couple formé par les requérantes n'était placé qu'à la dixième place sur cette même liste. Or, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus, ces deux modes de scrutin sont foncièrement différents et ne sauraient être comparés sur une base purement quantitative, le mode «tête de liste» comportant un élément supplémentaire, à savoir l'ordre de priorité dans lequel les candidats figurent sur la liste, tel qu'il a été fixé par l'organisation syndicale ou professionnelle et accepté par les électeurs qui ont voté «tête de liste» et dont le droit de vote doit être respecté au même titre que celui des électeurs ayant voté «panaché».

48

Il résulte de tout ce qui précède que seule l'interprétation de l'article 12, sous a), défendue par la Commission correspond à la lettre et à l'économie générale de la réglementation électorale en cause, sans enfreindre les règles de droit supérieures pertinentes en la matière. Dès lors, le premier moyen doit être rejeté.

Quant au moyen tiré d'une violation du principe de protection de la confiance légitime

Arguments des parties

49

Les requérantes rappellent que le bureau électoral de la Commission a donné, en 1990, une interprétation de l'article 12, sous a), précité, suivant laquelle le candidat élu ayant le plus de voix préférentielles prenait la place du dernier du classement provisoire des élus, tous modes de scrutin confondus, de la liste sur laquelle il s'est présenté. Ce serait donc sur la base de cette interprétation que le personnel, lors d'une assemblée générale du 15 septembre 1992, aurait adopté la «procédure électorale» applicable lors des élections de 1992. Le personnel, et donc les requérantes, auraient ainsi pu avoir l'assurance que le bureau électoral interpréterait en 1992 les règles pertinentes de la même manière qu'en 1990. Or, l'interprétation litigieuse donnée en 1992 à l'article 12 étant en contradiction flagrante avec celle retenue en 1990, ce serait en violation du principe de protection de la confiance légitime et de la volonté de l'assemblée générale que les décisions attaquées ont été adoptées.

50

D'après la Commission, pour qu'il y ait violation de la confiance légitime, l'intéressé doit pouvoir invoquer une situation impliquant la rupture d'un engagement et se prévaloir d'assurances précises fournies par l'administration. Or, les requérantes n'auraient fourni nullement la preuve que le point litigieux ait été expressément évoqué lors de l'assemblée générale adoptant la réglementation électorale applicable en 1992 ni que l'adoption de cette réglementation ait été accompagnée de promesses formelles et explicites quant à son interprétation. Par ailleurs, même si de telles assurances avaient été fournies, encore aurait-il fallu qu'elles soient conformes à ladite réglementation. Or, les décisions attaquées auraient donné à la disposition litigieuse la seule interprétation correcte. L'invocation de la confiance légitime ne pourrait pas être de nature à justifier le maintien d'une interprétation erronée, l'autorité compétente ayant le droit et le devoir de corriger, à tout moment, une telle erreur.

Appréciation du Tribunal

51

Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l'administration communautaire, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître dans son chef des espérances fondées (voir, en dernier lieu, les arrêts du Tribunal du 9 février 1994, Latham/Commission, T-3/92, RecFP p. II-83, point 58, et du 19 mai 1994, Consorzio grappo di azione locale «Murgia Messapica»/Commission, T-465/93, Ree. p. II-361, point 67).

52

Même si le principe ainsi formule peut trouver application en matière électorale dans les rapports entre l'électorat pris dans sa collectivité, l'assemblée générale du personnel en sa qualité de législateur électoral et l'AIPN, il convient de constater que, en l'espèce, une violation d'une éventuelle confiance légitime, d'abord de l'assemblée générale du personnel du 15 septembre 1992, puis de l'électorat, ne peut pas être établie. En effet, ainsi qu'il ressort des renseignements donnés par les requérantes en réponse à une question du Tribunal, l'assemblée générale du 15 septembre 1992 a rejeté une proposition d'amendement de l'article 11 de la réglementation électorale, proposition qui ne concernait pas l'article 12, relatif au remplacement faisant l'objet du présent litige. Par conséquent, les requérantes n'ont pas démontré que l'assemblée générale aurait placé dans l'interprétation à donner à l'article 12 une confiance qui aurait affecté une décision quant à l'adoption de la réglementation électorale et que cette confiance, partagée par l'électorat, aurait été ultérieurement méconnue par l'interprétation effectivement donnée audit article 12.

53

Par ailleurs, à supposer même qu'une telle confiance légitime puisse être établie, son invocation conduirait à réclamer la protection d'une interprétation erronée de la réglementation électorale, ainsi qu'il a été exposé ci-dessus. Or, il est de jurisprudence constante que des promesses qui ne tiendraient pas compte de la réglementation spécifique régissant une situation administrative donnée ne sauraient créer une confiance légitime dans le chef de ceux auxquels elles s'adressent (voir, par exemple, l'arrêt Latham/Commission, précité, point 58, l'arrêt du Tribunal du 17 décembre 1992, Holtbecker/Commission, T-20/91, Rec. p. II-2599, point 54, et l'arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, point 45).

54

Par conséquent, le deuxième moyen ne saurait non plus être retenu.

Quant au moyen tiré d'une violation de l'article 25 du statut

Argument des parties

55

Les requérantes déclarent que, dans sa note du 7 janvier 1993, le directeur général compétent s'est limité à indiquer que la pratique litigieuse du bureau électoral n'était pas conforme à la pratique suivie antérieurement, mais qu'elle était confirmée par l'avis du service juridique joint à cette note. Les requérantes soulignent que l'avis en cause ne contient aucune indication suffisamment claire et compréhensible permettant d'expliquer les raisons justifiant le revirement opéré dans l'interprétation des articles 11 et 12 de la réglementation électorale. Or, l'AIPN aurait été tenue de motiver, avec beaucoup de précision, les raisons pour lesquelles il convenait d'appliquer en 1992 une interprétation différente de celle appliquée en 1990.

56

Les requérantes considèrent d'ailleurs que l'absence de motivation dont est entachée la décision attaquée ne peut être couverte par la référence à une argumentation peu convaincante du service juridique. Du reste, il incomberait à la Commission de rapporter la preuve que les requérantes ont effectivement reçu une copie intégrale de l'avis du service juridique et qu'elles ont, dès lors, été à même de connaître cet avis.

57

En ce qui concerne la recevabilité du moyen, la Commission relève que la prétendue violation de l'article 25 du statut n'a pas été invoquée dans la réclamation. Or, les conclusions formulées dans les recours des fonctionnaires ne pourraient contenir que des chefs de contestation reposant sur la même cause que ceux invoqués dans la réclamation. Cette concordance entre réclamation et recours constituerait une formalité substantielle au regard de la finalité de la procédure administrative, cette dernière devant permettre et favoriser un règlement amiable du différend surgi entre les fonctionnaires et l'administration. Pour satisfaire à cette exigence, l'administration devrait être en mesure de connaître, de façon suffisamment précise, les critiques formulées par les intéressés à l'encontre de la décision attaquée.

58

Quant au fond, la Commission rappelle qu'une décision est suffisamment motivée, (dès lors que l'acte attaqué est intervenu dans un contexte connu du fonctionnaire concerné, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Or, en l'espèce, dans la mesure où l'avis du service juridique était annexé à la note du directeur général compétent du 7 janvier 1993, les requérantes auraient été parfaitement à même de connaître le fondement de la décision attaquée. La Commission en déduit que l'ensemble des éléments dont était assortie la décision attaquée du 7 janvier 1993 était de nature, d'une part, à fournir aux requérantes les indications nécessaires pour leur permettre d'apprécier si ladite décision était fondée ou non et, d'autre part, à rendre possible le contrôle de la légalité confié au juge communautaire.

Appréciation du Tribunal

59

En ce qui concerne la recevabilité du moyen tiré d'une insuffisance de motivation, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge communautaire est tenu de rechercher d'office si la Commission a satisfait à l'obligation qui lui incombait de motiver la décision attaquée (voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 1er juillet 1986, Usinor/Commission, 185/85, Rec. p. 2079, point 19, et du Tribunal du 20 septembre 1990, Hanning/Parlement, T-37/89, Rec. p. II-463, point 38). Cet examen pouvant avoir lieu à tout stade de la procédure, il s'ensuit qu'aucun requérant ne saurait être forclos à se prévaloir de ce moyen au seul motif qu'il ne l'a pas soulevé dans sa réclamation. Par conséquent, le moyen tiré, pour la première fois dans la requête, d'une insuffisance de motivation doit être déclaré recevable.

60

Quant au fond, le Tribunal constate que les requérantes ont eu connaissance en temps utile tant de la décision attaquée du 7 janvier 1993 que de l'avis du service juridique. Il ressort de leur réclamation que l'avis du service juridique est parvenu, le 15 janvier 1993, au président de l'Union syndicale (p. 3). Les requérantes l'ont commenté dans leur réclamation (p. 7, sixième alinéa). Elles n'ont pas allégué que le président de l'Union syndicale n'en avait reçu qu'une copie incomplète. Dans ces circonstances, il apparaît que, d'une part, les requérantes étaient à même de défendre valablement leur point de vue et, d'autre part, le Tribunal était en mesure de procéder, à l'égard de la décision attaquée, au contrôle de légalité qui lui a été confié. Dès lors, le troisième moyen ne saurait non plus être retenu.

61

Il résulte de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

62

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, selon l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Chaque partie supportera ses propres dépens.

 

Briët

Saggio

Kirschner

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 1994.

Le greffier

H. Jung

Le président

C. P. Briët


( *1 ) Langue de procedure: le français

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