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Document 62002TJ0254

Urteil des Gerichts erster Instanz (Vierte Kammer) vom 9. März 2005.
L gegen Kommission der Europäischen Gemeinschaften.
Beamte.
Rechtssache T-254/02.

Sammlung der Rechtsprechung – Öffentlicher Dienst 2005 I-A-00063; II-00277

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2005:88




ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)
9 mars 2005


Affaire T-254/02


L

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Devoir d'assistance – Article 24 du statut – Portée – Harcèlement – Demande d'indemnité – Maladie professionnelle »

Texte complet en langue française ……………………………………….II - 0000

Objet: Recours ayant pour objet, d'une part, une demande visant à l'annulation des décisions de la Commission rejetant la demande d'assistance, d'accès aux documents et d'indemnisation, et refusant la reconnaissance d'une maladie professionnelle et, d'autre part, une demande de dommages et intérêts.

Décision: Le recours est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.      Fonctionnaires – Obligation d'assistance incombant à l'administration – Conditions – Portée

(Statut des fonctionnaires, art. 24)

2.      Fonctionnaires – Indemnité pour accidents et maladies professionnelles – Pension d'invalidité – Prestations différentes – Procédures distinctes

(Statut des fonctionnaires, art. 73 et 78)

3.      Fonctionnaires – Recours – Acte faisant grief – Acte préparatoire

(Statut des fonctionnaires, art. 90, § 2)

4.      Fonctionnaires – Recours – Recours en indemnité – Recours au titre de l'obligation solidaire et subsidiaire de l'administration de réparer un dommage causé à un fonctionnaire par un tiers – Recevabilité – Conditions – Épuisement des voies de recours internes – Exception – Absence de recours efficaces

(Statut des fonctionnaires, art. 24, alinéa 2, et 91)

1.      En vertu de l'obligation d'assistance, prévue par l'article 24, premier alinéa, du statut, l'administration doit, en présence d'un incident incompatible avec l'ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l'énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l'espèce en vue d'établir les faits et d'en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l'objet. En présence de tels éléments, il appartient à l'institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d'établir les faits à l'origine de la plainte, en collaboration avec l'auteur de celle‑ci.

Bien que l'article 24 du statut soit conçu avant tout en vue de protéger les fonctionnaires des Communautés européennes contre des attaques émanant de tiers, l'obligation d'assistance prévue par cet article existe également dans le cas où l'auteur des faits envisagés par cette disposition est un autre fonctionnaire des Communautés. Cependant, le fait qu'une partie des faits qu'a eu à subir un fonctionnaire ait été commise par un collègue de travail et pendant les heures de travail dans les locaux des institutions ne démontre pas, en soi, que le fonctionnaire a été victime de ces agissements en raison de sa qualité et de ses fonctions.

(voir points 84 à 86 et 107)

Référence à : Cour 14 juin 1979, V/Commission, 18/78, Rec. p. 2093, point 15 ; Cour 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, points 15 et 16 ; Tribunal 21 avril 1993, Tallarico/Parlement, T‑5/92, Rec. p. II‑477, point 30 ; Tribunal 5 décembre 2000, Campogrande/Commission, T‑136/98, RecFP p. I‑A‑267 et II‑1225, points 41 et 42

2.      Même si la procédure prévue dans le cadre de l'article 73 du statut est en cours, l’administration peut prendre une décision sur la base de l'article 78, troisième alinéa, dudit statut. Si l'administration prend ultérieurement une décision par laquelle elle reconnaît l'origine professionnelle de la maladie, le fonctionnaire peut donc, sur la base de l'article 73, paragraphe 3, du statut, demander le remboursement de tous les frais médicaux, pharmaceutiques, d'hospitalisation, etc., ainsi que de tous les frais similaires occasionnés par la maladie professionnelle, dont il n'a pas pu obtenir remboursement en application de l'article 72 du statut. Or, comme la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie suppose une enquête, en vertu de la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, et les conclusions des médecins désignés, la décision qui clôt cette procédure n'est pas nécessairement prise en même temps que la décision adoptée sur la base de l'article 78 du statut.

(voir point 120)

Référence à : Tribunal 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T‑165/95, RecFP p. I‑A‑203 et II‑627

3.      Seuls font grief les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier. Les actes préparatoires d'une décision ne font pas grief et ce n'est qu'à l'occasion d'un recours contre la décision prise au terme de la procédure que le requérant peut faire valoir l'irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés. Si certaines mesures purement préparatoires sont susceptibles de faire grief au fonctionnaire dans la mesure où elles peuvent influencer le contenu d'un acte attaquable ultérieur, ces mesures ne peuvent faire l'objet d'un recours indépendant et doivent être contestées à l'occasion d'un recours dirigé contre cet acte. S'agissant d'une procédure menée au titre de l'article 73 du statut, le terme en est la décision finale de l'autorité investie du pouvoir de nomination, prise sur la base de l'avis définitif de la commission médicale. C'est au moment de cette prise de décision que la position juridique du fonctionnaire se trouve affectée.

(voir points 121 à 123)

Référence à : Cour 11 juillet 1968, Van Eick/Commission, 35/67, Rec. p. 481, 500 ; Cour 10 décembre 1969, Grasselli/Commission, 32/68, Rec. p. 505, points 4 à 7 ; Cour 24 mai 1988, Santarelli/Commission, 78/87 et 220/87, Rec. p. 2699, point 13 ; Tribunal 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 28 ; Tribunal 25 octobre 1996, Lopes/Cour de justice, T‑26/96, RecFP p. I‑A‑487 et II‑1357, point 19

4.      La recevabilité du recours en indemnité intenté par un fonctionnaire au titre de l'obligation solidaire et subsidiaire édictée par l'article 24, deuxième alinéa, du statut est subordonnée à l’épuisement des voies de recours nationales, pour autant que celles‑ci assurent d’une manière efficace la protection des particuliers intéressés et puissent aboutir à la réparation du dommage allégué. En outre, le fonctionnaire prétendument lésé doit au moins avancer des indices de nature à susciter des doutes sérieux quant au caractère efficace de la protection assurée par les voies de recours nationales.

(voir point 148)

Référence à : Tribunal 26 octobre 1993, Caronna/Commission, T‑59/92, Rec. p. II‑1129, points 31 à 33 et 35 ; Tribunal 28 février 1996, Dimitriadis/Cour des comptes, T‑294/94, RecFP p. I‑A‑51 et II‑151, point 68 ; Tribunal 18 décembre 2003, Gómez-Reino/Commission, T‑215/02, RecFP p. I‑A‑345 et II‑1685, point 82




ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

9 mars 2005 (*)

« Fonctionnaires – Devoir d'assistance – Article 24 du statut – Portée – Harcèlement – Demande d’indemnité – Maladie professionnelle »

Dans l'affaire T-254/02,

L, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Londres (Royaume-Uni), représentée initialement par Me J. Van Rossum, puis par Mes S. Rodrigues et P. Legros, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. J. Currall, en qualité d'agent, assisté de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande visant à l'annulation des décisions de la Commission rejetant la demande d'assistance, d'accès aux documents et d'indemnisation, et refusant la reconnaissance d'une maladie professionnelle et, d’autre part, une demande de dommages et intérêts,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. H. Legal, président, Mme V. Tiili et M. M. Vilaras, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 12 mai 2004,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Depuis le mois de mars 1995, la requérante a travaillé comme interprète au service commun « Interprétation-conférences » (ci-après le « SCIC ») de la Commission. Elle est devenue fonctionnaire titulaire dans ce service le 1er janvier 1998.

2        La requérante soutient avoir été victime, depuis 1996, de plusieurs faits de harcèlement commis soit à son domicile, soit sur son lieu de travail.

3        Il ressort du rapport établi par la direction « Service protocole et sécurité » de la Commission (ci-après le « SPS ») du 30 mars 2001 que, le 4 février 1997, la requérante s’est plainte au SPS d’avoir reçu, la nuit, à son domicile, des appels téléphoniques anonymes, entre le mois de septembre 1996 et le 24 janvier 1997, date à laquelle elle devait passer un concours. Les appels auraient commencé dès qu’elle a manifesté son intention de participer audit concours. De plus, certaines lettres anonymes mettant en cause la qualité de son travail auraient été envoyées à sa hiérarchie. Le SPS a alors invité la requérante à déposer plainte auprès de la police d’Etterbeek et à s’adresser au service spécialisé de l’opérateur téléphonique Belgacom.

4        La requérante signale qu’elle a changé de domicile en janvier 1998, mais que les appels anonymes ont continué. Elle se serait plainte à nouveau au SPS.

5        Le 28 juin 2000, M. Y, un ami de la requérante, a signalé au SPS que des appels téléphoniques anonymes étaient parvenus le 20 juin 2000 à 12 h 05, 15 h 36 et 21 h 02 au domicile bruxellois de la requérante et, le 21 juin 2000, vers 12 h 45, chez sa mère en Espagne. Le SPS a effectué en vain des recherches concernant l’éventuelle origine de ces appels dans un immeuble de la Commission.

6        La requérante allègue qu’entre le mois de février et le mois d’avril 1997, sa voiture a été rayée à deux reprises, alors qu’elle était garée à proximité de son domicile. En outre, au cours de l’année 1997, elle aurait été également rayée à plusieurs reprises dans le garage de l’immeuble Justus-Lipsius, occupé par le Conseil à Bruxelles. La requérante se serait également rendu compte que sa voiture avait été rayée au même endroit, lors de son retour de Paris en janvier 1998. Elle aurait informé le SPS de ces faits.

7        La requérante affirme qu’après avoir été réparée en mars 1998 sa voiture a été à nouveau rayée dans le garage du bâtiment Justus-Lipsius. En février 1999, sa voiture aurait été encore endommagée devant son domicile.

8        La requérante indique que, en juillet 2000, sa voiture a été à nouveau endommagée devant son domicile.

9        D’après la Commission, le 10 juin 1998, le SPS a été informé de la disparition récurrente du courrier déposé dans le casier de la requérante, notamment de billets d’avion relatifs à diverses missions. Les interprètes ne disposant pas d’un bureau personnel, le casier de la requérante se situait dans une salle inoccupée accessible librement à toute personne autorisée à entrer dans l’immeuble. Les interprètes pouvaient venir y chercher leur courrier 24 heures sur 24.

10      Le 26 novembre 1998, la requérante a signalé au SPS qu’un billet d’avion avait disparu le 17 novembre 1998 de son casier où il avait été déposé entre 14 h 00 et 14 h 30. Ce billet devait servir à un départ le 18 novembre 1998. Le billet a, selon elle, reparu dans le casier le 18 novembre 1998 vers 16 h 00.

11      À cette occasion, le SPS a demandé à la requérante si elle soupçonnait quelqu’un. Elle a cité le nom d’une collègue, Mme X.

12      Au cours du printemps de l’année 2000, les casiers ouverts des interprètes ont été remplacés par des casiers individuels fermant à clé. La requérante affirme que, quelques semaines plus tard, la disparition de son courrier et de documents de travail a recommencé.

13      Le 6 juin 2000, la requérante a averti le SPS que, une semaine auparavant, un billet d’avion pour un vol à destination de la Grèce et une cassette vidéo avaient été volés dans son casier. Étant donné qu’elle mentionnait également son état dépressif, les membres du SPS l’ont invitée à se présenter au service médical, où elle a été reçue par le Dr Dolmans.

14      La Commission déclare que, jusqu’alors, le SPS avait effectué des passages sporadiques dans le local abritant les casiers des interprètes. Elle ajoute qu’aucun dégât n’était apparu dans le casier de la requérante ni qu’aucun élément objectif ne permettait d’orienter les recherches, la requérante ayant déclaré n’avoir aucun soupçon quant à l’auteur des faits et ne se connaissant pas d’ennemis, ni dans son milieu professionnel ni dans sa vie privée.

15      Le 7 juin 2000, le passe-partout des casiers, qui se trouvait jusque là dans une boîte posée sur un bureau dans le local des huissiers et accessible à tous, a été, sur les instructions du SPS, mis en un lieu sûr et inaccessible aux personnes n’étant pas habilitées à l’utiliser.

16      La Commission précise que des scellés ont été apposés à l’intérieur du casier verrouillé de la requérante, de manière à ne pas être visibles de l’extérieur. Des vérifications de ces scellés auraient été effectuées tous les jours pendant plusieurs semaines, mais aucun dommage n’aurait été constaté. En juillet 2000, une tentative d’effraction du portillon du casier de la requérante a été relevée. À la demande du SPS, le 8 août 2000, la serrure dudit casier a été changée et le SCIC a été invité à retenir le courrier de la requérante, qui se trouvait alors en arrêt de travail. La requérante a donné procuration à M. Y, pour retirer ce courrier. Le 19 septembre 2000, il a été indiqué à ce dernier que la requérante pouvait retirer en personne auprès du SCIC un exemplaire de la nouvelle clé de son casier.

17      D’après la requérante, au cours du printemps 1998, de fausses demandes d’annulation de demandes de congé, qu’elle avait présentées, ainsi que de fausses demandes de congé ont été envoyées à sa hiérarchie.

18      Le 14 avril 1998, la requérante a présenté une demande de congé pour la période allant du 2 au 5 juin 1998. Ce congé a été annulé à la suite de la présentation d’un formulaire d’annulation de congé, daté du 24 avril 1998 et portant sur la période du 1er au 5 juin 1998. Le 19 mai 1998, la requérante a présenté une deuxième demande de congé identique à la première. Elle a avisé le SPS de ces faits le 10 juin 1998 et affirmé que le document du 24 avril 1998 était un faux. Le SPS a tenté d’obtenir l’original dudit document, mais il lui a été répondu que celui-ci n’avait pas été conservé, puisqu’il avait été contesté à juste titre. Le SPS a suggéré à la requérante de modifier sa signature sur les formulaires de congé, de n’en aviser que le service « congés » du SCIC et de demander à ce service de conserver son courrier à un endroit qui lui serait accessible.

19      En outre, la requérante affirme que, toujours au cours du printemps 1998, quelqu’un a pénétré dans le système informatique des ordinateurs mis à sa disposition, l’a inscrite à son insu comme volontaire pour certaines prestations, a modifié son mot de passe personnel et fait disparaître certains courriels. Les interprètes du SCIC ne disposeraient pas d’ordinateur personnel. Les ordinateurs dont ils se servent seraient situés dans un local commun et le système informatique serait accessible grâce à un premier mot de passe connu de tous les utilisateurs.

20      La requérante s’est plainte de ces faits au service informatique du SCIC, qui a pu mettre fin à ces agissements et éviter qu’ils se reproduisent. Cependant, il n’aurait pas réussi à déterminer à partir de quel ordinateur les opérations avaient été effectuées.

21      La requérante est restée en congé de maladie du 7 juin 2000 au 11 septembre 2000. Le lendemain, elle a été hospitalisée, jusqu’au 31 janvier 2001, dans une clinique allemande spécialisée dans les soins aux personnes victimes de harcèlement. Après son retour à Bruxelles, le service médical lui a conseillé de prendre une nouvelle période de congé. La requérante n’a plus repris son travail depuis lors.

22      Le 22 février 2001, M. Y a signalé au SPS que de la colle avait été injectée dans le cylindre de la serrure du casier de la requérante le 7 février 2001 et qu’il avait fait changer celui-ci. À cette occasion, il a remis au SPS un mémoire des incidents dont la requérante avait été victime, ainsi qu’une copie de la déposition présentée par la requérante auprès de la police de Woluwé-Saint-Lambert au sujet des dégradations occasionnées à son véhicule et des appels téléphoniques anonymes.

23      Le 23 février 2001, le SPS a recueilli les déclarations de M. Y et de la requérante. M. Y a déclaré avoir été témoin, le 25 septembre 2000, vers 18 h 20, dans le garage du bâtiment Justus-Lipsius, de dégradations occasionnées à l’angle arrière gauche de la voiture de la requérante, par une dame qu’il a ultérieurement identifiée comme étant Mme X, fonctionnaire de grade LA 7 au SCIC. M. Y a déclaré également que, le 29 janvier 2001 vers 19 h 45, il avait constaté que cette même dame arrachait une enveloppe collée sur le portillon du casier de la requérante. M. Y aurait collé une autre enveloppe au même endroit et, le 2 février 2001, vers 11 h 35, en compagnie de la requérante, il aurait constaté que Mme X arrachait cette nouvelle enveloppe. Cela a été confirmé par la requérante au cours de sa déclaration. Elle a d’ailleurs remis au SPS un compte rendu des faits dont elle a été victime.

24      La Commission signale que le SPS a également constaté que la voiture de la requérante présentait sur le hayon deux rayures, l’une à droite, d’une longueur de 7 cm, et l’autre à gauche, d’une longueur de 10 cm.

25      Le 26 février 2001, à 12 h 50, deux membres du SPS ont recueilli la déclaration de Mme X sur son lieu de travail. Mme X a spontanément et immédiatement reconnu avoir commis deux dégradations sur la voiture de la requérante dans le garage de l’immeuble Justus-Lipsius et arraché à deux reprises des enveloppes collées sur le casier de la requérante à la fin du mois de janvier 2001. Elle a marqué son accord pour indemniser la requérante du préjudice subi en raison des faits avoués. Toutefois, elle a nié être l’auteur de tous les autres incidents dont la requérante a été victime et a indiqué ne soupçonner personne d’en être l’auteur.

26      À la demande du SPS, Mme X a fourni un spécimen de son écriture. Le SPS a procédé à une comparaison sommaire de ce dernier avec la copie du faux formulaire d’annulation de congé et a conclu à l’existence de certaines ressemblances dans les écritures. Certaines similitudes, moins nombreuses, existeraient cependant aussi entre la copie d’une demande de congé remplie par la requérante et la copie de la fausse demande d’annulation de congé.

27      Le 29 mars 2001, le SPS a comparé une nouvelle fois, en présence de Mme X, le spécimen d’écriture qu’elle lui avait remis et le faux formulaire d’annulation de congé. Mme X a reconnu que les similitudes constatées étaient bien réelles. Néanmoins, elle a persisté à nier être l’auteur des autres faits.

28      Le 30 mars 2001, le SPS a établi un rapport concernant de multiples actes de harcèlement dont la requérante a été victime. Ce rapport énumère les différents faits et constate que, d’après les renseignements obtenus de la requérante, celle-ci ne faisait plus l’objet de harcèlement. Selon ce rapport, il était toutefois possible que certains des faits dont la requérante avait été victime par le passé aient émané d’une autre personne que Mme X.

29      Le 27 avril 2001, la requérante a introduit une première demande en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, tel qu’en vigueur au moment des faits (ci-après le « statut »), visant à obtenir, premièrement, sur la base de l’article 24, premier alinéa, du statut, l’assistance en justice de l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») contre l’auteur des actes de harcèlement indiqués dans sa demande, « par tout moyen utile, y compris l’ouverture de procédures disciplinaires à l’égard des responsables desdits faits illégaux et d’éventuelles négligences des services de la Commission, ainsi que l’assistance judiciaire de la part de la Commission devant les juges compétents ». Deuxièmement, la requérante demandait à « avoir accès à toute information relative à cette affaire », y compris « tout document concernant les événements dont elle [avait] été victime et notamment les [procès-verbaux] et les rapports établis par le [SPS], ainsi que [les documents] disponibles [auprès] de la [d]irection [g]énérale [du personnel et de l’administration] ou [d’]autres services de la Commission à l’égard des faits [en] cause. » Troisièmement, elle demandait, sur le fondement de l’article 288, deuxième alinéa, CE, la réparation intégrale de tout préjudice matériel et moral subi en raison de l’ensemble des faits de harcèlement rapportés.

30      Le 11 mai 2001, le directeur général de la direction générale (DG) « Personnel et administration », M. Reichenbach, a donné à Mme de Solà et à son équipe d’enquêteurs le mandat requis pour procéder à des auditions et pour rédiger un rapport concernant l’éventuelle responsabilité de Mme X dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte contre elle au titre de l’article 87 du statut.

31      Le 5 juin 2001, M. Barnett, chef de l’unité « Statut » de la DG « Personnel et administration », a informé la requérante, en faisant référence à sa demande du 27 avril 2001, de la désignation d’un fonctionnaire spécialement chargé de suivre son dossier et de la tenir informée de l’évolution de la procédure. Il ajoutait que « [c]ompte tenu de la gravité des faits [évoqués], une enquête s’av[érait] nécessaire et [que] l’unité ‘ Procédures disciplinaires et administratives ’ […] a[vait] été chargée de la mener ».

32      Sous la conduite de Mme de Solà, des auditions ont été effectuées du 29 juin au 5 juillet 2001. Parmi les personnes auditionnées se trouvaient la requérante et Mme X, ainsi que d’autres personnes.

33      Le 5 juillet 2001, jour de son audition, la requérante a introduit une seconde demande sur la base de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Cette demande visait à la reconnaissance en tant que maladie professionnelle, au titre de l’article 73 du statut, des troubles physiques et psychologiques dont elle souffrait.

34      Le 11 septembre 2001, par lettre adressée à la requérante, M. Barnett lui a communiqué ce qui suit :

« [L’enquête menée par Mme de Solà et son équipe] a été aussitôt engagée, elle est en cours et n’a pas encore définitivement abouti. Or, vous avez introduit votre demande depuis plus de quatre mois, vous êtes par conséquent en droit d’utiliser la voie de recours prévue à l’article 90 du statut [...] pour connaître la suite réservée à votre demande.

Je ne manquerai pas, cependant, dès que l’enquête aura établi la réalité des faits dans cette affaire, de préparer la réponse définitive de l’AIPN concernant votre demande d’assistance. »

35      Le 18 septembre 2001, Mme de Solà a envoyé à M. Reichenbach le rapport d’enquête demandé dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à l’encontre de Mme X. D’après ce rapport, outre les faits consignés dans le rapport d’enquête du SPS du 30 mars 2001, cité au point 28 ci-dessus, les auditions effectuées auraient dégagé les éléments suivants :

« (1) Les faits reconnus par Mme [X] ne représentent qu’une partie [de ceux visés par les] nombreuses plaintes que [la requérante] a déposées auprès du bureau de Sécurité […]

(2) Mme [X] a agi poussée par le harcèlement de [la requérante] qui la provoquait en se moquant d’une maladie dont elle souffrait […] Ceci est arrivé devant témoins […]

(3) Mme [X] a fait sa déclaration de façon spontanée et immédiate quand elle a été interrogée par les fonctionnaires du [SPS] […]

(4) Elle est prête à indemniser [la requérante] du préjudice réellement subi par celle-ci [à la] suite [des] faits qu’elle avoue […]

(5) Les témoins entendus ont signalé le bon caractère et le professionnalisme réellement exceptionnel de Mme [X] […]

Les déductions qu’il est permis de tirer de ces éléments sont les suivantes :

(1) Pendant la période 1996-2000, la situation au SCIC a été difficile et la disparition du courrier était chose habituelle. Les casiers des interprètes étaient ouverts et tout le monde pouvait y accéder. Plusieurs témoins ont parlé de ‘pertes’ de courrier sans y attacher d’importance […] La situation a changé au printemps 2000 avec l’installation des casiers fermés.

Cependant une clé passe-partout desdits casiers était tenue à la dispo[sition] (sans véritables contrôles) de tous ceux qui voulaient l’utiliser.

(2) À cette même période, d’autres fonctionnaires du SCIC ont reçu des lettres anonymes également […]

(3) [B]ien [que] l’enquête a[it] permis de déterminer l’auteur de certains faits de harcèlement dont [la requérante] a fait l’objet, il est cependant fort possible que certains autres faits non reconnus par Mme [X] émanent d’un autre auteur. »

36      Le 25 septembre 2001, Mme de Solà a adressé à M. Barnett une note concernant la demande d’assistance de la requérante au titre de l’article 24 du statut. Dans cette note, il était indiqué que l’enquête du SPS « a[vait] permis d’[identifier] l’auteur de certains faits dénoncés par [la requérante] bien qu’une grande partie des faits dont elle a[vait] été victime par le passé [ait] éman[é], probablement, d’un autre auteur ». Il était aussi indiqué, sur la base de l’enquête disciplinaire, que « les faits reconnus par Mme [X] n’étaient pas motivés par les fonctions exercées par [la requérante] au sein du SCIC ». Il était ajouté :

« Le résultat des enquêtes nous permet de supposer qu’il n’y a pas de lien entre le harcèlement dont [la requérante] a été victime et les fonctions qu’elle exerce, en tant que fonctionnaire, au sein de la Commission. »

37      Le 23 novembre 2001, la requérante a introduit une réclamation contre la décision implicite de rejet de sa première demande.

38      Le 4 février 2002, la requérante a introduit une seconde réclamation contre ce qu’elle considérait être un rejet implicite de sa deuxième demande, datée du 5 juillet 2001, qui sollicitait la reconnaissance de ses troubles comme maladie professionnelle, au titre de l’article 73 du statut.

39      Par lettre du 7 mars 2002, le directeur de la direction B de la DG « Personnel et administration », M. Brüchert, a répondu en ces termes à la demande de la requérante tendant à la reconnaissance d’une maladie professionnelle :

« Il ressort des contacts que j’ai eus avec le service concerné [...] qu’une procédure de reconnaissance de maladie professionnelle, au titre de l’article 17 de la réglementation commune ‘Assurance accidents et maladies professionnelles’ a bien été engagée [...] et qu’elle est en cours d’instruction.

[…] Tant que la procédure pour reconnaissance d’une maladie professionnelle est en cours et qu’aucun projet de décision ne vous a été soumis, vous n’avez subi aucun grief du fait de l’administration dans cette affaire. »

40      Le 11 mars 2002, l’AIPN a décidé de saisir la commission d’invalidité du cas de la requérante.

41      Le 30 avril 2002, l’AIPN a rejeté la première réclamation qui tendait, ainsi qu’indiqué au point 29 ci-dessus, à obtenir l’assistance de l’administration, l’accès à des documents et la réparation de tout préjudice matériel et moral subis en raison des actes de harcèlement qu’elle avait dénoncés (ci-après la « décision du 30 avril 2002 »).

42      Le 29 juillet 2002, la commission d’invalidité a remis ses conclusions à l’AIPN selon lesquelles la requérante était atteinte d’une invalidité permanente totale la mettant dans l’impossibilité d’exercer des fonctions correspondant à un emploi de sa carrière. La commission ne s’est pas prononcée sur l’imputabilité professionnelle de cette invalidité. Elle a déclaré qu’elle ne se prononcerait définitivement sur cette question « qu’après que les instances prévues à cet effet par la réglementation en vigueur [auraient] donné leur avis ».

43      Le 1er août 2002, M. Brüchert a communiqué à la requérante la décision de la commission d’invalidité ainsi que la décision formelle concernant sa mise à la retraite sur le fondement de l’article 78, troisième alinéa, du statut, applicable aux hypothèses dans lesquelles l’invalidité n’est pas d’origine professionnelle.

 Procédure et conclusions des parties

44      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 août 2002, la requérante a introduit le présent recours.

45      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (quatrième chambre) a ouvert la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, les parties ont été invitées à produire certains documents et à répondre à certaines questions écrites du Tribunal. Elles ont déféré à ces demandes.

46      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 mai 2004.

47      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 30 avril 2002 ;

–        annuler la décision implicite de rejet de la réclamation de la requérante du 4 février 2002 ;

–        condamner la Commission à lui verser la somme de 1 583 500 euros en réparation des dommages moraux et matériels subis ;

–        condamner la Commission aux dépens.

48      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours contre la décision implicite de rejet de la réclamation de la requérante du 4 février 2002 comme irrecevable ;

–        rejeter le recours contre la décision du 30 avril 2002 comme non fondé ;

–        rejeter la demande en indemnité comme non fondée ;

–        statuer comme de droit sur les dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation de la décision du 30 avril 2002

49      Lors de l’audience, la requérante a renoncé au moyen tiré de la violation du droit d’accès aux documents.

50      Dès lors, la requérante ne fait plus valoir, en substance, que deux moyens à l’appui de sa demande en annulation de la décision du 30 avril 2002. Le premier moyen est tiré d’un défaut de motivation, le second d’une violation de l’article 24, premier alinéa, du statut.

 Sur le premier moyen, tiré d’un défaut de motivation

–       Arguments des parties

51      La requérante fait valoir que la motivation de la décision du 30 avril 2002 est contradictoire, bien que chaque partie de la décision soit, en elle-même, motivée.

52      Elle rappelle que l’AIPN a refusé de l’assister en justice parce que le résultat de l’enquête permettrait de supposer que les faits en cause n’ont pas été commis contre elle en raison de sa qualité et de ses fonctions, selon les termes de l’article 24 du statut. De même, l’AIPN s’opposerait à la mise en cause de la responsabilité de la Commission, en invoquant l’obligation de la requérante d’épuiser les « voies de recours internes » ainsi que la subordination de l’engagement de la responsabilité de la Commission à la commission d’une illégalité.

53      Or, d’après la requérante, l’AIPN exige qu’elle prouve que les faits de harcèlement dont elle se plaint ont été commis en raison de sa qualité de fonctionnaire et que la Commission a eu un comportement illégal, mais, simultanément, l’AIPN refuse de lui fournir les moyens d’apporter ces preuves.

54      La Commission fait valoir que la motivation de la décision du 30 avril 2002 n’est pas contradictoire et qu’elle remplit les exigences de la jurisprudence.

55      En particulier, la Commission soutient qu’il n’était nullement contradictoire de ne pas fournir les moyens d’apporter ces preuves et, simultanément, d’affirmer que rien n’empêchait la requérante de faire valoir ses droits devant un juge national, en soulignant que, conformément à la jurisprudence, il appartenait d’abord à la requérante de faire valoir ses droits à indemnité contre la collègue lui ayant causé un préjudice avant de mettre en cause la responsabilité de la Communauté.

–       Appréciation du Tribunal

56      L’obligation de motiver une décision faisant grief, prévue par l’article 25 du statut, a pour but à la fois de permettre au juge communautaire d’exercer son contrôle de la légalité de la décision attaquée et de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si cette décision est bien fondée ou si elle est entachée d’un vice permettant d’en contester la légalité (voir, notamment, arrêt de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22).

57      À cet égard, la décision du 30 avril 2002 fait notamment apparaître que la Commission a pris les mesures nécessaires pour établir la réalité des faits dont la requérante s’était plainte et pour en découvrir les auteurs. La décision rappelle qu’une collègue de la requérante a été sanctionnée pour une partie de ces faits. Il y est ainsi déduit, en ce qui concerne ces faits, que l’AIPN a fait droit à la demande d’assistance de la requérante. S’agissant des autres faits, la décision de la Commission constate que les investigations menées ont conclu qu’ils émanaient probablement d’un autre auteur non identifié. Plus particulièrement, quant aux faits non survenus dans les locaux de la Commission, l’enquête permettrait de supposer que la requérante n’en a pas été victime en raison de sa qualité et de ses fonctions au sens de l’article 24 du statut.

58      Dès lors, il convient de constater que, à supposer que la requérante ait réellement entendu se prévaloir d’un défaut de motivation, la décision du 30 avril 2002 expose la position de l’AIPN d’une manière suffisamment claire et répond, par conséquent, aux exigences posées par la jurisprudence.

59      En réalité, au soutien de sa critique de la motivation de la décision, la requérante entend mettre en évidence une contradiction dans le comportement de l’institution à son égard, qui aurait exigé d’elle qu’elle apporte une preuve de ses dires en lui refusant son aide pour l’obtenir. Or une telle critique relève du fond et non de la motivation de la décision attaquée.

60      Partant, il y a lieu de rejeter le premier moyen. C’est, par suite, dans le cadre du second moyen qu’elle sera examinée.

 Sur le second moyen, tiré de la violation de l’article 24, premier alinéa, du statut

–       Arguments des parties

61      La requérante allègue que l’obligation incombant à une institution, en vertu de l’article 24, premier alinéa, du statut, d’assister un fonctionnaire dans toute poursuite contre les auteurs de faits susceptibles de lui causer un préjudice en raison de sa qualité de fonctionnaire et de ses fonctions s’applique également lorsque ce fonctionnaire est victime d’attaques émanant d’autres fonctionnaires (arrêts du Tribunal du 21 avril 1993, Tallarico/Parlement, T‑5/92, Rec. p. II‑477, point 30, et du 11 octobre 1995, Baltsavias/Commission, T‑39/93 et T‑553/93, RecFP p. I-A‑233 et II‑695, point 58), que ces événements aient eu lieu à l’intérieur ou à l’extérieur des services de l’institution.

62      Par conséquent, lorsque la Commission est saisie de la plainte d’un fonctionnaire, elle devrait prendre les mesures adéquates, notamment préventives, pour mettre fin à la situation (arrêt du Tribunal du 5 décembre 2000, Campogrande/Commission, T‑136/98, RecFP p. I-A‑267 et II‑1225).

63      La requérante expose que, de 1996 au mois de février 2001, elle a subi plusieurs actes de harcèlement, sans que l’AIPN ait pris les mesures nécessaires pour identifier l’auteur de ceux-ci, alors qu’elle l’avait informée de la situation et que même une surveillance peu attentive aurait permis d’en identifier l’auteur.

64      Elle allègue que le SPS n’a jamais informé le service de sécurité du Conseil des dommages répétés subis par sa voiture dans le garage de ce dernier, pendant les heures de service. Elle estime que, si une enquête un peu plus approfondie avait été effectuée et si, par exemple, une surveillance sérieuse de sa voiture avait été organisée dans le garage du Conseil, l’auteur des faits aurait pu rapidement être identifié. À son avis, il était, en effet, presque certain que cette personne était un interprète du SCIC, puisque seul un fonctionnaire ayant accès aux garages des interprètes dans les différents bâtiments des institutions, à la salle des interprètes du SCIC et connaissant donc le mot de passe des ordinateurs de ce service pouvait être l’auteur des faits.

65      La requérante affirme que, chaque fois qu’elle s’est plainte, le SPS lui a demandé de faire preuve d’un maximum de discrétion, de n’en parler à personne afin de ne pas compromettre le résultat de l’enquête qu’il disait avoir effectuée et de l’informer de manière exclusive de tout événement qui pourrait survenir.

66      La requérante allègue que la Commission s’est limitée à entendre les déclarations des diverses parties et n’a effectué aucune enquête, alors que des faits graves avaient été commis dès 1998 et que l’institution en avait eu connaissance. En outre, les auditions des diverses parties auraient été superficielles. La Commission n’aurait pas, par exemple, vérifié la nature de la personnalité de la requérante, ce qui aurait permis de constater que, compte tenu de son caractère, il était exclu qu’elle se soit moquée, d’une manière ou d’une autre, de l’auteur des actes de harcèlement.

67      De surcroît, la requérante fait remarquer que, comme il ressort également du rapport d’enquête administrative du 18 septembre 2001, la situation au SCIC était difficile pendant la période allant de 1996 à 2000 et la disparition du courrier était une chose habituelle. Cependant, ce ne serait qu’au cours du printemps 2000 que l’installation de casiers individuels fermant à clé aurait été décidée. En tout état de cause, une clé passe-partout serait encore restée à la portée de tous.

68      Le comportement de la Commission serait d’autant plus inacceptable qu’elle connaissait le mauvais état de santé de la requérante, consécutif aux actes de harcèlement dont elle avait été victime. La requérante souligne que la Commission ne l’a soumise à un examen médical qu’en juillet 2002.

69      Elle ajoute que le fait que certains des actes de harcèlement ont été commis par une collègue et pendant les heures de service dans les locaux des institutions démontre qu’elle a été victime de harcèlement en raison de sa qualité et de ses fonctions.

70      Par ailleurs, la requérante conteste l’approche de la Commission selon laquelle cette dernière a agi de manière suffisante compte tenu du fait que la requérante avait elle-même contribué, par son comportement, à provoquer les agissements de Mme X. Elle n’aurait jamais formulé de remarques ou de moqueries à propos des problèmes de santé de Mme X. En outre, elle fait remarquer que, d’après Mme X, ces moqueries dateraient de 1994 et ne justifieraient donc en aucun cas des faits de harcèlement commis beaucoup plus tard.

71      La requérante regrette que le document intitulé « Analyse dossier procédure disciplinaire », élaboré par Mme X et annexé au rapport de l’enquête disciplinaire, ne lui ait pas été communiqué auparavant. Elle soutient qu’elle n’a pas pu le contester ni exprimer son point de vue au cours de la procédure interne. La requérante estime que ses droits de la défense ont été gravement méconnus et demande au Tribunal de retirer ce document du dossier ou, à tout le moins, de ne pas en tenir compte en raison de son caractère diffamatoire.

72      La Commission allègue, tout d’abord, que, contrairement à ce que la requérante soutient, l’article 24 du statut n’implique pas que les Communautés aient l’obligation d’assister le fonctionnaire dans toute poursuite, l’AIPN disposant d’un pouvoir d’appréciation dans le choix des mesures et des moyens à mettre en œuvre pour s’acquitter de l’obligation établie par cette disposition (arrêt Baltsavias/Commission, précité, points 58 et 59).

73      La Commission fait valoir que l’administration, tant au niveau du SPS que du service des procédures disciplinaires et administratives de la DG « Personnel et administration », a respecté ses obligations, en particulier s’agissant de son devoir d’enquête à propos des faits allégués par la requérante.

74      Elle soutient que le SPS a pris toutes les initiatives raisonnablement possibles. Il aurait réagi aux différents événements concernant la requérante en fonction de la nature des faits, de leur importance et des éléments d’information fournis.

75      Le SPS aurait procédé, dès 1997, à un suivi constant de chacune des plaintes de la requérante, et ce serait précisément une enquête du SPS qui aurait permis d’identifier l’auteur de certains des faits de harcèlement dénoncés par la requérante. La Commission se réfère à ce propos à la note du SPS du 30 mars 2001.

76      La Commission rappelle que, sur la base de cette enquête, a été ouverte à l’encontre de Mme X une procédure disciplinaire, qui a déterminé la responsabilité de cette dernière pour certains faits précis qu’elle aurait commis à l’encontre de la requérante. Mme X aurait été sanctionnée pour ces faits.

77      La Commission expose toutefois que les conclusions concordantes des enquêteurs du SPS ainsi que des enquêteurs désignés dans le cadre de la procédure disciplinaire ont montré que les éléments en présence semblaient indiquer qu’une ou plusieurs personnes autres que Mme X étaient à l’origine des autres faits de harcèlement subis par la requérante.

78      En ce qui concerne les faits ayant eu lieu à l’extérieur des locaux de l’administration, notamment des appels anonymes et des dommages causés à la carrosserie de la voiture de la requérante, et dont Mme X n’est pas non plus apparue comme responsable, la Commission indique que l’AIPN a considéré, à la lumière des résultats des différentes enquêtes, « qu’ils n’[avaient] pas été commis contre [la requérante] en raison de sa qualité et de ses fonctions », au sens de l’article 24, premier alinéa, du statut.

79      En outre, la Commission se réfère aux différentes interventions des services de la Commission qui ont été effectuées soit de manière générale, soit spécifiquement en vue de traiter le cas de la requérante.

80      Par ailleurs, la Commission rappelle que le travail du SPS s’est fondé notamment sur les informations fournies par la requérante. Or, ces dernières auraient été incomplètes et biaisées. La requérante aurait omis de mentionner le caractère conflictuel de la relation qu’elle entretenait avec sa collègue Mme X depuis des années et même avant leur entrée en fonctions au sein du SCIC. En outre, elle aurait également omis de faire état de ses propres agissements à l’encontre de cette collègue, lesquels auraient provoqué la réaction de cette dernière. La Commission souligne encore que les difficultés relationnelles entre Mme X et la requérante n’étaient pas de nature professionnelle, mais personnelle.

81      La Commission ajoute que la requérante n’indique pas en quoi l’examen médical de son état de santé par la Commission aurait pu avoir une quelconque pertinence en l’espèce. De plus, elle indique que cet examen a été effectué en juin 2000 par le Dr Dolmans, à la suite de la recommandation faite par le SPS à la requérante.

82      Enfin, en ce qui concerne le document intitulé « Analyse dossier procédure disciplinaire », élaboré par Mme X, la Commission conteste que la requérante n’ait pas eu la possibilité de présenter son point de vue. La Commission fait remarquer que, dans le témoignage de la requérante recueilli le 5 juillet 2001, celle-ci a déclaré n’avoir jamais fait de remarques humiliantes à propos de la santé et de l’aspect physique de Mme X. Cela prouverait que l’équipe chargée de conduire la procédure disciplinaire l’avait informée des accusations que Mme X portait contre elle. Par ailleurs, ce document correspondrait simplement à la déclaration faite par Mme X, le 29 juin 2001, lors de l’enquête disciplinaire.

–       Appréciation du Tribunal

83      L’article 24, premier alinéa, du statut dispose :

« Les Communautés assistent le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens dont il est ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions. »

84      Il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que, selon une jurisprudence constante, en vertu de l’obligation d’assistance, prévue par l’article 24, premier alinéa, du statut, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêt de la Cour du 26 janvier 1989, Koutchoumoff/Commission, 224/87, Rec. p. 99, points 15 et 16 ; arrêt Campogrande/Commission, précité, point 42).

85      Il résulte également d’une jurisprudence constante que, bien que l’article 24 du statut soit conçu avant tout en vue de protéger les fonctionnaires des Communautés européennes contre des attaques émanant de tiers, l’obligation d’assistance prévue par cet article existe également dans le cas où l’auteur des faits envisagés par cette disposition est un autre fonctionnaire des Communautés (arrêt de la Cour du 14 juin 1979, V/Commission, 18/78, Rec. p. 2093, point 15 ; arrêt Tallarico/Parlement, précité, point 30, et arrêt Campogrande/Commission, précité, point 41).

86      En l’espèce, il résulte du dossier, que la requérante a apporté un commencement de preuve de la réalité de certains agissements dont elle était l’objet, ce qui n’est pas contesté par les parties, sans toutefois donner d’indices qu’il s’agissait d’attaques subies en raison de sa qualité de fonctionnaire et de ses fonctions.

87      Dès lors, il convient d’examiner si la Commission a pris les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête.

88      La requérante, qui soutenait avoir été victime, depuis 1996, de plusieurs faits de harcèlement commis soit à son domicile, soit sur son lieu de travail, s’est plainte pour la première fois au SPS le 4 février 1997. Il ressort du dossier que, lors de cette rencontre, le SPS a invité la requérante à porter plainte auprès de la police d’Etterbeek ainsi qu’à formuler une demande d’identification des appels auprès de Belgacom, mais que la requérante n’a pas informé le SPS du résultat de ses démarches.

89      En outre, quand la requérante s’est manifestée à nouveau auprès du SPS, le 22 janvier 1998, à propos d’actes de vandalisme perpétrés sur sa voiture dans le garage du bâtiment du Conseil, le SPS l’a invitée à prendre contact avec le service de sécurité du Conseil, les faits étant de la compétence de ce dernier.

90      En ce qui concerne les disparitions de courriers et les falsifications de documents, dont la requérante s’est plainte le 10 juin 1998, il ressort également du dossier qu’elles ont fait l’objet de recherches et de vérifications de la part du SPS.

91      En novembre 1998, lorsque la requérante a signalé au SPS la disparition d’un billet d’avion, elle a déclaré nourrir des soupçons à l’égard de sa collègue Mme X, sans étayer toutefois ses soupçons ni donner de motif ou de mobile possible. Il s’est avéré impossible pour le SPS de déterminer si Mme X se trouvait ou non dans le bâtiment au moment de la disparition de ce billet.

92      En revanche, lorsque la requérante a repris contact avec le SPS en juin 2000, à la suite de nouvelles disparitions de courrier de son casier, elle a déclaré n’avoir aucun soupçon quant à l’auteur des faits.

93      Il ressort du dossier que, à la suite de ce contact, notamment, le passe-partout des casiers a été mis en un lieu sûr et inaccessible aux personnes non autorisées à en faire usage, que des scellés ont été apposés à l’intérieur du casier verrouillé de la requérante et que la serrure du casier de ladite requérante a été changée après une tentative d’effraction. Il en ressort également que, après avoir été informé par M. Y, le 28 juin 2000, que des appels téléphoniques anonymes étaient parvenus au domicile bruxellois de la requérante ainsi que chez sa mère en Espagne, le SPS a effectué des recherches pour identifier l’origine de ces appels, sans pourtant y parvenir.

94      Le 23 février 2001, le SPS a recueilli les déclarations de la requérante et de M. Y, et, à la suite de la déclaration de ce dernier (voir point 23 ci-dessus), il a également recueilli la déclaration de Mme X le 26 février 2001.

95      Lors de son audition du 23 février 2001, la requérante a déclaré être très surprise du fait que Mme X soit l’auteur d’actes de harcèlement. En outre, il ressort du dossier que la requérante avait omis de mentionner sa relation conflictuelle avec Mme X. Il ne pouvait dès lors, dans ces circonstances, être exigé de l’institution de diriger spécifiquement son enquête à l’encontre de Mme X dès 1998.

96      Le 30 mars 2001, le SPS a établi un rapport constatant que, d’après les renseignements obtenus de la requérante, celle-ci ne faisait plus l’objet de harcèlement. Selon ce rapport, il était possible que certains des faits dont la requérante avait été victime par le passé aient eu pour auteur une autre personne que Mme X.

97      La requérante a introduit sa demande d’assistance au titre de l’article 24, premier alinéa, du statut le 27 avril 2001. Elle demandait, notamment, l’ouverture de procédures disciplinaires à l’égard des responsables des faits en question et l’assistance en justice de l’AIPN.

98      Le 11 mai 2001, le directeur général de la DG « Personnel et administration », M. Reichenbach, a donné à Mme de Solà et à son équipe d’enquêteurs le mandat requis pour procéder à des auditions et pour rédiger un rapport concernant l’éventuelle responsabilité de Mme X dans le cadre de la procédure disciplinaire ouverte à son endroit au titre de l’article 87 du statut.

99      En outre, le 5 juin 2001, M. Barnett, chef de l’unité « Statut » de la DG « Personnel et administration », a informé la requérante qu’un fonctionnaire avait été spécialement désigné pour suivre son dossier et pour la tenir informée de l’évolution de la procédure. Il ajoutait que, « [c]ompte tenu de la gravité des faits [évoqués], une enquête s’av[érait] nécessaire et [que] l’unité ‘Procédures disciplinaires et administratives’ [...] a[vait] été chargée de la mener ».

100    Sous la conduite de Mme de Solà, des auditions ont été effectuées du 29 juin au 5 juillet 2001. Parmi les personnes auditionnées se trouvaient notamment la requérante et Mme X.

101    Le 11 septembre 2001, par lettre adressée à la requérante, citée au point 34 ci-dessus, M. Barnett l’a informée de la poursuite de l’enquête et de la possibilité de présenter une réclamation.

102    Le 18 septembre 2001, Mme de Solà a envoyé à M. Reichenbach le rapport d’enquête, cité au point 35 ci-dessus, qui avait été demandé dans le cadre de la procédure disciplinaire concernant Mme X.

103    Le 25 septembre 2001, Mme de Solà a adressé à M. Barnett une note, citée au point 36 ci-dessus, concernant la demande d’assistance présentée par la requérante au titre de l’article 24 du statut. Mme de Solà indique dans cette note que l’enquête du SPS a permis d’établir l’identité de l’auteur de certains faits dénoncés par la requérante, bien qu’une grande partie des faits dont elle a été victime par le passé émanent, probablement, d’un autre auteur. Selon la note, les faits reconnus par Mme X n’étaient pas motivés par les fonctions exercées par la requérante au sein du SCIC, et la requérante n’a donné aucune indication quant à l’existence d’un lien quelconque entre l’exercice de son travail en tant qu’interprète et les actes de harcèlement en question. Elle conclut que, en tout état de cause, le résultat des enquêtes a permis de supposer qu’il n’y avait pas de lien entre le harcèlement dont la requérante a été victime et les fonctions qu’elle exerçait, en tant que fonctionnaire, au sein de la Commission. De plus, étant donné que la requérante avait affirmé ne plus avoir de problèmes depuis le mois de février 2001, une nouvelle enquête s’inscrivant dans le cadre de la demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut n’a pas été jugée nécessaire.

104    La procédure administrative a pris fin avec la réponse explicite de l’AIPN, citée au point 41 ci-dessus, à la réclamation de la requérante. L’AIPN a constaté que les investigations avaient abouti à l’identification d’une personne ayant reconnu sa responsabilité concernant certains des faits en cause. L’AIPN a pris une sanction disciplinaire à l’égard de Mme X et a indiqué que la requérante pouvait utiliser cette information dans toute procédure en justice qu’elle souhaiterait introduire. L’AIPN a également constaté que les investigations menées avaient permis de conclure que les autres faits en question émanaient probablement d’un auteur distinct, qui n’avait pu être identifié. De plus, concernant les faits intervenus à l’extérieur des locaux de la Commission, le résultat de l’enquête permettait de supposer qu’ils n’avaient pas été commis contre la requérante en raison de sa qualité et de ses fonctions. L’AIPN a conclu que, dans ces circonstances, elle ne saurait accéder à la demande de la requérante d’être assistée en justice par la Commission.

105    Dès lors, il ressort de tout ce qui précède que, dès 1997, l’AIPN a réagi aux différentes plaintes de la requérante en fonction de la nature des faits, de manière proportionnée à leur importance et aux éléments fournis. En effet, il y a lieu de souligner que l’AIPN a, en temps utile, décidé d’ouvrir une enquête en vue de l’établissement des faits, procédé à cette enquête et mené une procédure disciplinaire à l’endroit de Mme X, déclarée responsable d’une partie des faits allégués. Partant, il ne saurait être reproché à l’AIPN de ne pas avoir pris les mesures nécessaires afin d’établir les faits à l’origine de la plainte et de ne pas avoir agi avec la rapidité et la diligence requises par son obligation d’assistance.

106    En outre, il y a lieu de rappeler que l’article 24 du statut requiert que la qualité de fonctionnaire de la requérante et ses fonctions soient à l’origine des agissements en cause. À cet égard, c’est en raison de cette qualité et de ces fonctions que doivent avoir été perpétrés les actes à la suite desquels l’assistance est sollicitée.

107    En l’espèce, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, le fait qu’une partie des faits de harcèlement ait été commise par une collègue de travail et pendant les heures de travail dans les locaux des institutions ne démontre pas, en soi, que la requérante ait été victime de harcèlement en raison de sa qualité et de ses fonctions. En effet, il ressort du dossier que la relation entre la requérante et Mme X était conflictuelle depuis plusieurs années déjà, et cela avant même leur entrée en fonctions au sein de la Commission. En outre, il ressort du dossier, notamment de témoignages émanant de différentes personnes, qu’il ne saurait être exclu que la requérante ait elle-même provoqué les agissements de Mme X par son propre comportement.

108    Dès lors, sur la base des éléments de fait du cas d’espèce, la Commission a légitimement pu considérer, après son enquête, que les difficultés relationnelles entre la requérante et Mme X n’étaient pas de nature professionnelle, mais personnelle. Il s’ensuit que les actes de harcèlement commis par Mme X, dont la requérante a été victime, n’ont pas été perpétrés en raison de sa qualité et de ses fonctions.

109    Par conséquent, la Commission n’était pas tenue d’assister la requérante en justice, au sens de l’article 24 du statut, comme la requérante l’a explicitement sollicité dans sa demande du 27 avril 2001, en ce qui concerne les actes commis par Mme X.

110    Enfin, en ce qui concerne les actes pour lesquels la responsabilité de Mme X n’a pas été établie et qui se sont déroulés soit à l’intérieur (voir, notamment, points 3, 6, 7, 9, 10, 12, 13, 16 à 19 et 22 ci-dessus), soit à l’extérieur des locaux des institutions communautaires (voir, notamment, points 3 à 8 ci-dessus), il y a lieu de considérer qu’il n’est pas démontré qu’ils aient été perpétrés en raison de la qualité et des fonctions de la requérante. De plus, à supposer même qu’ils aient été commis à ce titre, l’AIPN s’est dûment acquittée de son devoir d’assistance, eu égard aux faits de l’espèce. Dans ces circonstances, la Commission n’était pas non plus tenue d’assister la requérante en justice, en ce qui concerne les actes pour lesquels l’auteur n’a pas pu être identifié.

111    S’agissant de la demande de la requérante de retirer du dossier le document intitulé « Analyse dossier procédure disciplinaire », élaboré par Mme X, il convient de considérer qu’il n’y a pas lieu de faire droit à cette demande, ledit document ne présentant aucun caractère diffamatoire. Au surplus, et contrairement à ce qu’elle soutient, la requérante a pu exprimer son avis à propos des accusations que Mme X portait contre elle.

112    Dans ces conditions, il y a lieu de considérer qu’il ne peut être reproché à l’AIPN d’avoir violé l’article 24, premier alinéa, du statut. Dès lors, il convient de rejeter le second moyen de la requérante, sans qu’il soit nécessaire d’entendre des témoins à cet égard.

113    Par conséquent, les conclusions en annulation de la décision du 30 avril 2002 doivent être rejetées dans leur ensemble.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation de la décision implicite de rejet de la réclamation de la requérante du 4 février 2002

 Arguments des parties

114    La Commission excipe de l’irrecevabilité de la demande en annulation du rejet implicite opposé à la réclamation introduite par la requérante le 4 février 2002, visant à la reconnaissance comme maladie professionnelle des pathologies prétendument contractées en raison des actes de harcèlement perpétrés à son égard. La Commission souligne que, le 1er août 2002, avant l’introduction par la requérante de son recours dans la présente affaire, l’AIPN a adopté une décision adressée à la requérante. Cette décision indiquerait que ses troubles de santé constituent une cause d’invalidité, impliquant sa mise à la retraite avec bénéfice d’une pension d’invalidité fixée conformément à l’article 78, troisième alinéa, du statut. D’après la Commission, la même décision constitue une réponse explicite à la réclamation de la requérante.

115    Elle estime ainsi que la requérante aurait dû contester la décision du 1er août 2002 et non la décision implicite de rejet de sa réclamation introduite le 4 février 2002.

116    La Commission fait également remarquer que les conclusions de la commission d’invalidité, annexées à sa décision du 1er août 2002, ne se prononcent pas de manière définitive sur la détermination du caractère professionnel ou non de l’invalidité.

117    Par conséquent, elle soutient que le présent recours est sans objet et s’avère donc irrecevable. Elle invoque, par analogie, les arrêts de la Cour du 12 juillet 1988, Parlement/Conseil (377/87, Rec. p. 4017, point 20), et du Tribunal du 27 janvier 2000, BEUC/Commission (T‑256/97, Rec. p. II‑101), relatifs au recours en carence.

118    En outre, la Commission fait valoir qu’elle a assuré le suivi constant du dossier de la requérante depuis l’introduction de sa demande de reconnaissance de maladie d’origine professionnelle le 5 juillet 2001.

119    La requérante fait valoir que son recours est recevable, puisque la décision de la Commission du 1er août 2002 ne constitue pas une réponse à sa réclamation du 4 février 2002. La décision de la Commission concernerait uniquement la constatation de l’invalidité de la requérante et non sa cause. Au contraire, la réclamation viserait à ce que l’origine de la maladie de la requérante soit reconnue comme professionnelle. Or, la procédure pour déterminer la cause de l’invalidité serait toujours en cours.

 Appréciation du Tribunal

120    Il ressort de la jurisprudence que, même si la procédure prévue dans le cadre de l’article 73 du statut est en cours, la Commission peut prendre une décision sur la base de l’article 78, troisième alinéa, dudit statut (arrêt du Tribunal du 14 mai 1998, Lucaccioni/Commission, T‑165/95, RecFP p. I-A‑203 et II‑627). Si la Commission prend ultérieurement une décision par laquelle elle reconnaît l’origine professionnelle de la maladie, le fonctionnaire peut donc, sur la base de l’article 73, paragraphe 3, du statut, demander le remboursement de tous les frais médicaux, pharmaceutiques, d’hospitalisation, etc., ainsi que de tous les frais similaires occasionnés par la maladie professionnelle, dont il n’a pas pu obtenir remboursement en application de l’article 72 du statut (c’est-à-dire le remboursement « normal » de la caisse de maladie). Or, comme la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie suppose une enquête, en vertu de la réglementation relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires, et les conclusions des médecins désignés, la décision qui clôt cette procédure n’est pas nécessairement prise en même temps que la décision adoptée sur la base de l’article 78 du statut.

121    En outre, selon une jurisprudence constante, seuls font grief les actes ou les mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de ce dernier (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Grasselli/Commission, 32/68, Rec. p. 505, points 4 à 7 ; arrêt du Tribunal du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 28).

122    Il est également de jurisprudence constante que les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief et que ce n’est qu’à l’occasion d’un recours contre la décision prise au terme de la procédure que la requérante peut faire valoir l’irrégularité des actes antérieurs qui lui sont étroitement liés (ordonnance de la Cour du 24 mai 1988, Santarelli/Commission, 78/87 et 220/87, Rec. p. 2699, point 13 ; ordonnance du Tribunal du 25 octobre 1996, Lopes/Cour de justice, T‑26/96, RecFP p. I-A‑487 et II‑1357, point 19). Si certaines mesures purement préparatoires sont susceptibles de faire grief au fonctionnaire dans la mesure où elles peuvent influencer le contenu d’un acte attaquable ultérieur, ces mesures ne peuvent faire l’objet d’un recours indépendant et doivent être contestées à l’occasion d’un recours dirigé contre cet acte (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 11 juillet 1968, Van Eick/Commission, 35/67, Rec. p. 481, 500).

123    S’agissant d’une procédure menée au titre de l’article 73 du statut, le terme en est la décision finale de l’AIPN, prise sur la base de l’avis définitif de la commission médicale. C’est au moment de cette prise de décision que la position juridique du fonctionnaire se trouve affectée.

124    Dès lors, il convient de relever que, dans la mesure où la procédure de reconnaissance de l’origine professionnelle de la maladie de la requérante n’est pas achevée au jour de l’introduction du recours, le présent recours doit être considéré comme prématuré et, à ce titre, irrecevable.

 Sur les conclusions en indemnité

 Arguments des parties

125    La requérante estime que la Commission a violé l’article 288 CE et l’article 24, premier et deuxième alinéas, du statut, en ce qu’elle a refusé de l’indemniser.

126    Elle allègue que, en tout cas, une partie du dommage qu’elle a subi trouve sa cause dans les actes commis par un fonctionnaire des Communautés européennes.

127    En outre, elle fait valoir que la passivité et l’inefficacité de la Commission, en particulier du SPS, constituent une faute et donc un acte illégal.

128    La requérante allègue également que, dans la mesure où la Commission ne respecte pas l’article 24 du statut, elle engage sa responsabilité, conformément à l’article 288, paragraphe 2, CE.

129    Par conséquent, elle soutient que la responsabilité de la Commission est engagée, d’une part, pour ne pas avoir pris les mesures nécessaires pour mettre fin aux actes de harcèlement et, d’autre part, en raison des actes commis par le fonctionnaire harceleur.

130    En premier lieu, la requérante fait état de dommages matériels : 5 000 euros pour des dégâts causés à sa voiture ; 1 500 euros en raison des annulations de demandes de congé et des fausses demandes de congé ; 2 000 euros pour le vol du courrier professionnel et des billets d’avions, soit un total de 8 500 euros.

131    En deuxième lieu, elle revendique la somme de 50 000 euros pour les frais médicaux, et notamment pour le coût de son hospitalisation dans une clinique de Munich, du 12 septembre 2000 au 31 janvier 2001. Elle ajoute que ce montant devra être augmenté si son incapacité permanente est reconnue comme une maladie professionnelle.

132    En troisième lieu, elle évalue à 25 000 euros le préjudice moral provoqué par le harcèlement auquel elle a été soumise pendant quatre années.

133    En quatrième lieu, elle invoque un préjudice matériel et moral lié à l’interruption de sa carrière à la Commission en raison de son incapacité permanente, qu’elle évalue à 1 500 000 euros.

134    La requérante demande ainsi au Tribunal de condamner la Commission à lui verser la somme totale de 1 583 500 euros en réparation des dommages moraux et matériels subis.

135    Enfin, elle demande au Tribunal, s’il l’estime nécessaire, d’entendre comme témoins certains fonctionnaires de la Commission.

136    La Commission fait valoir que la requérante n’a prouvé à suffisance de droit ni l’illégalité de son comportement supposé, ni la réalité du dommage, ni l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du Tribunal du 21 février 1995, Moat/Commission, T‑506/93, RecFP p. I-A‑43 et II‑147, points 46 et 49, et du 18 mars 1997, Rasmussen/Commission, T‑35/96, RecFP p. I-A‑61 et II‑187, point 82).

137    En outre, elle estime avoir fait preuve d’un comportement qui a manifesté une exacte appréciation de ses obligations, notamment de celles issues de l’article 24 du statut, lors des différentes interventions, enquêtes et procédures menées par l’administration depuis 1997.

138    De plus, la Commission soutient que, pour les « faits précis mais limités » dont il a été prouvé par son enquête qu’ils trouvent leur origine dans le comportement d’un autre fonctionnaire, il résulte de l’article 24, deuxième alinéa, du statut que la responsabilité solidaire de l’administration est subsidiaire à celle de son auteur. Elle invoque la jurisprudence selon laquelle cette responsabilité est subordonnée à l’épuisement des voies de recours internes pour autant que celles-ci soient susceptibles d’aboutir à la réparation du dommage allégué. Le fonctionnaire prétendument lésé devrait au moins avancer des indices de nature à susciter des doutes sérieux quant au caractère efficace de la protection assurée par les voies de recours nationales (arrêts du Tribunal du 28 février 1996, Dimitriadis/Cour des comptes, T‑294/94, RecFP p. I-A‑51 et II‑151, points 67 et 68, et du 19 juin 1997, Forcat Icardo/Commission, T‑73/96, RecFP p. I-A‑159 et II‑485, point 20).

139    En ce qui concerne l’article 288 CE, invoqué par la requérante, la Commission rappelle qu’un litige entre un fonctionnaire et l’institution dont il dépend visant à la réparation d’un dommage se meut, lorsqu’il trouve son origine dans le lien d’emploi qui unit l’intéressé à l’institution, dans le cadre des articles 90 et 91 du statut et se trouve en dehors du champ d’application de l’article 288 CE, ainsi qu’il résulte de l’article 236 CE et de la jurisprudence (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Altmann e.a./Commission, T‑177/94 et T‑377/94, Rec. p. II‑2041, point 149).

140    Ainsi, d’après la Commission, en se fondant sur une prétendue violation de l’article 24 du statut et sur des dommages trouvant leur origine dans son activité professionnelle, la requérante se place dans le cadre statutaire. Elle ne saurait donc invoquer l’article 288 CE comme fondement de sa réclamation.

141    Enfin, la Commission soutient que la demande en indemnité de la requérante doit être rejetée, étant donné qu’elle a démontré qu’elle n’était pas responsable des faits dont elle est accusée.

 Appréciation du Tribunal

142    Il y a lieu de scinder l’examen de la demande d’indemnisation de la requérante, la première demande étant fondée sur une prétendue faute de la Commission et la seconde demande étant fondée sur la responsabilité solidaire de la Commission au titre de l’article 24, deuxième alinéa, du statut.

–       Sur la demande d’indemnisation fondée sur une prétendue faute de la Commission

143    La requérante soutient, en substance, que la Commission a négligé la surveillance des locaux, notamment des casiers et du garage du Conseil, pour établir l’identité de l’auteur des actes de harcèlement. Il convient de constater que cette demande est étroitement liée à la demande d’assistance.

144    Or, étant donné que l’examen de ce moyen, dans le cadre des conclusions en annulation de la décision du 30 avril 2002, n’a pas révélé de violation du devoir d’assistance qui incombait à la Commission en vertu de l’article 24 du statut, la demande en réparation du préjudice prétendument subi par la requérante en raison de la décision rejetant sa demande d’assistance doit être rejetée comme non fondée (arrêt Dimitriadis/Cour des comptes, précité, point 61). En effet, dans la mesure où la demande indemnitaire procède des conclusions en annulation qui viennent d’être rejetées comme dépourvues de tout fondement en droit, elle doit également être rejetée (voir ordonnance du Tribunal du 18 décembre 2003, Gómez-Reino/Commission, T‑215/02, non encore publiée au Recueil, point 81, et la jurisprudence citée).

145    En tout état de cause, si la faute alléguée résulte d’une négligence générale de la part de la Commission, distincte de son devoir d’assistance, il convient de constater que la requérante n’a pas établi la réalité des dommages matériels qu’elle invoque, tant pour le vol de son courrier professionnel et des billets d’avion que pour les falsifications de ses demandes de congé. De plus, en réponse à une question écrite du Tribunal, l’intéressée a confirmé que la disparition des billets d’avion n’avait pas eu de conséquences financières pour elle, car la Commission avait toujours pris en charge les frais complémentaires éventuellement engagés. En ce qui concerne les dégâts causés à la voiture de la requérante, le Tribunal ne se considère pas, dans les circonstances de l’espèce, en mesure de déterminer l’éventuel préjudice subi à ce titre.

146    En outre, le Tribunal estime que cette éventuelle négligence n’est pas de nature à donner lieu à une réparation au titre du préjudice moral.

–       Sur la demande relative à l’indemnisation au titre de la responsabilité solidaire de la Commission découlant de l’article 24, deuxième alinéa, du statut

147    Étant donné que les faits commis par Mme X comme ceux dont l’origine n’est pas établie n’ont pas été perpétrés en raison de la qualité et des fonctions de la requérante, l’article 24, deuxième alinéa du statut n’est pas applicable aux dommages causés par ces faits.

148    En tout état de cause, même à supposer que les actes de harcèlement aient été perpétrés en raison de la qualité et des fonctions de la requérante, il convient de rappeler que la recevabilité du recours en indemnité intenté par un fonctionnaire au titre de l’obligation solidaire et subsidiaire édictée par l’article 24, deuxième alinéa, du statut est subordonnée à l’épuisement des voies de recours nationales, pour autant que celles-ci assurent d’une manière efficace la protection des particuliers intéressés et puissent aboutir à la réparation du dommage allégué. En outre, le fonctionnaire prétendument lésé doit au moins avancer des indices de nature à susciter des doutes sérieux quant au caractère efficace de la protection assurée par les voies de recours nationales (arrêt du Tribunal du 26 octobre 1993, Caronna/Commission, T‑59/92, Rec. p. II‑1129, points 31 à 33 et 35 ; arrêt Dimitriadis/Cour des comptes, précité, point 68, et ordonnance Gómez-Reino/Commission, précitée, point 82).

149    Dès lors, étant donné que la procédure concernant l’éventuelle responsabilité de Mme X est encore pendante devant les juridictions nationales, la demande d’indemnisation doit être déclarée irrecevable.

150    En outre, comme il a été constaté au point 145 ci-dessus, la requérante n’a pas établi la réalité des dommages matériels.

151    En ce qui concerne la somme de 50 000 euros qu’elle invoque au titre des frais médicaux et, notamment, comme étant le coût de son hospitalisation dans une clinique de Munich, il y a lieu de relever qu’elle n’a produit devant le Tribunal aucun calcul à cet égard.

152    La procédure concernant la reconnaissance de l’origine professionnelle des pathologies dont souffre la requérante étant encore en cours, sa demande d’indemnisation est, en tout état de cause, prématurée. Il en va de même pour la demande d’indemnisation du préjudice matériel et moral découlant de l’interruption de la carrière de la requérante à la Commission en raison de son incapacité permanente.

153    Dans ces circonstances, la demande d’engagement de la responsabilité solidaire et subsidiaire de la Commission est irrecevable, les demandes en ce sens étant prématurées.

154    Par conséquent, les conclusions en indemnité doivent être rejetées dans leur ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’entendre des témoins à cet égard.

 Sur les dépens

155    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les dépens exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Legal

Tiili

Vilaras

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 9 mars 2005.

Le greffier

 

       Le président

H. Jung

 

       H. Legal       


* Langue de procédure : le français.

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