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Document 62022CO0561

    Domstolens beslut (nionde avdelningen) av den 7 mars 2023.
    Willy Hermann Service GmbH och DI mot Präsidentin des Landesgerichts Feldkirch.
    Begäran om förhandsavgörande från Bundesverwaltungsgericht (Innsbruck).
    Begäran om förhandsavgörande – Artikel 99 i domstolens rättegångsregler – Direktiv 2013/34/EU – Artiklarna 30 och 51 – Offentliggörande av årsbokslut – Sanktionsåtgärder som vidtas vid underlåtet offentliggörande – Vite som döms ut av allmän domstol – Förvaltningsmål där yrkande framställs om återbetalning av vitet som vunnit laga kraft – Regelverk som föreskriver att förvaltningsdomstol inte får ompröva vitet – Rättskraft – Effektivitetsprincipen – Proportionalitet.
    Mål C-561/22.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:167

    ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

    7 mars 2023 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Directive 2013/34/UE – Articles 30 et 51 – Publication des états financiers – Sanctions en cas de défaut de publication – Imposition d’astreintes par une juridiction civile – Procédure administrative visant le recouvrement desdites astreintes, devenues définitives – Réglementation excluant le réexamen desdites astreintes par une juridiction administrative – Autorité de la chose jugée – Principe d’effectivité – Proportionnalité »

    Dans l’affaire C‑561/22,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Bundesverwaltungsgericht, Außenstelle Innsbruck (tribunal administratif fédéral, antenne d’Innsbruck, Autriche), par décision du 18 août 2022, parvenue à la Cour le 24 août 2022, dans la procédure

    Willy Hermann Service GmbH,

    DI

    contre

    Präsidentin des Landesgerichts Feldkirch,

    LA COUR (neuvième chambre),

    composée de Mme L. S. Rossi (rapporteure), présidente de chambre, MM. J.‑C. Bonichot et S. Rodin, juges,

    avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte, en substance, sur l’interprétation du principe de l’autorité de la chose jugée et du principe d’effectivité, tels que reconnus par le droit de l’Union.

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Willy Hermann Service GmbH et DI, gérant de cette société, à la Präsidentin des Landesgerichts Feldkirch (présidente du tribunal régional de Feldkirch, Autriche) au sujet d’une procédure de recouvrement d’astreintes imposées par le Landesgericht Feldkirch (tribunal régional de Feldkirch, Autriche).

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

     La directive 2013/34/UE

    3        Le considérant 3 de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil (JO 2013, L 182, p. 19), énonce :

    « La coordination des dispositions nationales concernant la structure et le contenu des états financiers annuels et des rapports de gestion, les modes d’évaluation utilisés ainsi que la publication de ces documents pour ce qui concerne certaines formes d’entreprises à responsabilité limitée revêt une importance particulière quant à la protection des actionnaires, des associés et des tiers. Une coordination simultanée s’impose dans ces domaines pour ces formes d’entreprises, en raison du fait que, d’une part, certaines entreprises exercent leurs activités dans plus d’un État membre et, d’autre part, ces entreprises n’offrent aucune garantie aux tiers au-delà du montant de leur actif net. »

    4        Cette directive prévoit, à son article 30, intitulé « Obligation générale de publication » :

    « 1.      Les États membres veillent à ce que les entreprises publient, dans un délai raisonnable ne dépassant pas [douze] mois après la date de clôture du bilan, les états financiers annuels régulièrement approuvés et le rapport de gestion, accompagnés de l’avis du contrôleur légal des comptes ou du cabinet d’audit visé à l’article 34 de la présente directive, selon les modalités prévues par la législation de chaque État membre conformément au chapitre 2 de la directive 2009/101/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, tendant à coordonner, pour les rendre équivalentes, les garanties qui sont exigées, dans les États membres, des sociétés au sens de l’article 48, deuxième alinéa, du traité, pour protéger les intérêts tant des associés que des tiers (JO 2009, L 258, p. 11)].

    [...] »

    5        L’article 51 de ladite directive, intitulé « Sanctions », dispose :

    « Les États membres prévoient les sanctions applicables aux infractions aux dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive et prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer l’exécution de ces sanctions. Les sanctions ainsi prévues sont effectives, proportionnées et dissuasives. »

     Le droit autrichien

     L’UGB

    6        L’article 277 de l’Unternehmensgesetzbuch (code des entreprises), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« UGB »), intitulé « Publicité », dispose, à son paragraphe 1, que les représentants légaux des sociétés de capitaux sont tenus de présenter les comptes annuels auprès du tribunal compétent pour la tenue du registre des entreprises du lieu du siège de la société, au plus tard neuf mois après la date de clôture du bilan.

    7        L’article 283, paragraphe 1, de l’UGB prévoit que les représentants légaux de la société doivent respecter l’article 277 de l’UGB, sous peine d’être condamnés à des astreintes prononcées par le tribunal allant de 700 à 3 600 euros.

    8        L’article 283, paragraphes 2, 4 et 7, de l’UGB dispose :

    « (2)      Si la publication visée au paragraphe 1 n’a pas été effectuée avant le dernier jour du délai de publication et pour autant que la publication ne soit pas parvenue au juge avant le jour précédant l’adoption de l’ordonnance prononçant l’astreinte, il convient d’infliger, par voie d’ordonnance, sans procédure préalable, une astreinte de 700 euros, ou, pour les microsociétés de capitaux, de 350 euros (article 221, paragraphe 1a). Il peut être renoncé à adopter une ordonnance prononçant une astreinte lorsque l’organe visé au paragraphe 1 a manifestement été empêché, par un évènement imprévisible ou irrésistible, de procéder à la publication dans le délai imparti. Dans ce cas et pour autant que la publication n’ait pas encore été effectuée, il est possible, avant d’adopter l’ordonnance prononçant une astreinte, d’attendre l’expiration d’un délai de quatre semaines à compter de la levée de l’obstacle qui empêchait la publication. Les ordonnances prononçant une astreinte sont signifiées selon les mêmes modalités que les recours. L’organe concerné peut faire opposition à l’ordonnance prononçant une astreinte dans un délai de quatorze jours, faute de quoi cette ordonnance devient définitive. L’opposition doit énoncer les raisons justifiant l’inexécution des obligations visées au paragraphe 1. Un rétablissement de la situation antérieure peut être accordé en cas de non-respect du délai d’opposition [...]

    [...]

    (4)      Si la publication n’a toujours pas eu lieu dans les deux mois suivant l’expiration du dernier jour du délai de publication, une nouvelle astreinte de 700 euros ou, pour les microsociétés de capitaux, de 350 euros (article 221, paragraphe 1a), est imposée par voie d’ordonnance. Il en va de même à l’issue de chaque période de deux mois si le défaut de publication subsiste ; [...]

    [...]

    (7)      Les obligations imposées aux représentants légaux en vertu des articles 277 et 280 [de l’UGB] incombent aussi à la société. Si la société ne s’acquitte pas de ces obligations par l’intermédiaire de ses organes, il y a lieu de procéder en même temps à l’imposition d’astreintes à l’égard de la société elle-même, par application analogique des paragraphes 1 à 6. »

     Le GEG

    9        L’article 1er, paragraphe 1, point 2, du Gerichtliches Einbringungsgesetz (loi sur le recouvrement des frais de justice), du 31 octobre 1962 (BGBl. 288/1962), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après le « GEG »), dispose que cette loi régit, entre autres, le recouvrement des sanctions pécuniaires.

    10      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, du GEG :

    « Les décisions définitives et exécutoires des juridictions et des autorités administratives, qui déterminent le montant des sommes visées au paragraphe 1 et l’obligation de les payer, constituent des titres exécutoires au sens de [l’Exekutionsordnung (code de l’exécution)].

    [...] »

    11      L’article 6, paragraphe 1, du GEG énonce que le président du Landesgericht (tribunal régional) constitue l’autorité compétente pour l’imposition des montants, au sens de l’article 1er, paragraphe 1, pour lesquels un titre exécutoire, au sens de l’article 1er, paragraphe 2, n’existe pas encore.

    12      L’article 6b, paragraphe 4, du GEG prévoit :

    « La procédure de recouvrement par voie d’administration de la justice ne permet de contrôler ni l’existence ni la légalité d’une obligation de paiement dont le principe et le montant ont déjà été définitivement établis dans la procédure de base. »

    13      L’article 7 du GEG dispose, à son paragraphe 1, que toute personne qui s’estime lésée par le contenu d’une décision peut, dans un délai de quatorze jours, former une opposition contre celle-ci. Aux termes du paragraphe 2 de cet article, l’ordre de paiement est dépourvu de tout effet juridique dès l’introduction de l’opposition.

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    14      Willy Hermann Service est une société à responsabilité limitée inscrite au registre autrichien du commerce et des sociétés. Durant plusieurs années, le gérant de cette société, DI, n’a pas déposé les comptes annuels de cette dernière auprès de la juridiction chargée de la tenue du registre du commerce et des sociétés, le Landesgericht Feldkirch (tribunal régional de Feldkirch), au motif que cela aurait entraîné la divulgation de données privées et aurait, par conséquent, causé des préjudices économiques au détriment de la société et de ses associés.

    15      L’obligation de publier annuellement les comptes de la société ayant été enfreinte, le Landesgericht Feldkirch (tribunal régional de Feldkirch) a, pour la période allant du 3 février 2012 au 15 juin 2022, imposé aux requérants au principal de multiples astreintes afin de les obliger à divulguer les états financiers de la société. D’autres astreintes ont, par ailleurs, été prononcées pour défaut de publication pour les années 1999 à 2020. Au total, le Landesgericht Feldkirch (tribunal régional de Feldkirch) a, par une décision du 17 août 2021, imposé à Willy Hermann Service ainsi qu’à DI, 21 astreintes d’un montant total de 21 700 euros. Les requérants au principal n’ayant contesté ni quant à leur principe ni quant à leur montant les décisions leur imposant ces astreintes, celles-ci sont, partant, devenues définitives.

    16      Le 5 octobre 2021, le Landesgericht Feldkirch (tribunal régional de Feldkirch) a, par ordre de paiement, enjoint aux requérants au principal d’acquitter les astreintes dans un délai de quatorze jours, sous peine de recouvrement forcé. Les requérants au principal ont formé devant la juridiction de renvoi une opposition contre cet ordre de paiement, ce qui a eu pour conséquence que les effets juridiques de celui-ci ont cessé de plein droit. Dans le cadre de cette opposition, les requérants au principal indiquent qu’ils visent avant tout à faire constater l’illégalité des astreintes cumulatives qui leur ont été imposées.

    17      En référence à une jurisprudence de la Cour selon laquelle les juridictions nationales doivent assurer l’application et l’exécution correctes des directives, la juridiction de renvoi se demande si, en vue d’exécuter cette obligation en ce qui concerne les articles 30 et 51 de la directive 2013/34, elle est tenue de laisser inappliqué le droit national, en vertu duquel cette juridiction n’est pas compétente pour examiner la légalité de la sanction, devenue définitive, imposée lors d’une procédure antérieure devant la juridiction civile compétente. En outre, la juridiction de renvoi s’interroge, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où il lui incomberait, en vertu du droit de l’Union, de contrôler au fond la légalité de cette sanction, sur l’interprétation à donner au principe ne bis in idem énoncé à l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

    18      Dans ces conditions, le Bundesverwaltungsgericht, Außenstelle Innsbruck (tribunal administratif fédéral, antenne d’Innsbruck, Autriche) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      Dans le cadre d’une procédure administrative portant sur le recouvrement d’astreintes qui ont été prononcées par une juridiction ordinaire, qui sont devenues définitives, qui se sont accumulées pendant plusieurs années et qui ont été infligées en raison d’une violation des obligations de publication qui incombent légalement chaque année aux sociétés de capitaux et à leurs représentants légaux, ou dans le cadre d’une procédure administrative contentieuse contrôlant cette procédure, convient-il d’examiner l’exigence imposée par le droit de l’Union selon laquelle ces astreintes doivent être adaptées, et ce même lorsque cette procédure a exclusivement pour objet le recouvrement de telles astreintes définitives, sans qu’il existe, compte tenu du principe de séparation des pouvoirs entre la justice et l’administration, de possibilité juridique pour l’autorité administrative ou le juge administratif de contrôler une nouvelle fois ces astreintes quant à leur bien-fondé et à leur montant ?

    2)      Un système de recouvrement des astreintes définitives tel que celui prévu aux articles 6 et suivants du [GEG], lus en combinaison avec l’article 283 de [l’UGB], dans lequel, en raison d’une disposition juridique expresse (article 6b, paragraphe 4, du [GEG]), il ne peut plus être examiné si de telles sanctions sont adaptées, s’oppose-t-il au droit de l’Union lorsque, dans le cadre de la procédure juridictionnelle par laquelle ces astreintes sont infligées (la procédure de base), il existe des recours visant à contrôler si celles-ci sont adaptées, et ce même lorsque une reformatio in pejus est possible, se produit en pratique et que, pour cette raison, ces recours ne sont pas épuisés ?

    Si la deuxième question appelle une réponse affirmative de la Cour [...] :

    3)      Le droit de l’Union, en particulier l’exigence ne bis in idem énoncée à l’article 50 de la [charte des droits fondamentaux], s’oppose-t-il à une réglementation nationale qui, à l’instar de l’article 283 de [l’UGB], [d’une part], prévoit, pour des faits de même nature qui se répètent sur une longue période, plusieurs sanctions étroitement échelonnées dans le temps, afin de contraindre une personne à effectuer un acte prévu par la loi (publication, par le représentant légal d’une société de capitaux, des états financiers annuels, du rapport de gestion et de certains autres documents, conformément à l’article 277 de [l’UGB]), et[, d’autre part,] prévoit, en raison des mêmes faits, de manière cumulative, des sanctions tant pour le gérant d’une société de capitaux que pour cette société elle-même ?

    4)      Est-il permis, dans le cadre de la procédure de recouvrement, d’imposer le paiement d’astreintes qui ont été prononcées par le juge, sont devenues définitives et ont été infligées en raison du refus, chaque année, par le représentant légal d’une société de capitaux, de présenter, conformément à l’article 277 de [l’UGB], des documents tels que les états financiers annuels et le rapport de gestion, qui se sont ajoutées et accumulées pendant de nombreuses années et sont donc devenues disproportionnées, ou ces astreintes doivent-elles être écartées en tout ou en partie en tant qu’elles sont contraires au droit de l’Union ? »

     Sur les questions préjudicielles

    19      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, notamment lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque cette réponse ne laisse place à aucun doute raisonnable.

    20      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

     Sur les première et deuxième questions

    21      Par ses première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale qui prévoit qu’une juridiction administrative, statuant sur le recouvrement d’astreintes imposées à une société et à son gérant pour défaut de publication des comptes annuels, est liée par la décision de la juridiction civile, devenue définitive, ayant imposé ces astreintes et ayant fixé leur montant en vue d’assurer le respect des obligations résultant des articles 30 et 51 de la directive 2013/34, tels que transposés dans le droit interne.

    22      À cet égard, il convient, en premier lieu, de rappeler l’importance que revêt le principe de l’autorité de la chose jugée dans les ordres juridiques des États membres et de l’Union. En effet, en vue de garantir tant la stabilité du droit et des relations juridiques qu’une bonne administration de la justice, il importe que des décisions juridictionnelles devenues définitives après épuisement des voies de recours disponibles ou après expiration des délais prévus pour ces recours ne puissent plus être remises en cause (arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

    23      Partant, le droit de l’Union n’impose pas au juge national d’écarter l’application des règles de procédure internes conférant l’autorité de la chose jugée à une décision juridictionnelle, même si cela permettrait de remédier à une situation nationale qui serait, le cas échéant, incompatible avec ce droit (voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

    24      En second lieu, il est constant que la directive 2013/34 et, notamment, son article 51 ne régissent pas les modalités des recours destinés à permettre aux justiciables de contester les décisions qui leur imposent des sanctions visées à cette dernière disposition.

    25      À cet égard, il ressort également de la jurisprudence de la Cour que, en l’absence de réglementation de l’Union en la matière, les modalités de mise en œuvre du principe de l’autorité de la chose jugée relèvent de l’ordre juridique interne des États membres, en vertu du principe de l’autonomie procédurale de ces derniers, dans le respect, toutefois, des principes d’équivalence et d’effectivité (arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 21 ainsi que jurisprudence citée).

    26      En effet, conformément au principe de coopération loyale consacré à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les modalités procédurales des recours destinés à assurer la sauvegarde des droits que les justiciables tirent du droit de l’Union ne doivent pas être moins favorables que celles concernant des recours similaires de nature interne (principe d’équivalence) et ne doivent pas rendre impossible en pratique ou excessivement difficile l’exercice des droits conférés par l’ordre juridique de l’Union (principe d’effectivité) (arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 22 ainsi que jurisprudence citée).

    27      Les exigences découlant de ces principes valent tant pour ce qui est de la désignation des juridictions compétentes pour connaître des actions fondées sur ce droit qu’en ce qui concerne la définition des modalités procédurales régissant de telles actions (arrêt du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

    28      S’agissant, d’une part, du principe d’équivalence, il y a lieu de relever que la Cour ne dispose d’aucun élément de nature à susciter un doute quant à la conformité de la réglementation nationale en cause au principal à ce principe.

    29      D’autre part, en ce qui concerne le principe d’effectivité, il est de jurisprudence constante que la question de savoir si une disposition procédurale nationale rend impossible ou excessivement difficile l’application du droit de l’Union doit être analysée en tenant compte de la place de cette disposition dans l’ensemble de la procédure, de son déroulement et de ses particularités, devant les diverses instances nationales. Dans cette perspective, il convient de prendre en considération, le cas échéant, les principes qui sont à la base du système juridictionnel national, tels que la protection des droits de la défense, le principe de sécurité juridique et le bon déroulement de la procédure (arrêts du 24 octobre 2018, XC e.a., C‑234/17, EU:C:2018:853, point 49, ainsi que du 2 avril 2020, CRPNPAC et Vueling Airlines, C‑370/17 et C‑37/18, EU:C:2020:260, point 93 ainsi que jurisprudence citée).

    30      En l’occurrence, il importe de rappeler que l’article 6b, paragraphe 4, du GEG, fait, en substance, obstacle à ce que la juridiction administrative, qui est, dans l’affaire au principal, la juridiction de renvoi, saisie d’une opposition formée contre le recouvrement de sanctions pécuniaires, dont le principe et le montant ont déjà été définitivement établis dans la procédure au fond par une juridiction civile, remette en cause le principe et le montant de ces sanctions, et cela même dans l’hypothèse dans laquelle la situation au principal pourrait s’avérer incompatible avec le droit de l’Union.

    31      À cet égard, il est constant que la procédure au fond au terme de laquelle la juridiction civile a adopté la décision imposant les astreintes, laquelle est devenue définitive, est fondée sur l’article 283 de l’UGB.

    32      Il résulte de cet article que, dès lors qu’une société ne respecte pas l’obligation de publication de ses états financiers dans le délai de neuf mois suivant la date de clôture de son bilan, telle que prévue à l’article 277 de l’UGB, la juridiction civile, chargée de tenir le registre des sociétés, est tenue de lui imposer, une fois le délai de publication expiré, une astreinte de 700 euros, renouvelable tous les deux mois, pour autant que la publication ne soit pas intervenue entre-temps. La société concernée dispose d’un délai de quatorze jours pour introduire un recours motivé contre l’ordonnance imposant l’astreinte, ce qui rend cette dernière caduque. En l’absence de recours dans le délai imparti, ladite ordonnance devient définitive.

    33      Ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, l’article 283 de l’UGB s’insère dans un contexte normatif qui vise à transposer les règles harmonisées établies au niveau de l’Union par lesquelles, dans l’objectif primordial de protéger les intérêts des tiers énoncé au considérant 3 de la directive 2013/34, les États membres doivent veiller à la publicité des états financiers annuels des sociétés, telle qu’elle est prévue à l’article 30 de cette directive, et, afin d’assurer l’exécution de cette obligation, déterminer, conformément à l’article 51 de ladite directive, des sanctions efficaces, proportionnées et dissuasives [voir en ce sens, en ce qui concerne l’interprétation des dispositions de la quatrième directive 78/660/CEE du Conseil, du 25 juillet 1978, fondée sur l’article 54 paragraphe 3 sous g) du traité et concernant les comptes annuels de certaines formes de sociétés (JO 1978, L 222, p. 11), arrêt du 3 mai 2005, Berlusconi e.a., C‑387/02, C‑391/02 et C‑403/02, EU:C:2005:270, points 58, 62 et 65]. En effet, ainsi que la Cour l’a constaté au point 86 de l’arrêt du 26 septembre 2013, Texdata Software (C‑418/11, EU:C:2013:588), la procédure, prévue par le régime de sanctions institué à l’article 283 de l’UGB, vise à assurer le respect plus rapide et efficace de l’obligation de publicité dans l’intérêt général d’une meilleure protection des tiers et des associés.

    34      S’agissant du délai de quatorze jours, prévu à l’article 283, paragraphe 2, de l’UGB, au cours duquel un recours contre l’ordonnance imposant les astreintes peut être introduit, la Cour a précisé que ce délai n’est pas, en principe, matériellement insuffisant pour préparer et former un recours effectif, étant donné que, premièrement, la publication des comptes prévue à l’article 277, paragraphe 1, de l’UGB est régulière et généralement connue des intéressés, deuxièmement, cette disposition prévoit que cette publication doit intervenir dans les neuf mois suivant la date de clôture du bilan de la société concernée et, troisièmement, conformément à l’article 283, paragraphe 2, de l’UGB, il est possible de suspendre ce délai lorsqu’un évènement imprévu et inévitable empêche d’effectuer la publication en temps utile (arrêt du 26 septembre 2013, Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, points 80 et 81).

    35      Par ailleurs, au terme de l’examen effectué aux points 80 à 87 de ce même arrêt, la Cour a considéré que le régime des sanctions, établi à l’article 283 de l’UGB, respectait le droit à une protection juridictionnelle effective ainsi que les droits de la défense (arrêt 26 septembre 2013, Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, point 88).

    36      Par conséquent, ainsi que la juridiction de renvoi l’a relevé à juste titre, c’est dans le cadre de la procédure d’imposition des astreintes et de la fixation de leur montant, prévue à l’article 283 de l’UGB, qu’est assuré aux personnes auxquelles il incombe de publier les états financiers de la société concernée le droit de contester, de manière effective, la légalité des astreintes qui leur ont été imposées en cas de défaut de publicité de ces états. À cette occasion, ces personnes peuvent notamment faire valoir l’éventuel caractère disproportionné desdites astreintes devant la juridiction nationale compétente qui, dans ce cadre, tient compte des circonstances concrètes du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2013, Texdata Software, C‑418/11, EU:C:2013:588, points 51, 52, 55 et 82).

    37      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que l’article 6b, paragraphe 4, du GEG, en ce qu’il s’oppose à ce qu’une juridiction administrative saisie d’une opposition formée contre le recouvrement d’astreintes imposées au titre de l’article 283 de l’UGB, dont le principe et le montant ont déjà été définitivement établis dans la procédure au fond par une juridiction civile, remette en cause le principe et le montant de ces astreintes, est conforme aux exigences qui découlent du droit de l’Union, à savoir le principe d’effectivité ainsi que, sous réserve des vérifications qui incombent à la juridiction de renvoi, le principe d’équivalence.

    38      Partant, il n’est pas nécessaire d’examiner si la juridiction de renvoi, qui est, en l’occurrence, saisie d’une telle opposition, doit procéder à une interprétation de l’article 6b, paragraphe 4, du GEG, qui, selon cette juridiction, serait conforme aux exigences qui découlent du droit de l’Union.

    39      En tout état de cause, il convient de rappeler que le principe d’interprétation conforme du droit national connaît certaines limites. Ainsi, l’obligation, pour le juge national, de se référer au contenu du droit de l’Union lorsqu’il interprète et applique les règles pertinentes du droit interne est limitée par les principes généraux du droit, y compris par le principe de sécurité juridique, et ne peut servir de fondement à une interprétation contra legem du droit national (arrêt du 12 mai 2021, technoRent International e.a., C‑844/19, EU:C:2021:378, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

    40      Ainsi, une telle obligation ne saurait conduire la juridiction nationale à outrepasser les limites de ses compétences, telles qu’elles résultent de l’article 6b, paragraphe 4, du GEG. En effet, si tel était le cas, la juridiction nationale serait amenée à procéder, ainsi qu’elle l’a relevé elle-même dans sa décision de renvoi, à une interprétation contra legem de cette disposition.

    41      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et deuxième questions que le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit qu’une juridiction administrative, statuant sur le recouvrement d’astreintes imposées à une société et à son gérant pour défaut de publication des comptes annuels, est liée par la décision de la juridiction civile, devenue définitive, ayant imposé ces astreintes et ayant fixé leur montant en vue d’assurer le respect des obligations résultant des articles 30 et 51 de la directive 2013/34, tels que transposés dans le droit interne.

     Sur les troisième et quatrième questions

    42      Compte tenu de la réponse apportée aux première et deuxième questions, il n’y a pas lieu de répondre aux troisième et quatrième questions.

     Sur les dépens

    43      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

    Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

    Le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne s’oppose pas à une réglementation nationale qui prévoit qu’une juridiction administrative, statuant sur le recouvrement d’astreintes imposées à une société et à son gérant pour défaut de publication des comptes annuels, est liée par la décision de la juridiction civile, devenue définitive, ayant imposé ces astreintes et ayant fixé leur montant en vue d’assurer le respect des obligations résultant des articles 30 et 51 de la directive 2013/34/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, relative aux états financiers annuels, aux états financiers consolidés et aux rapports y afférents de certaines formes d’entreprises, modifiant la directive 2006/43/CE du Parlement européen et du Conseil et abrogeant les directives 78/660/CEE et 83/349/CEE du Conseil, tels que transposés dans le droit interne.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’allemand.

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