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Document 62022CO0067

Domstolens beslut (sjätte avdelningen) av den 1 september 2022.
Pharol SGPS SA mot Autoridade Tributária e Aduaneira.
Begäran om förhandsavgörande från Supremo Tribunal Administrativo.
Begäran om förhandsavgörande – Artikel 99 i domstolens rättegångsregler – Artiklarna 63 och 65 FEUF – Fri rörlighet för kapital – Inkomstskatt för juridiska personer – Utdelning som uppburits från ett bolag etablerat i det mottagande bolagets medlemsstat – Utdelning som uppburits från ett bolag etablerat i ett tredjeland – Nationell lagstiftning för undvikande av dubbelbeskattning – Skillnad i behandling – Restriktion – Motivering – Effektiv skattekontroll – Ingen avtalad förpliktelse att lämna skatteinformation.
Mål C-67/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:635

ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)

1er septembre 2022 (*) 

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Articles 63 et 65 TFUE – Libre circulation des capitaux – Impôt sur le revenu des personnes morales – Dividendes perçus d’une société établie dans l’État membre de la société bénéficiaire – Dividendes perçus d’une société établie dans un pays tiers – Réglementation nationale visant l’élimination de la double imposition – Différence de traitement – Restriction – Justification – Efficacité des contrôles fiscaux – Absence d’obligation conventionnelle de communication d’informations fiscales »

Dans l’affaire C‑67/22,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal), par décision du 16 décembre 2021, parvenue à la Cour le 2 février 2022, dans la procédure

Pharol SGPS SA, anciennement Portugal Telecom SGPS SA,

contre

Autoridade Tributária e Aduaneira,

LA COUR (sixième chambre),

composée de Mme I. Ziemele (rapporteure), présidente de chambre, MM. P. G. Xuereb et A. Kumin, juges,

avocat général : Mme T. Ćapeta,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 63 et 65 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Pharol SGPS SA, anciennement Portugal Telecom SGPS SA (ci-après « Pharol »), à l’Autoridade Tributária e Aduaneira (autorité fiscale et douanière, Portugal) (ci-après l’« administration fiscale ») au sujet du refus de cette dernière d’accorder à Pharol une déduction de son bénéfice imposable des dividendes distribués par une société établie dans un pays tiers.

 Le droit portugais

3        L’article 46, paragraphe 1, du Código do Imposto sobre o Rendimento das Pessoas Coletivas (code de l’impôt sur le revenu des personnes morales), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « CIRC »), intitulé « Élimination de la double imposition des bénéfices distribués », prévoit :

« Les revenus, compris dans la base d’imposition, correspondant à des bénéfices distribués sont déduits du bénéfice imposable des sociétés commerciales ou civiles sous forme commerciale, des coopératives et des entreprises publiques, ayant leur siège ou leur direction effective sur le territoire portugais, dès lors que les conditions suivantes sont remplies :

a)      la société qui distribue les bénéfices a son siège ou sa direction effective sur le même territoire et est assujettie à l’impôt sur les sociétés et non exonérée de celui-ci ou est assujettie à l’impôt visé à l’article 7 ;

[...]

c)      l’entité bénéficiaire détient directement au moins 10 % du capital social de la société qui distribue les bénéfices ou la valeur d’acquisition de cette part est d’au moins 20 000 000 euros [...] ;

[...] »

4        L’article 46, paragraphe 5, du CIRC dispose, en substance, que les dispositions du paragraphe 1 de cet article s’appliquent également lorsqu’une entité résidant sur le territoire portugais détient, dans les termes et conditions y visés, une part du capital social d’une entité résidente d’un autre État membre de l’Union européenne.

5        L’article 31, paragraphe 1, de l’Estatuto dos Benefícios Fiscais (statut des avantages fiscaux), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« EBF »), prévoit que l’article 46, paragraphes 1 et 5, du CIRC est applicable aux sociétés ayant pris la forme de sociétés de gestion de participations sociales (SGPS) et aux sociétés de capital-risque (SCR).

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

6        Pharol est la société faitière de Groupo PT (ci-après le « groupe PT »). PT Ventures SGPS, qui faisait partie du groupe PT, a perçu, au cours de l’année 2005, des dividendes distribués par Unitel, une société établie à Luanda (Angola), dans laquelle elle détenait 25 % du capital social. Unitel était soumise en Angola au régime général de l’impôt sur les entreprises.

7        Lors de la détermination du bénéfice imposable de PT Ventures SGPS au titre de l’exercice fiscal 2005, le montant correspondant aux dividendes distribués par Unitel, à savoir 13 290 952 euros, a été considéré comme un bénéfice. PT Ventures SGPS n’avait en effet pas déduit de son bénéfice imposable les dividendes distribués par Unitel, en vertu de l’article 46 du CIRC et de l’article 31, paragraphe 1, de l’EBF. Les dividendes distribués par Unitel ont ainsi contribué à la détermination du revenu imposable consolidé du groupe PT, déclaré par Pharol pour l’exercice fiscal 2005 et, partant, à celle du montant dû par cette dernière au titre de l’impôt sur les revenus des personnes morales pour cet exercice, dont elle s’est acquittée auprès de l’administration fiscale sur la base du système d’autoliquidation qui lui était applicable.

8        Le 31 mai 2010, Pharol a introduit une demande de révision gracieuse auprès de l’administration fiscale par laquelle elle a notamment sollicité l’annulation de l’acte d’autoliquidation de l’impôt sur les revenus des personnes morales relatif à l’exercice fiscal 2005 et le remboursement corrélatif du montant qu’elle estimait avoir indûment versé au titre de cet impôt, au motif que l’impossibilité de déduire les dividendes distribués par Unitel de son bénéfice imposable était contraire à l’article 63 TFUE.

9        Cette demande ayant été rejetée, Pharol a introduit un recours devant le Tribunal Tributário de Lisboa (tribunal fiscal de Lisbonne, Portugal), qui a également été écarté, par un jugement du 21 mars 2016.

10      Cette juridiction a considéré que l’article 46, paragraphes 1 et 5, du CIRC et l’article 31, paragraphe 1, de l’EBF avaient pour effet de dissuader les contribuables résidant au Portugal d’investir leurs capitaux dans des sociétés établies en dehors de l’Espace économique européen, de telle sorte que cette réglementation constituait une restriction aux mouvements de capitaux, interdite, en principe, par l’article 63, paragraphe 1, TFUE.

11      Cependant, la nécessité d’assurer l’efficacité des contrôles fiscaux était susceptible, selon ladite juridiction, de justifier cette restriction, puisque l’administration fiscale ne pouvait exiger des entités angolaises, faute de disposition conventionnelle à cet effet, des informations relatives aux conditions d’application du régime plus favorable prévu à l’article 46, paragraphe 1, du CIRC et à l’article 31, paragraphe 1, de l’EBF.

12      Pharol a saisi le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême, Portugal) d’un pourvoi contre ce jugement du 21 mars 2016. À l’appui de celui-ci, Pharol fait valoir, tout d’abord, que l’application du régime découlant de l’article 46, paragraphes 1 et 5, du CIRC, qui consacre un système d’élimination de la double imposition économique des dividendes distribués, n’est pas subordonnée à l’existence d’un quelconque accord de coopération administrative entre la République portugaise et l’État de résidence de la société distribuant les dividendes, de sorte que la restriction en cause ne saurait être justifiée par la nécessité d’assurer l’efficacité des contrôles fiscaux. En effet, cette disposition, ainsi que l’article 31, paragraphe 1, de l’EBF, s’appliquerait tant aux pays tiers avec lesquels la République portugaise a effectivement conclu des conventions contenant des dispositions sur l’échange de renseignements fiscaux, qu’aux pays tiers avec lesquels cet État membre n’a pas conclu de tels accords, tels que la République d’Angola.

13      Ensuite, il résulterait de la jurisprudence de la Cour, et plus particulièrement des arrêts du 18 décembre 2007, A (C‑101/05, EU:C:2007:804), et du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen (C‑436/08 et C‑437/08, EU:C:2011:61), que, lorsqu’il est effectivement possible d’obtenir la preuve du respect des conditions pertinentes sans la coopération du pays tiers, une restriction à la libre circulation des capitaux doit être considérée comme injustifiée et, partant, contraire au droit de l’Union.

14      Enfin, le régime national d’élimination de la double imposition économique des bénéfices distribués, tel qu’il découle de l’article 46, paragraphes 1 et 5, du CIRC et de l’article 31, paragraphe 1, de l’EBF, ne prévoirait pas de procédures spéciales de vérification du respect des conditions d’application respectives, de sorte qu’il admettrait tous les moyens de preuve prévus dans l’ordre juridique national. Or, Pharol aurait, par les moyens de preuve à sa disposition, démontré le respect de toutes les exigences dont dépendait l’application, aux dividendes distribués par Unitel, du régime d’élimination de la double imposition économique des bénéfices distribués.

15      Le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) indique que la situation en cause au principal répond à toutes les conditions d’application de l’article 46, paragraphe 1, du CIRC et de l’article 31, paragraphe 1, de l’EBF, à l’exception de celle exigeant que l’entité distribuant les bénéfices soit établie sur le territoire portugais ou dans un autre État membre de l’Union, et que le groupe PT avait été imposé sur ces dividendes au seul motif du non–respect de cette condition.

16      Selon cette juridiction, le régime résultant de l’article 46, paragraphe 1, du CIRC et de l’article 31, paragraphe 1, de l’EBF, tels qu’en vigueur au moment des faits, constitue une restriction aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers interdite par l’article 63 TFUE. Elle estime néanmoins nécessaire de saisir la Cour à titre préjudiciel dès lors que le Tribunal Tributário de Lisboa (tribunal fiscal de Lisbonne) a considéré que cette restriction était justifiée compte tenu de la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux.

17      Dans ces conditions, le Supremo Tribunal Administrativo (Cour administrative suprême) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’existence de différences, au niveau de la coopération entre les autorités fiscales, entre la situation prévalant entre les États membres au sein de l’Union, d’une part, et entre les États membres et les pays tiers, d’autre part, peut-elle justifier, dans une situation telle que celle de l’espèce (à savoir, un régime d’élimination de la double imposition économique des bénéfices distribués dont l’application ne dépend pas de l’existence d’un quelconque accord de coopération), une différence de traitement fiscal entre les dividendes distribués par des sociétés résidant dans des États membres de l’Union et ceux distribués par des sociétés résidant dans des pays tiers ?

2)      Lorsque les moyens de preuve mis à la disposition des contribuables permettent de démontrer le respect des conditions d’octroi d’un avantage fiscal aux dividendes distribués à une société résidente d’un État membre, cet État membre peut-il refuser d’octroyer cet avantage fiscal au motif que le pays tiers dont proviennent ces dividendes n’est lié par aucune obligation conventionnelle de communication d’informations fiscales ? »

 Sur les questions préjudicielles

18      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, cette dernière peut, notamment lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

19      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.

20      À titre liminaire, il importe de relever que, si le libellé des questions préjudicielles ne vise aucune disposition du droit de l’Union, il ressort clairement des motifs de la demande de décision préjudicielle que la juridiction de renvoi demande une interprétation des articles 63 et 65 TFUE.

21      Il importe de rappeler que l’article 63, paragraphe 1, TFUE met en œuvre la libéralisation des capitaux entre les États membres ainsi qu’entre les États membres et les pays tiers. À cet effet, il dispose que, dans le cadre du chapitre du traité FUE intitulé « Les capitaux et les paiements », toutes les restrictions aux mouvements de capitaux entre les États membres ainsi qu’entre les États membres et les pays tiers sont interdites (arrêt du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C‑436/08 et C‑437/08, EU:C:2011:61, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

22      L’article 63 TFUE s’oppose en effet, en principe, au traitement différencié, dans un État membre, des dividendes provenant de sociétés établies dans un pays tiers par rapport à ceux provenant de sociétés ayant leur siège dans ledit État membre (arrêt du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C‑436/08 et C‑437/08, EU:C:2011:61, point 48 ainsi que jurisprudence citée).

23      Dès lors, bien que, par sa première question, la juridiction de renvoi semble viser la comparaison entre le traitement accordé aux dividendes distribués au contribuable concerné par une société établie dans un autre État membre et celui accordé aux dividendes distribués par une société établie dans un pays tiers, il y a lieu de procéder à une comparaison entre, d’une part, le traitement des dividendes perçus de sociétés résidentes et, d’autre part, celui réservé aux dividendes perçus de sociétés établies dans un pays tiers (voir, par analogie, arrêt du 10 février 2011, Haribo Lakritzen Hans Riegel et Österreichische Salinen, C‑436/08 et C‑437/08, EU:C:2011:61, point 48).

24      Il ressort, à cet égard, de la demande de décision préjudicielle que le traitement accordé aux contribuables qui ont perçu des dividendes d’une société résidente ou d’une société établie dans un autre État membre consiste à permettre la déduction de ces dividendes du bénéfice imposable de la société bénéficiaire, alors que les contribuables qui ont perçu des dividendes d’une société établie dans un pays tiers ne peuvent pas les déduire de ce bénéfice imposable.

25      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que, par ses deux questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale tendant à l’élimination de la double imposition économique des dividendes en vertu de laquelle une société résidente de l’État membre concerné peut déduire de son bénéfice imposable des dividendes qui lui ont été distribués par une autre société résidente, mais ne peut déduire des dividendes distribués par une société établie dans un pays tiers au motif que ce dernier n’est lié avec l’État membre d’imposition par aucune obligation conventionnelle de communication d’informations fiscales, alors que cette réglementation nationale ne fait pas dépendre cette déductibilité fiscale de l’existence d’une telle obligation conventionnelle et que les moyens de preuve auxquels le contribuable concerné peut avoir recours lui permettent de démontrer lui-même qu’il respecte les conditions d’octroi de cette déduction.

26      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que les mesures interdites par l’article 63, paragraphe 1, TFUE, en tant que restrictions aux mouvements de capitaux, comprennent celles qui sont de nature à dissuader les non-résidents de faire des investissements dans un État membre ou à dissuader les résidents dudit État membre d’en faire dans d’autres États (arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C‑464/14, EU:C:2016:896, point 45 et jurisprudence citée).

27      Une différence de traitement consistant en la possibilité, pour une société résidente, de déduire de son bénéfice imposable les dividendes distribués à cette société par une autre société résidente, alors qu’elle ne peut pas déduire les dividendes distribués par une société résidente d’un pays tiers, est susceptible de dissuader les sociétés résidentes d’investir leurs capitaux dans des sociétés établies dans des pays tiers. En effet, dans la mesure où les revenus de capitaux ayant pour origine des pays tiers sont fiscalement traités de manière moins favorable que les dividendes distribués par des sociétés résidentes, les actions des sociétés établies dans des pays tiers sont moins attrayantes pour les investisseurs résidant dans l’État membre concerné que celles de sociétés résidentes (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C‑464/14, EU:C:2016:896, point 50 et jurisprudence citée).

28      Une réglementation telle que celle en cause au principal constitue, partant, une restriction aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers qui, en principe, est interdite par l’article 63 TFUE.

29      Cela étant, en vertu de l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, l’article 63 TFUE ne porte pas atteinte au droit qu’ont les États membres d’appliquer les dispositions pertinentes de leur législation fiscale qui établissent une distinction entre les contribuables qui ne se trouvent pas dans la même situation en ce qui concerne leur résidence ou le lieu où leurs capitaux sont investis.

30      Il résulte d’une jurisprudence constante que l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE, en tant qu’il constitue une dérogation au principe fondamental de la libre circulation des capitaux, doit faire l’objet d’une interprétation stricte. Partant, cette disposition ne saurait être interprétée en ce sens que toute législation fiscale comportant une distinction entre les contribuables en fonction du lieu où ils résident ou de l’État dans lequel ils investissent leurs capitaux est automatiquement compatible avec le traité FUE [arrêts du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C‑135/17, EU:C:2019:136, point 60, et du 7 avril 2022, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Exonération des fonds d’investissement contractuels), C‑342/20, EU:C:2022:276, point 67].

31      En effet, les différences de traitement autorisées par l’article 65, paragraphe 1, sous a), TFUE ne doivent constituer, selon le paragraphe 3 de ce même article, ni un moyen de discrimination arbitraire ni une restriction déguisée. La Cour a jugé, dès lors, que de telles différences de traitement ne sauraient être autorisées que lorsqu’elles concernent des situations qui ne sont pas objectivement comparables ou, dans le cas contraire, lorsqu’elles sont justifiées par une raison impérieuse d’intérêt général [arrêts du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C‑135/17, EU:C:2019:136, point 61, et du 7 avril 2022, Veronsaajien oikeudenvalvontayksikkö (Exonération des fonds d’investissement contractuels), C‑342/20, EU:C:2022:276, point 68].

32      Selon la jurisprudence constante de la Cour, à l’égard d’une règle fiscale, telle que celle en cause au principal, visant à prévenir ou à atténuer la double imposition économique des bénéfices distribués, la situation d’une société actionnaire percevant des dividendes ayant leur origine dans un pays tiers est comparable à celle d’une société actionnaire percevant des dividendes d’origine nationale, dans la mesure où, dans les deux cas, les bénéfices réalisés sont, en principe, susceptibles de faire l’objet d’une imposition en chaîne (arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C‑464/14, EU:C:2016:896, point 55 et jurisprudence citée).

33      La justification de la restriction ne peut, dès lors, tenir qu’à des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, dans cette hypothèse, que la restriction soit propre à garantir la réalisation de l’objectif qu’elle poursuit et qu’elle n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour l’atteindre (arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C‑464/14, EU:C:2016:896, point 56 et jurisprudence citée).

34      Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la nécessité de garantir l’efficacité des contrôles fiscaux constitue une raison impérieuse d’intérêt général susceptible de justifier une restriction à la libre circulation des capitaux [arrêt du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C‑135/17, EU:C:2019:136, point 74 et jurisprudence citée].

35      À cet égard, il convient de relever que les mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers s’inscrivent dans un contexte juridique différent de celui qui prévaut au sein de l’Union et que le cadre de coopération entre les autorités compétentes des États membres établi par la directive 77/799/CEE du Conseil, du 19 décembre 1977, concernant l’assistance mutuelle des autorités compétentes des États membres dans le domaine des impôts directs et des taxes sur les primes d’assurance (JO 1977, L 336, p. 15), telle que modifiée par la directive 2004/106/CE du Conseil, du 16 novembre 2004 (JO 2004, L 359, p. 30), en vigueur à la date d’introduction de la demande de révision gracieuse par Pharol, ainsi que par la directive 2011/16/UE du Conseil, du 15 février 2011, relative à la coopération administrative dans le domaine fiscal et abrogeant la directive 77/799 (JO 2011, L 64, p. 1), n’existe pas entre celles-ci et les autorités compétentes d’un pays tiers, lorsque ce dernier n’a pris aucun engagement d’assistance mutuelle (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C‑464/14, EU:C:2016:896, point 63 et jurisprudence citée).

36      La Cour en a constamment déduit que, lorsque la réglementation d’un État membre fait dépendre le bénéfice d’un régime fiscal plus avantageux de la satisfaction de conditions dont le respect ne peut être vérifié qu’en obtenant des renseignements des autorités compétentes d’un pays tiers, il est, en principe, légitime pour cet État membre de refuser l’octroi de cet avantage si, notamment en raison de l’absence d’obligation conventionnelle en ce sens, il s’avère impossible d’obtenir ces renseignements de la part de ce pays tiers (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C‑464/14, EU:C:2016:896, point 64 et jurisprudence citée).

37      Il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier si le bénéfice du régime fiscal prévu par la réglementation nationale en cause au principal dépend de la satisfaction de conditions dont le respect ne peut être vérifié qu’en obtenant des renseignements de la part des autorités compétentes d’un pays tiers.

38      La Cour a déjà jugé que tel peut être le cas lorsque la déduction des dividendes du bénéfice imposable dépend de la condition relative à l’assujettissement à l’impôt de la société distributrice, à laquelle les autorités fiscales doivent être en mesure de pouvoir vérifier qu’il a été satisfait (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2016, SECIL, C‑464/14, EU:C:2016:896, points 65 et 66).

39      S’agissant de la possibilité pour le contribuable concerné de démontrer le respect des conditions d’octroi de cette déduction, il ressort, certes, de la jurisprudence de la Cour que, dans les relations entre les États membres, il ne saurait être exclu a priori qu’un tel contribuable soit en mesure de fournir les pièces justificatives pertinentes susceptibles de permettre aux autorités fiscales de l’État membre d’imposition de vérifier, de façon claire et précise, que lesdites conditions sont remplies (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C‑190/12, EU:C:2014:249, point 81 et jurisprudence citée).

40      Toutefois, cette jurisprudence trouve son fondement dans l’interdiction des restrictions à la libre circulation des capitaux entre les États membres, de telle sorte qu’elle ne saurait être intégralement transposée aux mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, de tels mouvements s’inscrivant dans un contexte juridique différent, ainsi qu’il ressort du point 35 de la présente ordonnance (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C‑190/12, EU:C:2014:249, point 82 et jurisprudence citée).

41      Dès lors, dans une situation impliquant des mouvements de capitaux entre les États membres et les pays tiers, une telle possibilité, pour le contribuable concerné, de fournir de telles pièces justificatives doit s’apprécier en fonction de l’existence de mesures administratives et réglementaires permettant, le cas échéant, un contrôle de la véracité de ces pièces [voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 2010, Établissements Rimbaud, C‑72/09, EU:C:2010:645, point 50, et du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C‑135/17, EU:C:2019:136, point 91 et jurisprudence citée].

42      En effet, à défaut d’existence d’un cadre réglementaire d’assistance administrative mutuelle entre un État membre et un pays tiers sur le territoire duquel le contribuable assujetti à l’impôt de cet État membre détient une participation financière au titre de laquelle il postule l’application d’un avantage fiscal dans ledit État membre, ce dernier n’est pas tenu d’accorder à un tel contribuable la possibilité de fournir lui-même des éléments de preuve nécessaires pour l’obtention de cet avantage fiscal lorsque ce pays tiers n’a pas l’obligation conventionnelle de fournir les informations pertinentes à cet égard, de telle sorte que ce même État membre n’a pas la possibilité de contrôler, le cas échéant, la véracité de ces informations [voir, en ce sens, arrêts du 10 avril 2014, Emerging Markets Series of DFA Investment Trust Company, C‑190/12, EU:C:2014:249, point 85, et du 26 février 2019, X (Sociétés intermédiaires établies dans des pays tiers), C‑135/17, EU:C:2019:136, point 94 et jurisprudence citée, ainsi que point 95].

43      Compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de répondre aux questions préjudicielles que les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale tendant à l’élimination de la double imposition économique des dividendes en vertu de laquelle une société résidente de l’État membre concerné peut déduire de son bénéfice imposable des dividendes qui lui ont été distribués par une autre société résidente, mais ne peut déduire des dividendes distribués par une société établie dans un pays tiers, au motif que ce dernier n’est lié avec l’État membre d’imposition par aucune obligation conventionnelle de communication d’informations fiscales, lorsque cette déduction est soumise à la condition relative à l’assujettissement à l’impôt de la société distributrice dans ce pays tiers et que, en raison de l’absence d’obligation conventionnelle dudit pays tiers de fournir des informations, il s’avère impossible d’obtenir ces renseignements de ce même pays. Un État membre n’est pas tenu d’accorder au contribuable la possibilité de produire lui-même des éléments démontrant que les conditions nécessaires pour obtenir cette déduction sont satisfaites lorsque, en raison de cette absence d’obligation conventionnelle, ledit État membre ne peut pas contrôler la véracité de ces éléments.

 Sur les dépens

44      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :

Les articles 63 et 65 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale tendant à l’élimination de la double imposition économique des dividendes en vertu de laquelle une société résidente de l’État membre concerné peut déduire de son bénéfice imposable des dividendes qui lui ont été distribués par une autre société résidente, mais ne peut déduire des dividendes distribués par une société établie dans un pays tiers, au motif que ce dernier n’est lié avec l’État membre d’imposition par aucune obligation conventionnelle de communication d’informations fiscales, lorsque cette déduction est soumise à la condition relative à l’assujettissement à l’impôt de la société distributrice dans ce pays tiers et que, en raison de l’absence d’obligation conventionnelle dudit pays tiers de fournir des informations, il s’avère impossible d’obtenir ces renseignements de ce même pays. Un État membre n’est pas tenu d’accorder au contribuable la possibilité de produire lui-même des éléments démontrant que les conditions nécessaires pour obtenir cette déduction sont satisfaites lorsque, en raison de cette absence d’obligation conventionnelle, ledit État membre ne peut pas contrôler la véracité de ces éléments.

Signatures


*      Langue de procédure : le portugais.

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