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Document 62011FJ0011

    Personaldomstolens dom (första avdelningen) av den 8 februari 2012.
    Vincent Bouillez m.fl. mot Europeiska unionens råd.
    Offentlig tjänst - Tjänstemän - Befordran.
    Mål F-11/11.

    Court reports – Reports of Staff Cases

    ECLI identifier: ECLI:EU:F:2012:8

    ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

    8 février 2012 (*)

    « Fonction publique – Fonctionnaires – Promotion – Exercice de promotion 2010 – Refus de promotion – Examen comparatif des mérites des fonctionnaires du groupe de fonctions AST suivant leurs parcours de carrière – Obligation pour une institution de laisser inappliquée une disposition d’exécution du statut entachée d’illégalité »

    Dans l’affaire F-11/11,

    ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

    Vincent Bouillez, fonctionnaire du Conseil de l’Union européenne, demeurant à Overijse (Belgique), et les quatre autres fonctionnaires dont les noms figurent en annexe, représentés par Mes S. Orlandi, A. Coolen, J.-N. Louis et É. Marchal, avocats,

    parties requérantes,

    contre

    Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. M. Bauer et J. Herrmann, en qualité d’agents,

    partie défenderesse,

    LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
    (première chambre),

    composé de MM. H. Kreppel, président, E. Perillo (rapporteur) et R. Barents, juges,

    greffier : M. J. Tomac, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 novembre 2011,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 9 février 2011, les requérants ont introduit le présent recours tendant à l’annulation des décisions par lesquelles le Conseil de l’Union européenne a refusé de les promouvoir à un grade supérieur au titre de l’exercice de promotion 2010.

     Cadre juridique

    2        Aux termes de l’article 5 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

    « 1. Les emplois relevant du présent statut sont classés, suivant la nature et le niveau des fonctions auxquelles ils correspondent, en un groupe de fonctions des administrateurs (ci-après dénommés ‘AD’) et un groupe de fonctions des assistants (ci-après dénommés ‘AST’).

    2. Le groupe de fonctions AD comporte douze grades correspondant à des fonctions de direction, de conception et d’étude ainsi qu’à des fonctions linguistiques ou scientifiques. Le groupe de fonctions AST comporte onze grades correspondant à des fonctions d’application, de nature technique et d’exécution.

    […]

    5. Les fonctionnaires appartenant au même groupe de fonctions sont soumis à des conditions identiques de recrutement et de déroulement de carrière. »

    3        Aux termes de l’article 6 du statut :

    « 1. Un tableau des effectifs annexé à la section du budget afférente à chaque institution fixe le nombre des emplois pour chaque grade et chaque groupe de fonctions.

    2. Afin de garantir l’équivalence entre la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘ancienne structure des carrières’) et la progression de la carrière moyenne dans la structure des carrières en vigueur après le 1er mai 2004 (ci-après dénommée ‘nouvelle structure des carrières’) et sans préjudice du principe de promotion fondée sur le mérite, énoncé à l’article 45 du statut, ce tableau garantit que, pour chaque institution, le nombre d’emplois vacants pour chaque grade est égal, au 1er janvier de chaque année, au nombre de fonctionnaires en activité au grade inférieur au 1er janvier de l’année précédente, multiplié par les taux fixés, pour ce grade, à l’annexe I, point B. Ces taux s’appliquent sur une base quinquennale moyenne à compter du 1er mai 2004.

    […] »

    4        En ce qui concerne les grades AST 6, AST 7 et AST 8, le taux fixé à l’annexe I, point B, du statut, mentionné à l’article 6 du statut, est de 25 %.

    5        L’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du statut dispose :

    « L’autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade. »

    6        Selon l’article 45, paragraphe 1, du statut :

    « La promotion est attribuée par décision de l’autorité investie du pouvoir de nomination en considération de l’article 6, paragraphe 2[, du statut]. Elle entraîne pour le fonctionnaire la nomination au grade supérieur du groupe de fonctions auquel il appartient. Elle se fait exclusivement au choix, parmi les fonctionnaires justifiant d’un minimum de deux ans d’ancienneté dans leur grade, après examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion. Aux fins de l’examen comparatif des mérites, l’autorité investie du pouvoir de nomination prend en considération, en particulier, les rapports dont les fonctionnaires ont fait l’objet, l’utilisation dans l’exercice de leurs fonctions des langues autres que la langue dont ils ont justifié posséder une connaissance approfondie conformément à l’article 28, [sous] f), et, le cas échéant, le niveau des responsabilités exercées. »

    7        Les dispositions transitoires prévues par l’article 107 bis du statut figurent à l’annexe XIII du statut. L’article 10 de cette annexe prévoit :

    « 1. Les fonctionnaires en fonction dans les catégories C ou D avant le 1er mai 2004 sont affectés à compter du 1er mai 2006 aux parcours de carrière permettant des promotions :

    a)      dans l’ancienne catégorie C, jusqu’au grade AST 7 ;

    b)      dans l’ancienne catégorie D, jusqu’au grade AST 5.

    2. Pour ces fonctionnaires, à compter du 1er mai 2004 et par dérogation à l’annexe I, [point] B, du statut, les [taux] visés à l’article 6, paragraphe 2, du statut sont les suivants :

    [Parcours de carrière C]

    Grade

    [1er mai 2004 jusqu’au]

    Après le 30 avril 2010

     

    […]

    30 avril 2007

    30 avril 2008

    30 avril 2009

    30 avril 2010

     

    C*/AST 7

    […]

    -

    -

    -

    -

    -

    C*/AST 6

    […]

    5 %

    10 %

    15 %

    20 %

    20 %

    C*/AST 5

    […]

    22 %

    22 %

    22 %

    22 %

    22 %

    […]

    […]

    […]

    […]

    […]

    […]

    […]

    […]

    3. Les fonctionnaires auxquels le paragraphe 1 s’applique peuvent devenir membre du groupe de fonctions des assistants sans restriction après avoir réussi un concours général ou sur la base d’une procédure d’attestation. La procédure d’attestation est fondée sur l’ancienneté, l’expérience, le mérite et le niveau de formation des fonctionnaires et sur la disponibilité des postes dans le groupe de fonctions AST. […]

    5. Le présent article ne s’applique pas aux fonctionnaires qui ont changé de catégorie après le 1er mai 2004. »

    8        L’article 7 de la décision du Conseil du 2 décembre 2004 relative aux modalités de mise en œuvre de la procédure d’attestation (ci-après la « décision du 2 décembre 2004 »), publiée par la communication au personnel no°11/05, du 17 janvier 2005, prévoit :

    « 1. Les premiers fonctionnaires figurant sur la liste [des fonctionnaires admissibles] visée à l’article 6, jusqu’au rang correspondant au nombre de possibilités déterminées par l’[autorité investie du pouvoir de nomination] conformément à l’article 4, sont réputés attestés. Les fonctionnaires attestés deviennent membres du groupe de fonctions des assistants sans restriction de carrière.

    La progression de carrière de ces fonctionnaires demeure conditionnée à l’exercice effectif d’une fonction d’assistant ‘sans restriction de carrière’, identifiée comme telle. »

     Faits à l’origine du litige

    9        Entré au Conseil le 1er février 2003, M. Bouillez est fonctionnaire de grade AST 7 depuis le 1er janvier 2008. Il exerce la fonction de chef du secteur « Entretien général » du service « Gérance technique et aménagement » de l’unité « Immeubles », au sein de la direction « Conférences, organisation, infrastructures » de la direction générale (DG) « Personnel et administration ».

    10      Entré au Conseil le 1er juillet 2002, M. Fontaine est fonctionnaire de grade AST 6 depuis le 1er janvier 2008. Il est affecté à l’unité « Réseaux, télécommunications » de la direction « Système d’information et de communication » de la DG « Personnel et administration ».

    11      Entré au Conseil le 1er juin 2000, M. Karlsson est fonctionnaire de grade AST 7 depuis le 1er janvier 2003. Il est affecté à l’unité « Conduite des opérations » du service, rattaché au secrétaire général, « Capacité de planification et conduite civile ».

    12      Entré au Conseil le 1er octobre 2002, M. Morello est fonctionnaire de grade AST 7 depuis le 1er janvier 2006. Il exerce la fonction de responsable de l’équipe « Installations de climatisation et sanitaires » du service « Gérance technique et aménagement » de l’unité « Immeubles », au sein de la direction « Conférences, organisation, infrastructures » de la DG « Personnel et administration ».

    13      Entrée au Conseil le 1er mai 1998, Mme Santos est fonctionnaire de grade AST 7 depuis le 1er janvier 2007. Elle assiste le directeur de la direction « Conférences, organisation, infrastructures » de la DG « Personnel et Administration ».

    14      Le 21 mai 2010, le Conseil a publié les listes des fonctionnaires promus aux grades AST 7 et AST 8. Les requérants ne figuraient pas sur ces listes respectives. Le 2 juillet 2010, les requérants ont présenté une réclamation commune, au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, tendant au retrait des décisions individuelles respectives du Conseil de ne pas les promouvoir au grade supérieur au titre de l’exercice de promotion 2010 (ci-après les « décisions litigieuses »). Le 3 novembre 2010, le Conseil a rejeté cette réclamation commune par cinq décisions distinctes (ci-après les « décisions de rejet de la réclamation »).

     Conclusions des parties

    15      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –        annuler les décisions de rejet de la réclamation ;

    –        en tant que de besoin, annuler les décisions litigieuses ;

    –      condamner le Conseil aux dépens.

    16      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

    –      rejeter le recours comme non fondé ;

    –      condamner les requérants aux dépens.

     En droit

    17      Les requérants soulèvent, en substance, quatre moyens à l’appui de leurs conclusions :

    –        le défaut de motivation ;

    –        la méconnaissance de l’article 45 du statut en ce que le Conseil aurait examiné séparément les mérites des fonctionnaires AST suivant leurs parcours de carrière ;

    –        la méconnaissance de l’article 45 du statut en ce que le Conseil aurait omis de prendre en considération le niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables dans l’examen comparatif des mérites ;

    –        la violation de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 qui subordonne la progression de carrière des fonctionnaires attestés à l’exercice effectif d’un emploi d’assistant « sans restriction de carrière ».

     Sur les conclusions dirigées contre les décisions de rejet de la réclamation

    18      Selon une jurisprudence constante, des conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet, dans le cas où cette décision est dépourvue de contenu autonome, de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, point 8). Les décisions de rejet de la réclamation introduite à l’encontre des décisions litigieuses étant, en l’espèce, dépourvues de contenu autonome, le recours doit être regardé comme dirigé contre les seules décisions litigieuses.

     Sur les conclusions dirigées contre les décisions litigieuses

     Sur le premier moyen, tiré du défaut de motivation

    –       Arguments des parties

    19      Les requérants font valoir que dans les décisions de rejet de la réclamation le Conseil n’aurait pas fourni d’éléments individuels leur permettant de comprendre pour quelle raison il n’avait pas été tenu compte de l’excellence de leurs mérites. Le Conseil aurait donc violé l’obligation de motivation.

    20      Le Conseil soutient que les promotions se faisant au choix, il suffirait que la motivation de la décision portant rejet de la réclamation se rapporte à l’application des conditions statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire. Or, cette condition serait remplie en l’espèce.

    –       Appréciation du Tribunal

    21      Il est constant que l’AIPN n’est pas tenue de motiver les décisions de promotion à l’égard des candidats non promus. Elle est, en revanche, tenue de motiver sa décision portant rejet de la réclamation d’un candidat non promu, la motivation de cette décision de rejet étant censée coïncider avec la motivation de la décision contre laquelle la réclamation était dirigée (arrêt du Tribunal du 10 novembre 2011, Merhzaoui/Conseil, F-18/09, point 60).

    22      Dans ce cadre, le caractère suffisant de la motivation est apprécié au regard du contexte factuel et juridique dans lequel s’est inscrite l’adoption de l’acte attaqué. Les promotions se faisant au choix, conformément à l’article 45 du statut, il suffit que la motivation de la décision portant rejet de la réclamation se rapporte à l’application des conditions légales et statutaires de promotion qui a été faite à la situation individuelle du fonctionnaire (arrêt du Tribunal de première instance du 2 juin 2005, Strohm/Commission, T-177/03, point 54).

    23      De plus, s’agissant de la motivation d’une décision adoptée dans le cadre d’une procédure affectant un grand nombre de fonctionnaires ou agents, il ne saurait être exigé de l’AIPN qu’elle motive sa décision à l’occasion de la décision portant rejet de la réclamation au-delà des griefs invoqués dans ladite réclamation, en expliquant notamment pour quelles raisons chacun des fonctionnaires promus avaient des mérites supérieurs à ceux de l’auteur de la réclamation (arrêt du Tribunal du 10 novembre 2011, Juvyns/Conseil, F-20/09, point 70).

    24      Or, en l’espèce, il y a lieu de constater que les décisions de rejet de la réclamation contenaient, en réponse aux différents points soulevés dans la réclamation, des précisions suffisantes pour permettre aux requérants de comprendre le raisonnement de l’administration et d’apprécier l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal.

    25      En particulier, l’administration a tout d’abord relevé qu’il serait contraire au statut d’appliquer des critères différents pour la comparaison des mérites des fonctionnaires AST du même grade, tels que l’emploi occupé ou le niveau de fonctions exercées sous l’empire de l’ancien régime statutaire, puis indiqué que l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 devait être interprété à la lumière de l’article 10, paragraphe 3, du statut et conformément à l’article 45 du statut, que l’AIPN avait pris en considération le critère tiré du niveau des responsabilités exercées dans l’examen comparatif des mérites et qu’aucun élément ne lui avait permis de conclure que l’AIPN aurait usé de son pouvoir de manière manifestement erronée dans l’évaluation des mérites des fonctionnaires promouvables.

    26      Le premier moyen doit, par suite, être écarté.

     Sur le deuxième moyen, tiré de ce que l’examen séparé des mérites des fonctionnaires AST suivant leurs parcours de carrière serait contraire à l’article 45 du statut

    –       Arguments des parties

    27      Les requérants soutiennent que le Conseil ne pouvait légalement se livrer à des examens comparatifs distincts des mérites pour des fonctionnaires de même grade relevant d’un même groupe de fonctions, sauf à violer les articles 5 et 45 du statut. Selon les requérants, ce ne serait qu’après avoir procédé à l’examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires AST du même grade et avoir établi une liste de mérites par ordre de priorité que l’AIPN devrait appliquer les taux visés à l’article 6, paragraphe 2, du statut, à l’annexe I, point B et à l’article 10 de l’annexe XIII du statut.

    28      Le Conseil soutient que les fonctionnaires AST sont affectés à des parcours de carrière différents et que les taux de promotion n’étant pas identiques pour chacun de ces parcours, au regard de l’annexe I, point B, du statut et de l’article 10, de l’annexe XIII du statut, il ne serait pas contraire au principe d’égalité de se livrer à des examens comparatifs distincts de leurs mérites.

    –       Appréciation du Tribunal

    29      L’article 45 du statut, qui impose à l’AIPN d’effectuer « un examen comparatif des mérites des fonctionnaires ayant vocation à la promotion », suppose qu’un tel examen soit élargi à tous les fonctionnaires promouvables, quelles que soient les fonctions exercées. En effet, une telle exigence est l’expression à la fois du principe d’égalité de traitement des fonctionnaires et de celui de leur vocation à la carrière (arrêt du Tribunal du 15 décembre 2010, Almeida Campos e.a./Conseil, F-14/09, point 31, et la jurisprudence citée).

    30      Dans ces conditions, dès lors que le législateur statutaire a entendu fusionner dans un groupe de fonctions unique l’ensemble des administrateurs, qu’ils exercent des fonctions linguistiques ou d’autres fonctions, il appartient à l’AIPN de procéder à un examen comparatif unique des mérites pour l’ensemble des administrateurs promouvables du même grade (arrêt Almeida Campos e.a./Conseil, précité, point 35).

    31      Toutefois, s’agissant, comme en l’espèce, des fonctionnaires du groupe de fonctions AST, il convient de relever que l’article 10 de l’annexe XIII du statut prévoit, pour déterminer le nombre d’emplois vacants pour chaque grade, des taux multiplicateurs de référence différents selon les parcours de carrière.

    32      Ainsi, s’agissant des fonctionnaires de grade AST 6, grade détenu par M. Fontaine, le taux multiplicateur de référence applicable en 2010 est de 25 % pour ceux qui relèvent du parcours de carrière sans restriction, c’est-à-dire jusqu’au grade AST 11 tel que prévu à l’annexe I, point B, alors qu’il n’est que de 20 % pour ceux qui relèvent du parcours de carrière ne permettant des promotions que jusqu’au grade AST 7 en vertu de l’annexe XIII. L’administration devant se conformer à ces taux, c’est à bon droit que l’AIPN a procédé à des examens comparatifs distincts des mérites des fonctionnaires AST selon les parcours de carrière (arrêt Juvyns/Conseil, précité, point 42).

    33      A fortiori, la situation des fonctionnaires de grade AST 7 au parcours de carrière sans restriction, qui est celle de MM. Bouillez, Karlsson, Morello et de Mme Santos, est différente, au regard de la promotion, de celle des fonctionnaires AST 7 au parcours de carrière avec restriction. En effet, le parcours de carrière des fonctionnaires avec restriction étant limité au grade AST 7 ces derniers ne peuvent, par définition, être promus au grade AST 8.

    34      Enfin, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la comparaison des mérites, pour les besoins de l’exercice de promotion, des fonctionnaires AST par parcours de carrière ne méconnaît pas l’article 45 du statut, dès lors que l’article 10 de l’annexe XIII du statut déroge, en tant que loi spéciale, aux dispositions générales du statut (arrêt Juvyns/Conseil, précité, point 43).

    35      Le deuxième moyen doit, dès lors, être écarté.

     Sur le troisième moyen, tiré de ce que le Conseil n’aurait pas tenu compte du critère du niveau des responsabilités exercées, en méconnaissance de l’article 45 du statut

    –       Arguments des parties

    36      Les requérants soutiennent que l’AIPN n’aurait pas tenu compte du niveau des responsabilités effectivement exercées par les fonctionnaires promouvables, en méconnaissance de l’article 45 du statut.

    37      Le Conseil rétorque que l’AIPN avait au contraire donné instruction à la commission consultative de promotion de tenir compte du niveau des responsabilités exercées dans le cadre de l’examen comparatif des mérites de tous les fonctionnaires de l’institution. Le Conseil ajoute que le rapport à l’AIPN de cette commission indique que ce critère a été pris en considération. La prise en compte de ce critère ressortirait également des décisions de rejet de la réclamation.

    –       Appréciation du Tribunal

    38      Il résulte des dispositions de l’article 45, paragraphe 1, du statut, que le niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables constitue l’un des trois éléments pertinents que l’administration doit prendre en compte, à titre principal, dans l’analyse comparative des mérites des fonctionnaires promouvables (arrêt du Tribunal du 5 mai 2010, Bouillez e.a./Conseil, F-53/08, point 52).

    39      Or, en l’espèce, il ressort d’un courrier du 29 mars 2010, produit en défense par le Conseil, que le secrétaire général du Conseil a demandé au président de la commission consultative de promotion de tenir compte, pour l’exercice de promotion 2010, à titre principal, du critère du niveau des responsabilités exercées. De plus, dans le rapport du 19 mai 2010 qu’elle a adressé à l’AIPN, rapport également produit en défense par le Conseil, la commission consultative de promotion a indiqué avoir pris en considération le niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables, tel qu’il ressort de la description des tâches accomplies par les fonctionnaires et de l’appréciation d’ordre général portée dans les rapports de notation. Enfin, les décisions de rejet de la réclamation mentionnent elles aussi la prise en considération de ce critère par l’AIPN.

    40      Il est ainsi établi que, dans le cadre de l’examen comparatif des mérites pour l’exercice de promotion 2010, le Conseil a bien pris en considération le critère du niveau des responsabilités exercées par les fonctionnaires promouvables et a, ce faisant, mis fin à la pratique illégale consistant à ne pas tenir compte dudit critère qu’il avait adoptée lors de l’exercice de promotion 2007 (voir, s’agissant de cette pratique, arrêt Bouillez e.a./Conseil, précité, points 59 à 71).

    41      Il suit de là que le troisième moyen doit être écarté.

     Sur le quatrième moyen, tiré de la méconnaissance de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004

    –       Arguments des parties

    42      Les requérants font valoir que l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 prévoit que la progression de carrière des fonctionnaires attestés est conditionnée à l’exercice effectif d’une fonction d’assistant « sans restriction de carrière » et identifiée comme telle. Selon les requérants, le Conseil n’aurait pas vérifié que les fonctionnaires attestés en 2006, 2007, 2008 ou 2009 et qu’il a promus au titre de l’exercice de promotion 2010 au grade AST 7 ou au grade AST 8 remplissaient la condition posée par l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004.

    43      Le Conseil rétorque qu’il est en désaccord avec l’interprétation des requérants des dispositions de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004. Ces dispositions devraient en effet être interprétées dans un sens conforme au statut. Le Conseil soutient qu’il ne pourrait pas poser une condition supplémentaire à la promotion, non prévue par l’article 45 du statut. Une telle pratique serait d’ailleurs contraire au principe d’égalité de traitement, car elle aboutirait à traiter différemment les fonctionnaires affectés au parcours de carrières AST 1 à AST 11 en fonction de l’emploi qu’ils occupent.

    44      À l’audience, les requérants ont soutenu que les dispositions de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 ne sont pas illégales, car l’attestation s’apparenterait à un concours interne. Pour sa part, le Conseil a reconnu que les dispositions de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 sont contraires au statut. Le Conseil a ajouté que l’AIPN n’aurait d’ailleurs jamais fait application de ces dispositions, ainsi qu’il ressortirait de la motivation de plusieurs décisions de rejet de réclamations adoptées ces dernières années.

    –       Appréciation du Tribunal

    45      S’il incombe aux institutions d’arrêter, par voie de décisions, les modalités de mise en œuvre d’une procédure instituée par le statut, en particulier lorsque l’adoption de ces dispositions d’exécution est expressément prévue au statut, ces décisions ne sauraient légalement poser des règles qui dérogeraient aux dispositions hiérarchiquement supérieures, telles que les principes généraux du droit ou les dispositions du statut (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 20 novembre 2007, Ianniello/Commission, T-308/04, point 38).

    46      Dans l’hypothèse où une décision à caractère général prise par une institution déroge illégalement à des dispositions supérieures, il appartient à cette institution de laisser inappliquée cette décision à caractère général (voir, par analogie, l’obligation pesant sur les juges nationaux et les autorités administratives nationales de laisser inappliquée une règle de droit national contraire au droit de l’Union, arrêt de la Cour du 28 avril 2011, El Dridi, C-61/11 PPU, point 61). Il en est notamment ainsi lorsque l’institution doit se prononcer sur la situation individuelle d’un fonctionnaire et se trouve confrontée à une disposition générale d’exécution méconnaissant une règle de rang supérieur : l’institution doit se prononcer sur la situation individuelle du fonctionnaire en laissant inappliquée la disposition générale d’exécution illégale.

    47      En l’espèce, la décision du 2 décembre 2004 a été prise en application de l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, laquelle prévoit que les institutions arrêtent les modalités de mise en œuvre de la procédure d’attestation.

    48      L’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 dispose que « la progression de carrière » des fonctionnaires attestés « demeure conditionnée à l’exercice effectif d’une fonction d’assistant ‘sans restriction de carrière’, identifiée comme telle ».

    49      Toutefois, le Tribunal a jugé, qu’une distinction de principe entre fonctionnaires du même grade et appartenant au même groupe de fonctions, pour l’accès à certains emplois, était illégale, car contraire à l’article 7, paragraphe 1, du statut (arrêt du Tribunal du 28 juin 2011, AS/Commission, F-55/10, points 63 à 70, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T-476/11 P). En outre, ainsi que le Conseil le souligne lui-même à juste titre, une institution ne peut légalement poser une condition supplémentaire à la promotion qui ne serait pas prévue à l’article 45 du statut.

    50      Ainsi, dès lors qu’il subordonne la progression de carrière d’un fonctionnaire AST ayant bénéficié d’une attestation au titre de l’article 10, paragraphe 3, de l’annexe XIII du statut, à l’exercice effectif de fonctions d’assistant que l’institution réserve, en méconnaissance de l’article 7, paragraphe 1, du statut, à une certaine catégorie de fonctionnaires AST, les fonctionnaires AST « sans restriction de carrière », et alors, au surplus, qu’une telle condition n’est pas posée à l’article 45 du statut, l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 est entaché d’illégalité. Le Conseil a d’ailleurs lui-même reconnu à l’audience que cette disposition était illégale.

    51      De ce fait, en s’abstenant de vérifier, lors de l’exercice de promotion 2010, si les fonctionnaires AST promouvables attestés exerçaient effectivement des fonctions d’assistant « sans restriction de carrière », le Conseil n’a commis aucune erreur de droit. Au contraire, en laissant inappliquées les dispositions de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004, le Conseil s’est conformé aux dispositions supérieures du statut.

    52      Par suite, le quatrième moyen ne peut qu’être écarté.

    53      Il résulte de ce qui précède que, les quatre moyens soulevés ayant été écartés, la requête doit être rejetée.

     Sur les dépens

    54      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Aux termes de l’article 88 du règlement de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement, voire totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude.

    55      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que les requérants ont succombé en leur recours. En outre, le Conseil a, dans ses conclusions, expressément demandé leur condamnation aux dépens.

    56      Il est toutefois constant que, le Conseil n’a pas encore abrogé les dispositions de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 qu’il considère lui-même comme n’étant pas conforme aux règles pertinentes du statut, en particulier à l’article 45. Par ailleurs, comme le Conseil a eu l’occasion de le préciser à l’audience, en réponse à une question posée par le Tribunal, l’examen de la motivation des décisions portant rejet de réclamations prises par le Conseil depuis l’entrée en vigueur de la décision du 2 décembre 2004 fait apparaître clairement que le Conseil considère que les dispositions de l’article 7 de la décision du 2 décembre 2004 ne sont, à tout le moins, pas pleinement conformes au statut. Ces dispositions n’ayant pas été abrogées, en méconnaissance du principe de sécurité juridique, les requérants ont pu, de ce fait, être incités à en demander l’application en formant le présent recours.

    57      Dans ces conditions, et par application des dispositions de l’article 88 du règlement de procédure, il sera fait une juste appréciation des circonstances du litige en condamnant le Conseil à supporter, outre ses propres dépens, les dépens exposés par les requérants.

    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
    (première chambre)

    déclare et arrête :

    1)      Le recours est rejeté.

    2)      Le Conseil de l’Union européenne supporte ses propres dépens et les dépens des requérants.

    Kreppel

    Perillo

    Barents

    Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 février 2012.

    Le greffier

     

           Le président

    W. Hakenberg

     

          H. Kreppel

    ANNEXE

    Alain Fontaine, demeurant à Ohain (Belgique),

    Ulf Karlsson, demeurant à Bruxelles (Belgique),

    Enrico Morello, demeurant à Bruxelles (Belgique),

    Sonia Santos, demeurant à Rhode Saint Genèse (Belgique).


    * Langue de procédure : le français.

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