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Document 61996TJ0062

Förstainstansrättens dom (andra avdelningen) av den 29 januari 1998.
Willy de Corte mot Europeiska kommissionen.
Tjänstemän - Partiell bestående invaliditet - Olycka - Orsakssamband.
Mål T-62/96.

Rättsfallssamling – Personaldelen 1998 I-A-00031; II-00071

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1998:10

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

29 janvier 1998 ( *1 )

«Fonctionnaires - Invalidité permanente partielle -Accident - Lien de cause à effet»

Dans l'affaire T-62/96,

Willy de Corte, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Halle (Belgique), représenté par Me Lucas Vogel, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Christian Kremer, 8-10, rue Mathias Hardt,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Julian Curiali, membre du service juridique, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission, du lojuin 1995, portant refus de prendre en charge, au titre des dispositions réglementaires relatives à la couverture des risques d'accident, les conséquences d'un infarctus dont le requérant a été victime, ainsi que, pour autant que de besoin, de la décision, du 25 janvier 1996, portant rejet explicite de la réclamation du requérant,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),

composé de MM. A. Kalogeropoulos, président, C. W. Bellamy et J. Pirrung, juges,

greffier: M. A. Mair, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 13 novembre 1997

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

Statut des fonctionnaires

1

Selon l'article 73, paragraphe 1, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), le fonctionnaire est couvert contre les risques d'accident dans les conditions fixées par une réglementation établie d'un commun accord des institutions des Communautés, à savoir la réglementation relative à la couverture des risques d'accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «réglementation accident»).

2

L'article 73, paragraphe 2, prévoit, au titre des prestations servies en cas d'invalidité permanente partielle, le paiement à l'intéressé d'un capital calculé sur la base du barème fixé par la réglementation accident.

3

Selon le paragraphe 3 du même article, sont en outre couverts, dans les conditions fixées par la réglementation accident, les frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation, notamment. Toutefois, ce remboursement n'interviendra qu'après épuisement et en supplément de ceux que le fonctionnaire percevra par application des dispositions de l'article 72 du statut, relatives à la couverture contre les risques de maladie.

Réglementation accident

4

La réglementation accident définit, dans son article 2, la notion d'accident comme suit:

«1.

Est considéré comme accident tout événement ou facteur extérieur et soudain ou violent ou anormal ayant porté atteinte à l'intégrité physique ou psychique du fonctionnaire.

2.

Sont considérés comme accidents, entre autres:

[...]

les distorsions, déchirures, ruptures musculaires et tendineuses résultant d'un effort,

[...]»

5

L'article 10, paragraphe 1, confère au fonctionnaire victime d'un accident le droit au remboursement de tous les frais nécessités pour son rétablissement, et l'article 12, paragraphe 2, dispose que, «en cas d'invalidité permanente partielle du fonctionnaire résultant d'un accident», le capital déterminé en fonction des taux prévus au barème d'invalidité lui est versé.

6

En ce qui concerne la procédure administrative à suivre, le fonctionnaire doit déclarer son accident à l'administration enjoignant un certificat médical qui spécifie la nature des lésions et les suites probables de l'accident (article 16, paragraphe 1). L'administration peut solliciter toute expertise médicale nécessaire (article 18).

7

Dans ce contexte, l'article 19 prévoit que les décisions relatives à la reconnaissance de l'origine accidentelle d'un événement ainsi qu'à la fixation du degré d'invalidité permanente sont prises par l'administration, suivant la procédure prévue à l'article 21, sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par l'institution et, si le fonctionnaire le requiert, après consultation de la commission médicale prévue à l'article 23.

8

L'article 21 dispose que, avant de prendre une décision en vertu de l'article 19, l'administration notifie au fonctionnaire le projet de décision, accompagné des conclusions du ou des médecins désignés par l'institution. Le fonctionnaire peut demander que la commission médicale prévue à l'article 23 donne son avis.

9

L'article 23, paragraphe 1, règle la composition de la commission médicale et dispose que, au terme de ses travaux, cette commission consigne ses conclusions dans un rapport qui est adressé à l'administration et au fonctiomiaire concerné.

Faits à l'origine du litige

10

Le requérant, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, âgé de 43 ans à l'époque des faits, a participé le 16 avril 1988 à un match de football. Après avoir reçu un coup sur le thorax lors d'une collision avec un autre joueur, le requérant s'est effondré et a dû interrompre sa participation au match. Le même jour, le requérant s'est présenté aux urgences d'un service hospitalier. Une spasmophilie ayant été diagnostiquée, le requérant a été autorisé à retourner à son domicile. Deux jours plus tard, le 18 avril, le requérant a été hospitalisé. Des examens cliniques ont alors révélé qu'il avait été victime d'un infarctus du myocarde lors du match de football.

11

Le 20 avril 1988, le requérant a établi une déclaration d'accident indiquant que, «après un contact assez violent, [il a] ressenti des maux dans la poitrine (16/4/88, 15 h 15)». La déclaration, envoyée aux services de la Commission, était accompagnée d'un certificat médical du 21 avril 1988 révélant que le requérant avait été hospitalisé et que les traitements prescrits consistaient en l'administration de «M itis-Tenormin-Cedocard».

12

Le bureau «accidents et maladies professionnelles» de la direction générale Personnel et administration (DG IX) de la Commission a alors invité le requérant, par lettre du 28 avril 1988, à lui faire parvenir de plus amples détails au sujet de cet accident. Par lettre du 3 mai suivant, ce même bureau a informé le requérant de ce qui suit:

«Nous avons bien reçu votre déclaration laquelle fait actuellement l'objet d'un examen approfondi tant sur le plan médical que juridique afin de nous permettre de nous prononcer sur l'origine accidentelle de l'événement que vous relatez. Nous vous informerons ultérieurement de la décision administrative qui sera prise.»

13

Par lettre du 13 juin 1988, le bureau susmentionné a informé le requérant que son accident était «pris en charge» au titre de l'article 73 du statut et de la réglementation accident.

14

Le 23 juin 1988, les services de la Commission ont reçu du requérant une note à laquelle étaient joints deux rapports d'hospitalisation datés des 2 et 26 mai 1988 signés entre autres par le Dr Abramowicz, le médecin traitant du requérant. Le rapport du 2 mai, après avoir résumé les examens que le requérant avait subis au cours de son hospitalisation susmentionnée du 18 avril, a conclu à la survenance d'un infarctus du myocarde. Il a en outre fait état de ce que le début de l'affection semblait («probablement») remonter à la fin du mois de mars 1988, lorsque le requérant a ressenti pour la première fois une douleur dans les membres supérieurs en jouant au football. Le rapport du 26 mai a constaté l'existence d'une thrombose de l'artère coronaire droite et d'une akinésie représentant les correlate de l'infarctus du myocarde survenu en avril 1988.

15

Par la suite, la Commission a désigné le Dr Simons pour faire un rapport en la matière. Ce médecin s'est adressé à un cardiologue qui a confirmé l'infarctus et la thrombose, tout en relevant que le requérant présentait des facteurs de risque, à savoir un tabagisme important avant l'accident ainsi que des anomalies lipidiques au niveau du cholestérol et des triglycérides.

16

Par lettre du 10 octobre 1990 adressée spontanément au Dr Simons, le Dr Abramowicz, après avoir confirmé les rapports des 2 et 26 mai 1988 susmentionnés, a estimé qu'il était «possible que la survenue de l'accident coronarien aigu ait été précipitée par le contact physique violent qui a eu lieu entre M. De Coite et l'un des autres joueurs. Le taux d'invalidité relatif aux séquelles de l'accident peut être évalué aux alentours de 20 %».

17

Dans un rapport du 20 septembre 1991, le Dr Simons, après avoir rappelé l'état cardiaque antérieur du requérant, à savoir une sténose partielle de l'artère coronaire droite, s'est déclaré «juridiquement» incompétent pour trancher la question de savoir «si le fait invoqué par le fonctionnaire au cours du match de football [devait] être considéré ou non comme un accident».

18

Par lettre du 10 janvier 1992, la Commission a informé le requérant de son refus, fondé sur les documents médicaux versés au dossier, de considérer l'infarctus comme étant une séquelle de l'accident du 16 avril 1988. Aucun document médical n'ayant été joint à cette lettre, le requérant, par note du 31 janvier 1992, s'est opposé à ce refus, en renvoyant à la procédure devant être mise en œuvre en vertu des articles 19, 21 et 23 de la réglementation accident.

19

Après un échange de courrier entre les parties concernant les règles de procédure applicables, la Commission a retiré sa lettre du 10 janvier, pour entamer la procédure prévue par l'article 21 de la réglementation accident. C'est par lettre du 23 juillet 1992 qu'elle a ainsi communiqué au requérant un projet de décision daté du 22 juillet 1992 relatif à l'accident en cause, dont le contenu correspondait à celui de la lettre du 10 janvier 1992.

20

Par lettre du 10 août 1992, le D' Abramowicz est à nouveau intervenu auprès du D' Simons et a réitéré son appréciation selon laquelle il était possible que la survenance de l'infarctus du myocarde ait été précipitée par la collision entre le requérant et l'un des autres joueurs.

21

Par note du 30 septembre 1992, le requérant a sollicité, et obtenu, la consultation d'une commission médicale telle que prévue par l'article 23 de la réglementation accident. Cette commission - composée de trois médecins: le Dr Abramowicz, désigné par le requérant, le D' Dalem, désigné par l'administration, et le Dr Rogowsky, désigné d'un commun accord par les Drs Abramowicz et Dalem -a reçu le 22 février 1993 pour mandat, notamment,

d'examiner le requérant, d'entendre ses explications et de décrire les lésions qu'il impute à l'accident,

de préciser si ces lésions sont bien en relation directe et certaine avec l'accident du 16 avril 1988,

de se prononcer sur l'influence éventuelle de l'état antérieur du requérant et d'indiquer le taux d'invalidité à mettre en rapport avec cet état antérieur,

le cas échéant, de fixer le taux d'invalidité permanente partielle.

22

Dans son rapport du 27 avril 1993, la commission médicale commence par examiner le dossier du requérant, constitué des rapports établis et des lettres échangées depuis la survenance de son accident le 16 avril 1988.

23

La commission relève que, après lecture en présence du requérant de la mention figurant dans le rapport d'hospitalisation susmentionné du 2 mai 1988, selon laquelle il avait apparemment ressenti à la fin du mois de mars 1988 une première douleur dans les membres supérieurs en jouant au football, le requérant a formellement nié avoir ressenti une douleur retrosternale avant le 16 avril 1988. La commission en a conclu qu'il pouvait s'agir d'une mauvaise interprétation du médecin interrogateur lorsqu'il a vu le requérant.

24

Quant à la relation éventuelle entre le «choc» ou le «stress» subi au cours du match de football du 16 avril 1988 et le développement de l'infarctus du requérant, la commission a considéré ce qui suit:

«Nous ne pensons pas que l'origine de cet infarctus soit traumatique (coup sur le thorax). Des explorations coronariennes ultérieures ont montré qu'il existait une maladie coronarienne préexistante. Il est possible que l'effort intense et le stress du jeu aient pu entraîner par libération de catecholamine, un spasme coronarien important, générateur de l'infarctus. Il faut, en effet, rappeler qu'il s'agit d'un sujet à facteurs de risque: cholestérol élevé [...], triglycéridémie élevée [...], tabagisme important. La notion ‘d'accident’ est une notion juridique et il nous est difficile d'affirmer que les efforts répétitifs fournis au cours du match du 16 avril 1988 correspondent ou non à la notion ‘d'accident’. Pour information, la commission estime que les séquelles d'infarctus postérieur que présente M. De Corte, justifient un taux d'invalidité de 15 %, devenue permanente à la date du 1er janvier 1989, au cas où la notion d'accident serait ‘retenue'’par les juristes.»

25

Ce rapport a été signé par les trois médecins. Au-dessous de sa signature, le Dr Abramowicz a ajouté la note manuscrite suivante:

«Bien que ce rapport contienne quelques erreurs factuelles je peux néanmoins le signer pour accord, compte tenu de ce que la CCE a déjà accepté le caractère accidentel de l'affection, et que la conclusion de la Commission médicale d'attribuer un taux d'invalidité de 15 % est favorable à mon patient.»

26

Eu égard aux observations manuscrites du Dr Abramowicz, la commission médicale s'est réunie une seconde fois le 19 octobre 1993. Le requérant s'étant opposé à cette seconde réunion, au motif qu'elle constituait un détournement de la procédure, le D' Abramowicz n'y a pas participé. Dans le rapport établi à l'issue de cette réunion, signé par les seuls Drs Rogowsky et Dalem, ces derniers ont refusé de cautionner les remarques formulées par le D' Abramowicz et ont constaté qu'une coronographie effectuée le 18 mai 1988 avait mis en évidence une sténose de l'artère coronaire droite constitutive d'un état antérieur qui n'avait pas été pris en considération dans le premier rapport. Tenant compte de cette prédisposition pathologique, les médecins ont estimé que le taux de 15 % représentait la situation actuelle du requérant dont il y avait lieu de soustraire 3 % pour cet état antérieur.

27

Par lettre du 28 octobre 1994 adressée à la Commission, le D' Abramowicz a précisé que les conclusions déposées par les Drs Rogowsky et Dalem dans leur rapport du 19 octobre 1993 étaient acceptables pour le requérant, en ajoutant qu'il n'avait «plus de remarques à formuler à l'intention de cette commission médicale dont les travaux [étaient] donc à considérer comme terminés». Il a également signalé que ses remarques manuscrites en bas du rapport du 27 avril 1993 ne concernaient que des erreurs de rédaction «qui ne changeaient pas [...] la teneur des conclusions».

28

C'est au terme de cette procédure, que la Commission a communiqué au requérant une décision datée du 16 juin 1995, par laquelle elle refusait de reconnaître l'infarctus du 16 avril 1988 comme un accident au sens de l'article 73 du statut et de la réglementation accident.

29

Par note enregistrée le 14 septembre 1995, le requérant a formé une réclamation contre ladite décision. Il a notamment fait grief à la Commission d'avoir méconnu sa propre décision du 13 juin 1988 reconnaissant qu'il avait été victime d'un accident, d'une part, et d'avoir interprété erronément l'article 2 de la réglementation accident, d'autre part. Enfin, le requérant a reproché à la Commission d'avoir méconnu les conclusions de la commission médicale en prétendant qu'une maladie coronarienne préexistante était à l'origine de l'infarctus.

30

Cette réclamation a été explicitement rejetée par décision de la Commission, du 25 janvier 1996, notifiée au requérant le 1er février 1996.

Procédure et conclusions des parties

31

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 3 mai 1996, le requérant a introduit le présent recours. Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

32

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience qui s'est déroulée le 13 novembre 1997.

33

Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision de la Commission, du 16 juin 1995, portant refus de prendre en charge, au titre d'accident, les conséquences de l'infarctus du myocarde dont il a été victime le 16 avril 1988, ainsi que, pour autant que de besoin, la décision du 25 janvier 1996, notifiée le 1er février 1996, portant rejet explicite de sa réclamation;

condamner la partie défenderesse aux dépens.

34

La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme non fondé;

statuer comme de droit sur les dépens.

En droit

35

A l'appui de son recours, le requérant soulève trois moyens tirés respectivement d'une violation de la décision prise à son égard le 13 juin 1988, d'une violation de l'article 2 de la réglementation accident et d'une erreur manifeste d'appréciation.

Quant au moyen tiré d'une violation de la décision prise le 13 juin 1988 à l'égard du requérant

Arguments des parties

36

Selon le requérant, la décision du 13 juin 1988 est génératrice de droits à son bénéfice ou, au moins, d'une légitime confiance, étant donné qu'elle a été prise paila Commission alors qu'elle était parfaitement informée des circonstances et des conséquences de l'accident dont il avait été victime. Dans ce contexte, le requérant affirme que cette décision a été adoptée au terme d'une étude approfondie du dossier, tant sur le plan juridique que sur le plan médical, étude qui lui avait été annoncée par la lettre de la Commission du 3 mai 1988.

37

De l'avis du requérant, c'est à tort que la Commission soutient que la décision en cause n'aurait eu pour portée que de reconnaître le caractère accidentel du «coup suile thorax» subi au cours du match de football. En effet, on se demanderait pour quel motif une étude juridique et médicale aurait été nécessaire à cet effet. L'annonce faite le 3 mai 1988 d'un examen médical supposerait nécessairement que la Commission ait tenu à être informée des lésions corporelles dont souffrait le requérant. Afin d'établir que c'est bien l'infarctus subi le 16 avril 1988 qui est visé par la décision du 13 juin 1988, le requérant renvoie, à titre d'exemple, à une lettre du 4 avril 1989 ayant pour «objet: accident du 16/4/88 - infarctus myocardique» et invitant le requérant à informer l'administration «sur l'évolution des lésions subies à l'occasion de [son] accident en objet».

38

Le requérant ajoute que, en décidant le 13 juin 1988 qu'il avait été victime d'un «accident», la Commission a recueilli l'avis du médecin désigné par elle et a donc nécessairement analysé le dossier sous l'angle médical. Ainsi, elle aurait admis que les lésions subies par le requérant étaient susceptibles d'être indemnisées dans le cadre de la réglementation accident. Par ailleurs, le certificat médical du 21 avril 1988, joint à la déclaration d'accident du 20 avril 1988, indiquerait que les traitements prescrits au requérant consistaient en l'administration de «Mitis-Tenormin-Cedocard». Or, ces médicaments seraient prescrits précisément pour des troubles majeurs vasculaires et coronariens. La seule mention de leurs noms, dans des documents médicaux reçus par la Commission dès le 26 avril 1988, aurait révélé que le requérant souffrait d'un infarctus du myocarde.

39

Dans ce contexte, le requérant considère que, au regard de l'examen médical annoncé le 3 mai 1988, on peut penser que l'administration a été attentive à la nature des soins qui lui ont été prescrits, tels qu'ils sont précisés dans le certificat médical du 21 avril 1988, et que des contacts ont été pris avec le service hospitalier où avait été admis le requérant. Il précise que, dès son hospitalisation, il a dû faire parvenir à la Commission diverses attestations de soins, destinées au remboursement de ses frais médicaux, et estime que ces attestations ont encore complété l'information de la Commission.

40

Le requérant relève que, à l'époque, la Commission n'a certes pas suivi la procédure prévue par l'article 21 de la réglementation accident; par ailleurs, elle aurait systématiquement méconnu les formes prescrites par cette réglementation, ainsi que le démontreraient les pièces 6 à 11 jointes en annexe à la requête. Toutefois, la seule circonstance d'avoir méconnu les règles de forme prescrites n'empêcherait pas que la décision du 13 juin 1988 soit juridiquement obligatoire pour la Commission. Le requérant admet que la décision du 13 juin 1988 ne comporte encore aucune information quant au taux de son incapacité permanente partielle. Toutefois, avant la fixation de ce taux, la Commission aurait pu parfaitement reconnaître, au titre de l'article 19 de la réglementation accident, que l'infarctus entrait dans la notion d'accident.

41

Le requérant allègue enfin que la portée de la décision du 13 juin 1988 n'est pas douteuse, du fait que la Commission a elle-même régulièrement pris en charge, en application de la réglementation accident, le remboursement total des frais médicaux résultant de son infarctus. Il ne serait pas logique que, s'agissant du remboursement des frais médicaux, la Commission ait sans réserve admis que l'infarctus constituait bien un accident, ce qui justifiait le remboursement de ses frais au taux de 100 %, et que l'incapacité permanente résultant de la même lésion, survenue dans les mêmes circonstances, ne fasse plus l'objet d'une indemnisation au titre de la réglementation accident.

42

La Commission affirme que la lettre du 13 juin 1988 est une simple lettre type qui se limite, par ses termes mêmes, à reconnaître qu'il y a eu un accident pouvant être pris en considération, sans promettre pour autant que telle ou telle condition serait reconnue comme résultant de l'accident. Par ailleurs, une telle promesse, même si elle venait à être faite, serait illégale, donc incapable de fonder une confiance légitime. En effet, répondre à la question de savoir si une condition médicale est la conséquence d'un accident supposerait une appréciation médicale, laquelle ne pourrait pas émaner d'une autorité administrative agissant seule.

43

La Commission souligne que, à la date du 13 juin 1988, elle n'avait pas encore porté une appréciation médicale sur le cas du requérant et n'avait nullement reconnu l'infarctus comme conséquence de l'accident du 16 avril 1988. Elle rappelle que ce n'est que le 23 juin 1988, lorsque le requérant lui a présenté les deux rapports d'hospitalisation des 2 et 26 mai 1988, qu'elle a appris qu'il y avait eu infarctus. Pour autant que le requérant renvoie au nom des médicaments prescrits, repris dans le certificat médical du 21 avril 1988, la Commission rétorque que cette argumentation est dénuée de pertinence, rien n'indiquant, à l'époque, que l'infarctus résultait de l'accident en cause.

44

Quant à la lettre du 3 mai 1988. la Commission allègue que son seul objet était d'accuser réception de la déclaration d'accident. Elle ne signifierait pas que la lettre type suivante - celle du 13 juin 1988 - représentait l'aboutissement d'une analyse médicale de tous les aspects du cas. Il serait illusoire de croire qu'une telle appréciation ait pu être opérée en l'espace d'un mois. La Commission admet avoir estimé, dans un premier temps, être en présence d'un accident. Toutefois, les procédures prévues par la réglementation accident n'auraient même pas été entamées à ce moment-là.

45

La lettre du 13 juin 1988 aurait notamment eu pour but de permettre la prise en charge à 100 % des frais médicaux au titre du régime spécial «accident», sans que ce remboursement ait signifié pour autant la reconnaissance d'un droit au capital prévu en cas d'invalidité permanente partielle résultant d'un accident au titre de l'infarctus allégué par le requérant. Le remboursement des frais médicaux à 100 % n'aurait été opéré qu'à titre provisoire, dans le seul intérêt de l'affilié, c'est-à-dire dans le souci de ne pas faire dépendre ce remboursement d'une décision à prendre, souvent après un délai important, quant à l'origine accidentelle des lésions. Le fait que la commission médicale ait ultérieurement conclu que l'infarctus n'était pas en relation avec l'accident du 16 avril 1988 permettrait à la Commission de procéder à la récupération des sommes dépassant le taux de remboursement au titre du régime normal «assurance maladie». Toutefois, aucune décision en ce sens n'aurait été prise jusqu'alors.

Appréciation du Tribunal

46

Afin de déterminer si la lettre du 13 juin 1988 a produit des effets obligatoires pour la Commission dans le sens d'une reconnaissance définitive de l'infarctus en cause comme accident au sens de l'article 2 de la réglementation accident, il y a lieu de procéder à une interprétation du libellé de cette lettre, en tenant compte du contexte factuel et juridique dans lequel elle a été rédigée et communiquée au requérant. Il s'agit ainsi d'établir la signification objective que la phrase «votre accident est pris en charge au titre des dispositions statutaires» (article 73 du statut, réglementation accident) pouvait raisonnablement avoir pour un fonctionnaire diligent et avisé, placé dans les circonstances du 13 juin 1988.

47

A cet égard, il convient de rappeler que la lettre litigieuse émanait d'une autorité administrative et était précédée de deux lettres de la même autorité administrative: celle du 28 avril, qui a invité le requérant à fournir de plus amples détails sur son accident, et celle du 3 mai 1988, qui l'a informé que sa déclaration d'accident faisait l'objet d'un examen approfondi sur le plan médical et juridique. Aucun élément du libellé ou du contexte factuel de ces lettres n'indique qu'elles avaient été formulées sur la base d'un avis médical. Ainsi qu'il ressort du dossier, les premiers rapports médicaux portés à la connaissance de la Commission, à savoir ceux des 2 et 26 mai 1988, lui ont été transmis par le requérant lui-même le 26 juin 1988, c'est-à-dire postérieurement au 13 juin 1988. Par ailleurs, la Commission a expressément souligné devant le Tribunal que, à cette date, elle n'avait pas encore porté une appréciation médicale sur le cas du requérant.

48

Les arguments développés en sens contraire par le requérant, selon lesquels, d'une part, la Commission a «nécessairement porté une analyse médicale sur le dossier» et, d'autre part, on «peut penser» que l'administration a pris des contacts avec le service hospitalier et que la Commission a recueilli l'avis d'un médecin avant le 13 juin, ne constituent que des suppositions et affirmations ne trouvant aucun appui dans le dossier. Cette argumentation ne saurait, par conséquent, être retenue.

49

Quant au contexte juridique de la lettre litigieuse, il convient de rappeler que, selon l'article 19 de la réglementation accident, les décisions relatives à la reconnaissance de l'origine accidentelle d'un événement sont prises par l'administration, suivant la procédure prévue à l'article 21, sur la base des conclusions émises par le ou les médecins désignés par l'institution, et que, aux termes dudit article 21, l'administration, avant de prendre une décision en vertu de l'article 19, notifie au fonctionnaire le projet de décision, accompagné des conclusions du ou des médecins désignés par l'institution. Or, en l'espèce, la correspondance échangée entre les parties jusqu'au 13 juin 1988 ne comporte aucun indice permettant d'établir que cette procédure avait déjà été entamée par la Commission. En particulier, le requérant n'avait pas encore reçu, à cette date, le projet d'une décision relative à la reconnaissance de l'origine accidentelle de son infarctus, accompagné des conclusions médicales y afférentes. En l'absence d'un tel projet de décision notifié au requérant, l'administration n'était donc pas encore liée quant aux conclusions concernant l'origine et les conséquences de cet infarctus (arrêt de la Cour du 29 novembre 1984. Suss/Commission, 265/83, Rec. p. 4029, points 18 à 20).

50

La procédure instaurée par les articles 19 et 21 de la réglementation accident n'ayant pas encore été mise en œuvre le 13 juin 1988, rien dans le dossier n'autorise le requérant à prétendre que la lettre litigieuse constituait nécessairement le terme de l'étude approfondie sur le plan juridique et médical annoncée dans la lettre du 3 mai 1988. Par ailleurs, dans les lettres administratives des 28 avril et 3 mai 1988, l'attention du requérant avait été attirée sur l'application de la réglementation accident. Le requérant était donc censé apprendre, à la lecture de la lettre litigieuse, que la procédure prévue par les articles 19 et 21 de cette réglementation n'avait pas encore débuté.

51

L'argument avancé dans ce contexte par le requérant, selon lequel la méconnaissance par la Commission des règles de forme prescrites n'enlèverait pas à la lettre litigieuse son caractère obligatoire, dès lors que la Commission aurait systématiquement méconnu lesdites formes, est dénué de pertinence. En effet, le vice que le requérant reproche à la Commission, en se éférant aux annexes 6 à 11 de sa requête, d'avoir allongé de manière injustifiée la procédure concerne un stade beaucoup plus avancé, situé en 1992. Ce grief ne vise donc pas la période aux alentours du 13 juin 1988. Par ailleurs, le requérant a confirmé à l'audience, en réponse à une question du Tribunal, qu'il ne soulevait aucun grief procédural concernant la période antérieure au 13 juin 1988.

52

Pour autant que le requérant se prévaut des médicaments prescrits, qui, selon lui, révélaient à eux seuls la présence d'un infarctus du myocarde, il y a lieu de rappeler que, à la date du 13 juin 1988, la Commission n'avait pas encore obtenu d'avis médicaux sur l'origine accidentelle ou non de l'infarctus. Par conséquent, l'administration n'était pas tenue de prêter attention, au titre de la réglementation accident, au nom de ces médicaments. Il en va de même en ce qui concerne les attestations de soin destinées au remboursement des frais médicaux, que le requérant invoque à cet égard.

53

Dans la mesure où le requérant renvoie encore à une lettre du 4 avril 1989 pour démontrer que son infarctus était visé déjà le 13 juin 1988, il suffit de constater que cette lettre, postérieure de presque 10 mois, ne saurait évidemment être prise en considération pour l'interprétation de la lettre litigieuse.

54

S'il est vrai que la Commission a procédé, dès le début, au remboursement des frais médicaux du requérant sur la base du «régime accident», c'est-à-dire au taux de 100 %, et non pas selon le «régime maladie» au taux de 80 ou de 85 % (voir l'article 72, paragraphe 1, du statut), cette situation n'autorisait pas. à elle seule, le requérant à considérer que la Commission - en l'absence de toute déclaration explicite en ce sens et contrairement aux prescriptions procédurales des articles 19 et 21 de la réglementation accident — avait définitivement reconnu, dès le 13 juin 1988, l'origine accidentelle de son infarctus en vue de procéder au paiement du capital prévu par l'article 12, paragraphe 2, de la même réglementation. Par ailleurs, la Commission a fourni une explication plausible de son comportement, favorable au requérant, en déclarant qu'elle avait provisoirement remboursé l'intégralité des frais médicaux exposés par le requérant, sans vouloir préjuger du paiement du capital prévu en cas d'invalidité permanente résultant d'un accident. En effet, les frais médicaux devant être exposés immédiatement par le patient, un remboursement spécifique, intégral et à titre provisoire, peut paraître justifié, alors que l'octroi du capital ne présente pas la même urgence sur le plan financier.

55

II résulte de ce qui précède que les éléments du dossier ne confortent pas la thèse d'un effet obligatoire de la lettre du 13 juin 1988, et cela même pas au titre d'une confiance légitime. En effet, la Commission s'est abstenue de fournir au requérant des assurances précises qui auraient fait naître dans son chef des espérances fondées à voir l'infarctus dont il avait été victime reconnu comme accidentel (voir, en ce sens, l'arrêt du Tribunal du 5 février 1997, Ibarra Gil/Commission, T-207/95, RecFP p. II-31, point 25).

56

II s'ensuit que le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

57

Quant aux griefs soulevés par les deuxième et troisième moyens, il s'avère qu'ils se recoupent largement en ce qu'ils concernent à la fois l'interprétation de l'article 2 de la réglementation accident, l'interprétation des conclusions de la commission médicale, le caractère prétendument inintelligible de ces conclusions ainsi que l'application que l'administration en a faite. Par conséquent, il y a lieu d'examiner ces moyens conjointement.

Quant aux moyens tirés d'une violation de l'article 2 de la réglementation accident et d'une erreur manifeste d'appréciation

Arguments des parties

58

Le requérant soutient que la Commission a enfreint l'article 2 de la réglementation accident en ce qu'elle a refusé de reconnaître l'infarctus dont il a été victime comme un «accident». En effet, cette disposition préciserait que, en particulier, toute affection musculaire résultant d'un effort constitue un accident, ce qui signifierait que l'effort est considéré comme un événement extérieur. Par conséquent, l'administration aurait dû reconnaître comme accident la lésion du muscle cardiaque subie par le requérant à la suite du coup qui lui avait été porté par un autre joueur ou même à la suite simplement des efforts violents réalisés au cours de l'épreuve sportive du 16 avril 1988.

59

II reproche à la Commission, notamment, d'avoir considéré que son infarctus résultait d'une maladie coronarienne préexistante, bien qu'il n'ait jamais éprouvé le moindre malaise cardiaque avant le 16 avril 1988, ce qui a été rappelé devant la commission médicale qui en a pris note dans son rapport. Selon le requérant, il est établi que c'est le coup subi au cours du match de football du 16 avril 1988 qui a déclenché le processus aboutissant à un infarctus du myocarde. Il admet que cette thèse a été mise en doute par la commission médicale, mais considère qu'une expertise ordonnée par le Tribunal pourrait en attester.

60

Le requérant ajoute que même le rapport de la commission médicale du 27 avril 1993 paraît admettre que l'infarctus en cause est la conséquence non pas d'une maladie coronarienne préexistante, mais de l'effort intense produit pendant, et du stress généré par, le jeu. On pourrait concevoir qu'une faiblesse antérieure ait rendu plus aisée la survenance de l'infarctus à ce moment, mais il demeurerait que l'élément déclencheur de l'infarctus a été l'incident sportif. La seule concomitance du choc et de l'infarctus suffirait objectivement à établir le lien de causalité entre l'incident du 16 avril 1988 et l'infarctus. Le requérant estime donc que la Commission a attribué à l'avis de la commission médicale une portée qu'il n'a pas.

61

Dans sa réplique, le requérant admet que l'avis d'une commission médicale lie en principe la Commission. Cette règle ne s'appliquerait cependant qu'à la seule condition qu'un lien compréhensible existe entre les constatations médicales auxquelles procède la commission médicale et les conclusions auxquelles aboutit son analyse. Or, en l'espèce, les deux avis successivement donnés par la commission médicale seraient incohérents et contradictoires.

62

Le requérant réaffirme, dans ce contexte, que ses frais médicaux ont été remboursés à 100 %, au titre du «régime accident», raison pour laquelle la Commission doit indemniser, au même titre, l'incapacité permanente résultant du même événement qui a donné lieu aux frais médicaux.

63

La Commission renvoie à l'expression «tout événement ou facteur extérieur» figurant à l'article 2 de la réglementation accident et souligne que cette expression se réfère à des faits qui échappent au contrôle de l'intéressé. Or, la commission médicale aurait indiqué que l'infarctus faisait suite, éventuellement, à des efforts faits pendant le jeu et au stress que celui-ci impliquait, tout en rappelant que ce ne sont pas des éléments extérieurs, mais des facteurs inhérents au jeu compétitif que chaque joueur connaît à l'avance. Par ailleurs, depuis le mois de mai 1988, les médecins ayant traité le requérant auraient considéré que l'infarctus du mois d'avril 1988 résultait d'un état préexistant, dont d'autres signes avaient déjà été remarqués en mars 1988.

64

La Commission rappelle que l'administration est liée par les conclusions médicales (arrêt du Tribunal du 21 mai 1996, W/Commission, T-148/95, RecFP p. II-645, points 38 et 39). Or, en l'espèce, la commission médicale aurait constaté que «des explorations coronariennes ultérieures ont montré qu'il existait une maladie coronarienne préexistante». Cela signifierait que, même en admettant que le requérant n'avait vraiment rien ressenti avant le 16 avril 1988, il existait une autre preuve, par examen physique, qu'il souffrait d'une maladie coronarienne avant cette date.

65

La Commission considère que le requérant n'est pas recevable à faire valoir que la seule concomitance du choc et de l'infarctus suffit à établir le lien de causalité. La question médicale soumise à la commission médicale aurait précisément eu pour objet de déterminer si tel était le cas; la commission, parfaitement informée de cette concomitance, aurait exclu un tel lien de causalité en expliquant pourquoi elle tenait pour établi que le requérant souffrait d'une maladie coronarienne préexistante.

66

Dans la mesure où le requérant lui reproche d'avoir suivi l'avis de la commission médicale, la Commission souligne que c'est en réalité l'avis lui-même qui est attaqué. Or, le juge communautaire n'aurait aucune compétence pour se prononcer sur une telle argumentation. Le fait pour une commission médicale de conclure qu'un infarctus résultait d'une condition préexistante plutôt que d'un événement survenu sur un terrain de football serait par excellence une appréciation médicale qui échappe au contrôle tant de l'administration que du juge. Dans la mesure où le requérant, en désaccord avec les conclusions de la commission médicale, propose au Tribunal d'ordonner sa propre expertise, la Commission souligne qu'une telle procédure n'a aucun fondement dans la législation, ni dans la jurisprudence.

67

Pour autant que le requérant rappelle enfin que ses frais médicaux ont été pris en charge à 100 %, la Commission renvoie à l'argumentation qu'elle a développée en réponse au premier moyen soulevé par le requérant.

Appréciation du Tribunal

68

Face à ce débat, il y a lieu de constater que l'article 2 de la réglementation accident contient, dans son paragraphe 1, une définition générale et abstraite de la notion d'accident et énumère, dans son paragraphe 2, une série de cas spéciaux qui sont considérés comme des accidents, dont «les distorsions, déchirures, ruptures musculaires et tendineuses résultant d'un effort».

69

Pour autant que le requérant estime que son infarctus entre dans le champ d'application du paragraphe 2 de l'article susmentionné au motif qu'il constitue une affection de son muscle cardiaque provoquée par les efforts du match de football, il convient de relever que l'infarctus du myocarde, s'il peut aboutir à une lésion du muscle cardiaque, ne saurait toutefois être qualifié de «déchirure» ou de «rupture musculaire et tendineuse», ni d'ailleurs de «distorsion» telle qu'elle peut se manifester, notamment, au niveau des articulations.

70

Dans ce contexte, le requérant a soutenu, à l'audience, que ce paragraphe 2 avait essentiellement été invoqué parce qu'il démontre, de l'avis du requérant, que la réalisation d'un effort physique constitue un facteur extérieur au sens du paragraphe 1. Il en conclut que l'article 2 de la réglementation accident n'est compréhensible, dans sa cohérence, que si l'on considère que l'effort en tant que tel est un facteur extérieur à l'organisme qui peut déclencher une lésion de nature accidentelle.

71

II y a toutefois lieu de relever que les différents cas de figure énumérés au paragraphe 2 sont loin de renvoyer, dans leur ensemble, à un effort physique déployé par la victime d'un accident. Il s'agit, au contraire, d'hypothèses assez hétérogènes, dont la plupart sont caractérisées par l'absence d'effort, telles que les empoisonnements, les piqûres d'insectes, les congélations et même la disparition inexpliquée du fonctionnaire. Ce texte s'oppose donc à l'interprétation, suggérée paile requérant, du paragraphe 1 de l'article 2 à la lumière de son paragraphe 2.

72

II s'ensuit que l'infarctus litigieux ne saurait être pris en compte comme accident que s'il constitue un «événement ou facteur extérieur et soudain ou violent ou anormal» au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la réglementation accident.

73

A cet égard, il convient de rappeler que, en l'espèce, une commission médicale a été constituée, en vertu des articles 19. 21 et 23 de la réglementation accident, et que cette commission a émis ses avis sur l'infarctus en question. Or, selon une jurisprudence constante, les appréciations médicales proprement dites formulées paila commission médicale doivent être considérées comme définitives lorsqu'elles ont été émises dans des conditions régulières. Le contrôle juridictionnel ne peut s'exercer que sur la régularité de la constitution et du fonctionnement d'une telle commission ainsi que sur la régularité des avis qu'elle émet (voir, par exemple, l'arrêt du Tribunal du 21 mars 1996, Chehab/Commission, T-10/95, RecFP p. II-419, point 41).

74

En l'espèce, la régularité de la constitution et du fonctionnement de la commission médicale n'a pas été contestée, dans son principe même, par le requérant. Celui-ci s'est limité à reprocher à la Commission d'avoir allongé, de manière injustifiée, les seules étapes administratives antérieures et postérieures à la procédure qui s'est déroulée devant la commission médicale.

75

Quant à la substance de ses conclusions, il convient de constater, en premier lieu, que la commission médicale, dans son rapport du 27 avril 1993, a exclu que l'infarctus du myocarde du requérant soit d'origine traumatique, c'est-à-dire que cet infarctus ait été provoqué par le coup que le requérant avait reçu au thorax. Par cette formule générale, la commission médicale a même nié tout effet déclencheur de la collision entre le requérant et l'un des autres joueurs de football. La commission médicale a en outre constaté que le requérant souffrait d'une maladie coronarienne préexistante, dont l'existence a été révélée par des explorations coronariennes effectuées postérieurement à son accident tout en rappelant qu'il présentait plusieurs facteurs de risque, à savoir un taux de cholestérol élevé, une triglycéridémie élevée et un tabagisme important.

76

Le Tribunal estime que la commission médicale a ainsi fourni des explications claires, suffisantes et cohérentes quant à l'absence de causalité entre le coup sur le thorax que le requérant avait reçu et l'infarctus du myocarde ayant porté atteinte à son intégrité physique au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la réglementation accident. Quant à l'argument du requérant selon lequel il n'avait jamais ressenti de douleur dans la poitrine avant le 15 avril 1988, il suffit d'observer qu'il n'y a aucune contradiction entre l'absence d'une telle douleur et la présence d'une maladie coronarienne latente, cette maladie coronarienne ayant d'ailleurs été constatée en l'espèce au moyen d'explorations coronariennes.

77

En ce qui concerne les conclusions de la commission médicale, il convient de constater, en second lieu, que le rapport du 27 avril 1993 contient le passage suivant:

«Il est possible que l'effort intense et le stress du jeu aient pu entraîner [...] un spasme coronarien important, générateur de l'infarctus. [...] La notion ‘d'accident’ est une notion juridique et il nous est difficile d'affirmer que les efforts répétitifs fournis au cours du match du 16 avril 1988 correspondent ou non à la notion ‘d'accident’.»

78

Le Tribunal considère que la seule appréciation médicale proprement dite que comporte ce passage porte sur la possibilité d'une causalité entre l'infarctus, d'une part, et les efforts intenses répétitifs fournis au cours du match de football ainsi que le stress du jeu, d'autre part. En revanche, la question de savoir si ces efforts et ce stress peuvent être qualifiés d'accident au sens de l'article 2, paragraphe 1, de la réglementation accident relève de la seule compétence de l'administration sous le contrôle du juge communautaire. Dès lors, dans l'hypothèse où il serait répondu paila négative à cette question, l'appréciation médicale relative à l'éventuelle causalité s'avérerait dénuée de toute pertinence.

79

Or, le Tribunal estime que les efforts déployés et le stress ressenti par le requérant lors du match de football en cause - abstraction faite de la collision avec l'un des autres joueurs, dont le rapport causal avec l'infarctus a expressément été exclu paila commission médicale - ne présentent aucun élément «extérieur» par rapport à l'organisme du requérant. Ils sont le résultat de la participation volontaire du requérant à une épreuve sportive au cours de laquelle il a effectué des mouvements corporels tout à fait typiques et normaux. A cause de leur caractère répétitif, ces mouvements en tant que tels ne peuvent pas non plus être considérés comme soudains, ni comme violents. II s'ensuit que les efforts et le stress susmentionnés, à supposer qu'ils aient pu déclencher l'infarctus du requérant, ne constituent pas une cause de nature accidentelle. Par conséquent, les conditions d'application de l'article 2, paragraphe 1, de la réglementation accident ne sont pas remplies en l'espèce.

80

II est vrai que le Dr Abramowicz, dans ses lettres du 10 octobre 1990 et du 10 août 1992, s'est distancé des conclusions de la commission médicale. A cet égard, il suffit toutefois de remarquer que ces lettres n'ont, en tout état de cause, pas été écrites dans le cadre de la procédure formelle mise en œuvre au titre de la réglementation accident. Par conséquent, la commission médicale n'était pas obligée de tenir compte de ce point de vue individuel (arrêt Suss/Commission, précité, point 13).

81

La régularité des conclusions auxquelles la commission médicale est arrivée dans son rapport du 27 avril 1993 n'est pas non plus remise en question par la circonstance que l'un des trois médecins, le Dr Abramowicz, a ajouté des remarques manuscrites faisant état d'erreurs factuelles. Indépendamment du fait que le même docteur, par lettre du 28 octobre 1994, a admis que ces remarques «ne changeaient pas la teneur des conclusions», il y a lieu de rappeler que le statut, en prévoyant une commission médicale composée de trois membres, implique que, en cas de désaccord, elle puisse statuer à la majorité. Il s'ensuit que la commission peut décider à la majorité la clôture de ses travaux et que son rapport n'est donc pas entaché d'un vice de forme du fait qu'un de ses membres a refusé de le signer (arrêt de la Cour du 10 décembre 1987, Jänsch/Commission, 277/84, Rec. p. 4923, point 14, et arrêt du Tribunal du 21 juin 1990, Sabbatucci/Parlement, T-31/89, Rec. p. II-265). Eu égard à cette jurisprudence, le comportement du Dr Abramowicz, qui a effectivement signé le rapport du 27 avril 1993, n'est pas de nature, à plus forte raison, à affecter la régularité du rapport de la commission médicale.

82

En ce qui concerne enfin le deuxième rapport de la commission médicale, signé paties seuls Drs Rogowsky et Dalem, il suffit de relever qu'il ne modifie en rien les conclusions essentielles du premier rapport.

83

Dans la mesure où le requérant réitère encore son argument relatif au remboursement des frais médicaux à 100 %, il suffit de renvoyer à ce qui a été constaté ci-dessus dans le cadre de l'examen du premier moyen.

84

C'est donc à juste titre que la Commission, pour des raisons juridiques et compte tenu des conclusions de la commission médicale, a refusé de reconnaître une origine accidentelle à l'infarctus dont le requérant a été victime. Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu pour le Tribunal d'ordonner une expertise médicale au titre de l'article 65, sous d), du règlement de procédure.

85

II résulte de ce qui précède que les deuxième et troisième moyens doivent également être rejetés.

86

Dès lors, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

Sur les dépens

87

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci. Il y a donc lieu de condamner chacune des parties à supporter ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Chacune des parties supportera ses propres dépens.

 

Kalogeropoulos

Bellamy

Pirrung

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 29 janvier 1998.

Le greffier

H. Jung

Le président

A. Kalogeropoulos


( *1 ) Lingue de procédure: le français.

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