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Dokument 62009FJ0101

PERSONALDOMSTOLENS DOM (första avdelningen) av den 13 september 2011.
AA mot Europeiska kommissionen.
Tjänstemän – Tillsättning – Tillfälligt anställda som tillsatts som tjänstemän – Placering i lönegrad – Verkställande av lagakraftvunnen dom – Förlust av möjlighet.
Mål F-101/09.

Rättsfallssamlingen – personaldelen

ECLI-nummer: ECLI:EU:F:2011:133

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

13 septembre 2011 (*)

« Fonction publique – Nomination – Agents temporaires nommés fonctionnaires – Classement en grade – Exécution de la chose jugée – Perte d’une chance »

Dans l’affaire F-101/09,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

AA, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté initialement par Mes K. Van Maldegem et C. Mereu, avocats, puis par Mes K. Van Maldegem, C. Mereu, et M. Velardo, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme C. Berardis-Kayser et M. J. Baquero Cruz, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre),

composé de M. S. Gervasoni, président, M. H. Kreppel (rapporteur) et Mme M. I. Rofes i Pujol, juges,

greffier : M. J. Tomac, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 juin 2010,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal par télécopie le 15 décembre 2009 (le dépôt de l’original étant intervenu le 17 décembre suivant), AA a introduit le présent recours tendant notamment à l’annulation de la décision le classant au grade AD 6, échelon 2, et, à titre subsidiaire, à la condamnation de la Commission européenne au paiement de dommages et intérêts pour perte de la chance d’avoir été recruté sous le régime du statut des fonctionnaires des Communautés européennes dans sa version en vigueur avant le 1er mai 2004 (ci-après l’« ancien statut ») et, par suite, de la perte de la chance de percevoir un meilleur salaire.

 Cadre juridique

2        Aux termes du premier alinéa de l’article 233 CE :

« L’institution ou les institutions dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire au présent traité, sont tenues de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice. »

3        Ces dispositions ont été remplacées par celles du premier alinéa de l’article 266 TFUE, applicables à compter de l’entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du traité de Lisbonne, aux termes desquelles :

« L’institution, l’organe ou l’organisme dont émane l’acte annulé, ou dont l’abstention a été déclarée contraire aux traités, est tenu de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour de justice de l’Union européenne. »

4        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne tel que modifié par le règlement (CE, Euratom) no 723/2004 du Conseil, du 22 mars 2004 (JO L 124, p. 1), est entré en vigueur le 1er mai 2004 (ci-après le « statut »).

5        L’article 3 du statut dispose :

« L’acte de nomination du fonctionnaire précise la date à laquelle cette nomination prend effet ; en aucun cas cette date ne peut être antérieure à celle de l’entrée en fonctions de l’intéressé. »

 Faits à l’origine du litige

6        Du 1er janvier 2003 au 31 juillet 2004, le requérant, auparavant fonctionnaire national, a travaillé au sein de la Commission, en tant qu’agent temporaire, à la direction générale (DG) « Agriculture ».

7        Le 25 juillet 2002, la Commission a publié l’avis de concours COM/A/1/02 en vue de constituer une réserve de recrutement d’administrateurs (carrière A 7/A 6) dans les domaines « agriculture », « pêche » ou « environnement » (JO C 177 A, p. 13).

8        Le 12 mai 2003, le requérant s’est porté candidat au concours COM/A/1/02 dans le domaine « agriculture » pour lequel il était prévu de constituer une réserve de recrutement de 120 personnes, pour un nombre de postes à pourvoir estimé, à titre indicatif, à 100.

9        Par lettre du 16 mars 2004, le requérant a été informé de ce que son nom n’avait pu être inscrit par le jury sur la liste de réserve. Le même jour, la Commission a procédé au recrutement de 27 lauréats du concours COM/A/1/02 qui travaillaient déjà à son service comme agents temporaires.

10      Le 22 mars 2004, le Conseil a adopté le règlement no 723/2004. Ce règlement est entré en vigueur le 1er mai 2004.

11      Après la publication, le 23 mars 2004, des listes de réserve du concours COM/A/1/02, la DG « Personnel et administration » (ci-après la « DG ‘Personnel’ ») a adressé ce même jour à chacune des directions générales de la Commission par la voie du courrier électronique une note concernant notamment les lauréats du concours COM/A/1/02 (ci-après la « note du 23 mars 2004 »). Il y était indiqué que, « [e]u égard à l’imminence de la mise en œuvre de la [r]éforme [du statut], il est évident que [les] lauréats [dudit concours] ne prendront fonction qu’après la date du 1er mai, et seront donc classés selon la nouvelle structure de carrières […] Par ailleurs, certains lauréats sont déjà en fonction à la Commission sous des statuts divers. […] Pour ceux d’entre eux qui ne sont pas soumis à la visite médicale d’embauche ([f]onctionnaires et [a]gents temporaires […]), [la DG ‘Personnel’] acceptera d’effectuer des nominations à la condition expresse que les demandes des [directions générales] se fondent sur des emplois publiés, et dont la date d’échéance de l’avis de vacance est antérieure au 14 avril [2004] […] Les [directions générales] qui emploient déjà des lauréats sous des statuts moins favorables que celui auquel ces concours donnent accès sont considérées comme ayant vocation à nommer ces personnes dans leurs propres services. »

12      Le 19 juillet 2004, le requérant a saisi le Tribunal de première instance des Communautés européennes d’un recours en annulation de la décision du jury de lui attribuer une note insuffisante aux épreuves pour l’inscrire sur la liste des lauréats.

13      Le 1er août 2004, le requérant a rejoint son administration nationale.

14      Par arrêt du 12 décembre 2007 (T-307/04, ci-après l’« arrêt du 12 décembre 2007 »), le Tribunal de première instance a annulé la décision du jury du concours COM/A/1/02 de ne pas inscrire le requérant sur la liste des lauréats, au motif que le jury avait commis une erreur manifeste d’appréciation en admettant à tort à concourir l’un des candidats figurant parmi les lauréats, ce qui, eu égard à la circonstance que le requérant était classé premier parmi les non-lauréats, justifiait l’annulation de ladite décision.

15      Par lettre de l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) du 1er février 2008, le requérant a été informé qu’à la suite du prononcé de l’arrêt du 12 décembre 2007 son nom avait été inscrit sur la liste de réserve.

16      Par lettre du 19 février 2009, la Commission a proposé au requérant un emploi de fonctionnaire stagiaire comme administrateur, avec affectation à la DG « Agriculture » et classement au grade AD 6, échelon 2.

17      Par décision du 9 mars 2009, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a nommé le requérant fonctionnaire stagiaire, avec classement dans le groupe de fonctions AD, grade 6, échelon 2, avec effet au 16 mars 2009.

18      Le 17 mai 2009, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision de le classer au grade AD 6, échelon 2, décision qui, selon lui, aurait été prise lors de la rédaction de la lettre du 19 février 2009 lui proposant un emploi de fonctionnaire stagiaire.

19      Par décision du 9 septembre 2009, notifiée le lendemain, l’AIPN a rejeté la réclamation du requérant.

20      À la date du 4 février 2010, 198 des 291 lauréats du concours COM/A/1/02 ont été recrutés, dont 81 sur 120 lauréats dans le domaine « agriculture ». Parmi les lauréats recrutés, 37 étaient déjà en relation de travail avec la Commission avant d’être inscrits sur la liste de réserve, dont 27 ont été recrutés avant le 1er mai 2004, date d’entrée vigueur de la réforme statutaire.

 Conclusions des parties et procédure

21      Le requérant demande, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        à tire principal,

–        annuler la décision de la Commission du 19 février 2009 en ce qu’elle le classe à titre définitif au grade AD 6, échelon 2 ;

–        pour autant que de besoin, annuler la décision de l’AIPN du 9 septembre 2009 rejetant sa réclamation ;

–        condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice moral et matériel subi en raison de l’illégalité de la décision de classement ainsi qu’au paiement d’intérêts compensatoires et moratoires au taux de 6,75 % ;

–        à titre subsidiaire,

–        condamner la Commission au paiement de dommages et intérêts pour le préjudice moral et matériel causé par le retard dans son recrutement dû à l’illégalité commise par le jury du concours COM/A/1/02 ainsi qu’au paiement d’intérêts compensatoires et moratoires au taux de 6,75 % ;

–        condamner la Commission aux dépens qu’il a encourus.

22      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

23      Dans le cadre du rapport préparatoire d’audience, le Tribunal a demandé par voie de mesure d’organisation de la procédure, à la Commission qu’elle lui transmette un document permettant de déterminer, avec précision, dans l’hypothèse où le Tribunal ferait droit pour tout ou pour partie aux conclusions du requérant, quel montant représenterait la différence de salaires, en valeur nette, entre un recrutement du requérant consécutif à la publication de la liste de réserve et son recrutement effectif, ainsi que, plus généralement, et en tenant compte d’un avancement de carrière régulier, les conséquences financières pour le requérant, notamment en termes de droits à pension, de son recrutement le 16 mars 2009 et non consécutivement à la publication de la liste de réserve.

24      La Commission a déféré aux demandes du Tribunal les 22 et 24 juin 2010. Les documents transmis ont ensuite été communiqués au requérant.

25      Par de nouvelles mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a demandé à la Commission qu’elle lui communique les avis de vacance correspondant aux postes ayant été pourvus le 16 avril 2004 par des lauréats du concours COM/A/1/02 ayant tous déjà travaillé pour la Commission, et au requérant le montant exact des salaires qu’il a perçu entre les mois d’avril 2004 et mars 2009, après impôts, en sa qualité d’agent temporaire de la Commission puis de fonctionnaire national, ainsi qu’une copie de son contrat de travail faisant apparaître la date à laquelle celui-ci aurait dû prendre fin s’il n’avait pas été renouvelé jusqu’au 31 juillet 2004.

26      La Commission et le requérant ont respectivement déféré à ces mesures d’organisation de la procédure les 20 septembre et 4 octobre 2010. Chacune des parties a alors été invitée à présenter ses observations sur les documents transmis par l’autre partie, ce que la Commission a fait le 28 octobre 2010 et le requérant, le 3 novembre suivant.

 En droit

 Sur l’objet des conclusions en annulation

27      Il est de jurisprudence constante que les conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, arrêt du Tribunal du 14 décembre 2010, Bleser/Cour de justice, F-25/07, point 46, et la jurisprudence citée). En l’espèce, le rejet de la réclamation n’ayant pas modifié la décision de l’AIPN de classer le requérant au grade AD 6, échelon 2, les conclusions en annulation dirigées contre le rejet de la réclamation doivent être considérées comme ayant le même objet que les conclusions en annulation dirigées contre ladite décision de classer le requérant au grade AD 6, échelon 2, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les examiner séparément.

28       En ce qui concerne l’objet des conclusions en annulation dirigées contre la décision de classer le requérant « à titre définitif » au grade AD 6, échelon 2, il y a lieu de relever que le requérant estime que ladite décision aurait été adoptée le 19 février 2009 à l’occasion de l’offre de le recruter présentée par la Commission. Or, le classement du requérant ne pouvait être rendu définitif que par l’adoption de son acte de nomination. Cependant, il doit être relevé que la formulation employée par la Commission dans son offre de recrutement pouvait laisser croire à ce dernier que son classement avait déjà été définitivement arrêté. Par conséquent, et eu égard à l’intelligibilité que les destinataires d’un acte administratif sont en droit d’attendre de celui-ci, les conclusions en annulation du requérant doivent être comprises comme étant en réalité dirigées contre l’acte de nomination du 9 mars 2009 (ci-après la « décision attaquée »).

 Sur les conclusions en annulation

29      Au soutien de ses conclusions en annulation, le requérant présente quatre moyens tirés, en substance, de :

–        la mauvaise exécution de la chose jugée ainsi que de la violation du principe d’égalité de traitement ;

–        la violation du principe de confiance légitime, du devoir de sollicitude et du principe de la vocation des agents temporaires à devenir fonctionnaires ;

–        l’enrichissement sans cause et de l’absence de base légale à la décision attaquée ;

–        l’existence d’un détournement de pouvoir.

30      Le deuxième moyen comporte formellement deux branches, la première, tirée de la violation du principe de confiance légitime, la seconde, du devoir de sollicitude et du principe de la vocation des agents temporaires à devenir fonctionnaires. Cependant, la première branche du deuxième moyen, tirée de la violation du principe de la confiance légitime, se rattachant étroitement aux arguments développés dans le cadre du premier moyen, elle sera examinée conjointement avec le premier moyen.

 Sur le premier moyen, tiré de la mauvaise exécution de la chose jugée ainsi que de la violation du principe d’égalité de traitement et du principe de la confiance légitime

–       Arguments des parties

31      Le requérant rappelle en substance que, selon la jurisprudence, à la suite d’un arrêt d’annulation, l’administration doit prendre toutes les mesures nécessaires pour placer rétroactivement le fonctionnaire concerné dans la situation qui aurait été la sienne si l’acte annulé n’avait jamais été adopté. Ce ne serait que lorsque l’intérêt des tiers ou bien l’intérêt du service s’y opposeraient que l’institution aurait la possibilité d’indemniser le fonctionnaire concerné plutôt que de le placer rétroactivement dans la situation qui aurait dû être la sienne (arrêt du Tribunal de première instance du 31 mars 2004, Girardot/Commission, T-10/02, point 89, ci-après l’« arrêt Girardot I »).

32      En l’espèce, le requérant affirme que s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, comme il aurait dû l’être, il aurait été recruté avant le 1er mai 2004, ce qui lui aurait permis de bénéficier d’un meilleur classement, les règles de conversion des grades pour les fonctionnaires déjà en exercice avant cette date étant plus favorables que celles appliquées pour les personnes recrutées à partir du 1er mai 2004. Le fait de lui appliquer les dispositions de l’ancien statut ne portant pas atteinte aux droits d’un tiers ou à l’intérêt du service, le requérant en déduit que l’administration, lorsqu’elle l’a finalement recruté en 2009, aurait dû le classer conformément aux dispositions de l’ancien statut afin de compenser rétroactivement les effets de l’illégalité commise par le jury du concours COM/A/1/02.

33      Afin de démontrer que, s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, il aurait été recruté avant le 1er mai 2004, le requérant met en avant plusieurs arguments. Premièrement, selon la jurisprudence, les agents temporaires auraient vocation à devenir fonctionnaires. Deuxièmement, il aurait donné pleinement satisfaction en tant qu’agent temporaire. Troisièmement, l’institution aurait eu besoin de ses services, puisqu’elle a maintenu son contrat d’agent temporaire après la publication de la liste. Quatrièmement, la Commission aurait pourvu le poste d’agent temporaire qu’il occupait par le recrutement de l’un des lauréats du concours COM/A/1/02. Or, s’il avait été inscrit sur la liste de réserve, il aurait été recruté aux lieu et place de cette personne, car son profil correspondait parfaitement aux exigences de son poste, ce dont témoignerait le fait que le fonctionnaire recruté pour occuper ce poste avait un curriculum vitæ similaire au sien. Cinquièmement, tous les lauréats du concours COM/A/1/02, qui comme lui travaillaient précédemment pour la Commission, auraient été recrutés immédiatement après la publication de la liste de réserve. Sixièmement, une fois son nom inscrit sur la liste de réserve, il a été très rapidement recruté. Septièmement, la circonstance que la liste de réserve a été publiée peu de temps avant la réforme statutaire, entrée en vigueur le 1er mai 2004, n’aurait pas été un obstacle à son recrutement avant ladite entrée en vigueur, puisque tous lauréats qui, comme lui, travaillaient précédemment pour la Commission auraient été recrutés avant cette date. Huitièmement, l’administration aurait fait naître chez lui la confiance légitime qu’il serait recruté avant l’entrée en vigueur de la réforme statutaire, en raison, d’une part, de l’existence d’un principe jurisprudentiel dégagé dans les arrêts Chetcuti/Commission (arrêt de la Cour du 9 octobre 2008, Chetcuti/Commission, C-16/07 P, point 49, et arrêt du Tribunal de première instance du 8 novembre 2006, Chetcuti/Commission, T-357/04, point 59) selon lequel tout agent temporaire aurait vocation à devenir fonctionnaire et, d’autre part, de la note du 23 mars 2004, aux termes de laquelle l’administration se serait engagée à recruter tous les lauréats du concours COM/A/1/02 avant le 1er mai 2004. Neuvièmement, exiger de lui tout autre élément de preuve que ceux précédemment mentionnés conduirait à lui imposer une probatio diabolica.

34      Par ailleurs, le requérant affirme qu’en étant classé au grade AD 6, échelon 2, il serait discriminé par rapport aux agents temporaires inscrits ab initio sur la liste de réserve, car, contrairement à ces derniers, qui pouvaient potentiellement être recrutés avant le 1er mai 2004, il a été privé de cette chance.

35      À titre subsidiaire, le requérant affirme, eu égard à la note du 23 mars 2004 de la DG « Personnel », que son classement au grade AD 6, échelon 2, est illégal, car, indépendamment de la réforme statutaire, ce classement ne tient pas compte du fait que, si son nom avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, il aurait été recruté avant le 1er mai 2004, de sorte qu’à la date d’aujourd’hui il aurait déjà gagné plusieurs échelons, voire même aurait été promu à un grade supérieur.

36      En défense, la Commission estime s’être conformée à l’arrêt du 12 décembre 2007 en inscrivant le requérant sur la liste de réserve, car, selon elle, l’exécution de cet arrêt ne l’obligeait pas à recruter le requérant conformément aux dispositions de l’ancien statut. En effet, la Commission rappelle que le principe selon lequel les agents temporaires ont vocation à devenir fonctionnaires ne signifie pas qu’ils ont un droit à le devenir. En l’absence de certitude quant au fait que le requérant aurait été recruté avant le 1er mai 2004 s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, la Commission estime que classer ce dernier selon les dispositions de l’ancien statut aboutirait à conférer à l’obligation d’exécution de la chose jugée une portée excessive.

37      En ce qui concerne la note du 23 mars 2004, la Commission estime que celle-ci n’était pas susceptible de faire naître chez le requérant la confiance légitime dans un recrutement avant le 1er mai 2004, car son contenu démontrait que la possibilité de procéder à des nominations avant l’entrée en vigueur de la réforme statutaire était exceptionnelle et soumise à conditions.

38      S’agissant du principe d’égalité de traitement, la Commission estime que la situation du requérant doit être comparée non pas à celle des seuls agents temporaires lauréats du concours COM/A/1/02, mais à celle de l’ensemble des lauréats du concours, de sorte que celui-ci ne souffrirait d’aucune discrimination, puisqu’à la date d’aujourd’hui de nombreux lauréats dudit concours n’auraient toujours pas été recrutés.

39      Quand bien même la situation du requérant devrait-elle être comparée à celle des seuls agents temporaires lauréats du concours COM/A/1/02, la Commission relève que plusieurs de ces agents n’ont pas été recrutés avant le 1er mai 2004 et qu’à la date d’aujourd’hui l’un d’entre eux se trouve toujours sur la liste de réserve.

40      Pour ce qui est de l’argument subsidiaire tiré de ce que le requérant aurait déjà été promu s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, la Commission estime que cet argument est manifestement irrecevable, faute d’avoir été soulevé dans la réclamation. En tout état de cause, elle affirme que cet argument serait manifestement non fondé, car il n’existe aucune certitude sur le fait que le requérant aurait été recruté plus tôt s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve.

–       Appréciation du Tribunal

41      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 233 CE (devenu, après modification, l’article 266 TFUE), l’institution dont émane un acte qui a été annulé par une juridiction de l’Union est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de la décision d’annulation afin de compenser les conséquences de l’illégalité qu’elle a commise. Ainsi, en principe, l’administration doit-elle mettre le fonctionnaire concerné exactement dans la situation qui serait aujourd’hui la sienne en l’absence de l’illégalité constatée (voir arrêt du Tribunal du 6 juin 2006, Girardot/Commission, T-10/02, point 49, ci-après l’« arrêt Girardot II »).) À cet effet, afin de corriger dans le temps les conséquences qu’a pu avoir ladite illégalité, et à la condition que la confiance légitime des intéressés soit dûment respectée, l’administration peut prendre un acte ayant un caractère rétroactif (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 septembre 2008, Smadja/Commission, F-135/07, point 48).

42      C’est au regard de ces principes qu’il convient de déterminer si, comme le soutient le requérant, la Commission avait l’obligation, en exécution de l’arrêt du 12 décembre 2007, de déterminer son classement en faisant application des dispositions de l’ancien statut et en tenant compte de l’avancement de carrière qui aurait été le sien s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve.

43      À cet égard, il doit être relevé que, dans l’arrêt du 12 décembre 2007, le Tribunal de première instance a constaté que le jury du concours COM/A/1/02 avait commis une illégalité en admettant à tort à concourir l’un des lauréats du concours. Après avoir pris en considération la circonstance que le requérant était arrivé en première place parmi les non-lauréats du concours, lequel visait à constituer une liste de réserve de 120 administrateurs dans le domaine « agriculture », le Tribunal de première instance a annulé la décision de ne pas inscrire le requérant sur ladite liste. Par conséquent, il y a lieu de constater que, même si l’arrêt du 12 décembre 2007 ne le précisait pas, sa bonne exécution par l’administration nécessitait de replacer le requérant dans la situation qui aurait dû être la sienne s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, ce qui supposait, au premier chef, de l’inscrire sur la liste de réserve afin qu’il ait vocation à être recruté. Or, l’administration s’est bien conformée à cette exigence puisqu’elle a inscrit le requérant sur la liste de réserve.

44      En revanche, l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2007 n’impliquait pas, contrairement à ce qu’affirme le requérant, d’adopter une décision de nomination avec effet rétroactif afin de déterminer son classement par application des dispositions de l’ancien statut. En effet, il doit être rappelé que l’inscription sur une liste de réserve crée dans le chef des intéressés une vocation et non un droit à être nommé fonctionnaires (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 11 juillet 2007, Centeno Mediavilla e.a./Commission, T-58/05, point 52, confirmé par arrêt de la Cour du 22 décembre 2008, Centeno Mediavilla e.a./Commission, C-443/07 P, point 112), encore moins dans un certain délai, et ce même lorsque les compétences des personnes concernées correspondent aux besoins du service. Par conséquent, quand bien même le requérant aurait-il été inscrit ab initio sur la liste de réserve, il n’aurait pas été nécessairement recruté avant le 1er mai 2004, voire avant la date à laquelle il l’a été. Or, en l’absence de cette certitude sur la date du recrutement, l’administration ne pouvait pas classer rétroactivement le requérant en application des dispositions de l’ancien statut, sauf à le placer dans une situation plus favorable que celle qui aurait été la sienne s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, car en procédant ainsi le requérant, contrairement aux autres lauréats, n’aurait pas eu à souffrir du risque d’être recruté postérieurement au 1er mai 2004.

45      S’agissant de l’argument subsidiaire du requérant, l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2007 n’obligeait pas l’administration à le classer à un grade supérieur au motif que, s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, il aurait été recruté plus tôt et, par suite, promu. En effet, en l’absence de droit pour les lauréats d’un concours à être recrutés dans un certain délai, il n’est pas certain que, même si le jury du concours COM/A/1/02 n’avait pas commis d’illégalité, le requérant aurait été recruté avant la date à laquelle il l’a finalement été et, par suite, promu.

46      Ce double constat n’est pas remis en cause par les arguments avancés par le requérant pour démontrer que, s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, il aurait été recruté plus tôt qu’il ne l’a été. En effet, si les arguments du requérant, rappelés aux points 32 et 33 du présent arrêt, sont fondés et lui permettent de soutenir à bon droit qu’il avait des chances sérieuses d’être recruté, le cas échéant, à l’un des postes qui ont été pourvus avant le 1er mai 2004, aucun de ces arguments ne permet en revanche d’affirmer avec certitude que la Commission s’était engagée à le recruter avant l’entrée en vigueur de la réforme statutaire, ou simplement plus tôt qu’il ne l’a été, s’il venait à être inscrit sur la liste de réserve. À cet égard, la certitude, voire simplement la confiance légitime, selon laquelle en cas de réussite à un concours un agent temporaire est nécessairement recruté dans un délai très court après avoir été inscrit sur la liste de réserve ne saurait être déduite de l’arrêt du Tribunal de première instance, Chetcuti/Commission (précité, point 59), lequel précise uniquement que « les agents temporaires […] admissibles [à un] concours […] ont […] déjà fait preuve de leurs compétences lors de leur recrutement initial », mais non qu’en cas de réussite à un concours ces derniers sont nécessairement recrutés consécutivement à leur inscription sur une liste de réserve.

47      La note du 23 mars 2004 ne saurait non plus créer la confiance légitime chez le requérant que, s’il avait été inscrit sur la liste de réserve ab initio, il aurait été recruté avant le 1er mai 2004. En effet, il convient de rappeler que, pour invoquer la confiance légitime, il est nécessaire de démontrer avoir été le destinataire d’assurances précises de la part de l’administration (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 1er mars 2007, Neirinck/Commission, F-84/05, point 79). Or, en l’espèce, faute pour le requérant d’avoir été destinataire de la note du 23 mars 2004, celui-ci ne saurait affirmer que cette note contenait des assurances précises qui lui auraient été fournies par l’administration. En tout état de cause, il ressort du contenu de cette note que l’administration ne s’était pas engagée à nommer rapidement tous les lauréats du concours COM/A/1/02, mais uniquement ceux proposés par une direction générale. Or, en l’espèce, aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que, si le requérant avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, une direction générale l’aurait, à bref délai, proposé pour un recrutement.

48      Il s’ensuit que le premier moyen doit être rejeté.

 Sur les deuxième, troisième et quatrième moyens, tirés respectivement de la violation du devoir de sollicitude et du principe de la vocation des agents temporaires à devenir fonctionnaires, de l’enrichissement sans cause et de l’absence de base légale à la décision et, enfin, de l’existence d’un détournement de pouvoir

–       Arguments des parties

49      Premièrement, le requérant reproche à l’administration d’avoir méconnu le devoir de sollicitude, en ne prenant pas en compte, pour déterminer son classement, sa situation particulière tenant à ce que, si l’administration l’avait inscrit sur la liste de réserve ab initio, comme elle aurait dû le faire, il aurait pu être recruté avant le 1er mai 2004 et par conséquent être classé à un grade plus élevé, ce qui lui aurait permis de gagner plusieurs échelons, voire d’être promu à un grade plus élevé.

50      Deuxièmement, le requérant estime que l’institution, en lui proposant un classement en grade qui ne tient pas compte du fait qu’il aurait dû être inscrit sur la liste de réserve cinq ans plus tôt, aurait méconnu le principe de la vocation à la carrière.

51      Troisièmement, le requérant considère que la circonstance que la Commission ne tienne pas compte de ce que, si elle n’avait pas commis d’illégalité, il aurait eu vocation à être recruté cinq ans plus tôt permet à cette dernière de tirer profit de sa propre faute en lui octroyant un salaire inférieur à celui qui devrait être le sien. Il en déduit l’existence d’un enrichissement sans cause au profit des institutions.

52      Quatrièmement, le requérant affirme, en substance, que la décision attaquée, en se fondant uniquement sur l’annexe XIII du statut sans prendre en compte l’article 233 CE, devenu, après modification, l’article 266 TFUE, serait illégale.

53      Cinquièmement, le requérant allègue que la Commission, en le classant au grade AD 6, échelon 2, aurait eu pour objectif de le rémunérer à un salaire inférieur à celui qui lui serait dû.

54      S’agissant du devoir de sollicitude, la Commission estime que ce dernier ne saurait aboutir à imposer à l’administration d’adopter des mesures contraires à la réglementation applicable. Or, classer le requérant conformément aux dispositions en vigueur avant la réforme statutaire serait contraire aux dispositions du statut régissant le classement en grade des fonctionnaires et, notamment, à l’article 3 du statut selon lequel l’acte de nomination d’un fonctionnaire ne peut avoir une date de prise d’effet antérieure à celle de son entrée en fonctions.

55      Au sujet de l’enrichissement sans cause, la Commission estime que, faute pour le requérant de démontrer qu’il aurait été recruté avant le 1er mai 2004 si son nom avait figuré ab initio sur la liste de réserve, ce dernier ne saurait affirmer que l’institution a tiré bénéfice de son recrutement prétendument tardif.

56      Pour les autres arguments, la Commission estime, en substance, que ces derniers seraient en bonne partie la répétition des arguments déjà formulés dans le cadre du premier moyen.

–       Appréciation du Tribunal

57      Pour développer ses deuxième, troisième et quatrième moyens, le requérant se fonde sur la prémisse que l’administration avait la faculté de le classer à un grade supérieur à celui auquel il a été classé.

58      Cependant, il doit être relevé que, d’une part, aux termes de l’article 31 du statut, une institution est tenue de classer le lauréat au grade indiqué dans l’avis de concours auquel il a été reçu, le cas échéant en convertissant ledit grade selon les règles transitoires prévues à cet effet à l’annexe XIII du statut, et que, d’autre part, en vertu de l’article 3 du statut, un fonctionnaire ne peut être nommé à une date antérieure à son entrée en fonctions. Partant, ce n’est que si l’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2007 l’avait exigé que l’administration aurait pu classer le requérant à un grade autre que celui auquel il a été classé, par application de l’article 31 du statut, eu égard à la date effective de son entrée en fonctions. L’exécution de l’arrêt du 12 décembre 2007 n’exigeant pas, pour les motifs exposés aux points 43 et 44 du présent arrêt, qu’il soit dérogé aux dispositions des articles du statut susmentionnés, il s’ensuit que la prémisse développée au point précédent est erronée et que, par voie de conséquence, les deuxième, troisième, et quatrième moyens doivent être rejetés.

59      Il résulte de ce qui précède que, dans leur ensemble, les conclusions en annulation doivent être rejetées.

 Sur les conclusions tendant à la condamnation de la Commission à payer au requérant des dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel causé par l’illégalité de la décision attaquée

60      Le requérant estime en substance que, si son nom avait figuré ab initio sur la liste de réserve, il aurait été recruté consécutivement à la publication de ladite liste. Partant, en lui proposant un classement à un grade inférieur à celui qui aurait dû être le sien si elle avait correctement tiré toutes les conséquences de l’arrêt du 12 décembre 2007, la Commission lui aurait causé un préjudice qu’il chiffre à la somme de 320 854 euros.

61      À cet égard, il convient de rappeler que des conclusions en indemnité, présentées conjointement à des conclusions en annulation dépourvues de fondement en droit, sont elles-mêmes dépourvues de fondement en droit si elles sont étroitement liées à ces dernières.

62      En l’espèce, les présentes conclusions visent à obtenir l’indemnisation d’un éventuel préjudice subi par le requérant en raison de l’illégalité de la décision attaquée. Or, le requérant n’a pas établi l’existence d’une illégalité affectant la décision attaquée. Par conséquent, il y a lieu de rejeter les présentes conclusions indemnitaires.

 Sur les conclusions subsidiaires tendant à la condamnation de la Commission au paiement de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral et matériel causé par le retard dans le recrutement du requérant

 Arguments des parties

63      Le requérant considère, en se fondant sur les arrêts Girardot, que, dans l’hypothèse où le Tribunal rejetterait ses conclusions en annulation, la Commission devrait l’indemniser pour la perte de la chance d’avoir été recruté avant le 1er mai 2004, à tout le moins avant la date à laquelle il a effectivement été recruté, et par suite de la perte de la chance de percevoir un meilleur salaire.

64      Au sujet de la chance qu’il avait d’être recruté avant le 1er mai 2004 s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, le requérant l’évalue, eu égard aux arguments développés à l’occasion de ses conclusions en annulation, à 100 %.

65      Pour évaluer son préjudice, le requérant met en avant plusieurs éléments, parmi lesquels la différence entre le grade et l’échelon auxquels il aurait été recruté et ceux auxquels il a finalement été recruté, les salaires qu’il a perçus entre les mois d’août 2004 et de mars 2009, les perspectives de carrière et de promotion qui auraient été les siennes en l’absence de l’illégalité commise par le jury du concours COM/A/1/02, ainsi que les conséquences de cette illégalité sur le montant futur de sa pension.

66      De façon plus précise, le requérant présente deux hypothèses de calcul pour l’évaluation de son préjudice, l’une étant supposée correspondre à son préjudice en cas d’évolution de carrière lente, et l’autre à son préjudice en cas d’évolution de carrière rapide. Bien que ces deux hypothèses de calcul retiennent, comme montants pour les différents salaires à prendre en compte, les valeurs brutes des salaires qu’il a perçus entre les mois d’août 2004 et mars 2009, le requérant considère que ce sont les valeurs nettes qui doivent être prises en compte, et ce afin de tenir compte de la différence de taux qui existe entre l’impôt que les fonctionnaires et agents acquittent au profit de l’Union et celui dont il a dû s’acquitter en tant que fonctionnaire national.

67      Dans la première hypothèse, celle d’une évolution de carrière lente, le requérant chiffre son préjudice à la somme de 1 087 400 euros et, dans la seconde, celle d’une évolution de carrière rapide, à la somme de 2 331 246 euros, sommes à augmenter des intérêts compensatoires et moratoires au taux de 6,75 %.

68      En défense, la Commission estime que les présentes conclusions indemnitaires seraient, elles aussi, fondées sur l’illégalité de la décision attaquée et que, partant, elles seraient la répétition des précédentes conclusions indemnitaires. En l’absence d’illégalité de la décision attaquée, elle estime que les présentes conclusions devraient également être rejetées.

69      En tout état de cause, la Commission allègue, tout d’abord, que la solution retenue dans les arrêts Girardot I et II ne serait pas transposable au cas d’espèce pour plusieurs raisons. Premièrement, la présente affaire concernerait le refus d’inscrire un candidat sur une liste de réserve et non, comme dans l’affaire ayant donné lieu aux arrêts Girardot I et II, le refus de recruter un candidat. Deuxièmement, dans cette dernière affaire, l’illégalité commise par l’administration était particulièrement grave, car la candidature de la requérante, Mme Girardot, avait été rejetée sans même avoir été examinée, alors qu’en l’espèce l’illégalité commise par le jury du concours ne serait pas aussi grave. Troisièmement, Mme Girardot avait une chance sérieuse d’être recrutée, alors que le requérant aurait eu uniquement vocation à être recruté et que, par conséquent, son préjudice serait hypothétique, la Commission affirmant que, même si le requérant avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, il pourrait s’y trouver encore. Quatrièmement, dans l’arrêt Girardot I, le Tribunal de première instance aurait annulé les décisions rejetant les actes de candidature de la requérante à différents postes, sans annuler pour autant les actes de nomination auxdits postes. Ce serait pour cette raison que le Tribunal de première instance aurait invité les parties à rechercher un accord qui permette de compenser pécuniairement le préjudice subi par la requérante du fait du rejet illégal de sa candidature.

70      Par ailleurs, la Commission affirme que le requérant ne peut pas se prévaloir de ce que les lauréats du concours COM/A/1/02 qui, comme lui, travaillaient précédemment pour la Commission ont été recrutés par priorité, car cette pratique, à la considérer comme avérée, serait contraire au principe d’égalité de traitement, lequel interdirait que les lauréats d’un même concours soient traités différemment (arrêt du Tribunal de première instance, Centeno Mediavilla e.a./Commission, précité, point 155).

71      Ensuite, la Commission conteste les calculs du requérant concernant la détermination de son éventuel préjudice. À ce sujet, elle affirme notamment que le préjudice éventuel subi par le requérant n’existerait qu’à compter du 12 décembre 2007, date de l’arrêt ayant prononcé l’annulation de la décision de ne pas l’inscrire sur la liste de réserve, puisque ce serait uniquement à partir de cette date qu’il pouvait s’attendre à se voir inscrit sur la liste des lauréats et donc à être recruté. En outre, selon la Commission, il y aurait enrichissement injuste du requérant si celui-ci était indemnisé pour la période antérieure à celle de son recrutement effectif, puisqu’il obtiendrait un salaire complet sans avoir réalisé la moindre prestation de travail en échange.

72      Enfin, la Commission estime que, si sa responsabilité devait être engagée, le requérant devrait recevoir, tout au plus, une compensation forfaitaire, calculée en équité, largement inférieure aux sommes mentionnées par le requérant.

 Appréciation du Tribunal

73      À titre liminaire, il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la Commission, les présentes conclusions indemnitaires du requérant ne sont pas la répétition des précédentes conclusions indemnitaires. En effet, les précédentes conclusions indemnitaires sont fondées sur l’illégalité de la décision attaquée, à savoir l’acte de nomination du requérant en tant qu’il fixe son classement, tandis que les présentes conclusions sont fondées sur la faute qu’aurait commise la Commission en n’exécutant que partiellement l’arrêt du 12 décembre 2007.

74      Les présentes conclusions soulèvent néanmoins une question de recevabilité, car, même si la Commission n’a soulevé aucune objection à cet égard, la demande indemnitaire du requérant, présentée pour la première fois au stade de la réclamation, n’a pas été précédée d’une demande conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut. Or, dans une telle hypothèse, les conclusions indemnitaires ne sont normalement recevables que si elles présentent un lien direct avec les conclusions tendant à l’annulation de la décision faisant grief au fonctionnaire.

75      Cependant, s’agissant comme en l’espèce de conclusions indemnitaires liées à l’exécution de la chose jugée, tirées non pas de ce que les décisions adoptées par l’administration pour se conformer à l’arrêt d’annulation seraient contraires à cet arrêt, mais de ce que les décisions adoptées ne permettraient de compenser que partiellement les conséquences de l’illégalité commise, ce qui constituerait néanmoins un cas d’inexécution de la chose jugée, ces conclusions doivent être considérées comme reprochant à l’AIPN de s’être abstenue de prendre, au titre de l’article 233 CE, devenu, après modification, l’article 266 TFUE, une mesure analogue à une mesure imposée par le statut, au sens de l’article 90, paragraphe 2, dudit statut. L’omission de prendre une mesure imposée par le statut, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, étant constitutive d’un acte faisant grief contre lequel un fonctionnaire est recevable à former d’emblée, dans le délai de trois mois, une réclamation, sans que la recevabilité de son recours ne soit subordonnée à la présentation d’une demande sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, la même solution doit être appliquée, en l’espèce, aux conclusions indemnitaires du requérant, ce dernier faisant grief à l’administration de ne pas avoir pris toutes les mesures requises par l’article 233 CE, devenu, après modification, l’article 266 TFUE (arrêt du Tribunal du 17 avril 2007, C et F/Commission, F-44/06 et F-94/06, point 57, et la jurisprudence citée).

76      Il en est d’autant plus ainsi qu’en tout état de cause exiger d’un fonctionnaire revendiquant l’exécution d’un arrêt d’annulation rendu à son profit, d’une part, qu’il introduise une réclamation à l’encontre de la décision de l’AIPN qui constituerait une mauvaise exécution de l’arrêt d’annulation et, d’autre part, qu’il présente une demande séparée d’indemnisation, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 1, du statut, demande qui, en cas de refus de l’administration, devrait par la suite donner lieu également à l’introduction d’une réclamation, irait à l’encontre des exigences d’économie de procédure imposées par le principe du respect du délai raisonnable (voir, en ce sens, arrêt C et F/Commission, précité, point 58).

77      Il s’ensuit que les présentes conclusions indemnitaires sont recevables.

78      Sur le fond, il convient tout d’abord de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union est soumis à la démonstration qu’un ensemble de conditions est réuni, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, la réalité du dommage allégué et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (voir, notamment, arrêt du Tribunal de première instance du 17 juillet 1998, Hubert/Commission, T-28/97, point 101).

79      En ce qui concerne le préjudice matériel, il doit être relevé qu’en l’espèce, la Commission a commis une illégalité tenant non pas à l’adoption de la décision attaquée, mais à ce que, en se bornant à inscrire le requérant sur la liste de réserve, elle n’a que partiellement exécuté l’arrêt du 12 décembre 2007. En effet, s’il est vrai, comme soutenu par la Commission, que même si le jury du concours COM/A/1/02 n’avait pas commis d’illégalité il n’est pas certain que le requérant aurait été recruté consécutivement à son inscription sur la liste de réserve, force est de constater que l’illégalité commise par le jury du concours a néanmoins privé le requérant de la chance de pouvoir postuler à un emploi dès la publication de la liste de réserve, ainsi que, par suite, de la chance d’être recruté plus tôt qu’il ne l’a été. En effet, comme l’a relevé le requérant dans ses conclusions en annulation, il n’a pas été traité de la même manière que les lauréats du même concours qui ont été inscrits ab initio sur la liste de réserve, car, bien que certains de ces lauréats n’aient toujours pas été recrutés à la date d’aujourd’hui, il n’en demeure pas moins que tous ont eu une chance d’être recrutés plus tôt qu’il ne l’a lui-même été.

80      Certes, comme il a été constaté aux points 43 et suivants du présent arrêt, il n’était pas possible pour l’administration de faire comme si le requérant avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve pour déterminer son classement en grade à peine de l’avantager, puisque rien ne permet d’affirmer avec certitude que le requérant aurait été nécessairement recruté plus tôt qu’il ne l’a été s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve.

81      Cependant, lorsque l’exécution d’un arrêt d’annulation présente des difficultés particulières tenant, par exemple, comme en l’espèce, à l’impossibilité de déterminer si le requérant aurait été recruté avant une certaine date, il est de jurisprudence constante que l’institution concernée peut satisfaire à ses obligations découlant de l’article 233 CE, devenu, après modification, l’article 266 TFUE, en prenant une décision de nature à compenser équitablement le désavantage résultant pour l’intéressé de la décision annulée (arrêt du Tribunal du 24 juin 2008, Andres e.a./BCE, F-15/05, point 132, et la jurisprudence citée). Il s’ensuit que, l’administration disposant de la faculté d’indemniser le requérant, elle aurait dû y recourir afin de compenser les conséquences pécuniaires qu’a eues, pour le requérant, la perte de la chance d’avoir été recruté plus tôt qu’il ne l’a été et, par suite, la perte de la chance de percevoir un meilleur salaire, d’être à ce jour plus avancé dans la carrière, d’avoir de meilleures perspectives de carrière et de bénéficier d’une meilleure pension. En effet, il est reconnu par la jurisprudence que la perte d’une chance, comme celle, notamment, d’être promu plus tôt, constitue un préjudice matériel réel et certain et, dès lors, indemnisable (arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 10 novembre 2010, OHMI/ Simões Dos Santos, T-260/09 P, point 104).

82      Cette constatation n’est pas remise en cause par les arguments de la Commission, rappelés aux points 68 et suivants du présent arrêt, selon lesquels la solution retenue dans les arrêts Girardot I et II ne serait pas transposable en l’espèce. Premièrement, quand bien même les faits qui ont donné lieu aux arrêts Girardot I et II seraient différents de ceux de l’espèce, il n’en demeure pas moins que, selon la jurisprudence, la perte de la chance d’occuper un emploi et, par suite, la perte de la chance de percevoir un meilleur salaire, constitue un préjudice matériel qui doit être réparé (arrêt Girardot, point 56, et la jurisprudence citée). Deuxièmement, contrairement à ce que la Commission sous-entend, l’illégalité commise par le jury du concours COM/A/1/02 constatée par l’arrêt du 12 décembre 2007 est tout aussi importante que celle qui a été relevée dans l’arrêt Girardot I puisqu’elle a justifié que le Tribunal de première instance annule la décision du jury de ne pas inscrire le requérant sur la liste de réserve. Troisièmement, le fait que l’illégalité commise par la Commission concerne seulement l’inscription sur une liste de réserve et non une décision de recrutement ne fait pas disparaître le fait que le fonctionnaire concerné aurait pu avoir de grandes chances d’être recruté rapidement s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve. Quatrièmement, le fait que le Tribunal de première instance ait annulé la décision du jury de concours de ne pas inscrire le requérant sur la liste de réserve n’exclut pas que les conséquences négatives pour le requérant de l’illégalité commise par le jury du concours n’aient été que partiellement compensées par l’arrêt d’annulation du 12 décembre 2007.

83      Selon la jurisprudence du Tribunal de l’Union européenne, pour déterminer le montant de l’indemnité qui aurait dû être versée au requérant au motif qu’en se bornant à l’inscrire sur la liste de réserve l’administration n’a que partiellement exécuté l’arrêt d’annulation du 12 décembre 2007 et donc n’a que partiellement compensé les conséquences de l’illégalité commise par le jury du concours COM/A/1/02, il convient d’identifier la nature de la chance dont le requérant a été privé, la date à partir de laquelle le requérant aurait pu bénéficier de cette chance, puis de quantifier ladite chance et, enfin, de préciser quelles ont été pour lui les conséquences financières de cette perte de chance (voir en ce sens arrêt Girardot II, points 53, 58 et suivants).

–       Sur la nature de la chance dont le requérant a été privé

84      La chance dont le requérant a été privé est celle d’avoir été recruté plus tôt qu’il ne l’a été et, par suite, eu égard aux règles applicables à l’avancement d’échelon et à la durée moyenne passée dans le grade, de bénéficier d’une meilleure rémunération que celle qu’il a effectivement perçue, d’être à ce jour plus avancé dans la carrière, d’avoir de meilleures perspectives de carrière et de bénéficier d’une meilleure pension. Il s’ensuit que, les conséquences financières qu’a eues cette perte de chance doivent être appréciées par rapport à la différence entre les salaires et pensions que le requérant aurait pu percevoir et ceux qu’il a perçus et qu’il percevra.

–       Sur la date à laquelle est née la chance pour le requérant d’être recruté plus tôt qu’il ne l’a été

85      Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la vocation à être recruté qui est celle de tout lauréat d’un concours inscrit sur une liste de réserve ne se transforme en chance d’être recruté qu’à compter de la date à laquelle un emploi, pour lequel il est raisonnable de penser que ledit lauréat peut être recruté, est à pourvoir (voir, en ce sens, arrêt Girardot II, point 96).

86      En l’espèce, le requérant affirme, à titre principal, que, s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, il aurait été recruté avant le 1er mai 2004. Parmi les arguments qu’il met en avant pour ce faire et qui sont exposés aux points 32 et 33 du présent arrêt, seuls deux arguments tendent à démontrer qu’il existait des postes auxquels il aurait été susceptible de poser sa candidature avant l’entrée en vigueur de la réforme statutaire, à savoir l’argument tiré de ce que 27 lauréats du concours COM/A/1/02, travaillant précédemment au sein de la Commission, ont été recrutés avant le 1er mai 2004, et l’argument selon lequel il aurait pu pourvoir son propre poste, et ce avant le 1er mai 2004, dès lors qu’il a été maintenu sur ledit poste jusqu’à ce que celui-ci soit pourvu.

87      Cependant, s’agissant des 27 postes qui ont été pourvus avant le 1er mai 2004 par des lauréats du concours COM/A/1/02 ayant tous précédemment travaillé pour la Commission, le Tribunal constate, sur la base des avis de vacance qui lui ont été communiqués par la Commission dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, que le requérant n’était pas susceptible d’être recruté à l’un de ces postes. En effet, le requérant était lauréat du concours COM/A/1/02 dans le domaine « agriculture ». Or, sur les 27 avis de vacance susmentionnés, seuls cinq émanaient de la DG « Agriculture » et ces derniers concernaient tous des activités qui n’étaient pas celles pour lesquelles le requérant avait déjà acquis une expérience professionnelle significative, notamment au sein de la Commission.

88      En ce qui concerne le poste que le requérant occupait lorsqu’il était agent temporaire, le Tribunal estime que, s’il avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, le requérant n’aurait pas été recruté à ce poste avant le 1er mai 2004. En effet, ledit poste n’a été pourvu par un lauréat du concours COM/A/1/02 que le 1er août 2004. Or, aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que, si le requérant avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, l’administration, plutôt que de prolonger son contrat, l’aurait recruté à ce poste.

89      Bien au contraire, les faits de l’espèce démontrent que tel n’aurait pas été le cas. Ainsi, il peut être relevé que le délai qui s’est écoulé entre la constitution de la liste de réserve et l’entrée en vigueur de la réforme statutaire, le 1er mai 2004, n’a été que d’une quinzaine de jours. Partant, quand bien même l’administration aurait souhaité recruter le requérant en qualité de lauréat du concours COM/A/1/02 au poste qu’il occupait comme agent temporaire, il est vraisemblable que son entrée en fonctions n’aurait pas pu avoir lieu avant le 1er mai 2004. En effet, contrairement aux affirmations du requérant, il ressort expressément de la note du 23 mars 2004 que l’administration n’entendait pas hâter le recrutement des lauréats du concours COM/A/1/02 ayant précédemment travaillé à la Commission pour leur permettre d’être recrutés avant le 1er mai 2004. Ce n’est que pour les lauréats non soumis à la visite médicale d’embauche, dont le recrutement avait fait l’objet d’une demande expresse de leur direction générale et visait à pourvoir un emploi ayant fait l’objet d’un avis de vacance publié dont la date d’échéance était antérieure au 14 avril 2004, que la DG « Personnel » a indiqué qu’ils pourraient être recrutés avant le 1er mai 2004. Or, comme il a été relevé aux points 46 et 47 du présent arrêt, aucun élément du dossier ne permet d’affirmer que, si le requérant avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, une direction générale l’aurait proposé pour un recrutement avant le 1er mai 2004.

90      Il s’ensuit qu’en l’absence de poste disponible auquel le requérant aurait pu être recruté avant le 1er mai 2004, il y a lieu de considérer que la chance du requérant d’être recruté avant à la date à laquelle il l’a été n’était pas née avant la date susmentionnée.

91      En revanche, le Tribunal considère que, si le requérant avait été inscrit ab initio sur la liste de réserve, il est plus que probable qu’il aurait été recruté au poste qu’il occupait précédemment en qualité d’agent temporaire, dès lors que, comme il l’affirme sans être contredit par la Commission, il avait donné pleinement satisfaction et que, de ce fait, il avait acquis une expérience professionnelle à ce poste. En effet, il est constant que la possession d’une expérience professionnelle réussie constitue un indice important à prendre en compte pour décider du choix du candidat à recruter (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 21 novembre 2000, Carrasco Benítez/Commission, T-214/99, point 56).

92      Certes, il est vraisemblable que, postérieurement à l’entrée en vigueur de la réforme statutaire, d’autres postes ont été vacants à la Commission auxquels le requérant aurait pu postuler, mais le Tribunal estime que c’est au poste que le requérant occupait précédemment comme agent temporaire que ce dernier avait le plus de chance d’être recruté. Par conséquent, et sans que cela ne soit préjudiciable pour le requérant puisque c’est à cette date, relativement proche de son inscription sur la liste de réserve, que sa chance d’être recruté était assurément la plus grande, le Tribunal décide que cette chance est née le 1er août 2004.

–       Sur l’importance de la chance perdue

93      Selon la jurisprudence, lorsque cela est possible, la chance dont une personne a été privée doit être déterminée objectivement, sous la forme d’un coefficient mathématique (voir, en ce sens, arrêt Girardot II, point 119). En l’espèce, s’agissant de la perte de chance de percevoir un meilleur salaire, laquelle dépend de la chance que la personne avait d’obtenir un emploi susceptible de lui conférer une meilleure rémunération, un tel coefficient peut être calculé à partir de différents facteurs comme notamment l’expérience antérieure du candidat au sein de l’institution et le degré d’adéquation entre ses qualifications et le descriptif de l’emploi en cause.

94      Cependant, lorsque la chance dont le requérant a été privé ne peut pas être quantifiée sous la forme d’un coefficient mathématique, la jurisprudence admet que le préjudice subi puisse être évalué ex æquo et bono (arrêt du Tribunal du 8 mai 2008, Suvikas/Conseil, F-6/07, points 141 à 144). Il doit donc en être déduit que pour évaluer le préjudice subi par le requérant, le Tribunal peut fixer en équité le coefficient mathématique à utiliser, lequel, sans résulter d’une analyse aussi précise que celle réalisée dans l’arrêt Girardot II, reflète néanmoins la perte de chance subie.

95      Eu égard à ce qui a été relevé au point 91 du présent arrêt, le Tribunal décide qu’un coefficient de 0,8 reflète de façon équitable la chance très sérieuse (80 %) qu’avait le requérant d’être recruté comme fonctionnaire au poste qu’il occupait précédemment comme agent temporaire et, par suite, celle de percevoir des salaires et pensions supérieurs à ceux perçus et à percevoir.

–       Sur les conséquences financières de la perte de chance

96      À titre liminaire, il convient de relever que, pour évaluer les conséquences pécuniaires d’une perte de chance, il faut commencer par déterminer, à partir de projections, le gain financier qu’aurait pu escompter la personne ayant souffert de la perte de chance si celle-ci s’était réalisée, puis comparer ce scénario avec la situation financière actuelle de cette personne et, enfin, appliquer à la différence de gains financiers entre ces deux situations le coefficient mathématique reflétant la chance que ladite personne a perdue (arrêt Girardot II, point 58).

97      Dans le cas d’espèce, il convient donc de déterminer ce qu’auraient été la rémunération et les droits à pension du requérant si ce dernier avait été recruté le 1er août 2004, puis de comparer ce scénario avec sa rémunération actuelle et celle à laquelle il pourra raisonnablement prétendre et les droits à pension qui en découlent et, enfin, d’appliquer à la différence obtenue le coefficient de 0,8 retenu au point 95 du présent arrêt.

98      À cet égard, le statut fournit les indications nécessaires pour déterminer approximativement ce qu’auraient été la rémunération et la pension du requérant si ce dernier avait été recruté au 1er août 2004, ainsi que pour apprécier la rémunération et les droits à pension qui seront vraisemblablement ceux du requérant compte tenu de son recrutement au 15 mars 2009. En effet, la rémunération d’un fonctionnaire varie principalement à raison de son grade et de son échelon. Or, d’une part, l’annexe I, sous b), du statut permet de déterminer la durée moyenne passée par un fonctionnaire dans un grade, d’autre part, l’article 44, paragraphe 1, du statut prévoit que tout fonctionnaire comptant deux ans d’ancienneté dans un échelon de son grade accède automatiquement à l’échelon suivant.

99      Pour évaluer la différence entre la rémunération et les droits à pension qui auraient été ceux du requérant s’il avait été recruté au 1er août 2004 et ceux qui sont et seront les siens compte tenu de son recrutement au 15 mars 2009, il y a lieu de distinguer le préjudice que le requérant a déjà subi à la date du présent arrêt de celui qui, bien que certain dans son principe, ne se réalisera que postérieurement à la date du présent arrêt.

100    S’agissant du préjudice que le requérant a déjà subi, celui-ci s’étant réalisé pendant la période comprise entre le 1er août 2004 et la date du présent arrêt, il est constant que, si la chance dont le requérant a été privé s’était réalisée, le requérant aurait perçu, à compter du 1er août 2004, une rémunération de fonctionnaire de grade intermédiaire A*6, échelon 2. Partant, les conséquences pécuniaires de la perte de chance que le requérant a subies pour la période comprise entre le 1er août 2004 et la date du présent arrêt peuvent être évaluées à la différence entre, d’une part, la rémunération nette de charges sociales et d’impôts qui aurait été la sienne s’il avait été recruté comme fonctionnaire au grade intermédiaire A*6 le 1er août 2004 et que, par suite, sa carrière s’était déroulée conformément à l’avancement d’échelon prévu par le statut et à la durée moyenne passée par un fonctionnaire dans chaque grade, telle que ressortant de l’annexe I, sous b), du statut, et, d’autre part, la rémunération nette de charges sociales et d’impôts que le requérant a perçue entre le 1er août 2004 et la date du présent arrêt, tout d’abord en sa qualité de fonctionnaire national, puis, à compter du 15 mars 2009, en sa qualité de fonctionnaire de l’Union, différence à laquelle il convient de faire application du coefficient de 0,8 mentionné au point 95 du présent arrêt.

101    À cet égard, si la Commission fait valoir qu’il serait injuste que le requérant soit indemnisé pour toute la période pendant laquelle il a travaillé pour son administration d’origine, car cela aboutirait à lui donner un salaire et des droits à pension alors qu’il n’aurait pas effectué la moindre prestation de travail en contrepartie, il suffit, pour écarter cet argument, de rappeler que, si le requérant n’a pas pu travailler pour la Commission pendant la période considérée, c’est uniquement en raison de l’illégalité que celle-ci avait commise et dont elle ne saurait donc se prévaloir pour refuser d’indemniser le requérant.

102    Pour ce qui est de l’évaluation du préjudice matériel que le requérant subira postérieurement au prononcé du présent arrêt, trois approches sont envisageables.

103    La première approche consisterait à évaluer dès à présent, sur la base de projections, les conséquences financières futures de la perte de chance. Cependant, cette approche aboutirait à ce que le requérant bénéficie d’un capital dont il aurait immédiatement la disposition et ce, alors même que, d’une part, les effets pécuniaires de la perte de chance ne se feront sentir que progressivement, chaque mois, et, d’autre part, qu’il ne saurait être exclu que le requérant décide de quitter la fonction publique de l’Union européenne.

104    La deuxième approche consisterait à ne pas anticiper les conséquences financières futures de la perte de chance, mais à apprécier à échéance régulière, c’est-à-dire, s’agissant d’une rémunération, mensuellement, le préjudice du requérant. Toutefois, si cette approche permet une indemnisation plus fidèle des conséquences de la perte de chance que l’approche précédente, elle soulève également des difficultés. D’une part, cette approche est particulièrement complexe à mettre en œuvre pour la Commission puisqu’elle oblige celle-ci à gérer la rémunération, puis les droits à pension, du requérant en dehors des procédures habituelles prévues pour la gestion des bulletins de salaire et de pension. D’autre part, cette méthode poserait problème si le requérant venait à demander son transfert vers une autre institution dès lors que, un tel transfert n’exonérant pas la Commission de son obligation de compenser le préjudice causé au requérant, il serait nécessaire de mettre à la charge du requérant une obligation d’informer la Commission de chaque promotion obtenue, ainsi que du jour où il décidera de faire valoir ses droits à pension afin de lui permettre d’ajuster le montant des indemnités.

105    La troisième approche consiste à effectuer une estimation forfaitaire, ex æquo et bono, du préjudice qui tienne compte non seulement du grade actuel du requérant, de l’avancement d’échelon prévu par le statut, de la durée moyenne passée par un fonctionnaire dans chaque grade telle que ressortant de l’annexe I, sous b), du statut, de l’espérance de vie d’un ressortissant de l’Union européenne, du coefficient de 0,8 retenu au point 95 du présent arrêt, mais également de la circonstance qu’en exécution du présent arrêt, le requérant va percevoir une somme dont il aura immédiatement la disposition.

106    Dans les circonstances de la cause et eu égard aux inconvénients des deux premières méthodes précédemment exposées, le Tribunal estime que la troisième méthode est la plus pertinente. En conséquence, le Tribunal décide d’allouer, ex æquo et bono, au requérant la somme de 120 000 euros au titre du préjudice matériel postérieur au prononcé du présent arrêt.

107    S’agissant du préjudice moral que le requérant prétend avoir subi, il convient de relever que le requérant n’apporte aucun élément qui permettrait d’en chiffrer l’étendue. Néanmoins, il a déjà été jugé que le refus par une institution européenne d’exécuter une décision rendue par une juridiction de l’Union constitue une atteinte à la confiance que tout justiciable doit avoir dans le système juridique de l’Union, fondé, notamment, sur le respect des décisions rendues par les juridictions de l’Union. Dès lors, indépendamment de tout préjudice matériel qui pourrait découler de l’inexécution de l’arrêt du 12 décembre 2007, l’exécution partielle par la Commission de l’arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 2007 entraîne, à elle seule, un préjudice moral pour le requérant (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 12 décembre 2000, Hautem/BEI, T-11/00, point 51). En l’espèce, le Tribunal estime que la somme de 2 000 euros constitue une juste réparation du préjudice moral subi par le requérant.

–       Sur les dommages et intérêts compensatoires et moratoires pour le retard dans le recrutement du requérant

108    Les conclusions indemnitaires du requérant ayant été accueillies et le requérant ayant conclu au paiement, par la Commission, d’intérêts compensatoires et moratoires, la Commission devra majorer les sommes déjà échues dues au requérant en exécution du présent arrêt, des intérêts compensatoires et moratoires calculés sur la base du taux fixé par la Banque centrale européenne pour les opérations principales de refinancement, applicable pendant la période concernée, majoré de deux points (arrêt du Tribunal de première instance du 29 mars 2007, Verheyden/Commission, T-368/04, point 101).

109    En ce qui concerne la date à laquelle les intérêts compensatoires et moratoires doivent commencer à courir, il convient de relever que, selon la jurisprudence, celle-ci correspond soit à la date à laquelle le paiement de ces derniers a été demandé (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 18 novembre 2003, von Hoff/Parlement, T-13/02, point 54) soit, le cas échéant, à celle du prononcé de la décision de justice constatant l’obligation de réparer le préjudice subi (arrêt du Tribunal de première instance du 13 juillet 2005, Camar/Conseil et Commission, T-260/97, point 143), si la date dudit prononcé est antérieure à la date de la demande de paiement. Cependant, il convient d’ajouter que l’obligation de verser des intérêts moratoires ne saurait être envisagée que dans l’hypothèse où la créance principale est non seulement certaine quant à son montant, mais également déterminable sur la base d’éléments objectifs (arrêt de la Cour du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a., C-136/92 P, point 53).

110    En l’espèce, il y a lieu de relever que l’obligation de réparer le préjudice subi par le requérant s’imposait en exécution de l’arrêt du 12 décembre 2007 ainsi qu’il a été constaté au point 81 du présent arrêt. Néanmoins, à la date du prononcé de cet arrêt, le montant du préjudice subi n’était pas encore déterminable, puisque susceptible de varier selon la date à laquelle le requérant serait recruté en qualité de fonctionnaire. En revanche, le montant du préjudice subi par le requérant est devenu déterminable à la date du 15 mars 2009. Par suite, les sommes déjà échues, dues en exécution du présent arrêt, doivent être augmentées des intérêts moratoires, calculés à compter des dates auxquelles lesdites sommes étaient respectivement dues, sachant que si ces dates sont antérieures au 15 mars 2009, c’est cette dernière date dont il devra être tenu compte. Ces intérêts devront être calculées, jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les principales opérations de refinancement et applicables pendant la période concernée, majoré de deux points.

 Sur les dépens

111    Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe ne soit condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne soit pas condamnée à ce titre.

112    Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que les conclusions du requérant n’ont pas été entièrement accueillies. Dans ces conditions, la Commission, bien qu’ayant succombé sur l’un des chefs de conclusions, devra supporter, outre ses propres dépens, seulement les deux tiers des dépens exposés par le requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(première chambre)

déclare et arrête :

1)      La Commission européenne est condamnée à verser au requérant, au titre du préjudice matériel antérieur au prononcé du présent arrêt, une somme égale à la différence entre, d’une part, la rémunération nette de charges sociales et d’impôts qui aurait été la sienne s’il avait été recruté comme fonctionnaire au grade intermédiaire A*6 le 1er août 2004 et que, par suite, sa carrière s’était déroulée conformément à l’avancement d’échelon prévu par le statut des fonctionnaires de l’Union européenne et à la durée moyenne passée par un fonctionnaire dans chaque grade, telle que ressortant de l’annexe I, sous b), du statut et, d’autre part, la rémunération nette de charges sociales et d’impôts que le requérant a perçue entre le 1er août 2004 et la date de prononcé du présent arrêt, tout d’abord en sa qualité de fonctionnaire national, puis, à compter du 15 mars 2009, en sa qualité de fonctionnaire de l’Union européenne, différence à laquelle il convient de faire application d’un coefficient de 0,8.

2)      La Commission européenne est condamnée à verser au requérant la somme de 120 000 euros au titre du préjudice matériel postérieur au prononcé du présent arrêt.

3)      La Commission européenne est condamnée à verser au requérant le montant des sommes déjà échues dues en exécution du présent arrêt, augmentées des intérêts moratoires, calculées à compter des dates auxquelles lesdites sommes étaient respectivement dues, et si ces dates sont antérieures au 15 mars 2009, à compter de cette dernière date. Ces intérêts devront être calculés, jusqu’à la date du paiement effectif, au taux fixé par la Banque centrale européenne pour les principales opérations de refinancement et applicable pendant la période concernée, majoré de deux points.

4)      La Commission européenne est condamnée à verser au requérant au titre du préjudice moral une indemnité de 2 000 euros.

5)      Le surplus du recours est rejeté.

6)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et les deux tiers de ceux du requérant.

7)      Le requérant supporte un tiers de ses propres dépens.

Gervasoni

Kreppel

Rofes i Pujol

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2011.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Gervasoni


* Langue de procédure : le français.

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