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Dokument 62015CO0380

Domstolens beslut (femte avdelningen) av den 23 februari 2016.
Francisca Garzón Ramos och José Javier Ramos Martín mot Banco de Caja España de Inversiones, Salamanca y Soria SA och Intercotrans SL.
Begäran om förhandsavgörande från Audiencia Provincial de les Illes Balears.
Begäran om förhandsavgörande – Europeiska unionens stadga om de grundläggande rättigheterna – Rätten till ett verksamt rättsligt skydd – Förfarande för utmätning av intecknad egendom – Den nationella domstolens behörighet – Unionsrätten har inte genomförts – Artikel 53.2 i domstolens rättegångsregler – Uppenbart att domstolen saknar behörighet.
Mål C-380/15.

ECLI-nummer: ECLI:EU:C:2016:112

ORDONNANCE DE LA COUR (cinquième chambre)

23 février 2016 (*)

«Renvoi préjudiciel – Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit à une protection juridictionnelle effective – Procédure d’exécution hypothécaire – Compétences du juge national du fond – Absence de mise en œuvre du droit de l’Union – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Incompétence manifeste de la Cour»

Dans l’affaire C‑380/15,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par l’Audiencia Provincial de les Illes Balears (cour provinciale des îles Baléares, Espagne), par décision du 1er juillet 2015, parvenue à la Cour le 16 juillet 2015, dans la procédure

Francisca Garzón Ramos,

José Javier Ramos Martín

contre

Banco de Caja España de Inversiones, Salamanca y Soria SA,

Intercotrans SL,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça, président de chambre, M. A. Tizzano (rapporteur), vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la cinquième chambre, MM. F. Biltgen, A. Borg Barthet et E. Levits, juges,

avocat général: M. N. Wahl,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci‑après la «Charte»).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín à Banco de Caja España de Inversiones, Salamanca y Soria SA, un institut de crédit, et à Intercotrans SL (ci‑après «Intercotrans», un promoteur immobilier, au sujet d’une demande de suspension de la procédure d’exécution hypothécaire portant sur leur logement.

 Le droit espagnol

3        L’article 43 du code de procédure civile (Ley de enjuiciamiento civil) du 7 janvier 2000 (BOE n° 7, du 8 janvier 2000, p. 575), dans sa version en vigueur à la date des faits au principal, prévoit:

«Lorsque, pour statuer sur l’objet du litige, il est nécessaire de trancher une question qui constitue elle-même l’objet principal d’une autre procédure pendante devant le même tribunal ou un autre tribunal, si la jonction d’affaires est impossible, le tribunal peut décider par voie d’ordonnance, à la demande des deux parties ou de l’une d’entre elles, après avoir entendu la partie adverse, de suspendre l’affaire au stade de son avancement jusqu’à ce que la procédure portant sur la question préjudicielle soit close.»

4        L’article 695 du code de procédure civile est rédigé comme suit:

«1.      Dans les procédures visées au présent chapitre, l’opposition à l’exécution du défendeur à l’exécution n’est accueillie que lorsqu’elle est fondée sur les motifs suivants:

(1)      l’extinction de la garantie ou de l’obligation garantie, [...]

(2)      une erreur dans la détermination du montant exigible, [...]

(3)      en cas d’exécution visant des biens meubles hypothéqués ou sur lesquels ont été constitués des gages sans dépossession, la constitution, sur ces biens, d’un autre gage, d’une hypothèque mobilière ou immobilière, ou d’un séquestre inscrits antérieurement à la charge qui est à l’origine de la procédure, ce qui devra être démontré par le certificat d’enregistrement correspondant;

(4)      le caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement de l’exécution ou ayant permis de déterminer le montant exigible.

2.      En cas d’introduction de l’opposition visée au paragraphe précédent, le greffe du tribunal procède à la suspension de l’exécution et convoque les parties à comparaître devant le tribunal ayant rendu l’ordonnance de saisie. La citation à comparaître doit intervenir au moins quinze jours avant la tenue de l’audience en question. Au cours de cette audience, le tribunal entend les parties, examine les documents produits et adopte la décision pertinente, sous la forme d’une ordonnance, au cours de la deuxième journée.

[...]»

5        Aux termes de l’article 697 de ce code:

«En dehors des cas visés aux deux articles précédents, les procédures visées par le présent chapitre ne peuvent être suspendues pour ʻpréjudicialité pénaleʼ que lorsqu’il est démontré, conformément aux dispositions de l’article 569 de la présente loi, l’existence d’une affaire pénale portant sur n’importe quel fait se présentant comme délictueux et qui remettrait en cause l’authenticité du titre, la validité ou la licéité de l’autorisation de l’exécution.»

6        L’article 698 dudit code dispose:

«1.      Toute réclamation que le débiteur, le tiers détenteur ou tout intéressé pourrait formuler, qui ne serait pas comprise dans les articles précédents, y compris celles relatives à l’annulation du titre ou à l’échéance, au caractère certain, à l’extinction ou au montant de la dette, est tranchée dans le jugement correspondant, sans jamais avoir pour effet de suspendre la procédure judiciaire d’exécution prévue au présent chapitre ou d’y faire échec.

[...]»

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

7        Le 3 mai 2004, Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín ont conclu un acte de vente sous seing privé avec Intercotrans, un promoteur immobilier, portant sur l’achat d’un logement au sein d’un immeuble à construire à Palma de Majorque (Espagne).

8        Au cours de l’année 2005, afin de financer le coût de la construction de cet immeuble, Intercotrans a souscrit un prêt avec l’établissement de crédit Caja Duero (ci‑après «Caja Duero»), garanti par la constitution d’une hypothèque sur l’immeuble comportant ce logement, lequel était inscrit au registre de la propriété au nom d’Intercotrans.

9        Après avoir versé à Intercotrans, le 19 janvier 2007, le prix convenu pour l’acquisition de leur logement, Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín ont pris possession de celui-ci et l’occupent depuis lors, sans que, toutefois, un acte authentique n’ait succédé à l’acte de vente sous seing privé conclu avec Intercotrans le 3 mai 2004 et que Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín n’aient été subrogés aux droits et aux obligations de ce promoteur immobilier relatifs à la partie de l’hypothèque portant sur leur logement.

10      En outre, au lieu de régulariser cette vente, Intercotrans a consenti au profit de Caja Duero, par acte authentique du 30 juin 2010, une nouvelle hypothèque sur l’immeuble dans lequel était situé le logement acquis par Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín, plus étendue que l’hypothèque initiale, en garantie d’une augmentation du prêt initialement accordé au promoteur immobilier.

11      Intercotrans n’ayant pas remboursé ce prêt, Caja Duero a, le 4 octobre 2011, introduit une procédure d’exécution hypothécaire à l’encontre de celui-ci devant le Juzgado de Primera Instancia n° 23 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance n° 23 de Palma de Majorque). À la suite d’une vente aux enchères tenue le 28 mars 2012 dans le cadre de cette procédure, Caja Duero a acquis l’immeuble sur lequel portait l’hypothèque dont elle bénéficiait.

12      Le 30 juin 2014, Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín ont introduit un recours ordinaire devant le juge du fond, le Juzgado de Primera Instancia n° 18 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance n° 18 de Palma de Majorque), en vue d’obtenir notamment la nullité de l’hypothèque constituée initialement, au cours de l’année 2005, par Intercotrans, de l’acte authentique du 30 juin 2010 visant la novation et l’extension de cette hypothèque ainsi que de la procédure d’exécution hypothécaire introduite devant le Juzgado de Primera Instancia n° 23 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance n° 23 de Palma de Majorque), en tant que ces actes et cette procédure se rapportaient à leur logement.

13      Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín ont également introduit devant le juge de l’exécution, le Juzgado de Primera Instancia n° 23 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance n° 23 de Palma de Majorque), une demande de suspension de la procédure d’exécution hypothécaire, au titre de l’article 43 du code de procédure civile, pour cause de «préjudicialité civile» avec le recours au fond. Cette demande a toutefois été rejetée par ordonnance du 1er octobre 2014 et confirmée en appel par l’Audiencia Provincial de les Illes Balears (cour provinciale des îles Baléares), au motif que l’article 698, paragraphe 1, du code de procédure civile interdisait au juge de l’exécution d’effectuer une telle suspension.

14      Le 20 octobre 2014, Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín ont également demandé au juge du fond, le Juzgado de Primera Instancia n° 18 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance n° 18 de Palma de Majorque), de suspendre la procédure d’exécution hypothécaire jusqu’à l’adoption de la décision définitive dans le cadre du recours au fond.

15      Le Juzgado de Primera Instancia n° 18 de Palma de Mallorca (tribunal de première instance n° 18 de Palma de Majorque) ayant rejeté cette demande par ordonnance du 27 octobre 2014, Mme Garzón Ramos et M. Ramos Martín ont interjeté appel de celle-ci devant l’Audiencia Provincial de les Illes Balears (cour provinciale des îles Baléares).

16      Cette juridiction considère, comme soutenu également par Banco de Caja España de Inversiones, Salamanca y Soria SA, venue aux droits de Caja Duero, que l’article 698, paragraphe 1, du code de procédure civile ne permet pas au juge du fond, saisi d’un recours ordinaire en nullité du titre exécutoire, de suspendre à titre provisoire la procédure d’exécution hypothécaire fondée sur ce même titre.

17      Ladite juridiction doute néanmoins de la compatibilité du régime procédural établi par cet article du code de procédure civile avec le droit à la protection juridictionnelle effective visé à l’article 47 de la Charte, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour et notamment par l’arrêt Sánchez Morcillo et Abril García (C‑169/14, EU:C:2014:2099).

18      En effet, la Cour aurait jugé à maintes reprises que les juridictions nationales sont tenues d’adopter les mesures provisoires nécessaires pour assurer la protection effective des droits reconnus par le droit de l’Union. En outre, dans l’arrêt Sánchez Morcillo et Abril García (C‑169/14, EU:C:2014:2099), bien qu’elle ait été appelée à se prononcer dans le cadre du système de protection des consommateurs établi par la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO L 95, p. 29), la Cour aurait reconnu l’incompatibilité avec l’article 47 de la Charte du même régime procédural que celui en cause au principal, précisément au vu du fait que celui-ci interdit au juge du fond, compétent pour analyser le caractère abusif d’une clause contractuelle constituant le fondement du titre exécutoire, de suspendre le cas échéant la procédure d’exécution hypothécaire.

19      Dans ces conditions, l’Audiencia Provincial de les Illes Balears (cour provinciale des îles Baléares) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes:

«1)      L’article 698, paragraphe 1, du code de procédure civile, dans la mesure où il empêche, en toute hypothèse, le juge saisi du recours ordinaire en nullité du titre exécutoire, de suspendre à titre provisoire la procédure d’exécution hypothécaire fondée sur ce même titre qui est considéré comme nul, est-il conforme au principe de protection juridictionnelle effective, établi à l’article 47 de la Charte?

2)      Si la réponse à la première question est que la disposition de droit espagnol est incompatible avec l’article 47 de la Charte, la jurisprudence de la Cour, en particulier celle établie aux termes de l’arrêt Sánchez Morcillo et Abril García (C‑169/14, EU:C:2014:2099), est-elle, en conséquence de cela, transposable au cas d’espèce?»

 Sur la compétence de la Cour

20      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’elle est manifestement incompétente pour connaître d’une affaire ou lorsqu’une demande est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

21      Il convient de faire application de ladite disposition dans la présente affaire.

22      Par ses questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 47 de la Charte, tel qu’interprété par la jurisprudence de la Cour et notamment par l’arrêt Sánchez Morcillo et Abril García (C‑169/14, EU:C:2014:2099), s’oppose à une disposition nationale qui empêche le juge du fond, saisi d’une demande en nullité du titre exécutoire au fondement d’une procédure d’exécution hypothécaire, de suspendre provisoirement cette procédure, pendante devant le juge de l’exécution.

23      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre d’un renvoi préjudiciel au titre de l’article 267 TFUE, la Cour peut uniquement interpréter le droit de l’Union dans les limites des compétences attribuées à l’Union européenne (ordonnances Vino, C‑161/11, EU:C:2011:420, point 25, ainsi que Văraru et Consiliul Naţional pentru Combaterea Discriminării, C‑496/14, EU:C:2015:312, point 16).

24      S’agissant notamment de la Charte, l’article 51, paragraphe 1, de celle‑ci prévoit que ses dispositions s’adressent «aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union». L’article 6, paragraphe 1, TUE, qui attribue une valeur contraignante à la Charte, de même que l’article 51, paragraphe 2, de cette dernière précisent que les dispositions de la Charte n’étendent en aucune manière les compétences de l’Union telles que définies dans les traités (ordonnance Pondiche, C‑608/14, EU:C:2015:313, point 20 et jurisprudence citée).

25      Lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions éventuellement invoquées de la Charte ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (ordonnances Balázs et Papp, C‑45/14, EU:C:2014:2021, point 23, ainsi que Văraru et Consiliul Naţional pentru Combaterea Discriminării, C‑496/14, EU:C:2015:312, point 18).

26      En l’occurrence, il convient de constater que le litige au principal porte sur l’application d’une disposition procédurale espagnole qui ne permet pas au juge du fond, saisi d’un recours ordinaire en annulation d’un titre exécutoire, de suspendre provisoirement la procédure d’exécution hypothécaire fondée sur ce même titre, et qui ne présente aucun lien avec le droit de l’Union.

27      En effet, la décision de renvoi ne contient aucun élément permettant de considérer que l’objet du litige au principal concerne l’interprétation ou l’application d’une règle du droit de l’Union autre que celles figurant dans la Charte (voir, par analogie, ordonnances Stylinart, C‑282/14, EU:C:2014:2486, point 20, et Petrus, C‑451/14, EU:C:2015:71, point 19). Par ailleurs, cette décision n’établit pas non plus que la procédure au principal porte sur une disposition nationale mettant en œuvre le droit de l’Union, au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (voir, par analogie, ordonnance Burzio, C‑497/14, EU:C:2015:251, point 29).

28      Dans ces conditions, il convient de constater que, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Cour est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par l’Audiencia Provincial de les Illes Balears (cour provinciale des îles Baléares).

 Sur les dépens

29      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) ordonne:

La Cour de justice de l’Union européenne est manifestement incompétente pour répondre aux questions posées par l’Audiencia Provincial de les Illes Balears (cour provinciale des îles Baléares, Espagne), par décision du 1er juillet 2015.

Signatures


* Langue de procédure: l’espagnol.

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