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Document 62020CJ0244

Sodba Sodišča (osmi senat) z dne 14. oktobra 2021.
F. C. I. proti Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS).
Predlog za sprejetje predhodne odločbe, ki ga je vložilo Tribunal Superior de Justicia de Cataluña.
Predhodno odločanje – Direktiva 79/7/EGS – Člen 3(2) – Enako obravnavanje moških in žensk v zadevah socialne varnosti – Dajatve za preživele družinske člane – Vdovska pokojnina, ki temelji na zunajzakonskem razmerju – Izključitvena klavzula – Veljavnost – Prepoved vsakršne diskriminacije na podlagi spola – Dajatev, ki ne spada na področje uporabe Direktive 79/7 – Nedopustnost – Člen 21(1) Listine Evropske unije o temeljnih pravicah – Nediskriminacija na podlagi spola – Člen 17(1) Listine Evropske unije o temeljnih pravicah – Lastninska pravica – Pravni položaj, ki ne spada na področje uporabe prava Unije – Nepristojnost.
Zadeva C-244/20.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:854

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

14 octobre 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Directive 79/7/CEE – Article 3, paragraphe 2 – Égalité de traitement entre les hommes et les femmes en matière de sécurité sociale – Prestations de survivants – Pension de veuvage fondée sur une relation de concubinage – Clause d’exclusion – Validité – Interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe – Prestation ne relevant pas du champ d’application de la directive 79/7 – Irrecevabilité – Article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Non-discrimination en raison du sexe – Article 17, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne – Droit de propriété – Situation juridique ne relevant pas du champ d’application du droit de l’Union – Incompétence »

Dans l’affaire C‑244/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne), par décision du 28 mai 2020, parvenue à la Cour le 8 juin 2020, dans la procédure

F.C.I.

contre

Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS),

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Passer, président de la septième chambre, faisant fonction de président de la huitième chambre, Mme L. S. Rossi (rapporteure) et M. N. Wahl, juges,

avocat général : M. A. Rantos,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS), initialement par Mmes M. P. García Perea et R. Dívar Conde ainsi que par M. F. de Miguel Pajuelo, puis par Mme M. L. Baró Pazos et M. F. de Miguel Pajuelo, en qualité de letrados,

–        pour le gouvernement espagnol, par MM. J. Rodríguez de la Rúa Puig et S. Jiménez García, en qualité d’agents,

–        pour le Conseil de l’Union européenne, par Mmes P. Plaza García et E. Ambrosini, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mmes I. Galindo Martín et A. Szmytkowska ainsi que par M. P. Van Nuffel, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        La demande de décision préjudicielle porte sur la validité de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7/CEE du Conseil, du 19 décembre 1978, relative à la mise en œuvre progressive du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale (JO 1979, L 6, p. 24) au regard des articles 2 et 3 TUE, de l’article 19 TFUE et de l’article 21, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), ainsi que sur l’interprétation de l’article 17, paragraphe 1, et de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant F.C.I. à l’Instituto Nacional de la Seguridad Social (INSS) [Institut national de la sécurité sociale, Espagne] au sujet de l’octroi d’une pension de veuvage fondée sur une relation de concubinage.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

 La directive 79/7

3        Aux termes de l’article 1er de la directive 79/7 :

« La présente directive vise la mise en œuvre progressive, dans le domaine de la sécurité sociale et autres éléments de protection sociale prévu à l’article 3, du principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière de sécurité sociale, ci-après dénommé “principe de l’égalité de traitement” ».

4        L’article 3 de cette directive dispose, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      La présente directive s’applique :

a)      aux régimes légaux qui assurent une protection contre les risques suivants :

–        maladie,

–        invalidité,

–        vieillesse,

–        accident du travail et maladie professionnelle,

–        chômage ;

[...]

2.      La présente directive ne s’applique pas aux dispositions concernant les prestations de survivants ni à celles concernant les prestations familiales, sauf s’il s’agit de prestations familiales accordées au titre de majorations des prestations dues en raison des risques visés au paragraphe 1, sous a). »

5        L’article 4, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :

« Le principe de l’égalité de traitement implique l’absence de toute discrimination fondée sur le sexe, soit directement, soit indirectement par référence, notamment, à l’état matrimonial ou familial, en particulier en ce qui concerne :

–        le champ d’application des régimes et les conditions d’accès aux régimes,

–        l’obligation de cotiser et le calcul des cotisations,

–        le calcul des prestations, y compris les majorations dues au titre du conjoint et pour personne à charge et les conditions de durée et de maintien du droit aux prestations. »

 La directive 2006/54/CE

6        L’article 7 de la directive 2006/54/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juillet 2006, relative à la mise en œuvre du principe de l’égalité des chances et de l’égalité de traitement entre hommes et femmes en matière d’emploi et de travail (JO 2006, L 204, p. 23), énonce, à son paragraphe 1 :

« Le présent chapitre s’applique :

a)      aux régimes professionnels de sécurité sociale qui assurent une protection contre les risques suivants :

i)      maladie,

ii)      invalidité,

iii)      vieillesse, y compris dans le cas de retraites anticipées,

iv)      accident du travail et maladie professionnelle,

v)      chômage ;

b)      aux régimes professionnels de sécurité sociale qui prévoient d’autres prestations sociales, en nature ou en espèces, et notamment des prestations de survivants et des prestations familiales, si ces prestations constituent des avantages payés par l’employeur au travailleur en raison de l’emploi de ce dernier. »

 Le droit espagnol

7        L’article 221 de la Ley General de la Seguridad Social (loi générale sur la sécurité sociale), dans sa version consolidée approuvée par le Real Decreto Legislativo 8/2015 (décret royal législatif 8/2015), du 30 octobre 2015 (BOE no 261, du 31 octobre 2015, p. 103291) (ci-après la « LGSS »), est ainsi libellé :

« 1.      Si les conditions d’enregistrement et de cotisation visées à l’article 219 sont remplies, la personne qui entretenait une relation de concubinage avec le défunt au moment du décès a également droit à la pension de veuvage et doit prouver que les revenus perçus au cours de l’année civile précédente étaient inférieurs à 50 pour cent de la somme de ses revenus propres et de ceux du défunt au titre de la même période. Ce pourcentage s’élève à 25 pour cent s’il n’y a pas d’enfant commun ayant droit à une pension d’orphelin.

Toutefois, le droit à une pension de veuvage est également reconnu lorsque les revenus du survivant sont inférieurs à 1,5 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel en vigueur au moment de l’événement ouvrant droit à la prestation, cette condition devant être remplie tant au moment de l’événement ouvrant droit à la prestation que pendant la période de perception de la prestation. Cette limite est augmentée de 0,5 fois le montant du salaire minimum interprofessionnel en vigueur pour chaque enfant commun ayant droit à une pension d’orphelin qui vit avec le survivant.

Les revenus du travail et du capital, ainsi que les revenus du patrimoine, sont considérés comme des revenus selon les modalités de prise en compte pour la reconnaissance des suppléments de pension minimum visés à l’article 59.

2.      Aux fins du présent paragraphe, est considérée comme une relation de concubinage la relation établie entre des personnes entretenant des liens affectifs similaires à ceux qui caractérisent la relation conjugale et qui, sans être empêchées de se marier, n’ont pas de lien matrimonial avec une autre personne et prouvent, au moyen du certificat d’enregistrement correspondant, une communauté de vie stable et notoire ayant précédé immédiatement le décès du défunt et d’une durée ininterrompue d’au moins cinq ans.

L’existence du concubinage est établie par le certificat d’inscription sur l’un des registres spécifiques des communautés autonomes ou des communes du lieu de résidence, ou par un document public constatant l’existence de ce couple. Tant l’inscription susvisée que la formalisation du document public correspondant doivent être intervenues [...] au moins deux ans avant la date de décès du défunt. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

8        F.C.I. est une ressortissante espagnole, qui a vécu pendant plus de 20 ans sans interruption avec JMPG, jusqu’au décès de celui-ci. De cette union sont nés deux enfants.

9        Le 3 juillet 2017, F.C.I. et JMPG ont demandé leur inscription en tant que concubins dans le registre des « unions stables » de Catalogne.

10      Après le décès de JMPG, survenu le 16 août 2017, F.C.I. a demandé à l’INSS qu’une pension de veuvage fondée sur une relation de concubinage (ci-après la « pension en cause au principal ») lui soit accordée. Par décision du 25 octobre 2017, confirmée par une décision du 6 février 2018, prise sur réclamation de F.C.I., l’INSS a rejeté sa demande, au motif, notamment, que la relation de concubinage n’avait pas été formalisée deux ans avant le décès de JMPG.

11      Par un jugement du 12 décembre 2018, le Juzgado de lo Social no 1 de Reus (tribunal du travail no 1 de Reus, Espagne) a rejeté le recours formé par F.C.I. contre ces décisions, jugeant que la condition relative à la formalisation de la relation de concubinage n’était effectivement pas remplie en l’occurrence.

12      F.C.I. a dès lors interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne).

13      La juridiction de renvoi fait observer, à titre liminaire, que la Ley 40/2007 de medidas en materia de Seguridad Social (loi 40/2007, relative aux mesures prises en matière de sécurité sociale), du 4 décembre 2007 (BOE no 291, du 5 décembre 2007, p. 50186), avait modifié l’article 174, paragraphe 3, de la loi générale sur la sécurité sociale, dans sa version approuvée par le Real Decreto Legislativo 1/1994 (décret royal législatif 1/1994), du 20 juin 1994 (BOE no 154, du 29 juin 1994, p. 20658), afin d’ouvrir aux « concubins » le droit à la pension de veuvage, à la condition, d’une part, qu’ils remplissent les mêmes conditions d’affiliation et de cotisation au régime de sécurité sociale que celles prévues pour les conjoints et, d’autre part, que le concubin survivant fût financièrement dépendant du défunt.

14      À cette fin, le quatrième alinéa de cette disposition prévoyait que l’existence d’une relation de concubinage pouvait être établie soit par un certificat d’inscription sur l’un des registres spécifiques des communautés autonomes ou des communes de résidence, soit par un document public constatant l’existence de cette relation. Dans les deux hypothèses, la formalisation de ladite relation devait être intervenue au moins deux ans avant le décès du concubin.

15      Cependant, en vertu du cinquième alinéa de ladite disposition, dans les communautés autonomes dotées d’un droit civil propre, telle que la communauté autonome de Catalogne, la prise en compte du concubinage et la preuve de son existence devaient être effectuées conformément aux dispositions de leur législation spécifique.

16      Or, selon les dispositions applicables du code civil catalan, il ne serait pas nécessaire, pour qu’une relation de concubinage puisse être considérée comme étant établie, que cette relation soit formalisée par un acte authentique. En effet, l’existence d’un enfant né de ladite relation ou la démonstration de la réalité d’une communauté de vie d’une durée de plus de deux ans sans interruption par tout moyen de preuve admis par la loi seraient suffisantes à cet égard, sans, par ailleurs, que la dissolution d’un éventuel lien conjugal antérieur soit nécessaire.

17      Par une décision du 11 mars 2014, le Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle, Espagne) a déclaré inconstitutionnel, ex nunc, ledit cinquième alinéa de l’article 174, paragraphe 3, de la loi générale sur la sécurité sociale, dans sa version approuvée par le décret royal législatif 1/1994, au motif qu’il introduisait un facteur de différenciation sur la base de la résidence, générant une inégalité de traitement dans le régime juridique de la pension en cause au principal. Cette disposition a été, par la suite, remplacée par l’article 221, paragraphe 2, de la LGSS, formulé en des termes identiques à la disposition antérieure, à l’exception du cinquième alinéa déclaré inconstitutionnel par cette décision.

18      Ainsi, ladite décision aurait, selon la juridiction de renvoi, substantiellement modifié le cadre normatif régissant l’accès à la pension en cause au principal, en soumettant l’octroi de cette pension à une condition relative à la formalisation de cette relation jusque-là non applicable, notamment, à la communauté autonome de Catalogne.

19      En outre, la décision du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle) aurait été interprétée et appliquée, dans la pratique judiciaire et administrative, en ce sens que l’exigence tenant à la formalisation de la relation de concubinage, assortie d’un délai de carence de deux ans, était applicable aux procédures administratives ou judiciaires en cours, même lorsque le décès du concubin était survenu antérieurement à la même décision. En Catalogne, cela aurait eu pour effet, dans un premier temps, de rendre impossible le fait de bénéficier de la pension en cause au principal, en raison de l’impossibilité de prouver l’écoulement de ce délai.

20      Dans un second temps, après cette période de deux ans, l’accès à cette pension aurait été rendu excessivement difficile en raison des modalités selon lesquelles cette décision aurait été exécutée et, notamment, de l’absence d’une période transitoire d’adaptation à la nouvelle exigence de formalisation de la relation de concubinage, ce qui aurait entraîné une réduction de moitié du nombre de nouvelles pensions telles que celle en cause au principal octroyées en Catalogne.

21      Dans ce contexte, la juridiction de renvoi estime que la décision du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle), telle qu’elle a été interprétée et appliquée, est constitutive d’une restriction à l’accès à ladite pension. Cette juridiction doute, partant, de la compatibilité de cette décision avec, d’une part, l’article 17, paragraphe 1, de la Charte et, d’autre part, l’article 21, paragraphe 1, de celle-ci, qui consacrent, respectivement, le droit de propriété et le principe de non-discrimination en raison, notamment, du sexe, ainsi que de la naissance et de l’appartenance à une minorité nationale.

22      En particulier, d’une part, en s’appuyant notamment sur l’arrêt du 13 juin 2017, Florescu e.a. (C‑258/14, EU:C:2017:448, points 49 à 51), la juridiction de renvoi considère que les droits découlant du versement d’une prestation sociale, telle que la pension en cause au principal, constituent des droits patrimoniaux, au sens de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), et sont dès lors inclus dans le champ d’application du droit de propriété consacré à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte. D’autre part, cette juridiction fait état de la circonstance que, en Catalogne, comme dans l’ensemble de l’Espagne, la pension de veuvage, fondée sur la relation maritale ou sur celle de concubinage, a un caractère « féminisé », en ce que les bénéficiaires de cette pension sont, à plus de 90 %, des femmes.

23      Ainsi, la restriction de l’accès à la pension en cause au principal résultant de la décision du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle) serait constitutive d’une limitation du droit de propriété consacré à l’article 17, paragraphe 1, de la Charte, ainsi que d’une discrimination indirecte fondée sur le sexe, interdite par l’article 21, paragraphe 1, de celle-ci. En outre, dans la mesure où la cause de la situation d’inégalité créée par cette décision serait la résidence des concubins en Catalogne et leur soumission au droit civil de cette communauté autonome, cette situation pourrait également être analysée comme une discrimination fondée sur la naissance ou l’appartenance à une minorité nationale, au sens de l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.

24      Or, même si la Cour admettait que ladite décision est justifiée par un objectif d’intérêt général poursuivi par l’Union européenne, cette même décision serait, en tout état de cause, disproportionnée, en ce qu’elle n’a pas été assortie d’une période d’adaptation d’une durée au moins égale au délai de carence nécessaire pour formaliser la relation de concubinage.

25      La juridiction de renvoi relève, toutefois, qu’elle est tenue, en vertu du droit national, d’appliquer strictement la décision du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle), y compris en ce qui concerne la portée temporelle de la déclaration d’inconstitutionnalité. Ce ne serait, partant, que sur le fondement du principe de primauté du droit de l’Union qu’elle pourrait interpréter cette décision, ainsi que l’actuel article 221, paragraphe 2, de la LGSS, de manière conforme au droit de l’Union, en laissant, en substance, inappliquée la condition tenant au délai de carence de deux ans applicable à la formalisation d’une relation de concubinage, afin d’octroyer la pension en cause au principal dans les affaires qui ont fait directement suite au prononcé de ladite décision, et qui font naître la pleine conviction que la demanderesse de cette pension et son concubin décédé n’ont pas eu la possibilité effective, dans des conditions d’égalité par rapport aux bénéficiaires des autres communautés autonomes, de connaître et donc de respecter la nouvelle condition légale d’accès à ladite pension.

26      Cependant, la juridiction de renvoi considère que l’article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7 exclut du champ d’application de cette directive, et partant de l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe dans l’accès aux prestations de sécurité sociale qu’elle prévoit, les prestations de survivants, telles que la pension en cause au principal. Cette exclusion ne serait pas conforme au principe d’égalité consacré aux articles 2 et 3 TUE, ainsi qu’à l’article 19 TFUE et à l’article 21 de la Charte.

27      Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 3, paragraphe 2, de la [directive 79/7], qui exclut de son champ d’application les prestations de survivants et les prestations familiales, doit-il être déclaré invalide – ou considéré comme tel – au motif qu’il est contraire à un principe fondamental du droit de l’Union tel que celui de l’égalité entre les hommes et les femmes, consacré en tant que valeur fondatrice de l’Union européenne aux articles 2 et 3 [TUE], à l’article 19 [TFUE] et comme un droit fondamental à l’article 21, paragraphe 1, de la [Charte], ainsi que par la jurisprudence très ancienne et constante de la Cour de justice ?

2)      L’article 6 [TUE] et l’article 17, paragraphe 1, de la [Charte], lus à la lumière de l’article 1er du protocole additionnel no 1 à la [CEDH], doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure nationale, telle que celle en cause au principal [résultant de l’arrêt no 40/2014 du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle), du 11 mars 2014, de la jurisprudence qui l’a interprété, et de la réforme législative qui l’a exécuté], qui – en pratique et compte tenu de la méconnaissance de l’exigence de formalisation ainsi que de l’absence de période d’adaptation pour s’y conformer – a d’abord rendu impossible, puis excessivement difficile, l’accès à la pension de veuvage issue d’une relation de concubinage régie par le code civil catalan ?

3)      Un principe aussi fondamental du droit de l’Union européenne que celui de l’égalité entre les hommes et les femmes, qui est consacré en tant que valeur fondatrice aux articles 2 et 3 [TUE], et l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe, reconnue comme un droit fondamental à l’article 21 de la [Charte], lu en combinaison avec l’article 14 de la [CEDH], doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une mesure nationale, telle que celle en cause au principal [résultant de l’arrêt no 40/2014 du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle), du 11 mars 2014, de la jurisprudence qui l’a interprété, et de la réforme législative qui l’a exécuté], qui – en pratique et compte tenu de la méconnaissance de l’exigence de formalisation ainsi que de l’absence de période d’adaptation pour s’y conformer – a d’abord rendu impossible, puis excessivement difficile, l’accès à la pension de veuvage issue d’une relation de concubinage régie par le code civil catalan, au détriment d’un pourcentage beaucoup plus élevé de femmes que d’hommes ?

4)      L’interdiction de toute discrimination fondée sur la “naissance” ou, alternativement, sur “l’appartenance à une minorité nationale”, en tant que causes ou “motifs” de discrimination prohibés à l’article 21, paragraphe 1, de la [Charte], lu conjointement avec l’article 14 de la [CEDH], doit-elle être interprétée en ce sens qu’elle s’oppose à une mesure nationale, telle que celle en cause au principal [résultant de l’arrêt no 40/2014 du Tribunal Constitucional (Cour constitutionnelle), du 11 mars 2014, de la jurisprudence qui l’a interprété, et de la réforme législative qui l’a exécuté], qui – en pratique et compte tenu de la méconnaissance de l’exigence de formalisation ainsi que de l’absence de période d’adaptation pour s’y conformer – a d’abord rendu impossible, puis excessivement difficile, l’accès à la pension de veuvage issue d’une relation de concubinage régie par le code civil catalan ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

28      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7, en ce qu’il exclut du champ d’application de cette directive les prestations de survivants, est invalide au regard du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, consacré, notamment, à l’article 21, paragraphe 1, de la Charte.

29      Le Conseil ainsi que, de manière implicite, le gouvernement espagnol excipent de l’irrecevabilité de cette question, faisant en substance valoir que la réponse à celle-ci n’est pas nécessaire à la juridiction de renvoi pour résoudre le litige dont elle est saisie.

30      En particulier, ceux-ci considèrent, respectivement, d’une part, que la prétendue discrimination en cause au principal ne relève pas du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, mais résulte d’une différence de traitement entre les couples enregistrés et les couples non enregistrés en raison de la nature de leur relation. D’autre part, une telle invalidité n’aurait pas pour conséquence l’applicabilité du principe d’égalité de traitement entre les hommes et les femmes aux prestations de survivants, qui ne relèveraient pas, en tout état de cause, du champ d’application de cette directive et du droit de l’Union. Il s’ensuivrait qu’une éventuelle invalidité de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7 n’aurait aucune incidence sur l’octroi de la pension en cause au principal.

31      À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, conformément à une jurisprudence constante, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence de la question qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées par le juge national portent sur la validité d’une règle de droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 16 juillet 2020, Facebook Ireland et Schrems, C‑311/18, EU:C:2020:559, point 73).

32      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle n’est possible que, notamment, s’il apparaît de manière manifeste que l’appréciation de validité d’une règle de l’Union sollicitée n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (voir, en ce sens, arrêt du 29 mai 2018, Liga van Moskeeën en Islamitische Organisaties Provincie Antwerpen e.a., C‑426/16, EU:C:2018:335, point 31 ainsi que jurisprudence citée).

33      En particulier, comme il ressort des termes mêmes de l’article 267 TFUE, la décision préjudicielle sollicitée doit être « nécessaire » pour permettre à la juridiction de renvoi de « rendre son jugement » dans l’affaire dont elle se trouve saisie. Ainsi, la procédure préjudicielle présuppose, notamment, qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel [arrêt du 24 novembre 2020, Openbaar Ministerie (Faux en écritures), C‑510/19, EU:C:2020:953, point 27 et jurisprudence citée].

34      En l’occurrence, afin d’apprécier la recevabilité de la première question préjudicielle, il convient, en premier lieu, de vérifier si, ainsi que le considère la juridiction de renvoi, la pension en cause au principal constitue effectivement une prestation de survivants, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7.

35      À cet égard, il y a lieu de relever qu’il ressort tant de l’article 221, paragraphe 1, de la LGSS que de la décision de renvoi que, premièrement, cette pension a un caractère de prestation de survie, étant donné que l’événement ouvrant droit à ladite pension est le décès du concubin, accompagné de la survie du concubin financièrement dépendant du décédé.

36      Deuxièmement, la pension en cause au principal relève d’un régime légal de sécurité sociale, régi, en tant que tel, par la directive 79/7, et non pas d’un régime professionnel de sécurité sociale, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54.

37      En effet, tout d’abord, cette pension est prévue par une disposition légale (voir, en ce sens, arrêt du 20 octobre 2011, Brachner, C‑123/10, EU:C:2011:675, point 41).

38      Ensuite, étant octroyée à toute personne qui remplit les conditions d’affiliation et de cotisation au régime légal de sécurité sociale espagnol, ladite pension est réglée directement par la loi, à l’exclusion de tout élément de concertation, et obligatoirement applicable à des catégories générales de travailleurs [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères), C‑450/18, EU:C:2019:1075, point 28 et jurisprudence citée].

39      Enfin, la pension en cause au principal n’est pas acquise au concubin survivant dans le cadre du lien d’emploi entre l’employeur et le concubin décédé et n’est pas versée en raison de l’emploi de celui-ci, étant donné que cette pension n’intéresse pas une catégorie particulière de travailleurs, n’est pas directement fonction du temps de service accompli et son montant est calculé non pas sur la base du dernier traitement, mais sur celle des revenus des concubins [voir, en ce sens, arrêts du 24 novembre 2016, Parris, C‑443/15, EU:C:2016:897, points 33 à 35 et jurisprudence citée, ainsi que du 24 septembre 2020, YS (Pensions d’entreprise de personnel cadre), C‑223/19, EU:C:2020:753, points 33 et 34 ainsi que jurisprudence citée].

40      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la pension en cause au principal constitue une prestation de survivants, au sens de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7, exclue, en tant que telle, du champ d’application de celle-ci (voir, en ce sens, arrêts du 3 décembre 1987, Newstead, 192/85, EU:C:1987:522, points 25 et 26, ainsi que du 27 octobre 1993, van Gemert-Derks, C‑337/91, EU:C:1993:856, points 13 et 14).

41      Afin d’apprécier la recevabilité de la première question posée, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 32 et 33 du présent arrêt, il convient, dès lors, encore de vérifier, en second lieu, si, dans l’hypothèse où la Cour déclarerait l’article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7 invalide au regard du principe d’égalité entre les hommes et les femmes, en ce qu’il exclut du champ d’application de cette directive les prestations de survivants, telles que la pension en cause au principal, celle-ci relèverait du champ d’application de ladite directive.

42      En effet, ce ne serait que dans une telle hypothèse que la juridiction de renvoi pourrait, en s’appuyant sur l’interdiction de toute discrimination indirecte fondée sur le sexe à l’égard des conditions d’accès à une prestation de sécurité sociale, telle que la pension en cause au principal, visée à l’article 4, paragraphe 1, de la même directive, laisser la jurisprudence constitutionnelle prétendument constitutive d’une telle discrimination inappliquée, afin d’octroyer la pension en cause au principal.

43      Or, il ressort d’une jurisprudence constante que, pour relever du champ d’application de la directive 79/7, une prestation doit, premièrement, constituer tout ou partie d’un régime légal de protection contre l’un des risques énumérés à l’article 3, paragraphe 1, de cette directive, ou une forme d’aide sociale ayant le même but, et, deuxièmement, être directement et effectivement liée à la protection contre l’un de ces risques [voir, en ce sens, arrêts du 24 juin 1986, Drake, 150/85, EU:C:1986:257, point 21, du 20 octobre 2011, Brachner, C‑123/10, EU:C:2011:675, point 40, ainsi que du 12 décembre 2019, Instituto Nacional de la Seguridad Social (Complément de pension pour les mères), C‑450/18, EU:C:2019:1075, point 35 et jurisprudence citée].

44      En l’occurrence, ces deux critères cumulatifs ne sont pas réunis.

45      En effet, premièrement, il ressort d’une interprétation littérale, historique et systématique de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7 que la pension en cause au principal ne constitue pas un régime légal de protection contre l’un des risques énumérés à cette disposition, au sens de la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt.

46      Tout d’abord, ainsi qu’il a été déjà relevé au point 35 du présent arrêt, cette pension vise à garantir les bénéficiaires contre le risque de décès du concubin. Or, ce risque ne relève d’aucun des risques énumérés à ladite disposition, à savoir les risques de maladie, d’invalidité, de vieillesse, d’accident du travail et de maladie professionnelle, ainsi que de chômage, selon le sens commun de ces termes.

47      Ensuite, cette interprétation littérale est corroborée par les travaux préparatoires de la directive 79/7, aux termes desquels les risques figurant à l’article 3, paragraphe 1, de celle-ci sont ceux qui sont énumérés et définis dans la Convention no 102 [de l’Organisation internationale du travail, du 28 juin 1952, concernant la sécurité sociale (norme minimum)] et dans le Code européen de sécurité sociale du 16 avril 1964, à l’exception, notamment, du risque de veuvage.

48      Enfin, l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7, exposée au point 45 du présent arrêt, est étayée par une lecture systématique de cette disposition à la lumière de celle correspondante de la directive 2006/54, cette dernière directive étant pertinente pour interpréter la directive 79/7 (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2019, Villar Láiz, C‑161/18, EU:C:2019:382, point 37 et jurisprudence citée).

49      À cet égard, il convient de relever que l’article 7, paragraphe 1, sous b), de la directive 2006/54, après avoir énoncé au point a) que cette directive s’applique aux régimes professionnels de sécurité sociale qui assurent une protection contre les mêmes risques visés à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7, dispose que le champ d’application de la directive 2006/54 s’étend également aux régimes professionnels de sécurité sociale qui prévoient d’autres prestations sociales et, notamment, des prestations de survivants. Il s’ensuit nécessairement que les risques garantis par ces autres prestations sont différents de ceux énumérés à l’article 7, paragraphe 1, sous a), de cette directive.

50      Deuxièmement, même en admettant que la pension en cause au principal puisse constituer, en tant que prestation versée à titre de complément, une partie d’un régime légal de protection contre l’un des risques énumérés à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7, cette pension ne saurait être considérée comme étant directement et effectivement liée à la protection contre l’un de ces risques, au sens de la jurisprudence citée au point 43 du présent arrêt.

51      En effet, ainsi qu’il a été déjà relevé au point 35 du présent arrêt, ladite pension vise spécifiquement à garantir le seul risque, ultérieur et distinct par rapport aux risques mentionnés au point 46 du présent arrêt, de décès du concubin, lorsque le concubin survivant se trouve, tant au moment de l’événement ouvrant droit à la prestation que pendant la période de perception de celle-ci, dans une condition économique de dépendance par rapport aux revenus du concubin décédé.

52      Par ailleurs, l’éventuelle circonstance que le bénéficiaire de la même pension se trouve, à ce moment-là, également dans l’une des situations envisagées à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 79/7 ne suffit pas, à elle seule, pour faire entrer cette prestation, en tant que telle, dans le champ d’application de cette directive (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 1996, Atkins, C‑228/94, EU:C:1996:288, point 19 et jurisprudence citée).

53      Dans ces conditions, force est de constater que, même dans l’hypothèse où la Cour déclarerait la clause d’exclusion des prestations de survivants, prévue à l’article 3, paragraphe 2, de la directive 79/7, invalide, la pension en cause au principal ne relèverait pas, en tout état de cause, du champ d’application de cette directive, si bien que la juridiction de renvoi ne pourrait pas, sur le fondement de l’interdiction de toute discrimination indirecte fondée sur le sexe à l’égard des conditions d’accès à une prestation de sécurité sociale, visée à l’article 4, paragraphe 1, de ladite directive, laisser la jurisprudence constitutionnelle prétendument constitutive d’une telle discrimination inappliquée, afin d’octroyer ladite pension.

54      La réponse à la première question n’ayant, partant, aucun rapport avec l’objet du litige au principal, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 32 et 33 du présent arrêt, en ce qu’il porte sur l’octroi de la pension en cause au principal, il y a lieu de déclarer cette question irrecevable.

 Sur les deuxième à quatrième questions

55      Par ses deuxième à quatrième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 17, paragraphe 1, de la Charte et l’article 21, paragraphe 1, de celle-ci doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, dans un premier temps, a rendu impossible, puis, dans un second temps, excessivement difficile, l’accès à une prestation de sécurité sociale telle que la pension en cause au principal.

56      Le gouvernement espagnol et la Commission excipent de l’incompétence de la Cour pour répondre à ces questions.

57      À cet égard, ceux-ci font valoir, en substance, que les prestations de survivants, telles que la pension en cause au principal, sont exclues du champ d’application de la directive 79/7. Aucune obligation n’étant dès lors imposée aux États membres à cet égard, cette pension ne relèverait pas du champ d’application du droit de l’Union et, partant, de la Charte, de sorte que la Cour ne serait pas compétente pour en connaître. Par ailleurs, la seule circonstance que la réglementation nationale en cause au principal relève d’un domaine dans lequel l’Union dispose de compétences ne saurait entraîner l’applicabilité de la Charte.

58      En outre, le gouvernement espagnol et la Commission considèrent que l’article 19 TFUE ou le principe de non-discrimination ne sauraient, en tant que tels, établir le lien entre la mesure nationale dont il s’agit et le droit de l’Union de manière à placer dans le champ d’application de ce dernier des situations qui, comme celle en cause au principal, ne relèvent pas du champ d’application des actes de droit dérivé adoptés sur le fondement dudit article ou d’autres dispositions des traités, et, en particulier, de la directive 79/7.

59      À cet égard, il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que, selon une jurisprudence constante, lorsqu’une situation juridique ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union, la Cour n’est pas compétente pour en connaître et les dispositions de la Charte éventuellement invoquées ne sauraient, à elles seules, fonder cette compétence (ordonnance du 4 juin 2020, Balga, C‑32/20, non publiée, EU:C:2020:441, point 24 et jurisprudence citée).

60      En effet, les dispositions de la Charte s’adressent, en vertu de l’article 51, paragraphe 1, de celle-ci, aux États membres uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union. L’article 6, paragraphe 1, TUE ainsi que l’article 51, paragraphe 2, de la Charte précisent que cette dernière n’étend pas le champ d’application du droit de l’Union au-delà des compétences de l’Union, ni ne crée aucune compétence ni aucune tâche nouvelle pour l’Union et ne modifie pas les compétences et les tâches définies dans les traités. La Cour est donc appelée à interpréter, à la lumière de la Charte, le droit de l’Union dans les limites des compétences attribuées à celle-ci (ordonnance du 4 juin 2020, Balga, C‑32/20, non publiée, EU:C:2020:441, point 25 et jurisprudence citée, ainsi que arrêt du 17 mars 2021, Consulmarketing, C‑652/19, EU:C:2021:208, point 34).

61      En outre, il ressort de la même jurisprudence que la notion de « mise en œuvre du droit de l’Union », au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte, présuppose l’existence d’un lien de rattachement entre un acte du droit de l’Union et la mesure nationale en cause, qui dépasse le voisinage des matières visées ou les incidences indirectes de l’une des matières sur l’autre. La Cour a, notamment, conclu à l’inapplicabilité des droits fondamentaux de l’Union par rapport à une réglementation nationale, en raison du fait que les dispositions de l’Union du domaine concerné n’imposaient aucune obligation spécifique aux États membres à l’égard de la situation en cause au principal. Dès lors, le seul fait qu’une mesure nationale relève d’un domaine dans lequel l’Union dispose de compétences ne saurait la placer dans le champ d’application du droit de l’Union et, donc, entraîner l’applicabilité de la Charte (ordonnance du 4 juin 2020, Balga, C‑32/20, non publiée, EU:C:2020:441, point 26 et jurisprudence citée).

62      Afin d’apprécier la compétence de la Cour pour connaître des questions posées par la juridiction de renvoi, il y a lieu, dès lors, de vérifier si les dispositions du droit de l’Union dans le domaine concerné réglementent la pension en cause au principal ou imposent une obligation spécifique à l’égard de la situation en cause au principal (voir, en ce sens, arrêt du 19 novembre 2019, TSN et AKT, C‑609/17 et C‑610/17, EU:C:2019:981, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

63      En l’occurrence, il convient, tout d’abord, de constater que, eu égard à la réponse apportée à la première question, la pension en cause au principal ne relève pas du champ d’application de la directive 79/7, de sorte que celle-ci ne saurait fonder la compétence de la Cour pour connaître des deuxième à quatrième questions préjudicielles.

64      Ensuite, la juridiction de renvoi considère, en substance, que la frustration d’une attente légitime quant au versement de prestations par le système public de sécurité sociale, telle que la pension en cause au principal, entre dans le champ d’application du droit de l’Union en ce qu’elle relève de la compétence de l’Union en matière de sécurité sociale et, en particulier, du champ d’application des différents règlements de l’Union adoptés dans ce domaine.

65      Cette juridiction se réfère, en particulier, au règlement (CEE) no 1408/71 du Conseil, du 14 juin 1971, relatif à l’application des régimes de sécurité sociale aux travailleurs salariés et à leur famille qui se déplacent à l’intérieur de la Communauté (JO 1971, L 149, p. 2), et au règlement (CE) no 883/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, sur la coordination des systèmes de sécurité sociale (JO 2004, L 166, p. 1), ainsi qu’au règlement (CE) no 987/2009 du Parlement européen et du Conseil, du 16 septembre 2009, fixant les modalités d’application du règlement no 883/2004 (JO 2009, L 284, p 1), et au règlement (UE) no 1231/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 24 novembre 2010, visant à étendre le règlement no 883/2004 et le règlement no 987/2009 aux ressortissants de pays tiers qui ne sont pas déjà couverts par ces règlements uniquement en raison de leur nationalité (JO 2010, L 344, p. 1).

66      Or, s’il est vrai que les prestations de survivants peuvent, en principe, relever du champ d’application de ces règlements, ainsi que de celui d’autres actes de droit dérivé adoptés dans le domaine de la sécurité sociale, et, en particulier, de la directive 2006/54, il n’en demeure pas moins que de tels actes ne réglementent pas la pension en cause au principal, ni n’imposent aucune obligation spécifique à l’égard de la situation en cause au principal, au sens de la jurisprudence citée aux points 61 et 62 du présent arrêt.

67      En effet, d’une part, ainsi qu’il a été jugé aux points 36 à 39 du présent arrêt, la pension en cause au principal ne relève pas de la directive 2006/54. D’autre part, les autres actes de droit dérivé, cités au point 65 du présent arrêt, ne s’appliquent qu’aux travailleurs migrants et à leurs survivants. Or, ainsi qu’il ressort de l’exposé des faits figurant dans la décision de renvoi, tel n’est pas le cas en l’occurrence.

68      Enfin, la compétence de la Cour pour interpréter les dispositions de la Charte invoquées par la juridiction de renvoi ne saurait non plus être fondée sur le seul article 19 TFUE. En effet, la Cour a déjà jugé que cette disposition ne saurait, en tant que telle, placer dans le champ d’application du droit de l’Union aux fins de l’application des droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit de l’Union une mesure nationale qui n’entre pas dans le cadre des mesures adoptées sur le fondement de cet article (arrêts du 23 septembre 2008, Bartsch, C‑427/06, EU:C:2008:517, point 18, ainsi que du 10 juillet 2014, Julián Hernández e.a., C‑198/13, EU:C:2014:2055, point 36 et jurisprudence citée).

69      Dans ces conditions, il y a lieu de constater que la Cour n’est pas compétente pour répondre aux deuxième à quatrième questions.

 Sur les dépens

70      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

1)      La première question préjudicielle posée par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne, Espagne) est irrecevable.

2)      La Cour de justice de l’Union européenne n’est pas compétente pour répondre aux deuxième à quatrième questions préjudicielles posées par le Tribunal Superior de Justicia de Cataluña (Cour supérieure de justice de Catalogne).

Signatures


*      Langue de procédure : l’espagnol.

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