EUR-Lex Dostop do prava EU

Nazaj na domačo stran EUR-Lex

Dokument je izvleček s spletišča EUR-Lex.

Dokument 62017CO0211

Sklep Sodišča (prvi senat) z dne 24. oktobra 2019.
SC Topaz Development SRL proti Constantinu Juncuju in Raisi Juncu.
Predlog za sprejetje predhodne odločbe, ki ga je vložilo Curtea de Apel Bacău.
Predhodno odločanje – Člen 99 Poslovnika Sodišča – Varstvo potrošnikov – Direktiva 93/13EGS – Nepošteni pogoji v potrošniških pogodbah – Kupoprodajna predpogodba, ki jo je sestavil investitor in jo je overil notar – Člen 3(2) in člen 4(1) – Dokaz, da so bili pogoji predmet dogovarjanja – Domneva – Podpis pogodbe s strani potrošnika – Člen 3(3) – Priloga, točka 1, od (d) do (f) in (i) – Izrecni pogoj o razdrtju – Pogoj o pogodbeni kazni – Nepoštenost – Člena 6 in 7 – Možnost nacionalnega sodišča, da spremeni pogoj, ki je bil razglašen za nepošten.
Zadeva C-211/17.

Oznaka ECLI: ECLI:EU:C:2019:906

ORDONNANCE DE LA COUR (première chambre)

24 octobre 2019 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs – Contrat de promesse de vente et d’achat rédigé par le promoteur immobilier et authentifié par un notaire – Article 3, paragraphe 2, et article 4, paragraphe 1 – Preuve du caractère négocié des clauses – Présomption – Signature du contrat par le consommateur – Article 3, paragraphe 3 – Annexe, point 1, sous d) à f) et i) – Clause résolutoire expresse – Clause pénale – Caractère abusif – Articles 6 et 7 – Possibilité pour le juge national de modifier la clause dont le caractère abusif a été constaté »

Dans l’affaire C‑211/17,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Curtea de Apel Bacău (cour d’appel de Bacău, Roumanie), par décision du 24 novembre 2016, parvenue à la Cour le 24 avril 2017, dans la procédure

SC Topaz Development SRL

contre

Constantin Juncu,

Raisa Juncu,

LA COUR (première chambre),

composée de Mme R. Silva de Lapuerta, vice-présidente de la Cour, faisant fonction de président de la première chambre, MM. J.-C. Bonichot, A. Arabadjiev, E. Regan et S. Rodin (rapporteur), juges,

avocat général : M. M. Szpunar,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour SC Topaz Development SRL, par Mme A. Ghemeş-Nemethi, avocat,

–        pour le gouvernement roumain, initialement par M. R. H. Radu et Mme C. M. Florescu, puis par M. C.–R. Canţăr et Mme C. M. Florescu, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par Mmes C. Gheorghiu et A. Cleenewerck de Crayencour, en qualité d’agents,

vu la décision prise de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 4, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 1, et de l’annexe, point 1, sous d) à f) et i), de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1994, L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant M. Constantin Juncu et Mme Raisa Juncu à SC Topaz Development SRL (ci-après « Topaz ») au sujet de la demande de Topaz tendant à la résolution, aux torts exclusifs de M. et Mme Juncu, d’un contrat de vente, ayant pour objet principal l’achat d’un immeuble, et au paiement d’une indemnité, sur le fondement d’une clause résolutoire expresse et d’une clause pénale considérées comme abusives par M. et Mme Juncu.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 est libellé comme suit :

« Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe. »

4        L’article 4, paragraphe 1, de cette directive prévoit :

« Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend. »

5        L’article 5 de ladite directive est rédigé dans les termes suivants :

« Dans le cas des contrats dont toutes ou certaines clauses proposées au consommateur sont rédigées par écrit, ces clauses doivent toujours être rédigées de façon claire et compréhensible. En cas de doute sur le sens d’une clause, l’interprétation la plus favorable au consommateur prévaut. Cette règle d’interprétation n’est pas applicable dans le cadre des procédures prévues à l’article 7 paragraphe 2. »

6        Aux termes de l’article 6, paragraphe 1, de la même directive :

« Les États membres prévoient que les clauses abusives figurant dans un contrat conclu avec un consommateur par un professionnel ne lient pas les consommateurs, dans les conditions fixées par leurs droits nationaux, et que le contrat restera contraignant pour les parties selon les mêmes termes, s’il peut subsister sans les clauses abusives. »

7        L’annexe de la directive 93/13, intitulée « Clauses visées à l’article 3, paragraphe 3 », contient un point 1, rédigé comme suit :

« Clauses ayant pour objet ou pour effet :

[...]

d)      de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est celui-ci qui renonce ;

e)      d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionnellement élevé ;

f)      d’autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire si la même faculté n’est pas reconnue au consommateur, ainsi que de permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non encore réalisées par lui, lorsque c’est le professionnel lui-même qui résilie le contrat ;

[...]

i)      [de] constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat ;

[...] »

 Le droit roumain

8        La Legea nr. 193/2000 privind clauzele abuzive din contractele încheiate între profesionişti şi consumatori (loi no 193/2000 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus entre les professionnels et les consommateurs), du 6 novembre 2000 (Monitorul Oficial al României, partie I, no 560 du 10 novembre 2000), dans sa version republiée (Monitorul Oficial al României, partie I, no 305 du 18 avril 2008) (ci-après la « loi no 193/2000 ») transpose la directive 93/13 en droit roumain.

9        L’article 4 de cette loi reprend intégralement et de manière littérale les articles 3 et 4 de ladite directive.

10      Par ailleurs, aux termes de l’article 6 de cette même loi, auquel correspond l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 :

« Les clauses abusives insérées dans le contrat et considérées comme abusives soit personnellement, soit par l’intermédiaire des organismes légalement habilités, ne produiront pas d’effets à l’égard du consommateur, et le contrat se poursuivra, avec l’accord de ce dernier, uniquement s’il peut encore subsister après la suppression desdites clauses. »

11      À l’instar de l’annexe de la directive 93/13, l’annexe de la loi no 193/2000 contient la liste des clauses considérées comme abusives. Conformément à cette liste, font partie de ces clauses les dispositions contractuelles qui :

« [...]

i)      obligent le consommateur qui n’exécute pas ses obligations contractuelles à verser une indemnité d’un montant disproportionné par rapport au préjudice subi par le commerçant ;

[...]

l)      excluent le droit du consommateur à engager une action en justice ou à exercer une autre voie de recours et l’obligent à résoudre les litiges notamment par voie d’arbitrage ;

[...]

r)      permettent au commerçant de percevoir des sommes de la part du consommateur en cas d’inexécution ou de résiliation du contrat par le consommateur, sans prévoir l’existence d’indemnités pécuniaires d’un montant équivalent pour le consommateur, en cas d’inexécution du contrat par le commerçant ;

s)      autorisent le commerçant à résilier le contrat unilatéralement, sans reconnaître cette même faculté au consommateur ».

12      Les points de l’annexe visés au point précédent correspondent respectivement aux points d), e), f) et q), du point 1 de l’annexe de la directive 93/13.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

13      Le 1er septembre 2011, Topaz, en qualité de promettant-vendeur, et M. et Mme Juncu, en qualité de promettants-acquéreurs, ont conclu un contrat écrit de promesse de vente et d’achat, ayant pour objet un immeuble sis dans la municipalité de Bacău (Roumanie) (ci-après le « contrat en cause »).

14      Il ressort du point 2 du contrat en cause que le promettant-vendeur s’engage à vendre aux promettants-acquéreurs une propriété, que ces derniers s’engagent à acheter, pour un prix de vente s’élevant à 63 044 euros, conformément aux conditions prévues par ledit contrat.

15      Les points 3.2.2 et 7.1 du contrat en cause prévoient notamment une clause résolutoire expresse dite « de niveau IV », autorisant la résolution de plein droit de ce contrat dans l’hypothèse où les promettants-acquéreurs viendraient à manquer à leurs obligations de paiement. Cette clause résolutoire expresse est assortie d’une clause pénale, exclusivement en faveur du promettant-vendeur. Ainsi, aux termes de ces points du contrat en cause :

« Au cas où, pour quelque motif que ce soit, le promettant-acquéreur se retrouve en retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel paiement (quel que soit son montant, même s’il s’agit de petites sommes, représentant moins de 1 % du prix de vente), le promettant-vendeur est en droit de considérer que le présent contrat de promesse de vente et d’achat est résolu de plein droit, sans intervention d’une quelconque autorité ni mise en demeure ou autre formalité préalable (la présente clause est un pacte commissoire de niveau IV). Dans un tel cas, le promettant-vendeur conserve de plein droit les sommes versées par le promettant-acquéreur à titre d’avance jusqu’à cette date et, en outre, le promettant-acquéreur versera au promettant-vendeur une pénalité conventionnellement fixée à 30 % du prix de vente. Sans préjudice de ce qui précède, le paiement de la pénalité susmentionnée n’empêche pas le promettant-vendeur de demander et de recevoir du promettant-acquéreur des dommages-intérêts (directs ou indirects, y compris pour le manque à gagner) pour les actes et/ou omissions du promettant-acquéreur. »

16      Il s’agit de clauses standardisées que Topaz a insérées de manière systématique dans les contrats de promesse de vente et d’achat de ce type conclus avec des consommateurs. Toutes les clauses du contrat en cause ont été rédigées à l’avance par Topaz qui, selon la juridiction de renvoi, est un professionnel, au sens de l’article 2, sous c), de la directive 93/13.

17      Topaz soutient que, avant la conclusion du contrat en cause, à une date non précisée, il a remis à M. et Mme Juncu un modèle de contrat de promesse de vente et d’achat, afin que ceux-ci puissent en effectuer un examen préalable. M. et Mme Juncu contestent toutefois cette affirmation.

18      À partir du 1er janvier 2012, selon Topaz, M. et Mme Juncu ont commencé à accuser certains retards de paiement en ce qui concerne les impôts et la prime d’assurance.

19      Par lettre du 19 septembre 2012, Topaz a informé M. et Mme Juncu du fait que, en date du 1er septembre 2012, ils restaient redevables d’un montant total de 1 335,75 lei roumains (RON) (environ 287 euros), représentant l’impôt sur la propriété pour la période du 2 septembre 2011 au 1er septembre 2012, ainsi qu’une somme de 31,43 euros, au titre de la prime d’assurance de l’immeuble pour cette même période.

20      À partir du mois de mars 2013, les retards de paiement auraient également affecté les échéances trimestrielles d’un montant fixe de 2 550 euros, telles que fixées au point 3.2.2, sous i), du contrat en cause, ainsi que les frais d’entretien.

21      Par lettre du 4 avril 2013, Topaz a informé M. et Mme Juncu du fait que, en date du 3 avril 2013, sa comptabilité faisait apparaître les sommes suivantes venues à échéance : une somme de 2 549,33 euros représentant l’échéance du mois de février 2013 ; une somme de 26,77 euros représentant la pénalité de retard pour le paiement tardif de l’échéance trimestrielle des mois de février à avril et une somme de 190,17 RON (environ 41 euros) représentant les frais d’entretien de l’immeuble pour les mois de janvier et de février 2013.

22      Par la suite, Topaz a continué à envoyer à M. et Mme Juncu des lettres au contenu similaire.

23      Le 20 août 2014, Topaz a saisi le Tribunalul Bacău (tribunal de grande instance de Bacău, Roumanie) d’une action contre M. et Mme Juncu, par laquelle elle demandait que soit prononcée la résolution de plein droit du contrat de promesse de vente et d’achat en cause, aux torts exclusifs de M. et Mme Juncu. En application des dispositions de ce contrat, Topaz exigeait de pouvoir conserver les sommes versées par M. et Mme Juncu jusqu’au 20 août 2014, soit 25 404,66 euros, ainsi que de voir ces derniers condamnés à lui verser une somme de 18 913,20 euros, soit 30 % du prix de vente de l’immeuble, au titre de la pénalité contractuelle, et une somme de 1 032,23 euros, qui constitue la contrevaleur des quotes-parts des frais afférents à l’entretien, des impôts et de l’assurance.

24      Le 29 octobre 2014, Topaz a complété son recours par un mémoire dans lequel il a également demandé au Tribunalul Bacău (tribunal de grande instance de Bacău) de prononcer l’expulsion de M. et Mme Juncu de l’immeuble faisant l’objet du contrat en cause.

25      Par requête du 29 août 2014, M. et Mme Juncu ont saisi la Judecătoria Bacău (tribunal de première instance de Bacău, Roumanie) d’une demande tendant notamment à l’annulation des points 7.1, 7.2, 8.1, 8.2, 9.2, 9.4 et 9.9 du contrat en cause, au motif qu’il s’agit de clauses abusives, au sens de l’article 4, paragraphe 1, de la loi no 193/2000.

26      Par la suite, M. et Mme Juncu ont complété leur demande en sollicitant également l’annulation du point 3.2.2 du contrat en cause, en tant que clause abusive, ce point prévoyant une clause résolutoire expresse et une clause pénale stipulées exclusivement en faveur de Topaz.

27      Par jugement du 23 janvier 2015, la Judecătoria Bacău (tribunal de première instance de Bacău) s’est déclarée incompétente aux fins de statuer sur cette action de M. et Mme Juncu et a renvoyé l’affaire devant le Tribunalul Bacău (tribunal de grande instance de Bacău), qui a joint les deux actions.

28      Par jugement du 9 décembre 2015, le Tribunalul Bacău (tribunal de grande instance de Bacău) a partiellement accueilli ces deux recours.

29      Les parties ont interjeté appel de ce jugement devant la juridiction de renvoi, la Curtea de Apel Bacău (cour d’appel de Bacău, Roumanie).

30      La juridiction de renvoi considère que l’information préalable que Topaz aurait donnée à M. et Mme Juncu ne saurait signifier que le contrat en cause a été négocié entre les parties, la négociation impliquant, par définition, la possibilité concrète et réelle offerte par le professionnel au consommateur d’avoir une influence sur, et, le cas échéant, de modifier, le contenu des clauses contractuelles figurant dans l’offre de contrat que le professionnel a préalablement rédigée.

31      La juridiction de renvoi estime que, en application de la clause pénale prévue aux points 3.2.2 et 7.1 du contrat en cause, Topaz peut exiger du consommateur, à titre de compensation, des sommes disproportionnées par rapport au préjudice concrètement subi, au cas où le consommateur ne remplirait pas ses obligations contractuelles.

32      En ce qui concerne la clause résolutoire expresse, également prévue par ces deux points, la juridiction de renvoi constate qu’elle autorise le professionnel à obtenir la résolution de plein droit du contrat de manière discrétionnaire, pour tout retard de plus de cinq jours ouvrables, affectant n’importe quel paiement, quel qu’en soit son montant, même pour de petites sommes représentant moins de 1 % du prix de vente, alors que le consommateur ne se voit pas offrir une telle possibilité.

33      Selon le juge de renvoi, une première possibilité consisterait à annuler les points du contrat en cause contenant la clause résolutoire expresse et/ou la clause pénale abusives. Une deuxième possibilité consisterait à maintenir ces dispositions contractuelles, qui seraient toutefois réévaluées par le juge, qui déciderait de les modifier en les réduisant, comme l’a implicitement fait le juge de première instance.

34      Dans ce contexte, la Curtea de Apel Bacău (cour d’appel de Bacău) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 3, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent-ils être interprétés et appliqués en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal – telles qu’elles ont été présentées par la demanderesse/défenderesse au principal, qui renvoie à la jurisprudence nationale [...], et dans lesquelles la preuve du caractère négocié de toutes les clauses du contrat de promesse de vente et d’achat conclu par les parties résulte du simple fait que les demanderesses/défenderesses au principal, en qualité de consommateurs, ont donné leur accord à ces clauses en signant ledit contrat, qui a préalablement été rédigé par le promoteur immobilier et qui a ensuite été authentifié par un notaire – la présomption simple de caractère non négocié des clauses préalablement rédigées par le professionnel a en principe été écartée par la preuve contraire ?

2)      Les clauses visées aux points d) à f) et i), de l’annexe de la directive 93/13 couvrent-elles, en principe, des types de clauses figurant dans les contrats de promesse de vente et d’achat rédigés préalablement par des promoteurs immobiliers qui sont des professionnels, tels que la demanderesse/défenderesse au principal, notamment les clauses des points 3.2.2 et 7.1 du contrat [en cause], qui prévoient un pacte commissoire de niveau IV ainsi qu’une clause pénale exclusivement en faveur du promettant-vendeur ?

3)      Dans l’hypothèse où il serait répondu par l’affirmative à la deuxième question préjudicielle, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit-il être interprété et appliqué en ce sens qu’il ne permet pas (qu’il interdit) au juge national de modifier les clauses en question dont le caractère abusif a été constaté, en décidant que le pacte commissoire de niveau IV pourrait s’appliquer dans des conditions autres que celles expressément prévues par le contrat de promesse de vente et d’achat (par exemple, non pas pour n’importe quel retard ou défaut de paiement, quel qu’en soit le montant, mais uniquement pour des retards ou des défauts de paiement dépassant un certain montant, considérés par le juge, au cas par cas, comme significatifs), et en décidant de réduire (de limiter) le montant de la clause pénale aux sommes versées à titre d’avance par le promettant-acquéreur jusqu’à la date de mise en œuvre du pacte commissoire ? Dans cette hypothèse, le juge national doit-il se limiter à constater que ces clauses ne s’appliquent pas au consommateur en cause ? »

35      À la suite du prononcé de l’arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia (C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250), la Cour a demandé à la juridiction de renvoi si elle souhaitait maintenir ses questions au vu de la réponse de la Cour aux questions posées dans ces affaires jointes. Par lettre du 16 avril 2019 parvenue au greffe de la Cour le 29 avril 2019, la juridiction de renvoi a informé la Cour qu’elle maintenait toutes ses questions préjudicielles.

 Sur la recevabilité des questions préjudicielles

36      À titre liminaire, Topaz excipe de l’irrecevabilité des questions préjudicielles, faisant valoir qu’elles portent sur des problématiques afférentes au droit national.

37      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, dans le cadre de la coopération entre cette dernière et les juridictions nationales instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer (arrêt du 7 février 2019, Escribano Vindel, C‑49/18, EU:C:2019:106, point 24 ainsi que jurisprudence citée).

38      Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 7 février 2019, Escribano Vindel, C‑49/18, EU:C:2019:106, point 25 et jurisprudence citée).

39      En l’espèce, les questions préjudicielles portent clairement sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 2, de l’article 4, paragraphe 1, et de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ainsi que de l’annexe, point 1, sous d) à f) et i) de cette directive.

40      Par conséquent, les questions préjudicielles sont recevables.

 Sur les questions préjudicielles

41      En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsqu’une réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à la question posée ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.

42      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre du présent renvoi préjudiciel.

 Sur la première question

43      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la simple signature d’un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, stipulant que, par celle-ci, ce consommateur accepte l’ensemble des clauses contractuelles rédigées au préalable par ledit professionnel, entraîne un renversement de la présomption selon laquelle de telles clauses n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle.

44      À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence constante de la Cour que le système de protection mis en œuvre par la directive 93/13 repose sur l’idée que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information (voir, notamment, arrêt du 21 mars 2013, RWE Vertrieb, C‑92/11, EU:C:2013:180, point 41 et jurisprudence citée).

45      Il résulte, par ailleurs, de l’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13 qu’une clause figurant dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion (voir, en ce sens, ordonnances du 16 novembre 2010, Pohotovosť, C‑76/10, EU:C:2010:685, point 57, et du 3 avril 2014, Sebestyén, C‑342/13, EU:C:2014:1857, points 23 et 24).

46      Cependant, il appartient à la juridiction de renvoi de se prononcer sur la question de savoir si une clause contractuelle a ou n’a pas fait l’objet d’une négociation individuelle. Dans ce cas, le juge national doit prendre en considération les règles relatives à la répartition de la charge de la preuve, prévues à cet égard à l’article 3, paragraphe 2, premier et troisième alinéas, de la directive 93/13, lesquelles prévoient notamment que, si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve incombe à ce dernier (voir, en ce sens, arrêt du 16 janvier 2014, Constructora Principado, C‑226/12, EU:C:2014:10, point 19).

47      Or, le simple fait que le consommateur a signé l’intégralité du contrat ne suffit pas pour renverser la présomption selon laquelle les clauses préalablement rédigées par le professionnel n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle, étant donné que la signature de l’ensemble du contrat n’est pas de nature à prouver que les clauses contestées par ledit consommateur ont effectivement fait l’objet d’une telle négociation entre le professionnel et celui-ci. En effet, considérer automatiquement que la simple signature du contrat est une preuve de l’existence d’une négociation individuelle des clauses contractuelles reviendrait à priver l’article 3, paragraphe 2, de la directive 93/13, et notamment son dernier alinéa, de son effet utile.

48      La circonstance que le contrat signé par le consommateur ait été authentifié par un notaire, comme ce fût le cas en l’occurrence, n’est pas de nature à remettre en cause une telle appréciation. En fait, la signature par le consommateur du contrat, même authentifiée, prouve uniquement que ce contrat a été conclu et n’établit en aucune façon que les clauses contestées ont fait l’objet d’une négociation individuelle, dans le cadre de laquelle le consommateur a eu la possibilité d’influer sur le contenu desdites clauses.

49      Par ailleurs, la négociation des termes du contrat ne doit pas être confondue avec l’information préalable des consommateurs, qui repose sur l’obligation de transparence énoncée à l’article 5 de la directive 93/13 et que la Cour a jugée d’une importance fondamentale, dans la mesure où c’est sur la base de cette information que les consommateurs décident s’ils souhaitent se lier par les conditions préalablement rédigées par le professionnel (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, point 70, ainsi que du 16 janvier 2014, Constructora Principado, C‑226/12, EU:C:2014:10, point 25 et jurisprudence citée).

50      Dès lors, le fait que, conformément à l’obligation de transparence énoncée à l’article 5 de la directive 93/13, le contrat a été transmis au consommateur avant sa conclusion n’est pas, en soi, déterminant pour considérer que les clauses contestées par la suite par le consommateur ont fait l’objet d’une négociation individuelle.

51      Il s’ensuit qu’il convient de répondre à la première question que l’article 3, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13 doivent être interprétés en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la simple signature d’un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, stipulant que, par celle-ci, ce consommateur accepte l’ensemble des clauses contractuelles rédigées au préalable par le professionnel, n’entraîne pas un renversement de la présomption selon laquelle de telles clauses n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle.

 Sur la deuxième question

52      Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale, telles que celles en cause au principal, contenues dans un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, établies exclusivement en faveur de ce dernier et qu’il a rédigées préalablement, sont susceptibles de constituer des clauses abusives, visées au point 1, sous d) à f) et i), de cette annexe.

53      Selon une jurisprudence constante de la Cour, la compétence de cette dernière en la matière porte sur l’interprétation de la notion de « clause abusive » figurant à l’article 3, paragraphe 1, de la directive 93/13 et dans l’annexe de celle-ci, ainsi que sur les critères que le juge national peut ou doit appliquer pour l’examen d’une clause contractuelle au regard des dispositions de la directive. En revanche, il est de la compétence du juge national de se prononcer, en tenant compte de ces critères, sur la qualification concrète d’une clause contractuelle donnée, en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce. Il en ressort que la Cour doit se limiter à fournir à la juridiction de renvoi des indications dont cette dernière est censée tenir compte afin d’apprécier le caractère abusif de la clause concernée (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2013, Aziz, C‑415/11, EU:C:2013:164, point 66 et jurisprudence citée, ainsi que ordonnance du 3 avril 2014, Sebestyén, C‑342/13, EU:C:2014:1857, point 25).

54      Il convient par ailleurs de rappeler que l’annexe de la directive 93/13, à laquelle renvoie l’article 3, paragraphe 3, de cette directive, ne contient qu’une liste indicative des clauses qui peuvent être déclarées abusives. Il en résulte qu’une clause d’un contrat donné qui correspondrait à l’une de celles figurant dans cette liste ne devrait pas pour autant nécessairement être tenue pour abusive (voir, en ce sens, arrêts du 7 mai 2002, Commission/Suède, C‑478/99, EU:C:2002:281, point 20, et du 26 avril 2012, Invitel, C‑472/10, EU:C:2012:242, points 25 et 26 ainsi que jurisprudence citée).

55      En premier lieu, en vertu de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe, point 1, sous d), de celle-ci, une clause qui a pour objet ou effet « de permettre au professionnel de retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est celui-ci qui renonce » peut être qualifiée d’abusive.

56      En l’occurrence, il ressort du dossier soumis à la Cour que, en vertu du contrat en cause, le professionnel peut considérer que celui-ci est résolu de plein droit au motif que le consommateur se trouve en retard de paiement, et ce quel que soit le montant concerné. En pareille hypothèse, le professionnel peut en outre conserver par-devers lui les sommes versées par le consommateur à titre d’avance, sans que le consommateur puisse prétendre à une indemnité de ce chef.

57      Partant, en autorisant le professionnel à retenir des sommes versées par le consommateur lorsque celui-ci renonce à conclure ou à exécuter le contrat en cause, sans prévoir le droit, pour le consommateur, de percevoir une indemnité d’un montant équivalent de la part du professionnel lorsque c’est ce dernier qui peut se voir reprocher des manquements contractuels, la clause résolutoire expresse et la clause pénale contenues dans ce contrat semblent relever de l’annexe, point 1, sous d), de la directive 93/13.

58      En deuxième lieu, conformément à l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe, point 1, sous e), de celle-ci, peut être qualifiée d’abusive une clause qui a pour objet ou effet d’imposer au consommateur qui n’exécute pas ses obligations une indemnité d’un montant disproportionné.

59      En l’occurrence, dans l’hypothèse où le consommateur accuse un retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel versement et quel que soit son montant, le contrat en cause prévoit qu’il doit verser une pénalité conventionnellement fixée à 30 % du prix de vente. En outre, le paiement de cette pénalité n’empêche pas le professionnel de demander au consommateur des dommages-intérêts. Les clauses du contrat en cause qui semblent ainsi établir des sanctions automatiques et disproportionnées par rapport à la nature de l’éventuel manquement du consommateur, devraient dès lors pouvoir être déclarées abusives, sur le fondement de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe, point 1, sous e), de celle-ci.

60      En troisième lieu, aux termes de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe, point 1, sous f), de celle-ci, est susceptible d’être qualifiée d’abusive une clause qui a pour objet ou effet d’autoriser le professionnel à résilier le contrat de façon discrétionnaire, alors que la même faculté n’est pas reconnue au consommateur, ainsi que de permettre au professionnel de retenir les sommes versées au titre de prestations non encore réalisées par lui, lorsque c’est le professionnel lui-même qui résilie le contrat.

61      En l’occurrence, la clause résolutoire expresse prévue par le contrat en cause permet au professionnel de postuler la résolution de plein droit de ce contrat en cas d’inexécution mineure, telle que le retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, alors qu’il s’agit d’un contrat immobilier portant sur plusieurs années. Une telle possibilité de résolution ne paraissant, en revanche, pas prévue au profit des consommateurs, cette clause semble devoir relever de l’annexe, point 1, sous f), de la directive 93/13.

62      En quatrième et dernier lieu, il ressort de l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe, point 1, sous i), de ladite directive, qu’une clause peut être considérée comme abusive si elle a pour objet ou effet de constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur à des clauses dont il n’a pas eu, effectivement, l’occasion de prendre connaissance avant la conclusion du contrat.

63      Certes, il ressort de la demande de décision préjudicielle que M. et Mme Juncu avancent qu’ils n’ont pas pu prendre connaissance du contrat en cause avant sa signature, ce que Topaz conteste.

64      Néanmoins, ni la clause résolutoire expresse ni la clause pénale contenues dans le contrat en cause ne semblent « constater de manière irréfragable l’adhésion du consommateur » à d’autres clauses dont M. et Mme Juncu n’avaient pas pris connaissance, de sorte que ces clauses ne seraient pas susceptibles de relever de l’annexe, point 1, sous i), de la directive 93/13.

65      Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour visée au point 52 de la présente ordonnance, il incombe à la juridiction de renvoi d’apprécier, sur la base notamment des indications fournies par la Cour aux points précédents, si la clause résolutoire expresse et la clause pénale contenues dans le contrat en cause peuvent, en l’occurrence, être qualifiées d’abusives.

66      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale, telles que celles en cause au principal, contenues dans un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, établies exclusivement en faveur de ce dernier et qu’il a rédigées préalablement, sont susceptibles de constituer des clauses abusives visées au point 1, sous d) à f), de cette annexe, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

 Sur la troisième question

67      Par sa troisième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 6 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale contenues dans un contrat de promesse et d’achat conclu entre un consommateur et un professionnel sont jugées abusives, le juge national peut remédier à la nullité de telles clauses abusives en y substituant sa propre décision, de telle manière que ces clauses ne trouveront plus à s’appliquer entre parties que dans les situations et selon les modalités fixées par cette décision.

68      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, il incombe aux juridictions de renvoi d’écarter l’application des clauses abusives afin qu’elles ne produisent pas d’effets contraignants à l’égard du consommateur, sauf si le consommateur s’y oppose (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

69      Selon la jurisprudence de la Cour, lorsque le juge national constate la nullité d’une clause abusive dans un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une règle de droit national qui permet au juge national de compléter ce contrat en révisant le contenu de cette clause (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 53 ainsi que jurisprudence citée).

70      Ainsi, s’il était loisible au juge national de réviser le contenu des clauses abusives figurant dans un tel contrat, une telle faculté serait susceptible de porter atteinte à la réalisation de l’objectif à long terme visé à l’article 7 de la directive 93/13. En effet, cette faculté contribuerait à éliminer l’effet dissuasif exercé sur les professionnels par la pure et simple non-application à l’égard du consommateur de telles clauses abusives, dans la mesure où ceux-ci demeureraient tentés d’utiliser lesdites clauses, en sachant que, même si celles-ci devaient être invalidées, le contrat pourrait néanmoins être complété, dans la mesure nécessaire, par le juge national de sorte à garantir ainsi l’intérêt desdits professionnels (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 54 ainsi que jurisprudence citée).

71      Toutefois, la Cour a déjà jugé qu’il ne découle pas de la jurisprudence citée au point 68 de la présente ordonnance que, dans une situation dans laquelle un contrat conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 s’opposerait à ce que le juge national, en application de principes du droit des contrats, supprime la clause abusive en lui substituant une disposition de droit national à caractère supplétif dans des situations dans lesquelles l’invalidation de la clause abusive obligerait le juge à annuler le contrat dans son ensemble, exposant par là le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que ce dernier en serait pénalisé (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 56 ainsi que jurisprudence citée).

72      À cet égard, la Cour a jugé qu’une telle substitution est pleinement justifiée au regard de la finalité de la directive 93/13. En effet, elle est conforme à l’objectif de l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13, dès lors que cette disposition tend à substituer à l’équilibre formel que le contrat établit entre les droits et obligations des cocontractants un équilibre réel de nature à rétablir l’égalité entre ces derniers et non pas à annuler tous les contrats contenant des clauses abusives (arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 57 ainsi que jurisprudence citée).

73      Si, dans une situation telle que celle décrite au point 70 de la présente ordonnance, il n’était pas permis de substituer à une clause abusive une disposition de droit national à caractère supplétif, le consommateur pourrait être exposé à des conséquences particulièrement préjudiciables, de sorte que le caractère dissuasif résultant de l’annulation du contrat risquerait d’être compromis. En effet, la Cour a déjà jugé, s’agissant d’un contrat de prêt, qu’une telle annulation aurait en principe comme conséquence de rendre immédiatement exigible le montant du prêt restant dû dans des proportions risquant d’excéder les capacités financières du consommateur et, de ce fait, tendrait à pénaliser celui-ci plutôt que le prêteur qui, par voie de conséquence, ne serait pas dissuadé d’insérer de telles clauses dans les contrats qu’il propose (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 58 ainsi que jurisprudence citée).

74      Pour des motifs analogues, la Cour a considéré que, dans une situation dans laquelle un contrat de prêt hypothécaire conclu entre un professionnel et un consommateur ne peut subsister après la suppression d’une clause abusive dont le libellé est inspiré d’une disposition législative applicable en cas d’accord des parties au contrat, l’article 6, paragraphe 1, de la directive 93/13 ne saurait être interprété en ce sens qu’il s’oppose à ce que le juge national, en vue d’éviter la nullité de ce contrat substitue à cette clause la nouvelle rédaction de cette disposition législative de référence introduite postérieurement à la conclusion du contrat, dans la mesure où l’annulation du contrat exposerait le consommateur à des conséquences préjudiciables (voir, en ce sens, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 59).

75      En l’occurrence, le contrat en cause est un contrat de promesse de vente et d’achat d’immeuble, qui est résolu de plein droit si le promettant-acquéreur se trouve en retard de paiement de plus de cinq jours ouvrables, pour n’importe quel versement. Dans une telle situation, la clause résolutoire expresse et la clause pénale contenues dans le contrat en cause permettent au promettant-vendeur de conserver de plein droit les sommes déjà versées par le promettant-acquéreur, auxquelles vient s’ajouter une pénalité fixée à 30 % du prix de vente. Il incombe à la juridiction de renvoi de vérifier, conformément aux règles du droit interne et selon une approche objective (voir, en ce sens, arrêt du 15 mars 2012, Pereničová et Perenič, C‑453/10, EU:C:2012:144, point 32), si la suppression de cette clause aurait pour conséquence que le contrat en cause ne pourrait plus subsister (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 60).

76      Dans une telle hypothèse, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’examiner si l’annulation du contrat en cause exposerait les consommateurs concernés à des conséquences particulièrement préjudiciables. Si tel était le cas, le juge national pourrait décider de substituer aux clauses litigieuses une disposition de droit national à caractère supplétif (voir, en ce sens, arrêts du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai, C‑26/13, EU:C:2014:282, points 83 et 84, ainsi que du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, points 61 ainsi que 62).

77      En revanche, si la juridiction de renvoi devait juger que le contrat en cause peut subsister sans la clause résolutoire expresse et la clause pénale, alors qu’il considère ces clauses comme étant abusives, il lui appartiendrait, conformément à la jurisprudence citée au point 69 de la présente ordonnance, d’écarter l’application de ces clauses, sauf si le consommateur s’y oppose. En effet, ce contrat doit subsister, en principe, sans aucune autre modification que celle résultant de la suppression des clauses abusives, dans la mesure où, conformément aux règles du droit interne, une telle persistance du contrat est juridiquement possible (voir, par analogie, arrêt du 26 mars 2019, Abanca Corporación Bancaria et Bankia, C‑70/17 et C‑179/17, EU:C:2019:250, point 63 ainsi que jurisprudence citée).

78      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la troisième question que l’article 6 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale contenues dans un contrat de promesse et d’achat conclu entre un consommateur et un professionnel sont jugées abusives, le juge national ne peut pas remédier à la nullité de telles clauses abusives en y substituant sa propre décision sauf si ce contrat ne peut subsister en cas de suppression de ces clauses abusives et que l’annulation dudit contrat dans son ensemble expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables.

 Sur les dépens

79      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (première chambre) dit pour droit :

1)      L’article 3, paragraphe 2, et l’article 4, paragraphe 1, de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, doivent être interprétés en ce sens que, dans des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, la simple signature d’un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, stipulant que, par celle-ci, ce consommateur accepte l’ensemble des clauses contractuelles rédigées au préalable par le professionnel, n’entraîne pas un renversement de la présomption selon laquelle de telles clauses n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle.

2)      L’article 3, paragraphe 3, de la directive 93/13, lu en combinaison avec l’annexe de celle-ci, doit être interprété en ce sens qu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale, telles que celles en cause au principal, contenues dans un contrat conclu par un consommateur avec un professionnel, établies exclusivement en faveur de ce dernier et qu’il a rédigées préalablement, sont susceptibles de constituer des clauses abusives visées au point 1, sous d) à f), de cette annexe, ce qu’il appartient à la juridiction nationale de vérifier.

3)      L’article 6 de la directive 93/13 doit être interprété en ce sens que, lorsqu’une clause résolutoire expresse et une clause pénale contenues dans un contrat de promesse et d’achat conclu entre un consommateur et un professionnel sont jugées abusives, le juge national ne peut pas remédier à la nullité de telles clauses abusives en y substituant sa propre décision sauf si ce contrat ne peut subsister en cas de suppression de ces clauses abusives et que l’annulation dudit contrat dans son ensemble expose le consommateur à des conséquences particulièrement préjudiciables.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.

Na vrh