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Document 62018CJ0413

    Arrêt de la Cour (cinquième chambre) du 4 décembre 2019.
    H contre Conseil de l'Union européenne.
    Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Composition de la formation de jugement du Tribunal de l’Union européenne – Régularité – Décision 2009/906/PESC – Mission de police de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine (MPUE) – Agent national détaché – Réaffectation dans un bureau régional de cette mission – Compétence du chef de la mission – Détournement de pouvoir – Demande de dommages-intérêts – Principe du contradictoire.
    Affaire C-413/18 P.

    Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2019:1044

    ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)

    4 décembre 2019 (*)

    « Pourvoi – Politique étrangère et de sécurité commune (PESC) – Composition de la formation de jugement du Tribunal de l’Union européenne – Régularité – Décision 2009/906/PESC – Mission de police de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine (MPUE) – Agent national détaché – Réaffectation dans un bureau régional de cette mission – Compétence du chef de la mission – Détournement de pouvoir – Demande de dommages-intérêts – Principe du contradictoire »

    Dans l’affaire C‑413/18 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 21 juin 2018,

    H, demeurant à Catane (Italie), représentée par Me M. Velardo, avvocatessa,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro et A. De Elera-San Miguel Hurtado, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (cinquième chambre),

    composée de M. E. Regan (rapporteur), président de chambre, MM. I. Jarukaitis, E. Juhász, M. Ilešič et C. Lycourgos, juges,

    avocat général : M. E. Tanchev,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par son pourvoi, H demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 avril 2018, H/Conseil (T‑271/10 RENV, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2018:180), par lequel celui-ci a rejeté son recours ayant pour objet, en premier lieu, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du 7 avril 2010 signée par le chef du personnel de la Mission de police de l’Union européenne en Bosnie-Herzégovine (MPUE), par laquelle la requérante a été réaffectée au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor auprès du bureau régional de Banja Luka (Bosnie-Herzégovine) (ci-après la « décision litigieuse du 7 avril 2010 »), et, d’autre part, de la décision du 30 avril 2010, signée par le chef de la MPUE visé à l’article 6 de la décision 2009/906/PESC du Conseil, du 8 décembre 2009, concernant la MPUE en Bosnie-Herzégovine (JO 2009, L 322, p. 22), confirmant la décision du 7 avril 2010 (ci-après, ensemble, les « décisions litigieuses »), ainsi que, en second lieu, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait subi.

     Le cadre juridique

     La décision 2002/210/PESC

    2        En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de l’action commune 2002/210/PESC du Conseil, du 11 mars 2002, relative à la Mission de police de l’Union européenne (JO 2002, L 70, p. 1), une MPUE a été créée en vue d’assurer la relève du groupe international de police des Nations unies en Bosnie-Herzégovine.

    3        Sur le fondement de l’article 28 et de l’article 43, paragraphe 2, TUE, la MPUE a été prorogée à plusieurs reprises, en dernier lieu par la décision 2009/906, jusqu’au 31 décembre 2011.

     La décision 2009/906

    4        L’article 5 de la décision 2009/906, intitulé « Commandant d’opération civil », prévoyait, à son paragraphe 2 :

    « Le commandant d’opération civil, sous le contrôle politique et la direction stratégique du Comité politique et de sécurité (COPS) et sous l’autorité générale du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité (HR), exerce le commandement et le contrôle de la MPUE au niveau stratégique. »

    5        L’article 6 de cette décision, intitulé « Chef de la mission », disposait, à ses paragraphes 1 à 3 :

    « 1.      Le chef de la mission est responsable de la MPUE sur le théâtre des opérations et en exerce le commandement et le contrôle.

    2.      Le chef de la mission exerce le commandement et le contrôle des effectifs, des équipes et des unités fournis par les États contributeurs et affectés par le commandant d’opération civil, ainsi que la responsabilité administrative et logistique, y compris en ce qui concerne les moyens, les ressources et les informations mis à la disposition de la MPUE.

    3.      Le chef de la mission donne des instructions à l’ensemble du personnel de la MPUE afin que celle-ci soit menée d’une façon efficace sur le théâtre, en assurant sa coordination et sa gestion au quotidien, et conformément aux instructions données au niveau stratégique par le commandant d’opération civil. »

    6        L’article 9 de ladite décision, intitulé « Chaîne de commandement », énonçait, à son paragraphe 5 :

    « Le chef de la mission exerce le commandement et le contrôle de la MPUE sur le théâtre des opérations et relève directement du commandant d’opération civil. »

     Les antécédents du litige

    7        H est une magistrate italienne qui a été détachée auprès de la MPUE par décret du ministre de la Justice italien du 16 octobre 2008, afin d’y exercer, à Sarajevo, les fonctions de Criminal Justice Unit Adviser à compter du 14 novembre 2008.

    8        Par décret dudit ministre du 7 avril 2009, la requérante a vu son détachement prorogé jusqu’au 31 décembre 2009, pour exercer, toujours à Sarajevo, les fonctions de Chief Legal Officer (ci-après le « poste à Sarajevo »). Par décret du même ministre du 9 décembre 2009, le détachement de la requérante a été de nouveau prorogé jusqu’au 31 décembre 2010, afin que celle-ci puisse continuer à exercer ces mêmes fonctions.

    9        Par la décision litigieuse du 7 avril 2010, signée par le chef du personnel de la MPUE, la requérante a été réaffectée au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor au sein du bureau régional de Banja Luka (Bosnie-Herzégovine) (ci-après le « poste à Banja Luka ») à compter du 19 avril 2010.

    10      Par courriel du 15 avril 2010, un fonctionnaire de la représentation permanente de la République italienne auprès de l’Union a fait savoir à la requérante que la décision litigieuse du 7 avril 2010 avait été suspendue.

    11      Par la décision du 30 avril 2010, signée par le chef de la MPUE visé à l’article 6 de la décision 2009/906, ledit chef de la mission a confirmé la décision litigieuse du 7 avril 2010. À cette occasion, il a précisé que cette dernière décision avait été prise par lui-même et que la raison opérationnelle de la réaffectation de la requérante résidait dans la nécessité de disposer de conseils en matière pénale dans le bureau de Banja Luka.

     La procédure devant le Tribunal et la procédure devant la Cour avant renvoi

    12      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2010, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses et à l’octroi de dommages et intérêts.

    13      Par ordonnance du 10 juillet 2014, H/Conseil e.a. (T‑271/10, non publiée, ci-après l’« ordonnance initiale », EU:T:2014:702), le Tribunal (neuvième chambre) a jugé que ce dernier n’était pas compétent pour connaître du recours et l’a donc rejeté comme irrecevable.

    14      La requérante a introduit un pourvoi contre l’ordonnance initiale, en soutenant, en particulier, que le Tribunal avait commis des erreurs de droit en se déclarant incompétent pour connaître du recours.

    15      Par arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), la Cour a annulé l’ordonnance initiale, a rejeté comme irrecevable le recours en ce qu’il était dirigé contre la Commission et la MPUE, a jugé le recours recevable en ce qu’il était dirigé contre le Conseil de l’Union européenne, a renvoyé l’affaire au Tribunal pour qu’il fût statué sur le fond du recours en tant que ce dernier était dirigé contre le Conseil et a réservé les dépens.

     La procédure devant le Tribunal après renvoi et l’arrêt attaqué

    16      Par lettres du 4 août 2016, le greffe du Tribunal a invité les parties à présenter leurs observations écrites, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, concernant les suites à donner à l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), dans le cadre de la procédure devant lui. La requérante et le Conseil ont déposé au greffe du Tribunal leurs observations dans le délai imparti.

    17      Par décision du président du Tribunal du 25 août 2016, l’affaire a été attribuée à un autre juge rapporteur affecté à la neuvième chambre du Tribunal.

    18      Par décision du président du Tribunal du 5 octobre 2016, adoptée en raison du renouvellement partiel du Tribunal, l’affaire a été réattribuée à un nouveau juge rapporteur, lequel a été affecté à la sixième chambre, à laquelle cette affaire a, par conséquent, été attribuée.

    19      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 13 septembre 2017. Au cours de celle-ci, le Tribunal a également invité le Conseil à répondre, par écrit, à certaines questions et à produire des documents additionnels dans un délai de deux semaines à compter de la date de cette audience. Le Conseil a déféré à ces demandes dans le délai imparti.

    20      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait observer que la requérante avait modifié à plusieurs reprises ses conclusions depuis le dépôt de sa requête introductive d’instance, de sorte qu’il convenait de considérer son recours comme étant dirigé seulement contre le Conseil et comme ayant pour objet, en premier lieu, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation des décisions litigieuses, ainsi que, en second lieu, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir la réparation du préjudice prétendument subi par l’intéressée en raison de sa réaffectation. Le Tribunal a rejeté ce recours et a condamné la requérante aux dépens.

    21      Par ordonnance du 17 septembre 2018, H/Conseil (T‑271/10 OST, non publiée, EU:T:2018:623), le Tribunal a rectifié l’arrêt attaqué en ce qui concerne les dépens. En particulier, il a condamné le Conseil aux dépens exposés par la requérante jusqu’au prononcé de l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), en ce que ceux-ci avaient trait à la recevabilité du recours de première instance. Il a en revanche condamné la requérante au surplus des dépens exposés par le Conseil tant avant qu’après le prononcé de cet arrêt.

     Les conclusions des parties

    22      Par son pourvoi, la requérante demande à la Cour :

    –        d’annuler l’arrêt attaqué en ce que le Tribunal a rejeté son recours tendant à l’annulation des décisions litigieuses et à l’octroi d’une indemnisation ;

    –        de statuer sur le litige et, le cas échéant, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue, et

    –        de condamner le Conseil aux dépens de la requérante dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), ainsi qu’à ceux du présent pourvoi.

    23      Le Conseil conclut en substance au rejet du pourvoi et à la condamnation de la requérante aux dépens.

    24      Dans son mémoire en réplique, la requérante a informé la Cour que, à la suite du prononcé de l’ordonnance du 17 septembre 2018, H/Conseil (T‑271/10 OST, non publiée, EU:T:2018:623), elle renonçait au chef de conclusions tendant à la condamnation du Conseil à supporter ses dépens exposés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569).

     Sur le pourvoi

     Sur la recevabilité du mémoire en réplique

     Argumentation des parties

    25      Le Conseil estime que la requérante n’a pas rempli toutes ou du moins certaines des conditions auxquelles l’article 175 du règlement de procédure de la Cour subordonne la présentation d’un mémoire en réplique, de sorte qu’il convient de supprimer partiellement ou totalement ce mémoire du dossier. En particulier, ledit mémoire contiendrait en grande partie des arguments sans rapport avec le mémoire en défense et qui ne constitueraient pas une réponse aux prétendus éléments nouveaux que le Conseil aurait invoqués.

    26      Dans certains cas, la requérante soulèverait même des éléments dont elle n’a pas fait mention dans son pourvoi. S’agissant de l’argument selon lequel le Conseil n’aurait pas intégralement répondu aux questions du Tribunal, le Conseil insiste sur le fait que celui-ci ne lui a pas demandé certaines informations. Pour le reste, le Conseil indique avoir fourni des informations adéquates et détaillées en réponse aux questions posées.

     Appréciation de la Cour

    27      Aux termes de l’article 127, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés au cours de la procédure.

    28      Cela étant, conformément à la jurisprudence constante de la Cour, un argument qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci ne saurait être déclaré irrecevable (arrêt du 20 décembre 2017, Espagne/Conseil, C‑521/15, EU:C:2017:982, point 141).

    29      En l’espèce, il convient de faire observer que, afin de contester la recevabilité du mémoire en réplique, le Conseil se borne, en substance, à affirmer de manière générale que la requérante y a avancé des arguments sans rapport avec le contenu du mémoire en défense et que, dans certains cas, elle y soulève des éléments dont elle n’a pas fait mention dans son pourvoi.

    30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre de la présente affaire, la requérante a été autorisée, par décision du président de la Cour du 28 septembre 2018, à déposer un mémoire en réplique dont l’objet devait être limité, d’une part, à se prononcer sur l’éventuelle incidence sur le présent pourvoi de l’ordonnance du 17 septembre 2018, H/Conseil (T‑271/10 OST, non publiée, EU:T:2018:623), et, d’autre part, à répondre à l’argumentation développée par le Conseil au point 26 de son mémoire en défense.

    31      Or, dans son mémoire en réplique, la requérante se limite rigoureusement à se prononcer sur ces deux éléments. En effet, d’une part, ainsi qu’il ressort du point 24 du présent arrêt, la requérante y précise que, à la suite du prononcé de l’ordonnance du 17 septembre 2018, H/Conseil (T‑271/10 OST, non publiée, EU:T:2018:623), elle renonce au chef de conclusions tendant à la condamnation du Conseil à supporter ses dépens exposés dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569).

    32      D’autre part, la requérante vise également, dans ce mémoire en réplique, à exposer pour l’essentiel les raisons pour lesquelles il n’y a pas lieu de tenir compte de l’observation formulée par le Conseil, au point 26 de son mémoire en défense, selon laquelle elle ne s’était pas opposée, lors de l’audience devant le Tribunal, à la production des informations demandées par celui-ci au Conseil et n’avait pas non plus demandé à être mise en mesure de formuler des observations sur les réponses et les documents fournis par le Conseil en réponse à ces questions (ci-après « les réponses et les documents fournis après l’audience »). En particulier, la requérante entend démontrer qu’il ne lui incombait pas d’effectuer de telles démarches, dès lors qu’il revenait au Tribunal d’assurer le respect de ses droits de la défense, notamment de son droit d’être entendue, en lui permettant de se prononcer sur ces réponses et ces informations.

    33      Par ailleurs, s’il est vrai qu’il existe des éléments nouveaux dans le mémoire en réplique par rapport à ceux avancés dans le pourvoi, ces premiers consistent en des illustrations supplémentaires de l’argumentation déjà avancée dans le pourvoi, à laquelle le point 26 du mémoire en défense du Conseil visait à répondre, tirée de la violation de l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

    34      En particulier, dans ce mémoire, la requérante approfondit ladite argumentation, en détaillant comment les réponses et les documents fournis après l’audience ont joué un rôle déterminant dans le raisonnement du Tribunal aboutissant au rejet du recours, alors même que certaines des informations communiquées par le Conseil étaient incomplètes, et comment l’interprétation effectuée par le Tribunal de ces réponses et de ces documents aurait pu être différente si elle avait été mise en mesure de présenter des observations à ce sujet. Les illustrations fournies à cet égard dans ledit mémoire constituent donc une simple ampliation d’une argumentation déjà développée dans le cadre des quatrième et cinquième moyens du pourvoi et sont, dès lors, recevables, conformément à la jurisprudence rappelée au point 28 du présent arrêt.

    35      Dans ces conditions, il ne saurait être reproché à la requérante de n’avoir pas respecté les limites de l’autorisation qui lui avait été accordée de déposer un mémoire en réplique, de sorte que les conditions prévues à l’article 175 du règlement de procédure de la Cour doivent être considérées comme étant remplies.

     Sur le fond

    36      La requérante invoque cinq moyens à l’appui de son pourvoi, tirés, le premier, d’une violation de l’article 216 du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 47 de la Charte, les deuxième et troisième, d’une violation de l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ainsi que les quatrième et cinquième, d’une violation de l’article 47 de la Charte et de diverses dénaturations des preuves.

    37      Par un courrier rectificatif parvenu au greffe de la Cour le 29 juin 2018, la requérante a communiqué de nouveaux intitulés aux moyens qu’elle avait soulevés dans son pourvoi, sans toutefois indiquer comment les arguments précédemment présentés devaient être réaffectés à l’égard de ces moyens nouvellement intitulés.

    38      Dans ces conditions, il convient d’examiner les moyens et les arguments avancés par la requérante tels qu’exposés dans le pourvoi.

     Sur le premier moyen

    –       Argumentation des parties

    39      Par son premier moyen, la requérante soutient que la composition de la formation de jugement qui a rendu l’arrêt attaqué était irrégulière au regard de l’article 216 du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 47 de la Charte.

    40      La requérante fait valoir qu’il découle du libellé même de l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal que, après l’annulation par la Cour d’un arrêt ou d’une ordonnance, le président du Tribunal est libre d’attribuer l’affaire en cause soit à la chambre ayant statué auparavant, soit à une autre chambre. En revanche, il ne saurait intervenir directement dans la composition de la chambre en ne changeant que l’un de ses membres, comme cela se serait produit dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt attaqué. En effet, s’agissant de celle-ci, le président du Tribunal aurait décidé de changer seulement le juge rapporteur et de maintenir l’ancien juge rapporteur en tant que président de chambre. Si le président du Tribunal souhaitait que ladite affaire fasse l’objet d’un regard neuf, la seule possibilité dont il disposait était de l’attribuer à une autre chambre, c’est‑à-dire à une chambre dotée d’une autre composition.

    41      En effet, le principe sur lequel se fonde l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal serait de permettre au président du Tribunal de faire en sorte qu’une affaire déjà jugée puisse, dans le cas où cela est éminemment souhaitable, faire l’objet d’un regard neuf. Dans un tel cas, le fait d’attribuer l’affaire à une autre chambre constituerait non une simple mesure d’organisation de la procédure, mais un moyen d’assurer le droit à un procès équitable par un tribunal indépendant et impartial établi préalablement par la loi, conformément à l’article 47 de la Charte et à l’article 6, paragraphe 1, première phrase, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »).

    42      De même, l’attribution ultérieure de l’affaire à la sixième chambre du Tribunal, au motif que l’un de ses membres, à savoir son président, était le juge rapporteur dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance initiale, ne serait pas non plus conforme à l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

    43      Une telle irrégularité dans la composition d’une chambre serait un moyen d’ordre public et un vice de procédure appelant l’annulation de l’arrêt attaqué en son entièreté.

    44      Le Conseil, observant que le premier moyen concerne l’interprétation des procédures, de la pratique et de l’organisation interne de la Cour, s’abstient de toute observation sur ce moyen.

    –       Appréciation de la Cour

    45      À titre liminaire, il convient de rappeler que le droit à un procès équitable tel qu’il découle, notamment, de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH constitue un droit fondamental que l’Union respecte en tant que principe général en vertu de l’article 6, paragraphe 3, UE (voir, en ce sens, arrêt du 3 mai 2012, Comap/Commission, C‑290/11 P, non publié, EU:C:2012:271, point 45 et jurisprudence citée). Ce droit correspond au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial tel que prévu à l’article 47, premier et deuxième alinéas, de la Charte (voir, en ce sens, arrêt du 26 juillet 2017, Sacko, C‑348/16, EU:C:2017:591, point 39).

    46      Ledit droit implique que toute personne doit pouvoir être entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi préalablement par la loi. Un tel droit est applicable dans le cadre d’un recours juridictionnel contre une décision du Conseil (voir, par analogie, arrêt du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, EU:C:1998:608, point 21).

    47      Les garanties d’accès à un tribunal indépendant et impartial, et notamment celles qui déterminent la notion tout comme la composition de celui-ci, représentent la pierre angulaire du droit au procès équitable. Celui-ci implique que toute juridiction a l’obligation de vérifier si, par sa composition, elle constitue un tel tribunal indépendant et impartial lorsque surgit sur ce point une contestation qui n’apparaît pas d’emblée manifestement dépourvue de sérieux. Cette vérification est nécessaire à la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer au justiciable (arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 46 ainsi que jurisprudence citée).

    48      En ce qui concerne l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, sur lequel la requérante s’appuie dans le cadre du présent moyen, cette disposition prévoit que, lorsque la Cour annule un arrêt ou une ordonnance d’une chambre du Tribunal, le président du Tribunal peut attribuer l’affaire à une autre chambre siégeant avec le même nombre de juges.

    49      En l’espèce, l’ordonnance initiale a été rendue par la neuvième chambre du Tribunal, composée de M. G. Berardis (rapporteur), président, ainsi que de MM. O. Czúcz et A. Popescu. Il ressort des points 17 et 19 de l’arrêt attaqué ainsi que des éléments dont dispose la Cour que, à la suite du renvoi de l’affaire au Tribunal, celle-ci a été de nouveau attribuée, dans un premier temps, à la neuvième chambre, composée de M. G. Berardis, président, ainsi que de MM. O. Czúcz et A. Popescu (rapporteur). Or, en raison du départ de M. le juge rapporteur A. Popescu et du renouvellement partiel du Tribunal, le président de celui-ci, par décision du 5 octobre 2016, a désigné M. O. Spineanu-Matei en tant que juge rapporteur, qui avait été affecté à la sixième chambre. Par conséquent, l’affaire a été réattribuée à cette sixième chambre, composée de M. G. Berardis, président, ainsi que de MM. S. Papasavvas et O. Spineanu-Matei (rapporteur). Cette dernière formation de jugement a rendu l’arrêt attaqué.

    50      S’agissant, en premier lieu, de la circonstance selon laquelle, alors que la formation de jugement initialement désignée aux fins de rendre l’arrêt attaqué était la même que celle ayant statué dans le cadre de l’ordonnance initiale, il a été décidé initialement de confier les fonctions de juge rapporteur à un autre membre de cette formation, la Cour a déjà jugé que le fait que le même juge présent dans les deux formations successives ayant eu à connaître un même litige se soit vu confier les fonctions de juge rapporteur est par lui-même sans incidence sur l’appréciation du respect de l’exigence d’impartialité, dès lors que lesdites fonctions sont exercées dans une formation collégiale (arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 53).

    51      Il en découle, a fortiori, que, dans le cas où il est décidé d’attribuer une affaire à un autre juge rapporteur à la suite du renvoi de celle-ci devant le Tribunal, cette décision ne saurait non plus être considérée comme étant contraire aux exigences découlant de l’article 47 de la Charte. D’ailleurs, contrairement à ce que semble suggérer l’argumentation de la requérante à cet égard, l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal est silencieux quant au choix du juge rapporteur, celui-ci relevant en dernier ressort de la compétence du président du Tribunal, ainsi que cela découle de l’article 26, paragraphe 2, et de l’article 27, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

    52      Il convient d’ajouter que, en tout état de cause, étant donné que les désignations du juge rapporteur et de la formation de jugement qui ont été initialement effectuées après le renvoi de la présente affaire au Tribunal ont été modifiées par la suite, l’existence d’éventuelles irrégularités entachant ces désignations n’a pu avoir, par elle-même, d’incidence sur la régularité de la composition de la formation de jugement qui a effectivement rendu l’arrêt attaqué.

    53      En ce qui concerne, en second lieu, l’argument selon lequel l’attribution ultérieure de l’affaire à la sixième chambre est contraire au libellé de l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal et aux exigences découlant de l’article 47 de la Charte, il est vrai que la formation de jugement qui a effectivement rendu l’arrêt attaqué était composée de l’ancien juge rapporteur et de deux juges n’ayant pas siégé dans la formation de jugement ayant rendu l’ordonnance initiale.

    54      Toutefois, premièrement, contrairement à ce que prétend la requérante, la possibilité offerte par l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal au président du Tribunal d’attribuer, après annulation par la Cour d’un arrêt ou d’une ordonnance d’une chambre, l’affaire à une autre chambre n’est pas subordonnée à la condition que cette dernière chambre ne soit composée d’aucun des juges ayant initialement siégé dans la formation ayant rendu cet arrêt ou cette ordonnance.

    55      Deuxièmement, la Cour a déjà eu l’occasion de juger que l’exigence d’impartialité, garantie à l’article 47 de la Charte, recouvre deux aspects. D’une part, le tribunal doit être subjectivement impartial, c’est‑à-dire qu’aucun de ses membres ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, l’impartialité personnelle se présumant jusqu’à preuve du contraire. D’autre part, le tribunal doit être objectivement impartial, c’est-à-dire qu’il doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 54 ainsi que jurisprudence citée)

    56      Or, en l’espèce, d’une part, la requérante ne met en cause, à l’appui du présent moyen, la partialité personnelle d’aucun des membres de la sixième chambre du Tribunal ayant rendu l’arrêt attaqué.

    57      D’autre part, la circonstance qu’un même juge siège dans deux formations de jugement ayant eu successivement à connaître de la même affaire ne saurait, par elle-même, en dehors de tout autre élément objectif, faire naître un doute sur l’impartialité du Tribunal (arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 56).

    58      En effet, il n’existe pas d’obligation à caractère général selon laquelle une affaire doit être renvoyée devant une formation de jugement composée d’une manière totalement distincte de celle qui a eu à connaître du premier examen de l’affaire (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 57).

    59      Par ailleurs, ainsi que la Cour l’a déjà fait observer, la Cour européenne des droits de l’homme a considéré qu’il ne saurait être posé en principe général découlant du devoir d’impartialité qu’une juridiction annulant une décision administrative ou judiciaire a l’obligation de renvoyer l’affaire à une autre autorité juridictionnelle ou à un organe autrement constitué de cette autorité (arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 58 et jurisprudence citée).

    60      Dans ces conditions, il n’est pas établi, en l’espèce, que la formation qui a rendu l’arrêt attaqué aurait été composée irrégulièrement en raison de la seule présence en son sein d’un membre du Tribunal ayant déjà siégé dans la formation qui a eu à connaître précédemment de l’affaire (voir, par analogie, arrêt du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 60).

    61      D’ailleurs, la requérante ne démontre pas non plus, par l’argumentation qu’elle avance dans le cadre du présent pourvoi, que son droit de voir son affaire traitée par un tribunal établi préalablement par la loi n’a pas été respecté, le recours ayant bien été jugé par une chambre à trois juges du Tribunal, conformément à l’article 50, premier et deuxième alinéas, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

    62      Au demeurant, il convient d’ajouter que, contrairement à ce que relève la requérante, il ressort du dossier devant le Tribunal que les deux décisions par lesquelles des changements ont été apportés à la composition de la formation de jugement du Tribunal ayant eu à connaître de l’affaire après renvoi lui ont été signifiées par l’intermédiaire de son avocat, la requérante ayant été également informée des raisons de ces réattributions par des lettres datées du 30 août 2016 et du 17 octobre 2016. En tout état de cause, la requérante ne tire aucun argument de la circonstance, à la supposer établie, que ces décisions ne lui auraient pas été communiquées.

    63      Le premier moyen doit donc être écarté comme étant non fondé.

     Sur le deuxième moyen

    –       Argumentation des parties

    64      Par son deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la requérante reproche au Tribunal d’avoir procédé, aux points 44 à 72 de l’arrêt attaqué, à des constatations relatives aux pouvoirs du chef de la mission en contradiction avec celles précédemment effectuées par la Cour à ce sujet dans l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569).

    65      En particulier, il découlerait des points 52 et 54 de cet arrêt que la Cour a considéré que le chef de la mission ne disposait pas du pouvoir de réaffecter la requérante, au motif qu’une décision de réaffectation est une décision stratégique et ne saurait relever de la notion d’« instructions à l’ensemble du personnel », visée à l’article 6, paragraphe 3, de la décision 2009/906. La Cour aurait d’ailleurs fait référence aux « autorités compétentes » intervenant dans l’allocation des ressources humaines et non à un chef d’unité. Or, le Tribunal aurait examiné de nouveau la question des compétences dont dispose le chef de la mission et, dans ce contexte, lui aurait reconnu non seulement le pouvoir de donner des instructions au personnel, mais également celui de procéder à la réaffectation d’un agent.

    66      Le Conseil soutient que le deuxième moyen est non fondé.

    –       Appréciation de la Cour

    67      Selon l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en cas de renvoi, le Tribunal est lié par les points de droit tranchés par la décision de la Cour.

    68      En l’espèce, s’agissant de l’argumentation avancée par la requérante selon laquelle le Tribunal aurait procédé, aux points 44 à 72 de l’arrêt attaqué, à des constatations relatives aux pouvoirs du chef de la MPUE en contradiction avec celles précédemment effectuées par la Cour à ce sujet dans l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), il y a lieu de faire observer que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la Cour n’a pas jugé, dans ce dernier arrêt, que le chef de la mission ne disposait pas du pouvoir de réaffecter la requérante au sein de cette mission.

    69      Certes, aux points 51 et 52 de l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), la Cour a relevé que, conformément à l’article 5, paragraphe 2, de la décision 2009/906, le commandant d’opération civil exerce le commandement ainsi que le contrôle, au niveau « stratégique », de la MPUE en Bosnie-Herzégovine, tandis que le chef de la mission, conformément à l’article 6, paragraphes 1 à 3, et à l’article 9, paragraphe 5, de ladite décision, donne, notamment, toutes les « instructions » nécessaires à l’ensemble du personnel.

    70      Or, en procédant ainsi, la Cour n’a fait que rappeler, pour l’essentiel, la teneur des dispositions pertinentes de la décision 2009/906, ses constatations à cet égard n’ayant eu ni pour objet ni pour effet de préciser les conditions dans lesquelles une décision de réaffectation au sein de la MPUE d’un membre du personnel, tel que la requérante, peut être adoptée. En particulier, la Cour n’a ni constaté que le pouvoir de réaffecter un agent revêt un caractère exclusivement stratégique, au sens de l’article 5, paragraphe 2, de cette décision, ni exclu que le chef de la mission dispose d’un tel pouvoir de réaffectation. En procédant au rappel, aux points 51 à 53 de l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), des dispositions pertinentes de ladite décision, la Cour a seulement entendu fonder sa constatation, figurant au point 54 de cet arrêt, selon laquelle une décision de réaffectation, telle que les décisions litigieuses, revêt un aspect opérationnel relevant de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et constitue un « acte de gestion du personnel », sans pour autant déterminer l’autorité compétente pour adopter une telle décision.

    71      Enfin, si la Cour, au point 54 de l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), a fait référence, de manière générale et au pluriel, aux « décisions adoptées par les autorités compétentes de cette mission relatives à l’allocation des ressources humaines » affectées à celle-ci par les États membres et les institutions de l’Union, cette circonstance n’implique pas que la Cour ait entendu exclure qu’une décision spécifique de réaffectation puisse relever de la compétence du commandant d’opération civil ou, à l’inverse, de celle du chef de la mission.

    72      Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir contredit l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), lorsqu’il a reconnu au chef de la mission la compétence pour réaffecter la requérante.

    73      Il s’ensuit que le deuxième moyen est dénué de fondement et doit donc être rejeté.

     Sur le troisième moyen

    –       Argumentation des parties

    74      Par son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en ayant effectué des constatations, aux points 73 à 85 de l’arrêt attaqué, s’agissant du rôle de l’État membre d’origine dans le cadre de la réaffectation des personnels détachés, qui sont contraires à ce que la Cour a jugé au point 56 de l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569).

    75      En particulier, la requérante fait valoir qu’il ressort de ce point 56 que la décision 2012/C 12/04 de la haute représentante de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, du 23 mars 2011, fixant le régime applicable aux experts nationaux détachés auprès du service européen pour l’action extérieure (JO 2012, C 12, p. 8), constitue le cadre général applicable aux personnels détachés. Or, il ressort de cette décision que le lieu du détachement peut être modifié en cours de détachement moyennant un nouvel échange de lettres si la possibilité de modifier ce lieu n’était pas prévue dans l’échange de lettres initial, et que l’administration qui détache l’expert national est informée des éventuelles modifications du lieu de détachement.

    76      Dès lors, le soi-disant consentement que, selon le point 79 de l’arrêt attaqué, la requérante aurait donné à sa réaffectation serait totalement dénué de pertinence, car le pouvoir de consentir à une telle réaffectation aurait été strictement réservé à l’administration nationale d’origine, à savoir le ministère de la Justice italien, et aurait dû, en principe, être exprimé par un nouvel échange de lettres qui, en l’espèce, n’a jamais eu lieu.

    77      Il s’ensuivrait que la conclusion à laquelle le Tribunal est parvenu au point 81 de l’arrêt attaqué, selon laquelle les agents détachés par les États membres et ceux détachés par les institutions de l’Union sont soumis aux mêmes règles en cas de réaffectation, serait totalement erronée et contraire à ce que la Cour aurait jugé au point 56 de l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569). En outre, au point 75 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait erronément reproché à la requérante de n’avoir indiqué aucune disposition en vertu de laquelle la consultation de l’État membre était nécessaire. Or, cette question aurait été largement débattue dans le cadre de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), et serait ainsi à l’origine des indications figurant au point 56 de cet arrêt.

    78      Le Conseil estime que le troisième moyen est dénué de fondement.

    –       Appréciation de la Cour

    79      Dans la mesure où, par son troisième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé l’article 61, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en ayant effectué des constatations, aux points 73 à 85 de l’arrêt attaqué, s’agissant du rôle de l’État membre d’origine dans le cadre de la réaffectation des personnels détachés, qui sont contraires à ce que la Cour a jugé au point 56 de l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), il convient de constater que, comme dans le cadre du deuxième moyen, la requérante interprète ce dernier arrêt en lui attribuant une portée qui n’est pas la sienne.

    80      En particulier, au point 56 de l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), la Cour a jugé que la conclusion à laquelle elle était parvenue au point 55 de cet arrêt, consistant à reconnaître au juge de l’Union la compétence pour connaître des recours relatifs aux actes de gestion du personnel à l’égard des agents détachés par les États membres auprès d’une mission telle que la MPUE, est « corroborée par la compétence conférée à la Cour pour statuer, d’une part, en vertu de l’article 11, paragraphe 3, sous b), et paragraphe 6, de la décision (PESC) 2015/1835 du Conseil, du 12 octobre 2015, définissant le statut, le siège et les modalités de fonctionnement de l’Agence européenne de défense (JO 2015, L 266, p. 55), sur des recours introduits par des experts nationaux détachés auprès de [l’Agence européenne de défense (AED)] et, d’autre part, en vertu de l’article 42, paragraphe 1, de la [décision 2012/C 12/04], sur des recours introduits par des experts nationaux détachés auprès [du service européen pour l’action extérieure (SEAE)] ».

    81      Ainsi, la Cour n’a fait référence aux compétences attribuées au juge de l’Union par la décision (PESC) 2015/1835 et par la décision 2012/C 12/04, portant respectivement sur les experts nationaux détachés auprès de l’AED et sur les experts nationaux détachés auprès du SEAE, qu’à la seule fin de confirmer la conclusion à laquelle elle était parvenue dans l’arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, EU:C:2016:569), relative à la compétence de ce même juge pour connaître des recours relatifs aux actes de gestion du personnel à l’égard des agents détachés auprès de la MPUE.

    82      Il ne saurait donc être considéré que, par ledit point 56, la Cour ait entendu indiquer que le régime applicable en vertu de la décision 2012/C 12/04 constitue également le cadre général applicable aux personnes détachées par les États membres auprès des missions telles que la MPUE.

    83      En outre, dans la mesure où il ne découle pas dudit point 56 que la consultation de l’État membre concerné devait intervenir avant la réaffectation de la requérante, l’argumentation de cette dernière selon laquelle le Tribunal a méconnu, au point 75 de l’arrêt attaqué, ce même point 56 en considérant que la requérante n’indiquait aucune disposition imposant une telle consultation est dénuée de fondement.

    84      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

     Sur les quatrième et cinquième moyens

    –       Argumentation des parties sur le quatrième moyen

    85      Par son quatrième moyen, lequel vise l’appréciation, figurant aux points 103 à 132 ainsi qu’aux points 142 à 151 de l’arrêt attaqué, des troisième et cinquième moyens avancés en première instance tendant à démontrer un détournement de pouvoir et un harcèlement moral, la requérante reproche au Tribunal, d’une part, une violation de l’article 47 de la Charte et, d’autre part, diverses dénaturations des preuves.

    86      En particulier, alors qu’il n’aurait pas invité la requérante à soumettre des observations sur les réponses et les documents fournis après l’audience, le Tribunal se serait néanmoins fondé, aux points 124 à 127, 131, 149, 159, 160 et 163, sur ces réponses et ces documents afin de réfuter les arguments de la requérante portant sur la chronologie des événements en cause et, partant, rejeter ses moyens relatifs au détournement de pouvoir et à l’erreur manifeste d’appréciation. Or, la requérante souligne que, si elle avait eu la possibilité de formuler de telles observations, la teneur de l’arrêt attaqué aurait été différente.

    87      À cet égard, la requérante soutient, en premier lieu, que l’annexe J2 atteste qu’elle a été réaffectée avant la fin de la procédure de sélection. En deuxième lieu, il découlerait des annexes J1, J5, J6 et J7 que les conseils en matière pénale étaient expressément prévus lorsqu’ils étaient requis pour un poste donné. Or, ce ne serait qu’après la présentation que la requérante avait effectuée ensemble avec un conseiller juridique pour la MPUE, par lettre du 17 mars 2010, d’une liste d’irrégularités liées à la gestion de la MPUE, que la nécessité de disposer de conseils spécifiques en matière pénale est apparue pour le poste à Banja Luka. En troisième lieu, le poste à Banja Luka serait resté vacant à partir du jour où la requérante a été placée en congé de maladie jusqu’à la fin de la mission. Ainsi qu’il ressortirait de l’annexe J9, ce poste n’aurait même pas été publié dans l’appel à candidatures du 21 novembre 2011. Au contraire, en quatrième lieu, il ressortirait de l’annexe J11 que le poste à Sarajevo a été publié immédiatement après la réaffectation de la requérante et a même été pourvu temporairement, ainsi que cela ressortirait de l’annexe J14. En cinquième et dernier lieu, les annexes J5 et J12 corroboreraient les moyens avancés par la requérante en première instance, dans le cadre desquels elle soutenait que sa réaffectation avait eu pour effet sa rétrogradation d’un poste « senior » à un poste « junior ».

    88      Au point 130 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait d’ailleurs dénaturé les preuves que la requérante avait produites, en particulier en déniant toute pertinence au courriel du 8 avril 2010, joint en annexe 20 à la requête introductive d’instance (ci-après le « courriel du 8 avril 2010 »). En outre, le Tribunal aurait fait une mauvaise interprétation des preuves, au point 124 de l’arrêt attaqué, en affirmant que l’existence d’une procédure de sélection en cours pour le poste à Banja Luka ne faisait que confirmer la vacance dudit poste et la nécessité de le pourvoir. De surcroît, aux points 147 à 149 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait dénaturé les preuves en décidant de ne pas se fonder sur la décision du Médiateur européen, du 4 juin 2015, concernant la fin du contrat de salarié de Mme C. en tant que conseiller juridique pour la MPUE en Bosnie-Herzégovine (ci-après la « décision du Médiateur »).

    89      Le Conseil soutient que le Tribunal a conclu à bon droit que la requérante n’avait pas produit d’éléments de preuve suffisants concernant le détournement de pouvoir prétendument commis par le chef de la mission. En particulier, il découlerait des points 132 et 141 de l’arrêt attaqué que les preuves présentées par la requérante n’étaient suffisantes ni pour établir le détournement de pouvoir commis par celui-ci ni pour démontrer l’existence d’un contexte de harcèlement moral. Ces conclusions demeureraient valables même en l’absence des informations chronologiques détaillées fournies par le Conseil.

    90      Le Conseil note également, à titre accessoire, que, lors de l’audience, la requérante ne s’est pas opposée à la production des informations demandées au Conseil par le Tribunal et n’a pas non plus demandé à être mise en mesure de formuler des observations sur ces informations. De même, une fois les réponses et les documents fournis après l’audience, elle n’aurait pas non plus sollicité la possibilité de formuler des observations.

    91      S’agissant de la prétendue violation de l’article 47 de la Charte, le Conseil soutient, par ailleurs, premièrement, que la demande du Tribunal visant à la production d’informations supplémentaires constituait une mesure d’organisation de la procédure, au sens de l’article 89, paragraphe 3, de son règlement de procédure. Deuxièmement, en réponse à cette demande, le Conseil aurait fourni des informations chronologiques précises, permettant ainsi au Tribunal de disposer d’une vision complète de la situation au cours de l’année 2010. Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel elle n’aurait pas eu la possibilité de présenter des observations sur les « preuves » supplémentaires serait fallacieux, dès lors que le Conseil n’aurait produit aucune preuve, mais aurait simplement fourni des informations chronologiques détaillées sur les faits débattus. Quatrièmement, la requérante aurait eu l’occasion de commenter les faits sur lesquels le Tribunal a fondé sa décision. L’élément manquant aurait été la confirmation des dates exactes auxquelles ces faits se sont déroulés. Selon le Conseil, la requérante n’a pas été en mesure de prouver, y compris dans le cadre du présent pourvoi, que ces faits étaient erronés.

    92      Pour ce qui est de la prétendue dénaturation par le Tribunal du courriel du 8 avril 2010, le Conseil estime que de nombreuses justifications ont été fournies par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. Contrairement à ce que prétendrait la requérante, le chef du bureau régional de Banja Luka n’aurait pas confirmé, dans ce courriel, qu’il n’y avait pas d’intérêt objectif à disposer d’un Prosecutor à Banja Luka. S’il n’a pas lui-même sollicité une telle nomination, il n’en aurait pas moins souligné, dans ledit courriel, « l’atout » représenté par la réaffectation de la requérante pour la région de Banja Luka. En tout état de cause, l’avis personnel d’un chef du bureau régional concernant l’urgence de pourvoir un poste vacant serait sans importance aux fins de l’appréciation d’un recours tel que celui introduit par la requérante.

    93      Le Conseil conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle la réaffectation a eu lieu alors qu’une procédure de sélection était encore en cours. La date limite pour présenter sa candidature au poste en cause aurait été fixée au 23 mars 2010. La requérante aurait été réaffectée à ce poste par la décision litigieuse du 7 avril 2010, alors qu’il aurait été déjà clair que la procédure de sélection ne fournirait pas de meilleur candidat.

    94      Le Conseil est enfin d’avis que le Tribunal n’a pas dénaturé les éléments de preuve en décidant de ne pas se fonder sur la décision du Médiateur.

    95      Même en admettant que les réponses et les documents fournis après l’audience constitueraient de nouveaux éléments de preuve au sujet desquels la requérante n’aurait pas eu la possibilité de présenter des observations, cette dernière ne parviendrait suffisamment à démontrer ni l’existence d’un détournement de pouvoir ni un contexte de harcèlement.

    –       Argumentation des parties sur le cinquième moyen

    96      Par son cinquième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, aux points 152 à 165 de l’arrêt attaqué, en ce qu’il a de nouveau violé l’article 47 de la Charte et dénaturé les preuves apportées devant lui.

    97      Contrairement à ce qu’a constaté le Tribunal, des éléments de fait solides manqueraient pour fonder la légalité du transfert de la requérante à Banja Luka. De plus, les constatations figurant dans la décision du Médiateur n’auraient jamais été remises en cause par le Conseil ou par le Tribunal. En tout état de cause, le Tribunal n’aurait pas entendu la requérante au sujet des réponses et des documents fournis après l’audience.

    98      La requérante conteste également le raisonnement figurant aux points 166 à 173 de l’arrêt attaqué, aboutissant au rejet de sa demande d’indemnisation.

    99      Le Conseil souligne que les arguments avancés dans le cadre de ce moyen sont présentés en vue d’une éventuelle décision de la Cour sur le fond de l’affaire. Comme ils auraient déjà fait l’objet d’observations dans le cadre du précédent moyen, le Conseil renvoie aux observations qu’il a présentées à cet égard et conclut que le recours devrait être rejeté, même dans le cas où la Cour annulerait l’arrêt attaqué.

    –       Appréciation de la Cour

    100    Par son quatrième moyen, la requérante conteste l’appréciation effectuée par le Tribunal des moyens avancés en première instance tirés d’un détournement de pouvoir et d’un harcèlement moral, tandis que, par son cinquième moyen, elle remet en cause l’appréciation effectuée par celui-ci du moyen avancé en première instance tendant à démontrer une erreur manifeste d’appréciation entachant la décision litigieuse du 7 avril 2010.

    101    Toutefois, les quatrième et cinquième moyens du pourvoi sont l’un et l’autre tirés de la dénaturation des preuves et de la violation de l’article 47 de la Charte, et les arguments avancés à l’appui de ces moyens se recoupent d’ailleurs en grande partie. Il convient, dès lors, d’examiner lesdits moyens de façon conjointe.

    102    S’agissant, en premier lieu, de l’argumentation tirée de la violation de l’article 47 de la Charte, en particulier de celle selon laquelle c’est à tort que le Tribunal n’a pas invité la requérante à formuler des observations sur les réponses et les documents fournis après l’audience, il y a lieu de rappeler que, pour satisfaire aux exigences du droit à un procès équitable consacré par cette disposition, les juridictions de l’Union doivent veiller à faire respecter devant elles et à respecter elles-mêmes le principe du contradictoire, lequel s’applique à toute procédure susceptible d’aboutir à une décision d’une institution de l’Union affectant de manière sensible les intérêts d’une personne (arrêt du 27 mars 2014, OHMI/National Lottery Commission, C‑530/12 P, EU:C:2014:186, point 53 et jurisprudence citée).

    103    Ainsi la Cour a-t-elle déjà jugé, d’une part, que le principe du contradictoire implique, en règle générale, le droit pour les parties à un procès de prendre connaissance des preuves et des observations présentées devant le juge ainsi que de les discuter, et, d’autre part, que ce serait violer un principe élémentaire du droit que de fonder une décision judiciaire sur des faits et des documents dont les parties, ou l’une d’entre elles, n’ont pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position (arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 52 ainsi que jurisprudence citée).

    104    En effet, pour satisfaire aux exigences liées au droit à un procès équitable, il importe que les parties aient connaissance et puissent débattre contradictoirement tant des éléments de fait que des éléments de droit qui sont décisifs pour l’issue de la procédure (arrêt du 2 décembre 2009, Commission/Irlande e.a., C‑89/08 P, EU:C:2009:742, point 56).

    105    En l’espèce, il ressort du point 25 de l’arrêt attaqué et il n’est d’ailleurs pas contesté dans le cadre du présent pourvoi que, lors de l’audience devant le Tribunal, ce dernier a demandé au Conseil de répondre, par écrit, à certaines questions et de produire des documents additionnels dans un délai de deux semaines à compter de la date de cette audience. Par ailleurs, il ressort des éléments dont dispose la Cour et il est également constant dans le cadre du présent pourvoi que, si le Tribunal a communiqué à la requérante les réponses et les documents fournis après l’audience, il a procédé à la clôture de la procédure orale sans inviter la requérante à se prononcer sur ceux-ci.

    106    Or, la lecture des points 125 à 127, 149, 159, 160 et 163 de l’arrêt attaqué fait clairement ressortir que, ainsi que le soutient la requérante, le Tribunal s’est effectivement fondé sur le contenu des réponses et des documents fournis après l’audience pour apprécier le bien-fondé des troisième à cinquième moyens avancés devant lui, tirés respectivement d’un détournement de pouvoir, d’une erreur manifeste d’appréciation et d’un harcèlement moral. En effet, à ces points, le Tribunal a non seulement fait référence à des dates précises fournies par le Conseil afin d’apporter des précisions factuelles manquantes à son raisonnement, mais il a également tiré des conclusions tant de ces dates que d’autres éléments contenus dans ces réponses et ces documents afin de fonder le rejet desdits moyens.

    107    Plus spécifiquement, dans le cadre de son examen conjoint des troisième et cinquième moyens avancés en première instance, en particulier de son appréciation de l’existence d’un détournement de pouvoir, le Tribunal a examiné, notamment, l’argument de la requérante relatif à la prétendue absence de l’intérêt du service à affecter un Prosecutor en urgence à Banja Luka.

    108    Dans ce contexte, le Tribunal a fait observer, tout d’abord, au point 125 de l’arrêt attaqué, qu’il ressortait des réponses et des documents fournis après l’audience que les deux candidats au poste à Banja Luka avaient été choisis pour d’autres postes auprès de la MPUE, conformément à la priorité indiquée dans leurs formulaires de candidature, pour en tirer la conclusion selon laquelle, à la date d’adoption de la décision litigieuse du 7 avril 2010, la procédure de sélection pour pourvoir ce poste n’avait pas abouti.

    109    Ensuite, au point 126 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il ressortait de ces réponses et de ces documents que, à l’époque des faits, la MPUE faisait face à un manque de personnel et que le chef de la mission avait dû prendre, à plusieurs reprises, des mesures adéquates afin de satisfaire aux besoins de la MPUE, en lançant des appels à candidatures.

    110    Enfin, au point 127 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que, plus particulièrement, il ressortait des réponses et des documents fournis après l’audience que la procédure de sélection qui avait été lancée avec l’appel à candidatures envoyé aux États membres le 2 mars 2010, afin de pourvoir les 34 postes vacants au sein de la MPUE, parmi lesquels figurait également le poste à Banja Luka, avait abouti à la sélection de seulement 26 candidats et que trois autres postes « faisaient l’objet d’une prolongation ou d’autres décisions opérationnelles ». Le Tribunal a jugé que, dans ce contexte, rien ne permettait de conclure que la décision de réaffecter la requérante avait été prise en raison d’autres circonstances que celles pouvant être déduites de ces réponses et de ces documents, à savoir le manque des candidats éligibles pour le poste à Banja Luka.

    111    Par ailleurs, il découle d’une lecture d’ensemble des points 121 à 131 de l’arrêt attaqué que le Tribunal s’est fondé sur ses conclusions exposées aux points 125 à 127 de cet arrêt, ensemble avec d’autres éléments, pour constater, au point 132 dudit arrêt, que les indices présentés par la requérante afin de démontrer l’absence de l’intérêt du service à affecter un Prosecutor en urgence à Banja Luka étaient insuffisants pour établir l’existence d’un détournement de pouvoir commis par le chef de la mission dans l’adoption de la décision litigieuse du 7 avril 2010.

    112    De même, le Tribunal s’est appuyé, au point 149 de l’arrêt attaqué, sur les points 125 et 127 de celui-ci pour rejeter l’argument de la requérante selon lequel la décision litigieuse du 7 avril 2010 constituait une « sanction » qui lui avait été infligée en raison des critiques qu’elle avait formulées à l’égard de la gestion de la MPUE. En effet, il ressort d’une lecture d’ensemble des points 142 à 150 de cet arrêt que lesdites conclusions ont été expressément invoquées pour fonder, ensemble avec d’autres constatations, le rejet de l’argumentation de la requérante selon laquelle cette décision avait été prise en raison d’autres circonstances que l’intérêt du service, en particulier en raison de l’envoi de la lettre relative à la gestion de la MPUE, mentionnée au point 87 du présent arrêt.

    113    En outre, ainsi que le soutient la requérante également à juste titre, aux points 159, 160 et 163 de l’arrêt attaqué, le Tribunal s’est appuyé exclusivement sur les réponses et les documents fournis après l’audience pour rejeter le quatrième moyen avancé en première instance tiré d’une erreur manifeste d’appréciation entachant la décision litigieuse du 7 avril 2010. En particulier, ces réponses et ces documents constituent le seul fondement sur la base duquel le Tribunal a conclu, en premier lieu, au point 161 de cet arrêt, que l’allégation de la requérante relative à l’absence d’une réelle nécessité de pourvoir le poste à Banja Luka au moment de sa réaffectation était dépourvue de tout fondement factuel et, en second lieu, au point 163 dudit arrêt, que rien ne permettait de conclure que la vacance du poste à Sarajevo ne se serait pas inscrite dans la pratique courante de la MPUE consistant à pourvoir les postes dès qu’ils devenaient vacants.

    114    Il découle des considérations exposées aux points 102 à 113 du présent arrêt que les réponses et les documents fournis après l’audience, lesquels n’avaient pas fait l’objet d’un débat contradictoire dans le cadre de la procédure ayant donné lieu à l’arrêt attaqué, ont été décisifs dans le raisonnement du Tribunal aux fins du rejet par celui-ci des troisième à cinquième moyens avancés en première instance.

    115    Par conséquent, et eu égard aux arguments avancés par la requérante dans le cadre du présent pourvoi, tels que ceux exposés au point 87 du présent arrêt, visant à démontrer en quoi l’interprétation effectuée par le Tribunal des réponses et des documents fournis après l’audience était erronée, il ne saurait aucunement être exclu que, dans le cas où la requérante aurait été mise en mesure de formuler des observations sur ces réponses et ces documents, elle aurait pu avancer des arguments susceptibles de modifier les conclusions que le Tribunal en a tirées et donc, en fin de compte, l’issue de la procédure.

    116    Eu égard à ce qui précède, il convient de constater que le Tribunal a méconnu le principe du contradictoire résultant des exigences relatives au droit à un procès équitable, de sorte que le grief avancé dans le cadre des quatrième et cinquième moyens du pourvoi tiré de la violation de l’article 47 de la Charte doit être accueilli.

    117    Il s’ensuit que l’arrêt attaqué doit être annulé en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté, aux points 151 et 164 de l’arrêt attaqué, les troisième à cinquième moyens avancés en première instance et, en conséquence, au point 165 de cet arrêt, le recours en annulation dans son ensemble.

    118    Dans ces conditions, il n’y a pas lieu, à ce stade de la procédure, de procéder, en second lieu, à l’examen des arguments, également avancés dans le cadre des quatrième et cinquième moyens du pourvoi, tirés de diverses dénaturations des éléments de preuves, la requérante visant également, par ces arguments, l’annulation des parties de l’arrêt attaqué auxquelles fait référence le point précédent.

    119    S’agissant de l’argumentation par laquelle la requérante vise à obtenir l’annulation de l’arrêt attaqué en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté sa demande en indemnité, il convient de faire observer que, ainsi qu’il découle des points 166 à 173 de l’arrêt attaqué, en particulier du point 172 de celui-ci, le Tribunal a rejeté cette demande, dès lors que, dans le cadre de son appréciation du recours en annulation, il avait conclu à l’absence de comportement illégal pouvant être reproché au Conseil et donc au non-respect d’une des conditions cumulatives de l’engagement de la responsabilité non contractuelle d’une institution de l’Union pour comportement illicite, conformément à la jurisprudence rappelée par le Tribunal à cet égard au point 170 de l’arrêt attaqué.

    120    Or, ainsi qu’il découle du point 115 du présent arrêt, il ne saurait être exclu que, dans le cas où la requérante aurait été en mesure de formuler des observations sur les réponses et les documents fournis après l’audience, elle aurait pu avancer des arguments susceptibles de conduire le Tribunal à adopter une autre conclusion en ce qui concerne le point de savoir si le Conseil avait agi illégalement.

    121    Par conséquent, sans qu’il y ait lieu d’examiner, à ce stade de la procédure, la portée des autres conditions de l’engagement de la responsabilité non contractuelle, à savoir la réalité d’un préjudice et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué, lesquelles n’ont pas été examinées par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, les conclusions de la requérante tendant à l’annulation de l’arrêt attaqué en tant que, par celui-ci, le Tribunal a rejeté sa demande en indemnité doivent, à l’instar de celles critiquant le rejet par le Tribunal de son recours en annulation, être accueillies, le Tribunal ayant fondé le rejet de ladite demande en indemnité sur sa constatation, faite en méconnaissance du principe du contradictoire, de l’absence d’un comportement illégal.

    122    Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que l’arrêt attaqué doit être annulé.

     Sur le renvoi de l’affaire devant le Tribunal

    123    Conformément à l’article 61, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, celle-ci, en cas d’annulation de la décision du Tribunal, peut soit statuer elle-même définitivement sur le litige, lorsque celui-ci est en état d’être jugé, soit renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour qu’il statue.

    124    En l’occurrence, la Cour considère que le litige n’est pas en état d’être jugé dès lors que les parties doivent, au préalable, avoir la possibilité de s’exprimer contradictoirement sur les réponses et les documents fournis après l’audience.

    125    Il y a lieu, par conséquent, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour que celui-ci statue, à la suite d’un tel débat, sur les troisième à cinquième moyens avancés en première instance ainsi que sur la demande en indemnité de la requérante.

     Sur les dépens

    126    L’affaire étant renvoyée devant le Tribunal, il convient de réserver les dépens afférents au présent pourvoi.

    Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête :

    1)      L’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 11 avril 2018, H/Conseil (T271/10 RENV, EU:T:2018:180), est annulé.

    2)      L’affaire est renvoyée devant le Tribunal de l’Union européenne afin qu’il statue sur les troisième à cinquième moyens du recours en annulation ainsi que sur la demande en indemnité.

    3)      Les dépens sont réservés.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’anglais.

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