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Document 62008CJ0485

Arrêt de la Cour (première chambre) du 15 avril 2010.
Claudia Gualtieri contre Commission européenne.
Pourvoi - Expert national détaché - Indemnité de séjour journalière - Principe d’égalité de traitement.
Affaire C-485/08 P.

Recueil de jurisprudence 2010 I-03009

Identifiant ECLI: ECLI:EU:C:2010:188

ARRÊT DE LA COUR (première chambre)

15 avril 2010 ( *1 )

«Pourvoi — Expert national détaché — Indemnité de séjour journalière — Principe d’égalité de traitement»

Dans l’affaire C-485/08 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice, introduit le 11 novembre 2008,

Claudia Gualtieri, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes P. Gualtieri et M. Gualtieri, avvocati,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant:

Commission européenne, représentée par M. J. Currall, en qualité d’agent, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (première chambre),

composée de M. A. Tizzano, président de chambre, MM. E. Levits (rapporteur), M. Ilešič, J.-J. Kasel et M. Safjan, juges,

avocat général: M. Y. Bot,

greffier: M. R. Grass,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1

Par son pourvoi Mme Gualtieri demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de première instance des Communautés européennes du 10 septembre 2008, Gualtieri/Commission (T-284/06, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté sa demande visant à ce que cette juridiction:

annule la décision de la Commission des Communautés européennes, du 5 septembre 2005, lui refusant le bénéfice de l’indemnité journalière à hauteur de 107,10 euros, ainsi que de l’indemnité mensuelle d’un montant de 321,30 euros;

annule la décision du 30 janvier 2006 par laquelle la Commission a rejeté sa réclamation contre la décision du ;

annule toutes les communications mensuelles de la Commission relatives à la détermination des indemnités de séjour qui lui sont dues;

à titre principal, condamne la Commission à lui payer les indemnités qu’elle estime lui être dues, et ce à compter du 1er janvier 2004, en tenant compte de l’augmentation des montants desdites indemnités à la suite de l’entrée en vigueur de la décision C(2004) 577 de la Commission, du , établissant le régime applicable aux experts nationaux détachés auprès de la Commission, puis de la décision C(2005) 872, du , modifiant cette décision C(2004) 577;

à titre subsidiaire, condamne la Commission à lui payer les indemnités qu’elle estime lui être dues à compter du 2 février 2005 ou, à titre plus subsidiaire encore, à compter du , et ce jusqu’au ;

condamne la Commission aux dépens.

I — Le cadre juridique

2

La décision de la Commission C(2002) 1559, du 30 avril 2002, relative au régime applicable aux experts nationaux détachés auprès des services de la Commission, telle que modifiée par la décision C(2003) 406, du (ci-après la «décision END»), prévoyait, à son article 1er, paragraphes 1 et 2:

«1.   Le présent régime est applicable aux experts nationaux détachés [ci-après les ‘END’] auprès de la Commission […] par une administration publique nationale, régionale ou locale. […]

2.   Les personnes couvertes par le présent régime restent au service de leur employeur durant la période de détachement et continuent à être rémunérées par cet employeur.»

3

Conformément à l’article 17, paragraphe 1, de la décision END:

«L’END a droit, pour la durée de son détachement à une indemnité de séjour journalière. Si la distance entre le lieu de recrutement et le lieu de détachement est égale ou inférieure à 150 km, l’indemnité est de 26,78 euros. Elle est de 107,10 euros si cette distance est supérieure à 150 km.»

4

L’article 17, paragraphe 2, de la décision END prévoyait l’octroi d’une indemnité mensuelle dont le montant est fonction de la distance entre le lieu de résidence et le lieu de détachement.

5

L’article 20 de la décision END était libellé de manière suivante:

«1.   Aux fins du présent régime, est considéré comme lieu de résidence, le lieu où l’END exerçait ses fonctions pour son employeur immédiatement avant son détachement. Le lieu d’affectation est le lieu où est situé le service de la Commission auquel l’END est affecté. Ces lieux sont mentionnés dans l’échange de lettres visé à l’article 1er, paragraphe 5.

[…]

3.   Le lieu de résidence est censé être le lieu de détachement [dans les cas suivants]:

[…]

b)

si, au moment de la demande de détachement de la Commission, le lieu de détachement est le lieu de résidence principal du conjoint ou de l’enfant (des enfants) que l’END a à sa charge.

À cette fin, l’END qui réside à une distance égale ou inférieure à 150 km du lieu de détachement est considéré comme résidant à cet endroit.»

6

La décision END a été ultérieurement modifiée par les décisions de la Commission C(2004) 577, du 27 février 2004, C(2005) 872, du , et C(2005) 3608, du . Elle fut abrogée par la décision de la Commission C(2006) 2033, du , relative au régime applicable aux experts nationaux détachés auprès des services de la Commission.

II — Les faits à l’origine du litige

7

Les faits à l’origine du litige sont exposés comme suit aux points 6 à 13 de l’arrêt attaqué:

«6

La requérante, Mme Claudia Gualtieri, magistrat en Italie, a travaillé auprès de la Commission en tant qu’END du 1er janvier 2004 au .

7

Après avoir reçu de la part de la représentation permanente de la République italienne auprès de l’Union européenne des documents nécessaires au détachement, la Commission a adressé au représentant permanent une lettre, parvenue à son destinataire le 11 novembre 2003, qui l’informait que les dispositions de la [décision END] seraient applicables à la requérante et que celle-ci recevrait, par conséquent, une indemnité journalière de 107,10 euros ainsi que, dans les conditions prévues à l’article 17 de cette décision, une indemnité mensuelle de 321,30 euros.

8

Quelques jours après la prise de fonctions de la requérante en tant qu’END, la direction générale ‘Personnel et administration’, par lettre du 9 janvier 2004, a informé la représentation permanente de la République italienne que la requérante ne percevrait qu’une indemnité journalière de 26,78 euros au lieu des 107,10 euros antérieurement annoncés, dès lors que Bruxelles était le lieu de résidence de son conjoint au sens de l’article 20, paragraphe 3, de la décision END.

9

À compter du 2 février 2005, la requérante a vécu séparée de son mari et a transféré son domicile à une nouvelle adresse à Bruxelles. […] L’acte de divorce, établi d’un commun accord en vertu du droit belge, a été déposé auprès du tribunal de première instance de Bruxelles, le , et a été suivi d’un jugement prononcé le .

10

Par demande introduite le 6 juillet 2005, la requérante, en se référant à la séparation entre elle et son mari, a sollicité de la Commission le versement des indemnités journalières de 107,10 euros et de l’indemnité mensuelle qu’elle estimait lui être dues depuis au moins le .

11

Le 5 septembre 2005, la Commission a rejeté cette demande, en se fondant sur l’argument que le lieu de résidence de la requérante, au sens de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END, avait été fixé à Bruxelles lors de sa demande de détachement.

12

Par note du 17 octobre 2005, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 27 de la décision END, telle que modifiée par la décision C(2005) 872 [de la Commission], du .

13

Par décision du 30 janvier 2006, la Commission a considéré que la réclamation avait été introduite au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, mais elle l’a rejetée, en se fondant notamment sur la circonstance que, ‘le lieu de recrutement [ayant été] fixé au lieu de résidence de l’intéressée lors de la demande de détachement [auprès] de la Commission, il n’y a[vait] pas lieu [de] reconsidérer cette décision suite aux éventuels changements des circonstances personnelles de [l’intéressée]’. […]»

III — La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

8

Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 30 avril 2006, la requérante a introduit un recours visant à ce que celui-ci fasse droit aux conclusions visées au point 1 du présent arrêt.

9

Par ordonnance du 9 octobre 2006, le Tribunal de la fonction publique (première chambre) a jugé que la requérante, en sa qualité d’END, n’était pas un agent des Communautés européennes au sens de l’article 236 CE. En conséquence, il s’est déclaré incompétent ratione personae pour statuer sur le litige et, en application de l’article 8, paragraphe 2, de l’annexe I du statut de la Cour de justice, a renvoyé l’affaire au Tribunal pour que ce dernier statue.

10

Après avoir relevé que, selon la Commission, le recours serait recevable uniquement dans la mesure où il tend à obtenir l’annulation de la décision du 30 janvier 2006 et concerne le refus du versement de l’intégralité des indemnités de séjour au sens de l’article 17 de la décision END relatives à la période comprise entre le et le (ou entre le et le ), le Tribunal a estimé opportun, pour des raisons d’économie de la procédure, de se prononcer d’emblée sur les questions de fond, et de rejeter ainsi au fond le recours, ceci le dispensant d’examiner les questions relatives à la recevabilité du recours.

11

Le Tribunal a d’abord rejeté le premier moyen de la requérante relatif à la violation du principe de l’égalité de traitement dans l’application de la décision END.

12

Ainsi, en réponse à l’argument de la requérante, selon lequel en refusant de lui verser, après sa séparation, le montant intégral des indemnités prévues à l’article 17 de la décision END, au motif que, lors de sa demande de détachement, elle était mariée à une personne résidant à Bruxelles, la Commission aurait enfreint l’article 141 CE, le Tribunal a indiqué, au point 29 de l’arrêt attaqué, que la décision END n’opère aucune distinction entre les END de sexes masculin et féminin et que son application ne saurait être à l’origine d’une quelconque discrimination en raison du sexe.

13

Au point 30 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que, de surcroît et en tout état de cause, les indemnités en cause ne constituent pas une rémunération, comme la requérante l’a d’ailleurs admis elle-même lors de l’audience.

14

Au point 31 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté l’argument de la requérante portant sur la violation du principe d’égalité de traitement en fonction du statut marital, en jugeant que «le mécanisme de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END trouve à s’appliquer une fois pour toutes à tout END, qu’il soit célibataire ou marié» et que «[c]’est à juste titre que la Commission a considéré que la requérante, au moment de la demande de détachement, n’avait pas fait l’objet d’une discrimination par rapport à un END célibataire, dans la mesure où le statut juridique matrimonial de la requérante, celui de femme mariée, était distinct de celui d’une personne célibataire». Après avoir rappelé qu’il «résulte d’une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal que le mariage n’est en principe pas comparable au concubinage ou à d’autres situations de fait, car l’une des caractéristiques essentielles du mariage est qu’il crée des obligations juridiques spécifiques, différentes de celles de n’importe quel autre statut», le Tribunal a, en outre, souligné que, «selon les pièces du dossier, la requérante est restée mariée pendant toute la durée de son détachement, puisque le divorce n’a été prononcé qu’en janvier 2006».

15

Le Tribunal a ensuite examiné le deuxième moyen de la requérante, tiré de l’exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END, soulevée en vertu de l’article 241 CE. Il a rejeté cette exception, en relevant, aux points 36 et 37 de l’arrêt attaqué, que la requérante s’est limitée à énoncer ledit moyen de façon très abstraite dans ses écritures, sans indiquer précisément en quoi consiste la violation du principe d’égalité qu’elle allègue et sans davantage développer ce moyen lors de l’audience, et ce malgré l’invitation en ce sens faite par le Tribunal.

16

Enfin, le Tribunal a rejeté le troisième moyen de la requérante, tiré de la violation, par la Commission, du principe de la protection de la confiance légitime, en relevant, aux points 42 et 43 de l’arrêt attaqué, que les indications données par la Commission à la requérante, par l’intermédiaire de la représentation permanente de la République italienne, étaient contraires au libellé même de la décision END, et ne prenaient pas en compte le statut de la requérante, à savoir celui de femme mariée à une personne résidant au lieu de détachement au moment de la demande de détachement. Le Tribunal a rappelé que la décision END était jointe aux courriers adressés à la requérante et a considéré, en outre, que celle-ci, magistrat en activité, était à même d’évaluer le contexte juridique et factuel de la situation.

IV — Les conclusions des parties devant la Cour

17

Par son pourvoi, la requérante demande à ce qu’il plaise à la Cour:

annuler, en totalité ou en partie, l’arrêt attaqué;

accueillir, en totalité ou en partie, les demandes et les conclusions présentées en première instance et en pourvoi;

subsidiairement, renvoyer l’affaire devant le Tribunal pour toute décision nécessaire sur le fond, et

condamner la Commission aux dépens des deux instances, avec compensation totale, à titre subsidiaire, des dépens relatifs à la procédure en première instance.

18

La Commission conclut à ce qu’il plaise à la Cour rejeter le pourvoi et condamner la requérante aux dépens de la présente instance.

V — Sur le pourvoi

A — Quant au pourvoi en tant qu’il vise à l’annulation de l’arrêt attaqué

19

À l’appui de ce chef de conclusions, la requérante invoque deux moyens, tirés, respectivement, des erreurs de droit et des vices de motivation commis par le Tribunal ayant conduit à la violation du principe d’égalité dans les prestations du travail et de l’insuffisance de motivation du rejet de l’exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END.

20

Par une lettre déposée au greffe de la Cour le 12 octobre 2009, la requérante a introduit une demande afin de pouvoir présenter un moyen nouveau, conformément aux articles 42, paragraphe 2, et 118 du règlement de procédure.

1. Sur la demande de présentation d’un moyen nouveau

a) Argumentation des parties

21

La requérante fait valoir que, postérieurement au dépôt de sa requête en pourvoi, la Commission a, le 12 novembre 2008, adopté la décision C(2008) 6866 final relative au régime applicable aux experts nationaux détachés et aux experts nationaux en formation professionnelle auprès des services de la Commission (ci-après la «décision END de 2008»).

22

Cette nouvelle décision apporterait des éléments supplémentaires à l’appui de la thèse soutenue dans le pourvoi, selon laquelle, entre l’END et la Commission, s’est établie une relation de travail caractérisée par un lien de subordination et que les indemnités perçues par l’END dans ce cadre ont la nature des rémunérations. En outre, la décision END de 2008 ne contiendrait plus de disposition prévoyant la diminution de l’indemnité journalière dans l’hypothèse où, au moment de la demande de détachement, le lieu de détachement est le même que le lieu de résidence principale du conjoint ou des enfants à charge de l’END.

23

La Commission, qui a été invitée, conformément à l’article 42, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement de procédure, à répondre au moyen présenté par la requérante, estime que la demande de présentation d’un moyen nouveau est irrecevable, la Cour ne pouvant apprécier le pourvoi qu’en fonction de la situation de fait et de droit prise en compte par le Tribunal. En outre, si la requérante estimait que l’adoption de la décision END de 2008 était pertinente pour apprécier son cas devant le Tribunal, elle aurait dû présenter une demande en révision au Tribunal, conformément aux articles 44 du statut de la Cour de justice ainsi que 125 et 126 du règlement de procédure du Tribunal.

24

À titre subsidiaire, la Commission fait valoir que l’article 42 du règlement de procédure devrait être interprété comme comportant une condition implicite quant au caractère pertinent de l’élément invoqué. Or, la décision END de 2008 ne peut avoir la moindre incidence sur la situation constituée sous la décision END, adoptée en 2002. En outre, l’argumentation de la requérante manquerait en fait, car la décision END de 2008 maintiendrait intégralement la distinction entre les END, d’une part, et les fonctionnaires et les agents de la Commission, d’autre part.

b) Appréciation de la Cour

25

L’article 42, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 dudit règlement, prévoit que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

26

En l’occurrence, le moyen tiré de l’adoption de la décision END de 2008, intervenue pendant la procédure devant la Cour, est en tout état de cause inopérant, dans la mesure où la légalité d’un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7; du , IECC/Commission, C-449/98 P, Rec. p. I-3875, point 87, ainsi que du , Centeno Mediavilla e.a./Commission, C-443/07 P, Rec. p. I-10945, points 110 et 111).

27

En effet, la décision END de 2008, qui n’est entrée en vigueur qu’au 1er janvier 2009, ne constitue pas une réglementation applicable à la période de détachement de la requérante. Dès lors, cette décision ne constitue pas un élément pertinent dans le cadre de l’examen du pourvoi contre l’arrêt attaqué par lequel le Tribunal a effectué l’appréciation de la légalité des décisions de la Commission concernant ce détachement.

2. Sur le premier moyen, tiré du non-respect du principe d’égalité

28

Le premier moyen de la requérante est subdivisé en quatre branches.

a) Sur la première branche du premier moyen

i) Argumentation des parties

29

Par la première branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir manqué à l’obligation de motivation, en ne se prononçant pas sur la position juridique des END, pourtant invoquée devant celui-ci.

30

La requérante allègue en outre que le lien de subordination dans la relation de travail entre la Commission et l’END ne saurait être mis en doute, puisque le lien que l’END entretient avec son administration d’origine devait être considéré comme étant suspendu pendant la durée du détachement. L’END serait pleinement intégré dans l’organisation de la Commission et exercerait ses fonctions au bénéfice exclusif de celle-ci.

31

Selon la Commission, la première branche du premier moyen est irrecevable. D’une part, la thèse de la requérante selon laquelle elle aurait dû être considérée comme un agent de la Commission implique nécessairement la mise en cause de la légitimité de l’ensemble de la décision END, et, en particulier, des dispositions établissant que l’END reste rattaché à son employeur d’origine. Or, ces dispositions n’avaient pas été contestées dans le cadre de la procédure en première instance. D’autre part, il n’aurait pas été demandé au Tribunal de statuer sur la qualification juridique du statut professionnel de l’END vis-à-vis de la Commission.

32

À titre subsidiaire, la Commission estime que la première branche du premier moyen est inopérante, étant donné qu’il n’est pas nécessaire de savoir si un END est un agent de la Commission pour déterminer si l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END ou la manière dont cet article a été appliqué constitue une violation de l’article 141 CE ou du principe général de non-discrimination.

ii) Appréciation de la Cour

33

S’agissant de la première exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, il y a lieu de constater que, par la première branche du premier moyen, la requérante met en cause l’erreur de motivation du Tribunal, en tant que celui-ci n’a pas répondu aux arguments qu’elle a soulevés relatifs au statut juridique de l’END, et non la légitimité de la décision END. Par conséquent, cette exception d’irrecevabilité doit être rejetée.

34

Pour autant que la Commission invoque, deuxièmement, l’irrecevabilité de la première branche du premier moyen au motif qu’il n’aurait pas été demandé au Tribunal de statuer sur le statut juridique de l’END, il y a lieu de relever qu’il résulte du mémoire en réplique déposé par la requérante devant le Tribunal que les arguments relatifs au statut juridique de l’END ont bien été invoqués devant celui-ci.

35

Certes, selon l’article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

36

Il y a lieu cependant de constater que, si ce n’est qu’au stade de la réplique que la requérante a invoqué les arguments relatifs au statut juridique de l’END, il s’agissait alors pour celle-ci de répondre à la thèse de la Commission, contenue dans le mémoire en défense de cette dernière, selon laquelle les indemnités ne pouvaient pas être qualifiées de rémunération, étant donné que la Commission n’est pas l’employeur de l’END. En d’autres termes, il s’agissait pour la requérante de démontrer que la relation de travail entre les parties est caractérisée par l’existence d’un lien de subordination entre celles-ci et que, par conséquent, les indemnités perçues par l’END doivent être regardées comme des rémunérations au sens de l’article 141 CE.

37

Ainsi, les arguments relatifs au statut juridique de l’END peuvent être considérés comme une amplification du moyen qu’elle a soulevé devant le Tribunal relatif à la violation du principe d’égalité dans l’application de la décision END. Or, il résulte de la jurisprudence qu’un moyen qui constitue une amplification d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance doit être considéré comme recevable (voir, notamment, arrêts du 19 mai 1983, Verros/Parlement, 306/81, Rec. p. 1755, point 9; du , Alcon/OHMI, C-412/05 P, Rec. p. I-3569, points 38 à 40, et du , Campoli/Commission, C-71/07 P, Rec. p. I-5887, point 63).

38

Par conséquent, la Commission ne saurait affirmer que la question de la qualification juridique du statut professionnel de l’END vis-à-vis de la Commission n’a pas été portée devant le Tribunal. Dès lors, sa deuxième exception d’irrecevabilité doit également être rejetée.

39

Quant au fond, il y a lieu de rappeler que la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, arrêts du 11 janvier 2007, Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, C-404/04 P, point 90, ainsi que du , FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, C-120/06 P et C-121/06 P, Rec. p. I-6513, point 90).

40

Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par le requérant (voir, en ce sens, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C-185/95 P, Rec. p. I-8417, point 128; du , British Sugar/Commission, C-359/01 P, Rec. p. I-4933, point 47, ainsi que du , Dansk Rørindustri e.a./Commission, C-189/02 P, C-202/02 P, C-205/02 P à C-208/02 P et C-213/02 P, Rec. p. I-5425, point 244).

41

Toutefois, ainsi que la Cour l’a itérativement jugé, l’obligation pour le Tribunal de motiver ses décisions ne saurait être interprétée comme impliquant que celui-ci est tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêt pas un caractère suffisamment clair et précis (voir, notamment, arrêts du 6 mars 2001, Connolly/Commission, C-274/99 P, Rec. p. I-1611, point 121; du , Belgique/Commission, C-197/99 P, Rec. p. I-8461, point 81; Technische Glaswerke Ilmenau/Commission, précité, point 90, ainsi que FIAMM et FIAMM Technologies/Conseil et Commission, précité, point 91).

42

En l’espèce, ainsi qu’il a été indiqué au point 37 du présent arrêt, l’argumentation relative au statut juridique de l’END a été invoquée dans le cadre du moyen tiré de la violation du principe d’égalité, tel qu’il figure à l’article 141 CE.

43

Or, il est constant que le Tribunal a répondu à l’argument tiré de la violation de l’article 141 CE au point 29 de l’arrêt attaqué, en jugeant que la décision END n’opère aucune distinction entre les END de sexes masculin et féminin et que, dès lors, l’application de cette décision ne saurait être à l’origine d’une quelconque discrimination en raison du sexe.

44

Dans ces conditions, la question relative au statut de l’END, et, par conséquent, la possibilité de qualifier l’indemnité perçue par celui-ci de rémunération, n’était plus décisive.

45

D’ailleurs, ce n’est qu’à titre surabondant que le Tribunal a jugé, au point 30 de l’arrêt attaqué, que de surcroît et en tout état de cause, les indemnités en question ne constituent pas une rémunération.

46

La première branche du premier moyen doit par conséquent être écartée en tant que non fondée.

b) Sur la deuxième branche du premier moyen

i) Argumentation des parties

47

Par la deuxième branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir manqué à l’obligation de motivation et d’avoir commis une erreur de droit, en statuant, au point 30 de l’arrêt attaqué, que «[d]e surcroît et en tout état de cause, comme la requérante l’a d’ailleurs admis elle-même lors de l’audience, les indemnités en cause ne constituent pas une rémunération».

48

En premier lieu, la requérante aurait adopté une position plus nuancée, en relevant que, bien que le contenu de l’article 17, paragraphe 9, de la décision C(2006) 2033 prévoie que les indemnités ne doivent pas être considérées comme des rémunérations, il ne saurait toutefois être exclu qu’elles aient au moins en partie une telle nature.

49

En deuxième lieu, le Tribunal aurait admis que les indemnités n’ont pas la même nature que les rémunérations, et ce sans effectuer les approfondissements nécessaires et sans tenir compte d’autres dispositions juridiques, notamment, de l’article 141, paragraphe 2, CE, de l’article 63, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes ou encore de l’article 19 du régime applicable aux autres agents des Communautés européennes.

50

La Commission fait valoir, en premier lieu, que la question relative aux déclarations de la requérante lors de l’audience constitue une question de fait qui ne peut être mise en cause dans le cadre d’un pourvoi, à moins d’alléguer une dénaturation des faits. Or, une telle dénaturation n’aurait été ni invoquée ni prouvée, l’argument tenant au caractère incomplet des déclarations figurant dans l’arrêt attaqué n’ayant pas une telle portée.

51

En deuxième lieu, la requérante aurait reconnu expressément, au point 77 de son pourvoi, avoir effectué la déclaration visée au point 30 de l’arrêt attaqué selon laquelle elle a admis elle-même, lors de l’audience, que les indemnités en cause ne constituaient pas une rémunération. Les arguments de la requérante à cet égard démontreraient que cette dernière n’a pas attribué une valeur significative à ce qu’elle a admis devant le Tribunal et aurait présenté ses autres commentaires à titre de simples hypothèses.

ii) Appréciation de la Cour

52

Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants (arrêt Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 148, ainsi que ordonnances du 23 février 2006, Piau/Commission, C-171/05 P, point 86, et du , Schneider Electric/Commission, C-188/06 P, point 64).

53

Or, ainsi qu’il a été indiqué au point 45 du présent arrêt, le Tribunal a effectué, au point 30 de l’arrêt attaqué, la constatation mise en cause par la requérante à titre surabondant par rapport à ce qu’il a jugé au point 29 dudit arrêt. Cela ressort également de l’emploi des termes «de surcroît» au début dudit point 30.

54

Dès lors, la deuxième branche du premier moyen apparaît dirigée contre un motif surabondant de l’arrêt attaqué et, partant, même à la supposer fondée, elle n’est pas de nature à entraîner l’annulation de cet arrêt.

55

En conséquence, la deuxième branche du premier moyen doit être écartée comme étant inopérante.

c) Sur la troisième branche du premier moyen

i) Argumentation des parties

56

Par la troisième branche du premier moyen, la requérante reproche au Tribunal, d’une part, d’avoir examiné l’existence d’une discrimination en fonction du sexe, alors qu’elle n’aurait pas invoqué une telle discrimination, mais aurait cherché à démontrer, en rappelant l’ensemble des dispositions en vigueur, l’existence d’un principe général de droit communautaire selon lequel à prestation de travail identique les rémunérations doivent être identiques.

57

D’autre part, l’interprétation adoptée par le Tribunal conduirait à une discrimination vis-à-vis de la famille légale, parce que seules les unions matrimoniales, et non les unions de fait, quel que soit leur degré de stabilité dans le temps, seraient visées.

58

Or, premièrement, le statut matrimonial ne suffirait pas pour justifier la différence de traitement opérée. Il conviendrait, au contraire, de prendre en compte la situation effective de chaque couple, situation qui serait la même pour les couples mariés et pour ceux qui vivent en union de fait, puisque dans les deux cas il y aurait un soutien économique réciproque et solidaire ainsi qu’une contribution paritaire au paiement des dépenses relatives à la vie en commun.

59

Deuxièmement, il existerait actuellement une tendance forte à assimiler l’union de fait au mariage dans la législation des différents États membres. Par conséquent, la jurisprudence de la Cour, n’admettant pas l’égalité entre le mariage et l’union de fait devrait être revue, à tout le moins en matière de travail, à la lumière des normes de droit communautaire, notamment de l’article 1er quinquies, paragraphe 1, alinéa deux, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, et compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme qui reconnaîtrait le bénéfice de la protection de la vie familiale, visée à l’article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, également aux familles de fait.

60

Troisièmement, le caractère discriminatoire de la différenciation de la rémunération fondée sur le statut matrimonial découlerait du fait que la Commission ne réduit pas les indemnités lorsqu’un END se marie après son entrée en service avec une personne résidant à Bruxelles ou lorsque le conjoint d’un END, postérieurement au détachement de ce dernier, déplace son lieu de résidence à Bruxelles.

61

Enfin, quatrièmement, la requérante tente de démonter l’incohérence de la position défendue par la Commission devant le Tribunal, dans la mesure où cette institution aurait indiqué que le statut matrimonial de l’END était le seul critère réel et défini pouvant être pris en compte aux fins d’apprécier le montant des indemnités journalières devant être versées, puisqu’il serait contraire au principe de simplification d’examiner les situations concrètes, y compris les situations des unions de fait, mais, dans un même temps, la Commission aurait également prétendu, de manière incohérente par rapport audit principe de simplification, que la requérante aurait dû attaquer tous les paiements mensuels.

62

Selon la Commission, c’est à juste titre que le Tribunal a, en réponse à la référence faite par la requérante à l’article 141 CE, observé qu’aucune discrimination en raison du sexe ne ressortait de l’analyse de la décision END.

63

La Commission affirme que l’argument relatif à la prétendue équivalence entre le mariage et les unions de fait est avancé pour la première fois dans la procédure de pourvoi et qu’il devrait, de ce fait, être déclaré irrecevable.

64

En outre, si l’importance du principe de l’identité de la rémunération pour des prestations de travail équivalentes doit être évidemment reconnue, ce principe n’est pas pertinent en l’espèce et n’a pas été enfreint par l’arrêt attaqué. En tout état de cause, l’assimilation entre le mariage et les unions de fait dans le cadre du système des indemnités octroyées aux END aurait pour unique effet d’étendre également aux END vivant en unions de fait la présomption à la base de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END, selon laquelle un END est confronté à des inconvénients moins importants lorsqu’il est marié à une personne résidant sur le lieu de détachement, et, partant, de leur octroyer également des indemnités réduites.

65

De plus, le fait que, dans certaines dispositions de l’ordre juridique communautaire, les unions légales soient expressément assimilées aux unions de fait n’entraînerait aucune obligation généralisée de procéder à une telle assimilation, surtout lorsque les raisons d’une telle assimilation dans lesdites dispositions, notamment, la protection de la vie familiale, sont étrangères au fondement des indemnités prévues à l’article 17 de la décision END.

66

La Commission indique que, lorsqu’un régime est fondé sur des critères concrets et précis, appliqués de manière objective, l’existence de situations marginales serait acceptable dans la mesure où des éléments plus importants, tels que l’utilisation rationnelle des ressources de la Communauté et, en l’espèce, l’allègement de la charge bureaucratique pour la Commission en ce qui concerne les personnes détachées temporairement par les administrations nationales, peuvent être invoqués.

ii) Appréciation de la Cour

67

S’agissant de l’argument selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit en examinant l’existence d’une discrimination en raison du sexe, il suffit d’observer que, ainsi que cela ressort également du point 22 de la requête en pourvoi, la requérante a expressément invoqué devant le Tribunal la violation de l’article 141 CE. Or, cette disposition est une expression spécifique du principe général d’égalité des sexes (voir arrêt du 11 septembre 2007, Lindorfer/Conseil, C-227/04 P, Rec. p. I-6767, point 50).

68

C’est donc à bon droit que le Tribunal a examiné si l’application de la décision END peut être à l’origine d’une discrimination en raison du sexe.

69

S’agissant, ensuite, de l’argument de la requérante selon lequel l’interprétation effectuée par le Tribunal crée une discrimination à l’encontre de la famille légale par rapport aux unions de fait, celui-ci doit être considéré comme recevable. En effet, d’une part, ainsi qu’il résulte de la requête déposée en première instance, notamment du point 33 de celle-ci, la requérante a bien invoqué la comparabilité des unions légales, telles que le mariage, et des unions de fait et, d’autre part, le Tribunal a pris explicitement position à cet égard au point 31 de l’arrêt attaqué.

70

À cet égard, il convient de rappeler que le principe d’égalité de traitement ou de non-discrimination exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (arrêts du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C-344/04, Rec. p. I-403, point 95; du , Eman et Sevinger, C-300/04, Rec. p. I-8055, point 57, ainsi que Lindorfer/Conseil, précité, point 63).

71

Ayant conclu, au point 31 de l’arrêt attaqué, à l’absence de discrimination entre la requérante, qui était mariée au moment de la demande de détachement, et un END qui aurait un statut de personne célibataire, dans la mesure où leurs statuts matrimoniaux sont différents, le Tribunal a implicitement validé le critère du statut marital en tant que l’un des critères corrects et appropriés aux fins de la détermination du montant de l’indemnité journalière à percevoir.

72

Or, il y a lieu de relever que la fixation des conditions de l’octroi des indemnités aux END relève de l’exercice, par la Commission, d’un pouvoir discrétionnaire. Également, le principe de non-discrimination ou d’égalité de traitement ne serait méconnu que dans l’hypothèse où l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END comporterait une différenciation arbitraire ou manifestement inadéquate par rapport à l’objectif de cette disposition.

73

À cet égard, il convient d’indiquer que l’indemnité est versée par la Commission, ainsi que l’explique cette dernière, en vue de compenser les inconvénients et les frais supportés par l’END du fait de l’éloignement de son lieu de résidence. L’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END se fonde sur une présomption selon laquelle un END est confronté à des inconvénients moins importants lorsque son conjoint réside, au moment de la demande de détachement, sur le lieu de détachement.

74

La requérante ne met pas en cause cette présomption en tant que telle, mais estime que le statut marital n’est pas l’unique critère pertinent et approprié pouvant être pris en compte à cet égard et que la cohabitation pourrait placer les membres d’une union de fait dans la même situation que les couples mariés.

75

Il convient toutefois de relever que, si, sous certains aspects, les unions de fait et les unions légales, telles que le mariage, peuvent présenter des similitudes, celles-ci ne sauraient nécessairement conduire à une assimilation entre ces deux types d’union.

76

Dans ces conditions, le choix de recourir au critère du statut juridique matrimonial n’apparaît ni arbitraire ni manifestement inadéquat par rapport à l’objectif de réduction des indemnités versées aux END, lorsque ces derniers se trouvent dans des situations dans lesquelles il est possible de présumer qu’ils supportent, de part leur statut matrimonial, des frais et des inconvénients moins importants.

77

Il importe en outre de relever que, ni devant le Tribunal ni devant la Cour, la requérante n’a spécifiquement allégué un traitement différencié des personnes mariées par rapport aux personnes cohabitant dans le cadre d’un partenariat enregistré ou fait état de la pratique de la Commission à cet égard.

78

Il s’ensuit que le Tribunal n’a pas procédé à une discrimination à l’égard des personnes mariées par rapport aux personnes célibataires vivant en union de fait, en validant le critère du statut matrimonial et en considérant, au point 31 de l’arrêt attaqué, que la requérante, au moment de la demande de détachement, n’avait pas fait l’objet d’une discrimination par rapport à un END célibataire, dans la mesure où son statut juridique de femme mariée était distinct de celui d’une personne célibataire.

79

Par conséquent, cet argument de la requérante doit être rejeté en tant que non fondé.

80

L’invocation, par la requérante, des différentes situations dans lesquelles l’indemnité n’est pas réduite à la suite des changements ultérieurs de la situation d’un END ne saurait remettre en cause cette appréciation.

81

La Cour a déjà jugé que, même s’il doit résulter dans des situations marginales des inconvénients casuels de l’instauration d’une réglementation générale et abstraite, il ne peut être reproché au législateur d’avoir eu recours à une catégorisation, dès lors qu’elle n’est pas discriminatoire par essence au regard de l’objectif qu’elle poursuit (arrêt du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005, point 14). La même conclusion s’impose a fortiori dans les circonstances où ces situations marginales comportent des avantages casuels.

82

La référence de la requérante aux dispositions du statut des fonctionnaires des Communautés européennes et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme est à cet égard dénuée de pertinence.

83

D’une part, la Cour a déjà rappelé que les END qui sont occasionnellement occupés auprès de la Commission ne relèvent pas du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (voir, également, arrêt du 24 janvier 2008, Adam/Commission, C-211/06 P, point 52).

84

D’autre part, la requérante n’a pas démontré en quoi l’interprétation du Tribunal violerait le principe de la protection de la vie de famille, tel que garanti par la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

85

Enfin, les arguments par lesquels la requérante critique la position défendue par la Commission devant le Tribunal sont irrecevables. En effet, aux termes des articles 225 CE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice, le pourvoi contre les décisions du Tribunal est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit communautaire par le Tribunal (voir, notamment, ordonnance de la Cour du 10 mai 2001, FNAB e.a./Conseil, C-345/00 P, Rec. p. I-3811, point 28 et jurisprudence citée).

86

Or, en mettant en cause la position défendue par la Commission devant le Tribunal, la requérante vise à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (voir, notamment, arrêt du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, point 35).

87

La troisième branche du premier moyen doit, par conséquent, être rejetée comme, en partie, non fondée et, en partie, irrecevable.

d) Sur la quatrième branche du premier moyen

i) Argumentation des parties

88

Par la quatrième branche du premier moyen, présentée à titre subsidiaire, la requérante reproche au Tribunal de s’être contenté de souligner, au point 31 de l’arrêt attaqué, que, selon les pièces du dossier, la requérante est restée mariée pendant toute la durée de son détachement, alors qu’elle avait conclu à ce que les indemnités lui soient intégralement versées à partir du 2 février 2005, date de la séparation de fait, ou, à titre subordonné, à partir du , date de dépôt de l’acte de divorce. L’arrêt attaqué comporterait ainsi un vice de motivation, car il ne laisserait pas clairement apparaître le cheminement logique et juridique suivi par le Tribunal.

89

En outre, la nécessité, aux fins de déterminer le montant des indemnités dues, de se référer à la situation de l’END telle qu’elle existait au moment de la demande de détachement, sans tenir compte des éventuels changements ultérieurs, ne trouverait pas de confirmation dans le texte des dispositions applicables.

90

La requérante allègue que la position de la Commission est empreinte de contradictions, dans la mesure où la proposition qu’elle a formulée à l’intention de la requérante, à savoir que cette dernière introduise un recours contre tous les paiements mensuels, serait totalement incohérente du fait de sa contradiction avec le principe de simplification. En outre, la position de la Commission consistant à refuser de contrôler continuellement le statut des END serait fragilisée par le fait, admis par cette dernière, que des cas se prêtant au réexamen seraient rares.

91

La Commission rétorque que la quatrième branche du premier moyen est en partie irrecevable et, en tout cas, dénuée de fondement.

92

En premier lieu, aucune motivation supplémentaire ne devrait être apportée en ce qui concerne un élément de fait absolument incontestable, à savoir qu’aucune modification de la situation juridique de la requérante n’est intervenue pendant la période de détachement, cet élément de fait servant, en tout état de cause, uniquement à corroborer le raisonnement du Tribunal selon lequel la requérante ne pouvait pas avoir fait l’objet d’une discrimination par rapport à un END célibataire puisqu’elle était mariée et que le statut juridique d’une femme mariée est distinct de celui d’une personne célibataire.

93

En deuxième lieu, en invoquant un défaut de motivation inexistant en l’espèce, la requérante chercherait en réalité à obtenir un simple réexamen par la Cour des arguments déjà avancés et écartés en première instance quant à la nécessité de prendre en considération les modifications de la situation personnelle de l’END survenues pendant la période de détachement de celui-ci.

94

En troisième lieu et en tout état de cause, l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END imposerait de vérifier l’existence de la condition de la réduction des indemnités au moment de la demande de détachement à la Commission.

ii) Appréciation de la Cour

95

Il convient, en premier lieu, de rappeler que, selon l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END, aux fins de la détermination du lieu de résidence de l’END, il y a lieu de retenir le lieu de résidence de ce dernier au moment de la demande de détachement.

96

Dès lors, l’argument de la requérante consistant à arguer que la position du Tribunal, selon laquelle le mécanisme de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END trouve à s’appliquer une fois pour toutes à tout END et que le moment de la demande de détachement constitue le moment d’appréciation pertinent aux fins de la détermination du lieu de résidence, ne trouve aucun fondement dans le texte de la décision END est contredit par le libellé même dudit article 20, paragraphe 3, sous b).

97

En deuxième lieu, les griefs relatifs à la violation de l’obligation de motivation par le Tribunal doivent également être rejetés. En effet, le Tribunal ayant constaté, à juste titre, que l’appréciation de la situation de l’END s’effectuait une fois pour toutes au moment de la demande de détachement, ce constat répondait à suffisance de droit à l’argument de la requérante selon lequel l’intégralité de l’indemnité devait lui être versée à partir du moment de la séparation de fait ou à partir du moment du dépôt de l’acte du divorce. Ces changements du statut juridique de la requérante ne pouvaient pas, dès lors, être pertinents.

98

Ce n’est d’ailleurs qu’à titre surabondant que le Tribunal a relevé que la requérante est restée mariée pendant toute la durée de son détachement. Or, ainsi qu’il a été rappelé au point 52 du présent arrêt, les griefs dirigés contre des motifs surabondants d’une décision du Tribunal ne sauraient entraîner l’annulation de cette décision et sont donc inopérants.

99

En ce qui concerne, en troisième lieu, les arguments de la requérante visant à démontrer l’incohérence de la position de la Commission, il suffit de constater que la requérante vise à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 85 et 86 du présent arrêt, à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

100

Il s’ensuit que la quatrième branche du premier moyen doit être rejetée comme étant, en partie, non fondée et, en partie, irrecevable.

3. Sur le second moyen, tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise le Tribunal en rejetant l’exception d’illégalité de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END

a) Argumentation des parties

101

La requérante estime que, en rejetant en tant qu’irrecevable l’exception d’illégalité, au sens de l’article 241 CE, soulevée à l’égard de l’article 20, paragraphe 3, sous b), de la décision END, le Tribunal a commis un vice de motivation, la requérante ayant exposé de manière détaillée et immédiatement compréhensible les motifs de fait et de droit invoqués à l’appui de sa demande. Elle aurait indiqué à l’audience, devant le Tribunal, que l’exception d’illégalité s’ajoutait aux raisons fondant le grief de l’inégalité de traitement déjà exposées. Il en résulterait clairement que le rappel à l’article 241 CE visait à obtenir une décision sur les questions posées, même dans l’hypothèse de recours introduit tardivement.

102

La Commission fait valoir que le rejet de l’exception d’illégalité aux points 35 à 37 de l’arrêt attaqué est dûment motivé.

b) Appréciation de la Cour

103

Selon l’intitulé du second moyen tel qu’il figure dans les écrits de la requérante, celle-ci reproche au Tribunal d’avoir manqué à l’obligation de motivation, en rejetant l’exception d’illégalité au titre de l’article 241 CE. Toutefois, il ressort des points 123 à 125 de la présente requête que la requérante conteste en réalité le bien-fondé de ce rejet. La requérante estime que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, sa requête était conforme aux règles de recevabilité, énoncées au point 35 de l’arrêt attaqué.

104

La Cour a déjà jugé que le Tribunal est tenu de rejeter comme irrecevable un chef des conclusions de la requête qui lui est présentée dès lors que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels ce chef des conclusions est fondé ne ressortent pas d’une façon cohérente et compréhensible du texte de cette requête elle-même, l’absence de tels éléments dans la requête ne pouvant pas être palliée par leur présentation lors de l’audience (voir arrêt du 18 juillet 2006, Rossi/OHMI, C-214/05 P, Rec. p. I-7057, point 37).

105

En l’espèce, au point 36 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la requérante s’est limitée à énoncer le moyen tiré de l’exception d’illégalité de façon très abstraite dans ses écritures, sans indiquer précisément en quoi consiste la violation du principe d’égalité qu’elle allègue.

106

Or, la requérante n’a avancé devant la Cour aucun argument de nature à démontrer que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, la requête présentée devant lui aurait contenu des éléments précis de fait et de droit à l’appui de l’exception d’illégalité invoquée, l’indication énoncée à l’audience, selon laquelle les éléments de fait et de droit fondant le premier moyen fonderaient également l’exception d’illégalité, n’étant pas pertinente à cet égard, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence rappelée au point 104 du présent arrêt.

107

Par conséquent, le Tribunal n’a commis aucune erreur de droit et le second moyen doit être rejeté comme non fondé.

B — Quant au pourvoi en tant qu’il vise la condamnation aux dépens

1. Argumentation des parties

108

Selon la requérante, le Tribunal aurait commis une erreur de droit et un vice de motivation en la condamnant aux dépens exposés par la Commission. En effet, d’une part, l’END devant être considéré comme un employé de la Commission, la disposition générale de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal n’était pas applicable en l’espèce et, d’autre part, bien que cette question ait été expressément invoquée, le Tribunal n’aurait pas fourni les raisons pour lesquelles la position juridique de l’END n’est pas identique ou assimilable à celle des fonctionnaires et des agents.

109

En outre, la nouveauté et la complexité juridique des questions soulevées, ainsi que le comportement adopté durablement par la Commission, constitueraient des motifs exceptionnels qui auraient dû conduire le Tribunal, en application de l’article 87, paragraphe 3, premier alinéa, de son règlement de procédure, à condamner la Commission à supporter ses propres dépens.

110

La Commission fait valoir que, puisque la requérante était un END, dont la situation est clairement distincte de celle des fonctionnaires et des agents de la Commission, le litige relevait de l’article 230 CE et, partant, les dispositions relatives aux dépens dans les affaires relatives aux fonctionnaires ou aux agents de la Commission ne s’appliquaient pas. En outre, ledit litige n’aurait fait apparaître aucun motif exceptionnel incitant le Tribunal à répartir ou à compenser les dépens.

2. Appréciation de la Cour

111

Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 58, second alinéa, du statut de la Cour de justice, «un pourvoi ne peut porter uniquement sur la charge et le montant des dépens». En outre, il est de jurisprudence constante que, dans l’hypothèse où tous les autres moyens d’un pourvoi ont été rejetés, les conclusions concernant la prétendue irrégularité de la décision du Tribunal sur les dépens doivent être rejetées comme irrecevables, en application de cette disposition (voir, notamment, arrêts du 14 septembre 1995, Henrichs/Commission, C-396/93 P, Rec. p. I-2611, points 65 et 66; du , Commission et France/TF1, C-302/99 P et C-308/99 P, Rec. p. I-5603, point 31, ainsi que du , Tralli/BCE, C-301/02 P, Rec. p. I-4071, point 88).

112

Il s’ensuit que, dans la mesure où tous les autres moyens du pourvoi formé par la requérante sont rejetés, le dernier moyen concernant la répartition des dépens doit être déclaré irrecevable.

VI — Sur les dépens

113

Aux termes de l’article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 118 du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Mme Gualtieri et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

 

Par ces motifs, la Cour (première chambre) déclare et arrête:

 

1)

Le pourvoi est rejeté.

 

2)

Mme Gualtieri est condamnée aux dépens.

 

Signatures


( *1 ) Langue de procédure: l’italien.

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