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Document 62016CJ0153
Judgment of the Court (Seventh Chamber) of 6 April 2017.#European Commission v Republic of Slovenia.#Failure of a Member State to fulfil obligations — Inappropriate storage of a large number of used tyres — Landfill not complying with the requirements fixed by Directives 2008/98/EC and 1999/31/EC — Persistent and continuous danger to the environment and human health.#Case C-153/16.
Rozsudok Súdneho dvora (siedma komora) zo 6. apríla 2017.
Európska komisia proti Slovinská republika.
Nesplnenie povinnosti členským štátom – Nevhodné ukladanie veľkého množstva použitých pneumatík – Zneškodňovanie v rozpore s požiadavkami smerníc 2008/98/ES a 1999/31/ES – Trvalé a pokračujúce nebezpečenstvo pre životné prostredie a zdravie ľudí.
Vec C-153/16.
Rozsudok Súdneho dvora (siedma komora) zo 6. apríla 2017.
Európska komisia proti Slovinská republika.
Nesplnenie povinnosti členským štátom – Nevhodné ukladanie veľkého množstva použitých pneumatík – Zneškodňovanie v rozpore s požiadavkami smerníc 2008/98/ES a 1999/31/ES – Trvalé a pokračujúce nebezpečenstvo pre životné prostredie a zdravie ľudí.
Vec C-153/16.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:275
ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)
6 avril 2017 (*)
« Manquement d’État – Stockage inapproprié d’une grande quantité de pneus usés – Décharge ne respectant pas les exigences fixées par les directives 2008/98/CE et 1999/31/CE – Danger persistant et continu pour l’environnement et la santé humaine »
Dans l’affaire C‑153/16,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 15 mars 2016,
Commission européenne, représentée par Mme E. Sanfrutos Cano et M. D. Kukovec, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République de Slovénie, représentée par Mme A. Grum, en qualité d’agent,
partie défenderesse,
LA COUR (septième chambre),
composée de Mme A. Prechal, président de chambre, M. A. Rosas et Mme C. Toader (rapporteur), juges,
avocat général : M. M. Bobek,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en ayant toléré un danger permanent et durable pour l’environnement et la santé humaine, en raison du stockage inapproprié de grandes quantités de pneus hors d’usage, du mélange de ces derniers avec d’autres déchets, dont certains sont dangereux, et de leur mise en décharge en méconnaissance des prescriptions de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO 1999, L 182, p. 1), la République de Slovénie a violé des dispositions des articles 12 et 13 ainsi que de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3), et les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 1999/31.
Le cadre juridique
La directive 1999/31
2 Aux termes de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 1999/31 :
« Les États membres prennent des mesures afin que les déchets suivants ne soient pas admis dans une décharge :
[...]
d) les pneus usés entiers, deux ans à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1, à l’exclusion des pneus utilisés en tant que matériau, et les pneus usés broyés, cinq ans à compter de cette date (à l’exclusion, dans les deux cas, des pneus de bicyclette et des pneus dont le diamètre extérieur est supérieur à 1 400 mm) ».
3 En vertu de l’article 18, paragraphe 1, de cette directive, les États membres devaient mettre en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à celle-ci au plus tard le 16 juillet 2001, soit deux ans à compter de son entrée en vigueur, et en informer immédiatement la Commission.
4 L’article 19 de la directive 1999/31 précise que celle-ci entre en vigueur le jour de sa publication au Journal officiel. Ladite publication est intervenue au Journal officiel des Communautés européennes le 16 juillet 1999.
La directive 2008/98
5 L’article 3 de la directive 2008/98 contient les définitions suivantes :
« 1) “déchets” : toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire ;
2) “déchets dangereux” : tout déchet qui présente une ou plusieurs des propriétés dangereuses énumérées à l’annexe III ;
[...] »
6 Aux termes de l’article 12 de cette directive, intitulé « Élimination » :
« Les États membres veillent à ce que, lorsque la valorisation au sens de l’article 10, paragraphe 1, n’est pas effectuée, tous les déchets fassent l’objet d’opérations d’élimination sûres qui répondent aux dispositions de l’article 13 en matière de protection de la santé humaine et de l’environnement. »
7 L’article 13 de ladite directive, intitulé « Protection de la santé humaine et de l’environnement », dispose :
« Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment :
a) sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore ;
b) sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives ; et
c) sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier. »
8 L’article 36 de la même directive, intitulé « Application et sanctions », énonce :
« 1. Les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet ou la gestion incontrôlée des déchets.
2. Les États membres déterminent le régime des sanctions applicables en cas de violation des dispositions de la présente directive, et prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer la mise en œuvre de celles-ci. Les sanctions sont effectives, proportionnées et dissuasives. »
9 La décision 2000/532/CE de la Commission, du 3 mai 2000, remplaçant la décision 94/3/CE établissant une liste de déchets en application de l’article 1er, point a), de la directive 75/442/CEE du Conseil relative aux déchets et la décision 94/904/CE du Conseil établissant une liste de déchets dangereux en application de l’article 1er, paragraphe 4, de la directive 91/689/CEE du Conseil relative aux déchets dangereux (JO 2000, L 226, p. 3), fixe la liste des déchets dangereux. Cette liste figure désormais à l’annexe de la décision 2014/955/UE de la Commission, du 18 décembre 2014, modifiant la décision 2000/532/CE établissant la liste des déchets, conformément à la directive 2008/98 (JO 2014, L 370, p. 44).
10 L’annexe III de la directive 2008/98 énumère les propriétés permettant de caractériser les déchets comme étant dangereux. Cette annexe a été remplacée par celle du règlement (UE) no 1357/2014 de la Commission, du 18 décembre 2014, remplaçant l’annexe III de la directive 2008/98 (JO 2014, L 365, p. 89), en vertu de l’article 1er de ce règlement. L’article 2 dudit règlement prévoit que celui-ci s’applique à compter du 1er juin 2015.
La procédure précontentieuse
11 À la suite d’une plainte d’un particulier, la Commission a ouvert, le 6 mai 2010, une enquête au sujet de la gestion éventuellement inappropriée de déchets, notamment de pneus de voitures hors d’usage, dans une gravière située sur le territoire de la commune de Lovrenc na Dravskem polju (Slovénie) (parcelles nos 834/2, 636/1, 838/2, 841/1, 839/1 et 839/2), qui avait servi de décharge illégale pour divers déchets dans le passé.
12 Au terme de son enquête clôturée le 6 août 2012, cette institution a constaté, en premier lieu, que l’autorité nationale compétente avait délivré, le 4 décembre 2006, une autorisation environnementale à un investisseur. Cette autorisation, conférée pour une période de cinq ans, devait permettre à ce dernier d’assainir cette gravière en y valorisant des pneus de voiture usés, qu’il pouvait également récupérer en dehors du territoire slovène, pour une quantité maximale annuelle de 15 000 tonnes, ces pneus devant être transformés en matériau de construction dans une installation mobile située au même endroit.
13 En deuxième lieu, la Commission a relevé que deux incendies s’étaient déclarés dans ladite gravière, au cours des années 2007 et 2008, le second, survenu au mois août de cette dernière année, ayant nécessité la mobilisation d’importants moyens en personnels et en matériels pendant plus de 24 heures, des fumées toxiques s’étant, par ailleurs, répandues dans toute la vallée concernée.
14 La Commission a constaté, en troisième lieu, que les conditions fixées par l’autorisation environnementale délivrée n’avaient pas été respectées dans leur intégralité. Les autorités nationales compétentes avaient pris à plusieurs occasions des mesures, mais la plupart d’entre elles étaient restées inefficaces ou avaient été annulées à la suite de l’introduction de recours juridictionnels.
15 Le 1er octobre 2012, une lettre de mise en demeure a été adressée à la République de Slovénie, la Commission considérant, sur la base des données disponibles, que cet État membre avait violé l’article 10, paragraphe 1, les articles 12 et 13, l’article 23, paragraphe 3, ainsi que l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98 et l’article 5, paragraphe 3, sous d), ainsi que les articles 6 à 14 de la directive 1999/31. Cette institution a invité ledit État membre à veiller à ce que la gravière en cause soit nettoyée et assainie de façon appropriée.
16 En réponse à cette lettre de mise en demeure, la République de Slovénie a fait valoir que la demande déposée par l’investisseur concerné, tendant à la prolongation de l’autorisation environnementale délivrée, avait été rejetée le 12 juin 2012, et qu’une société de géomètres avait dressé, le 27 juin 2012, un rapport établissant la présence sur le site en cause d’une quantité de pneus usagés avoisinant 100 000 m3. Elle a également indiqué que cet investisseur avait par ailleurs déposé sur ce site d’autres types de déchets, classés dans la catégorie 19 12 12, pour une quantité supérieure à 2 000 tonnes. Cet État membre a enfin précisé que des mesures avaient été adoptées par l’autorité nationale compétente ainsi que les raisons pour lesquelles celles-ci étaient demeurées sans effet.
17 En outre, ledit État membre s’est engagé à utiliser toutes les voies de droit, afin d’obtenir l’enlèvement des déchets de pneus du site en cause et de procéder à l’assainissement de celui-ci.
18 Les 5 et 12 février 2013, les derniers éléments d’information fournis par la République de Slovénie à la Commission ont confirmé que l’investisseur concerné n’avait pas encore enlevé les pneus usagés présents sur ledit site.
19 À la suite de la communication de ces éléments d’information, la Commission a adressé à la République de Slovénie, le 22 mars 2013, un avis motivé en application de l’article 258, premier alinéa, TFUE, dans lequel cette institution a maintenu l’ensemble des griefs énoncés dans sa lettre de mise en demeure.
20 Dans sa réponse à cet avis motivé du 21 mai 2013, la République de Slovénie a rappelé les différentes mesures qu’elle avait mises en œuvre pour remédier aux infractions reprochées, lesquelles n’avaient été que partiellement suivies d’effet ou étaient restées inappliquées.
21 Cet État membre a également fait valoir que l’assainissement du site en cause était compliqué d’un point de vue technique ainsi que financier et que l’enlèvement complet des déchets serait accompli dans un délai de trois ans à compter du lancement de l’appel d’offre pour l’attribution des travaux.
22 À l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, 44 630 tonnes de pneus usagés se trouvaient encore sur le site en cause.
23 Ultérieurement, à la suite de trois appels d’offres, dont les deux premiers auraient été honorés et le troisième serait toujours en cours d’exécution, ledit État membre a exposé que, à la fin de l’année 2014, 37 909,04 tonnes de déchets étaient encore présentes sur ce site.
24 Dans sa communication à la Commission du 6 janvier 2016, la République de Slovénie a fait état du déroulement de la reprise, du transport et de la livraison de 28 000 tonnes de pneus usagés en vue de leur valorisation, opérations dont la mise en œuvre devrait être poursuivie jusqu’au 30 juin 2017.
25 N’étant pas satisfaite des réponses apportées par la République de Slovénie, la Commission a décidé, le 15 mars 2016, d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
26 En premier lieu, la Commission considère que, en ayant toléré un danger permanent et durable pour l’environnement et la santé humaine, en raison du stockage inapproprié de grandes quantités de pneus hors d’usage et du mélange de ces derniers avec d’autres déchets, dont certains dangereux, la République de Slovénie a violé les articles 12 et 13 de la directive 2008/98.
27 Cette institution estime que la République de Slovénie a violé l’article 13 de cette directive, en n’ayant pas pris les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets en cause ait lieu sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement. En effet, depuis 2006, de grandes quantités de pneus et d’autres déchets ont été accumulés dans la gravière en cause. Entre le 3 janvier et le 7 mai 2008, l’investisseur concerné a également déposé dans celle-ci d’autres types de déchets, notamment des déchets provenant du traitement mécanique de déchets, pour une quantité totale de 2 039,1 tonnes. Par ailleurs, pendant la période comprise entre les deux incendies survenus, l’exploitant a également mis en décharge dans cette gravière des véhicules usagés ainsi que des déchets d’équipements électriques et électroniques.
28 La Commission souligne que toutes les mesures adoptées par la République de Slovénie pendant cette période n’ont pas suffi à mettre fin au stockage inapproprié et à la mise en décharge de cette grande quantité de pneus et d’autres déchets, et qu’elles ont même contribué à la formation de la situation illégale invoquée.
29 Au soutien de son argumentation, cette institution fait valoir, premièrement, que les autorités slovènes ont délivré une autorisation environnementale qui permettait à l’investisseur concerné de valoriser des pneus hors d’usage sur le site en cause. Deuxièmement, cet investisseur n’aurait pas respecté les conditions fixées par l’autorisation qui lui avait été délivrée. Troisièmement, les conditions dont était assortie cette autorisation n’auraient pas été convenablement définies et les décisions de l’autorité nationale compétente, qui visaient à contrôler la conformité de l’exploitation de la décharge en cause aux normes environnementales, seraient demeurées inexécutées ou auraient été annulées. Or, selon ladite institution, l’annulation de ces décisions serait le résultat de carences antérieures à la délivrance de ladite autorisation.
30 La Commission souligne également qu’il ressort d’un rapport d’inspection produit par la République de Slovénie que la gravière en cause se trouve dans une plaine dont le sous-sol recèle les plus grandes réserves d’eau potable du pays et que la profondeur du sol y est faible, ainsi qu’en attesterait la présence d’eau dans une partie de cette gravière, établie par les clichés photographiques joints à ce rapport.
31 Par ailleurs, la Commission considère que la République de Slovénie a violé l’article 12 de la directive 2008/98, dans la mesure où cette disposition exige des États membres qu’ils veillent à ce que, lorsque la valorisation, au sens de l’article 10, paragraphe 1, de cette directive, n’est pas effectuée, tous les déchets fassent l’objet d’opérations d’élimination, qui répondent aux dispositions de l’article 13 de ladite directive en matière de protection de la santé humaine et de l’environnement.
32 Or, la République de Slovénie ne contesterait pas le fait que tous les déchets déposés dans la gravière concernée devaient être éliminés. À cet égard, la Commission rappelle que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, les déchets en cause n’étaient ni valorisés ni éliminés. Le 6 janvier 2016, date de la dernière communication de la République de Slovénie, cet État membre aurait indiqué qu’il n’était parvenu à éliminer que 2 090,96 tonnes de déchets, en précisant qu’il prévoyait d’éliminer une partie des déchets, représentant 28 000 tonnes, au plus tard le 30 juin 2017. En outre, ledit État membre ne préciserait pas de quelle manière et à quelle date seraient enlevées les 14 539 tonnes de déchets restantes.
33 En deuxième lieu, la République de Slovénie aurait également violé l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98 qui exige que les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet ou la gestion incontrôlée des déchets.
34 Cet État membre reconnaîtrait que, au terme du délai fixé dans l’avis motivé, il n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet ou la gestion incontrôlée des déchets, les mesures nécessaires à cette fin n’ayant pas été prises ou s’étant révélées insuffisantes, mal définies ou inadaptées.
35 Les tentatives pour interdire l’abandon, le rejet ou la gestion incontrôlée des déchets seraient restées sans effet, dès lors que les nombreuses décisions de l’autorité nationale de contrôle n’auraient pas eu d’incidence réelle sur la situation en cause et que ces décisions auraient été annulées pour des motifs de procédure.
36 En troisième lieu, s’agissant du grief tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 1999/31, la Commission fait valoir que, en vertu de ladite disposition, les États membres devaient prendre des mesures, afin que les pneus usés entiers ne soient pas admis dans une décharge deux ans à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive, à l’exclusion des pneus utilisés en tant que matériau, et que les pneus usés broyés ne soient pas admis dans une décharge cinq ans à compter de cette date, à l’exclusion, dans les deux cas, des pneus de bicyclette et des pneus dont le diamètre extérieur est supérieur à 1 400 mm.
37 Les dispositions de cet article 5, paragraphe 3, sous d), étant en vigueur en Slovénie lorsque la mise en décharge a débuté, au cours de l’année 2006, le grief invoqué devrait, dès lors, être accueilli.
38 La République de Slovénie conteste le bien-fondé du présent recours.
39 Tout en précisant n’avoir pas de remarques à formuler quant à l’exposé des faits de l’affaire effectué par la Commission, tel que résumé aux points 11 à 24 du présent arrêt, cet État membre détaille les différentes mesures de contrôle et les décisions adoptées ainsi que les amendes infligées pendant la période comprise entre l’année 2007 et l’année 2012 et qui ont été annulées ou n’ont pas été suivies d’effet, malgré la progressivité des sanctions.
40 S’agissant du premier grief, tiré du manquement aux articles 12 et 13 de la directive 2008/98, ledit État membre conteste avoir toléré un danger permanent et durable pour l’environnement et la santé humaine, en raison du stockage inapproprié de grandes quantités de pneus hors d’usages et du mélange de ces derniers avec d’autres déchets.
41 À cet égard, il fait valoir, d’une part, que, si des déchets autres que des pneus ont bien été déposés sur ce site, la présence de déchets dangereux sur ce dernier n’aurait, en revanche, jamais été démontrée par la Commission. Les relevés effectués sur ce site corroboreraient cette conclusion.
42 D’autre part, la République de Slovénie fait valoir que l’absence de conformité du site en cause aux objectifs énoncés à l’article 13 de la directive 2008/98 ne permet pas de conclure à l’existence d’une violation de cet article, la Commission devant, aux fins d’établir une telle violation, également prouver la carence des autorités compétentes pendant un laps de temps assez long. Or, tel ne serait pas le cas en l’occurrence au vu des différentes mesures de contrôles, des décisions et des sanctions susmentionnées.
43 S’agissant du deuxième grief, tiré de la violation de l’article 36, paragraphe 1, de cette directive, la République de Slovénie réitère son argumentation relative au suivi et à l’action des services compétents, nonobstant l’inefficacité ou l’annulation des mesures prises par ces derniers.
44 Enfin, en ce qui concerne le troisième grief, fondé sur la violation des dispositions de la directive 1999/31, cet État membre fait valoir que les travaux d’assainissement se poursuivent, même après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.
45 S’agissant de la présence contestée de déchets dangereux sur le site en cause, la Commission souligne, dans sa réplique, s’être fondée sur la réponse apportée par la République de Slovénie à sa lettre de mise en demeure.
46 À cet égard, cette institution soutient que les déchets relèvent des chapitres 16 01 et 16 02 de la décision 2014/955. Or, neuf des vingt sous-rubriques du premier de ces chapitres concernerait des déchets dangereux, tandis que six sous-rubriques sur les huit qui composent le second de ces chapitres concerneraient également de tels déchets.
47 Quant à l’évaluation réalisée au mois d’octobre 2008 et communiquée par ledit État membre à l’appui de son mémoire en défense, la Commission relève que ladite évaluation conclut au caractère inflammable des déchets présents sur le site en cause. Dans la mesure où l’inflammabilité constituerait l’une des propriétés sur la base de laquelle des déchets doivent être considérés comme dangereux, ceux-ci relèveraient de cette catégorie.
48 Pour le surplus, la Commission rappelle, en substance, le contenu de sa requête en ce qu’elle se rapporte aux arguments soulevés par cet État membre, tout en maintenant l’ensemble de ses moyens de droit.
49 La République de Slovénie admet que, dans l’évaluation réalisée au mois d’octobre 2008, il a été constaté que les déchets en cause étaient non pas inflammables, mais combustibles. Au demeurant, cet État membre maintient également l’ensemble de ses moyens et conclut à ce que la Cour rejette le recours de la Commission.
Appréciation de la Cour
50 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé (arrêt du 25 février 2016, , C‑454/14, non publié, EU:C:2016:117, point 39 et jurisprudence citée).
51 En l’occurrence, le recours introduit par la Commission vise à la fois des déchets dangereux et des déchets ne répondant pas à cette qualification.
52 En ce qui concerne, en premier lieu, ce recours en tant qu’il vise des déchets dangereux, il convient de souligner que, si la Cour a certes eu l’occasion de juger qu’une dégradation de l’environnement est inhérente à la présence de déchets dans une décharge, peu important la nature des déchets en cause (arrêt du 11 décembre 2014, , C‑677/13, non publié, EU:C:2014:2433, point 79 ainsi que jurisprudence citée), et si, par conséquent, les déchets, en général, présentent une certaine dangerosité, les « déchets dangereux » constituent cependant, ainsi qu’il ressort de l’article 3, points 1 et 2, de la directive 2008/98, une sous-catégorie spécifique au sein de la catégorie, plus générale, des « déchets ».
53 Or, dans sa requête, la Commission ne fait mention d’aucune des dispositions relatives à la notion particulière de « déchets dangereux », et ne démontre pas en quoi les déchets présents sur le site en cause relèveraient de cette notion.
54 En effet, selon le premier des deux arguments invoqués par la Commission, la circonstance que les déchets identifiés relèvent des chapitres 16 01 et 16 02 de la décision 2014/955 permettrait de considérer que des déchets dangereux sont présents sur ledit site.
55 Cet argument, qui repose sur une simple probabilité, doit néanmoins être écarté, dès lors que la circonstance que la majorité ou une grande partie des composants d’un chapitre de cette décision relèvent d’une qualification particulière ne permet pas d’inférer que l’ensemble des sous-rubriques de ce chapitre relèvent de celle-ci et donc que des « déchets dangereux » seraient présents sur le site en cause.
56 S’agissant du second argument de la Commission lié au caractère prétendument inflammable de certains déchets ayant été présents dans la gravière en cause, force est de constater, d’une part, que celui-ci n’a pas été formulé dans la requête et qu’il se fonde, en outre, exclusivement sur un document produit par la République de Slovénie à l’appui de son mémoire en défense. D’autre part, cet argument s’appuie sur l’annexe du règlement no 1357/2014, annexe qui n’était cependant pas encore en vigueur au terme du délai fixé dans l’avis motivé.
57 Ce second argument doit, dès lors, être également rejeté.
58 La Commission n’ayant pas apporté la preuve de ses allégations, son recours doit être rejeté en tant qu’il porte sur des déchets dangereux.
59 En ce qui concerne, en second lieu, le recours en tant qu’il porte sur des déchets non dangereux, la Commission soutient, par un premier grief, que, en ayant toléré un danger permanent et durable pour l’environnement et la santé humaine, en raison du stockage inapproprié de grandes quantités de pneus hors d’usage et du mélange de ces derniers avec d’autres déchets, la République de Slovénie a violé les articles 12 et 13 de la directive 2008/98.
60 L’article 13 de la directive 2008/98 énonce que les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore.
61 À cet égard, la Cour a déjà jugé que, si cet article ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour s’assurer que les déchets soient gérés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, il n’en reste pas moins que ledit article lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures (voir, par analogie, arrêt du 21 juillet 2016, , C‑104/15, non publié, EU:C:2016:581, point 80 et jurisprudence citée).
62 Par conséquent, s’il n’est, en principe, pas possible de déduire directement de la non‑conformité d’une situation de fait avec les objectifs fixés à l’article 13 de la directive 2008/98 que l’État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par cette disposition, à savoir prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les déchets soient gérés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, la persistance d’une telle situation de fait, notamment lorsqu’elle entraîne une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, peut révéler que les États membres ont outrepassé la marge d’appréciation que leur confère cet article (voir, par analogie, arrêt du 21 juillet 2016, , C‑104/15, non publié, EU:C:2016:581, point 81 et jurisprudence citée).
63 Ainsi que le définit l’article 3, point 1, de la directive 2008/98, relèvent de la notion de « déchets » toute substance ou tout objet dont le détenteur se défait ou dont il a l’intention ou l’obligation de se défaire.
64 En l’espèce, il n’est pas contesté, d’une part, que les pneus usagés ainsi que les autres substances présents sur le site en cause relèvent de cette notion. D’autre part, il est constant que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, 44 630 tonnes de pneus usagés se trouvaient encore sur ce site.
65 Si les informations dont dispose la Cour permettent de considérer que le respect, par l’État membre concerné, des objectifs visés par les dispositions du droit de l’Union dont la méconnaissance a été invoquée dans le recours de la Commission a évolué favorablement, dès lors que les opérations d’assainissement du site en cause seraient en cours de réalisation et permettraient d’éliminer 28 000 tonnes de déchets d’ici à la fin du mois de juin 2017, ces informations révèlent toutefois que la non‑conformité générale de ce site auxdites dispositions a encore persisté bien au-delà de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.
66 Par ailleurs, quand même bien les opérations programmées seraient menées à bien à l’échéance ainsi indiquée, il est constant qu’il restera alors 14 539 tonnes de déchets devant encore faire l’objet d’un traitement.
67 Or, l’existence d’une situation, telle que celle en cause, pendant une durée prolongée a nécessairement pour conséquence une dégradation significative de l’environnement. En effet, les déchets ont une nature particulière, si bien que leur accumulation, avant même qu’ils ne deviennent dangereux pour la santé, constitue un danger pour l’environnement (voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2015, , C‑653/13, non publié, EU:C:2015:478, point 38 et jurisprudence citée).
68 En outre, la République de Slovénie n’a contesté ni le fait que la gravière en cause se trouve dans une plaine dont le sous-sol recèle les plus grandes réserves d’eau potable du pays et que la profondeur du sol y est faible, ni l’ampleur toute particulière de l’un des deux incendies qui se sont déclarés dans le site en cause et la circonstance que ledit incendie a notamment été à l’origine d’importants dégagements de gaz toxiques.
69 De surcroît, en vertu du principe de coopération loyale, tel qu’énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, les États membres doivent adopter toute mesure visant à assurer la mise en œuvre et le respect du droit de l’Union, et il résulte d’une jurisprudence constante qu’un État membre ne saurait exciper de situations de son ordre interne pour justifier le non-respect des obligations et des délais résultant du droit de l’Union (arrêt du 16 juillet 2015, , C‑140/14, non publié, EU:C:2015:501, points 76 et 77 ainsi que jurisprudence citée).
70 Il s’ensuit que les diverses circonstances invoquées par la République de Slovénie, relatives aux différentes mesures de contrôle, décisions et sanctions, qui sont restées sans effet ou qui ont été annulées, sont sans incidence sur le bien-fondé de la première partie du premier grief de la Commission.
71 En outre, l’article 12 de la directive 2008/98 impose aux États membres le soin de veiller à ce que, lorsque la valorisation, au sens de l’article 10, paragraphe 1, de cette directive, n’est pas effectuée, tous les déchets fassent l’objet d’opérations d’élimination qui répondent aux dispositions de l’article 13 de ladite directive, consacrées à la protection de la santé humaine et de l’environnement.
72 À ce titre, la République de Slovénie admet, dans ses observations écrites, que les travaux d’assainissement du site en cause se poursuivent même après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé.
73 Il est donc constant que, au terme de ce délai, les déchets présents sur ce site n’avaient été ni valorisés ni éliminés.
74 Partant, les griefs de la Commission tirés de la violation des articles 12 et 13 de la directive 2008/98 doivent être accueillis.
75 Par ailleurs, l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98 prévoit que les États membres prennent les mesures nécessaires pour interdire l’abandon, le rejet ou la gestion incontrôlée des déchets.
76 Sur la base des éléments factuels rappelés au point 64 du présent arrêt, il y a lieu de constater que, en ne prenant pas les mesures nécessaires pour interdire la gestion incontrôlée des déchets sur le site en cause, la République de Slovénie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98 (voir, en ce sens, arrêt du 11 décembre 2014, , C‑677/13, non publié, EU:C:2014:2433, point 81).
77 Dès lors, s’agissant des déchets non dangereux, l’ensemble des griefs tiré du manquement aux obligations résultant de la directive 2008/98 est fondé.
78 En ce qui concerne le grief tiré d’un manquement aux obligations résultant de la directive 1999/31, il importe de rappeler que celle-ci définit les critères et les conditions de mise en décharge des déchets.
79 En vertu de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de cette directive, les États membres prennent des mesures afin que ne soient pas admis dans une décharge les pneus usés entiers, deux ans à compter de la date fixée à l’article 18, paragraphe 1, de cette directive, à l’exclusion des pneus utilisés en tant que matériau, et les pneus usés broyés, cinq ans à compter de cette date, à l’exclusion, dans les deux cas, des pneus de bicyclette et des pneus dont le diamètre extérieur est supérieur à 1 400 mm.
80 Ainsi qu’il ressort de la lecture combinée de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 1999/31 ainsi que des articles 18 et 19 de celle-ci, pour la République de Slovénie, le délai de deux ans mentionné au point précédent du présent arrêt a expiré le jour de l’adhésion de cet État membre à l’Union européenne, le 1er mai 2004. Le second de ces délais, qui concerne les pneus usés broyés, a pris fin le 16 juillet 2004.
81 Par conséquent, les dispositions de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de ladite directive étaient en vigueur en Slovénie lorsque l’autorisation d’exploitation du site en cause a été délivrée, à la fin de l’année 2006, et lorsque, ultérieurement, la mise en décharge a débuté.
82 Il s’ensuit que le grief de la Commission, tiré de la violation de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de la directive 1999/31, doit également être accueilli.
83 Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de constater que, en ayant toléré, dans une gravière située sur le territoire de la commune de Lovrenc na Dravskem polju, un danger permanent et durable pour l’environnement et la santé humaine, en raison du stockage inapproprié de grandes quantités de pneus hors d’usage, du mélange de ces derniers avec d’autres déchets et de leur mise en décharge en méconnaissance des prescriptions de la directive 1999/31, la République de Slovénie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de cette directive, et des articles 12 et 13 ainsi que de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98.
Sur les dépens
84 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
85 En l’espèce, la Commission et la République de Slovénie ont conclu respectivement à la condamnation de l’autre partie à l’instance aux dépens et le recours de la Commission a été en partie rejeté.
86 L’article 138, paragraphe 3, de ce règlement prévoyant que, si cela paraît justifié au vu des circonstances de l’espèce, la Cour peut décider que, outre ses propres dépens, une partie supporte une fraction des dépens de l’autre partie. Il y a lieu de faire application de cette disposition et de décider que, outre ses propres dépens, la République de Slovénie est condamnée à supporter les deux-tiers de ceux de la Commission.
87 La Commission est condamnée à supporter un tiers de ses propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête :
1) En ayant toléré dans une gravière située sur le territoire de la commune de Lovrenc na Dravskem polju (Slovénie) un danger permanent et durable pour l’environnement et la santé humaine, en raison du stockage inapproprié de grandes quantités de pneus hors d’usage, du mélange de ces derniers avec d’autres déchets et de leur mise en décharge en méconnaissance des prescriptions de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets, la République de Slovénie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 5, paragraphe 3, sous d), de cette directive, et des articles 12 et 13 ainsi que de l’article 36, paragraphe 1, de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La République de Slovénie est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que les deux-tiers de ceux de la Commission européenne.
4) La Commission européenne est condamnée à supporter un tiers de ses propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure : le slovène.