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Dokument 61994TJ0146

    Rozsudok Súdu prvého stupňa (piata komora) zo 7. marca 1996.
    Calvin Williams proti Dvoru audítorov Európskych spoločenstiev.
    Úradníci - Odvolanie.
    Vec T-146/94.

    Identifikátor ECLI: ECLI:EU:T:1996:34

    61994A0146

    Arrêt du Tribunal de première instance (cinquième chambre) du 7 mars 1996. - Calvin Williams contre Cour des comptes des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Obligations - Actes contraires à la dignité de la fonction publique - Devoir de loyauté - Procédure disciplinaire - Révocation. - Affaire T-146/94.

    Recueil de jurisprudence - fonction publique 1996 page IA-00103
    page II-00329


    Parties
    Motifs de l'arrêt
    Décisions sur les dépenses
    Dispositif

    Parties


    ++++

    Dans l'affaire T-146/94,

    Calvin Williams, ancien fonctionnaire de la Cour des comptes des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg, représenté par Me Éric Boigelot, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jean-Paul Noesen, 18, rue des Glacis,

    partie requérante,

    contre

    Cour des comptes des Communautés européennes, représentée par MM. Jean-Marie Stenier et Jan Inghelram, et, lors de l'audience, également par M. Paolo Giusta, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile au siège de la Cour des comptes, 12, rue Alcide de Gasperi, Kirchberg,

    partie défenderesse,

    ayant pour objet l'annulation, en premier lieu, de la décision de la Commission du 24 juin 1993, portant révocation du requérant, sans réduction ni suppression de son droit à une pension d'ancienneté, en deuxième lieu, de la décision explicite de rejet opposée le 24 janvier 1994 à sa réclamation et, en troisième lieu, pour autant que de besoin, de la décision implicite de rejet de la même réclamation intervenue le 23 janvier 1994,

    LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

    (cinquième chambre),

    composé de MM. R. Schintgen, président, R. García-Valdecasas et J. Azizi, juges,

    greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

    vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 5 décembre 1995,

    rend le présent

    Arrêt

    Motifs de l'arrêt


    Faits à l'origine du recours

    1 Le requérant a été engagé, en octobre 1974, par la Commission de contrôle, ancien organisme de contrôle financier relevant du Conseil des Communautés européennes, comme agent temporaire de grade A 7, puis, le 1er octobre 1976, nommé fonctionnaire de grade A 7 de cet organisme. Avec effet au 1er mai 1978, le requérant a été transféré dans ce grade à la Cour des comptes des Communautés européennes (ci-après «Cour des comptes»), à la suite de la création de celle-ci. Avec effet au 1er mai 1979, le requérant a été promu au grade A 6. Le 18 octobre 1984, le requérant a été nommé administrateur principal de grade A 5.

    2 Par arrêt du 26 novembre 1991, Williams/Cour des comptes (T-146/89, Rec. p. II-1293), le Tribunal a rejeté comme non fondé un recours que le requérant avait introduit contre une décision de la Cour des comptes lui infligeant une sanction disciplinaire, à savoir la suspension d'avancement d'échelon. Cette décision avait été prise suite à la rédaction et à la diffusion par le requérant de trois notes contenant des propos considérés comme injurieux à l'égard de la Cour des comptes et de certains de ses membres.

    3 Le 27 mars 1992, dans le cadre de la candidature qu'il avait présentée en vue de se faire élire au comité du personnel de la Cour des comptes, le requérant a diffusé, dans les locaux de la Cour des comptes, notamment au restaurant et à la cafétéria, deux écrits intitulés «Going political (I) et (II)». Ces écrits portaient l'en-tête du SFIE (Syndicat des fonctionnaires internationaux et européens), section Cour des comptes.

    Le texte du premier écrit était le suivant:

    «Going Political (I) [Si nous parlions un peu politique (I)]

    (...)

    Calvin E. Williams.»

    Le texte du second écrit se lit comme suit:

    «Going Political (II) [Si nous parlions un peu politique (II)]

    (...)

    Calvin E. Williams.»

    4 Le 30 mars 1992, le bureau du comité central du SFIE a diffusé un communiqué dans lequel il était précisé que «les tracts électoraux `Going Political (I) et (II)', signés C. E. Williams - Cour des comptes, (étaient) de la seule responsabilité de son auteur».

    5 Le 2 avril 1992, une audition du requérant a eu lieu en présence du secrétaire général de la Cour des comptes et de M. Stenier, membre de son service juridique. Cette audition avait pour objet de déceler les raisons qui avaient amené le requérant à rédiger et à diffuser ces deux tracts. Le requérant a reconnu que la diffusion de ses écrits au restaurant et à la cafétéria avait atteint des personnes étrangères à la Cour des comptes et qu'il avait envoyé copie de ceux-ci à des personnalités en dehors de la Cour des comptes.

    6 Par décision de la même date, le secrétaire général de la Cour des comptes, en sa qualité d'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), a suspendu le requérant de ses fonctions avec effet au 3 avril 1992, avec maintien de sa rémunération.

    7 Le 23 avril 1992, le secrétaire général de la Cour des comptes, en sa qualité d'AIPN, a fait parvenir au président du conseil de discipline un rapport faisant état de sa décision d'engager à l'encontre du requérant la procédure disciplinaire prévue à l'annexe IX du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»).

    8 Le 10 juillet 1992, le conseil de discipline a émis un avis dans lequel il a estimé que, à moins que l'irresponsabilité du requérant soit reconnue au terme d'un examen médical, les faits qui lui étaient reprochés devraient, du point de vue disciplinaire, entraîner la sanction prévue à l'article 86, paragraphe 2, sous f), du statut, à savoir la révocation sans réduction ou suppression du droit à la pension d'ancienneté. Le conseil de discipline a considéré que les écrits incriminés contenaient des propos injurieux et diffamatoires à l'égard des membres de la Cour des comptes et d'un certain nombre d'autres personnes et que leur diffusion par le requérant auprès des membres et du personnel de la Cour des comptes constituait une violation de l'article 12 du statut.

    9 Le 20 juillet 1992, le secrétaire général de la Cour des comptes a remis au requérant une note datée du même jour dans laquelle il informait ce dernier de sa décision de suivre l'avis du conseil de discipline et de saisir un collège de trois médecins pour s'assurer de sa responsabilité avant de poursuivre la procédure disciplinaire et de prendre position quant à une sanction éventuelle.

    10 Le 18 mai 1993, la commission médicale chargée de se prononcer sur la responsabilité du requérant, après avoir interrogé et examiné ce dernier, a conclu que, «d'un point de vue strictement médical», il n'était que «partiellement responsable» dans l'affaire de la rédaction et de la diffusion des deux documents en question.

    11 Le 16 juin 1993, une autre audition du requérant a eu lieu en présence du secrétaire général et de M. Stenier. Lors de cette audition, le requérant a pu s'exprimer sur l'avis du conseil de discipline, ainsi que sur l'avis de la commission médicale du 18 mai 1993.

    La décision du 24 juin 1993

    12 Le 24 juin 1993, le secrétaire général de la Cour des comptes, en sa qualité d'AIPN, a arrêté la décision disciplinaire infligée au requérant, à partir de la même date, à savoir, compte tenu de la gravité des manquements lui imputables et des circonstances aggravantes et atténuantes retenues, la révocation sans réduction ni suppression du droit à sa pension d'ancienneté.

    13 Quant aux circonstances factuelles, l'AIPN, dans sa décision du 24 juin 1993, constate que le requérant était l'auteur des deux documents reproduits ci-dessus (voir point 3), lesquels comportaient des propos injurieux, diffamatoires et portant atteinte à l'honneur des membres et de certains agents de la Cour des comptes ainsi que des membres d'autres institutions. L'AIPN, dans cette décision, relève également que ces documents ont été rendus publics, puisqu'ils ont été adressés à des personnes n'appartenant pas à la Cour des comptes et qu'ils ont été diffusés à la cafétéria et au restaurant de la Cour des comptes, où des personnes étrangères à l'institution ont pu en prendre connaissance.

    14 S'agissant de l'appréciation juridique de ces faits, l'AIPN, dans sa décision du 24 juin 1993, considère que les écrits diffusés par le requérant constituent une violation, à la fois de l'article 12, premier alinéa, du statut, en ce qu'ils portent atteinte à la dignité de la fonction d'administrateur principal qu'il remplissait, et de l'article 21, premier alinéa, du statut, les propos tenus étant, de par leur nature, constitutifs d'une violation du devoir de loyauté incombant à tout fonctionnaire vis-à-vis de l'institution dont il relève et de ses supérieurs.

    15 Cette décision a été notifiée au requérant le 25 juin 1993 par un huissier de justice qui, en l'absence du requérant, a déposé à son domicile une copie de l'exploit ainsi qu'un avis de passage.

    La procédure précontentieuse

    16 Le 23 septembre 1993, le requérant a déposé auprès du secrétariat général de la Cour des comptes un document intitulé «Réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut» contre la décision du 24 juin 1993. Dans ce document, il était indiqué: «A l'appui de sa réclamation, le requérant fait valoir l'ensemble et les mêmes moyens, griefs et arguments que ceux qu'il a visés et développés dans le cadre du recours qu'il introduit ce 23 juin auprès du Tribunal de première instance des Communautés européennes, et qui est annexé à la présente réclamation.» Cette pièce porte deux cachets en date du 23 septembre 1993, attestant sa réception par les services de la Cour des comptes, dont le service juridique.

    17 Le 23 septembre 1993, le requérant a introduit un recours devant le Tribunal, qui a été inscrit sous le numéro T-522/93. Le 27 septembre 1993, la requête a été signifiée à la Cour des comptes.

    18 Par lettre adressée au requérant le 24 septembre 1993, le secrétaire général a accusé réception de la réclamation qu'il avait déposée à la Cour des comptes le 23 septembre 1993, en précisant que, contrairement à ce qui était annoncé dans le dernier paragraphe de ladite réclamation, «aucun document exposant (les) moyens, griefs et arguments n'était joint à celle-ci».

    19 Par lettre adressée au secrétaire général le 26 novembre 1993, le conseil du requérant a souligné que sa réclamation, qui faisait mention d'une annexe contenant tous les arguments, moyens et griefs soulevés, avait été déposée de manière intégrale et que le requérant ne pouvait être tenu responsable de la perte de cette annexe par les services de la Cour des comptes.

    20 Par lettre du 15 décembre 1993, le secrétaire général a confirmé au conseil du requérant que l'annexe en question n'avait effectivement pas été jointe à la réclamation. Il assurait qu'il n'avait pu en prendre connaissance que le 27 septembre 1993, lorsque lui avait été transmis le texte identique de la requête déposée au greffe du Tribunal. Il précisait, en outre, que «la réclamation ayant été remise par M. Williams directement à mon secrétariat, la perte de cette annexe lors d'une transmission interne du document est à exclure» et que «la réclamation ayant été déposée le 23 dans l'après-midi, M. Williams a été informé directement par envoi recommandé du 24 septembre 1993 du caractère incomplet des documents remis».

    21 Par ordonnance du 16 décembre 1993, le Tribunal a rejeté le recours formé dans l'affaire T-522/93 comme irrecevable au motif qu'il avait été introduit prématurément.

    22 Le 24 janvier 1994, la Cour des comptes, statuant sur la réclamation introduite le 23 septembre 1993 par le requérant, a rejeté celle-ci comme irrecevable et, en tout état de cause, comme non fondée.

    Procédure et conclusions des parties

    23 C'est dans ces circonstances que, par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 avril 1994, le requérant a introduit le présent recours.

    24 Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le même jour, le requérant a introduit une demande de mesures provisoires visant à obtenir le sursis à l'exécution de la décision du 24 juin 1993.

    25 Par ordonnance du président du Tribunal du 29 juin 1994, Williams/Cour des comptes (T-146/94 R, RecFP p. II-571), la demande en référé a été rejetée.

    26 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans procéder à des mesures d'instruction préalables.

    27 Les représentants des parties ont été entendus en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 5 décembre 1995.

    28 Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    - annuler la décision par laquelle la défenderesse a infligé au requérant, avec effet au 24 juin 1993, la sanction disciplinaire de la révocation, sans réduction ni suppression de son droit à une pension d'ancienneté;

    - annuler la décision explicite de rejet, du 24 janvier 1994, et, pour autant que de besoin, la décision implicite de rejet, du 23 janvier 1994, opposées à la réclamation que le requérant avait introduite le 23 septembre 1993;

    - réintégrer le requérant dans toutes ses fonctions, à son grade et à son échelon à la date de la décision attaquée;

    - condamner la défenderesse à verser au requérant tous les arriérés de traitement, en ce compris tous les avantages dont il disposait, qui lui sont dus à partir du 25 juin 1993 jusqu'à la date de la décision à intervenir, augmentés d'intérêts au taux de 10 % l'an calculés à partir de chaque échéance;

    - condamner la défenderesse aux dépens.

    29 La Cour des comptes conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

    - rejeter le recours comme irrecevable, sinon non fondé;

    - rejeter les demandes de réintégration et de remboursement comme irrecevables;

    - statuer comme de droit sur les dépens.

    30 Lors de l'audience, la partie défenderesse a déclaré se désister du moyen d'irrecevabilité tiré de l'article 43, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal qu'elle avait soulevé dans son mémoire en défense.

    Sur la recevabilité

    Arguments des parties

    31 La défenderesse excipe de l'irrecevabilité du recours pour défaut d'introduction dans les délais d'une réclamation conforme aux exigences du statut et, partant, pour non-respect de la procédure précontentieuse prévue par l'article 91, paragraphe 2, du statut.

    32 La défenderesse précise, à titre liminaire, que le délai pour l'introduction d'une réclamation expirait le 24 septembre 1993, le requérant ayant eu connaissance de la décision de révocation le 24 juin 1993, date à laquelle la décision de l'AIPN lui a été lue dans le bureau du secrétaire général. Elle ajoute que, si l'on prend comme date de départ la notification de la décision de l'AIPN par huissier de justice, le 25 juin 1993, le délai expirait, au plus tard, le 25 septembre 1993.

    33 De l'avis de la défenderesse, la réclamation introduite le 23 septembre 1993 était irrégulière parce que le requérant se bornait demander l'annulation de la sanction disciplinaire qui lui avait été infligée, sans avancer le moindre moyen ou argument. Cette réclamation renvoyait à une annexe, décrite comme étant le texte du recours introduit le même jour devant le Tribunal. Toutefois, selon la défenderesse, cette annexe n'était pas jointe à la réclamation.

    34 La défenderesse prétend qu'il lui était impossible de déduire de la lecture des quatre points de la réclamation quelle pouvait être l'argumentation que le requérant apportait à l'appui de sa demande en annulation. Elle explique que l'AIPN a pris connaissance de la réclamation dès le lendemain et que, constatant qu'elle était incomplète, elle a immédiatement informé le requérant de son oubli.

    35 Quant aux cachets apposés par l'institution sur la réclamation, la défenderesse explique encore que ces cachets attestent seulement qu'un document a été déposé tel jour, mais qu'ils n'ont aucune valeur probante quant au nombre de pages de ce document. Elle ajoute qu'il ne saurait être question que cette annexe ait été égarée lors d'une transmission interne.

    36 La défenderesse souligne enfin que la réclamation n'a été formée de manière complète que le 27 septembre 1993, date à laquelle la requête lui a été signifiée par les soins du greffe du Tribunal. Or, à cette date, le délai de réclamation avait expiré.

    37 Le requérant affirme que l'annexe, qui faisait partie intégrante de la réclamation et qui contenait l'ensemble de ses moyens et arguments, était jointe à la réclamation.

    38 Le requérant ajoute que c'est à la Cour des comptes qu'il incombe d'apporter la preuve de l'exception qu'elle formule et que, partant, elle devrait prouver que l'annexe litigieuse n'était pas jointe à la réclamation. En outre, les cachets apposés sur cette réclamation, qui en constituent l'accusé de réception et qui comportent la mention de différents services, seraient la preuve de la réception intégrale de la réclamation. En effet, aucun avis ni aucune réserve n'ont été consignés lors de la réception du document, alors que ce dernier mentionnait clairement l'existence de l'annexe qui y était jointe. Cette réception sans réserve aucune constituerait, sinon la preuve, à tout le moins un indice certain que la réclamation, dans son ensemble, a été réceptionnée.

    39 Le requérant soutient qu'il ne lui incombe pas de vérifier que sa réclamation a été correctement réceptionnée par la défenderesse, alors qu'il l'a déposée contre reçu.

    40 Pour le requérant, l'argument de la défenderesse selon lequel les cachets n'ont aucune valeur probante quant au nombre de pages déposées est sans pertinence puisqu'il s'agit d'une règle interne de l'institution que l'on ne saurait lui opposer.

    Appréciation du Tribunal

    41 Il y a lieu de constater, en premier lieu, que, le 23 septembre 1993, le requérant a déposé auprès de la Cour des comptes un document intitulé «Réclamation au titre de l'article 90.2 du statut», dans lequel il déclarait formellement introduire une réclamation ayant pour objet l'annulation de la décision de la défenderesse du 24 juin 1993, prononçant à son égard la sanction disciplinaire de la révocation sans réduction ni suppression du droit à pension d'ancienneté. Le Tribunal constate, en deuxième lieu, que cette réclamation comportait les mêmes conclusions que celles qui font l'objet du présent recours et, enfin, en troisième lieu, que cette réclamation a été introduite avant l'expiration du délai prévu par le statut à cette fin, à savoir le 25 septembre 1993, comme l'admet d'ailleurs la défenderesse.

    42 Il s'ensuit que, du point de vue formel, ce document doit être considéré comme une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut, introduite dans le délai prévu par celui-ci.

    43 Il convient, dès lors, d'examiner la question de savoir si cette réclamation, quant à son contenu, était conforme aux exigences requises par la jurisprudence.

    44 A cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le but de la procédure précontentieuse étant le règlement amiable d'un litige qui naît au moment de la réclamation, l'AIPN doit être en mesure de connaître de façon suffisamment précise les arguments que le fonctionnaire formule à l'encontre d'une décision administrative (voir, par exemple, arrêt de la Cour du 14 mars 1989, Del Amo Martínez/Parlement, 133/88, Rec. p. 689, point 9, et arrêt du Tribunal du 22 juin 1990, Marcopoulos/Cour de justice, T-32/89 et T-39/89, Rec. p. II-281, point 28). Il en résulte que la réclamation doit contenir un exposé des moyens et arguments invoqués à l'encontre de la décision administrative contre laquelle elle est dirigée.

    45 En l'espèce, le Tribunal constate d'abord que le texte de la réclamation ne comportait l'exposé d'aucun moyen ni argument. Il constate ensuite que ce texte s'étendait sur deux pages et que, sur la première d'entre elles, deux cachets de réception ont été apposés par la Cour des comptes. Il constate enfin que le texte figurant sur la seconde page de la réclamation faisait état de l'existence d'une annexe, contenant l'ensemble des moyens, griefs et arguments développés dans le cadre du recours que le requérant déclarait vouloir introduire devant le Tribunal le même jour.

    46 Il s'ensuit que l'exposé de l'argumentation du requérant se trouvait non pas dans le texte de sa réclamation, mais dans un autre document, lequel, selon le requérant, était annexé à sa réclamation, ce qui est contesté par la défenderesse.

    47 Quant à la thèse du requérant selon laquelle l'apposition des cachets susmentionnés constitue la preuve que l'annexe était bien jointe à la réclamation, le Tribunal considère que la personne qui, au nom d'une institution, est chargée de la réception de documents à caractère administratif n'a pas pour mission de vérifier d'abord, dans chaque document qui lui est remis, s'il est fait référence à une annexe et, dans l'affirmative, si cette annexe est effectivement jointe au document en question. Comme la défenderesse le soutient à juste titre, les cachets attestent seulement qu'un document a été déposé à la date indiquée, mais ils n'ont aucune valeur probante en ce qui concerne le nombre de pages de ce document.

    48 Le Tribunal estime que, dans un cas comme celui de l'espèce, dans lequel un document se réfère à une autre pièce qui est mentionnée dans le premier document comme une annexe à celui-ci, lorsque l'administration, à la réception d'un tel document, se rend compte que la pièce en question n'est pas jointe, elle est tenue de signaler au signataire du document cette absence et de lui demander de fournir la pièce manquante dans un bref délai. Cette exigence ne saurait être considérée comme une violation du principe selon lequel les délais sont d'ordre public et ne se trouvent pas à la disposition des parties ou du juge. En effet, la sécurité juridique, qui constitue la raison d'être du respect des délais, n'est pas mise en cause si la réclamation a été introduite dans le délai prévu.

    49 En l'espèce, il y a lieu de rappeler que la Cour des comptes, par lettre de son secrétaire général du 24 septembre 1993, a fait savoir au requérant que, contrairement à ce qui était annoncé dans le dernier paragraphe de sa réclamation, «aucun document exposant (les) moyens, griefs et arguments n'était joint à celle-ci». Bien que le requérant n'ait pas réagi à la réception de cette lettre, il convient, néanmoins, de vérifier si la procédure précontentieuse, telle qu'elle s'est déroulée, a pu atteindre l'objectif défini par la jurisprudence susvisée (voir ci-dessus point 44). Le Tribunal rappelle, à cet égard, que la défenderesse a reçu signification, le 27 septembre 1993, par les soins du greffe du Tribunal, de la requête déposée par le requérant auprès de ce dernier, laquelle contenait l'ensemble des moyens et arguments à l'encontre de la décision litigieuse. Le Tribunal constate que deux jours après l'expiration, le 25 septembre 1993, du délai pour introduire une réclamation, la défenderesse était en mesure de prendre connaissance de l'argumentation du requérant et donc de prendre position à ce sujet.

    50 Le Tribunal considère que le fait qu'en l'espèce la défenderesse ait reçu le document qui aurait dû être annexé à la réclamation quatre jours après l'introduction de la réclamation et deux jours après l'expiration du délai prévu par le statut à cette fin n'est pas de nature à entraîner l'irrecevabilité de la réclamation, la défenderesse ayant été en mesure de connaître de façon précise les arguments du requérant à l'encontre de la décision attaquée.

    51 Le Tribunal relève, en outre, que, dans sa décision de rejet de la réclamation, en date du 24 janvier 1994, la défenderesse, tout en considérant la réclamation comme irrecevable, a rejeté cette réclamation «pour autant que de besoin» comme non fondée. Aux points 8 à 36 de cette décision, la défenderesse a examiné et a répondu, de façon détaillée, aux mêmes moyens et arguments que ceux qui sont développés dans le présent recours et a conclu que la décision de révocation était «légale et régulière».

    52 Il résulte de ce qui précède que le moyen d'irrecevabilité invoqué par la défenderesse n'est pas fondé et que le recours doit être déclaré recevable.

    Sur le fond

    A - Sur la demande en annulation

    53 Le requérant articule un moyen «unique» énoncé comme suit: «méconnaissance du statut, particulièrement de ses articles 12, premier alinéa, 21, premier alinéa, et 86, et ... méconnaissance des principes généraux de droit tels ceux des libertés d'expression et/ou d'opinion, de proportionnalité et de nécessité pour tout acte administratif d'avoir des motifs légalement admissibles, c'est-à-dire pertinents et non entachés d'erreurs de droit ou de fait».

    54 Le Tribunal considère que ce moyen unique se décompose en trois moyens qu'il convient d'examiner successivement, à savoir:

    - violation de l'article 12, premier alinéa, du statut,

    - violation de l'article 21, premier alinéa, du statut,

    - violation du principe de proportionnalité et absence de motivation pertinente.

    Sur le moyen tiré de la violation de l'article 12, premier alinéa, du statut

    55 Le requérant fait valoir que les deux conditions posées par l'article 12, premier alinéa, du statut, à savoir une atteinte à la dignité de la fonction et le caractère public de l'expression d'opinions, ne sont pas remplies.

    Sur l'existence d'une atteinte à la dignité de la fonction

    - Arguments des parties

    56 Le requérant soutient que l'une des conditions nécessaires à l'application de l'article 12, premier alinéa, du statut, à savoir l'existence d'un acte qui porte atteinte à la dignité de la fonction, n'est pas remplie en l'espèce.

    57 Le requérant fait valoir que, le statut ne définissant pas les actes susceptibles d'entrer dans le champ d'application de l'article 12, premier alinéa, il faut, tout d'abord, déterminer la nature de l'acte en question et vérifier, ensuite, en quoi il porte atteinte à la dignité de la fonction exercée par son auteur.

    58 Le requérant estime que le terme «fonction» doit être défini au regard de la personne qui occupe l'emploi en question, c'est-à-dire du fonctionnaire lui-même. Déterminer si un comportement porte atteinte à la dignité d'un fonctionnaire supposerait ainsi une approche subjective de ce comportement, et non une analyse objective. En sa qualité d'auditeur à la Cour des comptes et dans l'intérêt public, le requérant aurait voulu contribuer à la régularité et à la transparence de la comptabilité des Communautés et dénoncer des attitudes qu'il estimait, en tant que professionnel, ne pas pouvoir passer sous silence, même si les faits sont contestés et, peut-être, contestables.

    59 Le requérant relève que les actes qui lui sont reprochés s'inscrivaient dans un cadre électoral. A travers les deux tracts électoraux litigieux, il entendait manifester auprès de l'électorat son indépendance de ton, d'esprit et de caractère, ainsi que sa liberté d'expression vis-à-vis de l'institution. En réalité, ce ne serait pas dans le cadre de sa fonction d'administrateur principal de la Cour des comptes que les propos en question auraient été diffusés, mais dans le cadre de la campagne qu'il menait pour être élu au comité du personnel.

    60 Le requérant conteste le caractère prétendument injurieux et diffamatoire des propos qu'il a tenus dans les tracts litigieux au motif que les faits dénoncés reflètent, selon lui, la réalité. En outre, il soutient que les critiques formulées étaient bien connues, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de l'institution, et qu'elles ne peuvent donc pas être qualifiées de diffamatoires. Il fait valoir enfin que, s'il n'avait pas dénoncé les pratiques en question, il se serait rendu complice de ces actions.

    61 La défenderesse fait observer que le respect que, en tant que membre du personnel d'une institution, le fonctionnaire doit à la dignité de sa fonction, ne se limite pas au moment particulier où il exerce telle ou telle tâche spécifique, mais s'impose à lui en toute circonstance et, en particulier, dans le cadre d'une élection au comité du personnel, sa qualité de fonctionnaire étant précisément une condition pour être candidat.

    62 La défenderesse souligne que les obligations statutaires qui s'imposent à un fonctionnaire ne sont pas limitées aux rapports liés à l'exercice de sa fonction, mais s'étendent à toute la sphère des relations qui peuvent exister entre lui-même et son institution (voir notamment l'arrêt Williams/Cour des comptes, précité, point 72). Ce principe n'aurait pas de sens s'il n'était applicable qu'à l'égard de certaines obligations statutaires et pas à l'égard d'autres. En conséquence, l'obligation définie par l'article 12, premier alinéa, du statut s'appliquerait également à une campagne électorale pour l'élection au comité du personnel, qui est un organe statutaire.

    63 La défenderesse ajoute que l'obligation énoncée par l'article 12, premier alinéa, du statut s'impose toujours au fonctionnaire, même en dehors de son milieu professionnel. Elle précise, par ailleurs, que ce qui est en cause en l'espèce, c'est la dignité de la fonction d'administrateur principal à la Cour des comptes et que cette dignité est un concept objectif. En effet, le statut ne parle pas d'atteinte à la dignité de l'individu en ce qu'il peut avoir comme convictions personnelles, mais d'atteinte à la dignité de sa fonction. De plus, ce qui est reproché au requérant, ce ne serait pas d'avoir exprimé une opinion, mais d'avoir tenu des propos injurieux ou diffamatoires.

    - Appréciation du Tribunal

    64 Aux termes de l'article 12, premier alinéa, du statut, «le fonctionnaire doit s'abstenir de tout acte et, en particulier, de toute expression publique d'opinions qui puisse porter atteinte à la dignité de sa fonction».

    65 Il y a lieu de souligner, à titre liminaire, que l'article 12, premier alinéa, du statut vise à garantir que les fonctionnaires communautaires, dans leur comportement, présentent une image de dignité conforme à la conduite particulièrement correcte et respectable que l'on est en droit d'attendre des membres d'une fonction publique internationale. Il en résulte que c'est en fonction de ce critère qu'il faut analyser la portée de la notion d'une atteinte à la dignité de la fonction, qui ne saurait dépendre de la conception subjective que le fonctionnaire concerné se fait des tâches qui lui sont confiées au sein d'une institution communautaire.

    66 En ce qui concerne la question de savoir quel type de comportement doit être considéré comme constituant une atteinte à la dignité de la fonction, il y a lieu de rappeler que le Tribunal a souligné, dans son arrêt Williams/Cour des comptes, précité (points 76 et 80), que des propos injurieux constituent en soi une telle atteinte.

    67 En l'espèce, le Tribunal estime que plusieurs des affirmations faites dans les deux documents en cause étaient constitutives d'injures et portaient atteinte à l'honneur des membres de la Cour des comptes et des membres d'autres institutions ainsi qu'à celui des fonctionnaires et agents de la Cour des comptes. Il s'agit, notamment, des points 1, 2 (deuxième partie de la phrase), 3, 4, 7 et 8 (deuxième tiret) de l'écrit «Going political (I)» et des points 2 et 4 c) de l'écrit «Going political (II)». Les documents en question doivent donc être considérés comme des expressions d'opinions qui portent atteinte à la dignité de la fonction.

    68 Quant à l'argument du requérant selon lequel ces actes s'inscrivaient dans le cadre d'une campagne électorale et non pas dans le cadre de sa fonction d'administrateur principal, le Tribunal considère que, comme l'a relevé à juste titre la défenderesse, le respect que, en tant que membre du personnel d'une institution, le fonctionnaire doit à la dignité de sa fonction ne se limite pas au moment particulier où il exerce telle ou telle tâche spécifique, mais s'impose à lui en toute circonstance et, notamment, dans le cadre d'une élection au comité du personnel, sa qualité de fonctionnaire étant précisément une condition pour être candidat.

    69 Enfin, s'agissant de l'argument du requérant selon lequel ses écrits ne sauraient constituer une diffamation puisque leur contenu est conforme à la réalité, le Tribunal rappelle que, comme il l'a déjà précisé dans son arrêt Williams/Cour des comptes, précité (point 80), au cas où un fonctionnaire estime que certaines des mesures arrêtées par une institution ont été prises en violation des dispositions des traités, il est libre de recourir à toutes les voies de droit qui lui sont ouvertes ou d'entamer les actions appropriées, mais ce dans le respect des principes inscrits dans le statut, c'est-à-dire en observant, tant dans ses écrits que dans ses propos, l'obligation de réserve et de modération exigible de tout fonctionnaire.

    70 Le Tribunal estime, dès lors, que c'est à bon droit que la décision attaquée a considéré que les écrits en question constituaient une atteinte à la dignité de la fonction.

    71 Partant, ce grief doit être rejeté.

    72 Étant donné que les écrits en question constituaient une expression d'opinions portant atteinte à la dignité de la fonction, il convient encore de déterminer si ces écrits ont revêtu un caractère public, de telle sorte qu'ils puissent être considérés comme constitutifs d'une violation de l'article 12, premier alinéa, du statut.

    Sur le caractère public de l'expression d'opinions

    - Arguments des parties

    73 Le requérant conteste avoir manqué aux obligations découlant de l'article 12, premier alinéa, du statut parce que les expressions d'opinion qui lui sont reprochées n'ont pas eu le caractère public qui, conformément à cet article, les aurait rendues susceptibles de porter atteinte à la dignité de sa fonction.

    74 Le requérant souligne que la diffusion des écrits litigieux a été extrêmement limitée et que le caractère public de celle-ci n'est aucunement établi. Il reconnaît que les écrits incriminés mentionnent que des copies conformes avaient été ou seraient adressées, notamment, aux membres de la Cour des comptes, du Tribunal et même du Parlement européen. Cependant, cette diffusion n'aurait pas été assurée, étant donné la réaction immédiate de l'AIPN à la lecture des deux documents.

    75 D'après le requérant, l'article 12, premier alinéa, du statut ne se réfère qu'à l'expression d'opinions en dehors d'une institution. Cette disposition s'expliquerait par la volonté du législateur communautaire d'éviter que les fonctionnaires puissent donner une image négative à l'extérieur, mais elle ne viserait pas une publicité interne aux institutions.

    76 A cet égard, le requérant souligne qu'il n'est pas établi que, au moment de la diffusion des tracts litigieux, des personnes étrangères à l'institution aient été présentes dans la cafétéria ou au restaurant. Il appartiendrait à la défenderesse de prouver que des personnes étrangères à l'institution ont pris connaissance des tracts litigieux.

    77 La défenderesse fait valoir que les tracts ont été adressés personnellement aux membres de l'institution et qu'ils ont été diffusés au restaurant et à la cafétéria de la Cour des comptes pendant l'heure du déjeuner, lorsque le personnel de l'institution ainsi que des personnes n'en faisant pas partie s'y rendent. Ils auraient donc pris connaissance des tracts. La défenderesse ajoute que le requérant lui-même a reconnu, lors de son audition devant l'AIPN le 2 avril 1992, que la diffusion de ses écrits au restaurant et à la cafétéria avait atteint des personnes étrangères à la Cour des comptes et qu'il en avait envoyé copie à des personnalités en dehors de la Cour des comptes.

    78 La défenderesse relève que, si elle n'a pas produit de preuves concrètes démontrant que des personnes étrangères à l'institution se trouvaient ce jour-là au restaurant ou à la cafétéria de la Cour des comptes pendant l'heure de déjeuner, c'est tout simplement parce que, chaque jour, de nombreuses personnes, fonctionnaires d'autres institutions ou personnes étrangères aux Communautés, fréquentent ces lieux à cette heure et que la preuve de la diffusion - les tracts étaient répandus sur les tables - à des personnes étrangères à l'institution était ainsi établie.

    - Appréciation du Tribunal

    79 Il y a lieu de souligner, d'emblée, que la thèse du requérant selon laquelle la publicité requise pour qu'il y ait violation de l'article 12, premier alinéa, du statut doit être une publicité externe et non interne à l'institution est dénuée de fondement. En effet, il convient de rappeler que le Tribunal a jugé, dans son arrêt Williams/Cour des comptes, précité (point 76), qu'une diffusion limitée à l'intérieur d'une institution de notes qui portent atteinte à la dignité de la fonction, même dans le cadre d'une procédure administrative, remplit la condition de publicité exigée par l'article 12, premier alinéa, du statut pour qu'il y ait violation de cet article.

    80 A cet égard, le Tribunal estime que la dignité de la fonction publique communautaire est susceptible d'être mise en cause non seulement par l'image négative qu'un fonctionnaire donnerait à l'extérieur de l'institution dont il relève, mais aussi par un comportement contraire à la dignité de la fonction qui se cantonnerait à l'intérieur de l'institution, où il doit faire particulièrement preuve d'un comportement digne et respectueux vis-à-vis de cette dernière et de toutes les personnes qui y sont affectées.

    81 En l'espèce, il y a lieu de constater que les deux écrits ont connu une publicité à la fois interne et externe. En effet, pour ce qui est de la publicité externe, le requérant a admis lui-même, lors de sa première audition devant l'AIPN, le 2 avril 1992 (voir ci-dessus point 5), que la diffusion de ces écrits au restaurant et à la cafétéria avait atteint des personnes étrangères à la Cour des comptes et qu'il en avait envoyé des copies à des personnalités en dehors de l'institution. Cette circonstance n'a d'ailleurs pas été démentie par le conseil du requérant lors de l'audience.

    82 De surcroît, il est notoire que les restaurants et les cafétérias des institutions communautaires sont fréquentés par des fonctionnaires des différentes institutions ainsi que par des familiers de ces personnes. En outre, le fait que les écrits aient été répandus sur les tables permettait leur diffusion aux personnes susmentionnées.

    83 Dans ces circonstances, le Tribunal estime que c'est à juste titre que la défenderesse a considéré que les écrits en cause ont connu une publicité interne et externe à l'institution.

    84 Le grief du requérant doit, partant, être rejeté.

    85 Il résulte de tout ce qui précède que c'est à bon droit que la défenderesse a considéré que les écrits et leur diffusion constituaient une violation de l'article 12, premier alinéa, du statut.

    86 Ce moyen doit, dès lors, être rejeté.

    Sur le moyen tiré de la violation de l'article 21, premier alinéa, du statut

    Arguments des parties

    87 Le requérant fait valoir que les obligations imposées par cette disposition ne s'appliquent pas lorsque le fonctionnaire agit dans le cadre d'une campagne électorale en vue de se faire élire au comité du personnel d'une institution.

    88 Le requérant rappelle que les faits litigieux se situent dans un tel contexte et il soutient qu'une campagne électorale n'a rien à voir avec quelque relation que ce soit entre le fonctionnaire et l'institution, voire ses supérieurs: elle ne concerne que les rapports d'un candidat avec ses électeurs potentiels.

    89 Le requérant fait observer que les obligations d'un fonctionnaire ne sauraient aboutir à limiter sa liberté d'opinion et d'expression, surtout lorsque cette liberté doit permettre à son titulaire d'être élu dans un organe statutaire auquel certains pouvoirs de représentation et de coopération sont reconnus.

    90 Le requérant précise qu'il ne prétend pas qu'un fonctionnaire puisse tirer parti d'une campagne électorale pour donner libre cours à son tempérament et adopter n'importe quelle attitude. Toutefois, selon lui, tout lecteur d'un tract électoral doit l'apprécier avec le recul nécessaire face à tout message politique. Pour un tel lecteur, il aurait été évident qu'il voulait faire passer un message non pas en tant que personne prise individuellement, mais dans le cadre d'une institution chargée d'une mission spécifique dans la Communauté.

    91 Le requérant prétend que, au-delà de leur forme, les propos qu'il a tenus ne sont dénués ni de sens ni de fondement. Faisant observer que les deux documents en cause mentionnent l'existence d'une «gigantesque» fraude agricole, il en déduit qu'il n'a aucunement entendu injurier ou diffamer qui que ce soit, mais seulement présenter ses arguments pendant une période électorale. Si certaines personnes visées se sont senties injuriées ou diffamées, tel n'aurait pas été le but poursuivi.

    92 La défenderesse relève que l'article 21, premier alinéa, du statut s'étend à toutes les obligations du fonctionnaire vis-à-vis de son institution, donc aussi en ce qui concerne le comité du personnel qui s'inscrit dans le cadre statutaire.

    93 La défenderesse souligne que le fait que les documents litigieux aient été diffusés dans le cadre d'une campagne électorale n'exonère pas le fonctionnaire de ses responsabilités. Étant donné que la campagne pour l'élection du comité du personnel se place dans le cadre statutaire et, ainsi, dans la sphère des relations existant entre le fonctionnaire et l'institution, l'obligation énoncée par l'article 21, premier alinéa, du statut serait applicable dans son intégralité.

    94 En ce qui concerne le droit du fonctionnaire de mettre en avant son éventuelle indépendance de langage lors d'une campagne électorale, la défenderesse considère qu'il peut certes affirmer son indépendance de pensée ou d'opinion, mais qu'il ne peut aucunement se livrer à des écarts de langage qui débouchent sur l'injure et portent atteinte à l'honneur de certaines personnes.

    95 A cet égard, la défenderesse déclare ne pouvoir admettre que, en vue d'être élu au comité du personnel, un fonctionnaire tienne des propos injurieux et diffamatoires contre les membres de la Cour des comptes, les juges du Tribunal, les ministres siégeant au Conseil, un parlementaire ou encore des collègues anciens et actuels.

    Appréciation du Tribunal

    96 Il y a lieu de rappeler que, selon l'article 21, premier alinéa, du statut, «le fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est tenu d'assister et de conseiller ses supérieurs» et qu'«il est responsable de l'exécution des tâches qui lui sont confiées». Cette disposition établit donc un devoir de loyauté et de coopération qui incombe à tout fonctionnaire vis-à-vis de l'institution dont il relève et de ses supérieurs (arrêt de la Cour du 14 décembre 1966, 3/66, Alfieri/Parlement, Rec. p. 633, 650 et 651, et arrêt Williams/Cour des comptes, précité, point 72).

    97 Le Tribunal considère que ce devoir de loyauté et de coopération ne comporte pas seulement des obligations positives, mais aussi, a fortiori, une obligation négative, l'obligation de s'abstenir, de manière générale, de conduites attentatoires à la dignité et au respect dus à l'institution et à ses autorités (voir arrêt Williams/Cour des comptes, précité, point 72).

    98 En l'espèce, le Tribunal estime que les propos tenus par le requérant dans ses deux écrits, qui ont été jugés injurieux et diffamatoires (voir ci-dessus point 67), sont, de par leur nature, constitutifs d'une grave violation du devoir de loyauté et de coopération qui incombe à tout fonctionnaire vis-à-vis de l'institution dont il relève et de ses supérieurs (voir arrêt Williams/Cour des comptes, précité, point 72). En effet, les affirmations injurieuses et diffamatoires du requérant contenues dans les tracts litigieux se réfèrent quasi exclusivement à la manière dont la Cour des comptes s'acquitte de sa mission de contrôle des comptes dans le cadre institutionnel de la Communauté. Ainsi, la portée du devoir de loyauté et de coopération qui incombe au requérant vis-à-vis de l'institution dont il relève et de ses supérieurs doit être appréciée à la lumière précisément du fait qu'il participe, en tant que fonctionnaire, à l'accomplissement de la mission de contrôle dévolue à la Cour des comptes, institution dont il relève.

    99 Le Tribunal relève également que le fait que les propos en cause ont été tenus dans le cadre d'une campagne pour l'élection du comité du personnel de la Cour des comptes ne saurait avoir d'incidence sur cette appréciation. En effet, l'observation de ce devoir de loyauté et de coopération ne s'impose pas seulement dans la réalisation des tâches spécifiques qui sont confiées au fonctionnaire, mais s'étend aussi à toute la sphère des relations existant entre le fonctionnaire et l'institution (voir arrêt Williams/Cour des comptes, précité, point 72).

    100 A cet égard, le Tribunal estime qu'une campagne électorale concernant un organe institué en vertu du statut fait partie de la sphère des relations existant entre le fonctionnaire et son institution et que l'obligation énoncée par l'article 21, premier alinéa, du statut ne saurait être méconnue à cette occasion.

    101 Enfin, quant à l'argument du requérant, selon lequel l'AIPN, dans la décision litigieuse, aurait méconnu le droit du fonctionnaire à la libre expression d'opinions, il suffit de remarquer que, en aucun cas, un tel droit ne saurait être exercé par la voie d'affirmations diffamatoires ou injurieuses.

    102 Le Tribunal estime, dès lors, que c'est à bon droit que la défenderesse a qualifié la diffusion des deux écrits comme constituant une violation de l'article 21, premier alinéa, du statut.

    103 Ce moyen doit donc être rejeté.

    Sur le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité et de l'absence de motivation pertinente

    Sur la portée du moyen

    - Arguments des parties

    104 Le requérant soutient que la décision attaquée viole le principe de proportionnalité et que sa motivation est inadéquate en ce qu'elle retient comme circonstances aggravantes des faits qui ne peuvent être qualifiés comme tels et en ce qu'elle ne donne pas l'importance qui leur revient à certaines circonstances atténuantes.

    105 La défenderesse estime qu'il n'y a pas eu violation du principe de proportionnalité et que la décision litigieuse est correctement motivée.

    - Appréciation du Tribunal

    106 Pour ce qui est de la violation du principe de proportionnalité, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le choix de la sanction adéquate appartient à l'AIPN, lorsque la réalité des faits retenus à la charge du fonctionnaire est établie (arrêts de la Cour du 30 mai 1973, De Greef/Commission, 46/72, Rec. p. 543, points 44 à 46, du 29 janvier 1985, F./Commission, 228/83, Rec. p. 275, point 34, et du 19 avril 1988, M./Conseil, 175/86 et 209/86, Rec. p. 1891, point 9, et arrêt Williams/Cour des comptes, précité, point 83), et que le juge communautaire ne saurait censurer le choix de la sanction disciplinaire par l'AIPN, à moins que la sanction infligée ne soit disproportionnée par rapport aux faits relevés à la charge du fonctionnaire (voir arrêt de la Cour du 4 février 1970, Van Eick/Commission, 13/69, Rec. p. 3, points 24 et 25).

    107 Quant à la question de savoir si une sanction disciplinaire est disproportionnée par rapport à la gravité des faits retenus, il convient de relever que la détermination de la sanction est fondée sur une évaluation globale par l'AIPN de tous les faits concrets et circonstances propres à chaque cas individuel, les articles 86 à 89 du statut ne prévoyant pas de rapports fixes entre les différentes sortes de manquements commis par les fonctionnaires et ne précisant pas dans quelle mesure l'existence de circonstances aggravantes ou atténuantes doit intervenir dans le choix de la sanction (arrêt de la Cour du 5 février 1987, F./Commission, 403/85, Rec. p. 645, point 26, et arrêt Williams/Cour des comptes, précité, point 83).

    108 L'examen du Tribunal se trouve, dès lors, limité à la question de savoir si la pondération des circonstances aggravantes et atténuantes par l'AIPN a été effectuée de façon proportionnée, étant précisé que, lors de cet examen, le Tribunal ne saurait se substituer à l'AIPN quant aux jugements de valeur portés à cet égard par celle-ci.

    109 Par conséquent, c'est dans ce cadre juridique qu'il convient d'apprécier les griefs du requérant relatifs à une prétendue violation du principe de proportionnalité. Ces griefs portent sur le bien-fondé des trois circonstances aggravantes retenues par l'AIPN à l'encontre du requérant dans sa décision du 24 juin 1993.

    Sur la première circonstance aggravante

    - Arguments des parties

    110 Le requérant estime que la première circonstance prétendument aggravante, à savoir que, si ses propos ont certes été diffusés dans des tracts électoraux, ils l'ont été par écrit et en de nombreux exemplaires et que tous les termes ont donc pu en être réfléchis et pesés, ne saurait être retenue à son encontre.

    111 Le requérant fait valoir, en premier lieu, que le fait que les conclusions de la commission médicale du 18 mai 1993 ont établi «qu'il n'est que partiellement responsable dans l'affaire de la rédaction et de la diffusion des deux documents en question» est de nature à rendre inexistante la circonstance aggravante en question. Il ne soutient pas qu'il est exonéré de sa responsabilité, mais que les troubles psychologiques dont il souffre ne permettent pas de soutenir que les termes qu'il a utilisés dans ses tracts électoraux avaient été réfléchis et pesés.

    112 Le requérant souligne, en second lieu, que, dans la décision litigieuse, l'AIPN n'a pas pris en compte le fait que les actes reprochés se sont produits pendant une campagne électorale et que des propos tenus au cours d'une telle campagne sont susceptibles de comporter certains excès de langage.

    113 La défenderesse fait valoir que le fait de n'être que partiellement responsable n'exonère pas le fonctionnaire de ses responsabilités statutaires.

    114 La défenderesse rappelle que la circonstance aggravante en question a été retenue parce que, lorsqu'une personne s'exprime par écrit, elle se relit et qu'un certain temps s'écoule inévitablement entre le premier projet et sa diffusion, surtout à grande échelle. Ces relectures permettraient au rédacteur de réfléchir et de peser le contenu de ses propos, ce qui ne serait pas le cas dans le feu d'une réunion, où l'on peut être emporté par les circonstances et la fougue oratoire sans pouvoir se reprendre. La circonstance aggravante reposerait donc sur la conscience certaine que le requérant a dû avoir du contenu des tracts.

    115 La défenderesse ajoute que l'orateur qui prétend parler au nom de ses collègues et les représenter est tenu à davantage encore de réflexion, de retenue et de respect d'autrui. Il serait très improbable que les fonctionnaires souhaitent être défendus par voie d'injures et de diffamations. La preuve en serait que le requérant n'a pas été élu au comité du personnel à l'issue de cette campagne puisqu'il n'a pu se classer que treizième sur 17 candidats.

    - Appréciation du Tribunal

    116 Le Tribunal ne saurait retenir le premier argument invoqué par le requérant selon lequel les termes utilisés n'auraient pas été réfléchis et pesés à cause de ses troubles psychologiques. En effet, s'il est établi que le requérant présente certains troubles psychologiques constatés dans l'avis de la commission médicale du 18 mai 1993, il est également vrai que, à plusieurs reprises au cours de la procédure disciplinaire, le requérant s'est expliqué sur le contenu de ses écrits et a montré qu'il y souscrivait pleinement. Ainsi, dans sa déclaration du 6 avril 1992, devant le secrétaire général de la Cour des comptes, à la question s'il se rendait compte qu'il avait porté des accusations très graves dans les deux documents et, de plus, sans aucun élément de preuve, le requérant a répondu : «Oui ... c'est pourquoi je persiste, parce que c'est grave.» De même, lors de son audition par le conseil de discipline, le requérant a confirmé à deux reprises être l'auteur «fier» («the proud author») de ces documents (voir le rapport du 10 juillet 1992, présenté par le rapporteur du conseil de discipline à ce dernier, annexé à l'avis dudit conseil). Le Tribunal estime que ces déclarations, faites plusieurs mois après la rédaction des documents en question, n'ont pu que confirmer l'appréciation de l'AIPN selon laquelle les termes utilisés avaient été réfléchis et pesés. En outre, il convient de relever que, comme il ressort du treizième considérant de la décision du 24 juin 1993, l'AIPN a vu une circonstance atténuante dans les circonstances familiales et personnelles du requérant.

    117 Le Tribunal ne saurait non plus retenir le second argument du requérant selon lequel les propos tenus au cours d'une campagne électorale sont susceptibles de comporter certains excès de langage. En effet, il convient de relever, en premier lieu, que le Tribunal a jugé (voir ci-dessus point 67) que les documents en cause contenaient des propos injurieux et diffamatoires et que rien ne peut justifier, même dans le cadre d'une campagne électorale, l'utilisation de ce type de langage. En second lieu, et à titre surabondant, il y a lieu de souligner que les affirmations injurieuses et diffamatoires du requérant dans les tracts litigieux se réfèrent quasi exclusivement à la manière dont la Cour des comptes s'acquitte de sa mission de contrôle des comptes dans le cadre institutionnel de la Communauté et que cette mission, qui est définie aux articles 188 A et 188 C du traité CE, ne fait, en aucun cas, l'objet des compétences exercées par le comité du personnel auquel le requérant souhaitait être élu. En effet, les compétences du comité du personnel, telles qu'elles sont définies à l'article 9 du statut, concernent exclusivement le fonctionnement interne d'une institution et la participation à la gestion du personnel. Aucune relation n'existait donc entre la fonction de l'organe à laquelle le requérant souhaitait être élu et le contenu de ses écrits. En conséquence, les affirmations contenues dans ces tracts ne sauraient être considérées comme étant susceptibles d'être justifiées par leur contexte électoral, étant donné leur absence totale de rapport avec les fonctions de l'organe à laquelle le requérant souhaitait être élu.

    118 Au surplus, il y a lieu de relever que l'avis du conseil de discipline du 10 juillet 1992 considérait comme une circonstance aggravante le fait que les propos injurieux et diffamatoires aient été formulés par écrit.

    119 Par conséquent, il y a lieu de rejeter le grief du requérant.

    Sur la deuxième circonstance aggravante - Arguments des parties

    120 Le requérant fait valoir que la deuxième circonstance aggravante alléguée par l'AIPN, à savoir que la diffusion des tracts à l'adresse de personnes étrangères à l'institution a dépassé les besoins de la campagne électorale, ne saurait être retenue. En effet, la défenderesse n'apporterait aucun élément probant et fonderait cette allégation sur de pures suppositions.

    121 La défenderesse précise que la décision litigieuse fonde la circonstance aggravante, d'une part, sur le fait que la diffusion des tracts a dépassé les besoins de la campagne électorale puisqu'elle a atteint les membres de la Cour des comptes et, d'autre part, sur le fait que des personnes étrangères, venues déjeuner au restaurant ou à la cafétéria de l'institution, en ont pris connaissance.

    122 La défenderesse rappelle que le requérant lui-même a reconnu que les tracts qu'il avait diffusés ont pu tomber entre les mains de personnes étrangères à la Cour des comptes qui étaient venues au restaurant ou à la cafétéria et qu'il avait envoyé les mêmes tracts à des personnes n'appartenant pas à l'institution.

    - Appréciation du Tribunal

    123 Le Tribunal estime que l'argument du requérant manque en fait. En effet, il y a lieu de rappeler qu'il a été jugé (voir ci-dessus point 81) que la diffusion interne et externe de ces tracts a été établie et que le requérant lui-même a reconnu que la diffusion de ces écrits au restaurant et à la cafétéria avait atteint des personnes étrangères à la Cour des comptes et qu'il en avait envoyé des copies à des personnalités en dehors de l'institution. Cette circonstance n'a d'ailleurs pas été démentie par le conseil du requérant lors de l'audience.

    124 En outre, il y a également lieu de relever que l'avis du conseil de discipline du 10 juillet 1992 considérait que la diffusion des documents en cause au restaurant et à la cafétéria de la Cour des comptes à un moment où des personnes étrangères à l'institution étaient présentes constituait une circonstance aggravante.

    125 Partant, il y a lieu de rejeter ce grief.

    Sur la troisième circonstance aggravante

    - Arguments des parties

    126 Le requérant expose que la troisième circonstance aggravante, à savoir qu'il serait récidiviste et qu'il n'aurait pas tiré parti des leçons du passé et particulièrement de l'arrêt Williams/Cour des comptes, précité, ne peut être retenue à son encontre ou, à tout le moins, qu'elle doit être largement modulée. Il fait valoir que c'est à tort que l'AIPN se réfère à l'arrêt que le Tribunal a rendu dans l'affaire T-146/89 parce que les circonstances de l'espèce sont totalement distinctes, puisqu'elles s'inscrivent dans le cadre exceptionnel d'une campagne électorale menée en vue de l'élection du comité du personnel. Le requérant ajoute qu'il y avait une volonté de sa part d'utiliser les moyens autorisés par le statut et de mener les actions qu'il estimait appropriées pour aboutir dans ses protestations.

    127 La défenderesse précise que la circonstance aggravante retenue ne consiste pas dans le fait que le requérant a eu recours à des actions inappropriées, mais dans le fait qu'il ait récidivé, c'est-à-dire qu'il ait eu recours à des actions comparables à celles qui lui avaient déjà valu des sanctions disciplinaires dans le passé. Elle relève que, dans la décision attaquée, l'AIPN a souligné cet élément de récidive en rappelant que, pour la deuxième de ces sanctions, le caractère illicite des propos tenus a été confirmé par le Tribunal et que le requérant ne pouvait donc ignorer qu'il manquait à nouveau gravement à ses obligations statutaires.

    - Appréciation du Tribunal

    128 Il y a lieu de préciser d'emblée que, comme la Cour des comptes l'a fait valoir à juste titre, la circonstance aggravante sous examen ne consiste pas dans le fait que le requérant a eu recours à des actions inappropriées, mais dans le fait qu'il a récidivé, c'est-à-dire qu'il a eu recours à des actions comparables à celles qui lui avaient déjà valu des sanctions disciplinaires dans le passé. A cet égard, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que, en dépit de la gravité des faits reprochés, l'administration est en droit de ne prononcer qu'une sanction légère, compte tenu de circonstances indépendantes des reproches invoqués, telle l'absence de toute sanction disciplinaire antérieure (arrêt de la Cour du 8 juillet 1965, Fonzi/Commission de la CEEA, 27/64 et 30/64, Rec. p. 615, 639). A contrario, il est permis de déduire de cette jurisprudence que l'AIPN peut prendre en considération, à titre de circonstance aggravante, l'existence d'une sanction disciplinaire antérieure.

    129 Le Tribunal constate qu'il ressort du dossier que le requérant avait déjà fait l'objet de deux sanctions disciplinaires pour des faits comparables à ceux du cas d'espèce. Par décision du 1er février 1984, l'AIPN de la Cour des comptes lui avait infligé un avertissement pour une note manquante de la plus élémentaire courtoisie vis-à-vis d'un supérieur. Par décision du 13 février 1989, l'AIPN de la Cour des comptes lui avait infligé la sanction de la suspension d'avancement d'échelon du 13 février 1989 au 16 octobre 1995 pour des écrits dont les termes avaient été considérés comme injurieux et diffamatoires à l'égard de la Cour des comptes, de ses membres et de ses agents. Contre cette dernière décision, le requérant a introduit devant le Tribunal un recours qui a donné lieu à l'arrêt Williams/Cour des comptes, précité, lequel a entièrement confirmé la sanction imposée au requérant.

    130 Dès lors, la circonstance que les faits à l'origine du présent litige se situent dans le cadre d'une campagne électorale au sein de l'institution, tandis que, dans les précédentes procédures disciplinaires, les faits imputés au requérant s'inscrivaient dans un cadre différent, n'est pas de nature à infirmer l'appréciation portée par l'AIPN sur le caractère récidiviste du comportement du requérant.

    131 Au surplus, il y a lieu de constater que les notes qui se trouvaient à l'origine de la sanction disciplinaire qui a fait l'objet de l'arrêt Williams/Cour des comptes, précité, et les tracts en raison desquels la sanction de la révocation a été prononcée à l'égard du requérant ont été qualifiés comme contenant des propos injurieux et diffamatoires à l'égard des membres de la Cour des comptes.

    132 Enfin, il y a lieu de relever que l'avis du conseil de discipline du 10 juillet 1992 considérait que l'existence de sanctions disciplinaires antérieures pour des écrits jugés discourtois, calomnieux ou diffamatoires constituait une circonstance aggravante.

    133 Le Tribunal estime donc que la défenderesse était habilitée à prendre en considération comme circonstance aggravante le fait que le requérant avait déjà fait l'objet de deux sanctions disciplinaires pour des faits comparables à ceux de l'espèce.

    134 Dès lors, le grief du requérant doit être rejeté.

    135 Au vu de tout ce qui précède, le Tribunal considère qu'aucun élément ne permet de conclure que la sanction infligée soit disproportionnée par rapport au comportement reproché ainsi qu'aux circonstances aggravantes retenues à juste titre par l'AIPN.

    136 Le Tribunal considère qu'il découle également de l'ensemble des considérations qui précèdent que la décision attaquée contient une motivation appropriée en ce qu'elle précise de façon claire les faits retenus à la charge du requérant ainsi que les éléments d'appréciation qui ont amené l'AIPN à adopter la sanction de la révocation.

    137 Par conséquent, il y a lieu de rejeter ce moyen.

    138 Il découle de tout ce qui précède que la demande en annulation doit donc être rejetée comme non fondée.

    B - Sur les autres demandes

    139 Quant à la demande visant à ce que le requérant soit réintégré dans toutes ses fonctions, le Tribunal rappelle que le juge communautaire ne saurait, sans empiéter sur les prérogatives de l'autorité administrative, adresser des injonctions à une institution communautaire (voir arrêt du Tribunal du 10 avril 1992, Bollendorff/Parlement, T-15/91, Rec. p. II-1679, point 57). Cette demande doit, dès lors, être rejetée comme irrecevable.

    140 Étant donné que la demande en annulation n'est pas fondée, les autres demandes formulées pour le cas où la décision de révocation serait annulée deviennent sans objet.

    141 Il s'ensuit de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

    Décisions sur les dépenses


    Sur les dépens

    142 Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Le requérant ayant succombé en ses moyens et la Cour des comptes ayant conclu à ce que le Tribunal statue sur les dépens comme de droit, chacune des parties supportera ses propres dépens.

    Dispositif


    Par ces motifs,

    LE TRIBUNAL

    (cinquième chambre)

    déclare et arrête:

    1) Le recours est rejeté.

    2) Chacune des parties supportera ses propres dépens.

    Začiatok