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Document 62021CO0161

    Uznesenie Súdneho dvora (deviata komora) zo 4. októbra 2021.
    Comune di Camerota.
    Návrh na začatie prejudiciálneho konania, ktorý podal Corte dei conti - Sezione regionale di controllo per la Campania.
    Návrh na začatie prejudiciálneho konania – Článok 53 ods. 2 Rokovacieho poriadku Súdneho dvora – Smernica 2011/85/EÚ – Smernica 2011/7/EÚ – Hospodárska a menová politika – Miestny orgán vo finančných ťažkostiach – Finančný plán na nápravu – Vnútroštátna právna úprava, ktorá pozastavuje vyšetrovacie právomoci Dvora audítorov z dôvodu zdravotnej krízy súvisiacej s pandémiou COVID‑19 – Článok 267 ZFEÚ – Pojem ‚vnútroštátny súdny orgán‘ – Neexistencia sporu pred vnútroštátnym súdom – Zjavná neprípustnosť.
    Vec C-161/21.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:833

    ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

    4 octobre 2021 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Directive 2011/85/UE – Directive 2011/7/UE – Politique économique et monétaire – Collectivité locale en difficulté financière – Plan financier de rééquilibrage – Réglementation nationale suspendant les pouvoirs d’instruction de la Cour des comptes en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de COVID-19 – Article 267 TFUE – Notion de “juridiction nationale” – Absence de litige devant l’instance de renvoi – Irrecevabilité manifeste »

    Dans l’affaire C‑161/21,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par la Corte dei conti – Sezione regionale di controllo per la Campania (Cour des comptes – chambre régionale de contrôle pour la Campanie, Italie), par décision du 9 mars 2021, parvenue à la Cour le 10 mars 2021, dans la procédure

    Comune di Camerota

    LA COUR (neuvième chambre),

    composée de M. N. Piçarra, président de chambre, M. D. Šváby (rapporteur) et Mme K. Jürimäe, juges,

    avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, de l’article 6, paragraphe 1, sous b), et de l’article 12 de la directive 2011/85/UE du Conseil, du 8 novembre 2011, sur les exigences applicables aux cadres budgétaires des États membres (JO 2011, L 306, p. 41), ainsi que des articles 1er et 4 de la directive 2011/7/UE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 2011, concernant la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales (JO 2011, L 48, p. 1).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure portant sur l’examen, par la Corte dei conti – Sezione regionale di controllo per la Campania (Cour des comptes – chambre régionale de contrôle pour la Campanie, Italie), de la restructuration du plan pluriannuel de rééquilibrage financier du Comune di Camerota (commune de Camerota, Italie).

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

     La directive 2011/85

    3        L’article 3, paragraphe 1, de la directive 2011/85 dispose :

    « En ce qui concerne les systèmes nationaux de comptabilité publique, les États membres disposent de systèmes de comptabilité publique couvrant de manière exhaustive et cohérente tous les sous-secteurs des administrations publiques et contenant les informations nécessaires à la production de données fondées sur les droits constatés en vue de la préparation de données établies sur la base des normes du [système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté, adopté par le règlement (CE) no 2223/96 du Conseil, du 25 juin 1996, relatif au système européen des comptes nationaux et régionaux dans la Communauté (JO 1996, L 310, p. 1)]. Ces systèmes de comptabilité publique sont soumis à un contrôle interne et à un audit indépendant. »

    4        L’article 6, paragraphe 1, sous b), de cette directive prévoit :

    « Sans préjudice des dispositions du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne relatives au cadre de surveillance budgétaire de l’Union, les règles budgétaires chiffrées spécifiques à chaque pays précisent les éléments tels que les suivants :

    [...]

    b)      le suivi efficace et en temps utile du respect des règles, sur la base d’analyses fiables et indépendantes réalisées par des organismes indépendants ou jouissant d’une autonomie fonctionnelle à l’égard des autorités budgétaires des États membres ».

    5        Aux termes de l’article 12 de ladite directive :

    « Les États membres veillent à ce que toutes les mesures prises pour se conformer aux chapitres II, III et IV soient cohérentes entre les différents sous-secteurs des administrations publiques et couvrent tous ces sous-secteurs. Cette disposition implique, notamment, la cohérence des règles et procédures comptables et l’intégrité des systèmes sous-jacents de collecte et de traitement des données. »

     La directive 2011/7

    6        L’article 1er de la directive 2011/7 dispose :

    « 1.      Le but de la présente directive est la lutte contre le retard de paiement dans les transactions commerciales, afin d’assurer le bon fonctionnement du marché intérieur, en améliorant ainsi la compétitivité des entreprises et en particulier des [petites et moyennes entreprises (PME)].

    2.      La présente directive s’applique à tous les paiements effectués en rémunération de transactions commerciales.

    3.      Les États membres peuvent exclure les créances qui sont soumises à une procédure d’insolvabilité à l’encontre du débiteur, y compris les procédures tendant à une restructuration de la dette. »

    7        L’article 4 de cette directive expose les conditions applicables aux « [t]ransactions entre entreprises et pouvoirs publics », dans lesquelles le débiteur est un pouvoir public.

     Le droit italien

    8        L’article 20, paragraphe 1, de la legge n. 243 Disposizioni per l’attuazione del principio del pareggio di bilancio ai sensi dell’articolo 81, sesto comma, della Costituzione (loi no 243 – Dispositions pour la mise en œuvre du principe de l’équilibre budgétaire, adoptées en vertu de l’article 81, sixième alinéa, de la constitution), du 24 décembre 2012 (GURI no 12, du 15 janvier 2013), prévoit que la Corte dei conti (Cour des comptes) exerce le contrôle ex post de la gestion des budgets des régions et des entités locales aux fins de la coordination des finances publiques et de l’équilibre budgétaire.

    9        Le decreto-legge n. 174 Disposizioni urgenti in materia di finanza e funzionamento degli enti territoriali, nonché ulteriori disposizioni in favore delle zone terremotate nel maggio 2012 (décret-loi no 174 – Dispositions urgentes en matière de finances et de fonctionnement des entités territoriales et autres dispositions en faveur des zones frappées par un séisme en mai 2012), du 10 octobre 2012 (GURI no 237, du 10 octobre 2012), converti en loi, avec modifications, par la loi no 213 du 7 décembre 2012 (supplément ordinaire à la GURI no 286, du 7 décembre 2012) (ci–après le « décret-loi no 174/2012 ») prévoit le renforcement de ces contrôles budgétaires. L’article 3, paragraphe 1, sous r), du décret-loi no 174/2012 introduit la procédure de rééquilibrage financier pluriannuel dans l’ordre juridique italien. L’article 3, paragraphe 1, sous e), de ce décret-loi confie l’approbation de cette procédure aux Sezioni regionali di controllo della Corte dei conti (chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes, Italie).

    10      L’article 3, paragraphe 1, sous r), du décret-loi no 174/2012 a notamment inséré les articles 243 bis à 243 quater dans le decreto legislativo n. 267 Testo unico delle leggi sull’ordinamento degli enti locali (décret législatif no 267 – Texte consolidé des lois coordonnées sur l’organisation des entités locales), du 18 août 2000 (supplément ordinaire à la GURI no 227, du 28 septembre 2000, ci–après le « Tuel »). Ces dispositions prévoient une procédure de rééquilibrage financier pluriannuel auxquelles peuvent recourir les communes et les provinces lorsque « des déséquilibres budgétaires structurels sont susceptibles de provoquer l’ébranlement [(dissesto) de la situation financière] de l’entité concernée ». Cette procédure est ainsi destinée à prévenir une telle situation et à rétablir l’équilibre financier de cette entité.

    11      Aux termes de l’article 243 quater du Tuel, la procédure d’examen du plan de rééquilibrage adopté par l’entité concernée comporte deux phases. La phase d’instruction est confiée à la Commissione per la stabilità finanziaria degli Enti locali (commission pour la stabilité financière des entités locales, Italie), qui est un organe administratif opérant auprès du Ministero dell’Interno (ministère de l’Intérieur, Italie). Quant à la phase décisionnelle, elle incombe aux chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes. Celles-ci se prononcent, dans un délai de 30 jours à compter de la réception du rapport final, « sur l’approbation ou le rejet du plan, en évaluant son caractère approprié aux fins du rééquilibrage ».

    12      En vertu de l’article 243 bis, paragraphe 4, du Tuel, « les procédures d’exécution entreprises à l’encontre de l’entité [par ses créanciers] sont suspendues » durant la période comprise entre la décision du conseil communal de recourir à la procédure de rééquilibrage financier pluriannuel et la décision de la magistrature comptable.

    13      Conformément à l’article 243 quater, paragraphe 5, du Tuel et à l’article 11, paragraphe 6, du decreto legislativo n. 174  Codice di giustizia contabile, adottato ai sensi dell’articolo 20 della legge 7 agosto 2015, n. 124 (décret législatif no 174 – Code de justice comptable, adopté en vertu de l’article 20 de la loi no 124 du 7 août 2015), du 26 août 2016 (supplément ordinaire à la GURI no 209, du 7 septembre 2016), la décision de la chambre régionale de contrôle de la Cour des comptes qui approuve ou rejette le plan de rééquilibrage peut être attaquée, dans les trente jours, au moyen d’un recours direct, devant les chambres réunies de cette même instance, qui statuent sur ce recours en premier et dernier ressort et qui siègent en formation spéciale.

    14      Il découle de cette dernière disposition que les décisions rendues en matière de plans de rééquilibrage font l’objet d’un contrôle de légalité qui s’inscrit dans un cadre juridictionnel unitaire et intégré, constitué de deux phases qui se déroulent devant deux organes différents de la Cour des comptes. La première phase non contentieuse se déroule devant les chambres territoriales de contrôle de cette cour, lesquelles statuent, par des décisions ayant des effets contraignants, sur la conformité des budgets aux règles de droit objectif, à l’exclusion de toute appréciation qui ne serait pas d’ordre strictement juridique. La seconde phase, qui est, quant à elle, contentieuse, ne s’ouvre que si la décision de la chambre régionale de contrôle est attaquée au moyen d’un recours devant les chambres réunies siégeant en formation spéciale. Si la décision de la chambre régionale de contrôle n’est pas attaquée devant les chambres réunies, elle est susceptible de passer en force de chose jugée.

    15      Intitulé « Soutien aux entités en déficit structurel », l’article 53 du decreto-legge n. 104 Misure urgenti per il sostegno e il rilancio dell’economia (décret-loi no 104 Mesures urgentes de soutien et de relance de l’économie), du 14 août 2020 (supplément ordinaire à la GURI no 203, du 14 août 2020), converti en loi, avec modifications, par la loi no 126 du 13 octobre 2020 (supplément ordinaire à la GURI no 253, du 13 octobre 2020) (ci–après le « décret-loi no 104/2020 »), dispose, à ses paragraphes 8 à 10 :

    « 8.      En considération de la situation extraordinaire de crise sanitaire découlant de la diffusion de l’épidémie de Covid-19, pour les entités locales dont le plan de rééquilibrage financier pluriannuel prévu à l’article 243 bis du Tuel a été approuvé, les délais fixés et impartis par décisions ou notes d’instruction des chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes sont suspendus jusqu’au 30 juin 2021, même s’ils ont déjà commencé à courir.

    9.      Pour les entités visées au paragraphe 8, sont également suspendues, jusqu’au 30 juin 2021, les procédures d’exécution entreprises contre elles à quelque titre que ce soit [...]. Les procédures d’exécution éventuellement entreprises en violation de la première phrase n’entraînent pas de blocage de sommes ni de limitation de l’activité du trésorier.

    10.      Les dispositions des paragraphes 8 et 9 s’appliquent également aux procédures en cours. »

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    16      Au début de l’année 2013, constatant que son budget présentait des déséquilibres structurels susceptibles d’entraîner un ébranlement (dissesto) de sa situation financière, la commune de Camerota a décidé de recourir à la procédure de rééquilibrage financier pluriannuel prévue à l’article 243 bis, paragraphe 1, du Tuel. Pour ce faire, elle a adopté un plan de rééquilibrage financier pluriannuel dont la durée a été fixée à 10 ans (de 2013 à 2022), lequel a été approuvé, le 20 mai 2015, par l’instance de renvoi, la Corte dei conti – Sezione regionale di controllo per la Campania (Cour des comptes – chambre régionale de contrôle pour la Campanie), conformément à l’article 243 quater, paragraphe 3, du Tuel.

    17      Au début de l’année 2018, cette commune s’est prévalue de la faculté de restructurer ce plan de rééquilibrage. Elle a, en conséquence, adopté, le 26 février 2018, un plan de rééquilibrage restructuré, qu’elle a transmis au ministère de l’Intérieur et à l’instance de renvoi le 22 février 2018.

    18      L’instance de renvoi a estimé qu’elle ne disposait pas d’éléments suffisants pour apprécier le caractère approprié aux fins du rééquilibrage du plan restructuré présenté par la commune de Camerota. Aussi a-t-elle souhaité compléter l’instruction.

    19      Cette instance relève toutefois que, eu égard à la situation extraordinaire de crise sanitaire causée par l’épidémie de Covid-19, ses pouvoirs d’instruction ont été suspendus, du 15 août 2020 au 30 juin 2021, en vertu de l’article 53, paragraphe 8, du décret-loi no 104/2020. En outre, l’article 53, paragraphe 9, de ce décret-loi paralyserait les actions en exécution dirigées contre des entités locales qui se trouvent dans une situation de déséquilibre structurel grave et qui mettent en œuvre une trajectoire d’assainissement.

    20      Cette suspension aggraverait cependant les sacrifices imposés, en termes de désintéressement, aux créanciers des entités admises à la procédure de rééquilibrage. Or, il s’agirait essentiellement d’entreprises sur lesquelles la crise économique engendrée par la situation épidémique pèse encore plus lourdement que sur les pouvoirs publics. Aussi l’instance de renvoi doute-t-elle de la compatibilité de cette réglementation nationale avec le droit de l’Union.

    21      En premier lieu, compte tenu tant du caractère obligatoire des directives que du principe de coopération loyale énoncé à l’article 4, paragraphe 3, TUE, la directive 2011/85 imposerait aux États membres une obligation de non–régression et, partant, leur interdirait d’abroger ou de suspendre purement et simplement l’effet des mesures nationales de transposition de cette directive.

    22      En deuxième lieu, en suspendant les pouvoirs d’instruction attribués aux chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes, notamment en matière de rééquilibrage des finances des entités locales, l’article 53, paragraphe 8, du décret-loi no 104/2020 paralyserait les fonctions de contrôle juridictionnel en matière comptable attribuées à une magistrature indépendante. Ce faisant, ce décret-loi méconnaîtrait diverses dispositions du droit de l’Union, telles que l’article 19 TUE, qui concrétise la valeur de l’État de droit énoncée à l’article 2 TUE, ainsi que la directive 2011/85 qui promeut le suivi indépendant du respect des règles budgétaires au niveau national. L’instance de renvoi estime également que, en empêchant non seulement l’exercice des fonctions du juge comptable dans la phase non contentieuse de la procédure d’examen du plan de rééquilibrage, mais aussi la possibilité d’introduire un recours devant les chambres réunies siégeant en formation spéciale, l’article 53, paragraphe 8, du décret-loi no 104/2020 constitue une violation des principes de l’État de droit, au sens de l’article 3, sous c), et de l’article 4, paragraphe 2, sous b) et d), du règlement (UE, Euratom) 2020/2092 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2020, relatif à un régime général de conditionnalité pour la protection du budget de l’Union (JO 2020, L 433 I, p. 1).

    23      En effet, l’obligation de disposer d’un organe indépendant qui suive le respect des règles budgétaires et celle d’assurer une protection juridictionnelle effective dans ce domaine seraient intangibles, de sorte que les États membres ne sauraient y déroger, fût-ce à titre temporaire.

    24      La possibilité de mettre en œuvre des clauses de sauvegarde lors d’une phase de crise concernerait ainsi uniquement les règles matérielles, en particulier les contraintes budgétaires qui, dans certaines limites et selon des procédures rigoureuses, pourraient faire l’objet de dérogations temporaires, à l’exclusion des fonctions de contrôle juridictionnel attribuées à la Cour des comptes. Il devrait en aller d’autant plus ainsi que cette instance devrait vérifier que ces dérogations sont conformes à la finalité de lutte contre la crise dans laquelle elles s’inscrivent et qu’elles respectent les principes généraux du droit de l’Union de proportionnalité, de coopération loyale et de l’effet utile.

    25      En troisième lieu, l’instance de renvoi relève que, dans l’arrêt du 28 janvier 2020, Commission/Italie (Directive lutte contre le retard de paiement) (C‑122/18, EU:C:2020:41), la Cour a déclaré que, en ne veillant pas à ce que ses pouvoirs publics respectent de manière effective les délais de paiement établis à l’article 4, paragraphes 3 et 4, de la directive 2011/7, la République italienne avait manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de ces dispositions.

    26      L’instance de renvoi, qui entend solliciter des éclaircissements de la Cour quant à la portée du droit de l’Union applicable à la procédure dont elle est saisie, s’estime compétente pour procéder à un renvoi préjudiciel, sur le fondement de l’article 267, deuxième alinéa, TFUE, puisque les décisions des chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes relatives aux plans de rééquilibrage financiers pluriannuels sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant les chambres réunies de la Cour des comptes siégeant en formation spéciale.

    27      C’est dans ce contexte que la Corte dei conti – Sezione regionale di controllo per la Campania (Cour des comptes – chambre régionale de contrôle pour la Campanie) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      L’article 2 (pour ce qui concerne en particulier le principe de l’État de droit) et l’article 19 TUE, l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’article 120, paragraphe 1, et l’article 126, paragraphe 1, TFUE, l’article 3, paragraphe 1, l’article 6, paragraphe 1, sous b), et l’article 12 de la [directive 2011/85], ainsi que les principes du droit de l’Union de proportionnalité, de coopération loyale et de l’effet utile, qui découlent des articles 4 et 5 TUE, s’opposent-ils à l’interprétation et à l’application d’une réglementation nationale de crise, comme celle qui figure à l’article 53, paragraphe 8, du [décret-loi no 104/2020], en ce sens que cette réglementation empêche, fût-ce à titre temporaire (du 15 août 2020 au 30 juin 2021 et, partant, bien au-delà de la durée de l’état de crise), le contrôle juridictionnel effectif et en temps utile du respect des règles budgétaires qui est confié, en vertu du cadre juridique constitutionnel et législatif interne, à une magistrature indépendante, spécialisée dans la matière comptable, telle que la Corte di conti (Cour des comptes), en suspendant, en particulier, les fonctions juridictionnelles de contrôle à l’égard des entités locales qui se trouvent dans une situation de déséquilibre structurel grave susceptible d’entraîner l’ébranlement [(dissesto) de leur situation financière] et se sont engagées sur une trajectoire d’assainissement de longue durée et qui auraient besoin – précisément pour cette raison, ainsi qu’en raison des difficultés découlant de la crise sanitaire – plus que les autres entités, d’être assujetties à un suivi indépendant, effectif et en temps utile, qui évite que la crise financière ne s’aggrave et que la déviation de la trajectoire d’assainissement ne devienne irréversible et ne conduise à l’ébranlement [de la situation financière] de cette entité ?

    2)      L’article 3, paragraphe 3, TUE, l’article 3, paragraphe 1, sous b), l’article 119, paragraphes 1 et 2, et l’article 120 TFUE, les articles 1er et 4 de la [directive 2011/7], ainsi que le protocole (no 27) sur le marché intérieur et la concurrence[, annexé au traité UE et au traité FUE,] s’opposent-ils à l’interprétation et à l’application d’une réglementation nationale de crise, comme celle qui figure à l’article 53, paragraphe 9, du [décret-loi no 104/2020], en ce sens que cette réglementation permet un nouveau cas de suspension, du 15 août 2020 au 30 juin 2021, des procédures d’exécution entreprises par les créanciers contre les entités dont le plan de rééquilibrage a été approuvé, suspension qui est motivée uniquement par la crise sanitaire et qui s’ajoute à celle dont ces entités ont déjà bénéficié en vertu des dispositions combinées de l’article 243 bis, paragraphe 4, et de l’article 243 quater, paragraphe 5, du Tuel, sans que cette suspension donne lieu à une procédure collective offrant des modalités de remplacement pour la satisfaction des créanciers, avec les conséquences qu’entraîne cette nouvelle et longue suspension des procédures d’exécution en termes de nouvelle aggravation du retard de paiement des pouvoirs publics et, partant, de protection de la concurrence et de la compétitivité des entreprises créancières ? »

    28      L’instance de renvoi sollicite l’application de la procédure accélérée prévue à l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, compte tenu, d’une part, du caractère temporaire des mesures de crise en cause au principal et, d’autre part, de la nécessité de prévenir une aggravation de la crise financière en évitant que la déviation éventuelle de la trajectoire d’assainissement ne devienne irréversible et ne conduise à l’ébranlement (dissesto) de la situation financière de la commune de Camerota.

     Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

    29      Dans le cadre de la présente demande de décision préjudicielle, il convient de faire application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, en vertu duquel lorsqu’une demande est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

    30      Selon une jurisprudence constante de la Cour, pour apprécier si l’organisme de renvoi possède le caractère d’une « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, question qui relève uniquement du droit de l’Union, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de l’organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 1966, Vaassen-Göbbels, 61/65, EU:C:1966:39, p. 395 ; ordonnance du 26 novembre 1999, RAI, C‑440/98, EU:C:1999:590, point 11, et arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander, C‑274/14, EU:C:2020:17, point 51).

    31      En outre, les juridictions nationales ne sont habilitées à saisir la Cour que si un litige est pendant devant elles et si elles sont appelées à statuer dans le cadre d’une procédure destinée à aboutir à une décision de caractère juridictionnel (voir, en ce sens, ordonnances du 5 mars 1986, Greis Unterweger, 318/85, EU:C:1985:106, point 4 ; du 26 novembre 1999, RAI, C‑440/98, EU:C:1999:590, point 12 ; arrêt du 19 décembre 2012, Epitropos tou Elegktikou Synedriou, C‑363/11, EU:C:2012:825, point 19, et ordonnance du 25 avril 2018, Secretaria Regional de Saúde dos Açores, C‑102/17, EU:C:2018:294, point 33).

    32      À cet égard, il convient de déterminer l’habilitation d’un organisme à saisir la Cour selon des critères tant structurels que fonctionnels. À cet égard, un organisme national peut être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, lorsqu’il exerce des fonctions juridictionnelles, tandis que, dans l’exercice d’autres fonctions, notamment de nature administrative, cette qualification ne peut lui être reconnue. Il s’ensuit que, pour établir si un organisme national, auquel la loi confie des fonctions de nature différente, doit être qualifié de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, il est nécessaire de vérifier quelle est la nature spécifique des fonctions qu’il exerce dans le contexte normatif particulier dans lequel il est appelé à saisir la Cour (ordonnances du 26 novembre 1999, RAI, C‑440/98, EU:C:1999:590, points 13 et 14 ; du 26 novembre 1999, ANAS, C‑192/98, EU:C:1999:589, points 22 et 23, ainsi que arrêt du 31 janvier 2013, Belov, C‑394/11, EU:C:2013:48, points 40 et 41).

    33      Dans le cadre de cet examen, est sans incidence le fait que d’autres sections de l’organisme concerné, voire la section même qui a saisi la Cour mais agissant dans l’exercice d’autres fonctions que celles qui sont à l’origine de cette saisine, doivent être qualifiées de « juridictions », au sens de l’article 267 TFUE (ordonnances du 26 novembre 1999, RAI, C‑440/98, EU:C:1999:590, point 14, et du 26 novembre 1999, ANAS, C‑192/98, EU:C:1999:589, point 23).

    34      En l’occurrence, afin d’établir sa qualité de « juridiction », au sens de l’article 267 TFUE, l’instance de renvoi relève que les contrôles de légalité effectués sur les budgets locaux sont nécessaires pour assurer le respect des obligations souscrites par la République italienne envers l’Union en matière de politiques budgétaires. En outre, le contrôle des comptes publics étant obligatoire en vertu de la réglementation nationale et consistant à vérifier la conformité de certains faits juridiques et comptables à une règle de droit précise, à l’exclusion de toute appréciation qui ne serait pas d’ordre strictement juridique, le juge comptable exercerait ce contrôle sous la forme juridictionnelle, avec toutes les garanties subjectives et procédurales qui découlent de cette qualification. La fonction assumée par l’instance de renvoi dans la présente affaire se distinguerait ainsi du contrôle a posteriori effectué à des fins d’avis (controlli–referto), à propos duquel la Cour a considéré, dans l’ordonnance du 26 novembre 1999, ANAS (C‑192/98, EU:C:1999:589), que la magistrature comptable n’exerçait pas de fonction juridictionnelle. L’instance de renvoi relève enfin que la Corte costituzionale (Cour constitutionnelle, Italie) admet que les chambres territoriales de la Cour des comptes puissent la saisir de questions incidentes de constitutionnalité, notamment dans le cadre de leurs fonctions de contrôle en matière de plans de rééquilibrage, dès lors que ces chambres territoriales constituent un « juge » et qu’elles interviennent dans le cadre d’un « procès ».

    35      En dépit des éléments avancés par l’instance de renvoi, tels que rappelés au point précédent, il n’apparaît pas que celle-ci exerce une fonction juridictionnelle, au sens de la jurisprudence citée aux points 30 et 31 de la présente ordonnance, dans le cadre de la procédure de rééquilibrage financier pluriannuel des entités locales, telle que régie par les articles 243 bis à 243 quater du Tuel.

    36      Ainsi que cela a été rappelé au point 11 de la présente ordonnance, il ressort de la décision de renvoi que cette instance, en tant que chambre régionale de contrôle de la Cour des comptes intervient, au titre de l’article 243 quater du Tuel, dans le cadre de la procédure d’examen du plan de rééquilibrage. Cette procédure d’examen fait intervenir successivement la commission pour la stabilité financière des entités locales, puis les chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes. Cette commission, qui est un organe administratif rattaché au ministère de l’Intérieur, est chargée de l’instruction de la décision d’une entité locale de recourir à la procédure de rééquilibrage financier pluriannuel. Dans ce dispositif, les chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes doivent, conformément à l’article 243 quater, paragraphe 3, du Tuel, se prononcer, dans les 30 jours suivant la réception du rapport final de ladite commission, « sur l’approbation ou le rejet du plan, en évaluant son caractère approprié aux fins du rééquilibrage ».

    37      En confiant aux chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes la responsabilité de la phase décisionnelle de la procédure d’examen d’un plan de rééquilibrage, l’article 243 quater du Tuel suggère que celles-ci sont chargées de se prononcer sur l’approbation ou le rejet de ce plan et de clôturer une procédure de contrôle préalable de légalité avant, le cas échéant, d’homologuer la décision de l’entité locale de recourir à la procédure de rééquilibrage financier pluriannuel, ce qui constitue une fonction administrative et non pas juridictionnelle.

    38      En outre, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle et que cela a été rappelé au point 14 de la présente ordonnance, les décisions rendues en matière de plans de rééquilibrage font l’objet d’un contrôle de légalité constitué de deux phases qui se déroulent devant deux organes différents de la magistrature comptable. Or, la première de ces phases, qui consiste, pour les chambres régionales de contrôle de la Cour des comptes, à apprécier la légalité de la décision d’une entité locale de recourir à la procédure de rééquilibrage financier pluriannuel, est expressément qualifiée par l’instance de renvoi de « phase non contentieuse ». Celle-ci peut d’ailleurs être suivie d’une « phase contentieuse », lorsque la décision de la chambre régionale est contestée devant les chambres réunies de la Cour des comptes siégeant en formation spéciale.

    39      Par ailleurs, le cadre factuel et réglementaire de l’affaire au principal, tel que décrit par l’instance de renvoi, ne permet pas d’identifier un litige dont celle-ci serait saisie et qu’elle serait appelée à trancher dans le cadre de la procédure en cause.

    40      Les éléments mentionnés aux points 37 à 39 de la présente ordonnance constituent des indices du caractère administratif et non pas juridictionnel de la décision que l’instance de renvoi est appelée à rendre dans la procédure ayant conduit à la présente demande de décision préjudicielle.

    41      Au vu des considérations qui précèdent, la demande de décision préjudicielle introduite par la Corte dei conti – Sezione regionale di controllo per la Campania (Cour des comptes – chambre régionale de contrôle pour la Campanie) doit être déclarée manifestement irrecevable. Dans ces conditions, la demande visant à soumettre la présente affaire à une procédure accélérée, en application de l’article 105, paragraphe 1, du règlement de procédure, est devenue sans objet.

     Sur les dépens

    42      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant l’instance de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) ordonne :

    La demande de décision préjudicielle introduite par la Corte dei conti – Sezione regionale di controllo per la Campania (Cour des comptes – chambre régionale de contrôle pour la Campanie, Italie), par décision du 9 mars 2021, est manifestement irrecevable.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’italien.

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