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Document 62016CJ0202

    Rozsudok Súdneho dvora (desiata komora) z 27. apríla 2017.
    Európska komisia proti Grécka republika.
    Nesplnenie povinnosti členským štátom – Životné prostredie – Nakladanie s odpadom – Smernice 2008/98/ES a 1999/31/ES – Skládka odpadu v Temploni (Grécko).
    Vec C-202/16.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:318

    ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

    27 avril 2017 (*)

    « Manquement d’État – Environnement – Gestion des déchets – Directives 2008/98/CE et 1999/31/CE – Site de mise en décharge des déchets de Temploni (Grèce) »

    Dans l’affaire C‑202/16,

    ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 12 avril 2016,

    Commission européenne, représentée par Mmes M. Patakia et E. Sanfrutos Cano, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

    partie requérante,

    contre

    République hellénique, représentée par Mme E. Skandalou, en qualité d’agent,

    partie défenderesse,

    LA COUR (dixième chambre),

    composée de Mme M. Berger, président de chambre, MM. A. Borg Barthet et F. Biltgen (rapporteur), juges,

    avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en tolérant une exploitation du site de mise en décharge de déchets de Temploni (Grèce) ne répondant pas aux conditions et aux exigences fixées par la législation environnementale de l’Union européenne, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives (JO 2008, L 312, p. 3), ainsi que de l’article 8, sous a), de l’article 11, paragraphe 1, et de l’annexe I de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets (JO 1999, L 182, p. 1).

     Le cadre juridique

    2        L’article 13 de la directive 2008/98, intitulé « Protection de la santé humaine et de l’environnement », dispose :

    « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment :

    a)      sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune ou la flore ;

    b)      sans provoquer de nuisances sonores ou olfactives ; et

    c)      sans porter atteinte aux paysages et aux sites présentant un intérêt particulier. »

    3        Aux termes de l’article 8, sous a), de la directive 1999/31 :

    « Les États membres prennent des mesures pour que :

    a)      une autorisation de décharge ne soit délivrée par l’autorité compétente que si les conditions suivantes sont réunies :

    i)      sans préjudice de l’article 3, paragraphes 4 et 5, le projet de décharge est conforme à toutes les exigences pertinentes de la présente directive, y compris ses annexes ;

    ii)      la gestion du site de mise en décharge est confiée à une personne physique techniquement compétente pour gérer le site ; la formation professionnelle et technique des exploitants et du personnel de la décharge est assurée ;

    iii)      l’exploitation de la décharge comporte les mesures nécessaires pour éviter les accidents et en limiter les conséquences ;

    [...] »

    4        L’article 11 de ladite directive, intitulé « Procédure d’admission des déchets », prévoit, à son paragraphe 1 :

    « Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que, avant l’admission des déchets sur le site de décharge :

    a)      le détenteur ou l’exploitant, avant la livraison ou au moment de celle-ci, ou lors de la première d’une série de livraisons d’un même type de déchets, puisse prouver, au moyen de la documentation appropriée, que les déchets en question peuvent être admis dans le site conformément aux conditions définies dans l’autorisation et qu’ils répondent aux critères d’admission fixés à l’annexe II ;

    [...] »

    5        L’annexe I de la directive 1999/31 mentionne des exigences générales pour toutes les catégories de décharges. Le point 2 de ladite annexe, relatif à la maîtrise des eaux et à la gestion des lixiviats, dispose :

    « Compte tenu des caractéristiques de la décharge et des conditions météorologiques, des mesures appropriées sont prises, en vue :

    –        de limiter les quantités d’eau dues aux précipitations s’infiltrant dans la masse des déchets mis en décharge,

    –        d’empêcher les eaux de surface et/ou souterraines de s’infiltrer dans les déchets mis en décharge,

    –        de recueillir les eaux contaminées et les lixiviats. Si une évaluation fondée sur l’examen du site de la décharge et des déchets à y déposer montre que la décharge ne présente pas de danger potentiel pour l’environnement, l’autorité compétente peut décider que la présente disposition ne s’applique pas,

    –        de traiter les eaux contaminées et les lixiviats recueillis dans la décharge afin qu’ils atteignent la qualité requise pour pouvoir être rejetés. 

    [...] »

    6        Aux termes du point 3 de cette annexe I, qui est relatif à la protection du sol et des eaux :

    « 3.1.      Toute décharge doit être située et conçue de manière à remplir les conditions requises pour prévenir la pollution du sol, des eaux souterraines ou des eaux de surface, et pour assurer que les lixiviats sont recueillis de manière efficace, en temps opportun et dans les conditions requises, conformément au point 2. La protection du sol, des eaux souterraines et des eaux de surface doit être assurée, pendant la phase d’exploitation/activité, par une barrière géologique assortie d’un revêtement de base étanche et, pendant les phases d’inactivité ou après la désaffectation, par une barrière géologique assortie d’un revêtement de surface étanche.

    [...]

    3.3.      Outre la barrière géologique décrite ci-dessus, un système d’étanchéité et de récupération des lixiviats doit être ajouté conformément aux principes énoncés ci-après, de manière à assurer la plus faible accumulation possible de lixiviats à la base de la décharge.

    [...] »

    7        Conformément au même point 3.3 de ladite annexe I, en ce qui concerne les décharges destinées à accueillir des déchets non dangereux, un revêtement étanche artificiel et une « [c]ouche de drainage ≥ 0,5 m » sont exigés.

    8        Le point 4 de l’annexe I de la directive 1999/31, qui est relatif à la maîtrise des gaz, dispose :

    « 4.1. Des mesures appropriées sont prises afin de limiter l’accumulation et la migration des gaz de décharge (annexe III).

    4.2.      Les gaz de décharge sont recueillis dans toutes les décharges recevant des déchets biodégradables et doivent être traités et utilisés. Si le gaz ne peut être utilisé pour produire de l’énergie, il doit être brûlé dans des torches.

    4.3.      La collecte, le traitement et l’utilisation des gaz de décharge au titre du point 4.2 sont réalisés de manière à réduire au maximum les dommages ou les dégradations causés à l’environnement et les risques pour la santé humaine. »

    9        Aux termes du point 5 de cette annexe I, relatif aux nuisances et aux dangers :

    « Des mesures sont prises afin de réduire les nuisances et les dangers pouvant résulter de la décharge :

    –        émissions d’odeurs et de poussières,

    –        matériaux emportés par le vent,

    –        bruit et mouvements de véhicules,

    –        oiseaux, animaux nuisibles et insectes,

    –        formation d’aérosols,

    –        incendies.

    La décharge doit être aménagée de telle sorte que les détritus provenant du site ne puissent se disperser sur les voies publiques et les zones environnantes. »

    10      Le point 6 de ladite annexe I prévoit :

    « Il convient de disposer les déchets sur le site de manière à assurer la stabilité de la masse des déchets et des structures associées, et en particulier à éviter les glissements. Si une barrière artificielle est établie, il faut s’assurer que le substrat géologique, compte tenu de la morphologie de la décharge, est suffisamment stable pour empêcher un tassement risquant d’endommager la barrière. »

     La procédure précontentieuse

    11      Par des lettres des 31 mars et 20 juillet 2010, la Commission a demandé à la République hellénique de lui faire savoir si la décharge de Temploni était saturée et de lui fournir des informations sur les modalités de gestion des émissions de gaz et des produits de lixiviation ainsi que sur le contrôle et le suivi de l’exploitation de cette décharge par les autorités compétentes.

    12      Par des lettres des 30 juillet et 28 octobre 2010, la République hellénique a communiqué à la Commission les rapports de différentes inspections effectuées, sur le site de ladite décharge, par l’Eidiki Ypiresia Epitheoriton Perivallontos (Service spécial des inspecteurs de l’environnement) et par le Nomarchiaki Aytodioikisi Kerkyras (Administration départementale décentralisée de Corfou). Ces inspections avaient mis au jour de graves problèmes dans l’exploitation de la même décharge. Cet État membre a également fait savoir à la Commission que le plan d’aménagement de la décharge concernée avait été approuvé et que les travaux destinés à le mettre en vigueur devaient être achevés au plus tard à la fin de l’année 2010.

    13      Le 15 mars 2011, estimant que la République hellénique avait violé les dispositions des directives 2008/98 et 1999/31, la Commission a adressé une lettre de mise en demeure à cet État membre, en lui demandant de présenter ses observations dans un délai de deux mois.

    14      Le 31 mai 2011, la République hellénique a informé la Commission que les actions nécessaires au bon fonctionnement de ladite décharge ainsi qu’à la résolution des problèmes constatés étaient en cours et qu’un dossier d’évaluation des incidences sur l’environnement avait été soumis à l’autorité compétente pour le projet intitulé « Installation intégrée de gestion de déchets (IIGD) du centre de l’île de Corfou ».

    15      Toutefois, l’inspection réalisée par l’Eidiki Ypiresia Epitheoriton Perivallontos (Service spécial des inspecteurs de l’environnement), les 30 et 31 mars 2011, aurait permis de constater que les infractions relevées lors des inspections précédentes se poursuivaient. Douze nouvelles infractions auraient par ailleurs été constatées.

    16      Considérant que la violation, par la République hellénique, des dispositions des directives 2008/98 et 1999/31 persistait, la Commission a adressé, le 27 janvier 2012, un avis motivé à cet État membre, en invitant ce dernier à mettre un terme à cette violation dans un délai de deux mois.

    17      Par une lettre du 4 avril 2012, la République hellénique a informé la Commission qu’une décision de renouvellement et de modification des clauses environnementales relatives au projet de Temploni avait été publiée, que des opérations visant à l’amélioration de l’exploitation de la décharge concernée avaient été lancées, qu’une autorisation provisoire de poursuite d’activité avait été octroyée et que l’inspection réalisée le 27 mars 2012 avait permis de constater qu’un grand nombre de problèmes relevés lors des inspections précédentes avaient été totalement ou partiellement résolus.

    18      Par des lettres des 15 octobre 2012 et 24 juillet 2014, la Commission a demandé des informations sur l’état d’avancement des différents travaux et mesures visés dans ladite lettre du 4 avril 2012 ainsi qu’une copie du rapport de l’inspection effectuée le 27 mars 2012.

    19      Par divers courriers des 4 janvier et 25 février 2013, 23 septembre 2014 ainsi que 23 mars 2015, la République hellénique a fourni un certain nombre d’informations et de documents à la Commission, au nombre desquels figuraient, notamment, le rapport établi par les inspecteurs de l’environnement à la suite de l’inspection réalisée le 27 mars 2012 sur le site de la décharge concernée. Il ressortait de ces courriers qu’une amende de 290 000 euros avait été infligée à l’organisme de gestion de cette décharge, en vertu d’un constat d’infraction du 12 décembre 2012. Une nouvelle inspection effectuée le 8 août 2014 aurait par ailleurs permis de constater diverses infractions, dont certaines avaient déjà été relevées lors des inspections précédentes, tandis que d’autres avaient été constatées pour la première fois.

    20      Considérant que, excepté en ce qui concerne la violation de l’article 9 de la directive 1999/31, le manquement de la République hellénique aux obligations qui lui incombent en vertu de la directive 1999/31 et de la directive 2008/98 perdurait, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.

     Sur le recours

     Argumentation des parties

    21      La Commission reproche à la République hellénique d’avoir violé les obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98 ainsi que de l’article 8, sous a), de l’article 11, paragraphe 1, et de l’annexe I de la directive 1999/31.

    22      La Commission soutient que, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé du 27 janvier 2012, avaient été constatés, en ce qui concerne la décharge de Temploni, plusieurs dysfonctionnements constitutifs d’une violation de ces dispositions.

    23      Sur base des indications fournies par République hellénique, la Commission reproche à cet État membre, notamment, les dysfonctionnements suivants :

    –        l’absence d’installation du réseau de captage, de collecte et de brûlage du biogaz prévu par les clauses environnementales ;

    –        la présence de lixiviats non traités, provenant d’une fosse en ciment de la décharge concernée et, par voie souterraine, d’une provenance inconnue, s’écoulant dans un torrent voisin de cette décharge ;

    –        l’absence, autour de la cellule de cette décharge, d’une fosse recouverte d’un revêtement, destinée à protéger cette cellule des ruissellements d’eaux de pluie ;

    –        la présence d’objets volumineux et inertes, qui ne sont pas livrés à ladite décharge en vue de leur enfouissement, mais sont entreposés sur un site voisin, sans toutefois que celui-ci dispose d’une autorisation d’élimination de déchets inertes, et

    –        le dépassement de la hauteur maximale du relief de la même décharge d’environ deux mètres par rapport à celle prévue par les clauses environnementales.

    24      Dès lors que la République hellénique aurait, dans sa réponse à cet avis motivé, indiqué que le Syndesmos Diacheirisis Stereon Apovliton [Association de gestion des déchets solides (Sydisa)] de l’île de Corfou avait engagé des opérations en vue de l’amélioration du fonctionnement de la décharge de Temploni, elle aurait admis que ce dernier n’était pas en pleine conformité avec le droit de l’Union.

    25      D’ailleurs, selon la Commission, il ressort d’une lettre du Sydisa du 13 mars 2012, communiquée en réponse audit avis motivé, que cet organisme ne contestait pas la plupart des dysfonctionnements mentionnés dans celui-ci et qu’il reconnaissait que certains autres dysfonctionnements subsistaient. Ainsi, les inspections des 26 et 27 mars 2012 et le constat d’infraction du 12 décembre 2012 visé au point 19 du présent arrêt feraient apparaître seize infractions relevées entre l’année 2009 et l’année 2012. Selon la Commission, il est constant que le fonctionnement de la décharge de Temploni est en permanence déficient et que si certains dysfonctionnements cessent, d’autres apparaissent au fil du temps. Partant, ces dysfonctionnements ne pourraient faire l’objet d’un recensement exhaustif.

    26      En tout état de cause, l’inspection réalisée au cours du mois de mars 2012 aurait permis de constater que plusieurs dysfonctionnements visés dans l’avis motivé ainsi que des infractions apparues par la suite persistaient.

    27      Il serait dès lors établi que, jusqu’à l’introduction du présent recours, la République hellénique n’avait pas été en mesure de mettre la décharge concernée en conformité avec le droit de l’Union. Il ressortirait de la lettre de cet État membre du 23 septembre 2014 que, notamment, différentes mesures d’amélioration de la décharge de Temploni continuaient à être apportées et qu’une nouvelle inspection, effectuée le 8 août 2014, avait permis de constater la persistance de diverses infractions. Il ressortirait également de la réponse apportée à une demande supplémentaire de la Commission, présentée sept mois plus tard, que ledit État membre ne pouvait faire état d’améliorations significatives.

    28      La République hellénique relève, dans son mémoire en défense, que l’île de Corfou est l’une des plus grandes îles de Grèce et que sa population permanente est de 120 000 habitants. Pendant la période touristique environ 1 500 000 visiteurs afflueraient sur cette île, qui aurait l’une des densités de population les plus élevées de l’État membre concerné.

    29      Selon la République hellénique, le fonctionnement de la décharge de Temploni est absolument indispensable pour la protection de la santé publique et de l’environnement de l’île de Corfou. Partant, d’éventuels problèmes devraient être résolus en recourant à des mesures correctrices, tout en veillant à assurer un fonctionnement normal de cette décharge. Les conséquences des problèmes potentiels liés au fonctionnement de cette dernière seraient spécifiques, prévisibles, quantifiables et réversibles.

    30      Cet État membre relève, notamment :

    –        que la décharge de Temploni dispose d’une autorisation environnementale légale ;

    –        que les autorités helléniques ont coopéré de manière systématique avec la Commission, et que cette dernière a été pleinement et régulièrement informée de la procédure d’octroi de cette autorisation environnementale et des mesures prises par lesdites autorités pour assurer le contrôle du bon fonctionnement de ladite décharge ;

    –        que des mesures ont été prises pour remédier aux problèmes éventuels relevés dans le fonctionnement de la décharge de Temploni, que parmi ces mesures figurent, entre autres, l’installation d’une centrale de production d’électricité d’une puissance de 800 kilowatts (kW) dans l’enceinte de l’installation de valorisation énergétique du biogaz produit par cette décharge, la modification des travaux de gestion du biogaz autorisés, en ce qui concerne le nombre des puits ou des forages verticaux et l’agencement des canalisations horizontales de collecte et de transport du biogaz, dans le but d’améliorer leur fonctionnement, la prise en charge des îles Diapontiques (îles Othoni, Érikoussa et Mathraki) (Grèce) par l’installation intégrée de gestion des déchets de Temploni et l’ajout des opérations de gestion transitoire des déchets.

    31      La République hellénique précise que la procédure d’adoption de la modification de la décision d’approbation des clauses environnementales devrait être achevée prochainement. Cette modification de l’évaluation des incidences sur l’environnement aurait pour but de résoudre les problèmes résultant de la gestion transitoire des déchets. Celle-ci devrait perdurer jusqu’à l’entrée en service de la gestion intégrée de ces déchets, sur la base du nouveau plan régional de gestion des déchets, qui doit s’appuyer sur le nouveau plan national de gestion des déchets, lequel devrait être achevé rapidement.

    32      Dans son mémoire en réplique, la Commission relève que ses conclusions ne sont pas contestées par la République hellénique, dès lors que cette dernière, dans son mémoire en défense, se borne à énumérer les raisons qui rendent le fonctionnement de la décharge de Temploni indispensable pour l’île de Corfou. Cette institution précise, par ailleurs, que le fait qu’une autorisation a été accordée au cours de l’année 2011 ne suffit pas pour établir que les infractions visées dans le cadre de la présente procédure ont pris fin. En effet, selon ladite institution, si des mesures ont été adoptées, encore faut-il que celles-ci soient appliquées, afin d’obtenir la mise en conformité de la décharge concernée.

    33      Selon la Commission, l’appréciation que l’exploitant porte sur les résultats de l’inspection réalisée le 8 août 2014, annexée au mémoire en défense de la République hellénique, n’est pas juridiquement contraignante et ne constitue pas une conclusion des autorités compétentes. Cette institution rappelle, par ailleurs, que cette inspection est postérieure à l’avis motivé et qu’aucune autorité compétente n’a confirmé qu’il avait été remédié aux infractions en cause.

    34      Dans son mémoire en duplique, la République hellénique ajoute que la collectivité territoriale décentralisée du Péloponnèse, Grèce occidentale et mer ionienne (Grèce) a adopté, le 2 juin 2016, une décision relative à la modification de la décision d’approbation des clauses environnementales de la décharge concernée, qui comprendrait principalement des modifications relatives au réseau de gestion du biogaz et des dispositions relatives à sa valorisation énergétique et entraînerait la construction de certains ouvrages transitoires permettant de traiter l’ensemble des déchets mixtes, jusqu’à ce que la centrale de traitement des déchets figurant dans le plan régional de gestion des déchets solides pour les îles ioniennes soit construite. L’unité de compostage recevrait également des biodéchets prétriés.

    35      Lors d’une réunion entre l’Ypourgos Esoterikon kai Dioikitikis Anasyngrotisis (ministre de l’Intérieur et de la Réorganisation administrative) et le Genikos Grammateas Syntonismou Diacheirisis Apovliton (secrétaire général pour la coordination de la gestion des déchets), qui s’est tenue le 26 juin 2016, des mesures supplémentaires précises, qui permettront, à terme et dans les meilleurs délais, de résoudre les problèmes soulevés par la Commission, auraient été adoptées.

    36      La République hellénique précise, enfin, que, selon un document du Sydisa, du 10 mai 2016, certains des problèmes constatés, comme le rinçage des pneus ou l’inclinaison des versants auraient été réglés.

     Appréciation de la Cour

    37      Il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé et que les changements éventuels intervenus par la suite ne sauraient être pris en compte par la Cour (arrêts du 31 mars 2011, Commission/Grèce, C‑407/09, EU:C:2011:196, points 16 et jurisprudence citée, ainsi que du 16 juillet 2015, Commission/Slovénie, C‑140/14, non publié, EU:C:2015:501, point 63).

    38      Or, dans le cadre de la procédure en manquement visée à l’article 258 TFUE, lorsque la Commission a fourni suffisamment d’éléments faisant apparaître certains faits situés sur le territoire de l’État membre défendeur, il incombe à celui-ci de contester de manière substantielle et détaillée les données ainsi présentées et les conséquences qui en découlent (arrêts du 4 mars 2010, Commission/Italie, C‑297/08, EU:C:2010:115, point 102 et jurisprudence citée, ainsi que du 11 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑677/13, non publié, EU:C:2014:2433, point 70).

    39      En l’espèce, au regard du caractère circonstancié des éléments produits par la Commission, qui consistent en des documents officiels émis par les autorités grecques elles-mêmes, la République hellénique ne saurait valablement contester les dysfonctionnements invoqués par la Commission, en se bornant à alléguer que la décharge de Temploni est exploitée en vertu d’une autorisation environnementale légale et que les mesures nécessaires pour remédier aux dysfonctionnements éventuels relevés dans l’exploitation de cette décharge ont été prises.

    40      En effet, la République hellénique ne produit aucun élément de preuve susceptible d’établir que la décharge de Temploni a, à un quelconque moment de la procédure en manquement, fonctionné conformément aux exigences du droit de l’Union. Certes, il ressort de la lettre du 10 mai 2016, produite par la République hellénique, que certaines infractions ont cessé. Toutefois, l’élimination de ces infractions est postérieure à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé adressé à cet État membre et ne peut, dès lors, être prise en compte par la Cour. De surcroît, il ne ressort pas de cette lettre que ladite décharge fonctionne désormais en conformité avec le droit de l’Union.

    41      Il résulte de ce qui précède que les dysfonctionnements dans l’exploitation de la décharge de Temploni allégués par la Commission doivent être considérés comme établis, de telle sorte qu’il y a lieu d’examiner si ces faits sont constitutifs de manquements aux obligations incombant à la République hellénique, en vertu des articles 8 et 11 ainsi que de l’annexe I de la directive 1999/31 et de l’article 13 de la directive 2008/98.

    42      S’agissant du premier grief et plus précisément de la hauteur maximale du relief de la décharge, il convient de relever que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé adressé à la République hellénique, cette hauteur dépassait d’environ deux mètres celle prévue par les clauses environnementales. Or, le point 6 de l’annexe I de la directive 1999/31 prévoit qu’il convient de disposer les déchets sur le site de manière à assurer la stabilité de la masse des déchets. Dès lors que, en raison du dépassement de la hauteur maximale prévue, la stabilité de la décharge n’était plus garantie, le manquement aux obligations découlant dudit point 6 doit être constaté.

    43      Il y a lieu d’ajouter, d’une part, que ce manquement entraîne également un manquement à l’article 8, sous a), i), de la directive 1999/31, puisque, conformément à cette disposition, une autorisation de décharge ne doit être délivrée que si la décharge en question est conforme à toutes les exigences pertinentes de ladite directive, y compris ses annexes.

    44      D’autre part, ledit manquement constitue également un manquement à l’article 11, paragraphe 1, de la directive 1999/31, qui impose aux États membres de prendre les mesures nécessaires pour que l’exploitant prouve que les déchets en question peuvent être admis dans le site conformément aux conditions définies dans l’autorisation de décharge. Or, il est constant que le dépassement de la hauteur maximale agréée d’environ deux mètres entraîne une augmentation de la charge de déchets prévue dans ladite autorisation.

    45      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation de l’article 8, sous a), et de l’article 11, paragraphe 1, ainsi que de l’annexe I de la directive 1999/31 doit être considéré comme fondé.

    46      S’agissant du second grief, il importe de rappeler que l’article 13 de la directive 2008/98 dispose que les États membres prennent les mesures nécessaires pour s’assurer que la gestion des déchets se fait sans mettre en danger la santé humaine et sans nuire à l’environnement, et notamment sans créer de risque pour l’eau, l’air, le sol, la faune et la flore.

    47      La Cour a jugé que, s’il est vrai que l’article 13 de la directive 2008/98 ne précise pas le contenu concret des mesures qui doivent être prises pour s’assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement, il n’en reste pas moins que cet article lie les États membres quant à l’objectif à atteindre, tout en leur laissant une marge d’appréciation dans l’évaluation de la nécessité de telles mesures (arrêts du 10 juin 2010, Commission/Portugal, C‑37/09, non publié, EU:C:2010:331, point 35, et du 11 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑677/13, non publié, EU:C:2014:2433, point 77).

    48      Par conséquent, il n’est pas, en principe, possible de déduire directement de la non-conformité d’une situation de fait avec les objectifs fixés à l’article 13 de la directive 2008/98 que l’État membre concerné a nécessairement manqué aux obligations imposées par cette disposition, à savoir prendre les mesures nécessaires pour s’assurer que les déchets soient éliminés sans mettre en danger la santé de l’homme et sans porter préjudice à l’environnement. Toutefois, la persistance d’une telle situation de fait, notamment lorsqu’elle entraîne une dégradation significative de l’environnement pendant une période prolongée sans intervention des autorités compétentes, peut révéler que les États membres ont outrepassé la marge d’appréciation que leur confère cette disposition (arrêts du 10 juin 2010, Commission/Portugal, C‑37/09, non publié, EU:C:2010:331, point 36, et du 11 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑677/13, non publié, EU:C:2014: 2433, point 78).

    49      À ce sujet, la Cour a jugé qu’une dégradation de l’environnement est inhérente à la présence de déchets dans une décharge et que la nature des déchets en cause importe peu (arrêts du 10 juin 2010, Commission/Portugal, C‑37/09, non publié, EU:C:2010:331, point 37, et du 11 décembre 2014, Commission/Grèce, C‑677/13, non publié, EU:C:2014:2433, point 79).

    50      En l’espèce, il est établi que les conditions prévues par le droit de l’Union pour l’exploitation d’une décharge n’ont pas, pendant une longue période, été remplies sur le site de Temploni, de telle sorte qu’il y a lieu de considérer que les déchets en question ont entraîné une dégradation de l’environnement. En effet, ainsi qu’il ressort des lettres et des informations fournies par la République hellénique, les dysfonctionnements récurrents affectant cette décharge ont été constatés depuis l’année 2010.

    51      Par conséquent, il y a lieu de conclure que, en ayant laissé persister, sans intervention suffisante des autorités compétentes, une situation de fait qui a entraîné, pendant une période prolongée, une dégradation significative de l’environnement, la République hellénique a outrepassé la marge d’appréciation que lui confère l’article 13 de la directive 2008/98 et, partant, a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de cet article.

    52      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument, invoqué par la République hellénique, selon lequel la situation de la décharge de Temploni est due à la densité de la population de l’île de Corfou et au nombre des touristes visitant cette île en été. En effet, selon une jurisprudence constante, un État membre ne saurait exciper de difficultés pratiques, administratives ou financières pour justifier l’inobservation des obligations et des délais prescrits par une directive (voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2012, Commission/Royaume-Uni, C‑301/10, EU:C:2012:633, point 66 et jurisprudence citée).

    53      Il s’ensuit que le grief tiré de la violation de l’article 13 de la directive 2008/98 doit être considéré comme fondé.

    54      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de constater que, en tolérant une exploitation du site de mise en décharge de déchets de Temploni ne répondant pas aux conditions et aux exigences fixées par la législation environnementale de l’Union, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98 ainsi que de l’article 8, sous a), de l’article 11, paragraphe 1, et de l’annexe I de la directive 1999/31.

     Sur les dépens

    55      En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de la République hellénique et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

    1)      En tolérant une exploitation du site de mise en décharge de déchets de Temploni (Grèce) ne répondant pas aux conditions et aux exigences fixées par la législation environnementale de l’Union européenne, la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 13 de la directive 2008/98/CE du Parlement européen et du Conseil, du 19 novembre 2008, relative aux déchets et abrogeant certaines directives, ainsi que de l’article 8, sous a), de l’article 11, paragraphe 1, et de l’annexe I de la directive 1999/31/CE du Conseil, du 26 avril 1999, concernant la mise en décharge des déchets.

    2)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure : le grec.

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