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Document 62021CO0023
Order of the Court (Sixth Chamber) of 23 September 2021.#IO v Wallonische Region.#Request for a preliminary ruling from the Gericht Erster Instanz Eupen.#Reference for a preliminary ruling – Article 99 of the Rules of Procedure of the Court of Justice – Article 49 TFEU – Freedom of establishment – Road traffic – Driver residing in one Member State – Vehicle registered in another Member State – Vehicle made available to the partner and manager of an undertaking established in that other Member State – Registration obligation in the first Member State.#Case C-23/21.
Ordonanța Curții (Camera a șasea) din 23 septembrie 2021.
IO împotriva Wallonische Region.
Cerere de decizie preliminară formulată de Gericht Erster Instanz Eupen.
Trimitere preliminară – Articolul 99 din Regulamentul de procedură al Curții – Articolul 49 TFUE – Libertatea de stabilire – Circulație rutieră – Conducător auto care are reședința într‑un stat membru – Vehicul înmatriculat într‑un alt stat membru – Vehicul pus la dispoziția administratorului unei societăți stabilite în acest alt stat membru – Obligație de înmatriculare în primul stat membru.
Cauza C-23/21.
Ordonanța Curții (Camera a șasea) din 23 septembrie 2021.
IO împotriva Wallonische Region.
Cerere de decizie preliminară formulată de Gericht Erster Instanz Eupen.
Trimitere preliminară – Articolul 99 din Regulamentul de procedură al Curții – Articolul 49 TFUE – Libertatea de stabilire – Circulație rutieră – Conducător auto care are reședința într‑un stat membru – Vehicul înmatriculat într‑un alt stat membru – Vehicul pus la dispoziția administratorului unei societăți stabilite în acest alt stat membru – Obligație de înmatriculare în primul stat membru.
Cauza C-23/21.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:770
ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
23 septembre 2021 (*)
« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Article 49 TFUE – Liberté d’établissement – Circulation routière – Conducteur résidant dans un État membre – Véhicule immatriculé dans un autre État membre – Véhicule mis à la disposition de l’associé-gérant d’une société établie dans cet autre État membre – Obligation d’immatriculation dans le premier État membre »
Dans l’affaire C‑23/21,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Gericht Erster Instanz Eupen (tribunal de première instance d’Eupen, Belgique), par décision du 4 janvier 2021, parvenue à la Cour le 14 janvier 2021, dans la procédure
IO
contre
Wallonische Region,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, Mme C. Toader et M. N. Jääskinen (rapporteur), juges,
avocate générale : Mme J. Kokott,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,
rend la présente
Ordonnance
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49 et 56 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant IO à la Wallonische Region (Région wallonne, Belgique), au sujet d’une amende pour violation de la réglementation relative à la mise en circulation d’un véhicule sur le territoire du Royaume de Belgique et du paiement des taxes prévues par cette réglementation s’agissant de l’utilisation par l’intéressée, qui réside dans cet État membre, d’un véhicule de société immatriculé dans un autre État membre.
Le cadre juridique
3 L’article 3, § 2, 2°, de l’arrêté royal du 20 juillet 2001, relatif à l’immatriculation de véhicules (Moniteur belge du 8 août 2001, p. 27022), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après l’« arrêté royal du 20 juillet 2001 »), dispose :
« Dans les cas ci-après, l’immatriculation en Belgique des véhicules immatriculés à l’étranger et mis en circulation par les personnes visées au § 1er, n’est pas obligatoire pour :
[...]
2° le véhicule qu’une personne physique utilise dans l’exercice de sa profession et accessoirement à titre privé et qui est mis à disposition par un employeur ou donneur d’ordre étranger auquel cette personne est liée par un contrat de travail ou par un ordre ; une copie du contrat de travail ou de l’ordre doit se trouver à bord du véhicule, ainsi qu’un document établi par l’employeur étranger montrant que celui-ci a mis le véhicule à disposition de cette personne ».
Le litige au principal et les questions préjudicielles
4 Au mois de septembre 2007, IO, résidant en Belgique, et son époux ont constitué en Allemagne une Gesellschaft bürgerlichen Rechts (société de droit civil), dont ils sont les gérants. Cette société a son siège à Aix-la-Chapelle (Allemagne).
5 Le 27 juin 2017, IO a fait l’objet d’un contrôle par les autorités de la Région wallonne alors qu’elle conduisait un véhicule dont ladite société est propriétaire. Lors de ce contrôle, il est apparu qu’elle n’était pas en possession des documents justifiant une dérogation à l’obligation d’immatriculation de ce véhicule en Belgique.
6 À la suite dudit contrôle, les autorités compétentes de la Région wallonne ont dressé un procès-verbal constatant la violation de l’arrêté royal du 20 juillet 2001, exigeant de IO le paiement de la taxe de circulation, d’un décime additionnel à la taxe de circulation, de la taxe de mise en circulation, d’un éco-malus, infligeant à celle-ci une amende pour cette violation, le tout s’élevant à un montant de de 2 145,30 euros.
7 IO a ensuite fait parvenir aux autorités de la Région wallonne certains documents, dont ces autorités ont jugé qu’ils ne justifiaient pas une dérogation à l’obligation d’immatriculation du véhicule en cause en Belgique.
8 Le 3 juillet 2017, il a été demandé à IO de fournir la preuve, d’une part, qu’elle était gérante de la société et, d’autre part, qu’elle percevait une rémunération au titre du travail qu’elle effectue au sein de cette société.
9 En réponse à cette demande, le conseiller fiscal de IO a indiqué, le 7 juillet 2017, qu’il était impossible de fournir la preuve de la qualité de gérante de cette dernière, dans la mesure où, conformément au droit allemand, seuls certains types de sociétés disposent d’un tel organe de gestion. Il a ajouté que la société en cause constitue une activité professionnelle libérale qui, sur le plan fiscal, est identifiée au nom de l’époux de IO. Cette dernière participerait à l’activité de cette société et, à ce titre, serait également en droit d’utiliser le véhicule en cause pour son usage privé. Aucune rémunération supplémentaire ne lui serait versée ni due, selon la conception allemande, en tant que membre de la famille participant à l’activité de son époux.
10 Par ailleurs, l’époux de IO a indiqué aux autorités de la Région wallonne qu’elle était propriétaire à 50 % de la société en cause. À titre d’activité principale, IO assumerait la responsabilité de la direction commerciale de la société et serait également responsable du suivi des séminaires et des activités de coaching. Sa rémunération serait versée, comme il serait d’usage pour les travailleurs indépendants, à partir des prélèvements personnels effectués sur les revenus de cette société. Le véhicule conduit par IO ferait partie du parc de véhicules de ladite société.
11 Le 13 juillet 2017, l’époux de IO a également fait parvenir aux autorités de la Région wallonne leur avis d’imposition commun de l’année 2014.
12 Le 29 juin 2018, la Région wallonne a mis le montant de la taxation en recouvrement et l’a déclaré exécutoire. L’avis de mise en recouvrement correspondant a été adressé à IO le 9 juillet 2018.
13 Le 22 novembre 2018, celle-ci a introduit auprès de la Région wallonne une réclamation tendant à obtenir l’annulation de cet avis.
14 Par une décision administrative du 24 juillet 2019, la Région wallonne a rejeté cette réclamation au motif, notamment, que IO n’avait pu produire, lors du contrôle en cause, les documents pertinents. La Région wallonne a également indiqué que, conformément à la circulaire fédérale no 46/2014, du 23 décembre 2014, du Service public fédéral des Finances (SPF Finances), le gérant d’une société ne peut bénéficier du régime d’exemption de l’obligation d’immatriculation des véhicules qu’à condition de percevoir une rémunération au titre de son activité. Par conséquent, il ne pourrait exercer son mandat à titre gratuit. Or, IO ne percevrait pas de revenus, ainsi que cela ressortirait des avis d’imposition de 2014 et de 2016 du Finanzamt Aachen-Stadt (centre des impôts d’Aix-la-Chapelle, Allemagne) et de la déclaration d’impôt du SPF Finances sur les revenus perçus au cours de l’année 2017.
15 Le 18 septembre 2019, IO a introduit un recours contre cette décision auprès du Gericht Erster Instanz Eupen (tribunal de première instance d’Eupen, Belgique).
16 Selon IO, la société de droit civil allemande, active dans le domaine de la gestion d’athlètes, qu’elle a constituée avec son époux, est une société transparente sur le plan fiscal. IO et son époux ne seraient pas salariés de cette société, mais en seraient les gérants. Leur rémunération serait assurée par des prélèvements occasionnels sur ce patrimoine professionnel au profit de leur patrimoine privé. Bien que faisant partie des actifs de la société, le véhicule en cause serait, toutefois, immatriculé au nom et à l’adresse de IO, ce qui serait possible en Allemagne.
17 En revanche, il ne serait pas possible d’immatriculer le véhicule au nom de la société, étant donné qu’il s’agirait d’une société transparente. Eu égard à l’arrêté royal du 20 juillet 2001 ainsi qu’à la jurisprudence de la Cour dans ce domaine, IO estime qu’elle devrait bénéficier d’une exemption de l’obligation d’immatriculation des véhicules. L’exigence de la perception d’une rémunération au titre de son activité de gérante pour pouvoir bénéficier d’une telle exemption ne serait pas prévue à l’article 3 de l’arrêté royal du 20 juillet 2001 lequel, par ailleurs, n’aurait pas été mis en conformité avec la jurisprudence de la Cour. En outre, l’interprétation, par la Région wallonne, de la circulaire fédérale no 46/2014 serait illégale.
18 La Région wallonne fait valoir, quant à elle, que IO n’a pas produit les pièces idoines à la suite du contrôle pour permettre d’exempter le véhicule en cause de l’obligation d’immatriculation. Elle indique que, selon le droit allemand, le véhicule peut être immatriculé, au choix, au nom de la société de droit civil allemande ou au nom de l’utilisateur à titre professionnel, de sorte que le choix ainsi effectué lors de l’immatriculation devrait engager la ou les personnes concernées. Or, le véhicule en cause ayant été immatriculé en Allemagne au nom de IO, sans faire état de la société, il conviendrait de partir du principe que son immatriculation a été effectuée au nom de IO à titre privé. Le certificat d’immatriculation serait déterminant en termes de preuve car il s’agirait d’un document neutre concernant l’immatriculation du véhicule.
19 La juridiction de renvoi estime que la perception de l’ensemble des taxes en cause et l’infliction d’une amende, alors même que la vérification des conditions prévues par l’arrêté royal du 20 juillet 2001 aurait pu être effectuée sur la base des documents produits a posteriori, sont disproportionnées au regard de l’objectif visé par le prélèvement de ces taxes. Le caractère disproportionné de cette mesure pourrait, par ailleurs, constituer une restriction à l’exercice des libertés fondamentales de l’Union européenne pour les travailleurs non salariés qui utilisent un véhicule de société immatriculé dans un État membre autre que celui où ces travailleurs font l’objet d’un contrôle.
20 La juridiction de renvoi s’interroge, en outre, sur la question de savoir si la condition, imposée par la circulaire fédérale no 46/2014, relative à la perception, par les travailleurs non salariés, d’une rémunération au titre d’un ordre pour pouvoir bénéficier des exemptions de l’obligation d’immatriculation des véhicules en Belgique est également compatible avec les articles 49 et 56 TFUE.
21 Elle s’interroge, enfin, sur le point de savoir si la distinction opérée par la Région wallonne entre les sociétés étrangères dotées de la personnalité juridique et les sociétés étrangères dénuées d’une telle personnalité est, elle aussi, compatible avec les articles 49 et 56 TFUE.
22 Dans ces conditions, le Gericht Erster Instanz Eupen (tribunal de première instance d’Eupen) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Une réglementation nationale qui, telle qu’appliquée par la défenderesse, subordonne l’exemption de l’obligation de procéder à une nouvelle immatriculation, pour l’utilisation d’un véhicule de fonction étranger mis à la disposition d’un gérant (ou d’un membre d’une profession libérale) demeurant en Belgique par une entreprise (dotée ou non de la personnalité juridique) établie dans un autre État membre de l’Union [européenne] que [le Royaume de] Belgique, à la condition que ce gérant (ou ce membre) dispose à bord du véhicule d’une attestation de l’entreprise ou de la preuve d’un ordre (à savoir d’une attestation, au sens de l’article 3, paragraphe 2, point 2, de l’[arrêté royal du 20 juillet 2001]) est-elle contraire aux dispositions pertinentes du droit de l’Union et, en particulier, à l’article 49 TFUE (liberté d’établissement) ainsi qu’à l’article 56 TFUE (libre prestation de services) ?
2) La condition à laquelle est subordonnée l’utilisation d’un véhicule de fonction immatriculé à l’étranger mis à la disposition d’un associé gérant vivant en Belgique, à savoir la perception par celui-ci d’un salaire ou d’un revenu auprès de l’entreprise, est-elle compatible avec les dispositions pertinentes du droit de l’Union et, en particulier, avec l’article 49 TFUE (liberté d’établissement) et l’article 56 TFUE (libre prestation de services) ?
3) Une réglementation nationale telle que décrite ci-dessus et mise en œuvre par la défenderesse est-elle justifiée par des exigences de sécurité publique ou d’autres mesures de protection et est-il nécessaire, pour atteindre l’objectif poursuivi, que cette réglementation, qui est interprétée en ce sens que doivent obligatoirement se trouver à bord du véhicule à la fois la preuve d’un ordre et une attestation de mise à disposition du véhicule, soit respectée, ou cet objectif aurait-il pu être atteint autrement et par des moyens moins stricts et moins formalistes ? »
Sur les questions préjudicielles
23 En vertu de l’article 99 de son règlement de procédure, la Cour peut, notamment lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à une telle question ne laisse place à aucun doute raisonnable, décider, à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée.
24 Il y a lieu de faire application de cette disposition dans le cadre de la présente affaire.
25 À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, lorsqu’une mesure nationale se rapporte à la fois à la liberté d’établissement et à la libre prestation des services, la Cour examine la mesure en cause, en principe, au regard de l’une seulement de ces deux libertés s’il s’avère que, dans les circonstances de l’affaire au principal, l’une d’elles est tout à fait secondaire par rapport à l’autre et peut lui être rattachée [ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 20 et jurisprudence citée].
26 Par conséquent, dans la mesure où, dans l’affaire au principal, l’élément transfrontalier rendant applicable les dispositions du traité FUE garantissant les libertés de circulation est constitué principalement par l’exercice, par une personne résidant dans un État membre, d’une activité économique au moyen de l’établissement d’une société, dont elle est l’associée-gérante, dans un autre État membre, il convient de répondre aux questions posées au regard de l’article 49 TFUE [voir, par analogie, ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 21].
Sur les première et troisième questions
27 Par ses première et troisième questions, qu’il convient d’examiner ensemble, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un gérant de société ou un travailleur indépendant, résidant dans cet État membre, peut se prévaloir d’une dérogation à l’obligation d’immatriculation, dans ce même État membre, d’un véhicule immatriculé dans un autre État membre et mis à sa disposition par une société, avec ou sans personnalité juridique, établie dans cet autre État membre, seulement si des documents attestant que l’intéressé satisfait aux conditions d’application de cette dérogation se trouvent, en permanence, à bord dudit véhicule.
28 Selon une jurisprudence constante, l’article 49 TFUE s’oppose à toute mesure nationale qui, même applicable sans discrimination tenant à la nationalité, est susceptible de gêner ou de rendre moins attrayant l’exercice par les ressortissants de l’Union de la liberté d’établissement [ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 22].
29 En ce qui concerne, plus particulièrement, les régimes d’immatriculation de véhicules, il ressort de la jurisprudence que l’obligation d’immatriculer dans un État membre un véhicule mis à la disposition, par une société établie dans un autre État membre, d’un travailleur constitue une entrave à la libre circulation des personnes. Une telle obligation d’immatriculation entrave l’accès des travailleurs non salariés résidents aux activités non salariées dans les autres États membres et est donc de nature à gêner ou à rendre moins attrayant l’exercice, par ces personnes, de la liberté d’établissement [ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 23 et jurisprudence citée].
30 S’agissant de la réglementation nationale en cause au principal, il ressort de la décision de renvoi qu’elle instaure, pour des véhicules de société mis à la disposition d’une personne physique résidente pour l’exercice de sa profession, un régime dérogatoire à l’obligation d’immatriculer en Belgique les véhicules mis en circulation dans cet État membre par des personnes résidant dans celui-ci. Il apparaît que ledit régime dérogatoire prévoit l’obligation de posséder en permanence à bord de ces véhicules certains documents.
31 Par conséquent, ladite réglementation impose à un travailleur non salarié, tel qu’IO, l’obligation de posséder, en permanence, à bord du véhicule mis à sa disposition par la société, dont il est l’associé-gérant et qui est établie dans un État membre autre que le Royaume de Belgique, les documents établissant que les conditions fixées pour bénéficier de ce régime dérogatoire sont remplies.
32 Or, il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’une telle obligation, en soi, est peu susceptible d’empêcher ou de dissuader un ressortissant d’un État membre de quitter son pays d’origine pour exercer son droit à la libre circulation [ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 26 et jurisprudence citée].
33 Cependant, en ce qui concerne la sanction prévue en cas de méconnaissance de cette obligation, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence la Cour, une sanction manifestement disproportionnée du non-accomplissement par l’intéressé de formalités légales est susceptible de constituer une entrave à la liberté de circulation [ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 27 et jurisprudence citée].
34 La Cour a estimé, à cet égard, que l’infliction d’une amende du même montant que celle dont est passible une personne qui aurait enfreint l’obligation d’immatriculation des véhicules devait être considérée comme étant manifestement disproportionnée par rapport à l’infraction consistant en la méconnaissance de l’obligation de posséder en permanence les documents démontrant que les conditions permettant de déroger à cette obligation sont remplies, cette infraction étant nettement moins grave que celle constituée par l’omission d’immatriculer un véhicule [ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 28 et jurisprudence citée].
35 Or, à l’instar de la situation en cause dans l’affaire ayant donné lieu à l’ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente) (C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410), dans l’affaire au principal, l’infraction consistant en la méconnaissance de l’obligation de posséder en permanence, à bord du véhicule, les documents établissant le droit de la personne concernée de déroger à l’obligation d’immatriculation des véhicules non seulement est punie d’une amende, mais entraîne, également, l’obligation de payer toutes les taxes liées à la mise en circulation d’un véhicule. Cette sanction, qui comprend le paiement de toutes ces taxes, équivaut, par ses conséquences, au maintien de l’obligation d’immatriculation des véhicules, de telle sorte qu’une réglementation telle que celle en cause au principal doit être considérée comme constituant, de même que l’obligation d’immatriculation des véhicules, une entrave à la liberté d’établissement.
36 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, rappelée aux points 28 et 29 de la présente ordonnance, l’obligation d’immatriculer dans un État membre un véhicule mis à la disposition d’un travailleur non salarié par une société établie dans un autre État membre constitue une entrave à la liberté d’établissement, indépendamment de la forme juridique de cette société. Dès lors, la circonstance que la société ayant mis le véhicule concerné à la disposition d’un associé-gérant, tel qu’IO, ait ou non une personnalité juridique ne saurait avoir une incidence sur l’existence de cette entrave.
37 S’agissant de la justification d’une telle entrave, il convient de rappeler qu’une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un résident de cet État membre ne peut se prévaloir d’une dérogation à l’obligation d’immatriculation des véhicules, dans ledit État membre, pour un véhicule immatriculé dans un autre État membre et mis à sa disposition par la société, dont il est l’associé-gérant et qui est établie dans cet autre État membre, que si les documents attestant que l’intéressé satisfait aux conditions d’application de cette dérogation se trouvent, en permanence, à bord de ce véhicule ne peut être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faut-il, en pareil cas, que l’application d’une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l’objectif visé et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif [voir, en ce sens, ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 31 et jurisprudence citée].
38 Or, il convient de relever que les objectifs poursuivis par la réglementation en cause au principal ne ressortent pas clairement de la décision de renvoi. Il ressort, toutefois, de cette décision que ces objectifs pourraient être ceux de prévention d’abus et de lutte contre la fraude fiscale.
39 À cet égard, il convient de rappeler que, s’agissant, notamment, des objectifs de lutte contre la fraude fiscale dans les domaines de la taxe d’immatriculation et de la taxe sur les véhicules à moteur et d’efficacité des contrôles routiers, la Cour a jugé qu’une réglementation qui n’admettait pas que les documents attestant que l’intéressé satisfaisait aux conditions d’application de la dérogation à l’obligation d’immatriculation des véhicules fussent présentés dans un bref délai après le contrôle et qui excluait, ainsi, toute possibilité de régularisation de la situation de l’intéressé, n’était pas proportionnée, au regard de ces objectifs [voir, en ce sens, ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 33 et jurisprudence citée].
40 En outre, en ce qui concerne l’objectif de prévention d’abus, il résulte de la jurisprudence que, si les justiciables ne peuvent abusivement ou frauduleusement se prévaloir du droit de l’Union, une présomption générale d’abus ne saurait être fondée sur la circonstance qu’un travailleur non salarié résidant en Belgique utilise, sur le territoire de cet État membre, un véhicule mis à sa disposition par la société, dont il est l’associé-gérant et qui est établie dans un autre État membre [voir, par analogie, ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 34 et jurisprudence citée].
41 Par ailleurs, il convient également de constater que si les motifs sous-tendant l’existence d’une éventuelle obligation d’immatriculation du véhicule lorsque celui-ci est mis à la disposition d’une personne physique résidente par une société sans personnalité juridique établie dans un autre État membre, ou lorsque le nom de ladite société ne figure pas dans les documents d’immatriculation de ce véhicule, ne ressortent pas non plus clairement de la décision de renvoi, une réglementation telle que celle en cause au principal n’apparaît, en tout état de cause, pas proportionnée par rapport à l’objectif poursuivi. En effet, il apparaît impossible pour une telle personne d’apporter des preuves autres que le certificat d’immatriculation afin de démontrer que le véhicule appartient à la société, bien que le véhicule ne soit pas immatriculé au nom de celle-ci.
42 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre aux première et troisième questions que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un gérant de société ou un travailleur indépendant, résidant dans cet État membre, peut se prévaloir d’une dérogation à l’obligation d’immatriculation, dans ledit État membre, d’un véhicule immatriculé dans un autre État membre et mis à sa disposition par une société, avec ou sans personnalité juridique, établie dans cet autre État membre, seulement si des documents attestant que l’intéressé satisfait aux conditions d’application de cette dérogation se trouvent, en permanence, à bord dudit véhicule.
Sur la deuxième question
43 Par sa deuxième question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui impose à l’associé-gérant d’une société, résident de cet État membre, d’y immatriculer un véhicule mis à sa disposition par cette société, établie dans un autre État membre, dès lors que ledit associé-gérant ne perçoit pas de salaire ou de revenu auprès de ladite société.
44 À cet égard, il ressort de la décision de renvoi que IO est propriétaire à 50 % d’une société établie dans un État membre, tout en étant résidente d’un autre État membre. Or, selon une jurisprudence constante, peut relever de la liberté d’établissement un ressortissant de l’Union qui réside dans un État membre et qui détient, dans le capital d’une société établie dans un autre État membre, une participation lui conférant une influence certaine sur les décisions de cette société et lui permettant d’en déterminer les activités (arrêt du 19 novembre 2009, Filipiak, C‑314/08, EU:C:2009:719, point 52), ce qu’il incombe, en l’occurrence, à la juridiction de renvoi d’apprécier.
45 Ainsi qu’il ressort de la jurisprudence rappelée aux points 28 et 29 de la présente ordonnance, l’obligation d’immatriculer dans un État membre un véhicule de société mis à la disposition d’une personne physique résidente par une société établie dans un autre État membre peut constituer une entrave à la liberté d’établissement.
46 Il convient, toutefois, de rappeler également que la Cour a estimé, en substance, que les États membres pouvaient édicter une obligation d’immatriculation à l’égard d’un véhicule de société mis à la disposition d’un travailleur non salarié résidant en Belgique et déjà immatriculé dans un autre État membre, lorsque ce véhicule était destiné, à titre permanent, à être essentiellement utilisé sur le territoire de ce premier État membre ou lorsqu’il était, de fait, utilisé de cette manière (voir, en ce sens, arrêt du 31 mai 2017, U, C‑420/15, EU:C:2017:408, point 23 et jurisprudence citée).
47 Si telle n’était pas, effectivement, l’utilisation du véhicule mis à la disposition de IO, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, la condition de rattachement à l’État membre imposant l’obligation d’immatriculation et prévue au point 46 de la présente ordonnance ne serait pas remplie (voir, par analogie, arrêt du 31 mai 2017, U, C‑420/15, EU:C:2017:408, point 28).
48 Ainsi, une réglementation nationale telle que celle en cause au principal ne pourrait être admise que si elle poursuit un objectif légitime compatible avec le traité et se justifie par des raisons impérieuses d’intérêt général. Encore faudrait-il, en pareil cas, que l’application d’une telle mesure soit propre à garantir la réalisation de l’objectif visé et n’aille pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif [voir, en ce sens, ordonnance du 28 mai 2020, Wallonische Region (Immatriculation d’un véhicule d’une société non-résidente), C‑757/19, non publiée, EU:C:2020:410, point 31 et jurisprudence citée].
49 Or, si les motifs susceptibles de justifier l’entrave à la liberté d’établissement que peut constituer une obligation d’immatriculation en l’absence de perception de salaire ou de revenu, telle que celle en cause au principal, ne ressortent pas clairement de la décision de renvoi, une réglementation telle que celle en cause au principal pourrait, toutefois, en tout état de cause, aller au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif visé si elle excluait, de manière absolue et automatique, comme cela apparaît être le cas en l’occurrence, du régime dérogatoire à l’obligation d’immatriculation tout associé-gérant d’une société établie dans un autre État membre ne percevant pas de salaire ou de revenu auprès de cette société, sans possibilité pour celui-ci de prouver la réalité de son rôle au sein de ladite société.
50 Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de répondre à la deuxième question que l’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui impose à un associé-gérant de société, résident de cet État membre, d’y immatriculer un véhicule mis à sa disposition par sa société, établie dans un autre État membre, dès lors que cet associé-gérant ne perçoit pas de salaire ou de revenu auprès de cette société, sans possibilité pour celui-ci de prouver la réalité de son rôle au sein de ladite société, pour autant que ce véhicule ne soit ni destiné à être essentiellement utilisé dans le premier État membre à titre permanent ni, en fait, utilisé de cette manière.
Sur les dépens
51 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) dit pour droit :
1) L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre en vertu de laquelle un gérant de société ou un travailleur indépendant, résidant dans cet État membre, peut se prévaloir d’une dérogation à l’obligation d’immatriculation, dans ledit État membre, d’un véhicule immatriculé dans un autre État membre et mis à sa disposition par une société, avec ou sans personnalité juridique, établie dans cet autre État membre, seulement si des documents attestant que l’intéressé satisfait aux conditions d’application de cette dérogation se trouvent, en permanence, à bord dudit véhicule.
2) L’article 49 TFUE doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation d’un État membre qui impose à un associé-gérant de société, résident de cet État membre, d’y immatriculer un véhicule mis à sa disposition par sa société, établie dans un autre État membre, dès lors que cet associé-gérant ne perçoit pas de salaire ou de revenu auprès de cette société, sans possibilité pour celui-ci de prouver la réalité de son rôle au sein de ladite société, pour autant que ce véhicule ne soit ni destiné à être essentiellement utilisé dans le premier État membre à titre permanent ni, en fait, utilisé de cette manière.
Signatures
* Langue de procédure : l’allemand.