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Document 62012CJ0428
Judgment of the Court (Fifth Chamber) of 3 April 2014.#European Commission v Kingdom of Spain.#Failure of a Member State to fulfil obligations — Articles 34 TFEU and 36 TFEU — Measures of equivalent effect to quantitative restrictions on imports — Complementary private goods transport — The first vehicle of the fleet of a company — Rules for obtaining the road transport authorisation — Road safety and environmental protection.#Case C‑428/12.
Hotărârea Curții (Camera a cincea) din 3 aprilie 2014.
Comisia Europeană împotriva Regatului Spaniei.
Neîndeplinirea obligațiilor de către un stat membru – Articolele 34 TFUE și 36 TFUE – Măsuri cu efect echivalent restricțiilor cantitative la import – Transport privat complementar de mărfuri – Primul vehicul din flota unei întreprinderi – Norme privind obținerea autorizației de transport rutier – Siguranța rutieră și protecția mediului.
Cauza C‑428/12.
Hotărârea Curții (Camera a cincea) din 3 aprilie 2014.
Comisia Europeană împotriva Regatului Spaniei.
Neîndeplinirea obligațiilor de către un stat membru – Articolele 34 TFUE și 36 TFUE – Măsuri cu efect echivalent restricțiilor cantitative la import – Transport privat complementar de mărfuri – Primul vehicul din flota unei întreprinderi – Norme privind obținerea autorizației de transport rutier – Siguranța rutieră și protecția mediului.
Cauza C‑428/12.
Identificator ECLI: ECLI:EU:C:2014:218
ARRÊT DE LA COUR (cinquième chambre)
3 avril 2014 (*)
«Manquement d’État – Articles 34 TFUE et 36 TFUE – Mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation – Transport privé complémentaire de marchandises – Premier véhicule de la flotte d’une entreprise – Règles d’obtention de la licence de transport routier – Sécurité routière et protection de l’environnement»
Dans l’affaire C‑428/12,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 20 septembre 2012,
Commission européenne, représentée par Mme I. Galindo Martin et M. G. Wilms, en qualité d’agents,
partie requérante,
contre
Royaume d’Espagne, représenté par Mmes M. J. García-Valdecasas Dorrego et S. Centeno Huerta, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LA COUR (cinquième chambre),
composée de M. T. von Danwitz, président de chambre, MM. E. Juhász, A. Rosas, D. Šváby et C. Vajda (rapporteur), juges,
avocat général: M. M. Wathelet,
greffier: M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en établissant dans sa réglementation nationale relative au transport terrestre en matière de licences de transport routier de marchandises l’obligation pour le premier véhicule de la flotte d’une entreprise de ne pas être âgé de plus de cinq mois à compter de sa première immatriculation, aux fins de l’obtention d’une licence de «transport privé complémentaire de marchandises» et en ne justifiant pas cette obligation, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 34 TFUE et 36 TFUE.
Le cadre juridique espagnol
2 L’arrêté FOM/734/2007, du 20 mars 2007, portant modalités d’application de la loi réglementant le transport terrestre en matière de licences de transport routier de marchandises (BOE n° 75, du 28 mars 2007, p. 13405, ci-après l’«arrêté de 2007»), fixe en droit espagnol les règles en matière de licences de transport routier.
3 Selon l’article 2 de l’arrêté de 2007, commun aux licences de transport public et de transport privé complémentaire de marchandises, «les personnes qui entendent opérer des transports de marchandises, qu’ils soient publics ou privés complémentaires, doivent préalablement obtenir la licence administrative les y habilitant».
4 L’article 3 de l’arrêté de 2007 dispose que la réalisation de transports privés complémentaires au moyen de véhicules dont la masse maximale autorisée ne dépasse pas 3,5 tonnes est dispensée de l’obligation d’autorisation visée à l’article 2 de cet arrêté.
5 Aux termes de l’article 4 de l’arrêté de 2007, intitulé «Documents relatifs aux licences»:
«Les licences régies par le présent arrêté sont attestées par les cartes de transport y afférentes, sur lesquelles est précisé le numéro de la licence, le nom du titulaire, son domicile et autres informations requises par la Dirección General de Transportes por Carretera (direction générale des transports routiers) concernant l’activité.
Une copie certifiée conforme de la licence de transport visée est fournie pour chacun des véhicules de l’entreprise titulaire. Cette copie mentionne, outre les informations figurant sur la licence, le numéro d’immatriculation du véhicule pour lequel la licence est délivrée et les autres informations relatives au véhicule requises, le cas échéant, par la Dirección General de Transportes por Carretera.
La copie de la licence délivrée à chaque véhicule doit se trouver à bord de ce dernier durant les opérations de transport.»
6 En vertu de l’article 22 de l’arrêté de 2007:
«1. Les véhicules couverts par les copies certifiées conformes d’une licence de transport public peuvent être remplacés sur autorisation donnée par l’autorité compétente en faisant référence au nouveau véhicule. Le remplacement est subordonné au respect des conditions suivantes:
[...]
b) L’âge moyen de la flotte couverte par la licence, en prenant en considération le nouveau véhicule et en décomptant celui qui est remplacé, n’est pas supérieur à six ans ou, dans le cas contraire, n’est pas supérieur à l’âge de la flotte avant le remplacement.»
7 Sous le chapitre III de l’arrêté de 2007, intitulé «Régime des licences de transport privé complémentaire de marchandises», l’article 31, intitulé «Conditions d’octroi de la licence de transport privé complémentaire», dispose à son paragraphe 1:
«Quiconque sollicite une nouvelle licence de transport privé complémentaire doit apporter la preuve [...] qu’il dispose, au moins, d’un véhicule [...] âgé de cinq mois au maximum à compter de sa première immatriculation. [...]»
8 L’article 32 dudit arrêté, intitulé «Délivrance de nouvelles copies certifiées conformes de la licence de transport privé complémentaire», prévoit:
«Afin d’obtenir de nouvelles copies certifiées conformes d’une licence de transport privé complémentaire, le titulaire doit apporter la preuve à l’autorité administrative compétente que les besoins de transport privé de son entreprise se sont accrus proportionnellement à l’augmentation alléguée de la flotte [...].
[...]
Les nouvelles copies demandées ne sont octroyées que si l’âge moyen de la flotte déjà couverte par la licence et celui des nouveaux véhicules pour lesquels une copie est sollicitée n’est pas supérieur à six ans ou, dans le cas contraire, si chacun des nouveaux véhicules n’est pas âgé de plus de cinq mois.»
9 Selon l’article 35, paragraphe 1, de l’arrêté de 2007, intitulé «Remplacement ou modification des caractéristiques techniques des véhicules couverts par une licence», le «remplacement des véhicules couverts par des copies d’une licence de transport privé complémentaire est régi par des règles identiques à celle de l’article 22».
La procédure précontentieuse
10 La Commission a adressé, le 25 novembre 2010, une lettre de mise en demeure au Royaume d’Espagne dans laquelle elle indiquait que la condition, fixée à l’article 31 de l’arrêté de 2007 (ci-après la «disposition litigieuse»), selon laquelle, afin d’obtenir une licence de transport privé complémentaire, le premier véhicule d’une flotte ne doit pas être âgé de plus de cinq mois à compter de sa première immatriculation, était contraire aux articles 34 TFUE et 36 TFUE.
11 Le Royaume d’Espagne a répondu à cette lettre de mise en demeure par une lettre du 25 janvier 2011 dans laquelle il contestait l’existence du manquement reproché.
12 N’étant pas convaincue par cette réponse, la Commission a adressé, le 20 mai 2011, un avis motivé au Royaume d’Espagne, l’invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de la réception de celui-ci.
13 Le Royaume d’Espagne, dans sa réponse du 20 juillet 2011 à l’avis motivé, a contesté le grief selon lequel la disposition litigieuse était contraire à l’article 34 TFUE et a donc estimé qu’il n’y avait pas lieu d’appliquer les exceptions susceptibles de justifier les restrictions à la libre circulation des marchandises visées à l’article 36 TFUE en l’espèce. Il a, par ailleurs, indiqué que la réglementation espagnole relative au transport de marchandises et de passagers était en cours de modification et que, à cet égard, il était envisagé de réviser notamment la disposition litigieuse relative à l’âge du premier véhicule utilisé pour le transport privé complémentaire.
14 Compte tenu de cette réponse et en l’absence de communication ultérieure par le Royaume d’Espagne démontrant que la disposition litigieuse avait été abrogée, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
Sur le recours
Argumentation des parties
15 La Commission estime que la disposition litigieuse, qui soumet le premier poids lourd d’une flotte, aux fins de son immatriculation en Espagne et de son utilisation ultérieure pour le transport privé complémentaire, à la condition de ne pas être âgé de plus de cinq mois à compter de sa première immatriculation, constitue une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative à l’importation.
16 Cette disposition aurait pour effet de limiter l’importation des poids lourds en provenance d’autres États membres, âgés de plus de cinq mois à compter de leur première immatriculation et satisfaisant aux exigences techniques prescrites par le droit de l’Union et le droit national de l’État membre d’origine. Elle violerait ainsi le principe de reconnaissance mutuelle et constituerait une entrave à l’accès au marché espagnol, en ce qu’elle aurait pour effet de restreindre sensiblement l’utilisation des véhicules en cause.
17 Quant aux éventuelles justifications pouvant être apportées à la réglementation en cause, la Commission fait observer que ni la sécurité routière ni la protection de l’environnement ne peuvent justifier en l’espèce l’entrave à la libre circulation des marchandises.
18 S’agissant, en premier lieu, de la justification relative à l’objectif de sécurité routière, la Commission relève que l’âge d’un véhicule n’apporte aucune information précise quant à l’état technique d’un véhicule, ce qui peut, en revanche, être évalué au moyen d’un contrôle technique. De plus, la Commission estime que la réglementation en cause ne contribue pas, d’une manière cohérente et systématique, à la réalisation de l’objectif relatif à la sécurité routière, car elle permet d’ajouter de nouveaux véhicules à la flotte sans restriction quant à l’âge, à l’état technique ou à la sécurité de ceux-ci, à condition que la limite de six ans d’âge moyen de la flotte soit respectée. Par ailleurs, la Commission doute de la proportionnalité de la disposition litigieuse, étant donné que le Royaume d’Espagne a opté pour une interdiction absolue, fondée sur l’âge du véhicule, sans envisager d’autres options moins restrictives, comme un contrôle technique, pour parvenir au même résultat.
19 S’agissant, en second lieu, de la justification relative à l’objectif de protection de l’environnement, la Commission relève que l’âge du véhicule à compter de la première immatriculation n’apporte aucune information précise quant à l’incidence de l’utilisation de celui-ci sur l’environnement. En tout état de cause, des mesures moins restrictives existeraient, telles que la reconnaissance de la preuve apportée dans un autre État membre démontrant que le véhicule a passé avec succès un contrôle technique, pour atteindre l’objectif poursuivi.
20 Le Royaume d’Espagne fait valoir que le champ d’application de la réglementation en cause est tellement réduit – en ce qu’il s’applique uniquement aux entreprises établies en Espagne exerçant une activité principale autre que le transport et qui acquièrent des véhicules relevant de l’arrêté de 2007 pour le transport de leurs propres marchandises – que ses effets sur le commerce au sein de l’Union européenne, s’il en existe, seraient imperceptibles. La disposition litigieuse ne ferait nullement obstacle à l’usage normal en Espagne des véhicules immatriculés dans d’autres États membres. Elle se bornerait à prévoir une limitation, s’appliquant aux seules entreprises établies en Espagne, d’utilisation dans le cadre du transport privé complémentaire des véhicules âgés de plus de cinq mois en tant que premier véhicule de la flotte. En revanche, cet État membre souligne que l’utilisation d’un véhicule dans le cadre du transport privé complémentaire, pour autant que l’âge moyen de la flotte ne dépasse pas six ans, tout comme le remplacement d’un véhicule de la flotte, reste libre. Or, les entreprises concernées par la disposition litigieuse posséderaient pour la plupart une flotte dépassant deux véhicules.
21 À titre subsidiaire, le Royaume d’Espagne relève qu’une éventuelle restriction à la libre circulation des marchandises serait en tout état de cause justifiée par des motifs d’intérêt général visant à réduire l’âge moyen de la flotte de véhicules destinés au transport privé complémentaire de marchandises, ce qui a une incidence tant sur la sécurité routière que sur la protection de l’environnement. Par ailleurs, l’exigence en question fournit, selon lui, l’indication d’une meilleure solvabilité de l’entreprise et encourage une meilleure exploitation des véhicules aux fins du transport privé complémentaire de marchandises.
22 Au demeurant, le Royaume d’Espagne considère que l’exigence relative à l’âge maximal du premier véhicule de la flotte est moins restrictive et, de plus, moins coûteuse pour les entreprises concernées et pour l’État qu’un contrôle technique.
23 Dans sa réplique, la Commission relève, en ce qui concerne les effets de la réglementation en cause, que les entreprises espagnoles n’ont pratiquement aucun intérêt à acquérir en tant que premier véhicule de la flotte un véhicule dont la première immatriculation a eu lieu plus de cinq mois auparavant, dès lors que la disposition litigieuse empêche d’en faire une utilisation correspondant à ses caractéristiques inhérentes.
24 La Commission considère que, parmi les justifications invoquées par le Royaume d’Espagne, celles relatives à la plus grande solvabilité des entreprises, à une garantie de l’utilisation des véhicules à des fins de transport privé complémentaire ainsi qu’au rajeunissement de la flotte ne constituent pas des motifs d’intérêt général visés à l’article 36 TFUE ni des exigences impératives au sens de la jurisprudence de la Cour. Concernant les justifications fondées sur les objectifs de sécurité routière et de protection de l’environnement, la Commission estime que le Royaume d’Espagne n’apporte pas la preuve de la proportionnalité de la disposition litigieuse.
25 Le Royaume d’Espagne, dans sa duplique, fait valoir que, bien que la disposition litigieuse restreigne l’acquisition, aux fins du transport privé complémentaire, par des entreprises établies en Espagne de véhicules précédemment immatriculés dans un autre État membre, lorsqu’il s’agit d’un premier véhicule de la flotte, il n’est pas pour autant question de restriction qui se heurte à l’article 34 TFUE, dès lors que la Commission n’a pas démontré l’existence d’un traitement moins favorable des véhicules provenant d’autres États membres.
Appréciation de la Cour
Sur l’existence d’une restriction à la libre circulation des marchandises
26 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’interdiction des mesures d’effet équivalent à des restrictions quantitatives à l’importation édictée à l’article 34 TFUE vise toute mesure des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, le commerce intracommunautaire (arrêt Commission/Belgique, C‑150/11, EU:C:2012:539, point 50 et jurisprudence citée).
27 En l’espèce, l’article 2 de l’arrêté de 2007 prévoit l’obligation d’obtenir une licence administrative pour le transport privé complémentaire de marchandises lorsque celui-ci est effectué au moyen de véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes. La disposition litigieuse subordonne l’octroi de la licence de transport privé complémentaire à la présentation par le demandeur de la preuve que celui-ci dispose d’au moins un véhicule âgé de cinq mois au maximum à compter de sa première immatriculation.
28 À cet égard, il est vrai que, ainsi que le Royaume d’Espagne le relève à juste titre, s’agissant des véhicules ayant dépassé l’âge de cinq mois à compter de leur première immatriculation, la condition litigieuse prévue par l’arrêté de 2007 s’applique dans cette hypothèse sans opérer de distinction selon l’origine des véhicules. En effet, elle exclut, lorsqu’il s’agit d’un premier véhicule de la flotte, la délivrance d’une licence de transport privé complémentaire en vue de l’utilisation ultérieure de celui-ci dans le cadre du transport privé complémentaire tant pour les véhicules importés que pour les véhicules en provenance d’Espagne.
29 Cependant, il ressort de la jurisprudence qu’une mesure, même si elle n’a ni pour objet ni pour effet de traiter moins favorablement des produits en provenance d’autres États membres, relève également de la notion de mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives au sens de l’article 34 TFUE si elle entrave l’accès au marché d’un État membre des produits originaires d’autres États membres (voir, en ce sens, arrêt Commission/Italie, C‑110/05, EU:C:2009:66, point 37).
30 À cet égard, il y a lieu de constater que l’interdiction d’utilisation d’un véhicule dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes et qui est âgé de plus de cinq mois à compter de sa première immatriculation en tant que premier véhicule de la flotte est susceptible d’avoir une influence considérable sur le comportement des entreprises désirant en faire usage dans le cadre du transport privé complémentaire, comportement qui est susceptible, à son tour, d’affecter l’accès de ce produit au marché de l’État membre en cause (voir, en ce sens, arrêts Commission/Italie, EU:C:2009:66, point 56, ainsi que Mickelsson et Roos, C‑142/05, EU:C:2009:336, point 26).
31 En effet, les entreprises, sachant que l’utilisation autorisée par l’arrêté de 2007 d’un véhicule dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes et qui est âgé de plus de cinq mois à compter de sa première immatriculation est restreinte, n’ont qu’un intérêt limité à acquérir un tel véhicule dans le cadre de leurs activités de transport privé complémentaire (voir, en ce sens, arrêts Commission/Italie, EU:C:2009:66, point 57, ainsi que Mickelsson et Roos, EU:C:2009:336, point 27).
32 Certes, l’arrêté de 2007 n’interdit l’utilisation, dans le cadre du transport privé complémentaire, dudit véhicule, lorsque les conditions qu’il pose sont respectées, ni dans une flotte composée de plusieurs véhicules, ni pour le remplacement d’un véhicule de la flotte, ni pour l’ajout d’un nouveau véhicule à la flotte en question. Toutefois, il n’en demeure pas moins que l’utilisation par une entreprise, dans le cadre de ses activités de transport privé complémentaire, d’un véhicule, en tant que premier véhicule de la flotte, lorsque l’âge de celui-ci, à partir de sa première immatriculation, a dépassé les cinq mois, correspond à un usage inhérent à ce véhicule. Dès lors, la condition posée à la disposition litigieuse a pour effet de restreindre la possibilité pour les entreprises concernées de faire un usage normal de ce véhicule, ce qui entrave l’accès de celui-ci au marché espagnol.
33 À la lumière de ce qui précède, la condition relative à l’âge maximal d’un premier véhicule de la flotte à compter de sa première immatriculation prévue par la disposition litigieuse constitue une restriction à la libre circulation des marchandises, au sens de l’article 34 TFUE.
Sur une justification éventuelle de la restriction
34 Il ressort d’une jurisprudence constante qu’une réglementation nationale qui constitue une mesure d’effet équivalent à des restrictions quantitatives peut être justifiée par l’une des raisons d’intérêt général énumérées à l’article 36 TFUE ou par des exigences impératives. Dans l’un et l’autre cas, la disposition nationale doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi et ne pas aller au-delà de ce qui est nécessaire pour qu’il soit atteint. À cet égard, il incombe aux autorités nationales compétentes de démontrer que leur réglementation répond à ces critères. Une telle démonstration ne peut être faite que concrètement, par rapport aux circonstances du cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêt Commission/Belgique, EU:C:2012:539, points 53 et 54 ainsi que jurisprudence citée).
35 En l’espèce, le Royaume d’Espagne soutient qu’il est nécessaire de réduire l’âge moyen de la flotte des véhicules destinés au transport privé complémentaire pour des raisons de sécurité routière et de protection de l’environnement. En outre, cet État membre invoque d’autres intérêts spécifiques au secteur dans lequel l’activité de transport privé complémentaire s’opère.
36 Alors qu’il est de jurisprudence constante qu’une entrave à la libre circulation des marchandises peut être justifiée par des exigences impératives tendant à l’amélioration de la sécurité routière ou à la protection de l’environnement (voir à cet égard, notamment, arrêt Snellers, C‑314/98, EU:C:2000:557, point 55), force est de constater, en premier lieu, que le Royaume d’Espagne ne démontre pas concrètement que la condition fixée à la disposition litigieuse relative à l’âge maximal du premier véhicule de la flotte serait propre à garantir la réalisation de ces objectifs.
37 En effet, le Royaume d’Espagne n’a nullement établi que l’âge de cinq mois d’un véhicule à compter de sa première immatriculation est déterminant du point de vue de l’aptitude technique à circuler ou du niveau de gaz polluants provoqués par ce véhicule.
38 En outre, en l’espèce, le Royaume d’Espagne ne démontre pas que la réglementation en cause, qui permet d’ajouter de nouveaux véhicules à la flotte sans restriction quant à l’âge, à l’état technique ou à la sécurité de ceux-ci, pour autant que l’âge moyen de la flotte ne soit pas supérieur à six ans, répond véritablement au souci d’atteindre les objectifs poursuivis d’une manière cohérente et systématique.
39 Par ailleurs, il convient de relever, à l’instar de la Commission, que le Royaume d’Espagne ne démontre pas non plus que des mesures moins restrictives, telles que la reconnaissance de la preuve apportée dans un autre État membre démontrant que le véhicule a passé avec succès un contrôle technique, n’assureraient pas de manière aussi efficace la réalisation des objectifs poursuivis.
40 S’agissant, en second lieu, des autres justifications invoquées par le Royaume d’Espagne, énoncées au point 21 du présent arrêt, telles que l’indication d’une meilleure solvabilité de l’entreprise concernée ou encore l’incitation d’une meilleure exploitation des véhicules aux fins du transport privé complémentaire de marchandises, celles-ci ne constituent ni des motifs d’intérêt général au sens de l’article 36 TFUE ni des exigences impératives au sens de la jurisprudence de la Cour.
41 Eu égard à ces éléments, il y a lieu de constater que, en imposant, à la disposition litigieuse, pour les véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes, la condition selon laquelle, afin d’obtenir une licence de transport privé complémentaire de marchandises, le premier véhicule de la flotte d’une entreprise ne doit pas être âgé de plus de cinq mois à compter de sa première immatriculation, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 34 TFUE.
Sur les dépens
42 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume d’Espagne et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) déclare et arrête:
1) En imposant, à l’article 31 de l’arrêté FOM/734/2007, du 20 mars 2007, portant modalités d’application de la loi réglementant le transport terrestre en matière de licences de transport routier de marchandises, pour les véhicules dont la masse maximale autorisée dépasse 3,5 tonnes, la condition selon laquelle, afin d’obtenir une licence de transport privé complémentaire de marchandises, le premier véhicule de la flotte d’une entreprise ne doit pas être âgé de plus de cinq mois à compter de sa première immatriculation, le Royaume d’Espagne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 34 TFUE.
2) Le Royaume d’Espagne est condamné aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: l’espagnol.