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Document 62011CJ0449
Judgment of the Court (Second Chamber) of 5 December 2013.#Solvay Solexis SpA v European Commission.#Appeal — Agreements, decisions and concerted practices — European market for hydrogen peroxide and sodium perborate — Decision finding an infringement of Article 81 EC — Concepts of ‘agreement’ and ‘concerted practice’ — Concept of a ‘single and continuous infringement’ — Calculation of the fine.#Case C‑449/11 P.
Hotărârea Curții (Camera a doua) din 5 decembrie 2013.
Solvay Solexis SpA împotriva Comisiei Europene.
Recurs – Înțelegeri – Piața europeană a peroxidului de hidrogen și a perboratului de sodiu – Decizie de constatare a unei încălcări a articolului 81 CE – Durata încălcării – Prescripție – Noțiunile „acord” și „practică concertată” – Noțiunea „încălcare unică și continuă” – Calculul amenzii.
Cauza C-449/11 P.
Hotărârea Curții (Camera a doua) din 5 decembrie 2013.
Solvay Solexis SpA împotriva Comisiei Europene.
Recurs – Înțelegeri – Piața europeană a peroxidului de hidrogen și a perboratului de sodiu – Decizie de constatare a unei încălcări a articolului 81 CE – Durata încălcării – Prescripție – Noțiunile „acord” și „practică concertată” – Noțiunea „încălcare unică și continuă” – Calculul amenzii.
Cauza C-449/11 P.
Repertoriul de jurisprudență 2013 -00000
Identificator ECLI: ECLI:EU:C:2013:802
ARRÊT DE LA COUR (deuxième chambre)
5 décembre 2013 (*)
«Pourvoi – Ententes – Marché européen du peroxyde d’hydrogène et du perborate de sodium – Décision constatant une infraction à l’article 81 CE – Notions d’‘accord’ et de ‘pratique concertée’ – Notion d’‘infraction unique et continue’ – Calcul de l’amende»
Dans l’affaire C‑449/11 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 30 août 2011,
Solvay Solexis SpA, établie à Milan (Italie), représentée par Mes T. Salonico, G. L. Zampa et G. Barone, avvocati,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant:
Commission européenne, représentée par MM. V. Di Bucci, L. Malferrari et B. Gencarelli, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (deuxième chambre),
composée de Mme R. Silva de Lapuerta, président de chambre, MM. J. L. da Cruz Vilaça, G. Arestis (rapporteur), J.‑C. Bonichot et A. Arabadjiev, juges,
avocat général: M. M. Wathelet,
greffier: M. V. Tourrès, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 24 janvier 2013,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, Solvay Solexis SpA (ci-après «Solvay Solexis») demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 juin 2011, Solvay Solexis/Commission (T‑195/06, ci‑après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant à l’annulation partielle de la décision C(2006) 1766 final de la Commission, du 3 mai 2006, relative à une procédure d’application de l’article 81 [CE] et de l’article 53 de l’accord EEE à l’encontre d’Akzo Nobel NV, Akzo Nobel Chemicals Holding AB, EKA Chemicals AB, Degussa AG, Edison SpA, FMC Corporation, FMC Foret SA, Kemira Oyj, L’Air Liquide SA, Chemoxal SA, Snia SpA, Caffaro Srl, Solvay SA/NV, Solvay Solexis SpA, Total SA, Elf Aquitaine SA et Arkema SA (Affaire COMP/F/C.38.620 – Peroxyde d’hydrogène et perborate), dont un résumé a été publié au Journal officiel de l’Union européenne (JO 2006, L 353, p. 54, ci-après la «décision litigieuse»), ainsi qu’à la réduction du montant de l’amende lui ayant été infligée.
Le cadre juridique
2 Sous l’intitulé «Charge de la preuve», l’article 2 du règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil, du 16 décembre 2002, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles [81 CE] et [82 CE] (JO 2003, L 1, p. 1), prévoit:
«Dans toutes les procédures nationales et communautaires d’application des articles 81 [CE] et 82 [CE], la charge de la preuve d’une violation de l’article 81, paragraphe 1, [CE] ou de l’article 82 [CE] incombe à la partie ou à l’autorité qui l’allègue. En revanche, il incombe à l’entreprise ou à l’association d’entreprises qui invoque le bénéfice des dispositions de l’article 81, paragraphe 3, [CE] d’apporter la preuve que les conditions de ce paragraphe sont remplies.»
3 Le point 1, A, de la communication de la Commission intitulée «Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA» (JO 1998, C 9, p. 3, ci‑après les «lignes directrices de 1998») est libellé comme suit:
«Montant de base
[...]
A. Gravité
L’évaluation du caractère de gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné.
Les infractions seront ainsi classées en trois catégories permettant de distinguer les infractions peu graves, les infractions graves et les infractions très graves.
[...]
À l’intérieur de chacune de ces catégories, et notamment pour les catégories dites graves et très graves, l’échelle des sanctions retenues permettra de différencier le traitement qu’il convient d’appliquer aux entreprises selon la nature des infractions commises.
[...]
Dans le cas d’infractions impliquant plusieurs entreprises (type ‘cartel’), il pourra convenir de pondérer, dans certains cas, les montants déterminés à l’intérieur de chacune des trois catégories retenues ci-dessus afin de tenir compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature.
Ainsi le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées sans que cette différenciation n’obéisse à un calcul arithmétique.»
4 Le point 3 des lignes directrices de 1998 dispose:
«Circonstances atténuantes
Diminution du montant de base pour les circonstances atténuantes particulières telles que, par exemple:
– rôle exclusivement passif ou suiviste dans la réalisation de l’infraction,
– non-application effective des accords ou pratiques infractionnelles,
[...]»
Les antécédents du litige
5 Solvay Solexis, anciennement Ausimont SpA (ci-après «Ausimont»), est une société de droit italien faisant partie, depuis le 7 mai 2002, du groupe Solvay SA. Avant cette date, elle était contrôlée par Montedison SpA, devenue Edison SpA, et était active, notamment, sur les marchés du peroxyde d’hydrogène et du perborate de sodium.
6 Au mois de novembre 2002, Degussa AG a informé la Commission des Communautés européennes de l’existence d’une entente sur les marchés du peroxyde d’hydrogène et du perborate de sodium et a sollicité l’application de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2002, C 45, p. 3). Degussa AG a également fourni à la Commission des preuves matérielles qui l’ont mise en mesure d’effectuer, les 25 et 26 mars 2003, des vérifications dans les locaux de certaines entreprises.
7 Le 26 janvier 2005, la Commission a envoyé une communication des griefs à Solvay Solexis.
8 Par lettre du 8 mai 2006, Solvay Solexis s’est vu notifier la décision litigieuse dans laquelle il est indiqué qu’elle avait participé, pour la période allant du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000, à une infraction unique et continue à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3), concernant le peroxyde d’hydrogène et le perborate de sodium. L’infraction constatée a consisté principalement en l’échange, entre les concurrents, d’informations importantes sous l’angle commercial et d’informations confidentielles sur les marchés et les entreprises, en une limitation et en un contrôle de la production et des capacités potentielles et réelles de celle-ci, en une répartition des parts de marché et des clients ainsi qu’en la fixation et en la surveillance du respect d’objectifs de prix.
9 L’article 1er, sous n), de la décision litigieuse dispose que Solvay Solexis a enfreint l’article 81, paragraphe 1, CE et l’article 53 dudit accord, en participant à ladite infraction pour la période allant du 12 mai 1995 au 31 décembre 2000. À l’article 2, sous c), de cette décision, la Commission a infligé une amende de 58,125 millions d’euros à Edison SpA, la société mère d’Ausimont à l’époque de l’infraction, pour le paiement de laquelle Solvay Solexis est responsable «conjointement et solidairement» pour un montant de 25,619 millions d’euros.
La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
10 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 18 juillet 2006, Solvay Solexis a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse et à la réduction de l’amende qui lui a été infligée.
11 À l’appui de son recours, Solvay Solexis a invoqué cinq moyens. Par le premier moyen, d’une part, elle a contesté sa participation à l’infraction pour la période allant du 12 mai 1995 à mai/septembre 1997 (ci‑après la «période initiale») ainsi que pour celle allant du mois de mai au mois de décembre 2000 et, d’autre part, elle a invoqué une violation des droits de la défense résultant d’un refus d’accès à certains documents et d’un défaut d’instruction de certains éléments du dossier. Par les deuxième à quatrième moyens, Solvay Solexis a contesté la détermination du montant de l’amende, en invoquant le défaut de prise en compte, respectivement, de son rôle passif dans l’infraction ainsi que de l’absence d’impact de celle-ci sur le marché, de l’absence de sa participation à un accord sur la limitation des capacités de production et de sa coopération avec la Commission. Par le cinquième moyen, elle a invoqué l’illégalité du montant de l’amende au regard de certains principes généraux de droit.
12 Le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité.
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
13 Solvay Solexis demande à la Cour:
– d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse en ce qu’ils déclarent établie la participation d’Ausimont à l’infraction durant la période initiale et de recalculer en conséquence le montant de l’amende qui lui a été infligée;
– d’annuler l’arrêt attaqué et la décision litigieuse en ce que, pour la période postérieure à mai/septembre 1997, ils ne reconnaissent pas la gravité moindre de la conduite d’Ausimont en raison de sa non-participation à l’entente sur la limitation des capacités de production et en ce qu’ils la placent dans une catégorie erronée pour déterminer le montant de base de l’amende, et de recalculer en conséquence le montant de l’amende qui lui a été infligée;
– à titre subsidiaire, d’annuler l’arrêt attaqué dans ses parties visées aux précédents tirets et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin que celui-ci statue à nouveau, et
– de condamner la Commission aux dépens.
14 La Commission demande à la Cour:
– de rejeter le pourvoi et
– de condamner Solvay Solexis aux dépens des deux instances.
Sur le pourvoi
Sur le premier moyen, relatif au champ d’application de l’article 81 CE
15 Par son premier moyen, lequel se subdivise en trois branches, Solvay Solexis reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en interprétant l’article 81 CE d’une manière qui s’écarte tant de la lettre de cette disposition que de la jurisprudence constante de la Cour en matière d’«accord» et de «pratique concertée» ainsi que d’avoir déplacé la charge de la preuve en la matière, en violation de l’article 2 du règlement n° 1/2003. En outre, le Tribunal aurait dénaturé la fonction juridique de la notion d’«infraction unique et continue».
16 En ce qui concerne le premier moyen, il convient d’examiner, en premier lieu, la seconde branche de celui-ci, tirée de l’erreur qu’aurait commise le Tribunal dans l’interprétation et l’application de la notion de «pratique concertée», puis, en deuxième lieu, la première branche de ce moyen, par laquelle Solvay Solexis reproche au Tribunal d’avoir interprété et appliqué de manière erronée la notion d’«accord», et, enfin, en troisième et dernier lieu, la troisième branche dudit moyen, tirée d’une prétendue dénaturation, par le Tribunal, de la fonction juridique de la notion d’«infraction unique et continue».
Sur la deuxième branche du premier moyen, relative à l’interprétation et à l’application de la notion de «pratique concertée»
– Argumentation des parties
17 Solvay Solexis soutient que l’arrêt attaqué est entaché d’illégalité en ce que le Tribunal a, à titre subsidiaire, qualifié, aux points 101 à 120 de cet arrêt, les contacts échangés entre les producteurs de peroxyde d’hydrogène pendant la période initiale comme étant une «pratique concertée», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.
18 Solvay Solexis rappelle que, selon la jurisprudence constante de la Cour, confirmée en dernier lieu dans l’arrêt du 4 juin 2009, T-Mobile Netherlands e.a. (C‑8/08, Rec. p. I‑4529), les éléments constitutifs d’une pratique concertée sont les suivants, à savoir une concertation entre les entreprises pouvant réduire l’incertitude quant à leur comportement sur le marché, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments. En outre, en cas de «pratique concertée par l’objet», la Commission pourrait présumer les deuxième et troisième éléments, sous réserve toutefois de la preuve contraire fournie par l’entreprise concernée montrant qu’elle n’a pas tenu compte des contacts en question ou des informations échangées pour déterminer son comportement sur le marché.
19 Concernant le premier élément constitutif d’une pratique concertée, Solvay Solexis allègue que le Tribunal a, dans son appréciation des faits, dénaturé les éléments de preuve du dossier relatifs à la nature des informations échangées entre Ausimont et ses concurrents pendant la période initiale, ce qui l’a conduit à considérer, à tort, que ces informations pouvaient réduire l’incertitude quant au comportement de cette société et que, partant, les contacts que cette dernière a également entretenus pendant la période initiale constituaient une infraction à l’article 81 CE.
20 À cet égard, Solvay Solexis indique que les informations échangées pendant la période initiale portaient uniquement sur des propositions de répartition de la capacité de production disponible, compte tenu des investissements dans de nouveaux sites de production. L’échange de telles informations ne serait objectivement pas susceptible de réduire l’incertitude quant au comportement d’Ausimont sur le marché, d’autant plus que cette dernière n’avait aucun intérêt à limiter la nouvelle capacité de production dans laquelle elle venait d’investir.
21 Solvay Solexis reproche, en outre, au Tribunal d’avoir jugé, au point 109 de l’arrêt attaqué, que les propositions discutées lors des réunions qui se sont tenues au cours de la période initiale portaient aussi sur la définition des niveaux de prix du peroxyde d’hydrogène. Elle estime que cette affirmation constitue une dénaturation des éléments de preuve relatifs au contenu de ces propositions, dans la mesure où les prix pratiqués n’ont fait l’objet de discussions régulières qu’après la période initiale, lorsque, étant donné l’échec de toutes les discussions sur la répartition des capacités de production, les parties sont parvenues à un accord sur les prix. À cet égard, Solvay Solexis précise que, lorsque des questions de prix ont été abordées au cours des réunions auxquelles Ausimont a participé, il s’agissait en réalité des prix de fourniture pratiqués entre les producteurs et non des prix à appliquer aux clients sur le marché.
22 Le Tribunal aurait donc dénaturé les éléments de preuve et, partant, commis une erreur manifeste en jugeant que le premier élément constitutif d’une pratique concertée, à savoir l’existence d’une concertation illégale, avait été prouvé. En effet, il apparaîtrait que les discussions et les propositions de répartition de la capacité de production n’aient jamais débouché sur une convergence, fût-elle de principe, et n’auraient pu, en aucun cas, réduire l’incertitude sur le comportement qu’Ausimont adopterait sur le marché.
23 S’agissant des deuxième et troisième éléments constitutifs d’une pratique concertée, Solvay Solexis considère que le Tribunal a commis une erreur de droit en jugeant, aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, que, dans un cas de «pratique concertée par l’objet», les données concurrentielles fondamentales telles que les volumes de vente et les prix sont dépourvues de pertinence pour renverser la présomption réfragable relative au comportement sur le marché de l’entreprise concernée, ce qui constitue également un défaut de motivation au regard des arguments qu’elle a avancés.
24 Solvay Solexis soutient qu’elle a exposé devant le Tribunal de nombreux éléments qui prouvent qu’Ausimont n’a pas tenu compte des contacts qui ont eu lieu entre les parties pour déterminer son comportement sur le marché pendant la période initiale. Elle aurait, notamment, démontré que, de l’année 1995 à l’année 1997, ses volumes de vente pour le peroxyde d’hydrogène ont fortement augmenté dans les deux États sur lesquels se concentrait la majorité de son activité et ses prix moyens ont baissé de plus de la moitié.
25 À cet égard, en premier lieu, Solvay Solexis relève que tout le système de pratiques anticoncurrentielles du droit de l’Union vise à promouvoir la libre fixation des deux données économiques les plus importantes pour le comportement sur le marché, à savoir les volumes de vente et les prix. Elle estime qu’il est donc contradictoire que le Tribunal considère, en l’espèce, ces données comme «dénuées de pertinence», alors qu’il doit établir si le comportement d’une entreprise sur le marché peut avoir été influencé par la concertation.
26 En deuxième lieu, Solvay Solexis souligne que lesdites données sont particulièrement probantes, surtout pour un marché de matières premières comme celui du peroxyde d’hydrogène, dans lequel l’innovation et la qualité du produit ne sont pas des critères concurrentiels importants et où les seuls leviers que les entreprises peuvent actionner pour modifier la situation du marché sont précisément les volumes de vente et les prix. En outre, le dossier contiendrait de nombreux documents qui démontrent que le comportement d’Ausimont s’inscrivait dans une véritable guerre des prix.
27 Or, selon Solvay Solexis, le Tribunal s’est borné à conclure que, quand bien même les données relatives aux volumes de vente et aux prix démontreraient que la concertation a été sans influence sur la conduite d’Ausimont, elles seraient néanmoins dénuées de pertinence et ne seraient pas de nature à renverser la présomption réfragable selon laquelle il existe un lien de cause à effet entre la concertation et le comportement sur le marché, car, selon le point 118 de l’arrêt attaqué, cela n’empêcherait pas de constater que la pratique concertée en cause a, en tout état de cause, limité la concurrence entre les entreprises concernées, notamment en éliminant les pressions concurrentielles. Solvay Solexis souligne que cette position du Tribunal n’est accompagnée d’aucune explication, de sorte qu’elle est également entachée d’un défaut de motivation, ce qui constitue un motif d’annulation de cet arrêt.
28 En troisième lieu, Solvay Solexis considère que tant le point 114 de l’arrêt attaqué que la conclusion tirée au point 118 de ce dernier confondent l’analyse du comportement sur le marché d’Ausimont, dont il lui incombe de rapporter la preuve contraire, avec celle des effets d’une entente qui, dans le cas des restrictions par l’objet, n’est pertinente que pour apprécier la gravité de l’entente et non pour démontrer son existence même.
29 Ainsi, en jugeant que les données relatives aux volumes de vente et aux prix n’étaient pas pertinentes pour renverser la présomption réfragable relative au comportement sur le marché d’Ausimont, le Tribunal aurait transformé cette présomption en une présomption irréfragable, ce qui constituerait une violation des règles relatives à la charge de la preuve prévues à l’article 2 du règlement n° 1/2003 et une erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion de «pratique concertée» au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE.
30 La Commission conteste cette argumentation de Solvay Solexis.
– Appréciation de la Cour
31 En ce qui concerne l’argument de Solvay Solexis tiré d’une prétendue dénaturation des éléments de preuve, relatifs à la nature des informations échangées entre Ausimont et ses concurrents pendant la période initiale, que le Tribunal aurait commise, aux points 104 à 112 de l’arrêt attaqué, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, lorsqu’un requérant allègue une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal, il doit, en application des articles 256 TFUE, 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et 112, paragraphe 1, premier alinéa, sous c), du règlement de procédure de cette dernière, en vigueur à la date d’introduction du pourvoi, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation.
32 En outre, il est également de jurisprudence constante qu’une dénaturation d’éléments de preuve doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves.
33 En l’occurrence, il y a lieu de constater que, en se bornant à alléguer, de manière générale, que le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve relatifs à la nature des informations échangées entre Ausimont et ses concurrents pendant la période initiale, sans même démontrer les erreurs d’analyse que cette juridiction aurait commises, Solvay Solexis n’a pas satisfait aux exigences qui lui incombent de remplir en vertu de cette jurisprudence constante.
34 En outre, s’agissant de l’argument de Solvay Solexis tiré d’une prétendue dénaturation des éléments de preuve, par le Tribunal, en ce qu’il a affirmé, au point 109 de l’arrêt attaqué, que les propositions discutées lors des réunions en cause portaient également sur la définition des niveaux de prix du peroxyde d’hydrogène, il y a lieu de constater que cette allégation requiert obligatoirement de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves, la prétendue dénaturation n’apparaissant pas de façon manifeste des pièces du dossier. En tout état de cause, il suffit de relever que Solvay Solexis, elle-même, admet que la question des prix pratiqués entre les producteurs avait été abordée lors de ces réunions. Il s’ensuit que, ces prix ayant nécessairement une incidence sur le niveau des prix sur le marché, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir émis ladite affirmation.
35 En ce qui concerne l’argument de Solvay Solexis tiré d’une prétendue erreur qu’aurait commise le Tribunal, aux points 117 et 118 de l’arrêt attaqué, en jugeant que la preuve contraire résultant de données relatives aux volumes de vente et aux prix ne saurait renverser la présomption réfragable, visée par la jurisprudence, permettant d’établir l’existence d’une pratique concertée, il y a lieu de rappeler que la Cour a jugé que la notion de «pratique concertée», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, implique, outre la concertation entre les entreprises concernées, un comportement sur le marché faisant suite à cette concertation et un lien de cause à effet entre ces deux éléments (voir, notamment, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, point 51 et jurisprudence citée).
36 La Cour a également considéré qu’une pratique concertée a un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE lorsque, en raison de sa teneur ainsi que de sa finalité et compte tenu du contexte juridique et économique dans lequel elle s’insère, elle est concrètement apte à empêcher, à restreindre ou à fausser la concurrence au sein du marché commun. Il n’est pas nécessaire que la concurrence soit réellement empêchée, restreinte ou faussée ni qu’il existe un lien direct entre cette pratique concertée et les prix à la consommation. L’échange d’informations entre les concurrents poursuit un objet anticoncurrentiel lorsqu’il est susceptible d’éliminer les incertitudes quant au comportement envisagé par les entreprises concernées (voir arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, point 43).
37 La Cour a, par ailleurs, précisé qu’il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période (voir, notamment, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, point 51 et jurisprudence citée).
38 Afin de renverser cette présomption, il incombe à l’entreprise concernée de prouver que la concertation n’avait influencé d’aucune manière son propre comportement sur le marché (voir arrêt du 8 juillet 1999, Hüls/Commission, C‑199/92 P, Rec. p. I‑4287, point 167). La preuve contraire doit ainsi être apte à exclure tout lien entre la concertation et la détermination, par cette entreprise, de son comportement sur le marché.
39 À cet égard, il y a lieu de relever que des données relatives aux volumes de vente et aux prix pratiqués par l’entreprise concernée ne sauraient suffire, en tant que telles, à renverser ladite présomption. En effet, ces données ne permettent pas de démontrer, à elles seules, que cette entreprise n’a pas tenu compte des informations échangées avec ses concurrents pour déterminer son comportement sur le marché. Il s’ensuit que lesdites données n’excluent pas, en soi, de présumer que la concertation a permis à ladite entreprise d’éliminer les incertitudes quant à son comportement sur le marché, de sorte que le jeu normal de la concurrence a pu en être empêché, restreint ou faussé.
40 Il ne saurait, dès lors, être reproché au Tribunal d’avoir considéré que les données relatives aux volumes de vente et aux prix de Solvay Solexis n’étaient pas de nature à renverser la présomption réfragable en cause, en jugeant, au point 117 de l’arrêt attaqué, que, à supposer même qu’il soit établi que l’échange d’informations en cause n’ait pas eu d’influence sur ces volumes de vente et ces prix durant la période concernée, cela ne conduirait pas à remettre en cause la légalité des appréciations de la Commission. Partant, le Tribunal n’a pas commis une violation des règles relatives à la charge de la preuve prévues à l’article 2 du règlement n° 1/2003.
41 De même, dès lors que lesdites données apportées par Solvay Solexis ont, à juste titre, été jugées par le Tribunal comme étant inaptes à renverser la présomption réfragable en cause, il ne saurait non plus lui être reproché d’avoir méconnu l’obligation de motivation en prétendant qu’il aurait omis de fournir une motivation spécifique à cet égard. En tout état de cause, force est de constater que, aux points 117 à 119 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a répondu, à suffisance de droit, aux arguments de cette société tirés des volumes de vente et des prix pratiqués sur le marché durant la période concernée.
42 Le Tribunal n’a, par ailleurs, aucunement confondu, aux points 114 et 118 de l’arrêt attaqué, l’analyse du comportement sur le marché d’Ausimont avec celle des effets d’une infraction sur le marché. En effet, une simple lecture de ces points suffit pour constater que cette prétendue confusion résulte d’une lecture manifestement partielle et erronée desdits points à laquelle s’est livrée Solvay Solexis.
43 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que c’est sans commettre aucune erreur de droit dans l’interprétation et l’application de la notion de «pratique concertée», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, que le Tribunal a jugé, aux points 101 à 120 de l’arrêt attaqué, que les contacts échangés lors de la période initiale pouvaient, en tout état de cause, être qualifiés de «pratique concertée» relevant de cette disposition.
44 Aucun des arguments soulevés au soutien de la deuxième branche du premier moyen n’ayant prospéré, il y a lieu de rejeter cette branche.
Sur la première branche du premier moyen, relative à l’interprétation et à l’application de la notion d’«accord»
– Argumentation des parties
45 Solvay Solexis considère que l’arrêt attaqué est entaché d’illégalité en ce qu’il y est affirmé que les contacts échangés entre les producteurs de peroxyde d’hydrogène pendant la période initiale peuvent être qualifiés d’«accord», au sens de l’article 81 CE. Le Tribunal aurait retenu, à tort, aux points 88 à 90 de cet arrêt, qu’il existait une volonté commune de restreindre la concurrence.
46 Solvay Solexis souligne que cette affirmation du Tribunal est en contradiction avec celle retenue au point 85 dudit arrêt, selon laquelle, pendant la période initiale, les parties «n’ont pas réussi à conclure un accord ‘proprement dit’ quant à la répartition du marché». En conséquence, si, comme cela paraîtrait manifeste et ne semblerait pas contesté, il n’y a pas eu d’accord sur la répartition du marché, le Tribunal n’a pas précisé quel autre type d’accord aurait été conclu.
47 Par ailleurs, qualifier d’«accord» la conduite d’Ausimont et des autres entreprises impliquées pendant la période initiale serait manifestement contraire à la jurisprudence constante des juridictions de l’Union européenne sur la notion d’«accord», au sens de l’article 81 CE. En effet, pour constater l’existence d’un «accord», il serait nécessaire de rapporter la preuve que les entreprises se sont accordées sur un «comportement déterminé sur le marché». C’est-à-dire qu’il y aurait eu une convergence expresse ou tacite sur un mécanisme collusoire déterminé, même s’il n’était pas défini dans tous ses détails.
48 À cet égard, Solvay Solexis affirme qu’il n’y a jamais eu, en l’espèce, que ce soit pendant la période initiale ou après celle-ci, aucun accord ni convergence portant concrètement sur l’unique objet récurrent des discussions de l’année 1995 à l’année 1997, c’est-à-dire la tentative de certains producteurs de définir des modalités permettant de stabiliser le marché face à la nouvelle capacité de production qui allait être mise en place sur celui-ci par Ausimont et deux autres entreprises.
49 Outre l’erreur de droit relative à la notion d’«accord» relevant de l’article 81 CE, le Tribunal aurait également commis une dénaturation manifeste des éléments de preuve, qui témoignent sans conteste de l’absence d’accord sur un plan pendant la période initiale.
50 Enfin, concernant la motivation de l’arrêt attaqué selon laquelle les contacts échangés lors de la période initiale auraient servi à préparer un accord anticoncurrentiel, Solvay Solexis considère que le Tribunal s’est appuyé, à tort, sur deux affaires ayant donné lieu à ses arrêts du 6 avril 1995, Tréfilunion/Commission (T‑148/89, Rec. p. II‑1063, point 82), ainsi que du 8 juillet 2008, BPB/Commission (T‑53/03, Rec. p. II‑1333, point 178), dans lesquelles l’échange d’informations était en réalité destiné à préparer la mise en œuvre et/ou le contrôle d’un accord déjà conclu, c’est-à-dire un scénario totalement différent de celui du cas d’espèce.
51 La Commission conteste cette argumentation de Solvay Solexis.
– Appréciation de la Cour
52 Selon une jurisprudence constante, les notions d’«accord» et de «pratique concertée», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, appréhendent, du point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent (voir, notamment, arrêt T-Mobile Netherlands e.a., précité, point 23 et jurisprudence citée). Il suffit, dès lors, que la preuve des éléments constitutifs de l’une ou de l’autre de ces formes d’infraction visées à cette disposition ait été établie pour que, en toute hypothèse, cette dernière s’applique.
53 Il s’ensuit que, à supposer même que le Tribunal ait commis une erreur dans l’interprétation et l’application de la notion d’«accord», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, cette prétendue erreur ne saurait, à elle seule, conduire à l’annulation de l’arrêt attaqué, dès lors que, ainsi qu’il ressort de l’examen de la deuxième branche du premier moyen et, en particulier, du point 43 du présent arrêt, il a été établi, à bon droit, aux points 101 à 120 de l’arrêt attaqué, que les contacts échangés lors de la période initiale pouvaient, en tout état de cause, être qualifiés de «pratique concertée» relevant de cette disposition.
54 En conséquence, la première branche du premier moyen doit être écartée comme étant inopérante.
Sur la troisième branche du premier moyen, relative à la notion d’«infraction unique et continue»
– Argumentation des parties
55 Par la troisième branche du premier moyen, Solvay Solexis soutient que l’arrêt attaqué est également entaché d’illégalité dans l’application de la notion d’«infraction unique et continue» à la période initiale. En effet, Solvay Solexis relève que le Tribunal semble affirmer, aux points 81 et 82 de cet arrêt, que la Commission n’est pas tenue de qualifier chacun des comportements constatés d’«accord» ou de «pratique concertée», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, et qu’elle ne saurait donc être critiquée, en droit, pour avoir défini l’ensemble des comportements en cause comme présentant tous les éléments constitutifs d’un accord et/ou d’une pratique concertée.
56 Selon Solvay Solexis, cette affirmation semble contraire au principe exprimé par la Cour au point 135 de son arrêt du 8 juillet 1999, Commission/Anic Partecipazioni (C‑49/92 P, Rec. p. I‑4125), selon lequel la Commission reste tenue d’établir que chaque comportement constaté relève de l’interdiction édictée à l’article 81, paragraphe 1, CE, au titre d’accord, de pratique concertée ou de décision d’association d’entreprises.
57 Solvay Solexis souligne que cette vérification de l’existence d’un «accord» ou d’une «pratique concertée» aux fins de constater une violation de l’article 81 CE est essentielle pour fournir la preuve du début d’une infraction présumée, dans la mesure où cet élément a une incidence décisive sur la durée de l’infraction et, partant, un impact sur la responsabilité imputée aux entreprises. Ainsi, Solvay Solexis ne reproche pas au Tribunal et à la Commission d’avoir, en l’espèce, qualifié l’entente dans son ensemble d’infraction unique et continue, mais conteste l’emploi de cette qualification pour éliminer ou réduire la charge de la preuve prévue à l’article 2 du règlement n° 1/2003 afin d’établir l’existence d’une infraction au sens de l’article 81 CE, en omettant de préciser si et en quoi les contacts qui ont eu lieu pendant la période initiale constituaient un «accord» ou une «pratique concertée».
58 La Commission conteste cette argumentation de Solvay Solexis.
– Appréciation de la Cour
59 Ainsi qu’il a été rappelé au point 52 du présent arrêt, les notions d’«accord» et de «pratique concertée», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, appréhendent, du point de vue subjectif, des formes de collusion qui partagent la même nature et ne se distinguent que par leur intensité et par les formes dans lesquelles elles se manifestent.
60 Il s’ensuit que, s’agissant de formes de collusion de la même nature, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle qualifie chacun des comportements constatés d’«accord» ou de «pratique concertée», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, dès lors que, en toute hypothèse, l’une et l’autre de ces formes d’infraction sont visées à cette disposition (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, point 132). La Commission est ainsi en droit de qualifier chacun de ces comportements d’accord «et/ou» de pratique concertée.
61 Si la Commission reste tenue d’établir que chaque comportement constaté relève de l’interdiction édictée à l’article 81, paragraphe 1, CE, au titre d’accord, de pratique concertée ou de décision d’association d’entreprises, il lui suffit, néanmoins, de rapporter, pour chacun de ces comportements, la preuve des éléments constitutifs de l’une ou de l’autre de ces formes d’infraction visées à cette disposition pour que, en toute hypothèse, cette dernière s’applique (voir, en ce sens, arrêt Commission/Anic Partecipazioni, précité, points 135 à 136). Ainsi, lorsque la Commission attribue à un comportement en cause la double qualification d’accord «et/ou» de pratique concertée, l’infraction à ladite disposition doit être considérée comme étant établie, dès lors que cette institution a pu rapporter la preuve des éléments constitutifs de, à tout le moins, l’une de ces formes de collusion.
62 Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir jugé, aux points 81 et 82 de l’arrêt attaqué, que la Commission n’est pas tenue de qualifier chacun des comportements constatés d’«accord» ou de «pratique concertée», au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE, et qu’elle ne saurait donc être critiquée, en droit, pour avoir défini l’ensemble des comportements en cause comme présentant tous les éléments constitutifs «d’un accord et/ou d’une pratique concertée», pour autant qu’ils pouvaient être considérés comme relevant de l’une ou de l’autre de ces formes de collusion visées à cette disposition.
63 En outre, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort de l’examen de la deuxième branche du premier moyen et, en particulier, du point 43 du présent arrêt, il a été établi, à bon droit, aux points 101 à 120 de l’arrêt attaqué, que les contacts échangés lors de la période initiale pouvaient, en tout état de cause, être qualifiés de «pratique concertée» relevant de l’article 81, paragraphe 1, CE.
64 Il s’ensuit que, le Tribunal ayant, en substance, jugé, à juste titre, auxdits points, que, s’agissant des comportements constatés lors de la période initiale, la preuve des éléments constitutifs d’une pratique concertée relevant de l’interdiction édictée à l’article 81, paragraphe 1, CE avait été établie, il ne saurait non plus lui être reproché d’avoir éliminé ou réduit la charge de la preuve prévue à l’article 2 du règlement n° 1/2003 afin d’établir l’existence d’une infraction au sens de cette disposition.
65 En conséquence, l’arrêt attaqué n’étant pas entaché des erreurs de droit alléguées dans le cadre de la troisième branche du premier moyen, celle-ci doit également être écartée.
66 Aucune des branches soulevées au soutien du premier moyen n’ayant prospéré, il y a lieu de rejeter ce moyen dans son ensemble.
Sur le second moyen, relatif à la détermination de l’amende
67 Par son second moyen, lequel se subdivise en deux branches, Solvay Solexis reproche au Tribunal d’avoir approuvé le niveau d’amende infligée par la Commission. D’une part, elle reproche au Tribunal de ne pas avoir tenu compte de la non-participation d’Ausimont à l’entente sur la réduction des capacités de production. D’autre part, elle conteste la catégorisation d’Ausimont par rapport aux autres entreprises pour le calcul de l’amende.
Sur la première branche du second moyen, relative à la non-participation d’Ausimont à l’entente sur la réduction des capacités de production
– Argumentation des parties
68 Solvay Solexis soutient que le Tribunal a violé les principes d’égalité de traitement et de non-discrimination, de même qu’il s’est écarté de la lettre et de l’esprit du point 1, A, des lignes directrices de 1998, en vertu duquel les entreprises doivent faire l’objet d’un traitement différencié en fonction de la gravité des infractions qu’elles ont commises.
69 En ce sens, Solvay Solexis fait valoir que, contrairement à ce qu’affirme le Tribunal, aux points 264 et 265 de l’arrêt attaqué, le principe d’égalité de traitement et les lignes directrices de 1998 imposent d’effectuer l’analyse de l’étendue de la participation à l’infraction dès l’examen de la «gravité» de celle-ci, et pas nécessairement au seul titre des circonstances atténuantes. À cet égard, Solvay Solexis précise qu’Ausimont est le seul producteur de peroxyde d’hydrogène, avec une autre entreprise dénommée Chemoxal SA, à n’avoir jamais adhéré à l’entente sur la réduction des capacités de production qui a été conclue après la période initiale et estime que cet élément aurait dû être pris en compte dans la détermination du montant de base de l’amende qui lui a été infligée.
70 À titre subsidiaire, Solvay Solexis allègue que, en vertu du point 3, deuxième tiret, des lignes directrices de 1998, elle aurait dû, en fonction de la conduite d’Ausimont, se voir au moins octroyer la circonstance atténuante tenant à la non-application effective des accords ou des pratiques infractionnelles. Le Tribunal, en refusant, aux points 269 à 273 de l’arrêt attaqué, l’application de cette circonstance atténuante, au motif que celle-ci requerrait d’avoir adopté un comportement concurrentiel sur le marché au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de l’entente, aurait déformé la portée de ces lignes directrices et aurait, dès lors, violé le principe fondamental de la sécurité juridique. Par ailleurs, le Tribunal aurait également violé l’article 81 CE en affirmant, au point 271 de cet arrêt, qu’Ausimont ne pouvait pas bénéficier de la circonstance atténuante en question dans la mesure où les accords de réduction de capacité de production ne constituaient que l’un des éléments de l’infraction.
71 Enfin, Solvay Solexis considère que l’arrêt attaqué est entaché d’un grave défaut de motivation, ce qui constitue un moyen d’annulation autonome, en ce qu’elle avait déjà invoqué la violation des principes fondamentaux susmentionnés en première instance et que cet arrêt ne contient aucune motivation sur ce point.
72 La Commission soutient que la première branche du second moyen doit être rejetée.
– Appréciation de la Cour
73 À titre liminaire, il y a lieu de relever que, aux points 261 à 274 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a analysé l’argumentation de Solvay Solexis visant à établir que la Commission aurait dû, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende qui lui a été infligée, prendre en compte l’absence de participation de cette société à l’un des éléments de l’infraction, à savoir un accord sur la limitation des capacités de production.
74 À cet égard, il y a lieu de rappeler que le Tribunal est seul compétent pour contrôler la façon dont la Commission a apprécié dans chaque cas particulier la gravité des comportements illicites. Dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, d’une part, d’examiner dans quelle mesure le Tribunal a pris en considération, d’une manière juridiquement correcte, tous les facteurs essentiels pour apprécier la gravité d’un comportement déterminé à la lumière des articles 81 CE et 23 du règlement n° 1/2003 et, d’autre part, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués au soutien de la demande de suppression de l’amende ou de réduction du montant de celle-ci (voir, notamment, arrêts du 17 décembre 1998, Baustahlgewebe/Commission, C‑185/95 P, Rec. p. I‑8417, point 128, ainsi que du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 244).
75 Il convient également de rappeler que, selon une jurisprudence constante, pour la détermination des montants des amendes, il y a lieu de tenir compte de la durée de l’infraction et de tous les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité de celle-ci (arrêts du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission, 100/80 à 103/80, Rec. p. 1825, point 129, ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 240).
76 La gravité des infractions au droit de la concurrence de l’Union doit être établie en fonction d’un grand nombre d’éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu’ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte (voir, notamment, arrêts Dansk Rørindustri e.a./Commission, précité, point 241, ainsi que du 3 septembre 2009, Prym et Prym Consumer/Commission, C‑534/07 P, Rec. p. I‑7415, point 54).
77 Figurent parmi les éléments de nature à entrer dans l’appréciation de la gravité des infractions le comportement de chacune des entreprises, le rôle joué par chacune d’elles dans l’établissement de l’entente, le profit qu’elles ont pu tirer de celle-ci, leur taille et la valeur des marchandises concernées ainsi que le risque que des infractions de ce type représentent pour les objectifs de l’Union (arrêts précités Musique Diffusion française e.a./Commission, point 129, ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 242).
78 Eu égard à cette large marge d’appréciation reconnue pour le calcul du montant de l’amende, il est possible d’examiner la moindre gravité de la participation d’une entreprise à une infraction soit, au titre du traitement différencié, lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction afin de déterminer le montant de base de l’amende, soit, au titre des circonstance atténuantes, lors de l’appréciation de celles-ci en vue de la diminution de ce montant de base. Cette faculté est conforme à la jurisprudence rappelée aux points 76 et 77 du présent arrêt, dès lors qu’elle impose, en toute hypothèse, qu’il soit tenu compte, dans le cadre de ce calcul, du comportement individuel adopté par l’entreprise en cause (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Gosselin Group/Commission, C‑429/11 P, points 92 et 93).
79 Il s’ensuit que, dès lors que, aux points 268 à 273 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné, dans le cadre de l’appréciation des circonstances atténuantes, l’argumentation de Solvay Solexis tirée de l’absence de sa participation à un des accords collusoires de l’entente, il ne saurait lui être reproché de ne pas l’avoir analysée, au titre du traitement différencié, lors de l’appréciation de la gravité de l’infraction.
80 En outre, s’agissant du reproche adressé au Tribunal d’avoir écarté, aux points 269 à 273 de l’arrêt attaqué, l’absence de participation de Solvay Solexis à un accord sur la limitation des capacités de production en tant que circonstance atténuante tirée de la non-application effective des accords ou des pratiques infractionnelles, telle que visée au point 3, deuxième tiret, des lignes directrices de 1998, il y a lieu de relever qu’il résulte d’une simple lecture littérale de cette disposition que cette dernière requiert une absence totale de mise en œuvre de l’entente et qu’il ne suffit pas que l’entreprise contrevenante n’ait pas participé à certains des accords ou des pratiques collusoires de cette entente.
81 Il s’ensuit que, lorsqu’il a été établi que l’entreprise contrevenante a pu tenir compte des arrangements collusoires de l’entente pour déterminer son comportement sur le marché concerné, l’absence de participation à l’un ou à l’autre de ces arrangements, à la supposer établie, ne saurait suffire, à elle seule, à satisfaire la preuve exigée par la jurisprudence du Tribunal, citée au point 269 de l’arrêt attaqué, selon laquelle, pour bénéficier de la circonstance atténuante visée à ladite disposition, les contrevenants doivent démontrer qu’ils ont adopté un comportement concurrentiel ou, à tout le moins, qu’ils ont clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en œuvre l’entente, au point d’en avoir perturbé le fonctionnement même. En effet, la preuve de la seule non-participation à certains des arrangements collusoires de l’entente ne saurait exclure, en soi, que les autres arrangements ont pu nuire à la concurrence sur le marché concerné.
82 En l’occurrence, il convient de relever, ainsi que l’a souligné le Tribunal au point 271 de l’arrêt attaqué, que les arrangements relatifs à la réduction des capacités de production, auxquels Solvay Solexis allègue l’absence de participation, ne constituaient que l’un des éléments de l’infraction complexe concernée en l’espèce, laquelle avait inclus d’autres comportements d’une gravité considérable au regard de la restriction de la concurrence sur les marchés en cause, à savoir les accords portant sur les hausses des prix et la répartition des marchés.
83 Eu égard à ces considérations et dès lors que, ainsi qu’il ressort de l’arrêt attaqué, il a été établi que, en l’espèce, Solvay Solexis a pu tenir compte des mesures collusoires de l’entente ayant porté sur les prix et sur la répartition des marchés, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir écarté, aux points 269 à 273 de cet arrêt, l’absence de participation de cette société à un accord sur la limitation des capacités de production en tant que circonstance atténuante tirée de la non-application effective des accords ou des pratiques infractionnelles.
84 Quant à la prétendue violation de l’obligation de motivation qu’aurait commise le Tribunal, aux points 261 à 273 de l’arrêt attaqué, il suffit de relever qu’une simple lecture de ces points permet de constater qu’il a répondu, à suffisance de droit, à l’ensemble des arguments invoqués par Solvay Solexis visant à établir que la Commission aurait dû, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende qui lui a été infligée, prendre en compte l’absence de participation de cette société à un accord sur la limitation des capacités de production. En refusant, à bon droit, auxdits points, de reconnaître la circonstance atténuante en cause, le Tribunal a nécessairement exclu toute violation par la Commission des principes d’égalité de traitement, d’équité et de proportionnalité, ainsi que toute erreur manifeste dans l’application du point 1, A, des lignes directrices de 1998 et méconnaissance de son obligation de motivation.
85 Au demeurant, pour autant que Solvay Solexis allègue dans le cadre de la première branche du second moyen un réexamen général de l’amende infligée, elle doit être déclarée irrecevable. En effet, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas à la Cour, lorsqu’elle se prononce sur des questions de droit dans le cadre d’un pourvoi, de substituer, pour des motifs d’équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l’exercice de son pouvoir de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit de l’Union (voir, notamment, arrêts précités Baustahlgewebe/Commission, point 129, ainsi que Dansk Rørindustri e.a./Commission, point 245).
86 Aucun des arguments soulevés au soutien de la première branche du second moyen n’ayant prospéré, il y a lieu de rejeter cette branche.
Sur la seconde branche du second moyen, relative à la catégorisation d’Ausimont par rapport aux autres entreprises pour la détermination du montant de base de l’amende
– Argumentation des parties
87 Solvay Solexis estime que les principes d’égalité de traitement, de non-discrimination et de sécurité juridique ainsi que les lignes directrices de 1998 ont également été violés en ce que le Tribunal a confirmé, pour la détermination du montant de base de l’amende, le classement d’Ausimont dans la troisième catégorie, tout comme les entreprises EKA Chemicals AB, Kemira Oyj, FMC Foret SA et Arkema SA, à laquelle était attribué un montant de base de l’amende de 20 millions d’euros, alors que les parts de marché de ces dernières pour le peroxyde d’hydrogène étaient environ le double de celles d’Ausimont. À cet égard, Solvay Solexis soutient que, dès lors que l’infraction relative au peroxyde d’hydrogène a duré 4,3 fois plus longtemps que celle relative au perborate de sodium, si le résultat de l’addition des chiffres d’affaires obtenu pour ces deux produits avait été pondéré afin de tenir compte de la différence de durée de chacune des ententes selon le produit concerné, la Commission aurait classé Ausimont dans une autre catégorie et, partant, lui aurait assigné un montant de base de l’amende inférieur.
88 En outre, Solvay Solexis considère que le Tribunal a déformé, au point 227 de l’arrêt attaqué, les résultats de l’analyse qu’elle lui a présentée pour illustrer ses parts de marché pondérées.
89 Solvay Solexis soutient, par ailleurs, que le point 229 de l’arrêt attaqué est entaché d’illégalité en ce que le Tribunal a affirmé que le montant de départ de 20 millions d’euros attribué à Ausimont était justifié au regard de la qualification d’infraction très grave de l’entente en cause. Or, au point 97 de l’arrêt Prym et Prym Consumer/Commission, précité, la Cour aurait déclaré que, même si une infraction est qualifiée de «très grave», le Tribunal, dans l’appréciation et le calcul du montant de base de l’amende, n’est absolument pas tenu de considérer le montant de 20 millions d’euros comme un seuil minimal au-dessous duquel il ne serait pas possible de descendre. Cela serait confirmé par la pratique décisionnelle de la Commission qui a notamment appliqué à Caffaro Srl, une autre entreprise impliquée dans l’entente, un montant de base de 1,875 million d’euros.
90 La Commission conteste cette argumentation de Solvay Solexis.
– Appréciation de la Cour
91 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement n’est violé que lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir, notamment, arrêt du 10 janvier 2006, IATA et ELFAA, C‑344/04, Rec. p. I‑403, point 95).
92 Il y a également lieu de rappeler que, pour le calcul des amendes infligées aux entreprises ayant participé à une entente, un traitement différencié entre les entreprises concernées est inhérent à l’exercice des pouvoirs qui appartiennent à la Commission en la matière. En effet, dans le cadre de sa marge d’appréciation, la Commission est appelée à individualiser la sanction en fonction des comportements et des caractéristiques propres à ces entreprises, afin de garantir, dans chaque cas d’espèce, la pleine efficacité des règles du droit de l’Union de la concurrence (voir, notamment, arrêt du 12 novembre 2009, SGL Carbon/Commission, C‑564/08 P, point 43 et jurisprudence citée).
93 Par la seconde branche du second moyen, Solvay Solexis, sans contester en soi le pouvoir de la Commission de classer les entreprises membres d’une entente par catégories en fonction de leurs chiffres d’affaires et de leurs parts de marché, prétend que le Tribunal aurait dû constater que la méthode utilisée par la Commission, aux fins d’un tel classement, consistant à additionner les chiffres d’affaires concernant les deux produits en cause sans recourir à une pondération du résultat obtenu afin de tenir compte de la différence de durée de chacune des ententes selon le produit concerné, a abouti à un classement inégal et discriminatoire.
94 Ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 221 de l’arrêt attaqué, pour vérifier si une répartition des membres d’une entente en catégories est conforme aux principes d’égalité de traitement et de proportionnalité, le Tribunal, dans le cadre de son contrôle de l’exercice du pouvoir d’appréciation dont la Commission dispose en la matière, doit toutefois se limiter à vérifier si cette répartition est cohérente et objectivement justifiée (voir arrêt SGL Carbon/Commission, précité, point 49).
95 Au point 222 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué que, en l’espèce, la Commission avait procédé au traitement différencié des entreprises concernées sur la base du chiffre d’affaires de chacune d’entre elles pour chaque produit en cause, en 1999, en le rapportant au chiffre d’affaires total relatif aux deux produits concernés. Il a également souligné que cette institution avait pris en compte le fait que certaines de ces entreprises étaient actives seulement sur le marché de l’un de ces deux produits. En outre, au point 223 de cet arrêt, le Tribunal a constaté qu’il résultait des chiffres exposés dans la décision litigieuse, non contestés par Solvay Solexis, que la part de marché de celle-ci, ainsi calculée, était voisine de celles des autres entreprises classées dans la même catégorie. Il a, enfin, relevé, au point 224 dudit arrêt, que, s’agissant de l’infraction unique sur les deux marchés, la Commission ne pouvait être critiquée pour s’être fondée, aux fins du traitement différencié, sur les parts de marché calculées en fonction des chiffres d’affaires combinés relatifs aux deux produits en cause.
96 Sur la base de ces éléments détaillés, le Tribunal a jugé, au point 225 de l’arrêt attaqué, que, s’agissant des entreprises commercialisant les deux produits en cause, comme Solvay Solexis, la Commission a pu mesurer, de manière objective et cohérente, le poids individuel sur le marché de chaque entreprise concernée et, partant, sa capacité économique effective à provoquer un dommage important à la concurrence. Le Tribunal a, par ailleurs, considéré, au point 226 de cet arrêt, que cette société n’avait pas démontré que l’absence de pondération de ces chiffres d’affaires combinés, en fonction de la durée différente des comportements infractionnels relatifs à l’un ou à l’autre des produits concernés, aurait été de nature à compromettre le caractère objectif des appréciations en cause.
97 Il résulte des considérations du Tribunal relevées ci-dessus que ce dernier a, à bon droit, vérifié si le classement de Solvay Solexis au sein de la catégorie en cause était cohérent et objectif en comparaison des autres entreprises placées dans cette même catégorie.
98 Pour le surplus, la Cour, dans le cadre d’un pourvoi, ne peut examiner si une approche différente, basée sur d’autres points de référence et aboutissant à un système de classement alternatif, aurait dû être envisagée par la Commission et le Tribunal (arrêt SGL Carbon/Commission, précité, point 56).
99 Le classement de Solvay Solexis au sein de la catégorie en cause et la fixation forfaitaire du montant de base de l’amende pour cette catégorie effectuée par la Commission et entérinée par le Tribunal sont, par conséquent, conformes au principe d’égalité de traitement, de sorte qu’aucune discrimination non objectivement justifiée n’a été commise à cet égard.
100 En ce qui concerne l’argument de Solvay Solexis tiré d’une prétendue violation des lignes directrices de 1998, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et qu’elle peut, dans ce cadre, tenir compte de multiples éléments. La Cour a également souligné que la méthode de calcul circonscrite par lesdites lignes directrices comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son large pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions de l’article 23 du règlement nº 1/2003, telles qu’interprétées par la Cour. Il appartient néanmoins à la Cour de vérifier si le Tribunal a apprécié correctement l’exercice, par la Commission, dudit pouvoir d’appréciation (voir, notamment, arrêt du 29 juin 2006, SGL Carbon/Commission, C‑308/04 P, Rec. p. I‑5977, points 46 à 48 et jurisprudence citée).
101 Or, ainsi qu’il ressort des points 94 à 97 du présent arrêt, le Tribunal a correctement vérifié l’exercice, par la Commission, de son pouvoir d’appréciation en la matière, de sorte que ledit argument doit être écarté.
102 Au demeurant, il convient de relever que, si le point 1, A, septième alinéa, des lignes directrices de 1998 indique que le principe d’égalité de sanction pour un même comportement peut conduire, lorsque les circonstances l’exigent, à l’application de montants différenciés pour les entreprises concernées, le même alinéa précise néanmoins que cette différenciation ne doit pas pour autant obéir à un calcul arithmétique.
103 Il y a également lieu de souligner que, s’il est loisible, en vue de la détermination du montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif, de tenir compte du chiffre d’affaires de l’entreprise en cause, lequel constitue une indication, fût-elle approximative et imparfaite, de la taille de celle‑ci et de sa puissance économique, il ne faut pas pour autant attribuer à ce chiffre une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation et, par conséquent, la fixation d’une amende appropriée ne saurait être le résultat d’un simple calcul arithmétique basé sur le chiffre d’affaires (arrêt du 22 mai 2008, Evonik Degussa/Commission, C‑266/06 P, point 120 et jurisprudence citée).
104 Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu d’assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finaux des amendes auxquels le calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires (voir, en ce sens, arrêt Evonik Degussa/Commission, précité, point 122).
105 Quant à l’argument de Solvay Solexis tiré d’une prétendue dénaturation des éléments de preuve qu’aurait commise le Tribunal, au point 227 de l’arrêt attaqué, il suffit de constater que cet argument est fondé sur une lecture manifestement partielle et erronée de ce point. En effet, il résulte d’une simple comparaison des constatations effectuées par le Tribunal audit point avec les données que cette société a soumises au Tribunal afin d’illustrer ses parts de marché pondérées pour s’apercevoir que ces constatations ne révèlent aucun élément qui laisserait présumer une telle dénaturation. En conséquence, ledit argument doit être écarté comme totalement dénué de fondement.
106 S’agissant de l’argument de Solvay Solexis selon lequel le point 229 de l’arrêt attaqué est entaché d’illégalité en ce que le Tribunal a affirmé que le montant de départ de 20 millions d’euros attribué à Ausimont est justifié au regard de la qualification d’infraction très grave de l’entente en cause, il suffit également de constater que cet argument est, lui aussi, fondé sur une lecture manifestement partielle et erronée de ce point. En effet, le fait de juger audit point que le classement de cette société dans une catégorie inférieure, correspondant au montant de départ de 20 millions d’euros, doit être considéré comme justifié à la lumière des critères retenus par la Commission pour l’appréciation de l’importance de chacune des entreprises sur le marché pertinent, au regard de la qualification d’infraction très grave de l’entente en cause, ne saurait signifier que le Tribunal a considéré ce montant comme un seuil minimal au-dessous duquel il ne serait pas possible de descendre. En conséquence, ledit argument doit être rejeté comme non fondé.
107 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’aucun des arguments soulevés au soutien de la seconde branche du second moyen n’ayant prospéré, il y a lieu d’écarter également cette branche.
108 Aucun des moyens invoqués par Solvay Solexis à l’appui de son pourvoi n’étant susceptible d’être accueilli, celui-ci doit être rejeté dans son intégralité.
Sur les dépens
109 Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation de Solvay Solexis et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (deuxième chambre) déclare et arrête:
1) Le pourvoi est rejeté.
2) Solvay Solexis SpA est condamnée aux dépens.
Signatures
* Langue de procédure: l’italien.