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Document 62024CJ0243
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 2 octobre 2025.
WV contre Service européen pour l'action extérieure.
Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Révocation sans réduction des droits à pension – Absences injustifiées – Composition du Tribunal de l’Union européenne – Prétendue absence d’impartialité – Erreurs d’appréciation – Substitution de motivation – Charge de la preuve – Proportionnalité – Autorité de la chose jugée.
Affaire C-243/24 P.
Arrêt de la Cour (sixième chambre) du 2 octobre 2025.
WV contre Service européen pour l'action extérieure.
Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Révocation sans réduction des droits à pension – Absences injustifiées – Composition du Tribunal de l’Union européenne – Prétendue absence d’impartialité – Erreurs d’appréciation – Substitution de motivation – Charge de la preuve – Proportionnalité – Autorité de la chose jugée.
Affaire C-243/24 P.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2025:742
ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)
2 octobre 2025 (*)
« Pourvoi – Fonction publique – Fonctionnaires – Procédure disciplinaire – Sanction disciplinaire – Révocation sans réduction des droits à pension – Absences injustifiées – Composition du Tribunal de l’Union européenne – Prétendue absence d’impartialité – Erreurs d’appréciation – Substitution de motivation – Charge de la preuve – Proportionnalité – Autorité de la chose jugée »
Dans l’affaire C‑243/24 P,
ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 2 avril 2024,
WV, représentée par Me É. Boigelot, avocat,
partie requérante,
l’autre partie à la procédure étant :
Service européen pour l’action extérieure (SEAE), représenté par Mme S. Falek et M. R. Spáč, en qualité d’agents,
partie défenderesse en première instance,
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. A. Kumin, président de chambre, M. F. Biltgen (rapporteur), président de la première chambre, et Mme I. Ziemele, juge,
avocat général : M. J. Richard de la Tour,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par son pourvoi, la requérante demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 24 janvier 2024, WV/SEAE (T‑371/21, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2024:35), par lequel celui‑ci a rejeté son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision du Service européen pour l’action extérieure (SEAE) du 26 août 2020 lui infligeant une sanction de révocation sans réduction des droits à pension (ci-après la « décision litigieuse ») et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi à la suite de cette décision.
Le cadre juridique
2 Aux termes de l’article 21, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :
« Le fonctionnaire, quel que soit son rang dans la hiérarchie, est tenu d’assister et de conseiller ses supérieurs ; il est responsable de l’exécution des tâches qui lui sont confiées. »
3 L’article 55, paragraphe 1, du statut énonce :
« Les fonctionnaires en activité sont à tout moment à la disposition de leur institution. »
4 L’article 60, premier alinéa, du statut dispose :
« Sauf en cas de maladie ou d’accident, le fonctionnaire ne peut s’absenter sans y avoir été préalablement autorisé par son supérieur hiérarchique. Sans préjudice de l’application éventuelle des dispositions prévues en matière disciplinaire, toute absence irrégulière dûment constatée est imputée sur la durée du congé annuel de l’intéressé. En cas d’épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante. »
Les antécédents du litige
5 Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal aux points 2 à 49 de l’arrêt attaqué et peuvent être résumés de la manière suivante.
6 La requérante, WV, a été fonctionnaire de l’Union européenne. Elle a été affectée au SEAE le 1er janvier 2011.
7 Le 8 février 2017, la requérante a transmis au directeur général du SEAE, par courriel et en main propre, une prétendue demande d’assistance qui serait également contenue dans un courriel du 2 février 2017. Le 27 juin 2018, la requérante a introduit un recours devant le Tribunal visant, en substance, à l’annulation de la décision de rejet implicite de cette prétendue demande d’assistance, intervenue le 4 septembre 2017. Ce recours a été rejeté comme étant irrecevable par l’ordonnance du 29 janvier 2020, WV/SEAE (T‑388/18, EU:T:2020:27). Le pourvoi formé contre cette ordonnance a été rejeté par l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑172/20 P, EU:C:2022:155).
8 Par un courriel du 3 avril 2017, la requérante a envoyé un certificat médical pour justifier ses absences des 30 et 31 mars 2017 ainsi que du 3 avril 2017.
9 Le 12 septembre 2017, le chef d’unité de la requérante lui a adressé une note dans laquelle il était indiqué que, pour la période allant du 1er janvier au 14 juillet 2017, la requérante avait été absente de façon injustifiée pendant 60 jours ouvrés. Il y est ajouté que, comme les droits à congé de la requérante étaient épuisés, ces absences seraient déduites de son salaire, pour un équivalent de 85 jours calendaires, conformément à l’article 60 du statut.
10 Le 27 novembre 2017, le SEAE a émis une nouvelle note remplaçant celle du 12 septembre 2017 et confirmant que certaines absences auparavant indiquées comme étant non autorisées avaient été transformées en absences pour congé annuel (ci-après la « décision du 27 novembre 2017 »). Par conséquent, la retenue sur salaire envisagée pour 85 jours calendaires a été réduite à 72 jours calendaires. À la suite de la réclamation introduite par la requérante contre la décision du 27 novembre 2017, l’autorité investie du pouvoir de nomination (AIPN) a décidé, le 2 mai 2018, de comptabiliser une demi‑journée en tant que présence effective pour le 9 janvier 2017, de sorte que la retenue sur salaire a finalement été réduite à 71,5 jours calendaires, tout en rejetant la réclamation de la requérante pour le surplus. La décision du 27 novembre 2017 ainsi que la décision du 2 mai 2018 ont fait l’objet d’un recours en annulation devant le Tribunal, lequel a été rejeté par l’ordonnance du 29 janvier 2020, WV/SEAE (T‑471/18, EU:T:2020:26). Cette ordonnance a été annulée par l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153).
11 Le 30 janvier 2018, l’Office d’investigation et de discipline de la Commission (IDOC) a été mandaté par l’AIPN pour mener une enquête administrative, à laquelle il a procédé le 6 février 2018.
12 Après que l’IDOC a, le 21 mai 2019, transmis son rapport d’enquête à l’AIPN, la requérante a, le 4 juin 2019, été informée de l’ouverture d’une procédure au titre de l’article 3 de l’annexe IX du statut et convoquée à une audition le 24 juin 2019 ayant pour objet de recueillir ses commentaires sur ce rapport d’enquête, afin de permettre à l’AIPN d’apprécier les griefs qui pourraient être retenus à son égard et de décider, en conséquence, s’il convenait d’ouvrir une procédure disciplinaire.
13 Le 4 octobre 2019, après plusieurs reports de cette audition, le directeur général du SEAE a adressé un rapport au conseil de discipline, duquel il ressort que la requérante ne s’était pas présentée à l’audition du 16 juillet 2019, fixée après quatre propositions de date, sans fournir de certificat médical à cet effet.
14 L’audition devant le conseil de discipline s’est tenue le 5 décembre 2019, en l’absence de la requérante et de ses avocats.
15 Le 31 janvier 2020, la directrice de l’IDOC a informé la requérante qu’une AIPN tripartite se réunirait le 19 février 2020. Après quatre reports de date, la réunion s’est tenue le 24 juillet 2020 en la seule présence de l’un des avocats de la requérante.
16 Le 26 août 2020, la décision litigieuse a été transmise à la requérante. Dans cette décision, il est indiqué que, par ses absences injustifiées au sein des [confidentiel], son refus explicite de travailler dans [confidentiel], ainsi que ses comportements actifs contraires aux obligations statutaires, en particulier sa participation au séminaire [confidentiel] et l’envoi non autorisé d’informations à une tierce personne n’appartenant pas au SEAE, la requérante avait systématiquement enfreint l’article 17, paragraphe 1, l’article 21, premier alinéa, l’article 55, paragraphe 1, et l’article 60, premier alinéa, du statut.
17 Le 25 novembre 2020, la requérante a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre ladite décision, suivie d’un complément de réclamation daté du 11 décembre 2020.
18 Par une décision du 19 mars 2021, l’AIPN a rejeté cette réclamation (ci‑après la « décision de rejet de la réclamation »).
Le recours devant le Tribunal et l’arrêt attaqué
19 Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 29 juin 2021, la requérante a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision litigieuse et, pour autant que de besoin, de tous les actes et décisions préparatoires, ainsi que, d’autre part, à la réparation de l’intégralité du dommage matériel et moral qu’elle a subi et subira à la suite de l’adoption de cette décision, fixé provisoirement, ex æquo et bono, à 3 500 000 euros.
20 En premier lieu, à l’appui de ce recours, la requérante a soulevé quatre moyens.
21 Dans le cadre de l’examen du premier moyen, tiré de l’absence de matérialité des faits reprochés, d’une violation de l’obligation de motivation et du principe ne bis in idem, le Tribunal a, aux points 146 à 156 de l’arrêt attaqué, procédé à une analyse des absences physiques de la requérante, plus particulièrement concernant ses absences irrégulières pendant la période allant du 1er janvier au 14 juillet 2017, pour en confirmer l’exactitude matérielle et juger que, dans le contexte de la sanction disciplinaire, la requérante avait bien été absente sans justification pendant 71,5 jours au cours de cette période. Concernant la qualification juridique des faits reprochés, retenue par le SEAE dans la décision litigieuse, le Tribunal a relevé, aux points 159 et 160 de l’arrêt attaqué, que, étant donné qu’il s’agissait d’absences physiques, la requérante avait, d’une part, méconnu ses obligations statutaires d’assister ses supérieurs et d’effectuer les tâches qui lui étaient confiées, prévues à l’article 21, premier alinéa, du statut, ainsi que celle d’être à la disposition de l’institution concernée, prévue à l’article 55, paragraphe 1, du statut, ces obligations ne pouvant être exécutées en cas d’absence physique, et, d’autre part, manqué à l’article 60 du statut, en raison de ses absences physiques non autorisées. Aux points 208 et 209 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que l’argumentation avancée par la requérante concernait non pas une éventuelle violation de l’obligation de motivation, mais la question du bien-fondé de la motivation. Le Tribunal a considéré que, en tout état de cause, la décision litigieuse était suffisamment motivée. En outre, au point 214 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a également constaté que le principe ne bis in idem n’avait pas été violé, étant donné que, contrairement à la mesure infligée par la décision litigieuse, la retenue sur salaire infligée par la décision du 27 novembre 2017 ne constituait pas une sanction disciplinaire ou une mesure équivalente.
22 Dans le cadre de l’examen du deuxième moyen, tiré de vices de forme et de procédure entachant la procédure disciplinaire, le Tribunal a analysé, aux points 69 à 122 de l’arrêt attaqué, les huit griefs soulevés par la requérante et les a rejetés, la requérante n’ayant, selon lui, pas démontré ou expliqué ses allégations ou avancé d’arguments susceptibles de remettre en cause l’argumentation du SEAE.
23 Dans le cadre de l’examen du troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 10 de l’annexe IX du statut, du principe de sécurité juridique, du principe de proportionnalité, du principe de protection de la confiance légitime et d’une erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal a, au point 248 de l’arrêt attaqué, notamment au vu du constat de la rupture définitive du lien de confiance entre la requérante et le SEAE et de l’examen des critères énumérés à cet article 10, constaté que l’AIPN avait établi le caractère approprié et, par suite, proportionné de la sanction infligée à la requérante. Le Tribunal a également relevé que la requérante était restée en défaut de démontrer que l’AIPN aurait commis une erreur d’appréciation, de sorte qu’aucun élément ne permettait de considérer que la sanction infligée était disproportionnée au regard des comportements reprochés.
24 Le quatrième moyen, tiré d’une violation de plusieurs dispositions du statut relatives au principe de non-discrimination, au devoir d’assistance, à l’abus de pouvoir et au détournement de pouvoir, a été rejeté par le Tribunal, aux points 63 à 65 de l’arrêt attaqué, comme étant partiellement inopérant et partiellement non fondé, au motif que l’argumentation de la requérante portait sur le comportement inapproprié de personnes autres qu’elle, alors que la décision litigieuse portait sur le comportement de la requérante elle-même, et que le dossier ne comportait aucun élément de preuve à l’appui des allégations de celle-ci.
25 En second lieu, la requérante a présenté des conclusions en indemnité, en raison du préjudice matériel et moral prétendument subi du fait de la prise et de la mise en exécution de la décision litigieuse et causé par le prétendu comportement respectivement de sa hiérarchie et de ses collègues de travail. Ces conclusions ont été rejetées par le Tribunal aux points 257 à 263 de l’arrêt attaqué.
26 Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 4 novembre 2022, la requérante a demandé au Tribunal d’ordonner au SEAE de produire divers documents, demande qui a été déclarée irrecevable aux points 266 à 268 de l’arrêt attaqué. Quant à l’allégation du SEAE tirée de ce que certains de ces documents n’existaient pas, le Tribunal a, au point 272 de l’arrêt attaqué, constaté que la requérante avait omis de fournir ne serait-ce qu’un commencement de preuve de leur existence et décidé que des documents qui n’existent pas ne sauraient être produits.
27 Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours dans son intégralité et a condamné la requérante aux dépens.
Les conclusions des parties au pourvoi
28 WV demande à la Cour :
– d’annuler l’arrêt attaqué ;
– de condamner le SEAE aux entiers dépens, y compris ceux exposés devant le Tribunal, et
– de renvoyer l’affaire devant le Tribunal afin qu’il statue sur le recours initial.
29 Le SEAE demande à la Cour :
– de rejeter le pourvoi comme étant en partie irrecevable et en partie non fondé et
– de condamner WV aux dépens.
Sur le pourvoi
Sur la recevabilité
Argumentation des parties
30 Le SEAE estime que le pourvoi manque de structure et de précision, ce qui rend difficile la compréhension de certains arguments de la requérante. Ainsi, le grief relatif à la dénaturation des faits et aux erreurs manifestes d’appréciation que le Tribunal aurait commises ne répondrait pas aux exigences de motivation résultant des dispositions de l’article 256 TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour. Pour la même raison, il conviendrait d’écarter le grief tiré d’une violation de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut ainsi que ceux tirés de ce que le Tribunal aurait statué ultra petita et aurait également totalement ignoré de nombreux moyens et arguments qui lui avaient été soumis.
31 La requérante soutient que le pourvoi est recevable.
Appréciation de la Cour
32 Il convient de rappeler que, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, il résulte de l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE, de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne ainsi que de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné (arrêt du 11 juillet 2024, Thunus e.a./BEI, C‑561/23 P, EU:C:2024:603, point 22 ainsi que jurisprudence citée).
33 Ne répond pas aux exigences de motivation résultant de ces dispositions un pourvoi qui, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont seraient entachés l’arrêt ou l’ordonnance attaqués, se limite à répéter ou à reproduire les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant le Tribunal, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément rejetés par cette juridiction. En effet, un tel pourvoi constitue en réalité une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour (arrêt du 11 juillet 2024, Thunus e.a./BEI, C‑561/23 P, EU:C:2024:603, point 23 ainsi que jurisprudence citée).
34 Ne répond pas non plus à ces exigences un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de la légalité, notamment parce que les éléments essentiels sur lesquels ce moyen s’appuie ne ressortent pas de façon suffisamment cohérente et compréhensible du texte de ce pourvoi (arrêt du 11 juillet 2024, Thunus e.a./BEI, C‑561/23 P, EU:C:2024:603, point 24 ainsi que jurisprudence citée).
35 La Cour a également jugé que devait être rejeté comme étant manifestement irrecevable un pourvoi dépourvu de structure cohérente, se limitant à des affirmations générales et ne comportant pas d’indications précises relatives aux points de la décision attaquée qui seraient éventuellement entachés d’une erreur de droit (arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE, C‑162/20 P, EU:C:2022:153, point 45 et jurisprudence citée).
36 En l’espèce, il ressort de la requête en pourvoi que la requérante soulève deux moyens portant, le premier, par référence aux points 73, 94, 95, 120, 121 et 272 de l’arrêt attaqué, sur l’absence de récusation d’office de la présidente de la chambre du Tribunal ayant rendu cet arrêt et, le second, sur l’appréciation, par le Tribunal, d’une série d’arguments juridiques se rapportant à des éléments clairement identifiés dudit arrêt.
37 Par conséquent, les arguments du SEAE ne sauraient conduire à déclarer le présent pourvoi comme étant irrecevable dans son ensemble, mais doivent être appréciés dans le cadre de l’examen de ces moyens.
38 Dans ces conditions, il y a lieu de déclarer ce pourvoi recevable.
Sur l’observation liminaire de la requérante
Argumentation des parties
39 Dans la partie de sa requête en pourvoi intitulée « Faits et antécédents de procédure », la requérante relève que, dans son exposé des antécédents du litige, le Tribunal a omis de citer et de prendre en compte un certain nombre d’éléments factuels « pourtant importants » qui avaient été soumis à son appréciation.
40 Le SEAE fait valoir qu’un moyen dont l’argumentation n’est pas suffisamment claire et précise pour permettre à la Cour d’exercer son contrôle de légalité ne répond pas à l’exigence d’indiquer de façon claire et précise les éléments critiqués de l’arrêt dont l’annulation est demandée et doit être déclaré irrecevable.
Appréciation de la Cour
41 Il suffit de constater que, par son observation liminaire, la requérante se borne à énumérer des éléments factuels que le Tribunal aurait prétendument omis de prendre en compte et renvoie, de manière générale, au second moyen de son pourvoi en tant que celui-ci est tiré d’une méconnaissance du principe de la libre administration de la preuve et de la notion de faisceau d’indices concordants et, partant, d’une méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve, sans indiquer de manière précise quels points de l’arrêt attaqué seraient entachés d’une erreur de droit du fait de cette prétendue omission.
42 Par conséquent, de telles allégations ne répondent pas aux exigences rappelées aux points 32 à 35 du présent arrêt et doivent, dès lors, être rejetées comme étant irrecevables.
Sur le fond
43 À l’appui de son pourvoi, la requérante soulève deux moyens, tirés, le premier, d’une absence de récusation d’office de la présidente de la chambre du Tribunal ayant rendu l’arrêt attaqué et, le second, d’une dénaturation des faits et des pièces du dossier, d’erreurs manifestes d’appréciation et de contradictions ayant entraîné une motivation et des conséquences inexactes en droit, d’une violation des règles de compétence en ce que le Tribunal aurait statué ultra petita et substitué une motivation à celle de la décision litigieuse, d’une violation du principe de l’autorité de la chose jugée, d’une méconnaissance du principe de la libre administration des preuves, de la notion de faisceau d’indices concordants et, partant, d’une méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve.
Sur le premier moyen
Argumentation des parties
44 Par son premier moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a enfreint l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH »), ainsi que l’article 18, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, en ce que la présidente de la chambre du Tribunal ayant rendu l’arrêt attaqué, à savoir Mme O. Porchia, aurait dû se récuser ou se déporter d’office, sinon l’être par le président du Tribunal, car elle n’a pas offert toutes les garanties d’impartialité que tant le principe du juge légal que le droit à un procès équitable exigent, ce qui aurait eu pour conséquence une constitution irrégulière de la formation de jugement concernée.
45 En effet, Mme O. Porchia aurait travaillé pendant plus de deux ans, dont l’année 2014 et l’année 2015, en qualité de conseillère juridique au sein de la représentation permanente italienne auprès de l’Union, sous les ordres de M. S. Sannino, qui est, depuis le 1er janvier 2021, le secrétaire général du SEAE et qui a agi en qualité d’AIPN et de coordinateur du service ayant signé la décision litigieuse.
46 Selon la requérante, une bonne administration de la justice repose sur l’impartialité, qu’elle soit subjective ou objective. Or, par l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait rejeté sa requête en bloc, sans laisser de place aux arguments développés dans celle-ci. Dès lors, Mme O. Porchia aurait pu favoriser l’AIPN du SEAE ou, à tout le moins, aurait pu avoir une tendance naturelle, du fait du conflit d’intérêts évoqué au point précédent, à accorder davantage de crédit aux propos du SEAE.
47 Ainsi, au point 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait constaté que la requérante n’a pas expliqué en quoi les événements et circonstances intervenus au cours de la période comprise entre le 1er septembre 2013 et le 24 novembre 2014 auraient revêtu une importance telle que l’AIPN aurait dû les prendre en considération lorsqu’elle a mandaté l’IDOC pour mener une enquête, alors même que c’est la requérante qui aurait sollicité une enquête en faisant état de faits n’ayant jamais été investigués et que, dans sa requête, elle aurait relevé à diverses reprises que tout le dossier litigieux trouvait son origine dans ces événements et des suspicions liées à cette période.
48 Aux points 93 à 95 et 272 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait affirmé que la requérante n’a avancé aucun argument susceptible de remettre en cause les allégations du SEAE, qu’elle n’a pas démontré que les documents qu’elle a reçus ne constituaient pas l’intégralité du dossier et qu’elle a omis de fournir un commencement de preuve de leur existence, alors que, d’une part, le Tribunal n’aurait pas effectivement examiné les quatorze documents clairement identifiés et cités dans l’enquête disciplinaire, se contentant de considérer que ces documents n’existaient pas et que, d’autre part, dans sa requête, la requérante aurait mis en évidence le caractère incomplet de l’enquête de sécurité.
49 Aux points 120 et 121 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait constaté que la requérante n’avait pas démontré à suffisance en quoi l’enquête n’aurait pas été menée de manière impartiale, autonome et approfondie, alors que, d’une part, son appréciation serait fondée uniquement sur les faits que l’AIPN aurait été indulgente en reportant l’audition, que tous les documents auraient été communiqués à la requérante pour lui permettre de préparer sa défense et qu’elle aurait pu faire valoir ses droits à chaque étape de la procédure disciplinaire, ce qui aurait été contesté dans la requête, et que, d’autre part, la requérante aurait relevé que toute cette procédure aurait été menée exclusivement à charge par l’IDOC, agissant sous mandat, en sous-traitance et contre paiement de la part de l’AIPN du SEAE.
50 Dans son mémoire en réplique, la requérante ajoute que le secrétaire général du SEAE n’est pas étranger à ladite procédure, mais qu’il lui incombe de donner accès aux informations pertinentes pour procéder à une enquête impartiale, de répondre à de nouvelles demandes d’assistance, de décider de l’exécution de l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153), ou de rectifier les erreurs qui auraient été commises dans le cadre de la procédure précontentieuse.
51 Il aurait aussi incombé à Mme O. Porchia de se récuser volontairement ou du moins d’informer les parties du fait qu’elle avait entretenu une relation professionnelle étroite avec le secrétaire général du SEAE afin qu’elles prennent position, car il n’appartiendrait pas à une partie à un procès de faire des recherches sur les juges saisis afin de vérifier s’ils risquent ou non de faire preuve de partialité.
52 Le SEAE considère que le premier moyen est dénué de fondement.
Appréciation de la Cour
53 Il convient de rappeler que les garanties d’accès à un tribunal indépendant, impartial et préalablement établi par la loi, et notamment celles qui déterminent la notion tout comme la composition de celui-ci, représentent la pierre angulaire du droit à un procès équitable. Celui-ci implique que toute juridiction a l’obligation de vérifier si, par sa composition, elle constitue un tel tribunal lorsque surgit sur ce point un doute sérieux. Cette vérification est nécessaire à la confiance que les tribunaux d’une société démocratique se doivent d’inspirer au justiciable (arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 15 et jurisprudence citée).
54 La Cour a également eu l’occasion de juger que l’exigence d’impartialité, garantie à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, qui correspond à l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, recouvre deux aspects. D’une part, le tribunal doit être subjectivement impartial, c’est‑à-dire qu’aucun de ses membres ne doit manifester de parti pris ou de préjugé personnel, l’impartialité personnelle se présumant jusqu’à preuve du contraire. D’autre part, le tribunal doit être objectivement impartial, c’est-à-dire qu’il doit offrir des garanties suffisantes pour exclure à cet égard tout doute légitime (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 16 et jurisprudence citée).
55 L’article 18 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, qui constitue l’expression du droit d’accès à un tribunal indépendant et impartial consacré à l’article 47, deuxième alinéa, de la Charte, prévoit, à son premier alinéa, que les juges et les avocats généraux de la Cour de justice de l’Union européenne ne peuvent participer au règlement d’aucune affaire dans laquelle ils sont antérieurement intervenus comme agent, conseil ou avocat de l’une des parties, ou sur laquelle ils ont été appelés à se prononcer comme membre d’un tribunal, d’une commission d’enquête ou à tout autre titre et, à son deuxième alinéa, première phrase, que, si, pour une raison spéciale, un juge ou un avocat général estime ne pas pouvoir participer au jugement ou à l’examen d’une affaire déterminée, il en fait part au président (arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 19).
56 En l’espèce, la requérante invoque un prétendu parti pris de l’un des membres de la chambre du Tribunal ayant rendu l’arrêt attaqué, à savoir Mme O. Porchia, à l’égard du SEAE et une situation d’apparence de conflit d’intérêt soulevant un doute légitime quant à l’impartialité de ce membre et donc une constitution irrégulière de la formation de jugement concernée.
57 S’agissant de l’exigence d’impartialité subjective, la requérante fait référence aux constatations figurant aux points 73, 94, 95, 120, 121 et 272 de l’arrêt attaqué. Or, ces constatations ne démontrent pas l’existence d’un parti pris de la part de Mme O. Porchia. Les allégations de la requérante à cet égard se rapportent à de prétendues erreurs relatives à la constatation des faits par le Tribunal, que la requérante impute à un seul des membres de la chambre du Tribunal ayant rendu l’arrêt attaqué, lesquelles ne suffisent pas à remettre en cause l’impartialité de celui-ci.
58 Quant à l’exigence d’impartialité objective, il convient de constater que le fait que ce membre de la chambre du Tribunal ayant rendu l’arrêt attaqué travaillait, sept ans avant qu’il n’exerce la fonction de membre du Tribunal, à la représentation permanente italienne auprès de l’Union pendant deux années, sous les ordres d’une personne qui, plus de cinq ans plus tard, est devenue le secrétaire général du SEAE ne saurait, à lui seul, soulever un doute légitime quant à l’impartialité objective dudit membre (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 18).
59 En outre, la requérante ne saurait tirer argument, d’une part, de l’interdiction faite, à l’article 18, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, à un juge de participer au règlement d’une affaire dans laquelle il est antérieurement intervenu comme agent, conseil ou avocat de l’une des parties, ou sur laquelle il a été appelé à se prononcer comme membre d’un tribunal, d’une commission d’enquête ou à tout autre titre, ainsi que, d’autre part, de la mention, à cet article 18, deuxième alinéa, d’une « raison spéciale » de ne pas participer au jugement ou à l’examen d’une affaire déterminée, au vu des circonstances particulières telles que décrites par la requérante, selon lesquelles le secrétaire général du SEAE ne serait pas étranger à la procédure disciplinaire, et ce malgré la responsabilité inhérente à sa fonction.
60 Tout d’abord, M. S. Sannino est devenu secrétaire général du SEAE le 1er janvier 2021, c’est-à-dire après la date à laquelle la décision litigieuse a été adoptée, à savoir le 26 août 2020. Ainsi, il n’a pu intervenir que dans la décision de rejet de la réclamation, laquelle, ne faisant que confirmer la décision litigieuse, n’était pas visée dans le petitum de la requête introductive d’instance devant le Tribunal.
61 Ensuite, plus de huit ans se sont écoulés entre la date à laquelle Mme O. Porchia a quitté ses fonctions au sein de la représentation permanente italienne auprès de l’Union et celle du prononcé de l’arrêt attaqué et, enfin, il ne ressort pas du dossier soumis à la Cour que les rapports entre cette juge et le secrétaire général du SEAE aient dépassé le cadre purement professionnel.
62 Concernant l’approche de la Cour européenne des droits de l’homme, si le droit à un procès équitable découle de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH et constitue un droit fondamental qui correspond au droit à un recours effectif et à accéder à un tribunal impartial tel que prévu à l’article 47, premier et deuxième alinéas, de la Charte, cette juridiction a relevé, dans une affaire concernant l’impartialité objective d’un juge en raison d’un lien professionnel que celui-ci a eu antérieurement, que le fait qu’un juge ait exercé une fonction publique et ait été en contact avec certaines personnes dans ce contexte avant d’être réintégré dans l’exercice de la fonction judiciaire peut objectivement justifier des craintes quant à son impartialité, lorsqu’il se voit immédiatement attribuer l’instruction d’un dossier pénal ouvert, entre autres, à l’égard de ces personnes (Cour EDH, 22 décembre 2009, Parlov-Tkalčić c. Croatie, CE:ECHR:2009:1222JUD002481006, points 86 à 95). Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, le secrétaire général du SEAE n’étant pas personnellement mis en cause.
63 Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a démontré l’absence d’impartialité objective, au sens de la jurisprudence rappelée au point 54 du présent arrêt, ni de Mme O. Porchia ni de la formation de jugement du Tribunal ayant rendu l’arrêt attaqué.
64 Par conséquent, le premier moyen doit être rejeté comme étant non fondé.
Sur le second moyen
65 Par son second moyen, la requérante invoque, premièrement, une dénaturation des faits, des erreurs manifestes d’appréciation et des contradictions ayant donné lieu à une motivation et à des conséquences inexactes en droit, deuxièmement, une violation de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’article 120, sous c) et d), du règlement de procédure de la Cour ainsi que de l’article 76, sous d) et e), et de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, un excès de compétence du Tribunal, une violation de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut ainsi qu’une violation de l’interdiction de statuer ultra petita, troisièmement, une violation du principe de l’autorité de la chose jugée et, quatrièmement, une absence de prise en compte de l’ensemble des pièces du dossier et des moyens soulevés dans la requête en annulation ainsi qu’une méconnaissance du principe de la libre administration de la preuve et de la notion de faisceau d’indices concordants, et, partant, une méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve.
Sur les première et quatrième branches du second moyen
– Argumentation des parties
66 La première branche du second moyen est tirée d’une dénaturation des faits, d’erreurs manifestes d’appréciation et de contradictions ayant donné lieu à une motivation ainsi qu’à des conséquences inexactes en droit, tandis que la quatrième branche de ce moyen est tirée d’une absence de prise en compte de l’ensemble des pièces du dossier et des moyens soulevés dans la requête en annulation ainsi que d’une méconnaissance du principe de libre administration de la preuve et de la notion de faisceau d’indices concordants, et, partant, d’une méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve.
67 En premier lieu, la requérante soutient que le dossier soumis au Tribunal comporte des éléments de preuve opérants, de grande importance et clairement évoqués par des entités indépendantes, qui confirment les comportements inappropriés auxquels elle a dû faire face et qui seraient manifestement à l’origine du litige. Or, aux points 63 et 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait rejeté l’argumentation de la requérante comme étant inopérante au motif que cette argumentation concernait non pas son propre comportement, mais celui de personnes autres qu’elle, ignorant ainsi les pièces du dossier, méconnaissant les règles de preuve, notamment au regard d’un faisceau d’indices concordants, dénaturant le dossier et commettant ainsi une erreur manifeste d’appréciation donnant lieu à des conséquences inexactes en droit. Le Tribunal aurait dû prendre en compte et analyser le cadre de harcèlement, de discrimination, de représailles et de persécution à l’égard de la requérante, dont il est fait état au point 63 de l’arrêt attaqué. En affirmant, au point 64 de celui-ci, que le dossier ne comportait aucun élément de preuve à l’appui des allégations de la requérante concernant ce cadre, le Tribunal aurait violé les règles relatives à la charge de la preuve, alors que même le SEAE aurait déclaré qu’une enquête avait été décidée et effectuée, preuve en elle‑même suffisante. Le Tribunal ne pourrait donc pas faire peser l’entière charge de la preuve sur la requérante, ce qui équivaudrait à imposer à celle-ci d’apporter une « preuve diabolique ».
68 En deuxième lieu, en ignorant les pièces figurant au dossier et en affirmant, au point 65 de l’arrêt attaqué, que les prétendus contexte antisémite et actes de harcèlement de la part du SEAE à l’égard de la requérante n’ont jamais fait l’objet d’un quelconque constat de la part des entités indépendantes concernées, le Tribunal aurait dénaturé le dossier, dès lors que, en réalité, aucune des instances administratives prévues à cet effet n’aurait conduit d’enquête. Le dossier contiendrait des éléments qui, à tout le moins, laisseraient croire à l’existence d’actes antisémites et de harcèlement. À cet égard, le témoignage de la coordinatrice européenne de lutte contre l’antisémitisme serait le plus notoire.
69 En troisième lieu, en limitant la période d’enquête administrative à une période postérieure à la date des événements concernés, au motif que la requérante n’aurait pas expliqué en quoi la période antérieure à cette date aurait revêtu une importance particulière, le Tribunal aurait, au point 73 de l’arrêt attaqué, également violé les règles de preuve.
70 En quatrième lieu, aux points 94, 95 et 272 de l’arrêt attaqué, le Tribunal n’aurait pas examiné les éléments produits par la requérante et se serait contenté d’affirmer qu’elle n’avait avancé aucun argument susceptible de remettre en cause les allégations du SEAE, qu’elle n’avait pas démontré que les documents qu’elle a reçus ne constituaient pas l’intégralité du dossier et qu’elle avait omis de fournir un commencement de preuve de l’existence d’un « dossier parallèle », pour décider que les documents contenus dans ce dernier n’existaient pas et ne sauraient donc être produits. Or, le Tribunal aurait indiqué, au point 265 de l’arrêt attaqué, que la majorité de ces derniers documents n’existerait pas, ce qui laisserait entendre que certains de ceux-ci existent, et estimé, au point 274 de l’arrêt attaqué, être suffisamment éclairé par les pièces du dossier. Ainsi, le Tribunal aurait sciemment ignoré les présomptions d’existence d’un dossier parallèle, exigeant de la part de la requérante une preuve autre que celle par présomption et violant ainsi les règles de preuve. Il serait d’ailleurs indubitablement établi que, à la suite d’une récente décision du Contrôleur européen de la protection des données (CEPD), adressée à la requérante postérieurement au dépôt de sa requête en pourvoi, le SEAE aurait celé des informations et des documents concernant les données personnelles de la requérante, dont il aurait reconnu l’existence et donc, du moins implicitement, que la révocation de celle-ci trouve bien son origine dans de prétendus faits d’espionnage. En persistant à nier cette réalité, le SEAE aurait dénaturé le dossier et vicié l’appréciation du Tribunal, qui se serait abstenu d’en ordonner la production, en violation du principe d’égalité des armes et des droits de la défense.
71 En cinquième lieu, aux points 120 et 121 de l’arrêt attaqué, en affirmant que la requérante n’a pas démontré concrètement en quoi l’enquête n’aurait pas été menée de manière impartiale, autonome et approfondie, le Tribunal aurait dénaturé et ignoré les faits, commettant ainsi des erreurs manifestes d’appréciation en fondant son appréciation sur les seuls faits que l’AIPN aurait été indulgente en acceptant des reports d’audition et que tous les documents auraient été communiqués à la requérante, alors qu’elle n’aurait pas été présente et/ou représentée par ses deux avocats et que tous les documents ne lui auraient pas été communiqués. La requérante aurait, tout au long de la procédure devant le Tribunal, explicité en quoi la procédure disciplinaire ayant mené à sa révocation était partiale et discriminatoire.
72 En sixième lieu, le Tribunal aurait, aux points 107 et 110 de l’arrêt attaqué, dénaturé les éléments du dossier en ignorant le droit de la requérante d’obtenir le report d’une ou de plusieurs auditions en raison d’une maladie, sur présentation d’un certificat médical, et celui d’être représentée par ses deux conseils. Selon la requérante, l’AIPN ne pourrait adopter une décision telle que celle qu’elle a adoptée à son égard qu’après avoir entendu le fonctionnaire concerné. À cet égard, la requérante cite l’arrêt du 11 juillet 1968, Van Eick/Commission (35/67, EU:C:1968:39). Quant à l’exigence d’impartialité, au point 274 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait refusé de constater ou de prendre en compte que l’enquête était partiale et qu’elle avait été menée exclusivement à charge, s’estimant tout au contraire suffisamment éclairé par les pièces du dossier. C’est également à tort que, aux points 99 et 100 de l’arrêt attaqué, le Tribunal se serait référé au pouvoir discrétionnaire du conseil de discipline permettant à celui-ci de n’entendre que les témoins qui lui semblent opportuns.
73 Enfin, en septième et dernier lieu, le Tribunal aurait ignoré certains moyens et arguments de la requérante, tels ceux relatifs au fait que l’enquête aurait été menée exclusivement à charge, aux conséquences d’une réunion du 6 mars 2018 et au fait que l’AIPN aurait délibérément rejeté une demande d’audition de témoins. L’arrêt attaqué serait donc entaché d’une violation du principe de la libre administration de la preuve et de la notion de faisceau d’indices concordants et, partant, d’une méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve.
74 Le SEAE considère que les première et quatrième branches du second moyen doivent être rejetées comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées.
– Appréciation de la Cour
75 Par ses arguments visant les points 63 à 65, 68 et 73 de l’arrêt attaqué, la requérante reproche au Tribunal de ne pas avoir pris en compte des prétendus faits de harcèlement, de discrimination, de représailles et de persécution à son égard, en ignorant et en dénaturant les pièces du dossier, et d’avoir commis ainsi, d’une part, une erreur manifeste d’appréciation ayant donné lieu à des conséquences inexactes en droit et, d’autre part, une violation des règles de preuve.
76 À cet égard, il ressort de l’article 256, paragraphe 1, TFUE et de l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne que le pourvoi est limité aux questions de droit et que le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve. L’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi. Une telle dénaturation doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Lorsqu’il allègue une dénaturation d’éléments de preuve par le Tribunal, un requérant doit, en application de ces dispositions et de l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure de la Cour, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation (voir, arrêt du 10 juillet 2019, VG/Commission, C‑19/18 P, EU:C:2019:578, points 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée).
77 En l’espèce, la requérante soutient que, au point 64 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré à tort que le dossier ne comportait aucun élément de preuve à l’appui des allégations de harcèlement, de discrimination, de représailles et de persécution telles qu’elle les avait formulées.
78 Il convient de relever que, par un tel argument, la requérante conteste l’appréciation des faits et des éléments de preuve effectuée par le Tribunal et vise ainsi à obtenir une nouvelle appréciation de ceux-ci par la Cour.
79 Bien que la requérante allègue que, aux points 63, 65 et 73 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait commis une dénaturation des faits et des éléments de preuve, elle reste cependant en défaut d’indiquer en quoi consiste précisément cette dénaturation. En tout état de cause, une dénaturation de ces éléments ne ressort pas, de manière manifeste, des arguments de la requérante.
80 S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait, au point 63 de l’arrêt attaqué, ignoré les pièces du dossier démontrant un comportement inapproprié à son égard, il convient de constater que celui-ci repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal a pris en considération ces pièces, a constaté que l’argumentation de la requérante était fondée sur des comportements inappropriés de personnes autres que la requérante, et a, partant, considéré que cette argumentation était inopérante pour apprécier une prétendue violation de la décision litigieuse, dès lors que celle-ci portait sur le comportement de la requérante. Cet argument doit, dès lors, être rejeté.
81 S’agissant de l’argumentation de la requérante selon laquelle le Tribunal aurait, aux points 64 et 73 de l’arrêt attaqué, violé les règles de preuve en indiquant que le dossier ne comportait aucun élément de preuve, il convient de constater que la requérante ne tire aucune conclusion juridique des affirmations faites à l’appui de cette argumentation et se limite à réitérer les allégations qu’elle avait présentées dans le cadre de son recours devant le Tribunal. Elle tente ainsi d’obtenir une nouvelle appréciation d’une question de fait par la Cour, en l’occurrence celle de savoir si les pièces figurant dans le dossier de sa requête en annulation étaient ou non suffisantes pour constater la prétendue importance de la période comprise entre le 1er septembre 2013 et le 24 novembre 2014, qui permettrait de constater le prétendu contexte antisémite et de harcèlement. Ladite argumentation doit, dès lors, être rejetée comme étant irrecevable.
82 Quant à l’argument concernant une prétendue méconnaissance des règles relatives à la charge de la preuve, il suffit de constater que la jurisprudence invoquée par la requérante, à savoir le point 49 de l’arrêt du 28 juin 2023, IMG/Commission (T‑752/20, EU:T:2023:366), selon laquelle, lorsqu’une institution de l’Union est la mieux placée pour rapporter des preuves, l’incertitude qui demeure doit être mise à sa charge, n’est pas pertinente en l’espèce. En effet, cette jurisprudence est relative à des faits dommageables imputables à l’institution concernée alors que, en l’espèce, c’est le comportement de la requérante qui est en cause.
83 Par ses arguments visant les points 94, 95 et 272 de l’arrêt attaqué, la requérante reproche au Tribunal d’avoir sciemment ignoré les présomptions d’existence d’un dossier parallèle, violant ainsi les règles de preuve.
84 Il importe de préciser, d’une part, que, après avoir relevé, aux points 92 et 93 de l’arrêt attaqué, que le SEAE a confirmé à la requérante que l’intégralité du dossier lui avait été transmise et que des documents demandés par la requérante n’existaient pas, le Tribunal a constaté, aux points 94 et 95 de l’arrêt attaqué, que cette dernière n’a avancé aucun argument susceptible de remettre en cause lesdites allégations du SEAE et qu’elle n’a pas démontré que les documents qu’elle avait reçus ne constituaient pas l’intégralité du dossier.
85 D’autre part, après avoir, au point 265 de l’arrêt attaqué, énoncé l’argument du SEAE selon lequel la majorité des documents dont la requérante a sollicité la production dans le cadre d’une demande de mesures d’organisation de la procédure n’existe pas ou est manifestement sans rapport avec l’objet du litige, le Tribunal a analysé, aux points 266 à 274 de l’arrêt attaqué, cette demande de mesures d’organisation de la procédure et l’a déclarée irrecevable et, en tout état de cause, non fondée, en exposant précisément, quant aux documents prétendument inexistants, que la requérante omet de fournir un commencement de preuve de leur existence.
86 Or, dans le cadre de son pourvoi, la requérante se borne à renvoyer à des présomptions d’existence d’un dossier parallèle, le Tribunal n’ayant pas examiné effectivement les documents soumis, et fait valoir, en reprenant des arguments qu’elle a invoqués en première instance, que l’AIPN avait connaissance de rumeurs, une enquête de sécurité ayant été ouverte à son égard, mais reste en défaut d’expliquer en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit. En se limitant, contrairement aux exigences rappelées au point 33 du présent arrêt, à reproduire les arguments qu’elle a exposés devant le Tribunal, la requérante vise ainsi, en réalité, à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi.
87 En ce qui concerne la nécessité de demander que des documents « parallèles » prétendument détenus par le SEAE soient produits, il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose sur les affaires dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de la procédure relève de son appréciation souveraine des faits, qui échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sauf en cas de dénaturation des éléments de preuve présentés au Tribunal ou lorsque l’inexactitude matérielle des constatations effectuées par ce dernier ressort des documents versés au dossier (arrêt du 1er octobre 2020, CC/Parlement, C‑612/19 P, EU:C:2020:776, point 41 et jurisprudence citée).
88 Aucune indication fournie dans le cadre du présent pourvoi ne permettant de penser qu’une telle dénaturation a eu lieu en l’espèce, le Tribunal a pu, à bon droit, considérer que les éléments contenus dans le dossier étaient suffisants pour lui permettre de statuer sur le litige et qu’il n’y avait pas lieu de demander la production d’un prétendu dossier parallèle. Partant, le deuxième grief doit être écarté comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé.
89 En ce qui concerne les arguments de la requérante par lesquels elle reproche au Tribunal de ne pas avoir constaté que la procédure disciplinaire ayant mené à sa révocation était partiale et discriminatoire et d’avoir ainsi procédé à une dénaturation des éléments de preuve et, aux points 120, 121 et 274 de l’arrêt attaqué, à une appréciation entachée d’une erreur de droit, il importe de relever que, ainsi qu’il a déjà été rappelé au point 76 du présent arrêt, un requérant doit, lorsqu’il allègue une dénaturation par le Tribunal, indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par celui-ci et démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit le Tribunal à cette dénaturation.
90 Or, en l’espèce, la requérante n’explique pas en quoi consisterait précisément la dénaturation des éléments de preuve alléguée ni en quoi l’appréciation qui en a été faite par le Tribunal aux points 120, 121 et 274 de l’arrêt attaqué serait entachée d’une erreur de droit, mais cherche en réalité à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour dans le cadre du pourvoi.
91 Partant, l’argument selon lequel le Tribunal aurait commis une telle dénaturation et une telle erreur d’appréciation doit être écarté comme étant irrecevable.
92 Quant à l’argumentation critiquant les points 107 et 110 de l’arrêt attaqué, mentionnée au point 72 du présent arrêt, il convient de rappeler, d’une part, que, dans le cadre du pourvoi, le contrôle de la Cour a pour objet, notamment, de vérifier si le Tribunal a répondu à suffisance de droit à l’ensemble des arguments invoqués par les parties requérantes et, d’autre part, que le moyen tiré d’un défaut de réponse du Tribunal à des arguments invoqués en première instance revient, en substance, à invoquer une violation de l’obligation de motivation. Or, cette obligation n’impose pas au Tribunal de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige, la motivation du Tribunal pouvant donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 10 septembre 2024, KS e.a./Conseil e.a., C‑29/22 P et C‑44/22 P, EU:C:2024:725, point 143 ainsi que jurisprudence citée).
93 En l’espèce, il ressort des points 107 et 110 de l’arrêt attaqué que l’audition du 16 juillet 2019 a été reportée à quatre reprises, à la suite de trois demandes de report de la part de la requérante. Le Tribunal a constaté, au point 107 de l’arrêt attaqué, que la requérante et ses avocats ne s’étaient finalement pas présentés à cette audition, sans que la requérante ait déposé de certificat médical ni fourni une autre justification valable pour son absence. De même, au point 110 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que la réunion devant l’AIPN tripartite avait eu lieu en la seule présence de l’avocat de la requérante, après trois reports effectués à la demande de cette dernière, et ce quand bien même il aurait été proposé à la requérante d’y assister par visioconférence. L’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait ignoré son droit d’obtenir le report d’une ou de plusieurs auditions sur présentation d’un certificat médical doit, dès lors, être rejeté.
94 De même, le Tribunal a, au point 105 de l’arrêt attaqué, rappelé que, en vertu de l’article 4 et de l’article 16, paragraphe 1, de l’annexe IX du statut, le requérant « peut se faire représenter par une personne de son choix », et, au point 110 de l’arrêt attaqué, constaté que la réunion devant l’AIPN tripartite a eu lieu en la seule présence de l’avocat de la requérante. La requérante n’expliquant pas en quoi consisterait la dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal ni quelle serait l’erreur de droit commise, l’argument selon lequel la requérante aurait le droit de se faire représenter par deux conseils doit donc être rejeté comme étant irrecevable, conformément à la jurisprudence visée au point 76 du présent arrêt. De même, la jurisprudence citée par la requérante n’est pas pertinente, étant donné qu’elle concerne l’obligation imposée à l’AIPN d’entendre elle-même le fonctionnaire et non le droit du fonctionnaire à être entendu.
95 L’argument de la requérante selon lequel le Tribunal aurait commis une erreur de droit, aux points 99 et 100 de l’arrêt attaqué, en se référant au pouvoir discrétionnaire du conseil de discipline et en ne procédant pas à l’audition des témoins souhaités doit être rejeté comme étant irrecevable. En effet, la requérante n’indique pas en quoi une telle appréciation du Tribunal serait entachée d’une erreur de droit. Elle cherche, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation des faits par la Cour, ce qui échappe à la compétence de celle-ci dans le cadre du pourvoi.
96 Par conséquent, les première et quatrième branches du second moyen doivent être rejetées comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées.
Sur les deuxième et troisième branches du second moyen
– Argumentation des parties
97 Les deuxième et troisième branches du second moyen, qu’il convient d’examiner ensemble, sont tirées d’une violation de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, de l’article 120, sous c) et d), du règlement de procédure de la Cour ainsi que de l’article 76, sous d) et e), et de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, d’un excès de compétence du Tribunal, d’une violation de l’article 270 TFUE et de l’article 91 du statut, d’une violation de l’interdiction de statuer ultra petita et d’une violation du principe de l’autorité de la chose jugée.
98 La requérante fait valoir que, au point 161 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a violé l’autorité de la chose jugée qui s’attache à l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153), dénaturé les pièces du dossier, excédé sa compétence et statué ultra petita, en qualifiant des absences injustifiées d’absences physiques, ce qui entraînerait une modification de la motivation de la décision litigieuse.
99 En effet, ainsi que le Tribunal l’aurait relevé au point 141 de l’arrêt attaqué, l’AIPN aurait motivé la décision litigieuse en considérant que la requérante se trouvait en situation d’absence injustifiée, au motif qu’une présence dans les locaux de l’institution concernée qui ne répondrait pas aux attentes d’assiduité et de disponibilité devrait être assimilée à une absence injustifiée. Or, le Tribunal, en indiquant, au point 149 de l’arrêt attaqué, que les jours compris dans la période allant du 1er janvier au 14 juillet 2017 portaient sur des absences physiques de la requérante constatées par son supérieur hiérarchique, aurait modifié la motivation de l’AIPN et dénaturé la décision litigieuse.
100 Ce faisant, le Tribunal aurait violé l’obligation de motivation prescrite à l’article 25, deuxième alinéa, du statut ainsi que les règles et principes fixant sa compétence, l’article 270 TFUE et l’article 91 du statut, en modifiant l’objet du litige et les éléments sur la base desquels la requérante a formé son recours. Le Tribunal aurait également violé le principe selon lequel la légalité d’une décision doit être appréciée uniquement à la lumière des éléments existant à la date de son adoption, à savoir, en l’espèce, les éléments figurant dans la décision litigieuse et éventuellement explicités dans la décision de rejet de la réclamation, dans laquelle l’AIPN a confirmé que la situation de la requérante devait être assimilée à une situation d’absence injustifiée.
101 Par ailleurs, le Tribunal aurait excédé sa compétence, puisqu’il aurait substitué sa motivation à celle retenue par l’AIPN. Il aurait dès lors statué ultra petita, en incluant une motivation inexistante dans la décision litigieuse et en rejetant, sur cette base, le recours en annulation, en violation de l’article 21 du statut de la Cour, de l’article 120, sous c) et d), du règlement de procédure de la Cour, ainsi que de l’article 76, sous d) et e), et de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. En effet, l’ultra petita ne se limiterait pas à l’existence d’une situation dans laquelle le Tribunal se prononcerait sur une question allant au-delà de ce qui lui a été soumis (arrêt du 22 juin 2023, DI/BCE, C‑513/21 P, EU:C:2023:500, point 66).
102 Quant à la violation de l’autorité de la chose jugée attachée à l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153), la Cour aurait, dans cet arrêt, explicitement rejeté tout manquement à l’article 21, premier alinéa, à l’article 55, paragraphe 1, et à l’article 60, premier alinéa, du statut. Le Tribunal ne pourrait donc pas, au point 161 de l’arrêt attaqué, conclure à une violation de ces dispositions en raison d’absences injustifiées qui ont été définitivement déclarées inexistantes. Cela soulèverait également la question de la proportionnalité de la sanction, étant donné que, au point 248 de l’arrêt attaqué, sur la base d’erreurs manifestes d’appréciation et en violation des règles visées par le troisième moyen du recours en première instance, notamment en substituant une fausse motivation à celle de la décision litigieuse et en méconnaissant le principe de l’autorité de la chose jugée, le Tribunal aurait décidé que l’AIPN avait établi le caractère approprié et, par suite, proportionné de la sanction infligée.
103 En outre, la requérante fait valoir que, en considérant, aux points 230 et 241 de l’arrêt attaqué, qu’elle n’avait pas démontré l’existence de circonstances atténuantes, le Tribunal n’aurait pas tiré toutes les conséquences en droit du dossier qui lui a été soumis. Il aurait ainsi, à tort, aux points 170 à 175, 202 à 206 et 239 de l’arrêt attaqué, jugé péremptoirement que l’existence de circonstances avérées entourant la décision litigieuse demeurerait sans effet compte tenu de plusieurs violations du statut « existant par elles-mêmes ». Une circonstance atténuante étant un fait susceptible de réduire la gravité d’une infraction, laissée à l’appréciation du juge, le fait de refuser, par principe, de tenir compte de telles circonstances serait une erreur de droit justifiant en soi l’annulation de l’arrêt attaqué. De la même façon, le Tribunal aurait, aux points 191 à 196 de l’arrêt attaqué, réfuté des éléments contextuels, sans en tirer, aux points 230 à 232 de l’arrêt attaqué, aucune conclusion au titre des circonstances atténuantes.
104 Le SEAE considère que les deuxième et troisième branches du second moyen doivent être rejetées comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées.
– Appréciation de la Cour
105 En premier lieu, la requérante reproche au Tribunal d’avoir considéré, au point 149 de l’arrêt attaqué, que, pendant la période allant du 1er janvier au 14 juillet 2017, des absences physiques avaient été constatées par son supérieur hiérarchique, ce qui serait, d’une part, contradictoire avec ce qu’il a retenu au point 141 de cet arrêt et, d’autre part, contraire à la motivation de la décision litigieuse. Ce faisant, le Tribunal aurait commis un excès de compétence et statué ultra petita, en dénaturant la motivation de cette décision, en la remplaçant par une autre motivation et en incluant une motivation inexistante ou, à tout le moins, en qualifiant les faits de manière erronée et contradictoire.
106 À cet égard, il convient de rappeler que l’appréciation des faits pertinents et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE, C‑171/20 P, EU:C:2022:154, point 40 et jurisprudence citée). Or, la requérante n’apporte aucun élément susceptible d’établir que le Tribunal aurait dénaturé les éléments de preuve avancés pour établir la réalité de ses absences physiques irrégulières.
107 En tout état de cause, l’argumentation de la requérante repose sur une lecture erronée de l’arrêt attaqué. En effet, au point 141 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a constaté que le SEAE a, d’une part, considéré, dans une décision de rejet d’une réclamation relative à une retenue sur salaire, qui a fait l’objet de l’ordonnance du 29 janvier 2020, WV/SEAE (T‑471/18, EU:T:2020:26), et de l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153), qu’un fonctionnaire qui déclare son intention de ne pas assister sa hiérarchie et de ne pas exécuter les tâches qui lui sont confiées se trouve en situation d’absence injustifiée et, d’autre part, déduit d’un tel manquement aux obligations prévues à l’article 21, premier alinéa, et à l’article 55 du statut que la requérante se trouvait dans une situation d’absence irrégulière, au sens de l’article 60 du statut.
108 Or, dans son arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153), la Cour n’a pas confirmé ces constatations du Tribunal, mais, ainsi que l’a indiqué le Tribunal au point 144 de l’arrêt attaqué, a considéré qu’une retenue sur salaire au titre de l’article 60 du statut ne pouvait être fondée que sur une absence physique du fonctionnaire concerné de son lieu de travail. Toutefois, contrairement aux allégations de la requérante, dans cet arrêt, la Cour ne s’est pas prononcée sur la réalité ou non de l’absence physique de la requérante.
109 Aux points 145 à 161 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné comment les absences de la requérante ont été calculées par le SEAE et a décidé que, dans le contexte de la sanction disciplinaire et non dans celui de la retenue sur salaire, la requérante avait été physiquement absente pendant 71,5 jours des installations du SEAE, sans y avoir été autorisée, ces absences étant constitutives d’un manquement aux obligations prévues à l’article 21, premier alinéa, à l’article 55, paragraphe 1, et à l’article 60, premier alinéa, du statut, telles qu’énoncées dans la décision litigieuse. Le Tribunal a précisé clairement, au point 159 de l’arrêt attaqué, sans se contredire, que, s’agissant d’absences physiques, lorsque la requérante était physiquement absente, sans y avoir été autorisée, elle a méconnu son obligation statutaire d’assister ses supérieurs et d’effectuer les tâches qui lui étaient confiées, prévue à cet article 21, premier alinéa, ainsi que celle d’être à la disposition de l’institution concernée, prévue à cet article 55, paragraphe 1.
110 L’argumentation de la requérante mentionnée au point 105 du présent arrêt doit donc être rejetée comme étant irrecevable ou, en tout état de cause, comme étant non fondée.
111 En second lieu, il convient de constater que la violation du principe de l’autorité de la chose jugée que le Tribunal aurait commise au point 161 de l’arrêt attaqué repose sur une lecture erronée de l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153). En effet, dans ce dernier arrêt, la Cour n’a pas rejeté le grief tiré d’une application erronée de l’article 60 du statut. Elle a annulé la décision relative à la retenue sur salaire concernée en raison d’une erreur de droit, dans la motivation du SEAE, confirmée par le Tribunal, consistant à assimiler un manquement aux obligations incombant à un fonctionnaire en vertu des articles 21 et 55 du statut, à une « absence irrégulière », au sens de l’article 60 du statut. Cependant, il convient de relever, à l’instar du Tribunal au point 144 de l’arrêt attaqué, que, si la Cour a annulé cette décision, elle ne s’est pas prononcée sur la réalité des absences physiques de la requérante. Dès lors, l’argument de la requérante selon lequel les absences irrégulières concernées ont été déclarées « définitivement inexistantes » par la Cour dans l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153), est manifestement non fondé.
112 Aux points 146 à 156 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a procédé à une analyse approfondie des absences physiques de la requérante pour en confirmer l’exactitude matérielle et décider que, dans le contexte de la sanction disciplinaire, la requérante avait été absente sans justification pendant 71,5 jours, lors de la période allant du 1er janvier au 14 juillet 2017. Par la suite, afin de justifier la qualification juridique des faits reprochés retenue par le SEAE dans la décision litigieuse, le Tribunal a constaté, aux points 159 et 160 de l’arrêt attaqué, d’une part, que, lorsqu’elle était physiquement absente des installations du SEAE, sans y avoir été autorisée, la requérante a méconnu ses obligations statutaires d’assister ses supérieurs et d’effectuer les tâches qui lui étaient confiées, telles que prévues à l’article 21, premier alinéa, du statut, ainsi que celle d’être à la disposition de l’institution concernée, telle que prévue à l’article 55, paragraphe 1, du statut, et, d’autre part, que les absences physiques non autorisées de la requérante étaient constitutives d’un manquement à l’article 60 du statut.
113 Partant, c’est à juste titre que le Tribunal a expliqué, au point 149 de l’arrêt attaqué, que la circonstance que, dans l’arrêt du 3 mars 2022, WV/SEAE (C‑162/20 P, EU:C:2022:153), la Cour a jugé qu’il n’est pas permis d’effectuer une retenue sur salaire, au titre de l’article 60 du statut, en raison d’un manquement aux obligations prévues à l’article 21, premier alinéa, et à l’article 55, paragraphe 1, du statut n’invalide pas la référence faite dans la décision litigieuse aux absences physiques de la requérante constatées pendant la période allant du 1er janvier au 14 juillet 2017.
114 Quant au principe de proportionnalité et à la reconnaissance de circonstances atténuantes, il convient de rappeler que, aux points 216 à 247 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a examiné la décision litigieuse et a jugé que, en l’adoptant, le SEAE n’avait pas commis d’erreur manifeste d’appréciation et que, au vu du constat de la rupture définitive du lien de confiance entre ce dernier et la requérante, ainsi que de l’examen des critères énumérés à l’article 10 de l’annexe IX du statut, la décision litigieuse était appropriée et proportionnée. Le Tribunal a également jugé, au point 248 de l’arrêt attaqué, que, dans la mesure où la requérante restait en défaut de démontrer une telle erreur, aucun élément ne permettait de considérer que la sanction infligée était disproportionnée au regard des comportements reprochés.
115 Or, hormis les arguments de la requérante selon lesquels le Tribunal aurait commis un excès de compétence, statué ultra petita et violé le principe de l’autorité de la chose jugée, lesquels ont été rejetés aux points 110 et 111 du présent arrêt, la requérante n’avance, par son second moyen, aucune autre argumentation de nature à remettre en cause cette appréciation juridique du Tribunal.
116 Quant aux circonstances atténuantes alléguées, en ce que le Tribunal n’aurait pas tiré toutes les conséquences en droit du dossier qui lui a été soumis, il suffit de constater que la requérante n’identifie pas l’erreur de droit que le Tribunal aurait commise dans son appréciation. Elle limite, en effet, son argumentation aux discriminations et aux harcèlements qu’elle aurait prétendument subis ainsi qu’aux rumeurs et à l’antisémitisme dont elle aurait été victime en se référant à l’exposé figurant dans sa requête devant le Tribunal.
117 Partant, la requérante vise, en réalité, à obtenir un simple réexamen des arguments présentés dans cette requête, ce qui, en application de la jurisprudence citée au point 33 du présent arrêt, échappe à la compétence de la Cour dans le cadre d’un pourvoi.
118 Par conséquent, les deuxième et troisième branches du second moyen doivent être rejetées comme étant, en partie, irrecevables et, en partie, non fondées.
119 Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le second moyen comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondé ainsi que, par conséquent, le pourvoi dans sa totalité.
Sur les dépens
120 L’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour prévoit que, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
121 Le SEAE ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens et celle-ci ayant succombé en son pourvoi, il y a lieu de condamner cette dernière aux dépens.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :
1) Le pourvoi est rejeté.
2) WV est condamnée aux dépens.
Kumin |
Biltgen |
Ziemele |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 2 octobre 2025.
Le greffier |
Le président de chambre |
A. Calot Escobar |
A. Kumin |
* Langue de procédure : le français.