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Document 62022CJ0353

Acórdão do Tribunal de Justiça (Oitava Secção) de 9 de novembro de 2023.
Comissão Europeia contra Reino da Suécia.
Processo C-353/22.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:851

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

9 novembre 2023 (*)

« Manquement d’État – Article 258 TFUE – Directive (UE) 2017/853 – Contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes – Article 260, paragraphe 3, TFUE – Sanctions pécuniaires – Transposition et communication des mesures de transposition en cours d’instance – Condamnation au paiement d’une somme forfaitaire »

Dans l’affaire C‑353/22,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 31 mai 2022,

Commission européenne, représentée par Mme P. Carlin, MM. E. Manhaeve et R. Tricot, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume de Suède, représenté par M. O. Simonsson, Mmes C. Meyer‑Seitz et A. Runeskjöld, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. N. Piçarra (rapporteur), président de chambre, MM. M. Safjan et N. Jääskinen, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

–        de constater que, en n’ayant pas adopté toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer : premièrement, à l’annexe I, partie II, catégorie A, points 6 à 9, catégorie B, point 8, et catégorie C, point 5, de la directive 91/477/CEE du Conseil, du 18 juin 1991, relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (JO 1991, L 256, p. 51), telle que modifiée par la directive (UE) 2017/853 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2017 (JO 2017, L 137, p. 22) (ci‑après la « directive 91/477 modifiée »), conformément à la définition figurant à cette annexe I, partie II ; deuxièmement, à l’article 5, paragraphe 3, de cette directive ; troisièmement, à l’article 10, paragraphe 1, de ladite directive et, quatrièmement, à l’article 10, paragraphe 2, de la même directive ou, en toute hypothèse, en ayant omis de communiquer lesdites dispositions à la Commission, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 de la directive 2017/853 et

–        de condamner le Royaume de Suède à payer à la Commission une somme forfaitaire d’un montant de 5 387,90 euros par jour, mais d’au moins 1 909 000 euros, si le manquement décrit au premier tiret se poursuit le jour du prononcé du présent arrêt, de condamner ledit État membre à payer à la Commission une astreinte d’un montant de 48 454,98 euros par jour, à compter de la date du prononcé de cet arrêt, jusqu’à la date à laquelle le même État membre se sera conformé à la directive 2017/853, et

–        de condamner le Royaume de Suède aux dépens.

 Le cadre juridique

 La directive 91/477 modifiée

2        L’article 5, paragraphe 3, de la directive 91/477 modifiée, laquelle était en vigueur jusqu’au 25 avril 2021, disposait :

« Les États membres veillent à ce qu’une autorisation d’acquérir et une autorisation de détenir une arme à feu de la catégorie B soit retirée si la personne qui a reçu cette autorisation est trouvée en possession d’un chargeur susceptible d’être monté sur des armes à feu semi‑automatiques à percussion centrale ou à répétition qui :

a)      peut contenir plus de vingt cartouches ; ou

b)      dans le cas d’armes à feu longues, peut contenir plus de dix cartouches,

à moins que cette personne n’ait obtenu une autorisation au titre de l’article 6 ou une autorisation qui a été confirmée, renouvelée ou prolongée au titre de l’article 7, paragraphe 4 bis. »

3        L’article 10 de cette directive prévoyait :

« 1.      Le régime d’acquisition et de détention des munitions est identique à celui de la détention des armes à feu auxquelles elles sont destinées.

L’acquisition de chargeurs pour les armes à feu semi-automatiques à percussion centrale pouvant contenir plus de vingt cartouches ou plus de dix cartouches pour les armes à feu longues n’est permise que pour les personnes qui ont obtenu une autorisation en vertu de l’article 6 ou une autorisation qui a été confirmée, renouvelée ou prolongée en vertu de l’article 7, paragraphe 4 bis.

2.      Les armuriers et les courtiers peuvent refuser de conclure toute transaction visant à acquérir des cartouches complètes de munitions, ou de composants de munitions, qu’ils pourraient raisonnablement considérer comme suspecte, en raison de sa nature ou de son échelle, et signalent toute tentative de transaction de ce type aux autorités compétentes. »

4        L’annexe I, partie II, de ladite directive était libellée comme suit :

« Aux fins de la présente directive, les armes à feu sont classées dans les catégories suivantes :

A.

Catégorie A – Armes à feu interdites

[...]

6.      les armes à feu automatiques transformées en armes à feu semi‑automatiques, sans préjudice de l’article 7, paragraphe 4 bis ;

7.      les armes à feu semi-automatiques à percussion centrale suivantes :

a)      les armes à feu courtes permettant de tirer plus de vingt et un coups sans recharger, dès lors :

i)      qu’un chargeur d’une capacité supérieure à vingt cartouches fait partie intégrante de l’arme à feu ; ou

ii)      qu’un chargeur amovible d’une capacité supérieure à vingt cartouches y a été inséré ;

b)      les armes à feu longues permettant de tirer plus de onze coups sans recharger, dès lors :

i)      qu’un chargeur d’une capacité supérieure à dix cartouches fait partie intégrante de l’arme à feu ; ou

ii)      qu’un chargeur amovible d’une capacité supérieure à dix cartouches y a été inséré[.]

8.      les armes à feu longues semi-automatiques (c’est-à-dire les armes à feu initialement conçues comme armes d’épaule) dont la longueur peut être réduite à moins de 60 centimètres à l’aide d’une crosse repliable ou télescopique, ou d’une crosse démontable sans outils, sans qu’elles perdent leur fonctionnalité ;

9.      toute arme à feu dans cette catégorie qui a été transformée pour le tir de munitions à blanc, de produits irritants, d’autres substances actives ou d’articles de pyrotechnie, ou en arme de spectacle.

Catégorie B – Armes à feu soumises à autorisation

[...]

8.      toute arme à feu dans cette catégorie qui a été transformée pour le tir de munitions à blanc, de produits irritants, d’autres substances actives ou d’articles de pyrotechnie, ou en arme de spectacle ;

[...]

Catégorie C – Armes à feu et autres armes soumises à déclaration

[...]

5.      toute arme à feu dans cette catégorie qui a été transformée pour le tir de munitions à blanc, de produits irritants, d’autres substances actives ou d’articles de pyrotechnie, ou en arme de spectacle ;

[...] »

 La directive 2017/853

5        Les considérants 1, 2, 15, 19, 20, 22 et 23 de la directive 2017/853 énonçaient :

« (1)      La directive 91/477/CEE [...] a instauré une mesure d’accompagnement du marché intérieur. Elle a établi un équilibre entre, d’une part, l’engagement d’assurer une certaine liberté de circulation pour certaines armes à feu et leurs parties essentielles au sein de l’Union et, d’autre part, la nécessité d’encadrer cette liberté par certaines garanties d’ordre sécuritaire, adaptées à ces produits.

(2)      Il est nécessaire d’améliorer davantage certains aspects de la directive 91/477/CEE de façon proportionnée pour lutter contre l’utilisation abusive des armes à feu à des fins criminelles et en tenant compte des récents actes terroristes. [...]

[...]

(15)      Il convient d’instaurer, dans la directive 91/477/CEE, des règles plus strictes pour les armes à feu les plus dangereuses afin d’empêcher que leur acquisition, leur détention ou leur commerce soient autorisés, à de rares exceptions près dûment motivées. En cas d’inobservation de ces règles, il importe que les États membres prennent toutes les mesures adéquates, qui pourraient inclure la saisie de ces armes à feu.

[...]

(19)      Les armuriers et les courtiers devraient être en mesure de refuser d’exécuter toute transaction suspecte relative à l’acquisition de cartouches complètes de munitions ou de composants d’amorces de munitions. [...] Les armuriers et les courtiers devraient également être en mesure de signaler ces transactions suspectes aux autorités compétentes.

(20)      Il existe un risque important que des armes de spectacle et d’autres types d’armes tirant des munitions à blanc soient transformées en armes à feu véritables. Il est donc essentiel de répondre au problème de l’utilisation de ces armes à feu transformées lors de la commission d’une infraction, en particulier en incluant celles-ci dans le champ d’application de la directive 91/477/CEE. [...]

[...]

(22)      Les armes à feu conçues à des fins militaires, comme l’AK47 et le M16, et qui sont équipées d’un sélecteur de tir, pour lesquelles il est possible d’ajuster manuellement les modes de tir entre la position automatique et la position semi-automatique, devraient entrer dans la catégorie A des armes à feu, et devraient donc être interdites pour tout usage civil. Si elles sont transformées en armes à feu semi-automatiques, elles devraient relever du point 6 de la catégorie A.

(23)      Certaines armes à feu semi-automatiques peuvent être facilement transformées en armes à feu automatiques, ce qui fait peser une menace sur la sécurité. Même sans être transformées, certaines armes à feu semi‑automatiques pourraient être très dangereuses lorsque la capacité de leur chargeur, en termes de nombre de cartouches, est élevée. Par conséquent, les armes à feu semi‑automatiques ayant un chargeur inamovible permettant de tirer un grand nombre de cartouches, ainsi que les armes à feu semi‑automatiques ayant un chargeur amovible ayant une grande capacité, devraient être interdites pour tout usage civil. La simple possibilité d’installer un dispositif de chargement avec une capacité de plus de dix cartouches pour les armes à feu longues et de vingt cartouches pour les armes à feu courtes ne détermine pas la classification de l’arme à feu dans une catégorie spécifique. »

6        L’article 2 de cette directive disposait :

« 1.      Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 14 septembre 2018. Ils en informent immédiatement la Commission.

2.      Par dérogation au paragraphe 1 du présent article, les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à l’article 4, paragraphe 3, et à l’article 4, paragraphe 4, de la [directive 91/477 modifiée], au plus tard le 14 décembre 2019. Ils en informent immédiatement la Commission.

3.      Lorsque les États membres adoptent les dispositions visées aux paragraphes 1 et 2, celles-ci contiennent une référence à la présente directive ou sont accompagnées d’une telle référence lors de leur publication officielle. Les modalités de cette référence sont arrêtées par les États membres.

4.      Nonobstant le paragraphe 1, les États membres peuvent, en ce qui concerne les armes à feu acquises avant le 14 septembre 2018, suspendre l’obligation de déclarer les armes à feu relevant du point 5, 6 ou 7 de la catégorie C jusqu’au 14 mars 2021.

5.      Les États membres communiquent à la Commission le texte des dispositions essentielles de droit interne qu’ils adoptent dans le domaine régi par la présente directive. »

 La directive (UE) 2021/555

7        Ainsi qu’il ressort de son considérant 1, la directive (UE) 2021/555 du Parlement européen et du Conseil, du 24 mars 2021, relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes (JO 2021, L 115, p. 1), procède, dans un souci de clarté et de rationalité, à une codification de la directive 91/477 modifiée, avec effet au 26 avril 2021.

8        Aux termes de l’article 26, premier alinéa, de la directive 2021/555, la directive 91/477 modifiée « est abrogée, sans préjudice des obligations des États membres en ce qui concerne les délais de transposition en droit interne des directives indiqués à l’annexe III, partie B » de la directive 2021/555, à savoir le 14 septembre 2018 pour la directive 2017/853, sauf disposition contraire de celle‑ci.

9        Selon le tableau de correspondance figurant à l’annexe IV de la directive 2021/555, les articles 6 et 13 ainsi que l’annexe I de celle‑ci correspondent, respectivement, aux articles 5 et 10 ainsi qu’à l’annexe I de la directive 91/477 modifiée.

 La procédure précontentieuse

10      N’ayant reçu du Royaume de Suède aucune information sur l’adoption et la publication des dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2017/853 à l’expiration du délai de transposition de celle-ci, à savoir le 14 septembre 2018, la Commission a adressé à cet État membre, le 22 novembre 2018, une lettre de mise en demeure.

11      La réponse du Royaume de Suède, en date du 24 janvier 2019, indiquait que les mesures de transposition de la directive 2017/853 étaient en cours d’élaboration et devaient entrer en vigueur pendant le second semestre de l’année 2019. Le 22 février 2019, le Royaume de Suède a adressé un complément de réponse informant la Commission de l’état d’avancement de la procédure d’adoption de ces mesures. Par lettre du 30 avril 2019, cet État membre a informé la Commission de l’adoption de 18 mesures visant à transposer cette directive, en joignant un tableau de correspondance entre les dispositions de la directive 91/477 modifiée et les dispositions nationales transposant celles-ci.

12      Considérant, à la suite de l’examen des mesures notifiées, que la transposition de la directive 2017/853 en droit suédois n’était pas complète, la Commission a adressé, le 26 juillet 2019, un avis motivé au Royaume de Suède, en invitant cet État membre à prendre, dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet avis, les mesures nécessaires pour se conformer à cette directive.

13      Par lettre du 26 septembre 2019 en réponse audit avis, le Royaume de Suède a informé la Commission des mesures de transposition de la directive 2017/853 dont l’élaboration était toujours en cours, et, notamment, d’un nouveau projet de loi qui devait être soumis au Riksdag (Parlement suédois) à l’automne 2019 et entrer en vigueur au printemps 2020. Les réponses complémentaires de cet État membre, notamment celle du 25 mars 2021, indiquaient qu’un projet de loi de transposition, adopté par le gouvernement suédois le 22 octobre 2020, avait été soumis au Riksdag (Parlement suédois) qui l’avait toutefois rejeté le 27 janvier 2021.

14      Considérant qu’aucune nouvelle mesure législative n’avait été adoptée depuis la date à laquelle l’avis motivé avait été adressé au Royaume de Suède, et ce malgré le fait que certaines dispositions de la directive 91/477 modifiée visées par cet avis avaient été transposées en droit suédois, la Commission a décidé de saisir la Cour du présent recours.

 Les développements intervenus au cours de la présente procédure

15      Dans son mémoire en réplique, à la suite d’une objection du Royaume de Suède, la Commission a retiré un corrigendum relatif à sa requête, concernant l’article 10, paragraphe 2, de la directive 91/477 modifiée, qui ajoutait les termes « och vapenhandlare » (« et armuriers ») au point 14, dernier sous-point, de cette requête. Cette disposition figurait dans l’avis motivé du 26 juillet 2019 comme non transposée dans le droit suédois.

16      Après la clôture de la phase écrite de la procédure, le Royaume de Suède a, par lettre du 14 juin 2023, informé la Cour qu’elle avait notifié à la Commission, le 9 juin 2023, l’adoption des amendements normatifs nécessaires à la transposition de la directive 2017/853 en droit suédois, dont l’entrée en vigueur le 1er juillet 2023 assurerait la transposition complète de cette directive. Elle indiquait avoir complété ces informations d’un tableau de correspondance entre les dispositions de la directive 91/477 modifiée et les dispositions nationales transposant celles-ci.

17      Sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, le président de la huitième chambre de la Cour a imparti à la Commission un délai pour prendre position sur cette lettre, traitée en tant qu’offre de preuve, au titre de l’article 128, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour.

18      Par lettre du 17 juillet 2023, la Commission a informé la Cour que, à la suite des mesures notifiées le 9 juin 2023, la transposition de la directive 2017/853 pouvait être considérée comme achevée à compter du 1er juillet 2023. Dans cette lettre, la Commission a, en outre, indiqué qu’elle ne demandait plus l’application d’une astreinte journalière, celle-ci ayant perdu son objet.

19      Par ailleurs, le 3 juillet 2023, la Commission avait déposé un second corrigendum à sa requête, visant à rectifier ce qu’elle a qualifié d’« erreur de plume manifeste », consistant au placement incorrect du mot « samt » (« et ») dans la formulation du petitum concernant la demande de condamnation du Royaume de Suède au paiement d’une somme forfaitaire et d’une astreinte. En conséquence, le deuxième tiret visé au point 1 du présent arrêt devrait se lire comme suit :

« condamner le Royaume de Suède à payer à la Commission une somme forfaitaire de 5 387,90 euros par jour, mais d’au moins 1 909 000 euros, et, si le manquement [...] se poursuit le jour du prononcé de l’arrêt rendu dans la présente instance, condamner le Royaume de Suède à payer à la Commission une astreinte de 48 454,98 euros par jour à compter de la date dudit arrêt, jusqu’à ce que le Royaume de Suède se soit conformé à la directive. »

20      Par lettre du 20 juillet 2023, versée au dossier de l’affaire par décision du président de la huitième chambre de la Cour, du 31 juillet 2023, le Royaume de Suède a fait valoir que, compte tenu de l’importance de la rectification en cause, modifiant sensiblement le présent recours en manquement, il ne saurait être considéré que le second corrigendum déposé par la Commission porte sur une « erreur de plume manifeste ». Cet État membre s’estime ainsi fondé à s’appuyer sur le libellé de la demande initiale de la Commission, selon lui clair et précis.

 Sur le recours

 Sur le manquement aux obligations au titre de l’article 2 de la directive 2017/853

 Argumentation des parties

21      La Commission fait valoir que, en n’ayant pas adopté, au plus tard au terme du délai fixé dans l’avis motivé, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer aux dispositions de la directive 91/477 modifiée, visées au point 1, premier tiret, du présent arrêt (ci‑après les « dispositions en cause de la directive 91/477 modifiée ») ou, en tout état de cause, en ne lui ayant pas communiqué ces dispositions, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 de la directive 2017/853.

22      Dans sa lettre du 17 juillet 2023, la Commission a précisé que, si la transposition par cet État membre de la directive 91/477 modifiée, depuis abrogée et codifiée par la directive 2021/555, pouvait être considérée comme achevée au 1er juillet 2023, une telle circonstance n’avait, en soi, aucune incidence sur sa demande relative au constat du manquement en cause, qu’elle maintenait intégralement.

23      Le Royaume de Suède reconnaît le manquement qui lui est reproché et consent à la demande de taxation des dépens.

 Appréciation de la Cour

24      L’existence d’un manquement doit être appréciée en fonction de la situation de l’État membre telle qu’elle se présentait au terme du délai fixé dans l’avis motivé de la Commission [voir, en ce sens, arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 15 et jurisprudence citée].

25      En l’espèce, la Commission ayant notifié au Royaume de Suède l’avis motivé le 26 juillet 2019, le délai de deux mois qui a été imparti à cet État membre pour se conformer à ses obligations a expiré le 26 septembre 2019. Il convient donc d’apprécier l’existence du manquement allégué au regard de la législation interne en vigueur à cette dernière date.

26      Il ressort de la réponse du Royaume de Suède du 26 septembre 2019, des réponses complémentaires à cet avis motivé et des mémoires déposés dans la présente procédure que, à l’expiration, à cette date, du délai de deux mois fixé dans ledit avis, cet État membre n’avait pas adopté les mesures nationales de transposition des dispositions de la directive 2017/853 ayant modifié les dispositions en cause de la directive 91/477, ni, par suite, communiqué à la Commission de telles mesures de transposition.

27      Les mesures notifiées par le Royaume de Suède à la Commission le 9 juin 2023 ont donc été adoptées et sont entrées en vigueur après l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 26 juillet 2019, de sorte qu’elles ne sauraient être prises en compte pour apprécier l’existence du manquement reproché à la fin de ce délai [voir, en ce sens, arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Irlande (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑550/18, EU:C:2020:564, point 36].

28      Dans ces conditions, il y a lieu de constater, ainsi que l’admet, au demeurant, le Royaume de Suède que, en n’ayant pas, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé du 26 juillet 2019, adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2017/853 et, partant, en n’ayant pas communiqué lesdites dispositions à la Commission, cet État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 de cette directive.

 Sur les sanctions pécuniaires au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE

 Argumentation des parties

29      La Commission fait valoir que le manquement en cause relève de l’article 260, paragraphe 3, TFUE en ce qu’il consiste en la violation de l’obligation des États membres de communiquer des mesures de transposition de directives adoptées conformément à une procédure législative. Elle ajoute que cette disposition couvre tant l’abstention de communiquer toute mesure de transposition d’une directive que la communication partielle de ces mesures.

30      En outre, même si la présente affaire relève de la communication de la Commission intitulée « Le droit de l’UE : une meilleure application pour de meilleurs résultats » (JO 2017, C 18, p. 10, ci-après la « communication de 2017 »), et devrait être ainsi soumise à la pratique consistant à demander systématiquement à la Cour d’infliger une somme forfaitaire ainsi qu’une astreinte sur le fondement de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, eu égard à la transposition, par le Royaume de Suède, de la directive 91/477 modifiée, depuis abrogée et codifiée par la directive 2021/555, avec effet au 1er juillet 2023, la Commission demande uniquement l’infliction, au Royaume de Suède, d’une somme forfaitaire calculée, conformément à sa communication intitulée « Mise en œuvre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE » (JO 2011, C 12, p. 1), telle que modifiée par la communication de 2017, ainsi que par les communications intitulées « Modification de la méthode de calcul des sommes forfaitaires et des astreintes journalières proposées par la Commission dans le cadre des procédures d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne » (JO 2019, C 70, p. 1, ci-après la « communication de 2019 ») et « Ajustement du calcul des sommes forfaitaires et des astreintes journalières proposées par la Commission dans le cadre des procédures d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne à la suite du retrait du Royaume-Uni » (JO 2021, C 129, p. 1).

31      Ainsi, aux fins de la détermination de la somme forfaitaire en cause, la Commission considère devoir se fonder sur les trois critères fondamentaux appliqués dans le cadre de la procédure définie à l’article 260, paragraphe 2, TFUE, à savoir la gravité de l’infraction, la durée de celle-ci et la nécessité d’assurer l’effet dissuasif d’un tel montant en tant que sanction pécuniaire destinée à éviter les récidives.

32      En premier lieu, en ce qui concerne la gravité de l’infraction, la Commission propose de fixer le coefficient de gravité à 7, sur une échelle de 1 à 20, compte tenu, d’une part, de l’importance des règles du droit de l’Union ayant fait l’objet de l’infraction, et, d’autre part, des conséquences de la non-transposition sur des intérêts généraux et particuliers.

33      S’agissant de l’importance de ces règles, la Commission rappelle que la directive 91/477 modifiée, qui régissait l’acquisition, la détention et l’échange commercial dans l’Union d’armes à feu civiles utilisées pour le tir sportif et la chasse, et qui établissait des standards minimaux communs que tous les États membres ont dû transposer dans leur législation nationale, visait à concilier des objectifs liés au marché intérieur, à savoir la circulation des armes à feu entre les États membres, et des objectifs de sécurité, à savoir garantir un niveau élevé de sécurité et de protection contre les infractions pénales et le commerce illicite des armes à feu dans l’Union, à harmoniser les législations et les procédures des États membres relatives aux armes à feu, à simplifier les procédures d’acquisition, de détention et de transfert de ces armes, et à prévenir la fabrication et le commerce illicites desdites armes, en accroissant leur traçabilité.

34      Pour ce qui est, plus particulièrement, des finalités poursuivies par les dispositions en cause de la directive 91/477 modifiée, issues de la directive 2017/853, la Commission relève, en substance, que, ainsi qu’il ressort des considérants 15, 19, 22 et 23 de cette dernière directive, ces dispositions ont instauré des règles plus strictes pour les armes à feu les plus dangereuses, au vu des risques pour la sécurité qu’elles présentent. Lesdites dispositions régiraient, en outre, les droits et obligations des armuriers et courtiers qui, en tant qu’acteurs à part entière de l’environnement de sécurité global des transactions ayant pour objet des munitions suspectes, joueraient un rôle actif notamment dans le traçage des armes à feu.

35      Pour ce qui est des conséquences de la non-transposition des dispositions en cause de la directive 91/477 modifiée sur des intérêts généraux et particuliers, la Commission fait valoir, en substance, que, au vu des finalités de ces dispositions, un tel manquement entraîne des conséquences particulièrement graves pour la sécurité publique et l’environnement de sécurité global, dès lors que le Royaume de Suède se trouve parmi les États membres les plus touchés par la violence par armes à feu. La proportion par habitant de violences létales par armes à feu serait, en Suède, environ 2,5 fois plus élevée que la moyenne de l’Union et serait fortement liée à des milieux criminels, ce qui rendrait d’autant plus nécessaire la transposition complète de la directive 91/477 modifiée.

36      En deuxième lieu, en ce qui concerne la durée de l’infraction, la Commission rappelle que 40 mois se sont écoulés entre le 14 septembre 2018, date d’expiration du délai de transposition de la directive 91/477 modifiée, et le 10 février 2022, date à laquelle elle a décidé de saisir la Cour. Sur la base d’un coefficient de 0,10 par mois, la Commission considère qu’il convient de fixer à 3 le facteur « durée de l’infraction », sur une échelle allant de 1 à 3.

37      En troisième lieu, s’agissant de la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction en cause pour éviter les récidives, la Commission indique que ses services sont en train d’examiner les conséquences à tirer de l’arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel) (C‑51/20, EU:C:2022:36), sur la méthode de détermination de la capacité de paiement des États membres, établie par la communication de 2019 à la fois sur le fondement du produit intérieur brut (PIB) de l’État membre concerné et du nombre de sièges au Parlement européen attribué à chaque État membre. Dans l’attente du résultat de cet examen et de la révision de cette communication, la Commission propose de se baser sur la méthode définie par ladite communication, et, dès lors, d’appliquer un facteur de 0,86 au Royaume de Suède, aux fins de l’appréciation de sa capacité de paiement, tout en reconnaissant que la Cour jouit d’une marge d’appréciation pour fixer les montants qu’elle estime adaptés aux circonstances.

38      Dès lors, à condition que la somme forfaitaire minimale de 1 909 000 euros, à payer par le Royaume de Suède, soit dépassée, la Commission propose que le montant journalier pour le calcul de la somme forfaitaire s’élève à 5 387,90 euros (895 euros x 7 x 0,86), obtenu en multipliant le forfait de base uniforme par le coefficient de gravité et par le facteur permettant d’assurer l’effet dissuasif de la sanction en cause pour éviter les récidives.

39      Dans sa lettre du 17 juillet 2023, la Commission a précisé que la somme forfaitaire au paiement de laquelle elle demande la condamnation du Royaume de Suède s’élève à 9 428 825 euros correspondant à la période allant du 15 septembre 2018, à savoir le jour suivant celui de l’expiration du délai de transposition de la directive 2017/853, au 30 juin 2023, à savoir le jour précédant la date de la fin du manquement reproché à cet État membre.

40      Le Royaume de Suède, tout en consentant à la demande d’imposition à son égard d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à compter de la date du prononcé de l’arrêt dans la présente affaire, si le manquement perdurait à cette date, estime, néanmoins, que le montant des sanctions financières demandé par la Commission apparaît disproportionné et devrait, par conséquent, être réduit.

41      En premier lieu, s’agissant de la gravité du manquement, la Commission n’aurait pas démontré l’existence de circonstances qui justifieraient un coefficient aussi élevé que 7, et, en tout état de cause, il n’y aurait aucune raison d’appliquer un tel coefficient.

42      En ce qui concerne, tout d’abord, l’importance des règles du droit de l’Union non transposées, le Royaume de Suède fait valoir que, si la mise en œuvre de la directive 91/477 modifiée constituait une priorité pour son gouvernement, toutefois, l’existence d’« un niveau élevé d’engagement, tant de la part des partis politiques représentés au Riksdag (Parlement suédois) que des organisations des parties prenantes concernées, en faveur de la mise en œuvre de cette directive a finalement eu un impact sur la possibilité de sa mise en œuvre complète ». Ces circonstances inhabituelles seraient étrangères à l’attitude normale de cet État membre à l’égard de la transposition des directives, lequel n’aurait pas manqué de coopérer loyalement avec la Commission au cours du processus de mise en œuvre de ladite directive.

43      En outre, la réglementation nationale sur les armes à feu et les munitions offrirait un niveau élevé de protection et satisferait, à plusieurs égards, aux exigences de la directive 91/477 modifiée. Le nombre de dispositions de cette directive non transposées serait limité, ce que l’application du coefficient de gravité 7, proposé par la Commission, ne refléterait pas dûment.

44      S’agissant, ensuite, des conséquences de la non-transposition de la directive 91/477 modifiée sur les intérêts généraux et particuliers en présence, le Royaume de Suède fait valoir que, outre que le nombre de dispositions de cette directive non transposées en droit suédois pendant la période en cause était limité, les armes de spectacle étaient déjà soumises à autorisation dans cet État membre. L’absence de transposition des dispositions de ladite directive concernant ces armes n’impliquerait donc pas que lesdites armes pouvaient être librement achetées et revendues ou transférées illégalement vers d’autres États membres.

45      De tels éléments auraient donc dû être pris en compte lors de l’appréciation des conséquences sur les intérêts publics et privés en présence et de la détermination de la gravité de la non-transposition de la directive 91/477 modifiée, conformément au point 16.4 de la communication de la Commission, du 13 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] » [SEC(2005) 1658], et au point 25 de la communication de 2011, intitulée « Mise en œuvre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE ».

46      De plus, conformément aux arrêts du 19 décembre 2012, Commission/Irlande (C‑279/11, EU:C:2012:834, points 27 et 29), et du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel) (C‑51/20, EU:C:2022:36, points 103, 104 et 133), l’absence de manquements répétés dans le secteur concerné devrait, aux fins d’une appréciation globale, pouvoir se répercuter sur le coefficient de gravité dans une mesure plus large que celle proposée par la Commission.

47      Enfin, la gravité de la non-transposition d’une directive ne saurait varier selon l’État membre concerné, sur la base d’éléments susceptibles de différer d’un État membre à l’autre, comme la situation sociale et le niveau de sécurité, au risque, sinon, de porter atteinte au principe d’égalité des États membres. Partant, la situation sécuritaire en Suède ne devrait pas être retenue comme une circonstance aggravante pour cet État membre.

48      S’agissant, en second lieu, de la nécessité d’assurer l’effet dissuasif de la sanction afin d’éviter les récidives, le Royaume de Suède souligne que la Commission ne l’a poursuivi pour non-transposition de directives qu’à de rares occasions et qu’il n’a été condamné par la Cour qu’encore plus rarement. En outre, il n’existerait pas d’antécédent de non–conformité répétée ou de mise en œuvre retardée dans le domaine concerné, et les circonstances ayant conduit au manquement dans la présente affaire seraient extraordinaires. Par ailleurs, des mesures particulières auraient été prises en vue d’une transposition complète de la directive 91/477 modifiée, comme la nomination, par le gouvernement suédois, d’une nouvelle commission chargée de proposer des modifications législatives jusqu’au 11 novembre 2022. Dans ces conditions, ni l’intérêt à faire cesser le manquement ni la nécessité de dissuasion ne plaideraient en faveur d’un montant de sanctions pécuniaires aussi élevé que celui demandé par la Commission.

 Appréciation de la Cour

–       Sur l’application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE

49      L’article 260, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE prévoit que, lorsque la Commission saisit la Cour d’un recours en vertu de l’article 258 TFUE, estimant que l’État membre concerné a manqué à son obligation de communiquer des mesures de transposition d’une directive adoptée conformément à une procédure législative, cette institution peut, lorsqu’elle le considère approprié, indiquer le montant d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte à payer par cet État membre, qu’elle estime adapté aux circonstances. Conformément au second alinéa de cet article 260, paragraphe 3, si la Cour constate le manquement, elle peut infliger à l’État membre concerné le paiement d’une somme forfaitaire ou d’une astreinte dans la limite du montant indiqué par la Commission, l’obligation de paiement prenant effet à la date fixée par la Cour dans son arrêt.

50      La Cour a déjà précisé que l’expression « obligation de communiquer des mesures de transposition », figurant à l’article 260, paragraphe 3, premier alinéa, TFUE, impose aux États membres de transmettre des informations suffisamment claires et précises quant aux mesures de transposition d’une directive. Afin de satisfaire à l’obligation de sécurité juridique et d’assurer la transposition de l’intégralité des dispositions d’une directive sur l’ensemble du territoire concerné, les États membres sont tenus d’indiquer, pour chaque disposition de ladite directive, la ou les dispositions nationales assurant sa transposition. Une fois cette communication intervenue, le cas échéant accompagnée d’un tableau de correspondance, il incombe à la Commission d’établir, en vue de solliciter l’infliction à l’État membre concerné des sanctions pécuniaires prévues à l’article 260, paragraphe 3, TFUE, que certaines mesures de transposition font défaut ou ne couvrent pas l’ensemble du territoire de l’État membre concerné. Il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre de la procédure juridictionnelle engagée en application de cet article 260, paragraphe 3, d’examiner si les mesures nationales communiquées à la Commission assurent une transposition correcte de la directive en cause [arrêts du 8 juillet 2019, Commission/Belgique (Article 260, paragraphe 3, TFUE – Réseaux à haut débit), C‑543/17, EU:C:2019:573, point 59, et du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 30].

51      Dès lors qu’il est établi que, à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé du 26 juillet 2019, le Royaume de Suède n’avait pas adopté les mesures nécessaires visant à transposer dans son droit interne les dispositions en cause de la directive 91/477 modifiée, ni communiqué à la Commission de telles mesures de transposition, ce manquement tombe sous le coup de l’article 260, paragraphe 3, TFUE.

–       Sur l’imposition de sanctions pécuniaires

52      Il importe de rappeler, d’emblée, que l’objectif poursuivi par l’introduction du mécanisme figurant à l’article 260, paragraphe 3, TFUE est non seulement d’inciter les États membres à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement qui, en l’absence d’une telle disposition, aurait tendance à persister, mais également d’alléger et d’accélérer la procédure d’imposition de sanctions pécuniaires concernant les manquements à l’obligation de communication des mesures nationales de transposition d’une directive adoptée conformément à la procédure législative [arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 52 et jurisprudence citée].

53      Si l’application d’une astreinte semble particulièrement adaptée pour inciter un État membre à mettre fin, dans les plus brefs délais, à un manquement, la condamnation au paiement d’une somme forfaitaire repose davantage sur l’appréciation des conséquences du défaut d’exécution des obligations pesant sur l’État membre concerné à l’égard des intérêts privés et publics en présence, notamment lorsque le manquement a persisté pendant une longue période [arrêts du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑549/18, EU:C:2020:563, point 66, et du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 54].

54      Par ailleurs, il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce dont elle se trouve saisie ainsi que du niveau de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter la somme forfaitaire appropriée notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [voir, en ce sens, arrêts du 8 juillet 2019, Commission/Belgique (Article 260, paragraphe 3, TFUE – Réseaux à haut débit), C‑543/17, EU:C:2019:573, point 78, et du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 69].

55      Dans la présente affaire, si la Commission a initialement sollicité l’infliction au Royaume de Suède, en application de l’article 260, paragraphe 3, TFUE, tant d’une astreinte que d’une somme forfaitaire, elle a toutefois indiqué, par lettre du 17 juillet 2023, que les mesures législatives que le Royaume de Suède lui avait notifiées, le 9 juin 2023, pouvaient être considérées comme ayant achevé la transposition en droit suédois de la directive 91/477 modifiée, depuis abrogée et codifiée par la directive 2021/555, si bien qu’elle ne demande plus l’infliction d’une astreinte, cette demande ayant perdu son objet.

56      S’agissant, en revanche, de la demande de la Commission relative à l’infliction d’une somme forfaitaire, il y a lieu de relever, sans même qu’il soit nécessaire de tenir compte du second corrigendum à la requête, mentionné au point 19 du présent arrêt, qu’une interprétation de cette demande en ce sens que, comme le soutient le Royaume de Suède, en dernier lieu, dans sa lettre du 14 juin 2023, l’infliction d’une telle somme forfaitaire dépendrait de la persistance du manquement constaté à la date du prononcé du présent arrêt ne saurait être retenue, eu égard à l’objectif visé par la condamnation à une somme forfaitaire, rappelé aux points 53 et 54 du présent arrêt.

57      Si le petitum de la requête n’est pas dépourvu de toute ambiguïté, il ressort des points 91 et 98 de cette requête que, conformément à la communication de 2017, la Commission « demande systématiquement à la Cour d’infliger aux États membres ayant omis de transposer en temps voulu les dispositions des directives le paiement [...] d’une somme forfaitaire, au titre de la période écoulée entre l’expiration du délai de transposition fixé dans la directive et soit le jour à partir duquel l’État membre respecte intégralement son obligation de communiquer les mesures de transposition, soit le jour du prononcé de l’arrêt rendu en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE ».

58      La Cour, pour sa part, a déjà fait droit à des demandes de la Commission tendant à l’imposition d’une somme forfaitaire dans le cadre d’un recours au titre de l’article 260, paragraphe 3, TFUE dont l’objet était un manquement qui avait pris fin au moment de l’examen des faits par la Cour [arrêt du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑549/18, EU:C:2020:563, points 67, 86 et 87].

59      En outre, le point 94 de la requête rappelle que, selon la méthode de calcul de la somme forfaitaire, prévue au point 21 de la communication de la Commission, du 13 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] », cette somme est obtenue « en multipliant un montant journalier par le nombre de jours de persistance de l’infraction intervenus entre le jour où le délai de transposition de la directive a expiré et le jour de la régularisation de l’infraction ou, à défaut de régularisation, le jour du prononcé de l’arrêt rendu en vertu de l’article 260, paragraphe 3, TFUE ».

60      Par ailleurs, l’interprétation de la demande de la Commission concernant la somme forfaitaire en cause dans le sens soutenu par le Royaume de Suède serait également contraire à la communication de 2017, sur laquelle la Commission s’est fondée aux fins de cette demande. En effet, aux termes du point 3 de cette communication, « lorsqu’un État membre se mettra en conformité en transposant la directive au cours de la procédure en justice, la Commission ne se désistera plus, de ce seul fait, de la procédure », si bien que la Cour, « qui ne pourrait pas prendre une décision d’astreinte car celle-ci serait désormais dépourvue d’objet, pourrait en revanche infliger une somme forfaitaire sanctionnant la durée de l’infraction jusqu’au moment de la régularisation, car cet aspect du litige n’est pas devenu sans objet ».

61      En conséquence, sans préjudice de l’éventuelle prise en compte de la cessation, par le Royaume de Suède, avec effet au 1er juillet 2023, du manquement en cause et de la coopération de cet État membre avec les services de la Commission tout au long de la procédure précontentieuse, y compris en mettant cette dernière au courant des raisons qui l’avaient empêché d’assurer la transposition complète en droit suédois de la directive 91/477 modifiée, il y a lieu d’examiner la demande de la Commission relative au montant de la somme forfaitaire à infliger audit État membre.

–       Sur la fixation du montant de la somme forfaitaire

62      Dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 260, paragraphe 3, TFUE, il incombe à la Cour de fixer le montant des sanctions pécuniaires au paiement desquelles un État membre peut être condamné en vertu de cette disposition, de telle sorte que ces sanctions, d’une part, soient adaptées aux circonstances et proportionnées au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné et, d’autre part, ne dépassent pas le montant indiqué par la Commission [voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑549/18, EU:C:2020:563, points 52, 53 et 72, ainsi que du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, points 62 et 73].

63      S’agissant, en particulier, du calcul de la somme forfaitaire qu’il est approprié d’imposer en l’espèce, il ressort de la jurisprudence de la Cour que, à cette fin, des éléments tels que la gravité du manquement constaté, la période durant laquelle celui–ci a persisté ainsi que la capacité de paiement de l’État membre constituent des facteurs pertinents [voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑549/18, EU:C:2020:563, point 72, et du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 73].

64      En ce qui concerne, tout d’abord, la gravité de l’infraction, il y a lieu de rappeler que l’obligation d’adopter les mesures nationales pour assurer la transposition complète d’une directive et l’obligation de communiquer ces mesures à la Commission constituent des obligations essentielles des États membres afin d’assurer la pleine effectivité du droit de l’Union. Le manquement à ces obligations doit, dès lors, être considéré comme étant d’une gravité certaine [arrêts du 8 juillet 2019, Commission/Belgique (Article 260, paragraphe 3, TFUE – Réseaux à haut débit), C‑543/17, EU:C:2019:573, point 85, et du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 74].

65      Dans ce contexte, il convient également de souligner l’importance de la directive 91/477 modifiée en tant qu’acte législatif encadrant la libre circulation des marchandises dans le domaine des armes à feu à usage civil par des garanties d’ordre sécuritaire adaptées à la nature de ces marchandises (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, point 48 ainsi que jurisprudence citée). En outre, les neuf dispositions en cause de la directive 91/477 modifiée instaurent, ainsi que l’a relevé la Commission, des règles plus strictes pour les armes à feu les plus dangereuses et régissent les droits et obligations des courtiers et des armuriers en ce qui concerne les transactions portant sur des munitions suspectes.

66      La gravité de la non-transposition de ces règles est accrue par l’impact potentiel de cette non-transposition sur les objectifs de sécurité publique et de protection contre les infractions pénales et le commerce illicite, poursuivis par la directive 91/477 modifiée, s’inscrivant dans un contexte transfrontalier où, nonobstant l’évolution du cadre sécuritaire, le législateur de l’Union a veillé à faciliter la libre circulation de certaines armes à feu (voir, en ce sens, arrêt du 3 décembre 2019, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17, EU:C:2019:1035, points 43 et 49).

67      Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le Royaume de Suède, la Cour peut, sans enfreindre le principe d’égalité, tenir compte de situations ou facteurs spécifiques à un État membre aux fins de l’appréciation in concreto de la gravité du manquement. En effet, en raison de tels facteurs ou situations, un État membre peut se trouver dans une situation qui le distingue d’autres États membres, en ce qui concerne l’impact de la non‑transposition d’une directive sur les intérêts publics ou privés en présence [voir, en ce sens, arrêt du 13 janvier 2021, Commission/Slovénie (MiFID II), C‑628/18, EU:C:2021:1, point 80]. Dans cette perspective, la circonstance évoquée par la Commission, dont l’exactitude n’est pas contestée par le Royaume de Suède, que cet État membre figure parmi ceux de l’Union qui sont les plus touchés par la violence due aux armes à feu constitue un élément pertinent aux fins de l’évaluation in concreto de la gravité du manquement en cause.

68      Dans ces conditions, ni le nombre prétendument réduit des dispositions en cause de la directive 91/477 modifiée – soit neuf dispositions au total – ni la prétendue absence de répétition de comportements infractionnels de la part du Royaume de Suède dans le secteur spécifique de l’action de l’Union concernée ne devraient, en l’espèce, conduire à une appréciation moins sévère de la gravité du manquement en cause que celle proposée par la Commission.

69      Certes, le Royaume de Suède a consenti des efforts dans l’élaboration des mesures nécessaires à la transposition de la directive 91/477 modifiée, qui ont pu aboutir, en cours d’instance, à la régularisation du manquement en cause. Il n’en demeure pas moins que ce manquement existait à la date d’expiration du délai imparti dans l’avis motivé du 26 juillet 2019, et même à la date de l’introduction du recours devant la Cour, de telle sorte que l’effectivité du droit de l’Union n’a pas été dûment assurée.

70      S’agissant des circonstances inhabituelles qui auraient entouré la transposition en droit suédois de la directive 2017/853, à savoir le niveau élevé d’engagement des partis politiques et des parties prenantes, il y a lieu de relever que ces circonstances ne sont pas de nature à influer sur la gravité du manquement en cause. En effet, selon une jurisprudence constante, des dispositions, des pratiques ou des situations de l’ordre juridique interne d’un État membre ne sauraient justifier le non-respect des obligations et des délais résultant des directives de l’Union ni, partant, la transposition tardive ou incomplète de celles-ci [arrêt du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 77 et jurisprudence citée].

71      La circonstance, relevée par le Royaume de Suède, que les dispositions du droit suédois applicables jusqu’à la date de la clôture de la phase écrite de la procédure devant la Cour soumettaient à autorisation les armes de spectacle et que, en conséquence, la non-transposition des dispositions en cause de la directive 91/477 modifiée concernant ces armes n’impliquait pas que celles-ci pouvaient être librement achetées, revendues ou transférées illégalement vers d’autres États membres ne saurait influer sur l’appréciation des conséquences du manquement en cause sur les intérêts publics et privés en présence. En effet, ainsi que la Commission l’a fait valoir, sans être contredite par le Royaume de Suède, l’annexe I, partie II, catégorie B, point 8, de la directive 91/477 modifiée, qui soumettait à autorisation les armes à feu transformées en armes de spectacle, porte sur une catégorie plus large d’armes à feu transformées que les seules armes de spectacle. En outre, lorsque les armes à feu transformées relèvent de la catégorie A de cette annexe I, partie II, elles doivent non pas être soumises à autorisation mais interdites.

72      S’agissant, ensuite, de la durée du manquement, la date à retenir pour l’imposition d’une somme forfaitaire est non pas celle de l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, mais la date à laquelle expire le délai de transposition prévu par la directive en question [arrêts du 16 juillet 2020, Commission/Irlande (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑550/18, EU:C:2020:564, point 90, et du 25 février 2021, Commission/Espagne (Directive données à caractère personnel – Domaine pénal), C‑658/19, EU:C:2021:138, point 81].

73      En l’espèce, le manquement en cause persistait à la date de la clôture de la phase écrite de la procédure devant la Cour, le 3 novembre 2022, depuis quatre ans et un mois, à savoir depuis le 14 septembre 2018, date d’expiration du délai de transposition de la directive 91/477 modifiée. Les mesures de transposition notifiées à la Commission, le 9 juin 2023, sont entrées en vigueur le 1er juillet 2023, après la clôture de cette phase écrite.

74      En ce qui concerne, enfin, la capacité de paiement de l’État membre en cause, la Commission a proposé de prendre en compte, outre le PIB de l’État membre concerné, le poids institutionnel de cet État membre dans l’Union exprimé par le nombre de sièges dont il dispose au sein du Parlement européen, conformément à la communication de 2019.

75      À cet égard, il ressort de la jurisprudence récente de la Cour que la prise en compte du poids institutionnel de l’État membre concerné n’apparaît pas indispensable pour garantir une dissuasion suffisante et amener cet État membre à modifier son comportement actuel ou futur dans le domaine concerné [arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Grèce (Récupération d’aides d’État – Ferronickel), C‑51/20, EU:C:2022:36, point 115].

76      Il convient ainsi de s’appuyer sur le PIB du Royaume de Suède aux fins de l’appréciation de la capacité de paiement de cet État membre et de prendre en compte l’évolution récente du PIB dudit État membre, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [voir, en ce sens, arrêts du 16 juillet 2020, Commission/Roumanie (Lutte contre le blanchiment de capitaux), C‑549/18, EU:C:2020:563, point 85, et du 13 janvier 2021, Commission/Slovénie (MiFID II), C‑628/18, EU:C:2021:1, point 85]. En outre, pour garantir l’objectif de fixation de sanctions suffisamment dissuasives, il y a lieu de se fonder, dans les circonstances de l’espèce, sur le forfait de base uniforme, tel que proposé par la Commission.

77      Eu égard à tout ce qui précède, il est fait une juste appréciation des circonstances de l’espèce en fixant à 8 500 000 euros le montant de la somme forfaitaire que le Royaume de Suède devra acquitter.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Suède et celui-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      En n’ayant pas, à l’expiration du délai imparti dans l’avis motivé, adopté les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive (UE) 2017/853 du Parlement européen et du Conseil, du 17 mai 2017, modifiant la directive 91/477/CEE du Conseil relative au contrôle de l’acquisition et de la détention d’armes, et, partant, en n’ayant pas communiqué lesdites dispositions à la Commission européenne, le Royaume de Suède a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 2 de la directive 2017/853.

2)      Le Royaume de Suède est condamné à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 8 500 000 euros.

3)      Le Royaume de Suède est condamné aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : le suédois.

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