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Documento 62020CO0198

Despacho do Tribunal de Justiça (Sétima Secção) de 10 de junho de 2021.
MN e o. contra X Bank S.A.
Pedido de decisão prejudicial apresentado pelo Sąd Rejonowy dla Warszawy-Woli w Warszawie II Wydział Cywilny.
Reenvio prejudicial — Artigo 99.° do Regulamento de Processo do Tribunal de Justiça — Proteção dos consumidores — Diretiva 93/13/CEE — Artigo 2.°, alínea b) — Conceito de “consumidor” — Crédito hipotecário denominado em divisa estrangeira — Artigos 3.° e 4.° — Apreciação do caráter abusivo de uma cláusula.
Processo C-198/20.

Identificador Europeo de Jurisprudencia: ECLI:EU:C:2021:481

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

10 juin 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 99 du règlement de procédure de la Cour – Protection des consommateurs – Directive 93/13/CEE – Article 2, sous b) – Notion de “consommateur” – Crédit hypothécaire libellé en devise étrangère – Articles 3 et 4 – Appréciation du caractère abusif d’une clause »

Dans l’affaire C‑198/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Woli w Warszawie II Wydział Cywilny (tribunal d’arrondissement de Varsovie – arrondissement de Wola-Varsovie, deuxième chambre civile, Pologne), par décision du 11 mai 2020, parvenue à la Cour le 11 mai 2020, dans la procédure

MN,

DN,

JN,

ZN

contre

X Bank S.A.,

en présence de :

Rzecznik Praw Obywatelskich,

LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Kumin, président de chambre, M. P. G. Xuereb et Mme I. Ziemele (rapporteure), juges,

avocat général : Mme J. Kokott,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour MN, DN, JN et ZN, par M. M. Skrobacki, radca prawny,

–        pour X Bank S.A., par Me P. Litwiński, adwokat, et M. M. Łoś, radca prawny,

–        pour Rzecznik Praw Obywatelskich, par M. M. Taborowski, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement polonais, par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,

–        pour le gouvernement tchèque, par MM. M. Smolek et J. Vláčil ainsi que par Mme S. Šindelková, en qualité d’agents,

–        pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme G. Natale, avvocato dello Stato,

–        pour le gouvernement portugais, par MM. L. Inez Fernandes, T. Paixão et M. Queiroz Ribeiro ainsi que par Mmes P. Barros da Costa et A. Rodrigues, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par M. N. Ruiz García et Mme A. Szmytkowska, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 2, sous b), de l’article 3, paragraphes 1 et 2, ainsi que de l’article 4 de la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs (JO 1993, L 95, p. 29).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant MN, DN, JN et ZN (ci-après les « emprunteurs ») à X Bank S.A. au sujet du caractère prétendument abusif des clauses contenues dans un contrat de prêt hypothécaire conclu entre ces parties.

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        Les onzième, seizième et vingtième considérants de la directive 93/13 énoncent :

« Considérant que le consommateur doit bénéficier de la même protection, tant dans le cadre d’un contrat oral que dans celui d’un contrat écrit et, dans ce dernier cas, indépendamment du fait que les termes de celui-ci sont contenus dans un ou plusieurs documents ; 

[...]

Considérant que l’appréciation, selon les critères généraux fixés, du caractère abusif des clauses notamment dans les activités professionnelles à caractère public fournissant des services collectifs prenant en compte une solidarité entre usagers, nécessite d’être complétée par un moyen d’évaluation globale des différents intérêts impliqués ; que ceci constitue l’exigence de bonne foi ; que, dans l’appréciation de la bonne foi, il faut prêter une attention particulière à la force des positions respectives de négociation des parties, à la question de savoir si le consommateur a été encouragé par quelque moyen à donner son accord à la clause et si les biens ou services ont été vendus ou fournis sur commande spéciale du consommateur ; que l’exigence de bonne foi peut être satisfaite par le professionnel en traitant de façon loyale et équitable avec l’autre partie dont il doit prendre en compte les intérêts légitimes ; 

[...]

Considérant que les contrats doivent être rédigés en termes clairs et compréhensibles ; que le consommateur doit avoir effectivement l’occasion de prendre connaissance de toutes les clauses, et que, en cas de doute, doit prévaloir l’interprétation la plus favorable au consommateur ».

4        L’article 2 de cette directive dispose :

« Aux fins de la présente directive, on entend par :

[...]

b)      “consommateur” : toute personne physique qui, dans les contrats relevant de la présente directive, agit à des fins qui n’entrent pas dans le cadre de son activité professionnelle ;

[...] »

5        L’article 3 de ladite directive prévoit, à ses paragraphes 1 et 2 :

« 1.      Une clause d’un contrat n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle est considérée comme abusive lorsque, en dépit de l’exigence de bonne foi, elle crée au détriment du consommateur un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties découlant du contrat.

2.      Une clause est toujours considérée comme n’ayant pas fait l’objet d’une négociation individuelle lorsqu’elle a été rédigée préalablement et que le consommateur n’a, de ce fait, pas pu avoir d’influence sur son contenu, notamment dans le cadre d’un contrat d’adhésion.

Le fait que certains éléments d’une clause ou qu’une clause isolée aient fait l’objet d’une négociation individuelle n’exclut pas l’application du présent article au reste d’un contrat si l’appréciation globale permet de conclure qu’il s’agit malgré tout d’un contrat d’adhésion.

Si le professionnel prétend qu’une clause standardisée a fait l’objet d’une négociation individuelle, la charge de la preuve lui incombe. »

6        Aux termes de l’article 4 de la directive 93/13 :

« 1.      Sans préjudice de l’article 7, le caractère abusif d’une clause contractuelle est apprécié en tenant compte de la nature des biens ou services qui font l’objet du contrat et en se référant, au moment de la conclusion du contrat, à toutes les circonstances qui entourent sa conclusion, de même qu’à toutes les autres clauses du contrat, ou d’un autre contrat dont il dépend.

2.      L’appréciation du caractère abusif des clauses ne porte ni sur la définition de l’objet principal du contrat ni sur l’adéquation entre le prix et la rémunération, d’une part, et les services ou les biens à fournir en contrepartie, d’autre part, pour autant que ces clauses soient rédigées de façon claire et compréhensible. »

 Le droit polonais

7        L’article 221 du Kodeks cywilny (code civil), dans sa version applicable aux faits en cause au principal, définit le « consommateur » comme étant « toute personne physique qui pose un acte juridique avec un professionnel, acte qui n’est pas directement lié à son activité commerciale ou professionnelle ».

8        L’article 65 de ce code prévoit :

« 1.      Il convient d’interpréter la manifestation de volonté conformément aux principes de vie en société et aux usages, en tenant compte des circonstances dans lesquelles elle a été exprimée.

2.      Il convient de rechercher dans les contrats quelle a été la commune intention des parties et quel est l’objectif visé plutôt que de s’arrêter au sens littéral des termes. »

9        Aux termes de l’article 3851 du code civil :

« 1.      Les clauses d’un contrat conclu avec un consommateur qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle ne lient pas le consommateur lorsqu’elles définissent les droits et obligations de celui-ci d’une façon contraire aux bonnes mœurs, en portant manifestement atteinte à ses intérêts (clauses illicites). La présente disposition n’affecte pas les clauses qui déterminent les prestations principales des parties, dont le prix ou la rémunération, si elles sont formulées de manière non équivoque.

2.      Lorsqu’une clause d’un contrat ne lie pas le consommateur en application du paragraphe 1, les parties restent liées par les autres clauses du contrat.

3.      Les clauses d’un contrat qui n’ont pas fait l’objet d’une négociation individuelle sont celles sur le contenu desquelles le consommateur n’a pas eu d’influence concrète. Il s’agit en particulier des clauses reprises d’un modèle de contrat proposé au consommateur par le cocontractant.

4.      Il appartient à quiconque allègue qu’une clause a été négociée individuellement d’apporter la preuve de cette allégation. »

10      L’article 3852 de ce code indique :

« La compatibilité des clauses d’un contrat avec les bonnes mœurs est appréciée au regard de la situation au moment de la conclusion du contrat, en tenant compte de son contenu, des circonstances qui entourent sa conclusion ainsi que des autres contrats liés au contrat dans lequel figurent les dispositions qui font l’objet de l’appréciation. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

11      Le 21 juillet 2008, les requérants au principal ont conclu un contrat de prêt hypothécaire auprès de l’établissement bancaire auquel a succédé X Bank, en vue de l’achat d’un logement. Sur la base de ce contrat, l’établissement bancaire leur a accordé un prêt d’un montant de 150 000 zlotys polonais (PLN) (environ 32 800 euros), indexé sur le franc suisse (CHF). Le remboursement du prêt s’effectuait par échéances mensuelles, dont le montant était exprimé en francs suisses, le paiement se faisant toutefois en monnaie nationale au cours de vente des devises affiché au tableau des taux de change en vigueur à la banque le jour du remboursement. Le prêt a été consenti pour une durée de 30 ans.

12      Le contrat de prêt a été signé par MN, en son nom propre et pour le compte des trois autres emprunteurs. Ainsi que le souligne la juridiction de renvoi, faute d’avoir pu disposer du temps nécessaire, MN n’a pas pu prendre connaissance des documents afférents à ce contrat avant de le signer. En outre, la juridiction de renvoi indique que DN n’a lu ledit contrat qu’après l’avoir signé et n’en a pas compris sa teneur et que JN et ZN ne l’ont jamais lu.

13      À la suite d’une augmentation du montant des mensualités de remboursement du prêt, consécutives aux hausses du taux de change du franc suisse, les requérants au principal ont conclu un avenant au contrat, qui a pris effet au mois de décembre 2012, afin de pouvoir rembourser le prêt directement en francs suisses.

14      En 2018, les requérants au principal ont formé devant la juridiction de renvoi un recours tendant à la constatation de la nullité du contrat de prêt en cause et au paiement par la banque de la somme de 46 412,79 PLN (environ 10 175 euros), majorée des intérêts et des frais de procédure, en tant que créance due en raison de l’invalidité du contrat de prêt litigieux. À titre subsidiaire, ils réclament le paiement de la somme de 46 614,14 PLN (environ 10 219 euros), en tant que créance partielle due en raison du fait que les consommateurs ne sont pas tenus par des clauses contractuelles illégales.

15      Les requérants au principal font valoir que l’invalidité du contrat de prêt en cause résulterait du caractère abusif des clauses de conversion, dès lors qu’ils n’auraient pas disposé d’informations complètes, fournies en des termes explicites, sur les modalités d’application de ces clauses.

16      La juridiction de renvoi s’interroge en l’occurrence sur la possibilité de faire bénéficier les emprunteurs en cause au principal de la protection prévue par la directive 93/13, dans une situation dans laquelle seul l’un des quatre emprunteurs a signé ce contrat de prêt, sans pour autant l’avoir lu au préalable, un autre l’a lu ultérieurement, mais n’en a pas compris la teneur, et les deux derniers ne l’ont jamais lu. Selon cette juridiction, il serait possible de considérer que de tels emprunteurs ne constituent pas des « consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés » et, à ce titre, ne sauraient bénéficier de cette protection. Ladite juridiction s’interroge sur la question de savoir si, dans une telle situation, elle peut cependant constater le caractère abusif des clauses figurant dans le contrat au principal.

17      À cet égard, la juridiction de renvoi relève, d’une part, qu’il semble légitime de protéger tout consommateur, sans exception aucune, contre d’éventuelles clauses abusives figurant dans le contrat. En effet, le fait d’accorder une protection à tout consommateur inciterait les professionnels à s’abstenir d’insérer des clauses abusives dans leurs contrats. Par ailleurs, selon cette juridiction, la Cour semble avoir défendu une telle position dans son arrêt du 3 septembre 2015, Costea (C‑110/14, EU:C:2015:538), lorsqu’elle a jugé, au point 21 de cet arrêt, en substance, que la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, a un caractère objectif et est indépendante des connaissances concrètes que la personne concernée peut avoir ou des informations dont cette personne dispose réellement.

18      Cette juridiction indique, d’autre part, que le fait d’accorder une protection à un consommateur qui n’a pas lu le contrat avant de le signer, ou qui ne l’a pas compris, mais l’a néanmoins conclu et n’a pas fait d’efforts pour le comprendre, peut conduire à des situations dans lesquelles ce consommateur, après de nombreuses années, pourra invoquer le caractère abusif des clauses contractuelles s’il n’obtient pas les avantages attendus du contrat. Dans ces conditions, le consommateur pourrait alors se défaire d’un risque, tel que le risque de change, qu’il avait volontairement accepté d’assumer en concluant le contrat en cause. Or, dans de telles situations, il y aurait alors atteinte aux principes de sécurité juridique et de stabilité des contrats, ainsi qu’au principe pacta sunt servanda. Elle ajoute, à cet égard, que la Cour aurait suggéré, au point 74 de son arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282), que la protection des consommateurs ne bénéficie qu’au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

19      C’est dans ces conditions que le Sąd Rejonowy dla Warszawy-Woli w Warszawie II Wydział Cywilny (tribunal d’arrondissement de Varsovie – arrondissement de Wola-Varsovie, deuxième chambre civile, Pologne) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’article 2, sous b), [...], l’article 3, paragraphes 1 et 2, et l’article 4 de la directive [93/13], ainsi que les [onzième, seizième et vingtième] considérants de [celle-ci], lus à la lumière des points 16 et 21 de l’arrêt de la Cour du 3 septembre 2015, Costea (C‑110/14, EU:C:2015:538), ainsi que des points 20 et 26 à 33 des conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Costea (C‑110/14, EU:C:2015:271), doivent-ils être interprétés en ce sens que la protection accordée aux consommateurs par la directive 93/13 bénéficie à tout consommateur ?

Ou faut-il considérer, comme le suggère le point 74 de l’arrêt de la Cour du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282), que la protection des consommateurs ne bénéficie qu’au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ? En d’autres termes, le juge national peut-il constater le caractère abusif des clauses d’un contrat conclu par un consommateur quelconque, ou ne peut-il constater ce caractère abusif que s’il s’agit d’un consommateur susceptible d’être considéré comme un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ?

2)      S’il est répondu à la première question en ce sens que la protection des consommateurs bénéficie, en vertu de la directive 93/13, non pas à tout consommateur, mais seulement au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, peut-on qualifier de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le consommateur qui, avant de le signer, s’est abstenu de lire le contrat de prêt hypothécaire indexé sur une devise étrangère, conclu pour une durée de 30 ans et portant sur un montant de 150 000 PLN [environ 32 800 euros] ? Une protection au titre de la directive 93/13 peut-elle être accordée à un tel consommateur ?

3)      S’il est répondu à la première question en ce sens que la protection des consommateurs bénéficie, en vertu de la directive 93/13, non pas à tout consommateur, mais seulement au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, peut-on qualifier de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, le consommateur qui, bien qu’ayant lu le projet de contrat de prêt hypothécaire indexé sur une devise étrangère, conclu pour une durée de 30 ans et portant sur un montant de 150 000 PLN [environ 32 800 euros], ne l’a cependant pas pleinement compris, sans pour autant s’efforcer d’en saisir la signification avant de le conclure, et qui, notamment, n’a pas demandé à l’autre partie au contrat, c’est-à-dire la banque, de lui en expliquer la portée, le sens de ses différentes dispositions ? Une protection au titre de la directive 93/13 peut-elle être accordée à un tel consommateur ? »

 Sur les questions préjudicielles

20      En vertu de l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

21      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

 Sur la première question

22      Par sa première question, la juridiction de renvoi demande, en substance, si la protection prévue par la directive 93/13 bénéficie à tout consommateur ou seulement à celui qui peut être considéré comme étant un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

23      Il importe de relever que la juridiction de renvoi ne paraît pas remettre en cause la qualité de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de cette directive, des emprunteurs. En revanche, elle se demande si ces emprunteurs peuvent bénéficier de la protection que garantit ladite directive dans la mesure où ils ont eu un comportement déraisonnable dans le cadre de la conclusion du contrat de prêt en cause au principal. À cet égard, cette juridiction précise que celui des quatre emprunteurs qui a signé seul ce contrat ne l’avait pas lu préalablement, qu’un autre l’a seulement lu postérieurement à cette signature, mais n’en a pas compris la teneur, et que les deux derniers ne l’ont jamais lu. Or, selon ladite juridiction, dans ces conditions, il ne serait pas exclu que ces emprunteurs ne constituent pas des « consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés », de telle sorte qu’elle ne pourrait pas constater le caractère abusif de certaines des clauses figurant dans ledit contrat.

24      Afin d’apporter une réponse utile à la juridiction de renvoi, il convient, en premier lieu, de rappeler que, selon une jurisprudence constante de la Cour, c’est par référence à la qualité des contractants, selon qu’ils agissent ou non dans le cadre de leur activité professionnelle, que la directive 93/13 définit les contrats auxquels elle s’applique (arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C-590/17, EU:C:2019:232, point 23 ainsi que jurisprudence citée).

25      En ce qui concerne la notion de « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, la Cour a précisé à de nombreuses reprises qu’elle a un caractère objectif et est indépendante des connaissances concrètes que la personne concernée peut avoir ou des informations dont cette personne dispose réellement (arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C-590/17, EU:C:2019:232, point 24 ainsi que jurisprudence citée).

26      À cet égard, il y a lieu de relever que le consommateur se trouve dans une situation d’infériorité à l’égard du professionnel, en ce qui concerne tant le pouvoir de négociation que le niveau d’information, situation qui le conduit à adhérer aux conditions rédigées préalablement par le professionnel, sans pouvoir exercer une influence sur le contenu de celles-ci (arrêt du 21 mars 2019, Pouvin et Dijoux, C-590/17, EU:C:2019:232, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

27      Il résulte des éléments qui précèdent que la qualification d’une personne en tant que « consommateur », au sens de l’article 2, sous b), de la directive 93/13, ne dépend pas de son comportement, fût-il négligent, lors de la conclusion du contrat de prêt.

28      En second lieu, il y a lieu de rappeler que, afin d’assurer la protection visée par cette directive, la Cour a souligné que la situation d’inégalité entre le consommateur et le professionnel ne peut être compensée que par une intervention positive, extérieure aux seules parties au contrat (arrêt du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C-147/16, EU:C:2018:320, point 28 et jurisprudence citée).

29      C’est à la lumière de ces considérations que la Cour a jugé que, dans le cadre des fonctions qui incombent au juge national, en vertu des dispositions de la directive 93/13, celui-ci est tenu d’apprécier d’office le caractère abusif d’une clause contractuelle et, ce faisant, de suppléer au déséquilibre qui existe entre le consommateur et le professionnel (arrêt du 17 mai 2018, Karel de Grote – Hogeschool Katholieke Hogeschool Antwerpen, C-147/16, EU:C:2018:320, point 29 et jurisprudence citée).

30      Or, l’obligation, pour le juge national, d’apprécier, au besoin d’office et conformément aux articles 3 et 4 de cette directive, le caractère abusif des clauses contractuelles ne dépend pas non plus du comportement, fût-il négligent, du consommateur concerné. À cet égard, il y a lieu de relever que la Cour n’a pas, au point 74 de l’arrêt du 30 avril 2014, Kásler et Káslerné Rábai (C‑26/13, EU:C:2014:282), limité le champ d’application du régime de protection des consommateurs prévu par la directive 93/13 aux seuls consommateurs moyens, normalement informés et raisonnablement attentifs et avisés.

31      Dans cet arrêt, la Cour, saisie de questions préjudicielles portant, notamment, sur l’interprétation de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, et, en particulier, sur le sens à donner aux termes « objet principal du contrat » et « rémunération », ainsi que sur l’étendue de l’exigence selon laquelle une clause contractuelle doit être rédigée de manière claire et compréhensible, a jugé, à ce point 74, que, s’agissant des particularités du mécanisme de conversion de la devise étrangère telles que spécifiées par la clause contractuelle en cause, il appartient au juge de renvoi de déterminer si, au regard de l’ensemble des éléments de fait pertinents, dont la publicité et l’information fournies par le prêteur dans le cadre de la négociation d’un contrat de prêt, un consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, pouvait non seulement connaître l’existence de la différence, généralement observée sur le marché des valeurs mobilières, entre le taux de change de vente et le taux de change d’achat d’une devise étrangère, mais également évaluer les conséquences économiques, potentiellement significatives, pour lui de l’application du taux de change de vente pour le calcul des remboursements dont il sera en définitive redevable et, partant, le coût total de son emprunt.

32      La Cour, dans ledit arrêt, a ainsi considéré, que, dans le cadre de l’appréciation qu’il incombe à la juridiction de renvoi d’effectuer afin de déterminer si une clause contractuelle a été rédigée de manière claire et compréhensible, au sens de l’article 4, paragraphe 2, de la directive 93/13, cette juridiction doit prendre comme critère d’évaluation le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il en résulte que c’est seulement dans le cadre de l’appréciation, par le juge national, du caractère transparent d’une clause contractuelle que ce dernier se réfère au consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé.

33      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de répondre à la première question que la protection prévue par la directive 93/13 bénéficie à tout consommateur, et non pas seulement à celui qui peut être considéré comme étant un « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».

 Sur les deuxième et troisième questions

34      Eu égard à la réponse apportée à la première question, il n’y a pas lieu de répondre aux deuxième et troisième questions.

 Sur les dépens

35      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

La protection prévue par la directive 93/13/CEE du Conseil, du 5 avril 1993, concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs, bénéficie à tout consommateur, et non pas seulement à celui qui peut être considéré comme étant un « consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé ».

Signatures


*      Langue de procédure : le polonais.

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