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Document 62002TJ0246
Judgment of the Court of First Instance (Third Chamber) of 30 September 2004. # Albano Ferrer de Moncada v Commission of the European Communities. # Officials - Staff report. # Case T-246/02.
Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 30 septembre 2004.
Albano Ferrer de Moncada contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Rapport de notation - Établissement tardif - Réparation du préjudice subi.
Affaire T-246/02.
Arrêt du Tribunal de première instance (troisième chambre) du 30 septembre 2004.
Albano Ferrer de Moncada contre Commission des Communautés européennes.
Fonctionnaires - Rapport de notation - Établissement tardif - Réparation du préjudice subi.
Affaire T-246/02.
Recueil de jurisprudence - Fonction publique 2004 I-A-00257; II-01137
Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2004:281
ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
30 septembre 2004 (*)
« Fonctionnaires – Rapport de notation – Établissement tardif – Réparation du préjudice subi »
Dans l'affaire T-246/02,
Albano Ferrer de Moncada, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représenté par Mes G. Vandersanden, L. Levi et A. Finchelstein, avocats,
partie requérante,
contre
Commission des Communautés européennes, représentée par Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d'agent, assistée de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie défenderesse,
ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision par laquelle la Commission a implicitement rejeté la demande du requérant en date du 28 août 2001 tendant à l'octroi de dommages et intérêts en raison du retard pris dans l'établissement des rapports de notation le concernant pour les périodes de référence 1995/1997 et 1997/1999 et, pour autant que de besoin, de la décision par laquelle la Commission a implicitement rejeté la réclamation du requérant en date du 14 janvier 2002 et, d'autre part, une demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par le requérant en raison de l'établissement tardif de ces rapports de notation,
LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),
composé de MM. J. Azizi, président, M. Jaeger et F. Dehousse, juges,
greffier : M. H. Jung,
vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 25 mars 2004,
rend le présent
Arrêt
Cadre juridique
1 L’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), en vigueur au moment des faits, dispose :
« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire, à l’exception de ceux des grades A 1 et A 2, font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.
Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »
2 Selon l’article 5 des dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut, adoptées par la Commission le 15 mai 1997 (ci-après les « DGE ») :
« […] le notateur poursuit la procédure de notation par un dialogue avec le fonctionnaire/agent temporaire noté. Le notateur et le noté vérifient les tâches attribuées au noté et effectuées par celui-ci pendant la période de référence afin d’évaluer sa compétence, son rendement ainsi que sa conduite dans le service, sur base des éléments d’appréciation correspondant à sa situation professionnelle. La notation doit porter sur la période de référence.
Le noté et le notateur expriment aussi leurs souhaits/recommandations sur la formation, la mobilité, les orientations, les tâches. Le noté pourra s’exprimer sur son milieu de travail.
Le notateur établit ensuite le rapport de notation et le communique, dans les dix jours ouvrables (à partir du 1er juillet), au fonctionnaire/agent temporaire noté. Celui-ci est appelé à le compléter, pour les rubriques qui lui incombent, et à le viser dans un délai de 10 jours ouvrables.
Le fonctionnaire/agent temporaire noté a le droit, dans ce délai, de demander un second dialogue avec son notateur. Dans ce cas, le notateur est tenu de lui accorder un nouveau dialogue et peut, le cas échéant, modifier le rapport de notation, et enfin, il doit communiquer sa décision dans les 10 jours ouvrables suivant la demande du fonctionnaire/agent temporaire noté. Un nouveau délai de 10 jours ouvrables court alors pendant lequel le fonctionnaire/agent temporaire noté est invité à viser son rapport de notation ou à demander au notateur l’intervention du notateur d’appel. Cette demande doit être transmise sans délai au notateur d’appel. »
3 Aux termes de l’article 6, troisième alinéa, des DGE :
« Le notateur d’appel doit entendre le notateur et le fonctionnaire/agent temporaire noté, et procéder à toutes consultations utiles. Le notateur d’appel a la faculté de confirmer la première notation attribuée, ou de la modifier. Après la prise de position du notateur d’appel, qui doit intervenir dans un délai de 10 jours ouvrables après la réception de la demande du fonctionnaire/agent temporaire noté, dans les conditions prévues à l’article 5, dernier alinéa, le rapport de notation est communiqué à ce dernier qui dispose d’un délai de 10 jours ouvrables pour le viser ou pour demander l’intervention du comité paritaire des notations (CPN). »
4 Aux termes de l’article 7 des DGE :
« […]
Sans se substituer au notateur dans l’appréciation des qualités professionnelles du noté, le comité veille au respect de l’esprit d’équité et d’objectivité qui doit présider à l’établissement de la notation, ainsi qu’à l’application correcte des procédures (notamment dialogue, consultations, procédure d’appel, délais).
[…]
Le CPN doit se prononcer dans un délai de deux mois à compter de la date de transmission du dossier de la part du rapporteur.
L’avis du CPN est transmis sans retard au fonctionnaire/agent temporaire noté et au notateur d’appel. Celui-ci arrête le rapport de notation et le notifie au fonctionnaire/agent temporaire noté dans un délai de dix jours ouvrables ; il en transmet copie au CPN. La notation est alors considérée comme définitive.
Toute la procédure doit être terminée au plus tard pour le 31 décembre. »
5 Le guide de la notation comporte notamment les précisions suivantes :
« 4) Calendrier
Les opérations préliminaires de la procédure sont entamées à partir du 1er avril 1997. Dans ce cadre, l’administration :
– informe le personnel et les DG de l’ouverture de l’exercice de notation pour la période qui se termine le 30 juin suivant ;
– collabore à l’organisation des réunions d’information avec les DG ainsi qu’avec les assistants et les représentants du personnel ;
– assure la coordination et le déroulement de l’exercice selon le calendrier repris en annexe II.
[...]
Annexe II
CALENDRIER 1 |
||
Phases de la procédure |
Délais prévus |
|
[à partir du 1er avril 1997] |
|
|
Opérations préliminaires et premier dialogue |
|
|
[à partir du 1er juillet 1997] |
10 jours |
(2 semaines) |
Établissement du rapport et communication au noté |
10 jours |
(2 semaines) |
Réaction du noté (signature ou demande du deuxième dialogue) |
10 jours |
(2 semaines) |
Réaction du noté (signature ou demande du deuxième dialogue) |
10 jours |
(2 semaines) |
Intervention du notateur d’appel |
10 jours |
(2 semaines) |
Signature (éventuelle) ou saisine du CPN |
(total : |
10 semaines) |
Signature (éventuelle) ou saisine du CPN |
15 jours |
(3 semaines) |
Transmission au CPN |
2 mois |
|
Avis du CPN |
10 jours |
(2 semaines) |
Arrêt définitif de la notation par le notateur d’appel |
avant le pour l’exercice |
31 décembre 1997 1995/1997 |
1 – Pour les exercices ultérieurs, les délais de ce calendrier s’appliquent tant aux notations qu’aux reconductions. »
Faits et procédure
6 Le requérant est fonctionnaire des Communautés européennes de grade A 4 au sein de l’Office du contrôle de sécurité d’Euratom depuis le 1er septembre 1988.
7 Le 10 novembre 1998, il a accusé réception d’un premier rapport de notation, daté du 20 octobre 1998, pour la période de référence 1995/1997. Ce rapport était signé par M. Gmelin, directeur de l’Office du contrôle de sécurité d’Euratom, en sa qualité de notateur du requérant, et concluait à la nécessité, pour le requérant, de s’améliorer.
8 Le requérant a sollicité, le 12 novembre 1998, l’intervention du notateur d’appel, à l’époque M. Benavides, directeur général de la direction générale « Énergie » de la Commission jusqu’en décembre 1999.
9 Après l’annulation d’un premier rendez-vous avec le notateur d’appel pour des raisons de santé du requérant, celui-ci et ses conseils ont entrepris diverses démarches ayant notamment pour objet l’établissement du rapport de notation en question.
10 Le requérant a vu ses candidatures à trois postes rejetées en février 1999, en mars 2000 et en novembre 2000 et n’a pas bénéficié de promotion pendant cette période.
11 Le premier rapport de notation pour la période de référence 1997/1999 a, quant à lui, été communiqué au requérant le 9 février 2001. Comparable au précédent quant au contenu des appréciations analytiques et d’ordre général, ce rapport a été signé par M. Waeterloos qui a remplacé M. Gmelin depuis le départ de celui-ci.
12 Le requérant en a aussi saisi le notateur d’appel le 23 février suivant.
13 Le 29 juin 2001, M. Waeterloos a communiqué au requérant un nouveau projet de rapport de notation pour la période 1997/1999, identique à celui du 9 février 2001, mais destiné à être signé par M. Gmelin auquel aurait toujours incombé son établissement. Le requérant a fait part de son étonnement le 13 juillet 2001, estimant qu’à la suite de son appel il appartenait au seul notateur d’appel de constater l’irrégularité du rapport de notation entrepris et, le cas échéant, de le renvoyer au notateur compétent.
14 Le rapport de notation établi par le notateur d’appel concernant la période 1995/1997, daté du 8 juin 2001, a, quant à lui, été communiqué au requérant le 4 juillet 2001. Il confirmait le rapport initial du 20 octobre 1998 et était signé par M. Benavides, bien que celui-ci ait quitté l’institution entre-temps.
15 Le requérant a saisi, le 9 juillet 2001, le comité paritaire des notations (ci-après le « CPN »).
16 Le 28 août 2001, le requérant a introduit, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, une demande tendant au versement de dommages et intérêts en raison du préjudice que lui causait le retard de l’administration dans l’établissement des rapports de notation le concernant pour les périodes de référence 1995/1997 et 1997/1999. Le requérant y décrivait ses démarches et constatait qu’elles n’avaient pas permis de faire aboutir les procédures de notation. Il relevait aussi les hésitations de la Commission dans la désignation des notateur et notateur d’appel compétents. S’agissant de la procédure de notation relative à la période 1997/1999, il mentionnait encore la circonstance que M. Waeterloos aurait « délibérément refusé de prendre connaissance de [sa] demande […] du 23 février 2001 de saisir le notateur d’appel, malgré ses maintes tentatives à cette fin ». De plus, le requérant faisait observer que ce dernier avait relancé la procédure en lui soumettant une deuxième version du projet de rapport de notation destiné à être signé par M. Gmelin, alors que le notateur d’appel était déjà saisi. Il rappelait à cet égard qu’il incombait au seul notateur d’appel de constater l’irrégularité du premier rapport et de le renvoyer, le cas échéant, au notateur initial. Il faisait enfin état de « l’attitude hostile, assimilable à du harcèlement, avec laquelle [sa] hiérarchie [avait] poursuivi les procédures » en question.
17 Le service juridique de la Commission a émis, le 27 septembre et le 27 novembre 2001, deux avis sur l’identification du notateur responsable lorsque le notateur originel a quitté l’institution après la date de clôture de la période de référence mais avant l’établissement du rapport de notation. Le requérant a vainement tenté d’y avoir accès. Toutefois, dans un courrier du 23 décembre 2002, la Commission a porté à sa connaissance que la décision prise antérieurement par elle de désigner comme notateur la personne dirigeant l’unité ou la direction concernée à la date à laquelle s’est achevé l’exercice de notation avait engendré d’importantes difficultés dans les cas où ce notateur avait quitté la Commission. En conséquence, il était indiqué dans ce courrier :
« [I]l a été décidé, vers la fin 2001, que si la personne qui occupait le poste à la fin de la période de référence avait quitté l’institution, la compétence devait alors relever de la personne qui avait été affectée en qualité de successeur sur le poste en question.
[…]
Dans le cas du dossier Moncada, la procédure afférant aux notations 95/97 (et 97/99) était en cours de déroulement.
Ainsi, s’agissant des rapports 95/97 et 97/99, les obligations qui incombaient originairement au notateur, M. Gmelin, et au notateur d’appel, M. Benavides, devaient être reprises (et le sont, de facto, maintenant), respectivement, par MM. Waeterloos et Lamoureux. »
18 Le 14 janvier 2002, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre le rejet implicite de sa demande d’indemnisation du 28 août 2001 formée au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut. Il y sollicitait le versement d’une indemnité de 12 395 euros.
19 En date du 5 mars 2002, le CPN a rendu un avis sur la notation du requérant relative à la période 1995/1997. Selon celui-ci :
« [L]e comité a relevé qu’il y a eu un retard de trois ans et demi dans l’établissement du rapport de notation. À cela s’ajoutent des irrégularités relatives à la tenue des dialogues formels ainsi que la disparition de l’original.
Quant au fond, le comité a constaté que le rapport de notation, extrêmement négatif quant aux appréciations analytiques, présente des incohérences. En effet, les appréciations d’ordre général relatives à sa compétence ne correspondent pas à une note ‘Exceptionnel’ (capacité : ‘nécessite une amélioration’ ; connaissances : ‘a les connaissances nécessaires pour exécuter les tâches dont il est responsable’). Par ailleurs, les cotes ‘insuffisant’ sous les rubriques de compétence et de conduite ne sont pas suffisamment argumentées.
Le comité attire l’attention du notateur et du notateur d’appel sur les vices de forme entachant le rapport de notation. En outre, il demande au notateur d’appel de se pencher sur la question du décalage notable entre les appréciations analytiques et d’ordre général, et d’étayer les raisons qui l’amènent, le cas échéant, à marquer 1 Exceptionnel et 5 Insuffisant, en conformité avec les instructions du guide de la notation.
Le comité regrette enfin que la hiérarchie ne soit pas intervenue au cours de ces trois ans et demi pour remédier activement à une situation professionnelle et relationnelle très dégradée. »
20 Cet avis a été communiqué à M. Lamoureux le 25 mars 2002 avec la mention suivante : « Comme vous êtes en charge actuellement des responsabilités exercées antérieurement par M. Benavides, notateur d’appel à l’époque, et qui a désormais quitté ses fonctions à la Commission (article 50 du statut), je vous saurais gré de bien vouloir établir la notation définitive de M. Moncada pour l’exercice 1995/1997. » Suit une note de bas de page exposant que, « [s]elon les plus récentes orientations du [service juridique], si le notateur a quitté l’institution, il incombe à son successeur […] de s’acquitter des obligations afférentes à la notation ».
21 Le 9 août 2002, la Commission a « décid[é] de répondre favorablement à la [demande d’indemnité] de M. Moncada dans la mesure où l’absence de rapport de notation pour les périodes de référence 1995/1997 et 1997/1999 [avait] bien causé un préjudice à l’intéressé, compte tenu de l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel il s’est trouvé ». La Commission a considéré en substance que des hésitations quant à la désignation des notateurs compétents à la suite des départs de MM. Benavides et Gmelin avaient émaillé les procédures de notation. Elle a toutefois relevé une absence du requérant de plusieurs mois pour cause de maladie, la difficulté d’organiser un dialogue entre le notateur et le noté ainsi que les « innombrables » démarches de celui-ci. Estimant le dédommagement demandé nettement surévalué, elle a accordé 1 000 euros au requérant. Cette décision lui a été communiquée le 12 septembre 2002.
22 Le requérant avait cependant introduit le présent recours le 13 août 2002.
23 Le rapport définitif de notation pour la période 1995/1997 a été établi le 27 septembre 2002. Il a fait l’objet d’un autre recours en annulation devant le Tribunal, enregistré sous le numéro T‑16/03.
24 Par ailleurs, le requérant a reçu, le 23 octobre 2002, un courrier électronique l’informant que M. Waeterloos avait été chargé d’établir un nouveau rapport de notation pour la période 1997/1999.
25 Le requérant et ses conseils ont protesté, le 30 octobre et le 18 décembre 2002, contre un tel retour au stade initial, alors que l’établissement de ce rapport faisait l’objet d’un appel. Selon ceux-ci, cette manière de procéder n’avait aucun fondement légal. Le requérant était néanmoins disposé à établir un dialogue avec M. Waeterloos, si celui-ci décidait de persister dans cette voie.
26 Le rapport de M. Waeterloos, daté du 17 décembre 2002, a été notifié au requérant le 15 janvier 2003, avec la mention selon laquelle la « notation [a été] établie suite au refus de dialogue du noté ». Le 24 janvier 2003, ce dernier a, une nouvelle fois, porté la procédure devant le notateur d’appel.
27 L’entretien d’appel, prévu par l’article 6, troisième alinéa, des DGE, a eu lieu le 26 mai 2003. À la suite de celui-ci, le dossier de notation a été renvoyé à M. Waeterloos. Le 22 septembre 2003, ce dernier a proposé au requérant de tenir, à son niveau, le dialogue prescrit par l’article 5 des DGE.
28 Le requérant a rappelé, le 29 septembre 2003, que cette manière de procéder n’avait aucun fondement, de sorte qu’il convenait que M. Waeterloos l’informe de la procédure « sur mesure » qui lui serait appliquée. Il se disait néanmoins prêt à engager avec ce dernier un dialogue de « rattrapage ».
29 Le 3 octobre 2003, M. Lamoureux a considéré, au vu de cette note, que le requérant refusait catégoriquement d’avoir un entretien avec M. Waeterloos. En conséquence, il a estimé devoir reprendre la procédure et finaliser lui-même le rapport de notation pour la période 1997/1999.
30 Le requérant a reçu ce rapport le 29 octobre 2003. Il a saisi le CPN qui, à la date de l’audience, ne s’était pas encore prononcé.
31 Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 64 du règlement de procédure du Tribunal, a posé par écrit des questions aux parties, lesquelles y ont répondu dans le délai imparti.
32 Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience qui s’est déroulée le 25 mars 2004.
Conclusions des parties
33 Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision par laquelle la Commission a implicitement rejeté sa demande du 28 août 2001 tendant à l’octroi de dommages et intérêts en raison du retard pris dans l’établissement des rapports de notation le concernant pour les périodes de référence 1995/1997 et 1997/1999 ;
– pour autant que de besoin, annuler la décision par laquelle la Commission a implicitement rejeté sa réclamation du 14 janvier 2002 ;
– lui allouer 25 000 euros de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, ce montant devant être fixé ex aequo et bono ;
– condamner la Commission aux dépens.
34 La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme dénué d’objet et, en tout cas, comme non fondé ;
– statuer sur les dépens comme de droit.
Sur le recours en annulation
35 Dans le cadre du premier chef de conclusions, le requérant demande l’annulation de la décision par laquelle la Commission a implicitement rejeté sa demande du 28 août 2001 tendant à l’octroi de dommages et intérêts en raison du retard pris par la Commission dans l’établissement des rapports de notation le concernant pour les périodes de référence 1995/1997 et 1997/1999. Dans le cadre du deuxième chef de conclusions, il demande, pour autant que de besoin, l’annulation de la décision par laquelle la Commission a implicitement rejeté sa réclamation du 14 janvier 2002.
36 Comme en sont convenues les parties au vu des arrêts du Tribunal du 18 décembre 1997, Gill/Commission (T‑90/95, RecFP p. I‑A‑471 et II‑1231, point 45) ; du 6 mars 2001, Ojha/Commission (T‑77/99, RecFP p. I‑A‑61 et II‑293, point 68) ; du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission (T‑209/99, RecFP p. I‑A‑243 et II‑1211, point 32) ; du 23 octobre 2003, Lebedef/Commission (T‑279/01, non encore publié au Recueil, point 29), et du 23 octobre 2003, Sautelet/Commission (T‑25/02, non encore publié au Recueil, point 45), il n’y a pas lieu de statuer de façon autonome sur ces conclusions en annulation.
Sur le recours en indemnité
Arguments des parties
37 Selon le requérant, la réponse du 9 août 2002 de la Commission à sa réclamation et le rapport de notation pour la période 1995/1997, arrêté le 27 septembre 2002, qui lui ont été notifiés postérieurement à son recours, ne rendent pas celui-ci sans objet.
38 Il reproche trois fautes à la Commission. La première résiderait dans le fait qu’elle n’a pas établi le rapport de notation pour la période de référence 1995/1997 dans les délais et qu’elle n’a pas encore établi le rapport de notation pour la période de référence 1997/1999. La deuxième résulterait de la circonstance qu’elle n’a pas davantage établi le rapport de notation pour la période 1999/2001. Enfin, la troisième faute consisterait plus largement dans l’attitude manifeste de harcèlement de sa hiérarchie à son égard.
39 Le requérant fait valoir que ces fautes l’auraient placé dans une situation d’anxiété et d’incertitude quant à l’exercice de ses fonctions et à son avenir professionnel. L’absence des rapports de notation aurait aussi desservi ses chances de promotion ou de mutation. Il aurait en effet posé, en vain, sa candidature à plusieurs postes pendant la période en cause. Le déroulement de sa carrière aurait été d’autant plus affecté qu’il approchait de la retraite.
40 S’agissant du harcèlement allégué, le requérant met en exergue l’inertie de la Commission dans la mise en œuvre des procédures de notation nonobstant ses multiples démarches. Il insiste spécialement sur l’inconstance qui aurait marqué la désignation des notateurs compétents à la suite du départ des notateurs en fonction durant les périodes considérées. Le requérant estime que la prétendue difficulté à les désigner n’était en réalité qu’un prétexte pour ne pas établir les rapports de notation le concernant. Il invoque également le refus délibéré d’un de ses supérieurs hiérarchiques de prendre connaissance de sa demande tendant à la saisine du notateur d’appel. Le requérant mentionne encore le recommencement, par ce supérieur, de la procédure de notation relative à la période 1997/1999 alors que le notateur d’appel était déjà saisi. Il fait enfin valoir l’incapacité de sa hiérarchie à résoudre le problème. Le nombre d’incidents ayant émaillé les procédures de notation serait tel qu’il ne pourrait s’agir de simples circonstances malencontreuses, comme le prétend la Commission.
41 Le requérant considère, par ailleurs, que le harcèlement dont il se dit victime dépasse le seul cadre de la notation. Il en aurait fait mention dans sa réclamation. En substance, il soutient que l’accusation d’espionnage dont il a fait l’objet, le fait que son ordinateur ait été isolé du réseau dans l’attente des résultats d’une enquête de sécurité, les propos diffamatoires d’un autre fonctionnaire à son encontre, le refus de le réaffecter à des missions d’inspection et le refus de lui permettre de participer à diverses formations participeraient d’une volonté de le harceler et de briser sa carrière. Le requérant signale aussi que, saisi d’un recours concernant un refus de la défenderesse de l’autoriser à produire divers documents devant une juridiction pénale luxembourgeoise, le Tribunal aurait, dans son arrêt du 13 juin 2002, Ferrer de Moncada/Commission (T‑74/01, RecFP p. I‑A‑87 et II‑411), reconnu qu’il avait subi un préjudice moral. Il fait enfin valoir le refus de la Commission de lui transmettre les orientations du service juridique relatives à l’identification des notateurs compétents.
42 Le requérant estime que le préjudice qu’il a subi est d’autant plus important que les irrégularités qui en sont à l’origine sont graves.
43 Le requérant conteste aussi différents points de la réponse apportée par la Commission à sa réclamation le 9 août 2002. Il nie en particulier que les retards pris dans l’établissement des rapports de notation lui sont en partie imputables en raison de son absence pour maladie et des difficultés du notateur à nouer un dialogue avec lui.
44 Il fait observer encore que le rapport de notation pour la période 1995/1997 n’a été finalisé que cinq ans, environ, après l’expiration du délai imparti par le guide de la notation. De plus, il serait entaché d’erreurs de forme et de fond.
45 Par ailleurs, le requérant fait valoir que l’établissement du rapport de notation pour la période 1997/1999 a tout autant été tardif. De plus, aurait été suivie une procédure différente de celle prévue par le guide de la notation.
46 Le requérant souligne encore que le rapport de notation pour la période 1999/2001 n’est pas finalisé, malgré l’absence des prétendus problèmes liés à l’identification des notateurs.
47 Il estime qu’il convient d’évaluer ex aequo et bono le dommage à réparer à 25 000 euros.
48 La Commission fait valoir que, par sa décision du 9 août 2002, elle a admis sa responsabilité pour le retard pris dans l’établissement des rapports de notation pour les périodes 1995/1997 et 1997/1999. Ainsi aurait-elle alloué 1 000 euros en réparation du préjudice moral résultant de l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel le requérant s’est trouvé. La Commission explique néanmoins une partie des atermoiements des procédures de notation par une absence de plusieurs mois du requérant pour cause de maladie, par la difficulté d’organiser un dialogue entre le notateur et le noté ainsi que par le départ des notateur et notateur d’appel, qui auraient impliqué de déterminer les nouvelles personnes compétentes pour établir les rapports de notation.
49 La Commission prétend par ailleurs que le requérant n’a pas demandé, lors de la phase précontentieuse, réparation d’un harcèlement qui se serait manifesté au cours de l’ensemble de sa vie professionnelle. Le requérant ne saurait donc, d’après la Commission, faire valoir cet élément dans le cadre de la présente procédure. En toute hypothèse, le requérant n’apporterait aucun élément de preuve susceptible de démontrer que le retard pris dans l’établissement des rapports de notation serait dû à d’autres raisons que celles qu’elle a admises dans sa décision du 9 août 2002.
50 Selon la Commission, le requérant n’aurait pas contesté le rejet de ses candidatures dans les délais statutaires, de sorte qu’il ne saurait s’en prévaloir dans le cadre du présent recours pour accroître à présent l’importance de son préjudice. Elle conteste de surcroît les conséquences négatives que l’absence de rapports de notation aurait eues sur les chances de promotion du requérant.
51 De même, la Commission considère que le requérant outrepasse le cadre de la saisine du Tribunal en prétendant tirer argument des irrégularités qui entacheraient les rapports de notation pour les périodes 1995/1997 et 1997/1999, puisque le premier, en effet, fait l’objet d’un recours devant le Tribunal enregistré sous le numéro T‑16/03, tandis que le second fait l’objet d’une procédure d’appel devant l’administration.
52 En conséquence de ce qui précède, la Commission estime que l’indemnité déjà allouée constitue une juste réparation.
Appréciation du Tribunal
Sur la question de savoir si le recours est devenu sans objet
53 La question se pose de savoir quelle incidence sur le présent recours en indemnité peut avoir la décision, notifiée ultérieurement, du 9 août 2002, par laquelle la Commission a décidé d’allouer 1 000 euros en réponse à la demande d’indemnisation que le requérant avait introduite au titre de l’article 90 du statut.
54 Il suffit à cet égard d’observer que, selon l’article 91, paragraphe 1, du statut, le juge communautaire, dans les litiges de caractère pécuniaire, a une compétence de pleine juridiction. S’agissant, en particulier, de la réparation d’un préjudice moral par l’octroi d’une indemnité, à évaluer ex aequo et bono, ce recours ne perd pas tout objet lorsqu’une indemnité a été allouée par l’administration dès lors que cette indemnité est inférieure à la somme réclamée par le requérant dans le cadre de son recours.
55 Tel est le cas, en l’occurrence, dès lors que la Commission a alloué au requérant 1 000 euros et que ce dernier demande 25 000 euros dans le cadre du présent recours.
Sur la recevabilité de certains griefs du requérant
56 La Commission contestant la recevabilité de divers griefs allégués par le requérant, il convient de se prononcer en premier lieu sur celle-ci.
– Concernant le harcèlement généralisé dont le requérant se dit victime
57 Le requérant lie notamment la gravité de son préjudice au harcèlement dont il se dit victime. Il ressort de la duplique et de l’audience qu’il n’est plus contesté que, dans sa demande du 28 août 2001 et dans sa réclamation du 14 janvier 2002, le requérant a assimilé à un harcèlement l’« attitude hostile » avec laquelle sa hiérarchie aurait poursuivi l’établissement des rapports de notation le concernant.
58 En vertu de l’article 91, paragraphe 2, du statut, les recours de fonctionnaires des Communautés européennes devant le juge communautaire ne sont recevables que dans la mesure où l’autorité investie du pouvoir de nomination a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut. En outre, les conclusions de leurs recours doivent avoir le même objet que celles exposées dans la réclamation administrative préalable et contenir des chefs de contestation reposant sur la même cause que celle de la réclamation (arrêts du Tribunal du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331, point 31, et du 16 septembre 1998, Rasmussen/Commission, T‑193/96, RecFP p. I‑A‑495 et II‑1495, point 47).
59 Toutefois, la réclamation n’a pas pour objet de lier, de façon rigoureuse et définitive, l’éventuelle phase contentieuse. Les chefs de contestation peuvent être développés, devant le juge communautaire, par la présentation de moyens et d’arguments ne figurant pas nécessairement dans la réclamation, s’ils s’y rattachent étroitement (arrêts de la Cour du 23 avril 2002, Campogrande/Commission, C‑62/01 P, Rec. p. I‑3793, point 34, et du Tribunal du 5 décembre 2000, Gooch/Commission, T‑197/99, RecFP p. I‑A‑271 et II‑1247, points 35 et 38 à 40).
60 Tel n’est pas le cas en l’espèce. La demande en indemnisation du 28 août 2001 et la réclamation du 14 janvier 2002 ne comportent aucune référence à des faits de harcèlement dont le requérant aurait eu à souffrir en marge de sa notation. Elles ont eu pour unique prétention d’obtenir une indemnité destinée à compenser les retards pris dans l’élaboration des rapports de notation et non d’obtenir réparation d’un dommage résultant d’un harcèlement systématique dont le requérant aurait été victime.
61 Il s’ensuit que le requérant n’est pas recevable à invoquer, à l’appui de son recours en indemnité, la réparation du dommage moral que ce prétendu harcèlement lui aurait causé.
62 Par ailleurs, la décision de refus de transmettre au requérant les pièces qui lui auraient permis d’étayer une plainte avec constitution de partie civile contre l’auteur des accusations d’espionnage dont il a été l’objet ne saurait aucunement entrer en ligne de compte dans l’appréciation du préjudice. En effet, si cette décision a été annulée par l’arrêt Ferrer de Moncada/Commission, point 41 supra, l’annulation y a aussi été jugée constitutive d’une réparation adéquate et suffisante du préjudice subi.
– Concernant les irrégularités qui entacheraient le rapport de notation 1995/1997 et la procédure de notation relative à la période de référence 1997/1999
63 Comme le fait observer la Commission, le Tribunal ne saurait prendre en compte l’argument, invoqué dans la réplique, selon lequel le rapport de notation pour la période 1995/1997, établi définitivement après le dépôt de la requête, le 27 septembre 2002, serait entaché d’irrégularités. En effet, cet argument se heurte à la condition déjà énoncée au point 59, selon laquelle le recours doit avoir le même objet et la même cause que la réclamation qui tendait à l’indemnisation du préjudice résultant des retards accumulés lors de l’élaboration des rapports de notation relatifs aux périodes 1995/1997 et 1997/1999. Ce serait aussi dénaturer l’objet du présent recours. Ce serait enfin porter atteinte aux droits de la défense de la Commission et empiéter sur l’examen du recours dans l’affaire T‑16/03, qui porte précisément sur la régularité du rapport en question.
64 De même, le Tribunal ne peut pas prendre en considération les prétendues irrégularités entachant la procédure de notation relative à la période 1997/1999, sans méconnaître la condition, rappelée au point 59, selon laquelle le recours doit avoir notamment la même cause que la réclamation et sans préjuger l’issue de la procédure administrative, toujours pendante.
– Concernant les délais pris pour l’établissement du rapport de notation 1999/2001
65 Le requérant a fait état, dans ses écritures et à l’audience, des délais pris pour l’établissement du rapport de notation relatif à la période 1999/2001.
66 Cependant, il convient de relever que le requérant n’a pas fait état de ces retards dans la procédure administrative préalable. De plus, le recours en indemnité ne vise qu’une indemnisation pour les retards afférents aux périodes de référence 1995/1997 et 1997/1999. Le Tribunal ne saurait par conséquent prendre en considération le préjudice qui découlerait du temps pris par la Commission pour établir le rapport de notation pour la période 1999/2001.
– Concernant le fait que l’absence de rapports de notation aurait affecté les possibilités de promotion du requérant
67 Le requérant tire encore argument de l’incidence que l’absence de rapports de notation a eue sur sa carrière, dans la mesure où ses candidatures à divers postes n’ont pas été retenues et où il n’a pas bénéficié de promotion. Or, comme le relève la Commission, il n’a introduit aucun recours contre les décisions de rejet de ces candidatures ou contre des décisions de ne pas le promouvoir.
68 Toutefois, si un fonctionnaire ne peut effectivement détourner le recours en indemnité afin de compenser, par ce biais, les conséquences pécuniaires d’un acte dont il n’a pas demandé l’annulation, tel n’est pas le cas en l’espèce. En effet, l’absence de rapport de notation est susceptible, par elle-même, de constituer un préjudice moral, si la carrière du fonctionnaire a pu être affectée (arrêts du Tribunal du 28 mai 1998, W/Commission, T‑78/96 et T‑170/96, RecFP p. I‑A‑239 et II‑745, point 233, et du 7 mai 2003, den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. II‑665, point 82).
69 En l’occurrence, les échecs dont le requérant fait état rendent simplement plausible l’existence de ce préjudice moral et peuvent à ce titre être pris en considération.
Sur le fond
70 L’absence de rapport de notation au dossier personnel d’un fonctionnaire est susceptible de lui causer un préjudice moral, si sa carrière a pu être affectée ou si cette absence a entraîné, chez lui, un état d’incertitude ou d’inquiétude quant à son avenir professionnel (arrêt W/Commission, point 68 supra, point 233).
71 En l’espèce, la Commission a reconnu partiellement sa responsabilité quant aux retards encourus dans l’établissement des rapports de notation en cause et a admis que ces retards avaient pu engendrer un préjudice moral résultant de l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel le requérant s’est trouvé de ce fait. Elle estime toutefois l’avoir suffisamment indemnisé en lui allouant une somme de 1 000 euros.
72 Il ne reste donc qu’à déterminer si ce montant répare adéquatement le préjudice moral du requérant résultant de ces retards.
73 La Commission reconnaît à cet égard que le projet de rapport de notation initial pour la période 1995/1997 « a été rédigé très tardivement (octobre 1998) ». Le Tribunal constate aussi que le rapport de notation établi par le notateur d’appel n’a été notifié au requérant que le 4 juillet 2001, alors que cette phase de la procédure aurait dû, selon le guide de la notation, aboutir dans les deux semaines suivant l’appel, soit en l’occurrence fin novembre 1998. De plus, l’avis du CPN n’est intervenu que le 5 mars 2002, alors qu’il aurait dû être rendu, selon le guide de la notation, dans les dix semaines de la saisine dudit comité, soit le 17 septembre 2001. Enfin, il y a lieu d’observer que le rapport de notation définitif n’a été établi que le 27 septembre 2002. Pourtant, par note du 25 mars précédent, la direction générale « Personnel et administration » de la Commission avait attiré l’attention de M. Lamoureux sur la nécessité, pour celui-ci, « d’arrêter la notation définitive et de la notifier à la personne intéressée [...] dans un délai de dix jours ouvrables » à compter de la réception par lui de l’avis du CPN joint à cette note. Finalement, c’est avec quatre ans et neuf mois de retard par rapport à la date prévue par le guide de la notation que le rapport de notation en question a été établi.
74 La procédure relative au deuxième rapport de notation, portant sur la période 1997/1999, est, quant à elle, toujours pendante. Dans le cadre du présent recours en indemnité, il convient de tenir compte de la persistance de cette situation et de constater que la procédure accuse un retard de plus de quatre ans et huit mois au regard de la date prescrite par le guide de la notation.
75 L’établissement de ce rapport a, de surcroît, connu diverses vicissitudes. Ainsi, le requérant a saisi le notateur d’appel, le 23 février 2001, d’un appel contre la première version du rapport établi par M. Waeterloos le 9 février précédent. Nonobstant cet appel, le notateur initial a repris la procédure de notation, le 29 juin 2001, au motif que le rapport du 9 février 2001 « était sans valeur puisqu’il appart[enait] exclusivement au notateur en charge pendant la période sous objet de le signer ». M. Waeterloos indiquait cependant, dans sa note à l’attention du requérant, avoir décidé d’établir un nouveau rapport entièrement conforme au précédent et le lui soumettre avant de le transmettre pour signature à M. Gmelin. Cette manière de procéder est non seulement incompréhensible, mais aussi manifestement trompeuse. Bien que se reconnaissant dans sa note incompétent pour établir le rapport de notation, le notateur initial indiquait de façon claire sa volonté de le rédiger lui-même. M. Gmelin a signé cette nouvelle version du rapport initial, qui a été notifiée au requérant le 15 janvier 2002.
76 En dépit de l’appel formé par le requérant, M. Lamoureux, notateur d’appel, a lui-même renvoyé la notation au notateur initial le 23 octobre 2002. Malgré les protestations du requérant, M. Waeterloos a ainsi rédigé une troisième version du rapport le 17 décembre 2002, contre lequel le requérant a introduit un nouvel appel le 24 janvier 2003.
77 Le 19 février 2003, M. Lamoureux, en sa qualité de notateur d’appel, a proposé au requérant de tenir un dialogue avec lui. Ce dialogue a eu lieu le 26 mai 2003. À la suite de cette entrevue, M. Lamoureux a estimé que « l’appréciation [devait] être basée sur un dialogue avec le noté » et que, « dans la mesure où un tel dialogue n’aurait pas eu lieu […], il [devait] encore avoir lieu ». Malgré l’effet dévolutif de l’appel et le fait qu’il venait de tenir lui-même un dialogue avec le requérant, M. Lamoureux a, à nouveau, renvoyé la notation au notateur initial.
78 En définitive, M. Lamoureux a, en sa qualité de notateur d’appel, établi le rapport de notation pour la période 1997/1999, le 3 octobre 2003. Le requérant a saisi le CPN qui ne n’est pas encore prononcé.
79 S’agissant du rapport de notation pour la période 1995/1997, la Commission fait toutefois valoir que la direction générale « Énergie » venait d’être constituée et que la mise en œuvre de la procédure de notation dans le cadre du nouvel organigramme s’est avérée particulièrement délicate, notamment pour la désignation, dans chaque cas, du notateur d’appel.
80 La Commission justifie également les délais nécessités dans les deux procédures de notation par le fait que les départs définitifs de l’institution des notateur et notateur d’appel en fonction pendant les périodes de référence ont posé le problème de la détermination de la personne compétente pour finaliser les rapports de notation.
81 Il y a cependant lieu de rappeler que la rédaction périodique des rapports de notation aux dates imposées par le statut et leur établissement régulier constituent un des devoirs impérieux de l’administration. La Commission ne saurait dès lors valablement invoquer des difficultés d’ordre interne tenant à son organisation administrative pour justifier le non-respect des obligations qui lui incombent envers ses fonctionnaires (arrêt de la Cour du 18 décembre 1980, Gratreau/Commission, 156/79 et 51/80, Rec. p. 3943, point 15), ni la circonstance, plaidée à l’audience, que l’autorité a « autre chose à faire que des rapports de notation ».
82 La Commission, par ailleurs, n’établit pas le caractère exceptionnel des circonstances qu’elle invoque. Le départ de M. Gmelin, en décembre 2000, est intervenu un an après l’échéance fixée par le guide de la notation pour l’établissement du rapport pour la période 1997/1999. De même, le départ de M. Benavides, notateur d’appel, en décembre 1999, est intervenu deux ans après la date à laquelle le rapport pour la période 1995/1997 aurait dû être établi et au moment même où l’ensemble de la procédure relative à la période 1997/1999, y compris la procédure d’appel, aurait dû être terminée. De plus, il n’apparaît pas que ces départs étaient imprévisibles. Il incombait dès lors à la Commission de s’organiser en prévision de ces échéances. Le départ d’un notateur avant l’établissement d’un rapport de notation est, au demeurant, une éventualité inhérente au système mis en place par le statut, a fortiori dans le cadre d’une administration de la taille de la Commission. D’ailleurs, cette dernière n’a pas soutenu que les circonstances de l’espèce étaient inédites en dépit du temps écoulé depuis l’adoption du statut.
83 De toute manière, la compétence ratione temporis des organes de l’administration imposait, dans les circonstances de l’espèce, de désigner comme notateur ou notateur d’appel le supérieur hiérarchique en fonction au moment de l’établissement du rapport de notation. Cela étant, le principe de bonne administration, qui implique que l’autorité doit statuer en pleine connaissance de cause, et l’article 6, troisième alinéa, des DGE, en vertu duquel le notateur d’appel doit procéder à toutes consultations utiles, contraignaient ce dernier à consulter, dans toute la mesure du possible, l’ancien notateur. Le service juridique de la Commission a émis dès le 27 septembre 2001 un premier avis en ce sens. Il l’a réitéré le 27 novembre suivant. Or, force est de constater que le rapport de notation pour la période 1995/1997 n’a été établi qu’un an plus tard, le 27 septembre 2002, et que le rapport de notation pour la période 1997/1999 n’a pas encore été arrêté.
84 La Commission impute enfin une partie des retards au requérant.
85 À cet égard, il convient de rappeler qu’un fonctionnaire ne saurait se plaindre du retard dans l’élaboration de son rapport de notation, lorsque ce retard lui est imputable, à tout le moins partiellement, ou lorsqu’il y a concouru de façon notable (arrêts du Tribunal du 16 décembre 1993, Moritz/Commission, T‑20/89, Rec. p. II‑1423, points 37 et 50, et Lebedef/Commission, point 36 supra, point 57).
86 Ainsi qu’en est convenue la défenderesse à l’audience, l’utilisation par le requérant des voies de recours administratives ne saurait être reprochée à ce dernier. Il en est de même de ses absences pour cause de maladie, notamment de trois mois en 1999, lesquelles ne peuvent pas non plus être imputées à la Commission.
87 La défenderesse insiste en revanche, dans sa décision du 9 août 2002, sur la circonstance qu’une partie des retards tiendrait « aux difficultés rencontrées à organiser un dialogue entre le notateur et le noté [ainsi qu’]aux innombrables échanges verbaux, téléphoniques, épistolaires intervenus au sujet [des] notations ».
88 Le requérant a admis, lors de la procédure orale, avoir eu une attitude sourcilleuse. Il y voit cependant une réaction de défense face au harcèlement dont il prétend avoir été l’objet et le résultat de la frustration qu’il a ressentie en raison des retards accumulés dans l’établissement des rapports de notation et du refus de la hiérarchie de l’écouter.
89 Le Tribunal constate que, concernant le rapport de notation pour la période 1995/1997, le CPN avait « regrett[é] [...] que la hiérarchie ne soit pas intervenue au cours de ces trois ans et demi pour remédier activement à une situation professionnelle et relationnelle très dégradée ». Or, il n’apparaît pas, en effet, que la hiérarchie ait ensuite accompli un quelconque acte en ce sens. Sans aller jusqu’à créer une situation de harcèlement, la négligence persistante des services de la Commission à cet égard a pu susciter la méfiance du requérant, de sorte que le Tribunal ne saurait prendre en considération l’irritation que celle-ci a pu entraîner dans le chef de l’autorité. Au demeurant, à supposer que l’attitude du requérant ait été telle qu’elle rendait vaine toute tentative d’y remédier, il appartenait à l’institution d’envisager toute mesure à son égard, y compris, le cas échéant, sur le plan disciplinaire. Enfin, le fait, pour le requérant, de demander des explications quant à la procédure atypique que l’autorité envisageait de suivre à son égard ne pouvait être qualifié par cette dernière de refus de dialogue.
90 Dans ces circonstances, le Tribunal ne saurait retenir à la charge du requérant l’attitude défensive qu’il a cru devoir adopter.
91 Toutefois le requérant a adopté, à quelques reprises, une position difficile à comprendre.
92 Après avoir saisi le notateur d’appel, le 23 février 2001, le requérant a souligné la compétence de celui-ci pour l’entendre, dans un courrier du 18 avril 2001. En revanche, le 13 juillet 2001, le requérant a fait part de ce qui suit à la Commission :
« [À] la suite de la demande […] du 23 février 2001 d’ouvrir la procédure de notation d’appel, il appartenait au seul notateur d’appel compétent de constater que le projet de rapport de notation qui lui avait été soumis était irrégulier en raison de l’incompétence du notateur et, le cas échéant, de le renvoyer au notateur compétent. »
93 Ce courrier ne saurait expliquer le recommencement formel de la procédure décidé dès le 29 juin 2001 par M. Waeterloos. En revanche, cette prise de position du requérant, confirmée dans sa demande du 28 août 2001 et sa réclamation du 14 janvier 2002, a pu brouiller la compréhension de ses prétentions quant à la suite de la procédure, dès lors qu’il a, en d’autres occasions, protesté contre cette manière de procéder.
94 En conséquence, il y a lieu de relever que les propres hésitations du requérant ont pu contribuer également aux renvois de ses dossiers de notation, de sorte que les retards pris dans l’élaboration du second rapport de notation ne peuvent être entièrement imputés à la Commission.
95 Au vu de ce qui précède, la somme de 1 000 euros allouée par la Commission au requérant est insuffisante. Il convient notamment d’avoir égard à l’importance et à la répétition des retards constatés dans l’établissement des deux rapports de notation ainsi qu’au sentiment d’injustice qu’a pu susciter dans le chef du requérant le fait de voir diminuer ses possibilités de mutation et de promotion, alors qu’il approchait de la retraite et que ces rapports auraient dû figurer dans son dossier personnel. Il y a cependant lieu de tenir compte aussi de la circonstance qu’il a lui-même concouru au retard d’un de ces rapports.
96 Par conséquent, le Tribunal, évaluant le préjudice moral subi ex aequo et bono, estime que l’allocation d’un montant de 7 000 euros, s’ajoutant aux 1 000 euros déjà alloués par la Commission, constitue une indemnisation adéquate du préjudice subi par le requérant.
Sur les dépens
97 Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant en ce sens.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (troisième chambre)
déclare et arrête :
1) La Commission est condamnée à verser au requérant une somme de 7 000 euros, s’ajoutant à la somme de 1 000 euros déjà allouée par la Commission.
2) Le recours est rejeté pour le surplus.
3) La Commission est condamnée aux dépens.
Azizi |
Jaeger |
Dehousse |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 septembre 2004.
Le greffier |
Le président |
H. Jung |
J. Azizi |
* Langue de procédure : le français.