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Document 62012FO0008

Ordonnance du Tribunal de la fonction publique (troisième chambre) du 25 octobre 2012.
BY contre Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA).
Personnel de l’AESA - Agent temporaire - Procédure administrative préalable - Concordance entre réclamation et recours - Recours en partie manifestement irrecevable.
Affaire F-8/12.

Recueil – Recueil de la fonction publique

Identifiant ECLI: ECLI:EU:F:2012:148

ORDONNANCE DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

25 octobre 2012 (*)

« Personnel de l’AESA – Agent temporaire – Procédure administrative préalable – Concordance entre réclamation et recours – Recours en partie manifestement irrecevable »

Dans l’affaire F-8/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

BY, ancien agent temporaire de l’Agence européenne de la sécurité aérienne, demeurant à Lasne (Belgique), représenté par Me B.-H. Vincent, avocat,

partie requérante,

contre

Agence européenne de la sécurité aérienne (AESA), représentée par M. F. Manuhutu, en qualité d’agent, assisté de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de M. S. Van Raepenbusch (rapporteur), président, Mme I. Boruta et M. E. Perillo, juges,

greffier : Mme W. Hakenberg,

rend la présente

Ordonnance

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 20 janvier 2012, BY demande la réparation des préjudices prétendument subis du fait de la décision du directeur exécutif de l’Agence européenne de la sécurité aérienne (ci-après l’« AESA » ou l’« Agence »), du 10 juin 2011, de le licencier, avec effet au 15 décembre suivant, et du harcèlement moral dont il aurait été victime dans le cadre de sa relation de travail au sein de l’Agence.

 Cadre juridique

2        Aux termes de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») :

« L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.

Elle répare solidairement les dommages subis de ce fait par le fonctionnaire dans la mesure où celui-ci ne se trouve pas, intentionnellement ou par négligence grave, à l’origine de ces dommages et n’a pu obtenir réparation de leur auteur. »

3        L’AESA a été instituée par le règlement (CE) no 1592/2002 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2002, concernant des règles communes dans le domaine de l’aviation civile et instituant une Agence européenne de la sécurité aérienne (JO L 240, p. 1), abrogé et remplacé par le règlement (CE) no 216/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008 (JO L 79, p. 1).

4        Selon l’article 28 du règlement no 216/2008 :

« 1.      L’Agence est un organisme de la Communauté. Elle a la personnalité juridique.

[…]

4.      L’Agence est représentée par son directeur exécutif. »

5        L’article 29 du règlement no 216/2008 dispose :

« 1.      Le statut […], le régime applicable aux autres agents des Communautés européennes et les règles adoptées conjointement par les institutions des Communautés européennes aux fins de l’application de ce statut et de ce régime s’appliquent au personnel de l’Agence […]

2.      Sans préjudice de l’article 42, les compétences conférées à l’autorité investie du pouvoir de nomination par le statut, ainsi que par le régime applicable aux autres agents, sont exercées par l’Agence en ce qui concerne son propre personnel.

[…] »

6        Par ailleurs, l’article 6, paragraphe 1, de la décision 2009/070/E du directeur exécutif, du 30 juin 2010, sur le personnel d’encadrement intermédiaire (ci-après la « décision du 30 juin 2010 ») prévoit que toute personne nouvellement affectée à un poste de chef de département, sans avoir exercé au moins des fonctions d’encadrement intermédiaire au sein de l’Agence, des institutions européennes ou dans d’autres agences, accomplira une période probatoire de management de neuf mois.

7        L’article 7, point 1.1, de la même décision prévoit la possibilité de réaffecter un membre du personnel d’encadrement intermédiaire, notamment à l’issue de la période probatoire, dans l’hypothèse où l’intéressé fait preuve d’insuffisances managériales en sa qualité de chef de département. L’agent concerné conserve néanmoins son grade.

8        Enfin, le point III, sous B), 3, de l’annexe de la décision 2010/123/E du directeur exécutif, du 23 août 2010, concernant les dispositions contractuelles applicables aux agents temporaires de l’AESA sélectionnés à l’issue de procédures de recrutement (ci-après la « décision du 23 août 2010 ») prévoit l’accomplissement d’une période d’essai de six mois pour toute nouvelle affectation d’un agent temporaire au sein de l’Agence, durant laquelle l’efficacité, les aptitudes et la conduite dans le service font l’objet d’une évaluation spécifique par l’évaluateur et le validateur.

 Faits à l’origine du litige

 Déroulement de la carrière du requérant au sein de l’AESA

9        Le requérant a été recruté au sein de l’AESA en qualité d’agent auxiliaire, pour une durée de six mois, avec effet au 1er mars 2004, sur un poste d’assistant, en vue d’exercer des fonctions dans le domaine informatique.

10      À l’issue de ces six mois, le requérant a été recruté en qualité d’agent temporaire de grade B*5, échelon 2, à compter du 1er septembre 2004, pour une période de cinq années, renouvelable, au titre de l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents (ci-après le « RAA »), sur un poste d’administrateur, pour exercer des fonctions dans le domaine informatique (marchés publics).

11      Le 2 novembre 2005, suite à une procédure de sélection externe pour le poste de responsable de l’infrastructure informatique au sein de la direction de l’administration de l’AESA, le requérant a été recruté en tant qu’administrateur de grade A*7, échelon 2, pour une période de cinq ans, renouvelable, à compter du 1er novembre 2005. Avec effet au 1er janvier 2009, il a été classé au grade AD 8, échelon 1.

12      Par décisions du directeur exécutif de l’Agence, respectivement du 26 mars 2009 et du 23 octobre 2009, le requérant a été nommé, avec effet au 1er avril 2009, chef adjoint faisant fonction du département des services d’information au sein de la direction des services financiers et des affaires, puis chef faisant fonction du même département, avec effet au 1er septembre 2009.

13      À l’issue d’une nouvelle procédure de sélection externe, le requérant a été nommé, à compter du 1er avril 2010, chef du département des services d’information, de grade AD 10, au sein de la direction des services financiers et des affaires. À ce titre, le requérant a dû accomplir à la fois une période d’essai de six mois, conformément au point III, sous B), 3, de l’annexe de la décision du 23 août 2010, et une période probatoire de management de neuf mois, conformément à l’article 6, paragraphe 1, de la décision du 30 juin 2010.

14      Entre-temps, pour l’année 2009, le requérant s’était vu attribuer, dans son rapport d’évaluation annuelle, la note de 5 sur 7, correspondant à une évaluation « au-dessus du niveau requis pour la fonction occupée » de son efficacité, de ses aptitudes et des aspects liés à son comportement, les notes 6 et 7 correspondant à des niveaux « sensiblement au-dessus » d’un tel niveau.

15      Par avenant du 18 mai 2010, le contrat à durée déterminée (cinq ans) du requérant a été remplacé par un contrat à durée indéterminée.

16      Le 30 septembre 2010, à l’issue de sa période d’essai de six mois, au titre du point III, sous B), 3, de l’annexe de la décision du 23 août 2010, le requérant a obtenu la confirmation par le directeur exécutif de l’Agence, sur la recommandation de son évaluateur, le directeur des services financiers et des affaires, de sa désignation comme chef du département des services d’information au sein de la direction des services financiers et des affaires. L’évaluateur a néanmoins fait état, dans sa recommandation, de certaines insuffisances managériales dues, notamment, aux absences du requérant, pour des raisons d’ordre personnel, à la fin de la période d’essai.

17      Le 8 novembre 2010, le requérant s’est absenté pour cause de maladie. Initialement d’une durée de 22 jours, la période d’absence s’est, à la suite du dépôt de certificats médicaux successifs, prolongée jusque fin 2011.

18      Dans le rapport d’évaluation de la période probatoire de management de neuf mois du requérant, finalisé le 17 décembre 2010, au titre de l’article 6, paragraphe 1, de la décision du 30 juin 2010, l’évaluateur, après avoir fait mention de sérieuses difficultés rencontrées par le requérant pour accomplir ses tâches d’ordre managérial, a conclu à l’insuffisance des performances du requérant. Ces commentaires avaient été communiqués, le 26 novembre 2010, au requérant pour observations, sans que, selon l’AESA, ce dernier ait donné suite à cette invitation.

19      Sur la base dudit rapport et conformément à l’article 7, point 1.1, de la décision du 30 juin 2010, le directeur exécutif de l’AESA a, par décision du 17 décembre 2010, réaffecté le requérant, dans l’intérêt du service et avec effet au 1er janvier 2011, du poste de chef du département des services d’information au sein de la direction des services financiers et des affaires sur un poste non managérial d’agent du même département, sans changement de grade (ci-après la « décision de réaffectation »).

20      Le 29 décembre 2010, le requérant a introduit, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation à l’encontre de la décision de réaffectation. Cette réclamation a été rejetée par décision, du 13 mai 2011, de l’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement au sein de l’AESA (ci-après l’« AHCC »). Le requérant a introduit, le 11 août 2011, un recours devant le Tribunal à l’encontre de la décision de réaffectation, recours enregistré sous la référence F-81/11.

21      Pour l’année 2010, le requérant s’est vu attribuer, dans son rapport d’évaluation annuelle, qui lui a été soumis le 21 mars 2011, la note de 1 sur 7, correspondant à une évaluation de son efficacité, de ses aptitudes et des aspects liés à son comportement considérée comme inacceptable compte tenu du niveau requis pour le poste occupé. Le 1er avril 2011, le requérant a introduit un recours contre cette évaluation devant le comité d’évaluation conjoint et de reclassement, lequel a émis, le 1er juillet 2011, l’avis que le rapport d’évaluation était entaché d’un certain nombre de vices de procédure ne lui permettant pas de se prononcer sur le contenu de l’évaluation et que des éléments extérieurs aux performances professionnelles auraient pu influencer l’exercice d’évaluation.

22      Enfin, par lettre du 10 juin 2011, le directeur exécutif de l’AESA a notifié au requérant sa décision de résilier son contrat à durée indéterminée, conformément à l’article 47, sous c), i, du RAA, avec effet au 15 décembre 2011 (ci-après la « décision de licenciement »). Le 20 juin 2011, le requérant a introduit une réclamation à l’encontre de cette décision, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Cette réclamation, qui comportait également une demande indemnitaire, a été rejetée par décision de l’AHCC, du 27 octobre 2011. C’est notamment en raison du caractère prétendument illégal de la décision de licenciement que le requérant a introduit le présent recours indemnitaire devant le Tribunal.

 Prétendu harcèlement moral dont le requérant aurait été victime

23      À partir du mois d’avril 2010, les relations de travail se sont sérieusement détériorées entre le requérant et l’un de ses subordonnés, M. M., lequel soupçonnait le premier d’entretenir une liaison avec son épouse, également subordonnée du requérant. Il ressort du dossier que les deux subordonnés du requérant étaient en instance de divorce. Le requérant fait état d’une lettre anonyme calomnieuse à son égard ayant été adressée, le 1er juin 2011, au département des ressources humaines de l’Agence. Le requérant prétend n’avoir jamais été formellement informé par ses supérieurs hiérarchiques de l’existence de cette lettre et soupçonne M. M. d’en être l’auteur. À de nombreuses reprises, le requérant s’est plaint de l’attitude de ce dernier et, en particulier, de son manque de collaboration et de son insubordination, par courriels adressés au directeur exécutif, au directeur des services financiers et des affaires, ainsi qu’au directeur des ressources humaines, en leur demandant conseil et assistance. Selon le requérant, ces appels à l’aide seraient restés vains. De plus, le requérant reproche à M. M. de s’être immiscé dans sa vie privée en le faisant filmer par un détective privé en compagnie de son épouse et en divulguant ces images auprès de la hiérarchie ; le requérant lui reproche également d’être l’auteur de plusieurs actes malveillants (mise à feu d’une partie de son jardin privé, crevaison de pneus, appels anonymes, envoi de courriels anonymes au requérant ainsi qu’à l’épouse de M. M.). La situation serait devenue à ce point intenable que le requérant, par courriel du 9 août 2010, a demandé au directeur exécutif un changement d’affectation. Son état de santé s’est également fortement dégradé puisque, de novembre 2010 à fin décembre 2011, le requérant s’est trouvé en arrêt de travail pour dépression, ce qui signifie que, compte tenu de son licenciement intervenu avec effet au 15 décembre 2011, il n’a plus été en mesure de reprendre ses fonctions au sein de l’AESA.

24      Le 21 octobre 2010, le requérant a adressé un courriel au directeur exécutif et à son supérieur hiérarchique direct, le directeur des services financiers et des affaires, pour leur demander de diligenter une enquête externe à l’encontre de M. M. Cette demande étant restée sans suite, le requérant a formellement introduit, le 13 décembre 2010, par avocat, une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut, concernant des faits allégués de harcèlement moral depuis avril 2010, et ce, de la part tant de M. M. que du directeur exécutif, du directeur des ressources humaines et de son supérieur hiérarchique direct. Une procédure d’enquête administrative interne a été ouverte, le 24 janvier 2011, sur décision du directeur exécutif, ce dont le requérant avait été informé, le 14 janvier précédent, par le chef du service juridique de l’Agence. Le 11 février 2011, un premier rapport, clôturant une phase dite de vérification, a conduit à la désignation d’une commission d’enquête, laquelle fut constituée le 18 mars suivant. Par lettre du 8 avril 2011, le requérant a exprimé ses doutes sur l’impartialité et l’indépendance de certains de ses membres. La commission d’enquête a rendu son rapport le 25 juillet 2011, aux termes duquel elle conclut à l’absence de toute preuve quant à l’existence d’un harcèlement moral envers le requérant et recommande le classement du dossier sans suite. Par décision du 2 novembre 2011, le directeur exécutif a classé sans suite la demande d’assistance du 13 décembre 2010 et un résumé et les conclusions du rapport de la commission d’enquête ont été communiqués au requérant le 24 novembre 2011.

 Conclusions des parties et procédure

25      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        condamner l’AESA à lui verser la somme de 1 514 257,48 euros à titre de réparation du « préjudice économique et extra-économique lié à la perte de sa fonction d’agent temporaire », montant à majorer des intérêts au taux légal depuis la date d’exigibilité ;

–        condamner l’AESA à lui verser la somme, fixée ex æquo et bono à 500 euros par jour, pour la période comprise entre le 31 mai 2010 et le jour de la notification de la décision à intervenir du Tribunal, à titre de réparation du préjudice causé par le harcèlement dont les agents de l’AESA se sont rendus coupables à son égard, montant à majorer des intérêts au taux légal depuis la date d’exigibilité ;

–        condamner l’AESA à lui verser la somme de 18 750 euros « à titre de remboursement des frais de défense et de justice », montant à majorer des intérêts au taux légal depuis la date d’exigibilité ;

–        condamner l’AESA aux dépens.

26      L’AESA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter la requête comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondée dans son ensemble ;

–        rejeter plus particulièrement la demande de réparation des préjudices prétendument subis ;

–        rejeter plus particulièrement la demande de « remboursement des frais de défense et de justice » ;

–        condamner le requérant aux dépens.

27      Par lettre du greffe du 19 juin 2012, le requérant a été invité, conformément à l’article 55, paragraphe 2, et à l’article 56 du règlement de procédure du Tribunal, à déposer ses observations sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par l’AESA dans son mémoire en défense. Le requérant a déféré à cette invitation par lettre du 10 juillet 2012.

 En droit

28      En vertu de l’article 76 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement dépourvu de tout fondement en droit, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

29      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide, en application des dispositions de l’article 76 du règlement de procédure, de statuer sans poursuivre la procédure.

 Arguments des parties

30      L’AESA estime que le recours est irrecevable en raison du défaut de concordance entre la réclamation, introduite le 20 juin 2011, contre la décision de licenciement et le présent recours. En effet, alors que la réclamation a pour objet l’annulation de la décision de licenciement et la réparation, évaluée à 100 000 euros, du préjudice moral causé par cette décision, le recours tend uniquement à la condamnation de l’Agence au versement d’indemnités en réparation, d’une part, d’un préjudice économique et extra-économique lié à la perte d’emploi, pour un montant de 1 514 257,48 euros, et, d’autre part, d’un préjudice résultant de prétendus faits de harcèlement commis par des agents de l’Agence, dont la réparation est évaluée à la somme de 500 euros par jour pendant la période comprise entre le 31 mai 2010 et la notification de la décision à intervenir du Tribunal.

31      De plus, le requérant aurait uniquement contesté au stade précontentieux la légalité interne de la décision de licenciement, alors que le recours mettrait également en cause la légalité externe de la décision, dans la mesure où il soulèverait des irrégularités de la procédure de licenciement.

32      De nombreux griefs soulevés par le requérant concerneraient également le traitement de la demande d’assistance introduite, au titre de l’article 24 du statut, le 17 décembre 2010. Or, la réclamation ne comporterait aucun développement à cet égard, puisque l’enquête administrative n’a pris fin que le 25 juillet 2011 et que le requérant n’a pris connaissance des conclusions de celle-ci qu’en novembre 2011. De façon générale, il incombait au requérant de faire valoir dans le cadre d’une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ses griefs concernant le harcèlement dont il aurait été victime avant de les développer dans le cadre de son recours. De plus, la réclamation introduite le 20 juin 2011 serait particulièrement sommaire et non argumentée, ce qui aurait compromis toute possibilité de résolution extrajudiciaire du litige.

33      Des griefs additionnels dirigés contre l’enquête administrative figureraient dans les annexes à la requête et devraient pour ce motif également être rejetés comme irrecevables, au regard de l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure. De plus, les annexes déposées par le requérant, lesquelles s’élèveraient à 1 144 pages, auraient été déposées sans grand ordre et sans qu’elles soient toujours pertinentes, ni clairement reflétées dans la requête ; leur qualité d’impression serait parfois insuffisante ; enfin, certaines annexes reproduiraient des documents de façon sélective. Pour ces différents motifs, lesdites annexes devraient être écartées du dossier.

34      L’AESA soutient encore que plusieurs allégations contenues dans la requête mais totalement absentes de la réclamation, ou encore nullement étayées, devraient aussi être rejetées comme irrecevables.

35      Dans ses observations du 10 juillet 2012 sur les exceptions d’irrecevabilité soulevées par l’AESA, le requérant estime avoir pleinement respecté la règle de concordance entre la réclamation et la requête. Il fait valoir que la cause de la réclamation est à la fois la décision de licenciement et le harcèlement, et que l’objet de la réclamation est la demande d’annulation de ladite décision et le versement d’une indemnité de 100 000 euros pour préjudice moral. La requête dénoncerait la décision de licenciement et le harcèlement moral et ne modifierait ni l’objet ni la cause de la réclamation. Le requérant ajoute qu’il est en droit, conformément à la jurisprudence, de soulever tous moyens pertinents à l’appui de ses conclusions dans le cadre du présent recours.

 Appréciation du Tribunal

36      Il convient de constater, à titre liminaire, que le requérant, ainsi qu’il en avait la possibilité, a introduit, par le présent recours, une action indemnitaire en se fondant notamment sur la prétendue illégalité de la décision de licenciement, sans cependant demander l’annulation de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 21 février 2008, Skoulidi/Commission, F-4/07, point 50).

37      Pour autant, selon une jurisprudence constante, les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d’un recours, notamment indemnitaire, à la condition du déroulement régulier de la procédure administrative préalable prévue par ces articles (arrêt de la Cour du 27 juin 1989, Giordani/Commission, 200/87, point 22 ; arrêt Skoulidi/Commission, précité, point 54).

38      À cet égard, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence, la procédure précontentieuse diffère selon que le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un acte décisionnel faisant grief, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ou d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. Dans le premier cas, il appartient à l’intéressé de saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination (ou l’AHCC), dans les délais impartis, d’une réclamation dirigée contre l’acte en cause, les conclusions indemnitaires pouvant être présentées soit dans cette réclamation soit pour la première fois dans la requête, tandis que, dans le second cas, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement, et se poursuivre, le cas échéant, par une réclamation dirigée contre la décision de rejet de la demande (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal de première instance du 6 juillet 1995, Ojha/Commission, T-36/93, point 117 ; arrêts du Tribunal du 2 mai 2007, Giraudy/Commission, F-23/05, point 69, et Skoulidi/Commission, précité, point 56).

39      En l’espèce, le requérant formule quatre chefs de conclusions :

–        le premier chef tend à la réparation du « préjudice économique et extra-économique lié à la perte de fonction d’agent temporaire »;

–        le deuxième chef tend à la réparation du préjudice résultant d’un prétendu harcèlement dont le requérant aurait été victime ;

–        le troisième chef tend au « remboursement des frais de défense et de justice » ;

–        le quatrième chef tend à la condamnation aux dépens.

40      Il convient d’examiner, d’une part, si la procédure précontentieuse a été régulièrement suivie, en l’espèce, au regard des deux premiers chefs de conclusions rappelés ci-dessus et, d’autre part, la portée du troisième chef de conclusions au regard du quatrième concernant les dépens.

 Sur le premier chef des conclusions

41      S’agissant du « préjudice économique et extra-économique lié à la perte de fonction d’agent temporaire », il convient d’observer que cette perte de fonction se rattache indubitablement à un acte décisionnel, à savoir la décision de licenciement, dont le requérant invoque d’ailleurs l’illégalité au soutien de sa demande indemnitaire. Il résulte de la jurisprudence rappelée au point 38 ci-dessus que la procédure précontentieuse devait commencer par une réclamation dirigée contre cette décision, rien ne s’opposant à ce que, déjà à ce stade, l’intéressé décide de chercher uniquement à obtenir réparation pour le préjudice que l’acte contesté lui aurait causé, sans demander l’abrogation de celui-ci (arrêt Skoulidi/Commission, précité, points 60 à 67).

42      Il est constant qu’une telle réclamation a été introduite, en l’espèce, le 20 juin 2011, à l’encontre de la décision de licenciement et qu’elle a été rejetée par l’AHCC, le 27 octobre 2011 (voir point 22 ci-dessus).

43      Toutefois, pour être recevable, il convient encore que le recours ne modifie ni la cause ni l’objet de la réclamation (arrêt du Tribunal de première instance du 13 mai 2005, Dionyssopoulou/Conseil, T-284/02, points 61 à 63 ; arrêt du Tribunal du 1er juillet 2010, Mandt/Parlement, F-45/07, point 109, et la jurisprudence citée).

44      Á cet égard, il y a lieu de constater que, dans sa réclamation, le requérant se borne à demander, outre la « mise à néant » de la décision de licenciement, l’octroi d’une indemnisation pour préjudice moral, évaluée à 100 000 euros. Si le requérant a pu valablement limiter les conclusions de son recours au volet indemnitaire de sa réclamation, ainsi qu’il ressort du point 36 ci-dessus, non sans avoir contesté la légalité de la décision de licenciement, encore faut-il que tant l’objet que la cause de l’indemnisation demandée au stade précontentieux et au stade contentieux coïncident. Il convient d’examiner si la règle de concordance ainsi rappelée a été respectée en l’espèce en ce qui concerne le premier chef des conclusions.

45      S’agissant, en premier lieu, de l’objet des demandes d’indemnités figurant respectivement dans la réclamation et dans le recours, il convient de constater que la réclamation ne vise qu’à la réparation du préjudice moral causé par la décision de licenciement, estimée à 100 000 euros, alors que la requête tend à la réparation du « préjudice économique et extra-économique », causé par cette même décision, évaluée au total à 1 514 257,48 euros. Il ressort de la requête que par préjudice « extra-économique », le requérant vise l’atteinte à son honorabilité, atteinte qu’il qualifie, dans la requête, aussi de préjudice moral, dont il évalue la réparation ex æquo et bono à 350 000 euros. Cette différence de quantum dans l’évaluation du montant de la réparation n’est pas de nature à remettre en cause l’identité d’objet de la réclamation et du premier chef des conclusions du recours, puisque, dans les deux cas, c’est bien la réparation du préjudice subi du fait de la décision de licenciement qui a été demandée. De plus, il a été rappelé au point 38 ci-dessus que, selon la jurisprudence, des conclusions indemnitaires peuvent être présentées soit dans la réclamation, soit pour la première fois dans la requête, à l’occasion de la contestation d’un acte décisionnel faisant grief. A fortiori, un fonctionnaire ou un agent lésé peut modifier le montant des indemnités demandées dans sa réclamation au stade du recours juridictionnel.

46      En second lieu, s’agissant de la cause, respectivement, de la réclamation et du recours, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, il y a normalement modification de la cause du litige et, partant, non-respect de la règle de la concordance lorsque le requérant, critiquant, dans sa réclamation, la seule validité formelle de l’acte lui faisant grief, y compris ses aspects procéduraux, soulève, dans la requête, des moyens de fond ou dans l’hypothèse inverse où le requérant, après avoir uniquement contesté dans sa réclamation la légalité au fond de l’acte lui faisant grief, introduit une requête contenant des moyens relatifs à la validité formelle de celui-ci, y compris ses aspects procéduraux (arrêt Mandt/Parlement, précité, point 120).

47      En l’espèce, force est de constater que la réclamation se borne à énoncer, sans d’ailleurs les argumenter, des griefs mettant en cause la légalité au fond de la décision de licenciement, notamment en ce que cette dernière serait « abusive », ne serait « pas fondée sur des éléments réels et sérieux » et serait « l’aboutissement d’un processus de harcèlement pour lequel [le requérant] avait formulé des demandes d’assistance sans que celles-ci ne lui [aient] été accordées ». Or, la requête développe pour l’essentiel le moyen tiré de l’irrégularité de la procédure de licenciement, moyen qui concerne la validité formelle de la décision de licenciement, en particulier dans ses aspects procéduraux. Il s’ensuit que ce moyen doit être rejeté comme manifestement irrecevable pour non-respect de la règle de concordance.

48      Toutefois, sous le titre intitulé « Du moyen tiré de l’irrégularité de la procédure de licenciement », le requérant soulève deux autres griefs touchant, cette fois, à la légalité au fond de la décision de licenciement, le premier étant tiré de la violation de la protection des données à caractère personnel et, le second, de la méconnaissance du devoir de sollicitude. Seul ce dernier grief peut être considéré comme recevable, celui tiré de la violation de la protection des données à caractère personnel n’étant manifestement pas argumenté, ainsi que l’exige l’article 35, paragraphe 1, sous e), du règlement de procédure.

49      Il convient, en conséquence, de considérer que le premier chef des conclusions tendant à la réparation du préjudice causé par la décision de licenciement est irrecevable sauf en tant qu’il repose sur le grief tiré de la méconnaissance du devoir de sollicitude.

 Sur le deuxième chef des conclusions indemnitaires

50      En ce qui concerne le deuxième chef des conclusions indemnitaires, tendant à la condamnation de l’AESA à réparer le préjudice matériel et moral causé par le harcèlement moral prétendument subi par le requérant, il importe de rappeler, en premier lieu, que l’article 24, second alinéa, du statut a pour objet la réparation des dommages causés à un fonctionnaire ou à un agent par l’un des agissements émanant de tiers ou d’autres fonctionnaires visés au premier alinéa de ce même article, sous réserve qu’il n’ait pas pu en obtenir réparation auprès de leurs auteurs (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 5 octobre 2006, Schmidt-Brown, C-365/05 P, point 78). La recevabilité du recours en indemnité intenté par un fonctionnaire ou un agent au titre de l’article 24, second alinéa, du statut est ainsi subordonnée à l’épuisement des voies de recours nationales, pour autant que celles-ci assurent d’une manière efficace la protection des personnes intéressées et puissent aboutir à la réparation du dommage allégué (voir arrêts du Tribunal de première instance du 9 mars 2005, L/Commission, T-254/02, point 148, et du Tribunal de l’Union européenne du 12 juillet 2011, Commission/Q, T-80/09 P, point 67).

51      Or, en l’espèce, il n’est ni établi ni même allégué que, pour parvenir à la réparation du préjudice résultant du harcèlement moral prétendument subi, le requérant aurait épuisé les voies de recours nationales ni que celles-ci n’auraient pas assuré de manière efficace sa protection. Il s’ensuit que les conclusions tendant à la réparation dudit préjudice doivent être rejetées comme irrecevables.

52      En second lieu, s’il fallait comprendre le second chef des conclusions comme tendant également à réparer le préjudice découlant de l’inertie ou des défaillances de l’administration saisie d’une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut, il convient de rappeler (voir point 24 ci-dessus) que le requérant a introduit, le 13 décembre 2010, une telle demande d’assistance concernant des faits allégués de harcèlement moral dont il se prétendait victime depuis avril 2010, et ce, de la part tant de M. M. que du directeur exécutif, du directeur des ressources humaines et de son supérieur hiérarchique direct, le directeur des services financiers et des affaires. Une procédure d’enquête administrative a été ouverte le 24 janvier 2011, suite à cette demande et, le 11 février 2011, un premier rapport, clôturant une phase dite de vérification, a conduit à la désignation, le 18 mars suivant, d’une commission d’enquête, laquelle a rendu son rapport, le 25 juillet 2011, aux termes duquel ladite commission conclut à l’absence de toute preuve quant à l’existence d’un harcèlement moral et recommande le classement du dossier sans suite. Par décision du 2 novembre 2011, le directeur exécutif a classé sans suite la demande d’assistance du requérant et un résumé, ainsi que les conclusions du rapport de la commission d’enquête ont été communiqués à ce dernier le 24 novembre 2011.

53      Force est ainsi de constater que, si l’AESA a, dans un premier temps, donné suite à la demande d’assistance en faisant diligenter une enquête sur les prétendus faits de harcèlement invoqués, elle a finalement rejeté la plainte du requérant, suivant en cela les conclusions de la commission d’enquête. Or, cette décision de l’AESA rejetant la plainte du requérant, décision qui constitue assurément l’acte faisant grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, dont le requérant pourrait se prévaloir pour obtenir réparation au titre de la méconnaissance de l’obligation d’assistance, n’a pas fait l’objet d’une réclamation administrative préalable.

54      Ainsi, dans l’hypothèse même où le second chef des conclusions devait être interprété comme tendant également à réparer le préjudice découlant de l’inertie ou des défaillances de l’administration saisie d’une demande d’assistance au titre de l’article 24 du statut, il conviendrait de le rejeter comme manifestement irrecevable pour non-respect de la procédure administrative préalable.

 Sur les troisième et quatrième chefs de conclusions

55      Par le troisième chef des conclusions de la requête, le requérant demande la condamnation de l’AESA au versement de la somme de 18 750 euros à titre de « remboursement des frais de défense et de justice », montant à majorer des intérêts au taux légal depuis la date d’exigibilité.

56      S’il faut comprendre ce chef de conclusions comme couvrant les frais exposés par le requérant aux fins de la procédure, au sens de l’article 91 du règlement de procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération de son représentant, il suffit, à cet égard, de considérer que cette question sera traitée au titre des dépens récupérables, faisant précisément l’objet du quatrième chef de conclusions.

57      S’il fallait comprendre ce chef de conclusions comme couvrant également les frais exposés par le requérant au stade précontentieux, il conviendrait de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les frais auxquels une partie requérante s’expose avant l’introduction du recours sont considérés comme des dépens irrécupérables (ordonnances du Tribunal de première instance du 10 janvier 2002, Starway/Conseil, T-80/97 DEP, point 25, et du 7 décembre 2004, Lagardère et Canal+/Commission, T-251/00 DEP, points 21 et 22). S’il devait donc être compris en ce sens, le troisième chef des conclusions de la requête serait manifestement non fondé.

58      Il découle de tout ce qui précède que le recours est manifestement irrecevable sauf dans la mesure où il tend à la condamnation de l’AESA au paiement d’indemnités pour le préjudice subi en raison de la décision de licenciement et ce, uniquement en ce qu’il soulève le grief tiré de la méconnaissance du devoir de sollicitude.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (troisième chambre)

ordonne :

1)      Le recours de BY est rejeté comme manifestement irrecevable à l’exception du chef de conclusions tendant à la condamnation de l’Agence européenne de la sécurité aérienne au paiement d’indemnités pour le préjudice subi en raison du licenciement et uniquement en ce qu’il soulève, à cet égard, le grief tiré de la méconnaissance du devoir de sollicitude.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 25 octobre 2012.

Le greffier

 

       Le président

W. Hakenberg

 

       S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.

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