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Document 62020CJ0517
Judgment of the Court (Ninth Chamber) of 16 March 2023.#Criminal proceedings against OL.#Request for a preliminary ruling from the Tribunale di Ascoli Piceno.#Reference for a preliminary ruling – Articles 49 and 56 TFEU – Betting and gaming – Licences for the collection of bets – Extension of licences already granted – Regularisation of data transmission centres carrying out that activity in the absence of a licence and police authorisation – Extension of the rights derived from that regularisation – Limited period.#Case C-517/20.
Wyrok Trybunału (dziewiąta izba) z dnia 16 marca 2023 r.
Postępowanie karne przeciwko OL.
Wniosek o wydanie orzeczenia w trybie prejudycjalnym złożony przez Tribunale di Ascoli Piceno.
Odesłanie prejudycjalne – Artykuły 49 i 56 TFUE – Gry losowe – Koncesje na działalność w zakresie przyjmowania zakładów – Przedłużenie już udzielonych koncesji – Uregulowanie statusu centrów transmisji danych prowadzących tę działalność bez koncesji i zezwoleń policji – Przedłużenie praw wynikających z tego uregulowania – Ograniczony okres.
Sprawa C-517/20.
Wyrok Trybunału (dziewiąta izba) z dnia 16 marca 2023 r.
Postępowanie karne przeciwko OL.
Wniosek o wydanie orzeczenia w trybie prejudycjalnym złożony przez Tribunale di Ascoli Piceno.
Odesłanie prejudycjalne – Artykuły 49 i 56 TFUE – Gry losowe – Koncesje na działalność w zakresie przyjmowania zakładów – Przedłużenie już udzielonych koncesji – Uregulowanie statusu centrów transmisji danych prowadzących tę działalność bez koncesji i zezwoleń policji – Przedłużenie praw wynikających z tego uregulowania – Ograniczony okres.
Sprawa C-517/20.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:219
ARRÊT DE LA COUR (neuvième chambre)
16 mars 2023 (*)
« Renvoi préjudiciel – Articles 49 et 56 TFUE – Jeux de hasard – Concessions pour l’activité de collecte de paris – Prorogation des concessions déjà attribuées – Régularisation des centres de transmission de données exerçant cette activité en l’absence de concession et de licence de police – Prorogation des droits issus de cette régularisation – Délai restreint »
Dans l’affaire C‑517/20,
ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunale di Ascoli Piceno (tribunal d’Ascoli Piceno, Italie), par décision du 29 septembre 2020, parvenue à la Cour le 13 octobre 2020, dans la procédure pénale contre
OL,
en présence de :
Procura della Repubblica presso il Tribunale di Ascoli Piceno,
LA COUR (neuvième chambre),
composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, M. S. Rodin (rapporteur) et Mme O. Spineanu–Matei, juges,
avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour OL, par Me V. Palamenghi, avvocato,
– pour le gouvernement italien, par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de M. P. G. Marrone, avvocato dello Stato,
– pour le gouvernement belge, par Mmes M. Jacobs et L. Van den Broeck, en qualité d’agents, assistées de Mes R. Verbeke et P. Vlaemminck, advocaten,
– pour la Commission européenne, par Mme L. Armati, MM. G. Gattinara et M. Mataija, en qualité d’agents,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation des articles 49, 56 et 106 TFUE.
2 Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure pénale engagée contre OL, propriétaire de l’entreprise OL, en raison d’une infraction à la législation italienne régissant la collecte de paris, pour avoir exercé une activité organisée de collecte de paris pour le compte d’un bookmaker établi en Autriche sans être titulaire d’une concession et d’une licence prévues par cette législation.
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
3 Le considérant 15 de la directive 2014/23/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur l’attribution de contrats de concession (JO 2014, L 94, p. 1), telle que modifiée par le règlement délégué (UE) 2015/2172 de la Commission, du 24 novembre 2015 (JO 2015, L 307, p. 9) (ci-après la « directive 2014/23 »), énonce :
« En outre, certains accords dont l’objet est le droit, pour un opérateur économique, d’exploiter certains domaines publics ou ressources publiques, en droit privé ou public, tels que des biens fonciers ou des biens publics, en particulier dans le secteur des ports maritimes, des ports intérieurs ou des aéroports, par lesquels l’État ou le pouvoir adjudicateur ou l’entité adjudicatrice fixe uniquement les conditions générales d’utilisation des domaines ou ressources en question, sans acquisition de travaux ou services spécifiques, ne devraient pas être qualifiés de concessions au sens de la présente directive. C’est habituellement le cas des baux immobiliers publics ou des baux fonciers, qui contiennent généralement des conditions applicables à l’entrée en possession du preneur, à l’usage auquel le bien est destiné, aux obligations du bailleur et du preneur relatives à l’entretien du bien, à la durée du bail et à la restitution de la possession au bailleur, à la location et aux frais accessoires à charge du preneur. »
4 L’article 5, point 1, sous b), de cette directive dispose :
« Aux fins de la présente directive, on entend par :
1) “concessions”, des concessions de travaux ou de services au sens des points a) et b) :
[...]
b) “concession de services”, un contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices confient la prestation et la gestion de services autres que l’exécution de travaux visée au point a) à un ou à plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d’exploiter les services qui font l’objet du contrat, soit dans ce droit accompagné d’un prix ».
5 L’article 8, paragraphe 1, de ladite directive prévoit :
« La présente directive s’applique aux concessions dont la valeur est égale ou supérieure à 5 225 000 [euros]. »
Le droit italien
6 L’article 88 du regio decreto n. 773 – Testo unico delle leggi di pubblica sicurezza [décret royal no 733, portant approbation du texte unique des lois de sureté publique], du 18 juin 1931 (GURI no 146, du 26 juin 1931), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après le « TULPS »), prévoit l’octroi d’une licence de police. Il résulte de la décision de renvoi que la délivrance de celle-ci est soumise à deux conditions. D’une part, le demandeur doit respecter des exigences de probité prévues par certaines dispositions du TULPS et, d’autre part, il doit être lié à un bookmaker titulaire d’une concession d’État.
7 L’article 4 de la legge n. 401 – Interventi nel settore del giuoco e delle scommesse clandestini e tutela della correttezza nello svolgimento di manifestazioni sportive (loi no 401, portant sur le secteur du jeu et des paris clandestins et relative à la protection du bon déroulement des compétitions sportives), du 13 décembre 1989 (GURI no 294, du 18 décembre 1989), dans sa version applicable au litige au principal (ci‑après la « loi no 401/1989 »), prévoit des sanctions pénales pour la participation abusive à l’organisation de jeux de hasard. En particulier, l’article 4, paragraphe 4 bis, de la loi no 401/1989 dispose que « [l]es sanctions prévues par le présent article s’appliquent à quiconque exerce en Italie, sans concession ni autorisation ou licence, au sens de l’article 88 du [TULPS], une activité organisée en vue d’accepter ou de collecter ou, à tout le moins, de faciliter l’acceptation ou la collecte, de quelque manière que ce soit, y compris par téléphone ou par voie télématique, de paris de toutes sortes, acceptés par quiconque en Italie ou à l’étranger ».
8 L’article 1er, paragraphe 643, de la legge n. 190 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge di stabilità 2015) [loi no 190, portant dispositions en vue de la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de stabilité 2015)], du 23 décembre 2014 (GURI no 300, du 29 décembre 2014, supplément ordinaire no 99 à la GURI), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi no 190/2014 »), et l’article 1er, paragraphe 926, de la legge n. 208 – Disposizioni per la formazione del bilancio annuale e pluriennale dello Stato (legge di stabilità 2016) [loi no 208, portant dispositions pour la formation du budget annuel et pluriannuel de l’État (loi de stabilité 2016)], du 28 décembre 2015 (GURI no 302, du 30 décembre 2015, supplément ordinaire no 70 à la GURI), dans sa version applicable au litige au principal (ci-après la « loi no 208/2015 »), ont introduit une procédure de régularisation pour les centres de transmission de données (ci-après les « CTD ») exerçant déjà, au 31 octobre 2014, des activités de collecte de paris en faveur de bookmakers étrangers en l’absence d’une concession et d’une licence de police, au sens de l’article 88 du TULPS.
Le litige au principal et les questions préjudicielles
9 Ulisse GmbH, société établie en Autriche en 2016, est une société opérant dans le secteur des jeux de hasard et exerçant son activité en Italie sous la marque Newaleabet. OL est lié par contrat à cette société.
10 Par des lettres du 30 novembre 2016 et du 6 février 2017 adressées à l’Agenzia delle dogane e dei monopoli (ADM) (Agence des douanes et des monopoles, Italie), Ulisse a manifesté son intention de s’établir sur le territoire italien et a demandé son admission sur le marché national.
11 L’ADM a rejeté cette demande au motif que seules les entreprises ayant déjà obtenu une concession sur la base d’une participation à un marché ou disposant de droits accordés en vertu des lois nos 190/2014 et 208/2015 bénéficiaient de la possibilité de s’établir sur le territoire italien.
12 Selon l’ADM, de telles concessions ou de tels droits étaient encore valides compte tenu de leur prorogation par une circulaire du 9 juin 2016 et d’autres actes ultérieurs, mais cette prorogation n’était pas extensible aux tiers.
13 Le 21 septembre 2019, une procédure pénale a été engagée devant le Tribunale di Ascoli Piceno (tribunal d’Ascoli Piceno, Italie) contre OL, propriétaire de l’entreprise OL. Il était reproché à celui-ci d’avoir commis l’infraction prévue à l’article 4, paragraphe 4 bis, de la loi no 401/1989, au motif qu’il exerçait une activité consistant à accepter et à collecter des paris pour les transmettre ensuite à un bookmaker étranger, Ulisse, sans être titulaire de la concession et de la licence prévue par la législation italienne.
14 La juridiction de renvoi considère que la prorogation introduite par la circulaire du 9 juin 2006 pour une durée indéterminée des concessions existantes empêche, de fait, de nouveaux opérateurs d’accéder au marché concerné.
15 En outre, cette juridiction observe que le retard dans la publication d’un nouvel avis de marché pour l’attribution de concessions en matière de collecte de paris, lequel aurait dû être publié, en vertu de la législation italienne, à partir du 1er mai 2016, semble nuire aux opérateurs économiques du secteur concerné et, notamment, à ceux qui se sont organisés en vue de la publication de ce nouvel avis de marché.
16 Ladite juridiction considère notamment que le délai restreint applicable pour la régularisation des CTD exerçant leur activité en l’absence d’une licence de police, prévue pour l’année 2016, et la prorogation pour une durée indéterminée de concessions pour l’exercice d’une telle activité par la circulaire du 9 juin 2016, mentionnée au point 14 du présent arrêt, pourraient être non conformes au droit de l’Union.
17 En particulier, le Tribunale di Ascoli Piceno (tribunal d’Ascoli Piceno) considère que le litige au principal soulève des questions d’interprétation du droit de l’Union relatives à la compatibilité de la prorogation généralisée et pour une durée indéterminée des concessions dans le secteur des jeux de hasard avec les articles 49, 56 et 106 TFUE.
18 Dans ces conditions, le Tribunale di Ascoli Piceno (tribunal d’Ascoli Piceno) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :
« 1) Les principes de liberté d’établissement, de non-discrimination et de protection de la concurrence, consacrés aux articles 49, 56 et 106 TFUE, ainsi que le principe du raisonnable qu’ils contiennent s’opposent-ils à une réglementation nationale qui, par l’effet d’une disposition ou d’un acte national ayant valeur de loi, entraîne la prorogation des anciennes concessions et des autres droits de collecte [de paris] attribués dans le cadre d’appels d’offres ou au moyen d’une procédure de régularisation (sans appel d’offres), dont l’échéance naturelle avait déjà été fixée au mois de juin 2016 ?
2) Les articles 49, 56 et 106 TFUE s’opposent-ils à une réglementation nationale qui opère, par la technique de l’attribution directe au moyen d’un acte de prorogation non précédé d’une mise en concurrence, une fermeture injustifiée du marché national ?
3) Les articles 49, 56 et 106 TFUE s’opposent-ils à une réglementation nationale qui autorise, sans prévoir en même temps l’ouverture d’une nouvelle procédure d’appel d’offres, [la réalisation d’opérations] sur le marché national [sur le fondement] de toutes les concessions déjà déclarées illégales par les différents arrêts de la Cour, ce qui empêche l’accès de nouveaux opérateurs étrangers ? »
Sur la recevabilité des questions préjudicielles
19 Les gouvernements italien et belge font valoir que les questions posées par la juridiction de renvoi sont irrecevables.
20 Le gouvernement italien considère que la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour y répondre de façon utile. D’une part, la décision de renvoi ne contiendrait pas les données factuelles dans leur intégralité dès lors qu’il y est indiqué que la prorogation des concessions et des droits instaurés par la loi no 190/2014 dans le secteur des jeux de hasard découlait d’un acte administratif, à savoir la circulaire du 9 juin 2016, et non d’une disposition législative, dont les raisons de l’adoption n’auraient d’ailleurs même pas été examinées par la juridiction de renvoi. D’autre part, la juridiction de renvoi se référerait à la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), qui ne serait pas applicable aux faits du litige au principal.
21 En ce qui concerne la troisième question en particulier, le gouvernement italien fait observer que les arrêts de la Cour cités dans la décision de renvoi ne mentionnent pas l’illégalité du système de concessions en vigueur en Italie.
22 Le gouvernement belge souligne que le litige au principal concerne non pas l’application des articles 49, 56 et 106 TFUE, mais celle de la directive 2014/23, étant donné que cette directive harmonise exhaustivement, selon la jurisprudence de la Cour, les concessions.
23 Tout d’abord, il importe de rappeler qu’il est de jurisprudence constante qu’il n’appartient pas à la Cour, dans le cadre du système de coopération judiciaire établi à l’article 267 TFUE, de vérifier ou de remettre en cause l’exactitude de l’interprétation du droit national faite par le juge national, cette interprétation relevant de la compétence exclusive de ce dernier. Aussi, la Cour doit-elle, lorsqu’elle est saisie à titre préjudiciel par une juridiction nationale, s’en tenir à l’interprétation du droit national qui lui a été exposée par cette juridiction [arrêt du 3 mars 2022, Subdelegación del Gobierno en Pontevedra (Amende en cas de séjour irrégulier), C‑409/20, EU:C:2022:148, point 37 et jurisprudence citée].
24 Dès lors qu’il n’appartient ainsi pas à la Cour de vérifier si la prorogation des concessions dans le secteur des jeux de hasard en Italie et des droits accordés en vertu des lois nos 190/2014 et 208/2015 découlait d’un acte administratif, à savoir la circulaire du 9 juin 2016, ou d’une disposition législative, une éventuelle inexactitude de la décision de renvoi à cet égard n’est pas susceptible de rendre les questions posées irrecevables.
25 Ensuite, les questions posées, dont le texte ne mentionne pas la directive 2014/24, ne sauraient être irrecevables en raison du seul fait que cette directive est mentionnée dans la demande de décision préjudicielle.
26 Enfin, le fait que la juridiction de renvoi ne démontre pas que la directive 2014/23 ne s’applique pas aux faits du litige au principal n’est pas susceptible de remettre en cause la recevabilité des questions posées, qui sont relatives, notamment, à l’interprétation des articles 49 et 56 TFUE.
27 Il est certes vrai que, d’une part, toute mesure nationale dans un domaine qui a fait l’objet d’une harmonisation complète à l’échelle de l’Union européenne doit être appréciée au regard non pas des dispositions du droit primaire, mais de celles de cette mesure d’harmonisation, et, d’autre part, la directive 2014/23 a procédé à une harmonisation exhaustive des hypothèses dans lesquelles les concessions peuvent être modifiées sans pour autant que l’organisation d’une nouvelle procédure d’attribution de concession conforme aux règles établies par ladite directive soit nécessaire à cet effet et de celles dans lesquelles une telle procédure d’attribution est requise en cas de modification des conditions de la concession (voir, en ce sens, arrêt du 2 septembre 2021, Sisal e.a., C‑721/19 et C‑722/19, EU:C:2021:672, points 31 et 32 ainsi que jurisprudence citée).
28 Toutefois, afin qu’une concession relève du champ d’application de la directive 2014/23, il est indispensable, notamment, qu’elle relève de la notion de « concession de travaux » ou de celle de « concession de services », au sens de l’article 5, point 1, de cette directive, et que la valeur de cette concession excède le seuil prévu à l’article 8, paragraphe 1, de ladite directive.
29 Selon l’article 5, point 1, sous b), de la directive 2014/23, constitue une concession de services un contrat conclu par écrit et à titre onéreux par lequel un ou plusieurs pouvoirs adjudicateurs ou entités adjudicatrices confient la prestation et la gestion de services autres que l’exécution de travaux visée au point a) de cet article 5, point 1, à un ou à plusieurs opérateurs économiques, la contrepartie consistant soit uniquement dans le droit d’exploiter les services qui font l’objet du contrat concerné, soit dans ce droit assorti d’un prix. En revanche, certains accords dont l’objet est le droit, pour un opérateur économique, d’exploiter certains domaines ou ressources publics, en droit privé ou public, tels que des biens fonciers par lesquels l’État fixe uniquement les conditions générales d’utilisation des domaines ou ressources en question, sans acquisition de travaux ou de services spécifiques, ne devraient pas, ainsi qu’il ressort du considérant 15 de cette directive, être qualifiés de « concessions de services », au sens de la directive 2014/23 (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa e.a., C‑458/14 et C‑67/15, EU:C:2016:558, point 48).
30 Or, la Cour ne dispose d’aucun indice dont il ressortirait, d’une part, que les concessions et les droits accordés en vertu des lois nos 190/2014 et 208/2015 dans le secteur des jeux de hasard en Italie, qui ont été prorogés, constituent des concessions de services, au sens de l’article 5, point 1, sous b), de la directive 2014/23, et non des accords dont l’objet est le droit, pour un opérateur économique, d’exercer une activité dans ce secteur, par lesquels la République italienne fixe uniquement les conditions générales d’utilisation de ce droit, sans acquisition de services spécifiques, et, d’autre part, que la valeur de ces contrats dépasse le seuil prévu à l’article 8, paragraphe 1, de cette directive.
31 Partant, il ne saurait être exclu que la directive 2014/23 ne s’applique pas à ces concessions et à ces droits.
32 En outre, lorsque les autorités publiques envisagent d’attribuer une concession qui n’entre pas dans le champ d’application des directives relatives aux différentes catégories de marchés publics, elles sont tenues de respecter les règles fondamentales du traité FUE en général et le principe de non-discrimination en particulier (arrêt du 14 juillet 2016, Promoimpresa e.a., C‑458/14 et C‑67/15, EU:C:2016:558, point 64 ainsi que jurisprudence citée).
33 Par ailleurs, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire au principal, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer [arrêt du 24 février 2022, TGSS (Chômage des employés de maison), C‑389/20, EU:C:2022:120, point 23 et jurisprudence citée].
34 Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le refus de la Cour de statuer sur une question préjudicielle posée par une juridiction nationale n’est possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées [arrêt du 24 février 2022, TGSS (Chômage des employés de maison), C‑389/20, EU:C:2022:120, point 24 et jurisprudence citée].
35 Ainsi, la présomption de pertinence des questions posées par la juridiction de renvoi, qui visent notamment l’interprétation des articles 49 et 56 TFUE, ne saurait être renversée, et leur recevabilité remise en cause, au seul motif que la demande de décision préjudicielle ne comporte pas les éléments dont il pourrait être déduit que la directive 2014/23 n’est pas applicable aux faits du litige au principal. Exiger des juridictions nationales qu’elles démontrent que le litige dont elles sont saisies ne relève pas du droit dérivé adopté aux fins de l’harmonisation des droits nationaux dans un secteur donné afin que ces juridictions puissent poser des questions relatives au droit primaire est susceptible de nuire au système de coopération entre les juridictions nationales et la Cour.
36 Cela étant, dès lors que la juridiction de renvoi n’indique pas les raisons pour lesquelles les première et deuxième questions portent sur l’article 106 TFUE, il y a lieu d’y répondre seulement en tant qu’elles visent les articles 49 et 56 TFUE.
37 En outre, dans la mesure où la troisième question suppose que les concessions accordées en Italie dans le secteur des jeux de hasard aient déjà été déclarées illégales par les différents arrêts de la Cour, cette question repose sur une prémisse erronée.
38 En effet, les arrêts de la Cour mentionnés dans la demande de décision préjudicielle concernant les concessions octroyées dans le cadre d’appels d’offres en 2006 et en 2012, lesquelles apparaissent être toujours en vigueur, à savoir les arrêts du 16 février 2012, Costa et Cifone (C‑72/10 et C‑77/10, EU:C:2012:80), ainsi que du 12 septembre 2013, Biasci e.a. (C‑660/11 et C‑8/12, EU:C:2013:550), constituent des arrêts rendus dans le cadre de procédures introduites en vertu de l’article 267 TFUE.
39 Or, il n’appartient pas à la Cour de se prononcer, dans le cadre d’une telle procédure, sur la compatibilité de normes de droit interne avec les dispositions du droit de l’Union (arrêt du 6 mars 2007, Placanica e.a., C‑338/04, C‑359/04 et C‑360/04, EU:C:2007:133, point 36), ce qui ressort d’ailleurs des dispositifs mêmes des arrêts concernés.
40 Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que les première et deuxième questions sont recevables en ce qu’elles portent sur l’interprétation des articles 49 et 56 TFUE et que la troisième question est irrecevable.
Sur le fond
41 Par les première et deuxième questions, la juridiction de renvoi demande, en substance, si les articles 49 et 56 TFUE s’opposent à une prorogation des concessions dans le secteur des jeux de hasard ainsi que des droits découlant de la régularisation de la situation des CTD qui exerçaient déjà, à une date déterminée, des activités de collecte de paris en faveur de bookmakers étrangers ne disposant pas d’une concession et d’une licence de police.
42 Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, doivent être considérées comme des restrictions à la liberté d’établissement et/ou à la libre prestation des services toutes les mesures qui interdisent, gênent ou rendent moins attrayant l’exercice des libertés garanties par les articles 49 et 56 TFUE (arrêt du 22 septembre 2022, Admiral Gaming Network e.a., C‑475/20 à C‑482/20, EU:C:2022:714, point 33).
43 D’une part, dans la mesure où une société, établie dans un État membre, poursuit l’activité de collecte de paris par l’intermédiaire d’agences établies dans un autre État membre, les restrictions imposées aux activités de ces agences constituent des entraves à la liberté d’établissement consacrée à l’article 49 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 2003, Gambelli e.a., C‑243/01, EU:C:2003:597, point 46, ainsi que du 22 septembre 2022, Admiral Gaming Network e.a., C‑475/20 à C‑482/20, EU:C:2022:714, point 37).
44 D’autre part, l’article 56 TFUE concerne les services qu’un prestataire, établi dans un État membre, offre sans se déplacer à des destinataires établis dans un autre État membre, de telle sorte que toute restriction à ces activités constitue une restriction à la libre prestation des services par un tel prestataire (voir, en ce sens, arrêts du 6 novembre 2003, Gambelli e.a., C‑243/01, EU:C:2003:597, point 54, ainsi que du 13 juin 2017, The Gibraltar Betting and Gaming Association, C‑591/15, EU:C:2017:449, point 32).
45 En particulier, une prorogation des concessions dans le secteur des jeux de hasard empêche l’ouverture de ces concessions à la concurrence et le contrôle de l’impartialité des procédures d’adjudication concernées, constituant ainsi une différence de traitement, au détriment des entreprises situées dans un autre État membre susceptibles d’être intéressées par ces concessions, qui est prohibée, en principe, par les articles 49 et 56 TFUE et qui, notamment, viole le principe général de transparence ainsi que l’obligation de garantir un degré de publicité adéquat (voir, par analogie, arrêts du 13 septembre 2007, Commission/Italie, C‑260/04, EU:C:2007:508, point 25, ainsi que du 14 juillet 2016, Promoimpresa e.a., C‑458/14 et C‑67/15, EU:C:2016:558, point 70).
46 En l’occurrence, la procédure pénale engagée devant la juridiction de renvoi contre OL, propriétaire de l’entreprise OL, a été introduite au motif que celui-ci exerçait une activité consistant à accepter et à collecter des paris pour les transmettre à Ulisse, société exerçant une activité de bookmaker établie en Autriche, aucune de ces deux entreprises ne disposant, pour ses activités, d’une concession, ni d’une autorisation de police, dans le secteur des jeux de hasard en Italie, ni du droit accordé en vertu des lois nos 190/2014 et 208/2015 qui ont permis de régulariser la situation des CTD exerçant déjà, à une date déterminée, des activités de collecte de paris en faveur de bookmakers étrangers. Ulisse avait auparavant manifesté son intention de s’établir sur le territoire italien en demandant son admission sur le marché italien à l’ADM. Toutefois, cette dernière a rejeté sa demande au motif que seuls les opérateurs économiques ayant déjà obtenu une concession ou disposant du droit accordé en vertu des lois nos 190/2014 et 208/2015 bénéficiaient de la possibilité de s’établir sur le territoire italien.
47 Il résulte de la décision de renvoi que ces concessions et ces droits étaient encore valides compte tenu de leur prorogation, non extensible aux tiers, en dépit de la législation italienne selon laquelle un nouvel appel d’offres pour l’attribution des concessions aurait dû être lancé depuis le 1er mai 2016.
48 Une telle prorogation des concessions dans le secteur des jeux de hasard et des droits découlant de la régularisation de la situation des CTD et des bookmakers, qui empêche ces derniers, lorsqu’ils sont établis dans un autre État membre, d’offrir leurs services dans l’État membre concerné, y compris par l’intermédiaire des CTD, constitue, selon la jurisprudence rappelée aux points 42 à 45 du présent arrêt, une restriction aux libertés fondamentales consacrées aux articles 49 et 56 TFUE.
49 Toutefois, cette prorogation peut être admise au titre des mesures dérogatoires expressément prévues aux articles 51 et 52 TFUE ou justifiée, conformément à la jurisprudence de la Cour, par des raisons impérieuses d’intérêt général (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2007, Commission/Italie, C‑260/04, EU:C:2007:508, point 26).
50 La République italienne fait valoir, dans ce contexte, que la prorogation des concessions et des droits concernés était nécessaire afin d’éviter l’interruption des paris légaux et de garantir la viabilité d’un secteur qui, sans cela, serait resté entièrement dépourvu de réglementation. Ainsi, la République italienne aurait été autorisée à continuer à exercer un contrôle constant et strict sur les opérateurs de ce secteur afin de garantir un niveau particulièrement élevé de protection des consommateurs.
51 Il convient de rappeler à cet égard que les objectifs de protection des consommateurs, de prévention de la fraude et de l’incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu ainsi que de prévention de troubles à l’ordre social en général, ont certes été reconnus par la jurisprudence de la Cour comme faisant partie des raisons impérieuses d’intérêt général susceptibles de justifier des restrictions aux libertés fondamentales consacrées aux articles 49 et 56 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2007, Commission/Italie, C‑260/04, EU:C:2007:508, point 27 et jurisprudence citée).
52 Si les États membres sont libres de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché, les restrictions qu’ils imposent doivent toutefois satisfaire aux conditions qui ressortent de la jurisprudence de la Cour en ce qui concerne leur proportionnalité (arrêt du 13 septembre 2007, Commission/Italie, C‑260/04, EU:C:2007:508, point 28 et jurisprudence citée).
53 Par conséquent, il appartiendra à la juridiction de renvoi d’apprécier si la prorogation de concessions dans le secteur des jeux de hasard et des droits résultant des lois nos 190/2014 et 208/2015 est propre à garantir la réalisation de l’objectif poursuivi par la République italienne dans ce secteur et ne va pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (voir, en ce sens, arrêts du 13 septembre 2007, Commission/Italie, C‑260/04, EU:C:2007:508, point 29, ainsi que du 19 décembre 2018, Stanley International Betting et Stanleybet Malta, C‑375/17, EU:C:2018:1026, point 46). En tout état de cause, cette prorogation doit être appliquée de manière non discriminatoire (voir, par analogie, arrêt du 13 septembre 2007, Commission/Italie, C‑260/04, EU:C:2007:508, point 29).
54 En l’occurrence, il ne ressort pas du dossier dont dispose la Cour que la prorogation des concessions dans le secteur des jeux de hasard en Italie et des droits résultant des lois nos 190/2014 et 208/2015 ne soit pas propre à réaliser l’objectif d’assurer la continuité d’un contrôle, en Italie, sur les opérateurs de ce secteur afin de garantir la protection des consommateurs.
55 Toutefois, l’attribution de concessions sur la base d’un nouvel appel d’offres constituerait une mesure moins restrictive à l’égard des libertés fondamentales consacrées aux articles 49 et 56 TFUE que cette prorogation, d’une part, et n’apparaît pas susceptible de compromettre la réalisation dudit objectif, d’autre part.
56 Il ressort de l’ensemble des considérations qui précèdent que les articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une prorogation des concessions dans le secteur des jeux de hasard et des droits découlant de la régularisation de la situation des centres de transmission de données qui exerçaient déjà, à une date déterminée, des activités de collecte de paris en faveur de bookmakers étrangers ne disposant pas d’une concession et d’une licence de police pour autant qu’une telle prorogation, qui peut être justifiée notamment par des raisons impérieuses d’intérêt général telles que l’objectif d’assurer la continuité d’un contrôle sur les opérateurs de ce secteur afin de garantir la protection des consommateurs, ne soit pas propre à garantir la réalisation de cet objectif ou qu’elle aille au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce dernier.
Sur les dépens
57 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :
Les articles 49 et 56 TFUE doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une prorogation des concessions dans le secteur des jeux de hasard et des droits découlant de la régularisation de la situation des centres de transmission de données qui exerçaient déjà, à une date déterminée, des activités de collecte de paris en faveur de bookmakers étrangers ne disposant pas d’une concession et d’une licence de police pour autant qu’une telle prorogation, qui peut être justifiée notamment par des raisons impérieuses d’intérêt général telles que l’objectif d’assurer la continuité d’un contrôle sur les opérateurs de ce secteur afin de garantir la protection des consommateurs, ne soit pas propre à garantir la réalisation de cet objectif ou qu’elle aille au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre ce dernier.
Signatures
* Langue de procédure : l’italien.