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Dokument 62004TJ0093

Wyrok Sądu Pierwszej Instancji (trzecia izba) z dnia 17 maja 2006 r.
Theodoros Kallianos przeciwko Komisji Wspólnot Europejskich.
Sprawa T-93/04.

Zbiór Orzeczeń – Służba Publiczna 2006 I-A-2-00115; II-A-2-00537

Identyfikator ECLI: ECLI:EU:T:2006:130




ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)
17 mai 2006


Affaire T-93/04


Theodoros Kallianos

contre

Commission des Communautés européennes

« Fonctionnaires – Retenues opérées sur la rémunération – Provision alimentaire dans le cadre d’une procédure de divorce – Exécution d’un jugement d’une juridiction nationale »

Texte complet en langue française ……II-A-2 - 0000

Objet : Recours ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission concernant certaines des retenues opérées sur la rémunération du requérant à la suite de mesures provisoires ordonnées par une juridiction belge, une demande visant au remboursement desdites sommes, ainsi qu’une demande de paiement de dommages et intérêts.

Décision : Le recours est rejeté. Chaque partie supportera ses propres dépens.


Sommaire


1.     Privilèges et immunités des Communautés européennes – Fonctionnaires et agents des Communautés

(Protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes ; statut des fonctionnaires, art. 23, alinéa 1)

2.     Fonctionnaires – Dossier individuel – Pièces devant y figurer

(Statut des fonctionnaires, art. 26)

3.     Communautés européennes – Institutions – Droit d’accès du public aux documents – Règlement n° 1049/2001

(Règlement du Parlement européen et du Conseil n° 1049/2001, art. 4)

4.     Fonctionnaires – Décision individuelle – Refus irrégulier d’accès du fonctionnaire aux avis juridiques ayant servi de base à son adoption

5.     Fonctionnaires – Décision faisant grief – Obligation de motivation – Portée

(Art. 253 CE ; statut des fonctionnaires, art. 25, alinéa 2)


1.     Pour leurs relations juridiques privées avec d’autres particuliers, notamment pour ce qui est du respect de leurs obligations privées, les fonctionnaires communautaires sont, conformément à l’article 23, premier alinéa, du statut, entièrement soumis, comme n’importe quel autre particulier, au droit national applicable, indépendamment de l’existence de certains privilèges et immunités en vertu du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes.

Ainsi, s’agissant des mesures provisoires arrêtées par une juridiction nationale dans le cadre d’une procédure de divorce, condamnant un fonctionnaire à payer à son conjoint une provision alimentaire et autorisant ce dernier à la percevoir directement auprès de l’employeur du fonctionnaire, une institution communautaire n’est concernée qu’en tant que tiers, c’est‑à‑dire en tant qu’employeur, et non pas en qualité de partie à un tel litige. Dès lors, en l’absence d’un privilège ou d’une immunité applicable en l’espèce, elle est tenue, en vertu de son obligation de coopération loyale avec les instances judiciaires nationales, d’exécuter ces mesures provisoires, régies par le droit national, de la même manière que tout autre employeur établi sur le territoire où s’applique ledit droit, notamment en ce qui concerne les formalités prévues, d’une part, pour leur opposabilité au tiers débiteur et, d’autre part, pour la cessation de leurs effets.

Cette conclusion ne saurait être remise en cause du fait que l’institution, dans un cas de divorce, règle sans formalisme les questions relatives au statut du conjoint divorcé au regard de la sécurité sociale et de la couverture des risques de maladie, qui sont régies par le statut.

(voir points 2, 48 à 50, 55, 58, 63 et 64)

Référence à : Tribunal 15 juillet 2003, Barbé/Parlement, T‑371/02, RecFP p. I‑A‑183 et II‑919, point 36 ; Tribunal 29 mars 1995, Hogan/Cour de justice, T‑497/93, Rec. p. II‑703, points 37 à 39 et 60 ; Tribunal 29 septembre 2004, Lucaccioni/Commission, T‑394/02, RecFP p. I‑A‑253 et II‑1113, points 73, 74 et 77


2.     La finalité de l’article 26 du statut est d’assurer le respect des droits de la défense du fonctionnaire en évitant que des décisions prises par l’autorité investie du pouvoir de nomination et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier individuel.

L’expression « situation administrative » englobe non seulement les principaux événements de la carrière du fonctionnaire que sont le recrutement, les positions d’activité, de détachement, de réaffectation, de congé de convenance personnelle, de disponibilité, de congé pour services militaires, les exercices de notation, les avancements d’échelon et les promotions, la cessation définitive des fonctions, mais également d’autres événements concernant certains droits reconnus par le statut ou par les dispositions sur les privilèges et immunités des fonctionnaires.

Tel n’est cependant pas le cas des avis juridiques, externe et interne, sollicités par une institution à propos de l’exécution des décisions des juridictions nationales dans le domaine de la vie privée d’un fonctionnaire, qui n’ont aucunement trait aux principaux événements de sa carrière ou à d’autres événements concernant certains droits reconnus par le statut ou par les dispositions sur les privilèges et immunités des fonctionnaires, et qui ne peuvent pas non plus être considérés comme des rapports concernant la compétence, le rendement ou le comportement du fonctionnaire.

(voir points 80 à 83)

Référence à : Cour 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 57 ; Tribunal 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, RecFP p. I‑A‑61 et II‑293, points 56 et 58 ; Tribunal 30 septembre 2003, Kenny/Cour de justice, T‑302/02, RecFP p. I‑A‑235 et II‑1137, point 32 ; Tribunal 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, non encore publié au Recueil, point 134


3.     Toute exception au droit d’accès aux documents des institutions relevant du règlement n° 1049/2001 relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, doit être interprétée et appliquée strictement. En outre, lorsqu’une institution refuse un accès aux documents, elle est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, sur la base des éléments dont elle dispose, si les documents dont la divulgation est demandée relèvent effectivement des exceptions énumérées dans ce règlement.

Ainsi, la circonstance selon laquelle les documents en cause sont des avis juridiques ne saurait, à elle seule, justifier l’application de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, dudit règlement. En effet, une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document aurait porté concrètement et effectivement atteinte à un intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé. Le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non pas purement hypothétique. Par conséquent, l’examen auquel doit procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision se prononçant sur la demande d’accès.

(voir points 89 à 92)

Référence à : Cour 11 janvier 2000, Pays‑Bas et van der Wal/Commission, C‑174/98 P et C‑189/98 P, Rec. p. I‑1, point 24 ; Cour 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 48 ; Tribunal 12 octobre 2000, JT’s Corporation/Commission, T‑123/99, Rec. p. II‑3269, points 44 à 48 ; Tribunal 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, non encore publié au Recueil, points 68, 69 et 106


4.     La circonstance que, lors de l’adoption d’une décision individuelle, une institution a méconnu partiellement le droit d’accès au dossier du fonctionnaire intéressé, en ce que, sans fondement suffisant, elle lui a refusé l’accès aux avis juridiques sur la base desquels la décision a été adoptée, ne met pas en cause la légalité de ladite décision lorsqu’il est constant que les droits de la défense de l’intéressé, auquel le contenu essentiel desdits avis a été communiqué et qui a pu prendre position à leur propos, n’ont pas été affectés.

(voir point 95)


5.     L’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 253 CE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien‑fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte.

L’étendue de l’obligation de motivation doit, dans chaque cas, être appréciée non seulement en considération de la décision attaquée, mais aussi en fonction des circonstances concrètes entourant ladite décision.

(voir points 100 et 101)

Référence à : Cour 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22 ; Cour 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 36 ; Cour 13 décembre 1989, Prelle/Commission, C‑169/88, Rec. p. 4335, point 9 ; Cour 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, point 39 ; Tribunal 20 mars 1991, Pérez-Minguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 73 ; Tribunal 15 février 1996, Ryan-Sheridan/FEACVT, T‑589/93, RecFP p. I‑A‑27 et II‑77, point 95 ; Schmit/Commission, précité, point 116




ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

17 mai 2006 (*)

« Fonctionnaires – Retenues opérées sur la rémunération – Provision alimentaire dans le cadre d’une procédure de divorce – Exécution d’un jugement d’une juridiction nationale »

Dans l’affaire T-93/04,

Theodoros Kallianos, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Kraainem (Belgique), représenté par Me G. Archambeau, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. J. Currall et D. Martin, en qualité d’agents, assistés de Me D. Waelbroeck, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de la Commission concernant certaines des retenues opérées sur la rémunération du requérant à la suite de mesures provisoires ordonnées par une juridiction belge, une demande visant au remboursement desdites sommes, ainsi qu’une demande de paiement de dommages et intérêts,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : M. I. Natsinas, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 6 octobre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1       Le requérant est fonctionnaire de grade LA 4. Il est entré au service de la Commission le 9 juin 1981.

2       Par ordonnance du 4 octobre 1991, le président de la rechtbank van eerste aanleg te Brussel (tribunal de première instance de Bruxelles, Belgique), statuant en référé, afin d’organiser la situation des époux durant la procédure de divorce, a condamné le requérant à payer à son ex‑épouse la somme de 60 000 francs belges (BEF) par mois (soit 1 487 euros), à titre de « provision alimentaire », et autorisé celle-ci à percevoir ces sommes directement auprès de l’employeur du requérant ou de n’importe quel autre tiers débiteur. Cette ordonnance (ci-après l’« ordonnance du 4 octobre 1991 ») prévoyait, en outre, une augmentation de ladite provision à concurrence d’un cinquième de l’augmentation du salaire du requérant.

3       Le 6 novembre 1992, l’ex-épouse du requérant a, par voie de signification par huissier de justice, opposé ladite ordonnance à la Commission.

4       Le 14 janvier 1994, le hof van beroep te Brussel (cour d’appel de Bruxelles), se prononçant sur le recours introduit par le requérant contre ladite ordonnance, a confirmé le versement mensuel de 60 000 BEF ainsi que l’indexation dudit montant sur l’augmentation du salaire du requérant.

5       Par ordonnance du 24 juillet 1997, le juge des saisies du tribunal de première instance de Bruxelles a fait droit à la requête du requérant de procéder à une saisie-arrêt conservatoire à charge de son ex-épouse, au motif que, en raison du défaut de paiement par cette dernière des taxes de circulation du véhicule dont elle avait la jouissance exclusive, le requérant avait fait l’objet d’une saisie-arrêt exécution par le ministère des Finances belge.

6       Le 30 mars 1999, le Polymeles Protodikeio Athinon (tribunal de grande instance d’Athènes, Grèce) a prononcé un jugement de divorce aux torts de l’ex-épouse du requérant. Aucune disposition visant d’éventuelles provisions en faveur de son ex-épouse n’était prévue à la charge du requérant.

7       Ce jugement a fait l’objet d’un appel et d’une opposition de la part de l’ex-épouse du requérant, qui ont été rejetés, respectivement, le 16 décembre 1999 par l’Efeteio Athinon (cour d’appel d’Athènes) et le 19 octobre 2000 par le Polymeles Protodikeio Athinon.

8       À la suite de la communication, par le requérant, desdits jugements et arrêts, la Commission a suspendu, du mois de février au mois de mai 2001, par mesure de précaution et dans l’attente d’un avis juridique sur la question, les versements mensuels en faveur de l’ex-épouse du requérant, tout en procédant au placement des retenues faites sur la rémunération du requérant sur un compte transitoire.

9       Le 4 mai 2001, le chef de l’unité « Gestion des droits individuels » de la direction B « Droits et obligations ; politique et actions sociales » de la direction générale (DG) « Personnel et administration », tout en exposant le contenu de l’avis rendu par le service juridique, qui confirmait la nécessité de procéder à une signification du jugement de divorce par exploit d’huissier, a invité le requérant à trouver une solution aux questions litigieuses par la voie d’un règlement à l’amiable, à défaut duquel une décision devait être prise quant aux retenues opérées sur sa rémunération et placées sur un compte transitoire.

10     Par note du 17 mai 2001, adressée au requérant en réponse à son courrier du 7 mai 2001 contestant la note du 4 mai 2001, le chef d’unité susmentionné a réinvité le requérant à effectuer la transcription du jugement définitif de la dissolution de son mariage dans les registres de l’état civil belge ainsi qu’à lui signifier ce jugement par exploit d’huissier.

11     Par cette même note, le requérant a été informé que, à compter du mois de juin 2001, les sommes prélevées mensuellement sur son traitement seraient directement versées à son ex-épouse et que les sommes provisoirement déposées sur le compte transitoire seraient débloquées au profit de cette dernière.

12     Par décision du 18 septembre 2002, le chef de l’unité « Rémunérations et liquidation des droits » de la direction B de la DG « Personnel et administration » a informé le requérant que, à la suite de plusieurs réclamations de son ex-épouse et de ses conseils concernant les augmentations de sa « pension alimentaire » et conformément à l’avis du service juridique de la Commission, ces augmentations devaient prendre effet à partir de l’année 1992 à concurrence d’un cinquième des augmentations de la rémunération du requérant.

13     Les 25 et 26 septembre 2002, le requérant et son conseil, respectivement, ont contesté cette mesure d’augmentation rétroactive et ont demandé à la Commission de leur communiquer l’ensemble du courrier à l’origine de ce « nouvel avis », et en particulier les réclamations faites par l’ex-épouse du requérant. Ils ont rappelé, en outre, que le divorce avait été prononcé selon le droit grec et que, par conséquent, le droit belge n’était pas applicable en l’espèce.

14     Par note du 13 mars 2003, le chef de l’unité « Conditions d’emploi, droits et obligations non pécuniaires » de la direction B de la DG « Personnel et administration » a demandé à l’administration communale de Kraainem (Belgique) de modifier l’état civil du requérant, en actant que ce dernier était divorcé depuis le 30 mars 1999. À cet effet, il a annexé les différents arrêts et jugements rendus en Grèce dans le cadre de la procédure de divorce en cause. À la suite de cette note, ladite administration communale a, le 25 mars 2003, communiqué à la Commission la nouvelle composition du ménage du requérant indiquant son état civil de divorcé à la date du 30 mars 1999.

15     Le 24 mars 2003, le requérant, s’adressant au chef de l’unité « Rémunérations, missions, experts et liquidation des droits » de l’Office gestion et liquidation des droits individuels (ci‑après le « PMO »), a attiré l’attention de la Commission sur le fait qu’il n’avait jamais « donné son accord pour une intervention rétroactive […] sur [son] salaire » et qu’aucune suite n’avait été donnée, depuis septembre 2002, à sa demande de lui faire parvenir l’avis du service juridique. En menaçant de « prendre toutes les mesures juridiques à [sa] disposition », s’il n’obtenait pas ledit avis dans les cinq jours ouvrables, le requérant a demandé à la Commission d’arrêter toute intervention sur son salaire.

16     Le 9 avril 2003, le requérant a transmis à la Commission une copie de la décision de l’Areios Pagos (Cour de cassation hellénique) du 7 février 2003 qui rejetait le recours introduit par son ex-épouse, rendant ainsi définitif le jugement du 30 mars 1999.

17     Le 14 avril 2003, le chef de l’unité « Rémunérations, missions, experts et liquidation des droits » du PMO a informé le requérant que l’intégralité du dossier le concernant avait été mise à sa disposition, exception faite des notes préparatoires internes et de l’avis du service juridique. Dans cette lettre, était également rappelée au requérant la nécessité de procéder à la signification par exploit d’huissier du jugement de divorce.

18     Le 30 avril 2003, l’avocat du requérant a demandé au PMO de préciser sur quelle disposition légale il se fondait pour exiger de son client la signification par exploit d’huissier de la transcription de l’acte de divorce ainsi que de l’arrêt de l’Areios Pagos. Par la même lettre, il a mis, en outre, la Commission en demeure de rembourser les prélèvements effectués sur la rémunération de son client depuis le prononcé de l’arrêt de l’Areios Pagos.

19     Le chef de l’unité « Rémunérations, missions, experts » du PMO a indiqué, par lettre du 21 mai 2003, que, conformément au droit belge, qui était applicable en l’espèce pour déterminer les effets du jugement grec de divorce quant aux mesures provisoires ordonnées par le président de la rechtbank van eerste aanleg te Brussel, la Commission, en qualité de tiers débiteur de sommes faisant l’objet d’une délégation, était tenue au respect de ladite ordonnance aussi longtemps que le requérant ne lui avait pas signifié, par exploit d’huissier, le jugement grec.

20     Le 5 juin 2003, la Commission a accusé réception de l’extrait du certificat de divorce du requérant et de la transcription de ce dernier au registre municipal d’Athènes, envoyés par le requérant, et a réitéré l’invitation à lui signifier par exploit d’huissier le jugement de divorce afin de cesser les prélèvements sur son salaire.

21     Par lettre du 11 juin 2003, le conseil du requérant a exhorté le PMO à cesser les paiements en faveur de son ex-épouse, dès lors que celui‑ci avait pris connaissance de l’arrêt de l’Areios Pagos, à tout le moins, depuis la date de son prononcé, à savoir le 12 février 2003. Le 16 juin 2003, le chef de l’unité « Rémunérations, missions, experts » du PMO a répondu à cette lettre, en expliquant de nouveau les raisons pour lesquelles une signification par exploit d’huissier était nécessaire.

22     Par courriers électroniques émis du 11 au 23 juin 2003, des fonctionnaires du service juridique et du PMO ont répété les mêmes explications et ont indiqué au requérant de quelle manière il devait procéder à la signification par exploit d’huissier du jugement de divorce.

23     Le 30 juin 2003, le requérant a introduit une réclamation fondée sur l’article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après le « statut »), enregistrée le 2 juillet 2003 sous la référence R/335/03, par laquelle il demandait à ce que la Commission :

–       cesse immédiatement les prélèvements sur son salaire ;

–       lui transmette les avis juridiques concernant sa situation ;

–       ne l’oblige pas à procéder à la signification de son jugement de divorce ;

–       rembourse les prélèvements qui avaient été faits sur son salaire depuis le 30 mars 1999 au profit de son ex-épouse ainsi que les intérêts sur ces sommes ;

–       paie, au titre de dommages et intérêts, les frais encourus dans le cadre de la présente affaire, à savoir les honoraires d’avocats et les frais de voyage ;

–       paie des dommages et intérêts pour le préjudice moral qu’il avait subi.

24     Le 11 juillet 2003, le directeur du PMO a adressé une lettre au requérant contenant un relevé des notes et des courriers électroniques par lesquels ses services, ainsi que le service juridique de la Commission, l’avaient invité à signifier son « acte de divorce », en lui rappelant les raisons de cette demande. Le 16 juillet 2003, le requérant a contesté cette note.

25     Le 28 novembre 2003, le directeur général de la DG « Personnel et administration », en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a adopté une décision portant rejet de l’intégralité de la réclamation du requérant. Ce dernier en a accusé réception le 4 décembre 2003.

26     Le 12 décembre 2003, le requérant a, par exploit d’huissier, signifié le jugement du Polymeles Protodikeio du 8 mars 1999 et l’arrêt de l’Areios Pagos du 7 février 2003 à l’« Union européenne, anciennement dénommée Communauté européenne, représentée par la Commission européenne ». Le secrétariat général de la Commission en a accusé réception le 5 janvier 2004. Il était ordonné à la Commission :

–       d’arrêter tout paiement en faveur de l’ex-épouse du requérant ;

–       de rembourser au requérant la totalité des paiements et prélèvements qu’elle avait effectués sans titre ni droit sur le montant de sa rémunération depuis la date du prononcé du jugement de divorce par le Polymeles Protodikeio Athinon du 8 mars 1999 ou, à tout le moins, depuis la date de l’arrêt de l’Areios Pagos du 7 février 2003, c’est-à-dire :

–       les prélèvements sur le salaire du requérant effectués par la Commission de février 2003 à novembre 2003, soit 2 245,16 euros x 10 mois = 22 451,60 euros ;

–       le prélèvement de 7 391,70 euros versés par la Commission pour de prétendus arriérés d’indexation de pension alimentaire en faveur de l’ex-épouse du requérant.

27     Par courrier du 26 janvier 2004, le directeur du PMO a informé l’huissier de justice qu’il avait été donné suite au jugement et à l’arrêt signifiés, en ce qu’il avait été mis fin à tout paiement à charge du requérant et en faveur de son ex-épouse avec effet au 5 janvier 2004, date à laquelle ces jugements ont été signifiés à la Commission. Dans cette lettre, le directeur du PMO conteste, cependant, la demande de remboursement au requérant de certaines sommes, puisque, selon lui, la Commission n’a à aucun moment agi sans titre ni droit, contrairement à ce qui est énoncé par l’exploit d’huissier.

 Procédure et conclusions des parties

28     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 mars 2004, le requérant a introduit le présent recours.

29     Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, le Tribunal a invité les parties à répondre par écrit à des questions. Les parties ont déféré à cette demande dans le délai imparti.

30     Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 6 octobre 2005.

31     À l’audience, le requérant a produit deux documents qu’il a demandé de verser au dossier. La Commission n’ayant pas soulevé d’objections à cet égard, le Tribunal a décidé de verser les documents en question au dossier.

32     Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       annuler la décision de l’AIPN du 28 novembre 2003 portant rejet de sa réclamation ;

–       condamner la Commission à lui rembourser la totalité des paiements et prélèvements, majorés des intérêts légaux au taux de 7 %, qu’elle a effectués, sans titre ni droit, sur sa rémunération depuis le jugement du Polymeles Protodikeio Athinon du 8 mars 1999 ou, à tout le moins, depuis l’arrêt de l’Areios Pagos du 7 février 2003, y compris l’indexation de la provision alimentaire décidée le 18 septembre 2002 ;

–       condamner la Commission à lui payer un montant correspondant à 20 % de la somme susvisée à titre de dommages et intérêts moraux, pécuniaires et patrimoniaux ;

–       condamner la Commission au remboursement des frais de la procédure de signification par huissier de justice et des frais de traduction des jugements grecs en langue française, soit 1 500 euros, ainsi que des frais de défense ;

–       condamner la Commission au paiement des frais de la présente procédure et des dépens.

33     La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–       rejeter le recours comme non fondé ;

–       statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

 Sur la demande en annulation

34     À titre liminaire, il y a lieu de relever, tout d’abord, que, dans la mesure où la demande en annulation formulée dans le cadre du présent recours vise la décision de la Commission du 28 novembre 2003 rejetant la réclamation, elle a néanmoins pour effet, conformément à une jurisprudence constante, de saisir le Tribunal de l’acte faisant grief contre lequel la réclamation a été présentée (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 11 mai 2000, Pipeaux/Parlement, T‑34/99, RecFP p. I-A-79 et II-337, point 14), à savoir, en substance, la décision de la Commission selon laquelle il convenait de continuer à opérer les retenues sur le salaire du requérant (ci-après la « décision attaquée).

35     À l’appui de ses conclusions en annulation, le requérant invoque, en substance, trois moyens. Le premier moyen est tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise la Commission en ne faisant pas droit à la réclamation du requérant et en continuant à procéder aux retenues sur son salaire jusqu’à la signification par celui-ci du jugement de divorce, ainsi que de la violation du règlement (CE) n° 1347/2000 du Conseil, du 29 mai 2000, relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale des enfants communs (JO L 160, p. 19). Le deuxième moyen est tiré de la violation des droits de la défense, notamment du droit d’accès au dossier personnel, et d’un manque de transparence, en ce que la Commission n’aurait pas mis à la disposition du requérant les avis du service juridique le concernant. Le troisième moyen est tiré d’un défaut de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur de droit qu’aurait commise la Commission en ne faisant pas fait droit à la réclamation du requérant et en continuant à procéder aux retenues sur son salaire jusqu’à la signification par celui-ci du jugement de divorce, ainsi que de la violation du règlement n° 1347/2000

–       Arguments des parties

36     Le requérant reproche à la Commission de lui avoir imposé, sans aucune base juridique et en dehors de procédures prévues par le statut, la signification de la transcription au registre de la population belge du divorce prononcé en Grèce par le jugement du 30 mars 1999 du Polymeles Protodikeio Athinon, confirmé ensuite par le même tribunal, par l’Efeteio Athinon ainsi que par l’arrêt de l’Areios Pagos du 7 février 2003, alors que, sur base de la connaissance de ces jugements et arrêts, la Commission avait demandé aux autorités compétentes belges de modifier l’état civil du requérant, pour cause de divorce, depuis le 30 mars 1999 et avait, en vertu de l’article 72 du statut, arrêté la couverture contre les risques de maladie de son ex-épouse, considérant ainsi le divorce prononcé par le Polymeles Protodikeio Athinon comme définitif.

37     Au surplus, selon la jurisprudence de la Cour de cassation belge, aucune procédure ne serait exigée pour la mise à jour des actes d’état civil d’un État membre à la suite d’une décision définitive rendue dans un autre État membre en matière de divorce. Ceci serait corroboré par l’article 21 du règlement n° 1347/2000, qui pose le principe de reconnaissance de plein droit de la décision rendue dans un État membre sans qu’il soit nécessaire de recourir à une autre procédure dans un autre État membre de l’Union européenne.

38     Selon le requérant, il serait clair que, en vertu du droit belge, son ex-épouse a obtenu une « provision alimentaire » pendant la procédure de divorce, en vertu de l’exécution du devoir de secours entre époux établi par l’article 213 du code civil belge, qui est d’ordre public et qui est applicable tant aux ressortissants belges qu’aux étrangers résidant sur le territoire belge. À cet égard, le requérant souligne que la « provision alimentaire » a une nature différente de la « pension alimentaire » et prend fin de plein droit à compter du jour du prononcé du divorce. Il s’ensuivrait que, à compter du jour où le jugement de divorce du Polymeles Protodikeio Athinon est devenu définitif, le requérant n’avait plus aucune obligation financière vis-à-vis de son ex-épouse. Il souligne, en outre, que l’ordonnance du 4 octobre 1991 n’a octroyé à son ex-épouse qu’une « délégation de salaire », de sorte que la Commission n’avait pas la qualité de « tiers saisi » mais de « délégateur », en tant qu’employeur du requérant.

39     Le requérant fait valoir, également, que l’arrêt du hof van beroep te Brussel du 14 janvier 1994 constitue l’unique fondement juridique permettant à son ex-épouse de faire prélever une partie de son salaire. Seule la signification de cet arrêt pouvait, selon lui, fonder le droit de son ex-épouse de se prévaloir d’une provision alimentaire. Par ailleurs, ledit arrêt limiterait dans le temps l’application de la créance de l’ex-épouse du requérant au titre de l’assistance provisoire financière entre époux pendant la procédure de divorce introduite devant les tribunaux grecs. Il ne constituerait dès lors, en aucun cas, un titre de « pension alimentaire » après le divorce prononcé le 30 mars 1999 par le Polymeles Protodikeio Athinon aux torts de l’ex-épouse du requérant. Ce jugement aurait été communiqué par le requérant à la Commission à plusieurs reprises et, en particulier, le 4 août 1997, dans le cadre d’une procédure qui a donné lieu à l’ordonnance du juge des saisies du tribunal de première instance de Bruxelles du 24 juillet 1997.

40     En outre, ce serait à tort que la Commission aurait décidé, sans l’accord préalable du requérant, de revenir sur ses décisions antérieures, en considérant qu’il y avait lieu de payer « une provision alimentaire pendant la procédure de divorce » après la date du jugement de divorce par le Polymeles Protodikeio Athinon, alors qu’aucun titre judiciaire exécutoire n’existait après cette date. Cette pratique de la Commission serait contraire aux intérêts financiers de l’institution et au principe de bonne administration.

41     La Commission aurait, par ailleurs, omis de demander à l’ex-épouse du requérant de prouver qu’elle n’était pas encore divorcée et qu’elle disposait d’un titre judiciaire en sa faveur, après le jugement de divorce prononcé à ses torts par le Polymeles Protodikeio Athinon et confirmé ensuite en appel et en cassation.

42     Le requérant fait grief à la Commission d’avoir méconnu les effets de la dissolution du mariage en vertu du jugement grec et du droit grec, qui serait le seul applicable à la procédure de divorce. En tout état de cause, la Commission aurait fait une application erronée du droit belge. En effet, aux termes de l’article 1278 du code judiciaire belge, les effets du divorce ne se produiraient pas à la date de la transcription du jugement de divorce mais à la date où ce jugement est passé en force de chose jugée.

43     Ainsi, selon le requérant, en versant à son ex-épouse après le divorce les sommes bloquées, prélevées sur son salaire, l’AIPN aurait pris une décision unilatérale contraire non seulement à son refus, mais aussi à la décision de l’officier de l’état civil de Kraainem, qui avait entre‑temps acté le divorce dans les registres belges.

44     La Commission aurait également procédé d’office, après le divorce, à une indexation du montant de la provision alimentaire prévue pour la période de procédure de divorce, sans obtenir l’accord du requérant et surtout sans prendre en compte la prescription quinquennale prévue par l’article 2277 du code civil belge. Ce montant aurait été calculé sur la base d’informations non confirmées par un titre judiciaire et aurait été arrêté en contradiction avec les décisions prises antérieurement par les autres services de la Commission qui avaient traité le dossier.

45     Le requérant soutient, en outre, avoir fait l’objet d’une discrimination par la Commission, en ce qu’il aurait été le seul à qui une procédure de signification par exploit d’huissier de documents, dont la Commission avait déjà pris possession, a été imposée. De surcroît, l’AIPN aurait agi contrairement à la pratique constante des autres départements de la Commission en charge des dossiers personnels et de l’assurance maladie. Ces services se seraient bornés, en effet, à accepter la transmission par le fonctionnaire lui‑même de pièces probantes sans autre procédure.

46     Quant à la signification du 6 novembre 1992, envoyée par l’huissier de justice à l’attention de la « Communauté économique européenne », le requérant estime que cette dernière ne peut être considérée comme l’employeur du requérant, puisqu’il est sous contrat avec la Commission. Cela impliquerait que ladite signification, qui a servi de base aux retenues sur son salaire, était irrégulière et lui était inopposable. Cette signification, à l’instar de celle du 12 décembre 2003, n’aurait pas non plus été faite conformément « aux dispositions du protocole conclu entre l’État belge et les institutions européennes ».

47     La Commission conteste l’ensemble des griefs soulevés par le requérant et conclut au rejet de ce moyen comme étant non fondé.

 Appréciation du Tribunal

48     Il y a lieu de rappeler, en premier lieu, que toute institution communautaire est tenue, en vertu du devoir de coopération loyale qui lui incombe avec les instances judiciaires nationales, d’apporter une réponse à des demandes comme celle qui se trouve à l’origine du présent litige, à savoir la demande d’exécution de l’ordonnance du 4 octobre 1991 (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 29 mars 1995, Hogan/Cour de justice, T‑497/93, Rec. p. II‑703, point 37, et ordonnance du Tribunal du 29 septembre 2004, Lucaccioni/Commission, T‑394/02, non encore publiée au Recueil, point 77).

49     Il y lieu de constater, en deuxième lieu, que ladite ordonnance, qui prévoit des mesures provisoires dans le cadre d’une procédure de divorce, est issue de relations juridiques privées entre le requérant et son ex-épouse. Pour ces relations, notamment pour ce qui est du respect de leurs obligations privées, conformément à l’article 23, premier alinéa, du statut, les fonctionnaires communautaires sont entièrement soumis, comme n’importe quel autre particulier, au droit national applicable indépendamment de l’existence de certains privilèges et immunités en vertu du protocole sur les privilèges et immunités des Communautés européennes du 8 avril 1965 (voir, en ce sens, arrêt Hogan/Cour de justice, point 48 supra, points 38 et 60, et ordonnance Lucaccioni/Commission, point 48 supra, point 73).

50     Ainsi, dans une procédure telle que celle de l’espèce, l’institution communautaire n’est concernée qu’en tant que tiers, c’est-à-dire en tant qu’employeur, et non pas en qualité de partie à un litige entre un de ses fonctionnaires et un autre particulier (voir, en ce sens, arrêt Hogan/Cour de justice, point 48 supra, point 39, et ordonnance Lucaccioni/Commission, point 48 supra, point 74).

51     Or, dans le cas d’espèce, il y a lieu de relever que la question qui se pose ne porte pas sur la simple reconnaissance du fait que le requérant est divorcé depuis une certaine date, ce que d’ailleurs la Commission n’a jamais contesté, mais sur l’opposabilité du jugement national prononçant le divorce à celle-ci. La question porte, en particulier, sur la légalité de la décision de la Commission de continuer à opérer des retenues sur la rémunération du requérant et de les verser, à titre de provision alimentaire, à son ex-épouse, à la suite de la signification par huissier de justice de l’ordonnance du 4 octobre 1991, malgré le fait qu’elle ait pris connaissance entre-temps du jugement de divorce prononcé en Grèce.

52     Afin d’établir si, comme le prétend le requérant, la Commission a commis une erreur de droit, il y a lieu de déterminer, dès lors, les effets du jugement grec de divorce entre le requérant et son ex-épouse quant aux mesures provisoires ordonnées en Belgique pendant la procédure de divorce, entamée et terminée en Grèce. Il est constant entre parties que, en ce qui concerne ces mesures provisoires, c’est le droit belge qui s’applique.

53     Il y a lieu de relever, à cet égard, que l’article 1280 du code judiciaire belge est libellé comme suit : 

« Le président du tribunal ou le juge qui en exerce les fonctions statuant en référé connaît jusqu’à la dissolution du mariage à la demande soit des parties ou de l’une d’elles, soit du procureur du Roi, en tout état de cause, des mesures provisoires relatives à la personne, aux aliments et aux biens, tant des parties que des enfants […] Le président du tribunal ou le juge qui en exerce les fonctions peut exercer les mêmes pouvoirs que ceux conférés au juge de paix par l’article 221 du code civil. En ce cas, son ordonnance est opposable à tous tiers débiteurs actuels ou futurs sur la signification qui leur en est faite par ministère d’huissier de justice, à la requête d’une des parties. Lorsqu’elle cesse de produire ses effets, les tiers débiteurs en sont informés par la même voie, à la requête de la partie la plus diligente […]».

54     Il y a également lieu de rappeler que, aux termes de l’article 221 du code civil belge : 

« Chacun des époux contribue aux charges du mariage selon ses facultés. À défaut par l’un des époux de satisfaire à cette obligation, l’autre époux peut, sans préjudice des droits des tiers, se faire autoriser par le juge de paix à percevoir, à l’exclusion de son conjoint, dans les conditions et les limites que le jugement fixe, les revenus de celui-ci ou ceux des biens qu’il administre en vertu de leur régime matrimonial, ainsi que toutes autres sommes qui lui sont dues par des tiers […] »

55     Il résulte, dès lors, du libellé de ces dispositions que, lorsque, comme dans le cas d’espèce, le président du tribunal belge compétent prononce des mesures provisoires dans le cadre d’une procédure de divorce, en vertu de l’article 1280 du code judiciaire belge, ces mesures ne sont opposables au tiers débiteur qu’en vertu de la signification qui lui en est faite par ministère d’huissier de justice, à la requête d’une des parties. Il en est de même lorsque ces mesures cessent de produire leurs effets, par exemple, comme en l’espèce, en cas de dissolution du mariage.

56     Il y a donc lieu de relever qu’un jugement de divorce, indépendamment de l’organisation judiciaire nationale dont relève la juridiction qui le prononce, n’a nullement pour effet de mettre fin automatiquement aux mesures provisoires arrêtées par le juge statuant en référé, au titre de l’article 1280 du code judiciaire belge. Il est encore nécessaire que ce jugement soit signifié par exploit d’huissier au tiers débiteur afin que celui-ci puisse, notamment, se considérer libéré de son obligation d’opérer les retenues sur le salaire d’un conjoint au profit de l’autre conjoint. En effet, le texte de cet article précise que, lorsque l’ordonnance cesse de produire ses effets, les tiers débiteurs en sont également informés par voie de signification par huissier. Ceci est conforme, par ailleurs, à l’exigence de parallélisme des formes, qui suppose que la forme imposée pour porter un acte à la connaissance d’un tiers soit également retenue pour toutes les modifications ultérieures dudit acte.

57     Il ressort du dossier que le requérant a, le 12 décembre 2003, fait signifier par exploit d’huissier le jugement du Polymeles Protodikeio Athinon du 8 mars 1999 et l’arrêt de l’Areios Pagos du 7 février 2003. Dès lors, c’est seulement à partir de cette date que la Commission, en conformité avec l’article 1280 du code judiciaire belge ainsi que du principe de parallélisme des formes, pouvait cesser les retenues sur le salaire du requérant au profit de son ex-épouse. Le fait que l’officier d’état civil de Kraainem ait acté le divorce du requérant et que la Commission ait eu une « connaissance factuelle » du jugement de divorce rendu en Grèce ne pouvait décharger le requérant de son devoir de signifier ledit jugement par exploit d’huissier, conformément audit article 1280.

58     En l’absence d’un privilège ou d’une immunité applicable en l’espèce et compte tenu de l’article 23 du statut, c’est, dès lors, à juste titre, que la Commission a considéré qu’elle était tenue d’exécuter l’ordonnance du 4 octobre 1991, qui lui a été signifiée par exploit d’huissier le 6 novembre 1992, de la même manière que tout autre employeur établi sur le territoire belge et ceci indépendamment de tout accord préalable de la part du débiteur. La Commission s’est, à cet égard, limitée à faire application de la législation belge et n’a pas discriminé le requérant.

59     Par ailleurs, il suffit de constater que le requérant procède par simple affirmation et demeure incapable d’établir ou, à tout le moins, de présenter des éléments de nature à démontrer qu’il a fait l’objet d’une discrimination, en ce qu’il aurait été le seul à qui une signification par exploit d’huissier de documents, dont la Commission disposait déjà, a été imposée.

60     La conclusion exposée au point 58 ci-dessus ne saurait être infirmée par l’argument du requérant selon lequel, en vertu du règlement n° 1347/2000 et de la jurisprudence belge, la Commission ne pouvait pas exiger la signification par exploit d’huissier du jugement du Polymeles Protodikeio Athinon du 8 mars 1999, confirmé par l’arrêt de l’Areios Pagos du 7 février 2003, afin de pouvoir mettre fin aux retenues sur son salaire. À cet égard, il convient de noter que, même en admettant que le règlement n° 1347/2000 soit applicable en l’espèce, conformément à la thèse défendue par le requérant, celui-ci n’a aucun intérêt à invoquer sa violation.

61     En effet, l’article 14, paragraphe 1, dudit règlement, qui énonce une règle de reconnaissance de plein droit d’une décision rendue dans un autre État membre « sans qu’il soit nécessaire de recourir à aucune procédure », n’apporte guère de réelle nouveauté dans l’ordre juridique belge. À cet égard, il est constant entre les parties que, selon les règles de droit international privé belges relatives à la reconnaissance et à l’exécution des décisions judiciaires, il est admis de longue date que les jugements régulièrement rendus par un tribunal étranger, concernant l’état des personnes, même de nationalité belge, produisent leurs effets en Belgique indépendamment de toute déclaration d’exequatur.

62     Même s’il devait être considéré que l’article 14, paragraphe 1, du règlement n° 1347/2000 implique, en l’espèce, que le jugement grec de divorce a en Belgique les mêmes effets qu’un jugement belge, il ne pourrait en être conclu, pour les raisons exposées aux points 55 et 56 ci‑dessus, que cela aurait permis à la Commission de s’acquitter de son obligation et cesser automatiquement les prélèvements en faveur de l’ex-épouse du requérant, en l’absence d’une signification par exploit d’huissier conformément à la prescription de l’article 1280 du code judiciaire belge.

63     Le requérant ne saurait, en outre, valablement prétendre que la Commission l’a obligé à procéder à la signification de documents déjà en sa possession, en vertu de procédures non prévues par le statut. Cet argument est dépourvu de pertinence, dans la mesure où, ainsi qu’il a déjà été exposé ci-dessus, l’obligation pour le requérant de verser une provision alimentaire, contenue dans l’ordonnance du 4 octobre 1991, est issue de relations juridiques privées entre celui‑ci et un autre particulier, à savoir son ex-épouse. Cette procédure de droit privé n’est pas régie par le statut, mais par les dispositions du droit belge en la matière (voir, en ce sens, arrêt Hogan/Cour de justice, point 48 supra, point 60, et ordonnance du Tribunal du 15 juillet 2003, Barbé/Parlement, T‑371/02, RecFP p. I‑A‑183 et II‑919, point 36).

64     Cette conclusion n’est pas davantage infirmée par l’argument du requérant selon lequel, dans sa pratique, la Commission, pour ce qui est, en particulier, des services en charge des dossiers personnels et de l’assurance maladie, se serait limitée à exiger du fonctionnaire la seule transmission, sans autres procédures, de pièces probantes, raison pour laquelle la Commission a, dans le cadre de l’application de l’article 72 du statut, cessé de couvrir l’ex-épouse du requérant contre les risques de maladie à la suite du prononcé du divorce. En effet, contrairement à la procédure en cause, régie par le droit belge, les questions relevant de la sécurité sociale ainsi que de la couverture des risques de maladie sont régies par le statut, qui n’exige pas de signification du jugement.

65     De plus, s’agissant de l’allégation selon laquelle les retenues opérées par la Commission en l’espèce seraient contraires à ses intérêts financiers, il y a lieu de constater, ainsi que le rappelle à juste titre la défenderesse, que la pratique d’une délégation de sommes ne comporte aucune atteinte à l’exécution du budget de la Commission et n’affecte pas les flux financiers régis par les dispositions budgétaires communautaires ni les différentes prérogatives des institutions en matière budgétaire qui font l’objet de ces dispositions (voir, en ce sens, arrêt Hogan/Cour de justice, point 48 supra, point 70). En effet, les sommes versées par la Commission à l’ex‑épouse du requérant ont été déduites du montant qu’elle devait verser à ce dernier à titre de rémunération.

66     Le requérant prétend également que la décision de la Commission de continuer à payer la provision alimentaire, après le jugement de divorce rendu par le Polymeles Protodikeio Athinon le 8 mars 1999, est contraire au principe de bonne administration.

67     Or, il ressort du dossier que la Commission a, afin de déterminer la ligne de conduite à adopter, procédé, dès qu’elle a eu connaissance des décisions prises par les juridictions grecques, à la consultation d’un spécialiste de la matière ainsi que de son service juridique, et a suspendu les versements en faveur de l’ex-épouse du requérant, tout en versant les sommes retenues sur un compte transitoire. Il ressort également du dossier que la Commission a, une fois les avis juridiques obtenus, d’une part, vainement incité les parties à parvenir à un règlement à l’amiable et, d’autre part, informé le requérant à maintes reprises, du 4 mai 2001 jusqu’à juin 2003, que, afin de faire cesser les versements en faveur de son ex-épouse, il devait signifier par exploit d’huissier le jugement de divorce, conformément à l’article 1280 du code judiciaire belge. Il ne peut, dès lors, être reproché à la Commission d’avoir méconnu le principe de bonne administration.

68     Quant à l’argument, soulevé par le requérant dans la réplique, selon lequel la signification de l’ordonnance du 4 octobre 1991, effectuée par exploit d’huissier le 6 novembre 1992, a été irrégulière, en ce qu’elle était adressée à l’attention de la « Communauté économique européenne » et non à la Commission, qui est son employeur, il y a lieu de relever que cet argument est irrecevable, le requérant ne pouvant remettre en cause dans le cadre du présent litige la régularité d’une signification effectuée en Belgique treize ans plus tôt, suivant les règles de procédure civile belge. Au demeurant, une telle irrégularité ne saurait avoir aucune conséquence sur la légalité de la décision attaquée. En toute hypothèse, à supposer même que ce grief soit considéré comme étant pertinent, il y a lieu de constater qu’il est dénué de fondement, dès lors que, comme le souligne à juste titre la Commission, la Communauté européenne est dotée de la personnalité juridique en vertu de l’article 281 CE et possède, aux termes de l’article 282 CE, la capacité juridique la plus large reconnue aux personnes morales par les législations nationales dans chacun des États membres et est représentée, à cet effet, par la Commission. Il convient, en outre, de rappeler que, aux termes du statut, les fonctionnaires sont des fonctionnaires des Communautés européennes, et non uniquement de l’une des institutions des Communautés européennes.

69     En ce qui concerne l’allégation du requérant tendant à faire valoir que ladite signification n’a pas été faite en conformité avec les « dispositions du protocole conclu entre l’état belge et les institutions européennes », il suffit de relever qu’elle revêt un caractère si imprécis que le Tribunal n’est pas en mesure de l’apprécier et qu’elle est, dès lors, également irrecevable, en application de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal. Il y a, en outre, lieu de relever que, malgré la réponse fournie par le requérant à la question écrite qui lui a été posée lors de la procédure sur le point de savoir à quelles dispositions ainsi qu’à quel protocole il faisait référence, le Tribunal demeure incapable d’apprécier le bien-fondé de ladite allégation.

70     Enfin, quant à l’argument du requérant visant à critiquer l’augmentation rétroactive de la provision alimentaire, sans tenir compte de la prescription quinquennale prévue par l’article 2277 du code civil belge, il y a lieu d’observer, ainsi que le relève à juste titre la défenderesse, que, aux termes de l’article 2253 du code civil belge, la prescription ne court point entre époux.

71     Il y a lieu, dès lors, de considérer que, en l’espèce, la prescription quinquennale des arrérages des pensions alimentaires, prévue à l’article 2277 du code civil belge, ne courait pas entre le requérant et son ex-épouse tant qu’ils étaient considérés comme étant mariés.

72     À cet égard, l’article 1278, premier alinéa, du code judiciaire belge fixe au jour où le jugement ou l’arrêt prononçant le divorce acquiert force de chose jugée les effets de cette décision à l’égard de la personne des époux. Dans la mesure où la prescription est suspendue entre époux, il s’ensuit que cette suspension cesse de produire ses effets dès que la décision qui prononce le divorce a acquis force de chose jugée.

73     Il convient de rappeler que le jugement du Polymeles Protodikeio Athinon du 8 mars 1999, prononçant le divorce entre le requérant et son ex‑épouse, a fait l’objet d’un pourvoi qui a été rejeté par l’Efeteio Athinon le 16 septembre 1999, ainsi que d’une opposition rejetée par le Polymeles Protodikeio Athinon le 19 octobre 2000. Le 7 février 2003 est intervenu l’arrêt de l’Areios Pagos qui a rejeté le pourvoi introduit contre l’arrêt de l’Efeteio Athinon. Il y a lieu de constater que, ainsi qu’il ressort des réponses fournies par les parties à une question écrite posée par le Tribunal lors de la procédure, les positions de celles-ci divergent quant à la date à laquelle le divorce est devenu définitif selon le droit grec.

74     Or, sans qu’il soit besoin de trancher cette question juridique, il suffit de relever que, même à supposer que le jugement prononçant le divorce ait acquis force de chose jugée au moment de son prononcé, à savoir le 30 mars 1999, comme le requérant l’a rappelé lors de l’audience, il n’en demeure pas moins qu’au 18 septembre 2002, date à laquelle la Commission a décidé de payer les arrérages de provision alimentaire correspondant aux versements du cinquième de l’augmentation du salaire du requérant, ce paiement n’était pas encore prescrit en vertu dudit article 2277 du code civil belge. Il s’ensuit que la Commission a effectué à juste titre le paiement des arriérés de provision alimentaire redevables à partir de 1992, année à laquelle le requérant a eu une première augmentation de rémunération depuis l’ordonnance du 4 octobre 1991.

75     Eu égard à ce qui précède, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation des droits de la défense, en particulier du droit d’accès au dossier personnel, ainsi que d’un manque de transparence

–       Arguments des parties

76     Selon le requérant, c’est à tort que la Commission ne lui a pas communiqué les avis du service juridique concernant son dossier personnel. Le fait qu’il s’agit d’« actes internes adressés à l’administration » ne pourrait justifier le refus de mettre à la disposition du fonctionnaire des documents le concernant exclusivement et affectant sa rémunération.

77     Le requérant soutient, en outre, que l’avis juridique sur lequel la Commission s’est fondée pour prendre sa décision a été considéré comme un acte préparatoire des avis juridiques dans le cadre d’une procédure en matière de concurrence, ce qui ne serait pas le cas en l’espèce.

78     La Commission réfute ces arguments et soutient que le moyen n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

79     Il convient de rappeler, tout d’abord, que, selon l’article 26 du statut, le dossier individuel du fonctionnaire doit contenir « a) toutes pièces intéressant sa situation administrative et tous rapports concernant sa compétence, son rendement ou son comportement » et « b) les observations formulées par le fonctionnaire à l’égard desdites pièces ». Ledit article indique également que « l’institution ne peut opposer à un fonctionnaire ni alléguer contre lui des pièces visées au point a), si elles ne lui ont pas été communiquées avant classement ».

80     Il ressort d’une jurisprudence bien établie que la finalité de l’article 26 du statut est d’assurer le respect des droits de la défense du fonctionnaire, en évitant que des décisions prises par l’AIPN et affectant sa situation administrative et sa carrière ne soient fondées sur des faits concernant son comportement, non mentionnés dans son dossier personnel (arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Ojha/Commission, C‑294/95 P, Rec. p. I‑5863, point 57 ; arrêts du Tribunal du 6 mars 2001, Ojha/Commission, T‑77/99, RecFP p. I‑A‑61 et II‑293, point 56, et du 30 septembre 2003, Kenny/Cour de justice, T‑302/02, RecFP p. I‑A‑235 et II‑1137, point 32).

81     L’expression « situation administrative » englobe non seulement les principaux événements de la carrière du fonctionnaire que sont le recrutement, les positions d’activité, de détachement, de réaffectation, de congé de convenance personnelle, de disponibilité, de congé pour services militaires, les exercices de notation, les avancements d’échelon et les promotions, la cessation définitive des fonctions, mais également d’autres événements concernant certains droits reconnus par le statut ou par les dispositions sur les privilèges et immunités des fonctionnaires (arrêts du Tribunal du 6 mars 2001, Ojha/Commission, point 80 supra, point 58, et du 4 mai 2005, Schmit/Commission, T‑144/03, non encore publié au Recueil, point 134).

82     En l’espèce, les documents en cause sont des avis d’un spécialiste de droit international privé et du service juridique de la Commission relatifs à l’exécution des mesures provisoires ordonnées par le juge belge ainsi qu’à la reconnaissance et à l’exécution du jugement du Polymeles Protodikeio Athinon qui a prononcé le divorce.

83     Il est évident, ainsi que le souligne à juste titre la défenderesse, que ces avis n’ont aucunement trait aux principaux événements de la carrière du requérant ou à d’autres événements concernant certains droits reconnus par le statut ou par les dispositions sur les privilèges et immunités des fonctionnaires. Ces avis ne peuvent pas non plus être considérés comme des rapports concernant la compétence, le rendement ou le comportement du requérant.

84     Il s’ensuit que, dans des circonstances telles que celles de l’espèce, le fait que les avis juridiques en cause n’ont pas été communiqués au requérant ne constitue nullement une violation de ses droits de la défense.

85     En tout état de cause, il ressort du dossier que le requérant a été informé du contenu essentiel desdits avis, notamment dans les lettres que la défenderesse lui a envoyées le 4 mai 2001 et le 18 septembre 2002.

86     En ce qui concerne, en outre, l’argument relatif au manque de transparence, simplement évoqué par le requérant dans sa requête, il doit être examiné, ainsi que le propose la défenderesse, sous l’angle des règles relatives à l’accès aux documents, par lesquelles la notion de transparence se traduit dans le droit communautaire (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 14 juillet 2005, Le Voci/Conseil, T‑371/03, non encore publié au Recueil, point 120).

87     L’article 255, paragraphe 1, CE, aux termes duquel « [t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre a un droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission, sous réserve des principes et des conditions […] fixés conformément aux paragraphes 2 et 3 », et le règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), qui a été adopté sur la base de l’article 255, paragraphe 2, CE afin de déterminer les principes généraux qui régissent l’exercice de ce droit d’accès aux documents, constituent des normes de caractère général qui s’appliquent à tous les citoyens de l’Union européenne et, contrairement à ce que prétend le requérant, à tous les domaines d’activité de l’Union, et non pas seulement au domaine de la concurrence. Ces textes eux-mêmes prévoient des limites au droit d’accès aux documents des institutions concernées, notamment pour des raisons d’intérêt public (voir, en ce sens, arrêt Le Voci/Conseil, point 86 supra, point 121).

88     En particulier, en vertu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième tiret, du règlement n° 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document lorsque sa divulgation risque de porter atteinte à la protection des procédures juridictionnelles et des avis juridiques, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie cette divulgation.

89     Il ressort de la jurisprudence que toute exception au droit d’accès aux documents des institutions relevant du règlement n° 1049/2001 doit être interprétée et appliquée strictement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, non encore publié au Recueil, point 106 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 6 mars 2003, Interporc/Commission, C‑41/00 P, Rec. p. I‑2125, point 48).

90     Il ressort également d’une jurisprudence bien établie que, lorsqu’une institution refuse un accès aux documents, elle est tenue d’apprécier, dans chaque cas d’espèce, sur la base des éléments dont elle dispose, que les documents dont la divulgation est demandée relèvent effectivement des exceptions énumérées dans le règlement n° 1049/2001 (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 11 janvier 2000, Pays‑Bas et van der Wal/Commission, C‑174/98 P et C‑189/98 P, Rec. p. I‑1, point 24 ; arrêts du Tribunal du 12 octobre 2000, JT’s Corporation/Commission, T‑123/99, Rec. p. II‑3269, points 44 à 48, et Verein für Konsumenteninformation/Commission, point 89 supra, point 68).

91     En l’espèce, il convient de relever que la circonstance selon laquelle les documents en cause sont des avis juridiques ne saurait à elle seule, contrairement à ce que soutient la défenderesse, justifier l’application de ladite exception.

92     Une telle application ne saurait, en principe, être justifiée que dans l’hypothèse où l’institution a préalablement apprécié, premièrement, si l’accès au document aurait porté concrètement et effectivement atteinte à un intérêt protégé et, deuxièmement, dans les hypothèses visées à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, s’il n’existait pas un intérêt public supérieur justifiant la divulgation du document visé. Le risque d’atteinte à un intérêt protégé doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique. Par conséquent, l’examen auquel doit procéder l’institution afin d’appliquer une exception doit être effectué de façon concrète et doit ressortir des motifs de la décision se prononçant sur la demande d’accès (arrêt Verein für Konsumenteninformation/Commission, point 89 supra, point 69).

93     À cet égard, il y a lieu de relever que, dans la décision portant rejet de la réclamation du requérant, l’AIPN s’est bornée à préciser que les avis juridiques concernant le requérant sont « des actes internes adressés à l’administration afin qu’elle puisse prendre une décision motivée qui soit juridiquement correcte et […] n’ont aucune conséquence sur la situation subjective du fonctionnaire qui est visé par la décision finale ». Aucune mention n’a été faite à l’intérêt public auquel il pourrait être porté atteinte en cas de divulgation de ces avis.

94     Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que la Commission a préalablement apprécié, dès lors qu’il n’était pas manifeste que l’accès devait être refusé, si la divulgation des avis juridiques concernant le requérant était susceptible de porter effectivement atteinte à un intérêt protégé. Au demeurant, le fait que la Commission a divulgué une partie du contenu et les conclusions de ces avis dans la correspondance adressée au requérant a, en substance, privé l’exception de sa finalité.

95     Or, s’il est vrai que la Commission a partiellement méconnu le droit d’accès au dossier du requérant, en ce qu’elle n’a pas donné accès aux avis juridiques, cette méconnaissance n’est pas, toutefois, de nature à affecter la légalité de la décision attaquée. En effet, le refus de divulguer les avis juridiques n’a pas nui à la défense du requérant, dès lors que le contenu essentiel de ces avis lui avait été communiqué à maintes reprises par la Commission. En particulier, dans sa note du 18 septembre 2002, elle cite un extrait qui représente l’essentiel de l’avis de son service juridique, notamment quant à la motivation de la décision d’augmenter la provision alimentaire en faveur de l’ex-épouse du requérant et de lui verser les arriérés. D’ailleurs, le requérant a, à plusieurs occasions, pris position sur les avis en question et contesté leurs conclusions.

96     Au vu de ce qui précède, il convient de constater que le requérant n’a démontré ni une violation des droits de la défense ni un manque de transparence susceptible d’affecter la légalité de la décision attaquée.

97     Dans ces circonstances, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

–       Arguments des parties

98     Le requérant soutient que l’AIPN n’a motivé ni l’indexation rétroactive de la provision alimentaire, ni le paiement d’un arriéré de onze ans, en faveur de son ex-épouse.

99     La Commission conteste avoir manqué à l’obligation de motivation qui lui incombe et soutient que le moyen n’est pas fondé.

–       Appréciation du Tribunal

100   Il convient de relever que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motivation prescrite par l’article 25, deuxième alinéa, du statut, qui ne constitue que la reprise de l’obligation générale édictée à l’article 253 CE, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte (arrêts de la Cour du 26 novembre 1981, Michel/Parlement, 195/80, Rec. p. 2861, point 22, et du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, point 39 ; arrêt du Tribunal du 20 mars 1991, Pérez-Minguez Casariego/Commission, T‑1/90, Rec. p. II‑143, point 73).

101   Il ressort également de la jurisprudence que l’étendue de l’obligation de motivation doit, dans chaque cas, être appréciée non seulement en considération de la décision attaquée, mais aussi en fonction des circonstances concrètes entourant ladite décision (arrêts de la Cour du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447, point 36, et du 13 décembre 1989, Prelle/Commission, C‑169/88, Rec. p. 4335, point 9 ; arrêts du Tribunal du 15 février 1996, Ryan‑Sheridan/FEACVT, T‑589/93, RecFP p. I‑A‑27 et II‑77, point 95, et Schmit/Commission, point 81 supra, point 116).

102   En l’espèce, il y a lieu de constater, tout d’abord, que la décision attaquée contient des explications exhaustives quant aux raisons pour lesquelles la Commission a augmenté, avec effet rétroactif, le montant des contributions en faveur de l’ex-épouse du requérant, toujours en exécution de l’ordonnance du 4 octobre 1991, et versé les arrérages à celle-ci, dès lors qu’elle n’était pas forclose à réclamer ces montants.

103   Par ailleurs, il y a lieu de relever que la décision portant rejet de la réclamation renvoie explicitement à la note du 12 décembre 2002, envoyée au conseil du requérant par le chef de l’unité « Rémunérations, missions, experts et liquidation des droits » du PMO, dans laquelle étaient exposés les motifs qui ont conduit l’administration à procéder à l’augmentation rétroactive des retenues opérées sur la rémunération du requérant. Il ressort, en outre, du dossier que la Commission a indiqué au requérant à maintes reprises, notamment dans ses notes du 18 septembre 2002 et des 21 mai et 11 juillet 2003, les raisons pour lesquelles elle était tenue, conformément à ce qui avait été établi dans l’ordonnance du 4 octobre 1991, de procéder à l’augmentation de la provision alimentaire due à son ex-épouse et, de ce fait, aux versements des arriérés ainsi calculés.

104   En particulier, dans sa note du 18 septembre 2002, la Commission a fait référence à l’avis du service juridique qui faisait suite aux réclamations de l’ex-épouse du requérant et de ses conseils concernant les augmentations de la provision alimentaire qu’elle recevait chaque mois de la Commission. Dans ladite note, la Commission a cité le passage suivant de l’avis du service juridique :

 « Pour autant que le jugement de divorce prononcé en Grèce, et aujourd’hui, semble‑t‑il, définitif, n’ait pas encore été transcrit sur les registres d’état civil belge et signifié à la Commission, la délégation de sommes en faveur de [l’ex-épouse du requérant], telle que décidée par l’ordonnance du 4 octobre 1991 du président du tribunal de première instance [de Bruxelles], n’est pas caduque. Or, cette ordonnance, qui, sur ce point, n’a pas expressément été infirmée par l’arrêt de la cour d’appel de Bruxelles du 14 janvier 1994, prévoit une augmentation de la pension alimentaire versée à [l’ex-épouse du requérant] en cas d’augmentation des revenus de M. Kallianos à concurrence de 1/5e de l’augmentation. De ce fait, des arriérés de pension alimentaire correspondant aux versements de ces augmentations – jamais effectués jusqu’à présent – sont dus à [l’ex-épouse du requérant] tant que le divorce entre époux n’a pas été transcrit et signifié comme mentionné plus haut. »

105   En outre, par lettre du 21 mai 2003, le chef de l’unité « Rémunérations, missions, experts » du PMO a rappelé au conseil du requérant les raisons pour lesquelles la Commission était tenue de « rectifier les montants saisis dans la mesure où il n’avait pas été procédé à une augmentation des pensions et contributions lorsque les revenus de M. Kallianos [avaient été] augmenté[s] ».

106   Il convient, enfin, de relever que le requérant lui-même, dans la note envoyée le 24 mars 2003 audit chef d’unité, dont une copie a été versée au dossier lors de l’audience, s’est exprimé dans les termes suivants : « Vous avez basé votre action sur une libre interprétation d’une décision judiciaire d’un arrêt de la cour de Bruxelles en ignorant toutes les autres décisions intervenues dans ce dossier en Belgique et surtout en Grèce […] ». Ce faisant, il a clairement indiqué connaître les raisons qui avait conduit la Commission à opérer les augmentations litigieuses.

107   Il découle de ce qui précède que la Commission a fait apparaître de façon suffisamment claire et non équivoque son raisonnement de manière à permettre, d’une part, au requérant de connaître les raisons pour lesquelles elle avait décidé de procéder à une augmentation rétroactive de la provision alimentaire en faveur de son ex-épouse et de lui payer un arriéré de onze ans et, d’autre part, au juge communautaire d’exercer son contrôle.

108   Partant, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation doit être rejeté comme non fondé.

 Sur la demande en indemnité

 Arguments des parties

109   Le requérant fait valoir que les illégalités commises par la Commission lui ont causé un préjudice qui est à la fois moral et financier. Le préjudice financier consisterait dans la totalité des paiements effectués sans titre ni droit par la Commission en faveur de l’ex-épouse du requérant depuis le 8 mars 1999, date du jugement de divorce prononcé par le Polymeles Protodikeio Athinon, ou, à tout le moins, après l’arrêt de l’Areios Pagos du 7 février 2003, ainsi que dans les frais que le requérant a dû exposer pour procéder à la signification desdits jugements y compris les frais de traduction, soit 1 500 euros. Le requérant demande en outre que, à titre de « dommages et intérêts moraux, pécuniaires et patrimoniaux », le montant du remboursement demandé à titre de préjudice financier soit majoré de 20 %.

110   La Commission estime n’avoir commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité et, partant, considère que la demande en indemnité doit être rejetée comme non fondée.

–       Appréciation du Tribunal

111   Il convient de rappeler qu’il résulte d’une jurisprudence constante en matière de fonction publique que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice doivent être rejetées lorsqu’elles présentent un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles‑mêmes, été rejetées comme non fondées (arrêts du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, point 34 ; du 10 juin 2004, Liakoura/Conseil, T‑330/03, RecFP p. I‑A‑191 et II‑859, point 69 ; du 26 janvier 2005, Roccato/Commission, T‑267/03, non encore publié au Recueil, point 100, et du 4 mai 2005, Sena/AESA, T‑30/04, non encore publié au Recueil, point 108).

112   En l’espèce, il existe un lien étroit entre les conclusions en indemnité et les conclusions en annulation. Dans la mesure où l’examen des conclusions en annulation n’a pas révélé d’illégalité commise par la défenderesse de nature à engager sa responsabilité, il y a lieu de rejeter la demande en indemnité. Ce constat ne préjuge en rien de l’éventuelle possibilité, pour le requérant, de demander vis-à-vis de tiers l’indemnisation du dommage éventuellement subi ou la répétition de sommes indûment versées.

113   Il s’ensuit que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

 Sur les dépens

114   Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles‑ci. Le requérant ayant succombé, il y a lieu de décider que chaque partie supportera ses propres dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la défenderesse.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 mai 2006.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.

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