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Dokument 62020CO0541
Order of the Vice-President of the Court of 13 April 2021.#Republic of Lithuania v European Parliament and Council of the European Union.#Interim relief – Article 263 TFEU – Action for annulment of an EU act – Article 278 TFEU – Application to suspend operation of that act – Regulation (EU) 2020/1054 – Minimum requirements on maximum daily and weekly driving times, minimum breaks and daily and weekly and rest periods – Urgency.#Case C-541/20 R.
Postanowienie wiceprezesa Trybunału z dnia 13 kwietnia 2021 r.
Republika Litewska przeciwko Parlamentowi Europejskiemu i Radzie Unii Europejskiej.
Sprawa C-541/20 R.
Postanowienie wiceprezesa Trybunału z dnia 13 kwietnia 2021 r.
Republika Litewska przeciwko Parlamentowi Europejskiemu i Radzie Unii Europejskiej.
Sprawa C-541/20 R.
Identyfikator ECLI: ECLI:EU:C:2021:264
ORDONNANCE DE LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR
13 avril 2021 (*)
« Référé – Article 263 TFUE – Recours tendant à l’annulation d’un acte de l’Union – Article 278 TFUE – Demande de sursis à l’exécution de cet acte – Règlement (UE) 2020/1054 – Exigences minimales relatives aux durées maximales de conduite journalière et hebdomadaire et à la durée minimale des pauses et des temps de repos journalier et hebdomadaire – Urgence »
Dans l’affaire C‑541/20 R,
ayant pour objet une demande de sursis à exécution au titre de l’article 278 TFUE, introduite le 23 octobre 2020,
République de Lituanie, représentée par MM. K. Dieninis et R. Dzikovič ainsi que par Mme V. Kazlauskaitė-Švenčionienė, en qualité d’agents, assistés de Me R. Petravičius, advokatas, ainsi que de Mmes G. Taluntytė et A. Kisieliauskaitė,
partie requérante,
soutenue par :
République de Pologne, représentée par M. B. Majczyna, en qualité d’agent,
partie intervenante,
contre
Parlement européen, représenté initialement par MM. A. Tamás et S. Toliušis ainsi que par Mme I. Anagnostopoulou, puis par MM. S. Toliušis et R. van de Westelaken ainsi que par Mme I. Anagnostopoulou, en qualité d’agents,
Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Norberg et V. Sanda ainsi que par Mme L. Vétillard, en qualité d’agents,
parties défenderesses,
LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR,
l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Par sa demande en référé, la République de Lituanie demande à la Cour d’ordonner le sursis à l’exécution de l’article 1er, point 6, sous d), et de l’article 3 du règlement (UE) 2020/1054 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2020, modifiant le règlement (CE) no 561/2006 en ce qui concerne les exigences minimales relatives aux durées maximales de conduite journalière et hebdomadaire et à la durée minimale des pauses et des temps de repos journalier et hebdomadaire, et le règlement (UE) no 165/2014 en ce qui concerne la localisation au moyen de tachygraphes (JO 2020, L 249, p. 1).
2 Cette demande a été présentée parallèlement à l’introduction, le 23 octobre 2020, par cet État membre, d’un recours, au titre de l’article 263 TFUE, tendant à l’annulation partielle ou, le cas échéant, totale, d’une part, du règlement 2020/1054 et, d’autre part, de la directive (UE) 2020/1057 du Parlement européen et du Conseil, du 15 juillet 2020, établissant des règles spécifiques en ce qui concerne la directive 96/71/CE et la directive 2014/67/UE pour le détachement de conducteurs dans le secteur du transport routier et modifiant la directive 2006/22/CE quant aux exigences en matière de contrôle et le règlement (UE) no 1024/2012 (JO 2020, L 249, p. 49).
Le cadre juridique
3 L’article 8, paragraphes 6 et 8, du règlement (CE) no 561/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 15 mars 2006, relatif à l’harmonisation de certaines dispositions de la législation sociale dans le domaine des transports par route, modifiant les règlements (CEE) no 3821/85 et (CE) no 2135/98 du Conseil et abrogeant le règlement (CEE) no 3820/85 du Conseil (JO 2006, L 102, p. 1), prévoyait :
« 6. Au cours de deux semaines consécutives, un conducteur prend au moins :
– deux temps de repos hebdomadaires normaux, ou
– un temps de repos hebdomadaire normal et un temps de repos hebdomadaire réduit d’au moins vingt-quatre heures. Toutefois, la réduction est compensée par une période de repos équivalente prise en bloc avant la fin de la troisième semaine suivant la semaine en question.
Un temps de repos hebdomadaire commence au plus tard à la fin de six périodes de vingt-quatre heures à compter du temps de repos hebdomadaire précédent.
[...]
8. Si un conducteur en fait le choix, les temps de repos journaliers et temps de repos hebdomadaires réduits loin du point d’attache peuvent être pris à bord du véhicule, à condition que celui-ci soit équipé d’un matériel de couchage convenable pour chaque conducteur et qu’il soit à l’arrêt. »
4 L’article 1er, point 6, sous a), c) et d), du règlement 2020/1054 énonce :
« Le règlement [...] no 561/2006 est modifié comme suit :
[...]
6) L’article 8 est modifié comme suit :
a) le paragraphe 6 est remplacé par le texte suivant :
“6. Au cours de deux semaines consécutives, un conducteur prend au moins :
a) deux temps de repos hebdomadaires normaux ; ou
b) un temps de repos hebdomadaire normal et un temps de repos hebdomadaire réduit d’au moins vingt-quatre heures.
Un temps de repos hebdomadaire commence au plus tard à la fin de six périodes de vingt-quatre heures à compter de la fin du temps de repos hebdomadaire précédent.
Par dérogation au premier alinéa, un conducteur effectuant un transport international de marchandises peut, en dehors de l’État membre d’établissement, prendre deux temps de repos hebdomadaires réduits consécutifs, à condition de prendre, au cours de quatre semaines consécutives, au moins quatre temps de repos hebdomadaires, dont au moins deux sont des temps de repos hebdomadaires normaux.
Aux fins du présent paragraphe, un conducteur est considéré comme effectuant un transport international lorsqu’il commence les deux temps de repos hebdomadaires réduits consécutifs en dehors de l’État membre d’établissement de l’employeur et en dehors du pays de son lieu de résidence.” ;
[...]
c) le paragraphe 8 est remplacé par le texte suivant :
“8. Les temps de repos hebdomadaires normaux et tout temps de repos hebdomadaire de plus de quarante-cinq heures pris en compensation de la réduction d’un temps de repos hebdomadaire antérieur ne peuvent être pris dans un véhicule. Ils sont pris dans un lieu d’hébergement adapté aussi bien pour les femmes que pour les hommes, comportant un matériel de couchage et des installations sanitaires adéquats.
L’employeur prend en charge tous les frais d’hébergement à l’extérieur du véhicule.” ;
d) le paragraphe suivant est inséré :
“8 bis. Les entreprises de transport organisent le travail des conducteurs de telle sorte que ces derniers soient en mesure de retourner au centre opérationnel de l’employeur auquel ils sont normalement rattachés pour y entamer leur temps de repos hebdomadaire, situé dans l’État membre d’établissement de leur employeur, ou de retourner à leur lieu de résidence au cours de chaque période de quatre semaines consécutives, afin d’y passer au moins un temps de repos hebdomadaire normal ou un temps de repos hebdomadaire de plus de quarante-cinq heures pris en compensation de la réduction d’un temps de repos hebdomadaire.
Toutefois, lorsqu’un conducteur a pris deux temps de repos hebdomadaires réduits consécutifs conformément au paragraphe 6, l’entreprise de transport organise le travail du conducteur de telle sorte que celui-ci soit en mesure de rentrer avant le début du temps de repos hebdomadaire normal de plus de quarante-cinq heures pris en compensation.
L’entreprise documente la manière dont elle s’acquitte de cette obligation et conserve cette documentation dans ses locaux afin de la présenter à la demande des autorités de contrôle.” ».
5 L’article 3 du règlement 2020/1054 dispose :
« Le présent règlement entre en vigueur le vingtième jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne.
Toutefois, l’article 1er, point 15), et l’article 2, point 12), sont applicables à partir du 31 décembre 2024. »
La procédure devant la Cour et les conclusions des parties
6 Par décision de la vice-présidente de la Cour du 20 novembre 2020, la République de Pologne a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la République de Lituanie.
7 Conformément à l’article 160, paragraphe 5, du règlement de procédure de la Cour, le Conseil de l’Union européenne et le Parlement européen ont déposé des observations écrites, respectivement, les 25 et 26 novembre 2020.
8 La République de Lituanie demande à la Cour d’ordonner le sursis à l’exécution de l’article 1er, point 6, sous d), et de l’article 3 du règlement 2020/1054 jusqu’au prononcé de l’arrêt qui mettra fin à l’instance dans l’affaire C‑541/20.
9 Le Parlement demande à la Cour de rejeter la demande en référé et de condamner la République de Lituanie aux dépens.
10 Le Conseil demande à la Cour de rejeter la demande en référé, au motif qu’elle ne remplit aucune des conditions exigées pour qu’il y soit fait droit, et de condamner la République de Lituanie aux dépens.
Sur la demande en référé
11 Conformément à l’article 160, paragraphe 3, du règlement de procédure, les demandes de sursis à l’exécution d’un acte d’une institution de l’Union européenne spécifient l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent.
12 Selon une jurisprudence constante, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que la demande de mesures provisoires doit être rejetée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 17 décembre 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE, C‑207/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:1057, point 101 ainsi que jurisprudence citée].
13 Dans le cadre de l’examen desdites conditions, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle du droit de l’Union ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 17 décembre 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE, C‑207/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:1057, point 102 ainsi que jurisprudence citée].
14 En l’occurrence, il y a lieu de vérifier, en premier lieu, si la condition relative à l’urgence est satisfaite.
Sur l’urgence
Argumentation
15 La République de Lituanie, soutenue par la République de Pologne, considère que l’urgence du sursis à l’exécution de l’article 1er, point 6, sous d), du règlement 2020/1054 est justifiée, en premier lieu, par le fait que cette disposition porte atteinte à la libre circulation des travailleurs, garantie à l’article 45 TFUE, et au droit de ces derniers de choisir où et comment passer leur temps de repos, ainsi que, en second lieu, par l’absence de mise en place d’un système contraignant la Commission européenne à adopter des documents interprétatifs relatifs à ladite disposition, ce qui expose les entreprises de transport à des sanctions pour la violation d’une obligation dont l’application pratique n’est pas claire.
16 Par ailleurs, la République de Lituanie soutient que le sursis à l’exécution de l’article 3 du règlement 2020/1054, qui fixe la date d’entrée en vigueur de celui-ci, est urgent au motif que, en premier lieu, les États membres subiront des conséquences dommageables en raison de l’insuffisance, dans la majorité d’entre eux, de l’infrastructure d’aires de stationnement sûres et sécurisées, en deuxième lieu, il est porté atteinte au droit des conducteurs à des conditions de repos adéquates, puisque, lorsque le véhicule sera garé sur une aire de stationnement non sécurisée à proximité de laquelle il n’existe pas d’installation d’hébergement appropriée, il leur sera interdit de rester dans la cabine de leur véhicule pendant les temps de repos hebdomadaires normaux, en troisième lieu, l’entrée en vigueur de cette interdiction entraînera des conséquences financières défavorables pour les entreprises de transport et leurs clients, dès lors que les conducteurs seront contraints de laisser la marchandise transportée sans surveillance à un emplacement de stationnement non sécurisé, ce qui augmentera le risque de perte ou de vol de cette marchandise dont ces entreprises devront assumer la responsabilité, et, en quatrième lieu, l’absence de mise en place d’un système obligeant les institutions de l’Union à adopter des documents interprétatifs relatifs à l’article 1er, point 6, sous d), du règlement 2020/1054 crée une situation d’insécurité juridique.
17 Le Parlement et le Conseil contestent cette argumentation.
Appréciation
18 Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond, sans avoir à subir un préjudice de cette nature. S’il est exact que, pour établir l’existence de ce préjudice, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance et l’imminence de celui-ci soient établies avec une certitude absolue et qu’il suffit que ledit préjudice soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant, il n’en reste pas moins que la partie qui sollicite une mesure provisoire demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel préjudice [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 17 décembre 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE, C‑114/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:1059, point 45 ainsi que jurisprudence citée].
19 Conformément à cette jurisprudence, il appartient toujours à la partie qui sollicite l’adoption d’une mesure provisoire d’exposer et d’établir la probable survenance d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 17 décembre 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE, C‑114/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:1059, point 49 ainsi que jurisprudence citée].
20 À cet égard, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes et précises, étayées par des documents détaillés qui démontrent la situation du requérant et permettent d’examiner les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 17 décembre 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE, C‑114/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:1059, point 50 ainsi que jurisprudence citée].
21 La présente demande ayant été introduite par la République de Lituanie, il y a lieu de rappeler également que les États membres sont responsables des intérêts considérés comme généraux sur le plan national et qu’ils peuvent en assurer la défense dans le cadre d’une procédure en référé (ordonnance du vice-président de la Cour du 27 février 2018, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17 R, non publiée, EU:C:2018:119, point 24).
22 En l’occurrence, cet État membre soutient, notamment, que le caractère urgent du sursis à l’exécution de l’article 1er, point 6, sous d), du règlement 2020/1054 est fondé sur la circonstance que cette disposition est contraire à l’article 45 TFUE.
23 À cet égard, il suffit de relever que, à la supposer établie, cette circonstance n’est pas, en tant que telle, de nature à démontrer que la survenance et l’imminence d’un préjudice grave et irréparable sont prévisibles avec un degré de probabilité suffisant.
24 En effet, si la violation éventuelle d’une disposition du traité FUE par un acte de l’Union est susceptible de remettre en cause la validité de cet acte, elle ne saurait en revanche suffire à établir, par elle-même, la gravité et le caractère irréparable d’un éventuel préjudice [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 25 juin 1998, Antilles néerlandaises/Conseil, C‑159/98 P(R), EU:C:1998:329, point 62 ; du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, EU:C:2000:415, point 45, ainsi que ordonnance du vice-président de la Cour du 27 février 2018, République tchèque/Parlement et Conseil, C‑482/17 R, non publiée, EU:C:2018:119, point 38].
25 Par ailleurs, il ne suffit pas d’alléguer, de façon abstraite, une atteinte à une liberté fondamentale, en l’occurrence à la libre circulation des travailleurs, pour établir que le dommage qui pourrait en découler a nécessairement un caractère irréparable [voir, en ce sens, ordonnances du président de la Cour du 15 avril 1998, Camar/Commission et Conseil, C‑43/98 P(R), EU:C:1998:166, point 47 ; du 25 juillet 2000, Pays-Bas/Parlement et Conseil, C‑377/98 R, EU:C:2000:415, point 45, ainsi que ordonnance du vice-président de la Cour du 10 septembre 2013, Commission/Pilkington Group, C‑278/13 P(R), EU:C:2013:558, point 40].
26 Or, la République de Lituanie se borne à invoquer, de façon générale et abstraite, une atteinte à l’article 45 TFUE, sans fournir la moindre indication permettant d’établir la survenance et l’imminence probables d’un préjudice grave et irréparable.
27 De même, cet État membre fait valoir que l’urgence du sursis à l’exécution de l’article 1er, point 6, sous d), du règlement 2020/1054 est justifiée par la circonstance que ce règlement n’impose pas à la Commission d’adopter des documents interprétatifs relatifs à cette disposition, sans toutefois présenter des éléments de preuve susceptibles de démontrer la survenance et l’imminence probables d’un préjudice ainsi que la gravité et le caractère irréparable de celui-ci.
28 En particulier, s’agissant de l’allégation selon laquelle cette circonstance expose les entreprises de transport à des sanctions pour la violation d’une obligation dont l’application pratique n’est pas claire, il suffit de constater qu’un tel préjudice est de nature purement hypothétique et que, partant, il ne saurait, conformément à la jurisprudence rappelée au point 18 de la présente ordonnance, justifier l’octroi du sursis à exécution demandé.
29 En outre, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, sauf circonstances exceptionnelles, être considéré comme irréparable, une compensation pécuniaire étant, en règle générale, à même de rétablir la personne lésée dans la situation antérieure à la survenance du préjudice. Un tel préjudice pourrait notamment être réparé dans le cadre d’un recours en indemnité introduit sur la base des articles 268 et 340 TFUE [ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 17 décembre 2020, Anglo Austrian AAB et Belegging-Maatschappij « Far-East »/BCE, C‑114/20 P(R), non publiée, EU:C:2020:1059, point 51 ainsi que jurisprudence citée].
30 Concernant la demande de sursis à l’exécution de l’article 3 du règlement 2020/1054, il convient de rappeler d’emblée que le sursis à exécution et les autres mesures provisoires ne peuvent être accordés s’ils ne sont pas aptes à éviter le préjudice grave et irréparable dont fait état la partie requérante [voir, en ce sens, ordonnance de la vice-présidente de la Cour du 16 janvier 2020, Highgate Capital Management/Commission, C‑605/19 P(R), non publiée, EU:C:2020:12, point 51].
31 À cet égard, il doit être constaté que le sursis à l’exécution de l’article 3 du règlement 2020/1054 ne permettrait pas, en tant que tel, d’éviter le préjudice allégué, puisque cet article 3 ne constitue qu’une simple mise en œuvre de l’article 297, paragraphe 1, troisième alinéa, TFUE, aux termes duquel les actes législatifs « entrent en vigueur à la date qu’ils fixent ou, à défaut, le vingtième jour suivant leur publication ». Au demeurant, il y a lieu de constater également qu’un tel sursis à exécution aurait pour effet que l’article 1er, point 15, et l’article 2, point 12, de ce règlement seraient applicables à partir non pas du 31 décembre 2024, mais du vingtième jour suivant celui de la publication dudit règlement au Journal officiel de l’Union européenne.
32 Si la demande en référé doit être comprise en ce sens qu’elle vise le sursis à l’exécution de l’article 3 du règlement 2020/1054 en ce qu’il prévoit l’entrée en vigueur de l’article 1er, paragraphe 6, sous c) et d), de ce règlement le vingtième jour suivant la publication de ce dernier, sans prévoir une période de transition, il suffit de relever que la République de Lituanie se limite à affirmer, en des termes généraux et abstraits, que, en raison de cette entrée en vigueur, les États membres subiront des conséquences dommageables et que la situation des conducteurs se verra détériorée, sans accompagner cette affirmation d’éléments de preuve concrets, précis et étayés aux fins de démontrer que la survenance et l’imminence d’un préjudice grave et irréparable sont prévisibles avec un degré de probabilité suffisant. La référence à des documents préparatoires élaborés au cours du processus législatif est insuffisante à cet égard.
33 De même, force est de constater que les allégations générales et abstraites de la République de Lituanie, selon lesquelles, en interdisant aux conducteurs de prendre les temps de repos hebdomadaires normaux à bord du véhicule, le règlement 2020/1054 porte atteinte au droit des conducteurs à des conditions de repos adéquates et entraînera des conséquences financières défavorables pour les entreprises de transport ainsi que pour leurs clients, ne sont accompagnées d’aucun élément de preuve de nature à établir l’existence d’un risque, prévisible avec un degré de probabilité suffisant, de réalisation imminente d’un préjudice grave et irréparable.
34 Par ailleurs, il convient de rappeler que la Cour a déjà jugé que l’article 8, paragraphes 6 et 8, du règlement no 561/2006 doit être interprété en ce sens qu’un conducteur ne peut pas prendre, à bord de son véhicule, les temps de repos hebdomadaires normaux visés à cet article 8, paragraphe 6 (arrêt du 20 décembre 2017, Vaditrans, C‑102/16, EU:C:2017:1012, point 48).
35 Il s’ensuit que l’interdiction, pour un conducteur, de prendre les temps de repos hebdomadaires normaux à bord de son véhicule résulte non pas de l’entrée en vigueur de l’article 1er, point 6, sous c), du règlement 2020/1054, mais de l’article 8, paragraphes 6 et 8, du règlement no 561/2006.
36 Par conséquent, le sursis à exécution demandé ne peut, conformément à la jurisprudence mentionnée au point 30 de la présente ordonnance, être accordé, puisqu’il serait sans effet sur ladite interdiction et ne permettrait donc pas d’éviter le préjudice résultant prétendument de celle-ci.
37 En outre, l’entrée en vigueur du règlement 2020/1054 apparaît d’autant moins susceptible de porter atteinte au droit des conducteurs à des conditions de repos adéquates que la Cour a relevé que l’interprétation selon laquelle l’article 8, paragraphes 6 et 8, du règlement no 561/2006 interdit au conducteur de prendre les temps de repos hebdomadaires normaux à bord du véhicule tend manifestement à atteindre les objectifs de ce règlement visant à améliorer les conditions de travail des conducteurs et de la sécurité routière (arrêt du 20 décembre 2017, Vaditrans, C‑102/16, EU:C:2017:1012, point 43).
38 À cet égard, la Cour a relevé également qu’une cabine de camion n’apparaît pas constituer un lieu de repos adapté à des périodes de repos plus longues que les temps de repos journaliers et les temps de repos hebdomadaires réduits et que les conducteurs devraient avoir la possibilité de passer leurs temps de repos hebdomadaires normaux dans un lieu qui fournit des conditions d’hébergement adaptées et adéquates (arrêt du 20 décembre 2017, Vaditrans, C‑102/16, EU:C:2017:1012, point 44).
39 Dans ce contexte, elle a ajouté que, si l’article 8 du règlement no 561/2006 devait être interprété en ce sens que les temps de repos hebdomadaires normaux peuvent être pris par le conducteur à bord de son véhicule, cela impliquerait qu’un conducteur pourrait prendre l’intégralité de ses temps de repos dans la cabine du véhicule et que les temps de repos de ce conducteur seraient pris dans un lieu qui ne fournit pas de conditions d’hébergement adaptées. Or, une telle interprétation de l’article 8 du règlement no 561/2006 n’est pas susceptible de contribuer à la réalisation de l’objectif d’amélioration des conditions de travail des conducteurs poursuivi par ce règlement (arrêt du 20 décembre 2017, Vaditrans, C‑102/16, EU:C:2017:1012, point 45).
40 De surcroît, en ce qui concerne l’allégation selon laquelle l’interdiction, pour un conducteur, de prendre les temps de repos hebdomadaires normaux à bord de son véhicule entraînera des conséquences financières défavorables pour les entreprises de transport et leurs clients, il suffit de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 29 de la présente ordonnance, un préjudice d’ordre pécuniaire ne saurait, en principe, être considéré comme irréparable.
41 En tout état de cause, force est de constater que de telles conséquences financières défavorables, qui, selon la République de Lituanie, pourraient résulter de l’éventualité que, pendant un temps de repos hebdomadaire normal, un vol de marchandises précieuses soit commis dans un véhicule non surveillé appartenant à une entreprise de transport de petite ou de moyenne taille, stationné à un emplacement non sécurisé, et que ce vol provoque la faillite de cette entreprise, revêtent un caractère totalement hypothétique et qu’elles ne sauraient, dès lors, justifier l’octroi du sursis à exécution demandé.
42 Enfin, la République de Lituanie se borne à réaffirmer que l’entrée en vigueur de l’article 1er, point 6, sous d), du règlement 2020/1054, telle qu’elle résulte de l’article 3 de celui-ci, crée une situation d’insécurité juridique et « place donc les entreprises de transport dans une situation particulièrement désavantageuse », au motif qu’aucun système obligeant les institutions de l’Union à adopter des documents interprétatifs relatifs à cette disposition n’a été mis en place. Toutefois, cet État membre ne présente, à cet égard, pas le moindre élément visant à exposer et à établir que la survenance et l’imminence d’un préjudice grave et irréparable sont prévisibles avec un degré de probabilité suffisant.
43 En toute hypothèse, une telle affirmation doit être rejetée pour les motifs déjà exposés aux points 28 et 29 de la présente ordonnance.
44 Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de constater que la République de Lituanie n’a pas établi qu’il est nécessaire de surseoir provisoirement à l’exécution de l’article 1er, point 6, sous d), et de l’article 3 du règlement 2020/1054 afin d’éviter la survenance et l’imminence probables d’un préjudice grave et irréparable.
45 Il en résulte que cet État membre n’a pas démontré que la condition relative à l’urgence est remplie.
Sur le fumus boni juris et la mise en balance des intérêts en présence
46 Les conditions visées aux points 12 et 13 de la présente ordonnance présentant un caractère cumulatif, il n’y a pas lieu d’examiner la condition relative au fumus boni juris ni de procéder à la mise en balance des intérêts en présence.
47 Par conséquent, la présente demande en référé doit être rejetée.
Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :
1) La demande en référé est rejetée.
2) Les dépens sont réservés.
Signatures
* Langue de procédure : le lituanien.