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Document 61993TJ0018

Wyrok Sądu pierwszej instancji (trzecia izba) z dnia 26 października 1994 r.
Antonio Marcato przeciwko Komisji Wspólnot Europejskich.
Urzędnicy - Skarga o stwierdzenie nieważności - Dopuszczalność - Awans - Skarga w przedmiocie odpowiedzialności.
Sprawa T-18/93.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1994:255

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

26 octobre 1994 ( *1 )

«Fonctionnaires — Recours en annulation — Recevabilité — Rapport de notation définitif - Retard dans l'élaboration — Promotion — Refus d'inscription sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants — Recours en responsabilité — Préjudice matériel — Préjudice moral»

Dans l'affaire T-18/93,

Antonio Marcato, ancien fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, représenté par Me Georges Vandersanden, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Alex Schmitt, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. Joseph Griesmar, membre du service juridique, en qualité d'agent, assisté de Me Denis Waelbroeck, avocat au barreau de Bruxelles, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Georgios Kremlis, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, l'annulation du rapport de notation du requérant, couvrant la période du 1er juillet 1985 au 30 juin 1987, tel que définitivement établi, le 24 avril 1992, par le notateur d'appel, et, d'autre part, la réparation des préjudices matériel et moral allégués,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. R. Garcia-Valdecasas, président, B. Vesterdorf et J. Biancarelli, juges,

greffier: M. J. Palacio-González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 19 mai 1994,

rend le présent

Arrêt

Faits et procédure

1

Le requérant, M. Antonio Marcato, était fonctionnaire de grade B 3 à la Commission, jusqu'à son admission à la retraite, avec effet au 1er mai 1990.

2

Son rapport de notation, relatif à la période du 1er juillet 1985 au 30 juin 1987, a été établi le 13 avril 1988 par M. Lemoine, chef adjoint de division à la direction générale des budgets (DG XIX) et a été soumis au requérant au cours du mois d'avril 1988. Par notes en dates des 8 août 1988 et 11 avril 1989, celui-ci a contesté certains éléments de ce rapport et demandé l'intervention du notateur d'appel.

3

La notation d'appel a été effectuée le 26 mai 1989 par M. Edsberg, directeur à la DG XIX.

4

Le 3 juillet 1989, le requérant a sollicité l'avis du comité paritaire des notations (ci-après «CPN»), en application de l'article 7 des dispositions générales d'exécution de l'article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut») et du point Cl du guide de la notation en vigueur à la Commission.

5

L'avis du CPN a été rendu le 24 avril 1991 et transmis au requérant le 26 avril 1991. Tout en ne partageant pas l'avis négatif exprimé par le requérant sur son rapport de notation, le CPN invitait le notateur d'appel à revoir ledit rapport. Le 10 juin 1991, M. Edsberg, notateur d'appel, a arrêté un premier rapport de notation «définitif».

6

Le 31 juillet 1991, le requérant a présenté une première réclamation, enregistrée le 1er août 1991 sous le no 320/91, par laquelle il contestait ce rapport de notation définitif, au motif, selon lui, qu'il se traduisait par une détérioration des appréciations contenues dans le rapport de notation initial. Le CPN a émis, le 9 décembre 1991, un nouvel avis favorable à la réclamation du requérant.

7

Par lettre du 29 janvier 1992, M. De Koster, directeur général de la direction générale du personnel et de l'administration (DG IX), a informé le requérant, d'une part, qu'il réservait une suite favorable à sa réclamation no 320/91, susvisée, et, d'autre part, qu'il invitait le notateur d'appel à arrêter un nouveau rapport de notation, concernant la période 1985/1987, en conformité avec l'avis du 9 décembre 1991 du CPN et «en évitant toute diminution ou aggravation des appréciations faites à (son) égard».

8

Le 27 avril 1992, le notateur d'appel a notifié au requérant un nouveau rapport de notation définitif, arrêté le 24 avril 1992, qui fait l'objet du présent recours. Selon la partie défenderesse, ce nouveau rapport est conforme aux recommandations du CPN, exprimées lors de sa réunion du 9 décembre 1991. Selon la partie requérante, en revanche, le nouveau rapport de notation est insuffisamment motivé et ne correspond pas aux recommandations du CPN.

9

Par lettre du 6 mai 1992, M. De Koster a indiqué au requérant que la nouvelle notation d'appel, arrêtée le 24 avril 1992, se substituait à celle du 10 juin 1991.

10

Le 19 mai 1992, le requérant a écrit au notateur d'appel, afin de contester ce nouveau rapport de notation et de l'inviter à revoir sa notation, à la lumière de documents supplémentaires qu'il joignait à sa lettre. Par lettre du 23 juin 1992, M. Edsberg a répondu au requérant que la procédure de notation était close.

11

Le requérant a introduit, le 13 juillet 1992, une deuxième réclamation contre la décision, précitée, du 24 avril 1992, arrêtant la notation d'appel et le rapport de notation définitif. Cette réclamation a été enregistrée le 22 juillet 1992, sous le no 693/92.

12

Le 8 octobre 1992, l'autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après «AIPN»), sans avoir statué sur la réclamation no 693/92, susvisée, du 13 juillet 1992, a décidé de ne pas faire figurer le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988. Cette décision de l'AIPN a été communiquée au requérant par lettre du 23 décembre 1992.

13

Le 6 novembre 1992, M. Petit-Laurent, directeur à la DG IX, a communiqué au requérant copie d'une note du 22 octobre 1992, adressée par le président du CPN au responsable du «groupe interservices», l'informant que le CPN avait estimé, lors de sa réunion du 25 septembre 1992, que la notation d'appel du 24 avril 1992 ne tenait pas entièrement compte de ses avis émis les 24 avril et 9 décembre 1991 et que, partant, la réclamation du requérant était fondée.

14

Par décision du 18 décembre 1992, notifiée au requérant le 2 février 1993, la Commission a rejeté la réclamation no 693/92, susvisée.

15

Le 3 février 1993, le requérant a introduit une troisième réclamation, enregistrée sous le no 235/93, contre la décision de l'AIPN du 8 octobre 1992, précitée, de ne pas l'inscrire sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988, au motif que cette décision aurait été prise sur la base d'un dossier incomplet, le rapport de notation 1985/1987 faisant toujours l'objet d'une procédure de contestation.

16

Par lettre du 10 mai 1993, notifiée le 27 mai, la Commission a informé le requérant du rejet de sa réclamation no 235/93. Aucun recours n'a été formé à l'encontre de la décision de rejet de cette réclamation.

17

C'est dans ces conditions que le requérant a introduit le présent recours, enregistré au greffe du Tribunal le 18 février 1993.

18

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d'ouvrir la procédure orale sans ordonner de mesures d'instruction préalables. Toutefois, il a invité la Commission à produire au dossier un certain nombre de pièces, lesquelles l'ont été dans les délais impartis à cet effet.

Conclusions des parties

19

Le requérant conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler le rapport de notation du requérant couvrant la période du 1er juillet 1985 au 30 juin 1987, tel que définitivement établi par M. Edsberg, notateur d'appel, le 24 avril 1992;

octroyer au requérant, à titre de réparation du préjudice matériel subi, l'équivalent d'une année de traitement, calculée sur la base du dernier traitement, avec des intérêts moratoires fixés à 8 % l'an;

accorder au requérant réparation du préjudice moral subi, par l'octroi d'un écu symbolique;

condamner la défenderesse à l'ensemble des dépens.

20

En outre, dans son mémoire en réplique, le requérant, tout en réitérant ses conclusions initiales, a également conclu à ce qu'il plaise au Tribunal:

entendre, si nécessaire, M. Brunotti sur les prestations de M. Marcato et sur les conditions de travail existant à l'époque au sein de la direction, ou recueillir son témoignage écrit à ce sujet.

21

La partie défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable en ce qui concerne la demande en annulation et, en tout état de cause, comme non fondé;

rejeter le recours comme non fondé en ce qui concerne l'action en responsabilité;

statuer comme de droit sur les dépens.

Sur les conclusions tendant à l'annulation du rapport de notation du 24 avril 1992

Sur la recevabilité

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

22

Le requérant, qui souligne que la procédure administrative préalable et les délais de procédure ont bien été respectés, fait valoir son intérêt à agir, au motif que son rapport de notation définitif, au titre de la période 1985/1987, lui fait grief, dans la mesure où il ne respecte pas les avis du CPN, tels qu'ils ont été exprimés lors des premières réunions du comité des 24 avril et 9 décembre 1991. De plus, le rapport litigieux contiendrait des appréciations dénigrantes à l'égard du requérant. L'absence d'un rapport de notation, conforme aux recommandations du CPN, lui aurait porté préjudice, dans le cadre de l'examen de sa promotion vers le grade B 2, au titre de l'exercice 1988.

23

Le requérant soutient que, si la Cour de justice a pu apprécier l'intérêt à agir d'une partie requérante au regard des effets de l'arrêt à intervenir, c'est uniquement lorsque la Cour a accepté d'examiner directement l'affaire au fond, estimant qu'il existait des liens étroits entre la recevabilité du recours et les moyens de fond mettant directement en cause la validité de la disposition attaquée (arrêts de la Cour du 2 juillet 1969, Pasetti-Bombardella/Commission, 20/68, Rec. p. 235, 243, du 15 décembre 1977, Brums/Commission, 95/76, Rec. p. 2401, et du 16 octobre 1980, Hochstrass/Cour de justice, 147/79, Rec. p. 3005).

24

Le requérant fait valoir que le critère essentiel d'appréciation de la recevabilité de ses conclusions en annulation réside dans le lien qui doit exister entre l'objet de la revendication et la situation à laquelle il prétend avoir droit. Selon lui, «l'important est de déterminer le lien qui doit exister entre la situation ou l'acte litigieux et la revendication d'en contester les effets individuels par la voie d'une action judiciaire». La Cour de justice interpréterait largement le degré d'individualisation de l'intérêt (voir, sur ce point, l'arrêt de la Cour du 4 mars 1964, Lassalle/Parlement, 15/63, Rec. p. 57). Ainsi, le requérant fait observer que, dans son arrêt du 5 décembre 1990, Marcato/Commission (T-82/89, Rec. p. II-735, p. II-752), le Tribunal a estimé que le requérant avait un intérêt à agir, dans la mesure où, si la décision de l'AIPN était annulée, il pourrait bénéficier d'une reconstitution de sa carrière ou introduire un recours visant à la réparation du dommage éventuellement subi. Cet arrêt confirmerait une jurisprudence constante, aux termes de laquelle un rapport de notation constitue un acte pouvant faire grief. Or, le requérant conteste le rapport de notation litigieux, parce que celui-ci, faute d'avoir été correctement corrigé et revu, a eu effectivement un effet négatif sur sa promotion.

25

La Commission conteste l'intérêt à agir du requérant, qui doit s'apprécier, selon elle, par rapport aux effets que l'arrêt à intervenir pourrait avoir sur la situation du requérant, dans l'hypothèse où cet intérêt serait reconnu fondé. Or, l'annulation du rapport de notation n'aurait pas pour conséquence, selon la Commission, d'entraîner la promotion du requérant au grade B 2, au titre de l'exercice 1988. En effet, en admettant même que le comité de promotion ait disposé d'un rapport de notation tenant compte des avis émis par le CPN, ou même en l'absence de tout rapport, le requérant n'aurait pas figuré sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988. Dès lors, le requérant ne justifierait d'aucun intérêt à poursuivre l'annulation de la décision du 24 avril 1992 arrêtant son rapport de notation définitif.

Appréciation du Tribunal

26

Il convient de relever, en premier lieu, que, selon une jurisprudence constante, un rapport de notation constitue un acte de nature à faire grief, contre lequel, dès lors, un recours est, en principe, recevable (arrêts de la Cour du 17 mars 1971, Marcato/Commission, 29/70, Rec. p. 243, et du 28 octobre 1982, Oberthür/Commission, 105/81, Rec. p. 3781).

27

Le Tribunal estime, en deuxième lieu, que la Commission n'est pas fondée à exciper du défaut d'intérêt à agir du requérant, au motif que ce dernier n'aurait, en tout état de cause, pas figuré sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988, même si le comité de promotion avait disposé d'un rapport de notation différent, tenant compte des avis émis par le CPN, ou même en l'absence de tout rapport de notation. En effet, aucune circonstance n'autorise la Commission à préjuger ainsi l'avis qu'aurait émis le comité de promotion, s'il avait disposé d'un rapport de notation différent. Par ailleurs, il ne ressort d'aucune des pièces versées au dossier que, de toute façon, le requérant ne devait pas, pour une raison quelconque, figurer sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988.

28

Le Tribunal considère, en troisième lieu, enfin, que, si le requérant n'a pas introduit un recours contentieux tendant à l'annulation de la décision de la Commission du 10 mai 1993, rejetant sa réclamation du 3 février 1993, dirigée contre la décision de l'AIPN du 8 octobre 1992, précitée, refusant son inscription sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988, cette circonstance n'est pas nécessairement de nature à le priver de son intérêt à agir à l'encontre de la décision attaquée, arrêtant son rapport de notation au titre de la période 1985/1987. En effet, indépendamment même de l'intérêt moral, qui est celui de tout fonctionnaire, de voir son dossier personnel complété et régularisé et, notamment, ses rapports de notation correctement établis, le requérant justifie d'un intérêt à agir suffisant pour attaquer la décision litigieuse. En effet, comme la Commission l'a d'ailleurs admis au cours de la procédure orale, dans l'hypothèse où, par le présent arrêt, il serait procédé à l'annulation du rapport de notation en cause, pour un motif particulièrement grave, démontrant ainsi une illégalité manifeste entachant la procédure au terme de laquelle a été adoptée la décision du 8 octobre 1992, laquelle n'est créatrice de droits ni à l'égard du requérant, ni à l'égard des tiers, la Commission pourrait procéder au retrait de cette décision, dès lors que le nouveau rapport de notation, établi en exécution de l'arrêt, ferait apparaître que ladite décision du 8 octobre 1992 a été arrêtée au vu d'éléments et d'informations manifestement inexacts.

29

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation sont recevables et qu'il convient, par suite, d'en examiner le bien-fondé.

Sur le fond

30

Le requérant a invoqué quatre moyens à l'appui de ses conclusions en annulation: en premier lieu, la violation de la procédure de notation; en deuxième lieu, la méconnaissance du principe de bonne foi; en troisième lieu, la violation du principe de bonne gestion et de saine administration; en quatrième lieu, enfin, le détournement de pouvoir. Lors de la procédure orale, le requérant a confirmé, en réponse à une question posée par le Tribunal, que les deuxième et troisième moyens reposent sur la même cause et sont fondés sur le même objet. Il y a donc lieu de les examiner ensemble.

Sur le moyen tiré d'une violation de la procédure de notation

— Exposé sommaire de l'argumentation des parties

31

Le requérant rappelle que, selon le guide de la notation arrêté par la Commission, la notation devient définitive, après épuisement des procédures de notation d'appel et d'avis du CPN, «six mois avant la fin de la nouvelle période de référence». Ainsi, en l'espèce, l'ensemble de la procédure de notation, y compris les demandes de notation d'appel et d'avis du CPN, aurait dû être achevé à la fin de l'année 1988. Or, la Commission n'aurait pas respecté ce délai. Tout d'abord, le notateur initial n'aurait établi son rapport qu'avec un retard considérable, en avril 1988. En outre, il se serait écoulé près de dix mois entre la date à laquelle le requérant a demandé l'intervention du notateur d'appel (8 août 1988) et celle à laquelle ce dernier s'est prononcé (26 mai 1989). De même, le requérant a-t-il sollicité l'intervention du CPN le 3 juillet 1989, lequel n'a rendu son avis que le 24 avril 1991. Le requérant estime que ces retards intervenus dans la procédure de notation sont principalement imputables à la Commission, alors que, pour sa part, il n'a fait qu'user de ses droits, tels que prévus par le guide de la notation. Il ne serait donc en rien responsable de l'allongement excessif et déraisonnable de la procédure de notation.

32

En outre, le non-respect, par le notateur d'appel, des recommandations émises par le CPN aurait également contribué à l'accroissement des délais, en contraignant le requérant à introduire une nouvelle réclamation. En conséquence de ces retards, le comité de promotion aurait statué, en juillet 1989, sur la promotion de ce dernier, en l'absence d'un rapport de notation complet et définitif. Or, l'arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, précité, aurait rappelé l'exigence, pour le bon déroulement des procédures de promotion, de disposer du rapport de notation.

33

Enfin, le requérant fait valoir que son premier notateur ne lui a pas accordé, lorsqu'il lui a transmis son rapport, d'ailleurs avec retard, l'entretien prévu par les dispositions de l'article 6 du guide de la notation. Cet entretien n'aurait eu lieu qu'un an après, soit le 7 avril 1989, alors qu'un tel entretien aurait immédiatement permis de clarifier et d'accélérer les choses.

34

La Commission, s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour (arrêt de la Cour du 1er juin 1983, Seton/Commission, 36/81, 37/81 et 218/81, Rec. p. 1789), fait valoir que le retard dans le déroulement de la procédure de notation n'est pas de nature à affecter, à lui seul, la validité du rapport qui en est issu. L'absence de dialogue immédiat entre le requérant et son premier notateur ne serait pas non plus susceptible d'affecter la validité de ce rapport.

35

E outre, la partie défenderesse rappelle que la longueur de la procédure de notation s'explique par les diverses réclamations effectuées par le requérant lui-même. Cet argument ne saurait donc être invoqué à son encontre. Elle fait observer, en conclusion, que le requérant a demandé l'intervention du notateur d'appel près de quatre mois après avoir pris connaissance de son rapport initial de notation, alors que le premier rapport de notation avait été établi dès le 13 avril 1988, aussitôt après l'expiration de la période de notation.

— Appréciation du Tribunal

36

Le Tribunal considère que c'est à juste titre que la Commission soutient que la longueur de la procédure de notation et les retards accumulés au cours de cette procédure ne sont pas de nature, par eux-mêmes, à affecter la légalité du rapport de notation. En effet, comme l'a jugé la Cour dans son arrêt Seton/Commission, précité, «le retard de certaines prises de position dans le déroulement de la procédure de notation n'est pas de nature à affecter, à lui seul, la validité du rapport qui en est issu».

37

Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin, à ce stade de l'examen du recours, de prendre partie sur l'imputabilité des retards accumulés au cours de la procédure de notation litigieuse, il y a lieu de considérer que les circonstances que le notateur initial n'a établi et transmis son rapport qu'avec un certain retard, que le CPN s'est prononcé tardivement, lors de sa première saisine, que le notateur d'appel aurait également contribué à l'accroissement des délais et que le notateur initial n'aurait pas accordé un entretien au requérant, lorsqu'il lui a transmis son rapport, ne sont pas, en elles-mêmes, de nature à affecter la légalité du rapport de notation litigieux.

38

Il résulte de ce qui précède que le premier moyen doit être rejeté.

Sur le moyen tiré de la violation des principes de bonne foi, de bonne gestion et de saine administration

— Exposé sommaire de l'argumentation des parties

39

Selon le requérant, le notateur d'appel a méconnu de façon systématique les avis du CPN des 24 avril et 9 décembre 1991, susvisés, et ne s'est pas conformé à la décision de l'AIPN, du 29 janvier 1992, réservant une suite favorable à sa réclamation no 320/91, du 31 juillet 1991. En utilisant «de façon abusive et malveillante» la possibilité qu'il avait de modifier les appréciations analytiques et/ou d'ordre général, le notateur d'appel n'aurait pas respecté les principes d'objectivité, de bonne foi et de neutralité qui doivent présider à la rédaction d'un rapport de notation et aurait ainsi cherché à nuire au requérant. A cet égard, le requérant a produit des déclarations écrites d'anciens supérieurs hiérarchiques (M. Brunotti, notateur du requérant jusqu'en 1982, M. Mingasson, directeur général) qui, d'après lui, lui sont favorables.

40

Le requérant estime que le notateur d'appel n'a pas pris en compte la décision de l'AIPN du 29 janvier 1992. Il aurait seulement repris les appréciations analytiques initiales et modifié les appréciations d'ordre général, dans un sens qui ne lui serait pas favorable. Bien plus, celles-ci traduiraient une détérioration des appréciations sur lui émises dans ses rapports de notation antérieurs. Cette circonstance serait la conséquence des propos diffamatoires qui auraient été tenus, à son encontre et à son insu, au sein du comité de promotion, et dénoncés par l'arrêt du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, précité. N'ayant jamais eu de différend personnel avec le notateur d'appel, le requérant suppose qu'il a servi de «bouc émissaire», dans un contexte de relations tendues entre la Cour des comptes et le service de la Commission auquel il appartenait. A cet égard, il propose l'audition, en qualité de témoin, de son ancien notateur, M. Brunotti.

41

La Commission rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour, les rapports de notation ne peuvent donner lieu à un contrôle juridictionnel que pour irrégularité de forme, erreur de fait manifeste ou «détournement de leur pouvoir d'appréciation» par les personnes appelées à intervenir dans l'établissement de ces documents (voir l'arrêt de la Cour du 5 mai 1983, Ditterich/Commission, 207/81, Rec. p. 1359). Ces conditions ne seraient pas satisfaites en l'espèce. Le notateur d'appel n'aurait ni failli à ses obligations, ni outrepassé les droits qui lui étaient conférés et aurait appliqué de bonne foi, sans intention malveillante, la procédure de notation. En particulier, il n'aurait cherché ni à abaisser la qualité des prestations du requérant, ni à dénigrer sa personnalité. Selon la Commission, les témoignages des anciens supérieurs du requérant ne permettraient pas de réfuter cette affirmation.

42

En outre, selon la Commission, les avis exprimés par le CPN, qui n'est qu'un organisme consultatif, ne sauraient lier le notateur d'appel. Le CPN se serait, d'ailleurs, contenté d'indiquer certaines incohérences entachant le rapport de notation initial et aurait estimé que ce rapport devait être davantage motivé, laissant au notateur d'appel toute latitude pour tirer les conséquences de ces remarques, dès lors que ce dernier est compétent pour modifier tout ou partie du rapport du notateur initial. De surcroît, le notateur d'appel aurait bien pris en considération les recommandations successives du CPN, ainsi que la décision du 29 janvier 1992 de l'AIPN. Dans son rapport de notation du 24 avril 1992, objet du présent recours, il aurait modifié ses appréciations analytiques, en reprenant celles qui figuraient dans le rapport de notation initial (appréciations meilleures que celles figurant dans le rapport du 10 juin 1991), et corrigé les appréciations d'ordre général, dans un sens nullement défavorable au requérant. Selon la Commission, les appréciations d'ordre général sont très proches de celles qui figuraient dans le rapport du 10 juin 1991 et qui n'avaient pas fait l'objet de critiques de la part du CPN. D'ailleurs, dans son avis du 24 avril 1991, le CPN aurait estimé que le premier rapport de notation d'appel, en date du 26 mai 1989, était «une bonne notation qui fait bien apparaître les qualités professionnelles ... reconnues par la hiérarchie».

43

Quant à l'hypothèse, émise par le requérant, selon laquelle il aurait été victime des relations tendues entre la Cour des comptes et le service auquel il appartenait, la Commission considère qu'il s'agit là d'une affirmation purement gratuite et dénuée de fondement.

— Appréciation du Tribunal

44

Il convient de relever, en premier lieu, que le requérant a expressément admis, lors de la procédure orale, ne pas avoir invoqué, en tant que tels, ni un moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation de ses qualités ou mérites affectant le rapport de notation litigieux, ni un moyen tiré d'une incohérence entachant ce rapport et fondé sur une discordance entre les appréciations analytiques et les appréciations d'ordre général figurant dans ledit rapport.

45

En deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, le contrôle juridictionnel, exercé par le juge communautaire sur le contenu des rapports de notation, est limité au contrôle de la régularité procédurale, de l'exactitude matérielle des faits, ainsi que de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation ou de détournement de pouvoir.

46

En troisième lieu, le Tribunal rappelle que, comme la Cour l'a jugé dans son arrêt Seton/Commission, précité, «la mission du notateur d'appel est de vérifier, en toute indépendance, les appréciations portées par le premier notateur. Il est, dès lors, parfaitement loisible au notateur d'appel, s'il l'estime indiqué, de confirmer l'appréciation du premier notateur».

47

C'est à la lumière de ces considérations qu'il convient d'apprécier si, en l'espèce, le notateur d'appel, en établissant son rapport de notation du 24 avril 1992, qui constitue la décision attaquée, a méconnu les principes de bonne foi, de bonne gestion et de saine administration, comme le soutient le requérant.

48

A cet effet, il y a lieu de s'attacher, avant tout, à l'examen comparatif de la première version, en date du 13 avril 1988, du rapport de notation du requérant et de la quatrième et dernière version, en date du 24 avril 1992, du rapport de notation. La première est rédigée comme suit: «M. Marcato a la capacité d'organiser ses tâches pour parvenir à une bonne efficacité de son travail. Cependant, il ne parvient pas toujours à se conformer aux exigences du service. Son comportement avec ses supérieurs hiérarchiques, les retards constatés dans l'accomplissement des tâches dont il avait la responsabilité, ses absences dues à la maladie ont conduit à la modification de ses attributions dans le sens d'une limitation et d'une simplification. Dans l'intérêt même de M. Marcato, il serait préférable de rechercher pour lui une affectation plus conforme à ses souhaits, ailleurs que dans un service où le respect des échéances est un impératifs absolu.» L'appréciation d'ordre général, figurant dans le rapport de notation d'appel, révisé pour la deuxième fois, en date du 24 avril 1992, est ainsi libellée: «M. Marcato a la capacité d'organiser ses tâches pour parvenir à une bonne efficacité de son travail. Sa potentialité pour assurer une exécution rapide et une excellente régularité des prestations n'est pas mise en question. Néanmoins, pendant la période considérée, les prestations fournies dans la pratique par M. Marcato ont subi une détérioration significative. Cette détérioration, constatée indépendamment des absences bien justifiées pour la maladie de M. Marcato, a été associée à ses difficultés d'adaptation aux exigences du service, notamment les changements hiérarchiques. Ces difficultés se manifestant par des relations tendues avec plusieurs supérieurs hiérarchiques ont eu pour résultat la décision de modifier ses attributions. Dans l'intérêt même de M. Marcato, il serait souhaitable de rechercher pour lui une affectation plus conforme à ses souhaits, où il peut être fait appel à son sens de l'organisation sans les contraintes des impératifs dus au respect des échéances.»

49

Le Tribunal relève, tout d'abord, que, dans le rapport de notation litigieux du 24 avril 1992, objet du présent recours, le notateur d'appel a repris l'intégralité des appréciations analytiques qui figuraient dans le rapport initial de notation. Il s'est donc conformé, à cet égard, aux termes de la décision de l'AIPN du 29 janvier 1992, précitée, l'invitant à éviter toute diminution ou aggravation des appréciations faites à l'égard du requérant. Par ailleurs, il s'est efforcé de mieux motiver ses appréciations d'ordre général, évoquant, en particulier, ainsi que le CPN l'avait suggéré, les difficultés d'adaptation que le requérant avait pu éprouver face aux changements hiérarchiques survenus au sein du service. En fin de compte, et dans le cadre du contrôle juridictionnel qui est le sien, le Tribunal estime que les appréciations d'ordre général, figurant dans le rapport de notation litigieux, sont suffisamment proches de celles figurant dans le rapport initial et ne traduisent pas, en tout état de cause, une détérioration significative, ou même sensible, des appréciations portées sur le requérant, de nature à affecter, au regard des principes invoqués par ce dernier, la légalité dudit rapport. Dès lors, dans les circonstances de l'espèce, le Tribunal estime qu'il n'y a pas lieu de trancher la question, controversée entre les parties, de savoir si la procédure de la notation d'appel et les différentes procédures administratives offertes au fonctionnaire peuvent se traduire, pour ce dernier, par une aggravation de la notation d'appel par rapport à celle attribuée par le notateur initial.

50

Le Tribunal estime, ensuite, que les allégations du requérant, selon lesquelles, d'une part, il aurait souffert des propos diffamatoires qui auraient été tenus à son encontre et à son insu au sein du comité de promotion et, d'autre part, il aurait été victime d'un contexte de relations tendues entre la Cour des comptes et le service de la Commission au sein duquel il exerçait ses fonctions, ne sont assorties d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé et d'en inférer une méconnaissance, par le notateur d'appel, des principes de bonne foi et de bomie administration.

51

Il résulte de ce qui précède que le deuxième moyen doit être rejeté, sans qu'il soit besoin de procéder à l'audition de témoins proposée par le requérant.

Sur le moyen tiré du détournement de pouvoir

52

Selon le requérant, le notateur d'appel aurait adopté une «attitude subjective et dénigrante» à son égard, au mépris de ses obligations. Ainsi, il aurait méconnu volontairement les avis du CPN et la décision de l'AIPN du 29 janvier 1992 de réserver une suite favorable à sa réclamation no 320/91, du 31 juillet 1991. Il aurait, à chaque étape de la procédure d'élaboration du rapport de notation, cherché à nuire au requérant. De plus, il aurait fait preuve de partialité, en tenant compte des propos dénigrants tenus par M. B., au sein du comité de promotion, en juillet 1989, et en négligeant l'avis de M. Brunotti du 4 février 1992. Il se serait délibérément abstenu d'examiner tous les éléments fournis par le requérant, lui permettant d'apprécier justement le travail de ce dernier. Cette attitude s'assimilerait à un «acharnement» à l'encontre du requérant. Ces éléments multiples et convergents tendraient à prouver que le notateur d'appel a détourné de leur finalité les procédures de promotion et de notation.

53

La Commission rappelle que, selon la jurisprudence de la Cour (voir l'arrêt du 21 juin 1984, Lux/Cour des comptes, 69/83, Rec. p. 2447), «une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées». Cette condition ne serait pas remplie en l'espèce et la Commission constate que les affirmations du requérant ne sont aucunement fondées et ne sont, d'ailleurs, étayées par aucun élément de preuve, en particulier pas par les attestations de ses supérieurs hiérarchiques versées au dossier.

54

Le Tribunal estime que les allégations du requérant ne sont étayées d'aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé et que, notamment, les attestations de ses supérieurs hiérarchiques ne sont nullement de nature à établir, sur la base d'un faisceau d'indices objectifs, précis et concordants, que dans l'élaboration du rapport de notation critiqué, le notateur d'appel aurait usé de ses compétences à des fins autres que celles pour lesquelles ces compétences lui ont été conférées.

55

Il résulte de ce qui précède que le troisième moyen du recours doit être écarté et que, par voie de conséquence, les conclusions en annulation doivent être rejetées.

Sur les conclusions tendant à la réparation des préjudices allégués par le requérant

Sur la recevabilité

56

Dans son mémoire en duplique, la Commission s'interroge, pour la première fois, sur la recevabilité desdites conclusions en indemnité. Selon elle, deux cas seraient à distinguer:

d'une part, dans la mesure où le requérant invoquerait un préjudice provoqué par le rapport de notation litigieux, l'action en indemnité serait irrecevable, lorsqu'elle comporte un lien étroit avec l'action en annulation, par ailleurs déclarée elle-même irrecevable (voir les arrêts de la Cour du 15 décembre 1966, Schreckenberg/Commission, 59/65, Rec. p. 785, du 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec. p. 469, et l'arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T-27/90, Rec. p. II-35).

d'autre part, dans la mesure où le requérant invoquerait un préjudice distinct, non lié au rapport de notation, son action serait irrecevable, faute, d'une part, d'avoir préalablement été présentée sous la forme d'une demande à l'AIPN, afin qu'elle répare les préjudices prétendument subis, et, d'autre part, d'avoir été suivie d'une réclamation dirigée contre le rejet explicite ou implicite de cette demande (voir l'arrêt du Tribunal du 25 septembre 1991, Marcato/Commission, T-5/90, Rec. p. II-731, point 49; les ordonnances du Tribunal du 6 février 1992, Castelletti e.a./Commission, T-29/91, Rec. p. II-77, point 29, et du 25 février 1992, Marcato/Commission, T-64/91, Rec. p. II-243).

57

Lors de la procédure orale, la partie requérante a relevé que le guide de la notation, en vigueur à la Commission, prévoit qu'il est permis d'introduire une réclamation contre un rapport de notation définitif et que cette possibilité n'est nullement subordonnée à la présentation préalable d'une demande, que le réclamant poursuive l'annulation dudit rapport ou qu'il souhaite obtenir la réparation du préjudice matériel ou moral par lui subi du fait de ce rapport. En outre, le requérant a fait valoir qu'un rapport de notation peut être, en lui-même, suffisamment préjudiciable pour faire l'objet directement d'une réclamation, sans passer par la phase préalable d'une demande et ce aussi bien en vue de son annulation qu'au regard des conséquences indemnitaires. Enfin, le requérant a ajouté que, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, le recours en annulation et le recours en indemnité sont deux voies de droit indépendantes et que, en l'espèce, le recours en indemnité n'est pas à ce point intimement lié au recours en annulation que le rejet de l'un entraînerait nécessairement le rejet de l'autre. Ce ne serait le cas que dans l'hypothèse, qui n'est pas celle de l'espèce, où le recours en indemnité viserait ou parviendrait strictement au même résultat que celui du recours en annulation et où il y aurait alors confusion des voies de droit.

58

Le Tribunal rappelle, comme il l'a jugé dans son ordonnance Castelletti e.a./Commission, précitée, ce qui suit: «En ce qui concerne la recevabilité d'une action en indemnité, il ressort de la jurisprudence de la Cour, telle qu'elle a été analysée par le Tribunal (voir les arrêts ... Latham/Commission, point 38, ... et du 25 septembre 1991, Marcato/Commission, point 49, ...), que ce n'est que lorsqu'il existe un lien direct entre un recours en annulation et une action en indemnité que cette dernière est recevable en tant qu'accessoire au recours en annulation, sans devoir être précédée d'une demande émanant de l'intéressé et invitant l'AIPN à réparer les préjudices prétendument subis, ainsi que d'une réclamation dans laquelle le réclamant conteste le bien-fondé du rejet implicite ou explicite de sa demande» (point 29). Par ailleurs, dans la mesure où le requérant invoque un préjudice créé par un rapport de notation, l'action en indemnité est irrecevable, lorsqu'elle comporte un lien étroit avec l'action en annulation, par ailleurs déclarée elle-même irrecevable (arrêt Latham/Commission, précité).

59

Le Tribunal estime qu'en l'espèce les préjudices invoqués par le requérant sont liés suffisamment directement au contenu même ou aux conditions d'élaboration du rapport de notation faisant l'objet du recours en annulation, ainsi qu'aux conséquences de ce rapport sur la procédure de promotion. Les fautes prétendument commises par la Commission et les retards constatés se rapportent, en effet, au seul rapport de notation litigieux. Dès lors, par ailleurs, que, comme il a été jugé plus haut, les conclusions en annulation, formulées dans le cadre du présent recours, sont elles-mêmes recevables (voir, ci-dessus, points 26 à 29), il convient d'en déduire que les doutes de la Commission, concernant la recevabilité des conclusions en indemnité sous examen, ne sont pas fondés.

Sur le fond

60

Le requérant a développé une triple argumentation à l'appui de ses conclusions en indemnité, relative, en premier lieu, aux fautes prétendument commises par la Commission, en deuxième lieu, aux préjudices allégués et au lien de causalité entre ces préjudices et ces fautes et, en troisième lieu, enfin, à l'évaluation des préjudices allégués.

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

a) En ce qui concerne les fautes prétendument commises par la Commission

61

Le requérant dénonce, outre les fautes qu'aurait commises le notateur d'appel dans la rédaction des rapports de notation, les retards et l'attitude ambiguë de la Commission. L'AIPN se serait délibérément abstenue d'apporter une réponse explicite à sa réclamation, alors même que le CPN avait d'ores et déjà émis, pour la troisième fois, un avis favorable au requérant. Pour ce dernier, le fait que la Commission se soit appuyée, lors de ses délibérations relatives à la promotion, sur un rapport de notation nullement définitif et qui faisait l'objet d'une contestation, constitue une faute supplémentaire. La Commission aurait dû, en effet, suspendre la procédure de promotion, jusqu'à l'intervention de l'arrêt du Tribunal. De même, le comité de promotion aurait-il dû, aux fins d'éviter une multiplication des contentieux, suspendre sa décision jusqu'à l'intervention de l'arrêt du Tribunal se prononçant sur la validité du rapport de notation.

62

La Commission soutient qu'elle n'a commis aucune faute à l'égard du requérant. En premier lieu, elle a fourni une réponse explicite au requérant, en rejetant, le 18 décembre 1992, sa réclamation no 693/92; en deuxième lieu, elle rappelle que le rapport de notation d'appel du 24 avril 1992, dont disposait le comité de promotion, lors de ses délibérations des 21 mai et 15 juillet 1992, présentait bien un caractère définitif, en vertu de l'article 7 du guide de la notation; en troisième lieu, enfin, la Commission rappelle que les recours juridictionnels n'ont pas d'effet suspensif sur le déroulement des procédures de promotion.

b) En ce qui concerne les préjudices allégués et le lien de causalité entre ces préjudices et les fautes prétendument commises par la Commission

63

Le requérant soutient avoir subi deux préjudices:

d'une part, un préjudice matériel: le retard apporté à l'élaboration de son rapport de notation et l'attitude «subjective et dénigrante» du notateur d'appel lui auraient causé un préjudice certain, dans le cadre de la procédure de promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988. En particulier, le comité de promotion aurait pris en compte, lors de ses délibérations, un rapport de notation qui n'était pas définitif et aurait manqué de la prudence nécessaire, alors que le CPN n'avait pas encore examiné sa réclamation du 13 juillet 1992;

d'autre part, un préjudice moral: l'attitude du notateur d'appel, ainsi que les propos diffamatoires de M. B., au sein du comité de promotion, auraient porté atteinte à son honneur et à sa réputation et l'auraient contraint à engager une procédure longue et coûteuse. Le requérant rappelle que la Cour a jugé que l'absence d'un rapport de notation est susceptible de provoquer chez l'intéressé un état d'incertitude et d'inquiétude quant à son avenir professionnel, générateur de préjudice moral pouvant donner lieu à indemnisation, dès lors qu'une faute de service est établie (voir les arrêts de la Cour du 14 juillet 1977, Geist/Commission, 61/76, Rec. p. 1419, et du 15 mars 1989, Bevan/Commission, 140/87, Rec. p. 701).

64

Le requérant souligne qu'il est de jurisprudence constante que les rapports de notation constituent un critère essentiel d'évaluation de la carrière d'un fonctionnaire (voir l'arrêt de la Cour du 10 juin 1987, Vincent/Parlement, 7/86, Rec. p. 2473). S'il est exact qu'il est possible de remédier à l'absence d'un rapport de notation en se référant à d'autres éléments du dossier, cette procédure serait exceptionnelle et, surtout, en l'espèce, les éléments versés au dossier prouveraient que le rapport de notation était loin d'avoir un caractère définitif. Le requérant affirme que les préjudices qu'il a subis, à savoir la décision du 8 octobre 1992 de l'AIPN de ne pas l'inscrire sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988, et l'atteinte à son honneur et à sa réputation sont la conséquence directe des fautes commises à son encontre par M. Edsberg et par l'AIPN, dans le cadre de la procédure de notation.

65

La Commission conteste l'existence des deux préjudices allégués par le requérant. Elle rappelle, d'abord, que ce sont les propres demandes et réclamations du requérant qui ont été la cause essentielle du retard de la procédure de notation. Ensuite, selon la Commission, le rapport litigieux n'a causé aucun préjudice au requérant, dans le cadre de la procédure de promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988. A l'appui de sa thèse, la Commission fait observer qu'en l'espèce elle s'est conformée à l'arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, précité: en effet, les appréciations émises par M. B., représentant de la DG XIX, au comité de promotion, en juin 1988, sur le requérant ont été consignées par écrit et le requérant a été en mesure de formuler ses observations sur ces appréciations. Or, ajoute la Commission, à la suite de l'arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, le comité de promotion s'est réuni à plusieurs reprises (21 mai 1992, 15 juillet 1992) pour réexaminer ce dossier, en fonction, notamment le 15 juillet 1992, d'éléments nouveaux. Il a, à chaque fois, estimé qu'il n'y avait pas lieu d'ajouter le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants.

66

Selon la Commission, la décision du 8 octobre 1992 de l'AIPN de ne pas admettre le requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants pour une promotion au grade B 2, au titre de l'exercice 1988, a été régulièrement adoptée et n'a pu causer aucun préjudice matériel au requérant:

en premier lieu, sa réclamation no 693/92, du 13 juillet 1992, susvisée, ne saurait avoir un effet suspensif à l'égard du rapport de notation définitif établi le 24 avril 1992;

en deuxième lieu, selon une jurisprudence constante, l'absence d'un rapport de notation ne doit pas suspendre le déroulement de la procédure de promotion. En pareille situation, l'AIPN n'est pas contrainte d'ajourner ses décisions de promotion, mais peut rechercher d'autres moyens susceptibles de pallier l'absence de rapport de notation (voir l'arrêt du Tribunal du 3 mars 1993, Vela Palacios/CES, T-25/92, Rec. p. II-201); la Commission rappelle également que, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, l'existence d'un dossier irrégulier ou incomplet, du fait, notamment, lors de l'examen comparatif des mérites des candidats, de l'absence d'un rapport de notation, ne suffit pas à annuler une décision de promotion, sauf s'il s'avère que cette circonstance a pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion;

en troisième lieu, le comité de promotion, lors de ses réunions des 21 mai et 15 juillet 1992, se serait prononcé en disposant bien d'un rapport de notation définitif, au sens de l'article 7 du guide de la notation. Dès lors, ce rapport de notation n'aurait eu aucune incidence sur la procédure de promotion.

67

La Commission estime que le comité de promotion, lors de ses réunions successives, disposait d'un dossier complet lui permettant de procéder effectivement à un examen comparatif des mérites des fonctionnaires concernés, au sens de l'arrêt de la Cour du 12 octobre 1978, Ditterich/Commission (86/77, Rec. p. 1855). Dans ces conditions, estime la Commission, la circonstance que le rapport de notation du 24 avril 1992 n'aurait pas entièrement tenu compte des avis du CPN des 24 avril et 9 décembre 1991 a été sans incidence sur la décision de ne pas ajouter le nom du requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants. Enfin, la Commission rappelle que les modifications apportées, en avril 1992, au rapport de notation, par le notateur d'appel, sont mineures et qu'une nouvelle version du rapport de notation n'aurait eu aucune incidence sur les possibilités de promotion du requérant.

c) En ce qui concerne l'évaluation des préjudices allégués

68

Le requérant, prenant en compte, d'une part, le retard apporté à l'achèvement de la procédure de notation et, d'autre part, les conséquences de ce retard sur la procédure de promotion, évalue, ex æquo et bono, son préjudice matériel à une année de traitement, en tenant compte de la différence de traitement dont il aurait pu bénéficier, depuis l'exercice 1988, s'il avait obtenu sa promotion au grade B 2, avec toutes les conséquences que cela aurait entraînées sur la liquidation de ses droits à pension.

69

Le requérant, s'agissant de son préjudice moral, rappelle que la Cour et le Tribunal, selon une jurisprudence constante, ont jugé que les retards dans l'établissement des rapports de notation ouvrent droit à une réparation (voir l'arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497, notamment point 36; l'arrêt du Tribunal du 8 novembre 1990, Barbi/Commission, T-73/89, Rec. p. II-619). Il évalue ce préjudice à un écu.

70

La Commission conteste que le requérant ait subi un dommage matériel et estime que le montant de la réparation demandée est disproportionné pour deux raisons: d'une part, en admettant même que l'intéressé ait été inscrit sur la liste des fonctionnaires les plus méritants, il n'aurait pas eu, de ce fait, un droit à être promu; d'autre part, à supposer qu'il ait été promu, la différence de traitement entre les grades B 3 et B 2 ne saurait justifier le montant réclamé.

71

La Commission soutient que l'attitude du notateur d'appel n'a pu porter atteinte à l'honneur et à la réputation du requérant. En outre, elle estime que le dommage moral ayant pu résulter des propos diffamatoires tenus par M. B., au sein du comité de promotion, a été réparé, d'une part, par l'arrêt du Tribunal du 5 décembre 1990, Marcato/Commission, qui a condamné la partie défenderesse et annulé la décision de 1'AIPN du 11 juillet 1988, refusant l'inscription du requérant sur la liste des fonctionnaires jugés les plus méritants, et, d'autre part, par les suites données à cet arrêt. Enfin, la Commission fait observer que, dans l'affaire Seton/Commission, précitée, une période de quatre ans et trois mois s'était écoulée entre la date où le requérant avait rédigé ses remarques sur la première version de son rapport de notation et la confirmation finale de celui-ci, par le notateur d'appel. En l'espèce, le délai n'aurait été que de deux ans et dix mois, le notateur d'appel ayant rendu son premier rapport définitif le 10 juin 1991 (trois ans et huit mois, si l'on prend en considération le second rapport de notation définitif du 24 avril 1992).

72

En conclusion, la Commission considère qu'elle n'a commis aucune faute susceptible d'engager sa responsabilité et que le requérant n'a subi ni préjudice matériel, ni préjudice moral.

Appréciation du Tribunal

— Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel allégué

73

Il convient de rappeler, en premier lieu et en tout état de cause, que, selon une jurisprudence constante, l'existence d'un dossier irrégulier ou incomplet, du fait, notamment, de l'absence, lors de l'examen comparatif des mérites des candidats, d'un rapport de notation, ne suffit pas à annuler une décision de promotion, sauf s'il s'avère que cette circonstance a pu avoir une incidence décisive sur la procédure de promotion (arrêts de la Cour du 11 mai 1978, De Roubaix/Commission, 25/77, Rec. p. 1081, du 18 décembre 1980, Gratreau/Commission, 156/79 et 51/80, Rec. p. 3943, Vincent/Parlement et Bevan/Commission, précités; arrêt du Tribunal du 16 décembre 1993, Moat/Commission, T-58/92, Rec. p. II-1443). En outre, selon la même jurisprudence et comme le relève ajuste titre la Commission, l'AIPN peut, en cas d'absence de rapport de notation, rechercher d'autres éléments susceptibles de pallier une telle absence.

74

Le Tribunal estime, en deuxième lieu, qu'il ressort des pièces versées au dossier que le comité de promotion, lors de ses réunions des 21 mai et 15 juillet 1992, au cours desquelles il a statué sur le cas du requérant, s'est prononcé en toute connaissance de cause, au vu d'un dossier complet et en disposant bien d'un rapport de notation définitif, au sens de l'article 7 du guide de la notation, en vigueur à la Commission. A cet égard, ni la réclamation no 693/92, du 13 juillet 1992, susvisée, formée par le requérant, ni le présent recours ne sauraient avoir un effet suspensif, de nature à altérer la portée du rapport de notation définitif établi par le notateur d'appel, le 24 avril 1992.

75

Le Tribunal considère, en troisième lieu, que, l'ensemble des moyens invoqués à l'encontre de la légalité même du rapport de notation litigieux ayant été rejetés par le présent arrêt, le requérant ne saurait utilement s'en prévaloir, dans le cadre de ses conclusions en indemnité, à l'appui d'une demande en réparation d'un prétendu préjudice matériel par lui subi.

76

Par conséquent, il y a lieu de constater que le requérant n'a démontré ni que le contenu même de son rapport de notation du 27 avril 1992, ni que les conditions d'élaboration de ce rapport ont eu une incidence sur le déroulement des procédures de promotion ou sur sa carrière (voir l'arrêt Barbi/Commission, précité).

77

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel allégué par le requérant ne peuvent qu'être rejetées.

— Sur les conclusions tendant à la réparation du préjudice moral allégué

78

Le Tribunal rappelle que, comme l'a jugé la Cour, dans son arrêt Geist/Commission, précité, un rapport de notation «doit être établi obligatoirement pour la bonne administration et la rationalisation des services de la Communauté et pour sauvegarder les intérêts des fonctionnaires, ... il constitue un élément indispensable d'appréciation chaque fois que la carrière du fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique; ... l'un des devoirs impérieux de l'administration est donc de veiller à la rédaction périodique de ce rapport aux dates imposées par le statut et à son établissement régulier». Par ailleurs, selon une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, l'absence de rapport de notation est susceptible de provoquer chez l'intéressé un état d'incertitude et d'inquiétude quant à son avenir professionnel, générateur de préjudice moral pouvant donner lieu à indemnisation (voir les arrêts Geist/Commission, Bevan/Commission et Barbi/Commission, précités).

79

Le Tribunal estime qu'en l'espèce le retard apporté à l'élaboration du rapport de notation définitif du requérant, pour la période du 1er juillet 1985 au 30 juin 1987, provient, certes, pour partie du requérant lui-même, qui a usé, d'ailleurs légitimement, de toutes les procédures que lui offrait le guide de la notation, mais également de l'administration, pour une part essentielle. En effet, ce n'est que le 13 avril 1988 que le requérant a reçu un rapport de notation, alors que, pour cette période, celui-ci aurait dû lui être soumis le 30 novembre 1987; par ailleurs, il s'est écoulé un retard de près de dix mois entre la date à laquelle le requérant a demandé l'intervention du notateur d'appel, soit le 8 août 1988, et celle à laquelle ce dernier s'est prononcé, c'est-à-dire le 26 mai 1989; il s'est également écoulé un retard considérable, imputable à l'administration, entre la première saisine du CPN, le 3 juillet 1989, et la date à laquelle celui-ci s'est prononcé, le 24 avril 1991; enfin, le délai excessif qui s'est écoulé entre la première notation d'appel, prétendument «définitive», le 10 juin 1991, et la seconde notation d'appel, véritablement définitive, soit le 24 avril 1992, est imputable, essentiellement, au notateur d'appel et, accessoirement, à l'AIPN.

80

Dans ces conditions, eu égard à l'importance du retard apporté dans l'élaboration du rapport de notation définitif, le Tribunal estime justifié d'octroyer, dans la limite des conclusions dont il est saisi, un écu au titre de la réparation du préjudice moral subi par le requérant.

81

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les conclusions en annulation et les conclusions tendant à la réparation du préjudice matériel, formulées dans le cadre du présent recours, doivent être rejetées et qu'il y a lieu de condamner la Commission à verser au requérant un écu, à raison du préjudice moral par lui subi.

Sur les dépens

82

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Si plusieurs parties succombent, le Tribunal décide du partage des dépens; en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

83

Le Tribunal estime qu'il sera fait une juste appréciation des faits de la cause en condamnant la Commission à supporter ses propres dépens ainsi qu'un tiers des dépens exposés par le requérant et en condamnant ce dernier à supporter les deux tiers de ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête:

 

1)

La Commission est condamnée à verser au requérant un écu, à raison du préjudice moral par lui subi.

 

2)

Le recours est rejeté pour le surplus.

 

3)

La Commission supportera ses propres dépens, ainsi que le tiers des dépens exposés par le requérant; le requérant supportera les deux tiers de ses propres dépens.

 

García-Valdecasas

Vesterdorf

Biancarelli

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 octobre 1994.

Le greffier

H. Jung

Le président

R. García-Valdecasas


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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