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Document 62011CJ0485
Judgment of the Court (Third Chamber) of 27 June 2013.#European Commission v French Republic.#Failure of a Member State to fulfil obligations — Electronic communications networks and services — Directive 2002/20/EC — Article 12 — Administrative charges applicable to undertakings holding general authorisations — National legislation — Electronic telecommunications operators — Requirement to pay an additional charge.#Case C‑485/11.
Arrest van het Hof (Derde kamer) van 27 juni 2013.
Europese Commissie tegen Franse Republiek.
Niet-nakoming – Elektronischecommunicatienetwerken en -diensten – Richtlijn 2002/20/EG – Artikel 12 – Administratieve bijdragen opgelegd aan ondernemingen met algemene machtiging – Nationale wettelijke regeling – Aanbieders van elektronische telecommunicatie – Verplichting om aanvullende bijdrage te betalen.
Zaak C‑485/11.
Arrest van het Hof (Derde kamer) van 27 juni 2013.
Europese Commissie tegen Franse Republiek.
Niet-nakoming – Elektronischecommunicatienetwerken en -diensten – Richtlijn 2002/20/EG – Artikel 12 – Administratieve bijdragen opgelegd aan ondernemingen met algemene machtiging – Nationale wettelijke regeling – Aanbieders van elektronische telecommunicatie – Verplichting om aanvullende bijdrage te betalen.
Zaak C‑485/11.
Jurisprudentie 2013 -00000
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2013:427
ARRÊT DE LA COUR (troisième chambre)
27 juin 2013 (*)
«Manquement d’État – Réseaux et services de communications électroniques – Directive 2002/20/CE – Article 12 – Taxes administratives applicables aux entreprises titulaires d’autorisations générales – Législation nationale – Opérateurs de télécommunications électroniques – Obligation du paiement d’une taxe additionnelle»
Dans l’affaire C‑485/11,
ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 258 TFUE, introduit le 22 septembre 2011,
Commission européenne, représentée par MM. A. Bordes et G. Braun, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,
partie requérante,
contre
République française, représentée par MM. G. de Bergues et J.‑S. Pilczer, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
soutenue par:
Royaume d’Espagne, représenté par Mme N. Díaz Abad, en qualité d’agent,
Hongrie, représentée par M. M. Z. Fehér ainsi que par Mmes K. Szíjjártó, K. Molnár et Á. Szilágyi, en qualité d’agents,
parties intervenantes,
LA COUR (troisième chambre),
composée de M. M. Ilešič, président de chambre, M. K. Lenaerts, vice-président de la Cour, faisant fonction de juge de la troisième chambre, MM. E. Jarašiūnas (rapporteur), A. Ó Caoimh et C. G. Fernlund, juges,
avocat général: M. N. Jääskinen,
greffier: M. V. Tourrès, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 30 janvier 2013,
vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,
rend le présent
Arrêt
1 Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour de constater que, en instituant une taxe additionnelle frappant les opérateurs de télécommunications électroniques (ci-après la «taxe litigieuse»), la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 12 de la directive 2002/20/CE du Parlement européen et du Conseil, du 7 mars 2002, relative à l’autorisation de réseaux et de services de communications électroniques (directive «autorisation») (JO L 108, p. 21).
Le cadre juridique
Le droit de l’Union
2 Les considérants 30 et 31 de la directive «autorisation» énoncent:
«(30) Des taxes administratives peuvent être imposées aux fournisseurs de services de communications électroniques afin de financer les activités de l’autorité réglementaire nationale en matière de gestion du système d’autorisation et d’octroi de droits d’utilisation. Ces taxes devraient uniquement couvrir les coûts administratifs réels résultant de ces activités. À cet effet, la transparence en ce qui concerne les recettes et les dépenses des autorités réglementaires nationales devrait être assurée par la publication d’un rapport annuel indiquant la somme totale des taxes perçues et des coûts administratifs supportés. Les entreprises pourront ainsi vérifier que les coûts administratifs et les taxes s’équilibrent.
(31) Les régimes de taxes administratives ne devraient pas créer de distorsions de la concurrence ni de barrières à l’entrée sur le marché. Avec un régime d’autorisation générale, il ne sera plus possible d’imposer des frais administratifs ni, partant, de taxes à des entreprises individuelles, sauf dans le cadre de l’octroi de droits d’utilisation de numéros ou de radiofréquences et de droits de mettre en place des ressources. Toute taxe administrative applicable devrait être conforme aux principes régissant un régime d’autorisation générale. Une clé de répartition liée au chiffre d’affaires pourrait, par exemple, remplacer de manière équitable, simple et transparente ces critères de répartition des taxes. Lorsque les taxes administratives sont très peu élevées, des taxes forfaitaires ou des taxes combinant une base forfaitaire et un élément lié au chiffre d’affaires pourraient également convenir.»
3 Aux termes de l’article 1er de la directive «autorisation», intitulé «Objectif et champ d’application»:
«1. La présente directive vise à mettre en place un marché intérieur des réseaux et des services de communications électroniques en harmonisant et en simplifiant les règles et les conditions d’autorisation, afin de faciliter leur fourniture dans l’ensemble de la Communauté.
2. La présente directive s’applique aux autorisations portant sur la fourniture de réseaux et de services de communications électroniques.»
4 L’article 12 de la directive «autorisation» dispose:
«1. Les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l’autorisation générale ou auxquelles un droit d’utilisation a été octroyé:
a) couvrent exclusivement les coûts administratifs globaux qui seront occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application du régime d’autorisation générale, des droits d’utilisation et des obligations spécifiques visées à l’article 6, paragraphe 2, qui peuvent inclure les frais de coopération, d’harmonisation et de normalisation internationales, d’analyse de marché, de contrôle de la conformité et d’autres contrôles du marché, ainsi que les frais afférents aux travaux de réglementation impliquant l’élaboration et l’application de législations dérivées et de décisions administratives, telles que des décisions sur l’accès et l’interconnexion, et
b) sont réparties entre les entreprises individuelles d’une manière objective, transparente et proportionnée qui minimise les coûts administratifs et les taxes inhérentes supplémentaires.
2. Lorsque les autorités réglementaires nationales imposent des taxes administratives, elles publient un bilan annuel de leurs coûts administratifs et de la somme totale des taxes perçues. Les ajustements nécessaires sont effectués en tenant compte de la différence entre la somme totale des taxes et les coûts administratifs.»
Le droit français
5 L’article 33 de la loi n° 2009-258, du 5 mars 2009, relative à la communication audiovisuelle et au nouveau service public de la télévision (JORF du 7 mars 2009, p. 4321), a inséré dans le code général des impôts (ci-après le «CGI») l’article 302 bis KH.
6 L’article 302 bis KH du CGI, dans sa version en vigueur à l’expiration du délai fixé dans l’avis motivé, disposait:
«I.- Il est institué une taxe due par tout opérateur de communications électroniques, au sens de l’article L. 32 du code des postes et des communications électroniques, qui fournit un service en France et qui a fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes [(ARCEP)] en vertu de l’article L. 33-1 du même code.
II.- La taxe est assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs mentionnés au I en rémunération des services de communications électroniques qu’ils fournissent, déduction faite du montant des dotations aux amortissements comptabilisés au cours de l’exercice clos au titre de l’année au cours de laquelle la taxe est devenue exigible, lorsqu’ils sont afférents aux matériels et équipements acquis, à compter de l’entrée en vigueur de la loi n° 2009-258 [...], par les opérateurs pour les besoins des infrastructures et réseaux de communications électroniques établis sur le territoire national et dont la durée d’amortissement est au moins égale à dix ans.
Sont toutefois exclues de l’assiette de la taxe:
1° Les sommes acquittées par les opérateurs au titre des prestations d’interconnexion et d’accès faisant l’objet des conventions définies au I de l’article L. 34-8 du code des postes et des télécommunications électroniques;
2° Les sommes acquittées au titre des prestations de diffusion ou de transport des services de communication audiovisuelle;
3° Les sommes acquittées au titre de l’utilisation de services universels de renseignements téléphoniques mentionnés à l’article R. 10-7 du même code.
Lorsque les services de communications électroniques fournis sont compris dans une offre composite comprenant des services de télévision, le 2° n’est pas applicable et les sommes versées au titre de la présente taxe font l’objet d’un abattement de 50 %.
III.- L’exigibilité de la taxe est constituée par l’encaissement du produit des abonnements et autres sommes mentionnées au II.
IV.- La taxe est calculée en appliquant un taux de 0,9 % à la fraction de l’assiette visée au II qui excède 5 millions d’euros.
V.- Les redevables procèdent à la liquidation de la taxe due au titre de l’année civile précédente lors du dépôt de la déclaration mentionnée au I de l’article 287 du mois de mars ou du premier trimestre de l’année civile.
VI.- La taxe est recouvrée et contrôlée selon les mêmes procédures et sous les mêmes sanctions, garanties, sûretés et privilèges que la taxe sur la valeur ajoutée. Les réclamations sont présentées, instruites et jugées selon les règles applicables à cette même taxe.»
La procédure précontentieuse et la procédure devant la Cour
7 Le 28 janvier 2010, la Commission a adressé à la République française une mise en demeure par laquelle elle attirait l’attention de cet État membre sur la possible incompatibilité de l’article 302 bis KH du CGI avec l’article 12 de la directive «autorisation». Conformément à l’article 258 TFUE, elle a invité cet État membre à présenter ses observations.
8 Dans sa lettre en réponse du 25 mars 2010, la République française a contesté les griefs mis en avant par la Commission et a soutenu que la taxe litigieuse ne relevait pas du champ d’application de la directive «autorisation».
9 N’étant pas satisfaite de cette réponse, la Commission a émis, le 1er octobre 2010, un avis motivé, auquel la République française a répondu le 1er décembre 2010 en indiquant qu’elle maintenait la position exprimée dans sa réponse du 25 mars 2010.
10 Dans ces conditions, la Commission a décidé d’introduire le présent recours.
11 Par ordonnance du président de la Cour du 26 janvier 2012, le Royaume d’Espagne et la Hongrie ont été admis à intervenir au soutien des conclusions de la République française.
Sur le recours
Argumentation des parties
12 À l’appui de son recours, la Commission soutient que l’article 12 de la directive «autorisation» vise toute forme de taxe administrative, à savoir celle qui est liée à l’ensemble des coûts engendrés par la gestion, le contrôle et l’application du régime d’autorisation, et non pas seulement les coûts générés par la délivrance d’une autorisation générale. Ledit article viserait, en outre, à imposer que l’assiette de ces taxes administratives soit exclusivement fondée sur les coûts administratifs pertinents. Dès lors, dans la mesure où le fait générateur de la taxe litigieuse serait la détention d’une autorisation et que son assiette serait basée non pas sur les coûts administratifs du régime d’autorisation établi par la législation de transposition de la directive «autorisation», mais sur des éléments liés à l’activité ou au chiffre d’affaires de l’opérateur, cette taxe violerait l’article 12 de cette directive.
13 La Commission fait observer que la taxe litigieuse vise clairement les seuls détenteurs d’une autorisation, la détention de l’autorisation générale en constituant le seul fait générateur. Or, il ressortirait des objectifs de la directive 97/13/CE du Parlement européen et du Conseil, du 10 avril 1997, relative à un cadre commun pour les autorisations générales et les licences individuelles dans le secteur des services de télécommunications (JO L 117, p. 15), et de la directive «autorisation» ainsi que de la jurisprudence de la Cour que les États membres ne peuvent pas imposer aux opérateurs de communications électroniques, du seul fait de cette qualité, matérialisée par la possession d’une autorisation ou par une déclaration préalable, des charges pécuniaires autres que celles prévues par ces deux directives.
14 La Commission soutient qu’il ressort des arrêts du 18 septembre 2003, Albacom et Infostrada (C‑292/01 et C‑293/01, Rec. p. I‑9449); du 8 septembre 2005, Mobistar et Belgacom Mobile (C‑544/03 et C‑545/03, Rec. p. I‑7723), ainsi que du 18 juillet 2006, Nuova società di telecomunicazioni (C‑339/04, Rec. p. I‑6917), que, lorsqu’il existe un lien direct entre la taxe et la qualité d’opérateur en communications électroniques, ou entre la taxe et la fourniture de réseaux de télécommunications publiques ou de services de communications, cette taxe relève du champ d’application de l’article 12 de la directive «autorisation» et est prohibée par cet article si son assiette n’est pas directement liée aux coûts administratifs qui y sont spécifiés.
15 S’agissant de la portée de la directive «autorisation», la Commission soutient que l’article 12 de celle-ci, qui a été adoptée sur le fondement de l’article 95 CE (devenu article 114 TFUE), ne limite pas totalement la souveraineté fiscale des États membres, mais couvre uniquement les taxes dont le fait générateur est la détention d’une autorisation.
16 La Commission conclut, premièrement, que, eu égard à la définition des personnes assujetties à la taxe litigieuse, un lien direct est établi entre le fait d’être assujetti à la taxe et la détention de l’autorisation générale au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous a), de la directive «autorisation». Selon elle, cette taxe, dont le fait générateur est l’autorisation, s’ajoute à la taxe administrative déjà perçue sur les opérateurs de communications électroniques au titre de l’autorisation générale. Elle observe que la délimitation du groupe des personnes assujetties au paiement de cette taxe administrative est très proche de celle concernant les personnes assujetties à la taxe litigieuse, ce qui démontre, selon elle, que la nouvelle taxe est assimilable à une taxe administrative liée à l’autorisation.
17 Deuxièmement, la taxe litigieuse ne respecterait pas les dispositions de l’article 12 de la directive «autorisation» selon lesquelles les taxes administratives imposées aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l’autorisation générale ou auxquelles un droit d’utilisation a été octroyé ne peuvent couvrir que les frais spécifiques que cette disposition énumère.
18 Troisièmement, la taxe litigieuse serait assise sur le montant, hors taxe sur la valeur ajoutée, des abonnements et des autres sommes acquittés par les usagers aux opérateurs de communications électroniques en rémunération des services de communications électroniques qu’ils fournissent. Il s’ensuivrait que les opérateurs qui achètent les prestations de gros sont frappés par la taxe litigieuse de manière plus sensible que ceux qui les fournissent, ce qui enfreindrait l’article 12 de la directive «autorisation» qui dispose que les taxes administratives doivent être réparties entre les entreprises individuelles d’une manière objective et proportionnée.
19 La République française s’oppose à l’affirmation de la Commission selon laquelle l’article 302 bis KH du CGI est contraire à l’article 12 de la directive «autorisation». Elle fait observer que cet article 12 ne vise que les taxes dont le fait générateur est lié à la procédure d’autorisation. Selon la République française, étant donné que la taxe litigieuse n’a pas un tel fait générateur, elle n’entre pas dans le champ d’application de cette disposition et ne peut donc pas être soumise aux conditions posées par celle-ci.
20 Analysant l’arrêt Mobistar et Belgacom Mobile, précité, la République française considère que trois conclusions peuvent être tirées de celui-ci. Premièrement, le seul fait qu’un opérateur de communications électroniques soit titulaire d’une autorisation n’impliquerait pas que les taxes auxquelles il est assujetti relèvent du champ d’application des dispositions fiscales de la directive 97/13 ou, par analogie, de la directive «autorisation». Deuxièmement, l’existence d’un lien direct entre la détention d’une autorisation et l’imposition d’une taxe ne serait pas un critère pertinent pour définir le champ d’application des dispositions fiscales de la directive 97/13 et de la directive «autorisation». Troisièmement, le champ d’application de l’article 12 de la directive «autorisation» serait défini et délimité par le fait générateur de la taxe. Lorsque la taxe est liée à la gestion, au contrôle ou à l’application du système d’autorisation, elle relèverait du champ d’application de l’article 12 de la directive «autorisation» et devrait respecter le régime fixé par cet article. En revanche, lorsque la taxe n’est pas liée à un tel fait générateur, elle ne relèverait pas du champ d’application de l’article 12 de cette directive et ne serait donc pas tenue de respecter le régime établi par cet article.
21 En outre, selon la République française, les taxes administratives prévues à l’article 12 de la directive «autorisation» ont la nature de redevances en ce sens qu’elles présentent un caractère rémunératoire. D’une part, elles correspondraient au versement d’une somme par les opérateurs de communications électroniques en contrepartie des services de gestion, fournis par l’autorité réglementaire nationale, du système d’autorisation et d’octroi de droits d’utilisation. D’autre part, cette correspondance étroite serait assurée entre la somme exigée et les coûts administratifs réels résultant de ces activités, le montant des taxes étant calculé sur la base du coût du service rendu. Les taxes administratives visées à l’article 12 de la directive «autorisation» auraient donc pour fait générateur la gestion, le contrôle et l’application du système d’autorisation générale ou d’octroi de droits d’utilisation.
22 La République française relève que cette lecture de l’article 12 de la directive «autorisation» est corroborée par une interprétation contextuelle de celui-ci. En effet, adoptée sur le fondement de l’article 95 CE (devenu article 114 TFUE), la directive «autorisation» ne peut, selon la République française, avoir pour objet d’harmoniser de façon exhaustive les législations nationales relatives à la fiscalité pesant sur les opérateurs de communications électroniques et ne peut avoir pour effet, en l’absence de dispositions expresses, d’interdire tout autre type de prélèvement sur les opérateurs de communications électroniques titulaires d’autorisations.
23 Enfin, la République française ajoute que l’interprétation téléologique de l’article 12 de la directive «autorisation» confirme cette lecture. L’objectif de cette directive étant de limiter les contraintes administratives de nature à entraver la pénétration de nouveaux opérateurs sur les différents marchés nationaux et à freiner le développement du marché intérieur des communications électroniques, le champ d’application de ladite directive couvrirait les procédures d’autorisation ainsi que les taxes afférentes à ces procédures. Les dispositions fiscales de cette directive, qui devraient être interprétées strictement, viseraient, par conséquent, les taxes dont le fait générateur est lié à l’autorisation et non les charges pécuniaires dont le fait générateur est la fourniture de services de télécommunications à titre onéreux à des usagers finals.
24 À l’instar de la République française, le Royaume d’Espagne et la Hongrie estiment que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence de la Cour, l’article 12 de la directive «autorisation» concerne exclusivement les charges pécuniaires qui relèvent du champ d’application de la directive «autorisation», à savoir celles qui sont liées aux procédures d’autorisation et qui sont susceptibles d’empêcher l’accès au marché de nouveaux opérateurs et de produire un effet de distorsion de la concurrence.
25 Selon ces États membres, une obligation pécuniaire imposée par un État membre ne pourrait relever du champ d’application matériel de la directive «autorisation» du simple fait que ses débiteurs sont des opérateurs de communications électroniques opérant en vertu de l’autorisation générale. Le Royaume d’Espagne et la Hongrie font valoir que la Commission confond en l’occurrence les critères déterminant la qualité de redevable de la taxe avec le fait générateur de celle-ci.
Appréciation de la Cour
26 Les parties s’opposant sur la portée de l’article 12 de la directive «autorisation», il convient de rappeler que cette directive prévoit non seulement des règles relatives aux procédures d’octroi des autorisations générales ou des droits des radiofréquences ou des numéros et au contenu de celles-ci, mais également des règles relatives à la nature, voire à l’ampleur, des charges pécuniaires, liées auxdites procédures, que les États membres peuvent imposer aux entreprises dans le secteur des services de communications électroniques (voir, par analogie, arrêts Albacom et Infostrada, précité, points 35 et 36, ainsi que du 21 juillet 2011, Telefónica de España, C–284/10, Rec. p. I‑6991, point 18).
27 À cet égard, il ressort du libellé de l’article 12 de la directive «autorisation» que les États membres ne peuvent imposer aux entreprises fournissant un service ou un réseau au titre de l’autorisation générale ou auxquelles un droit d’utilisation des radiofréquences ou des numéros a été octroyé que des taxes administratives couvrant les coûts administratifs globaux occasionnés par la gestion, le contrôle et l’application du régime d’autorisation générale des droits d’utilisation et des obligations spécifiques visées à l’article 6, paragraphe 2, de cette directive.
28 Les taxes administratives visées à l’article 12 de la directive «autorisation» ont dès lors un caractère rémunératoire, puisque, d’une part, elles ne peuvent être imposées que pour les services administratifs accomplis par les autorités réglementaires nationales en faveur des opérateurs de communications électroniques au titre, notamment, de l’autorisation générale ou de l’octroi d’un droit d’utilisation des radiofréquences ou des numéros et, d’autre part, elles doivent couvrir les coûts administratifs occasionnés par lesdits services.
29 Ainsi, selon la jurisprudence constante de la Cour, s’agissant plus particulièrement des taxes administratives imposées par les États membres aux opérateurs titulaires de l’autorisation générale au titre de l’article 12 de la directive «autorisation», elles ne peuvent avoir pour objet que de couvrir les frais administratifs afférents à quatre activités administratives, à savoir la délivrance, la gestion, le contrôle et la mise en œuvre du régime d’autorisation générale applicable (voir, par analogie, arrêt Telefónica de España, précité, point 22).
30 Il résulte des éléments qui précèdent qu’une taxe dont le fait générateur est lié à la procédure d’autorisation générale permettant d’accéder au marché des services de communications électroniques relève du champ d’application de l’article 12 de la directive «autorisation». Les États membres doivent assurer qu’une telle taxe administrative ne soit imposée qu’aux fins décrites à l’article 12 de la directive «autorisation» et respecte les conditions qui y sont énoncées.
31 En revanche, une taxe dont le fait générateur n’est pas lié à la procédure d’autorisation générale permettant d’accéder au marché des services de communications électroniques, mais est lié à l’activité de l’opérateur consistant à fournir des services de communications électroniques aux usagers finals en France, ne relève pas du champ d’application de l’article 12 de la directive «autorisation».
32 Il convient de relever que, contrairement à ce que prétend la Commission, d’une part, il ne peut se déduire des termes «au titre de l’autorisation générale» que l’article 12 de la directive «autorisation» vise un autre fait générateur de la taxe administrative que celui lié à la procédure d’autorisation générale ou d’octroi d’un droit d’utilisation des radiofréquences ou des numéros. D’autre part, il ne ressort pas non plus du libellé dudit article que la délivrance d’une autorisation générale ou l’octroi d’un droit d’utilisation des radiofréquences ou des numéros et l’exercice de l’activité de communications électroniques constitueraient ensemble le fait générateur de la taxe administrative.
33 En l’occurrence, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du libellé de l’article 302 bis KH du CGI, le fait générateur de la taxe litigieuse prévue à cet article est lié à la fourniture d’un service en France par tout opérateur de communications électroniques et qui a fait l’objet d’une déclaration préalable auprès de l’ARCEP. L’article 302 bis KH du CGI prévoit qu’un opérateur ne devient redevable de cette taxe litigieuse que lorsque ses revenus pour les services aux usagers finals excèdent 5 millions d’euros. Les opérateurs de communications électroniques qui fournissent des prestations d’interconnexion, d’accès, de diffusion ou de transport des services de communications audiovisuelles ne sont pas redevables de la taxe litigieuse.
34 Il en découle que la taxe litigieuse est imposée non pas à tous les opérateurs de communications électroniques titulaires d’une autorisation générale ou d’un droit d’utilisation des radiofréquences ou des numéros, mais aux opérateurs titulaires d’une autorisation générale qui fournissent déjà leurs services sur le marché des services de communications électroniques aux usagers finals. De plus, les conditions d’imposition de cette taxe énoncées à l’article 302 bis KH du CGI montrent qu’elle n’est pas imposée du seul fait de la détention d’une autorisation générale ou d’un octroi d’un droit d’utilisation des radiofréquences ou des numéros, mais qu’elle est liée à l’activité de l’opérateur consistant à fournir des prestations de communications électroniques aux usagers finals en France. Par conséquent, il y a lieu de considérer que le fait générateur de la taxe litigieuse n’est pas lié à la procédure d’autorisation générale ou à l’octroi d’un droit d’utilisation des radiofréquences ou des numéros. Dès lors, elle ne relève pas du champ d’application de l’article 12 de la directive «autorisation».
35 Il convient en outre d’observer que la jurisprudence de la Cour à laquelle se réfère la Commission ne saurait être utilement invoquée en l’espèce.
36 À cet égard, il y a lieu de rappeler que dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Albacom et Infostrada, précité, la taxe en cause était due par tous les opérateurs de communications électroniques titulaires de licences ou d’autorisations d’exploiter des activités de télécommunications.
37 En outre, il ne saurait être déduit de l’arrêt Mobistar et Belgacom Mobile, précité, que toute taxe imposée à un opérateur titulaire d’une autorisation générale ou d’un droit d’utilisation des radiofréquences ou des numéros relève du champ d’application de la directive «autorisation».
38 Par conséquent, la Commission n’a pas établi que la taxe litigieuse prévue à l’article 302 bis KH du CGI est contraire à l’article 12 de la directive «autorisation».
39 Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours de la Commission.
Sur les dépens
40 En vertu de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République française ayant conclu à la condamnation de la Commission et celle-ci ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens. Conformément à l’article 140, paragraphe 1, du même règlement, selon lequel les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens, il convient de décider que le Royaume d’Espagne et la Hongrie supporteront leurs propres dépens.
Par ces motifs, la Cour (troisième chambre) déclare et arrête:
1) Le recours est rejeté.
2) La Commission européenne est condamnée aux dépens.
3) Le Royaume d’Espagne et la Hongrie supportent leurs propres dépens.
Signatures
* Langue de procédure: le français.