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Document 62014CJ0360

    Arrest van het Hof (Zevende kamer) van 9 juli 2015.
    Bondsrepubliek Duitsland tegen Europese Commissie.
    Hogere voorziening – Harmonisatie van de wetgevingen – Richtlijn 2009/48/EG – Veiligheid van speelgoed – Grenswaarden voor lood, barium, arseen, antimoon, kwik, nitrosamines en nitroseerbare stoffen in speelgoed – Weigering van de Commissie om de door de Duitse autoriteiten aangemelde nationale bepalingen tot handhaving van de grenswaarden voor deze stoffen volledig goed te keuren – Bewijs dat de nationale bepalingen een hoger beschermingsniveau voor de gezondheid van de mens bieden.
    Zaak C-360/14 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:457

    ARRÊT DE LA COUR (septième chambre)

    9 juillet 2015 (*)

    «Pourvoi – Rapprochement des législations – Directive 2009/48/CE – Sécurité des jouets – Valeurs limites pour le plomb, le baryum, l’arsenic, l’antimoine, le mercure, les nitrosamines et les substances nitrosables dans les jouets – Décision de la Commission de ne pas approuver entièrement les dispositions nationales notifiées par les autorités allemandes maintenant les valeurs limites pour ces substances – Preuve d’un niveau de protection plus élevé pour la santé humaine offert par les dispositions nationales»

    Dans l’affaire C-360/14 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 24 juillet 2014,

    République fédérale d’Allemagne, représentée par MM T. Henze et A. Lippstreu, en qualité d’agents, assistés de Me U. Karpenstein, Rechtsanwalt,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant:

    Commission européenne, représentée par MMmes P. Mihaylova et M. Patakia ainsi que par M. G. Wilms, en qualité d’agents,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (septième chambre),

    composée de M. J.‑C. Bonichot, président de chambre, MM. A. Arabadjiev et C. Lycourgos (rapporteur), juges,

    avocat général: M. P. Cruz Villalón,

    greffier: M. A. Calot Escobar,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par son pourvoi, la République fédérale d’Allemagne demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne Allemagne/Commission (T‑198/12, EU:T:2014:251, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel celui-ci a rejeté partiellement son recours tendant à l’annulation partielle de la décision 2012/160/UE de la Commission, du 1er mars 2012, concernant les dispositions nationales notifiées par le gouvernement fédéral allemand maintenant les valeurs limites pour le plomb, le baryum, l’arsenic, l’antimoine, le mercure, les nitrosamines et les substances nitrosables dans les jouets, au-delà de la date d’entrée en application de la directive 2009/48/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité des jouets (JO L 80, p. 19, ci-après la «décision litigieuse»).

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

    2        L’article 114, paragraphes 1, 3, 4 et 6, TFUE est libellé comme suit:

    «1.       Sauf si les traités en disposent autrement, les dispositions suivantes s’appliquent pour la réalisation des objectifs énoncés à l’article 26. Le Parlement européen et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire et après consultation du Comité économique et social, arrêtent les mesures relatives au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont pour objet l’établissement et le fonctionnement du marché intérieur.

    […]

    3.       La Commission, dans ses propositions prévues au paragraphe 1 en matière de santé, de sécurité, de protection de l’environnement et de protection des consommateurs, prend pour base un niveau de protection élevé en tenant compte notamment de toute nouvelle évolution basée sur des faits scientifiques. Dans le cadre de leurs compétences respectives, le Parlement européen et le Conseil s’efforcent également d’atteindre cet objectif.

    4.       Si, après l’adoption d’une mesure d’harmonisation par le Parlement européen et le Conseil, par le Conseil ou par la Commission, un État membre estime nécessaire de maintenir des dispositions nationales justifiées par des exigences importantes visées à l’article 36 ou relatives à la protection de l’environnement ou du milieu de travail, il les notifie à la Commission, en indiquant les raisons de leur maintien.

    […]

    6.       Dans un délai de six mois après les notifications visées aux paragraphes 4 et 5, la Commission approuve ou rejette les dispositions nationales en cause après avoir vérifié si elles sont ou non un moyen de discrimination arbitraire ou une restriction déguisée dans le commerce entre États membres et si elles constituent ou non une entrave au fonctionnement du marché intérieur.

    […]»

    3        Le 3 mai 1988, le Conseil a adopté la directive 88/378/CEE concernant le rapprochement des législations des États membres relatives à la sécurité des jouets (JO L 187, p. 1).

    4        L’annexe II de cette directive, intitulée «Exigences essentielles pour les jouets», énonce:

    «II.       Risques particuliers

    […]

    3.       Propriétés chimiques

    1.       Les jouets doivent être conçus et fabriqués de manière à ne pas présenter, en cas d’utilisation ou d’usage prévu à l’article 2 paragraphe 1 de la directive, de risques pour la santé ou de blessures par ingestion, inhalation ou contact avec la peau, les muqueuses ou les yeux.

    En tout cas, ils doivent respecter les législations communautaires appropriées relatives à certaines catégories de produits ou visant l’interdiction, la limitation d’usage ou l’étiquetage de certaines substances et préparations dangereuses.

    2.       En particulier, la biodisponibilité, pour la protection de la santé des enfants, due à l’utilisation des jouets ne doit pas, comme objectif, dépasser, par jour:

    0,2 microgramme d’antimoine,

    0,1 microgramme d’arsenic,

    25,0 microgrammes de baryum,

    […]

    0,7 microgramme de plomb,

    0,5 microgramme de mercure,

    […]

    ou les autres valeurs qui peuvent être fixées pour ces substances ou pour d’autres substances dans la législation communautaire, basée sur une évidence scientifique.

    On entend par biodisponibilité de ces substances l’extrait soluble qui a une importance toxicologique.

    […]»

    5        Les valeurs limites de biodisponibilité fixées par la directive 88/378 définissent la quantité maximale admissible d’une substance chimique qui peut, du fait de l’utilisation des jouets, être absorbée et être disponible pour des processus biologiques dans le corps humain. Ces valeurs limites sont exprimées en microgramme de chaque substance nocive par jour (µg/j) et n’opèrent pas de distinction en fonction de la consistance de la matière du jouet.

    6        Le Comité européen de normalisation (CEN) a élaboré, puis adopté le 13 décembre 1994, sur la base d’un mandat de la Commission, la norme harmonisée européenne EN 71-3, intitulée «sécurité des jouets» (ci-après la «norme EN 71‑3»), afin de faciliter, notamment pour les fabricants de jouets, la preuve de la conformité aux prescriptions de la directive 88/378.

    7        La norme EN 71-3 déduit des valeurs limites de biodisponibilité fixées par la directive 88/378 des valeurs limites de migration par ingestion pour les matières composant le jouet et décrit une procédure permettant de déterminer celles-ci. Le respect des valeurs de la norme EN 71-3 entraîne une présomption de conformité aux exigences essentielles de la directive 88/378 et donc aux valeurs limites de biodisponibilité définies par cette dernière, tel que cela résulte du troisième considérant et de l’article 5, paragraphe 1, de la directive 88/378.

    8        Les valeurs limites de migration indiquent la quantité maximale admissible d’une substance chimique qui peut migrer, c’est-à-dire passer d’un produit vers l’extérieur, par exemple vers la peau ou le suc gastrique. Elles permettent d’effectuer une mesure sur le jouet lui-même et sont exprimées en milligramme de chaque substance nocive par kilogramme de matière de jouet (mg/kg).

    9        La norme EN 71-3 retient les valeurs limites de migration suivantes:

    Élément

    Valeur limite de migration

    Antimoine

    60 mg/kg

    Arsenic

    25 mg/kg

    Baryum

    1 000 mg/kg

    Plomb

    90 mg/kg

    Mercure

    60 mg/kg


    10      En 2003 a débuté le processus de révision de la directive 88/378 qui s’est achevé le 18 juin 2009 par l’adoption de la directive 2009/48/CE du Parlement européen et du Conseil relative à la sécurité des jouets (JO L 170, p. 1), la République fédérale d’Allemagne s’étant prononcée, lors du vote, contre l’adoption de cet acte.

    11      Le considérant 22 de la directive 2009/48 précise ce qui suit:

    «Les valeurs limites spécifiques fixées pour certaines substances dans la directive 88/378/CEE devraient également être actualisées afin de tenir compte de l’évolution des connaissances scientifiques. Les valeurs limites pour l’arsenic, le cadmium, le chrome VI, le plomb, le mercure et l’étain organique, qui sont particulièrement toxiques et qui ne devraient, dès lors, pas être utilisés délibérément dans les parties de jouets qui sont accessibles aux enfants, devraient être fixées à des niveaux de moitié inférieurs à ceux considérés comme sûrs selon les critères définis par le comité scientifique compétent de la Commission, afin d’assurer que seules des traces compatibles avec de bonnes pratiques de fabrication peuvent être présentes.»

    12      Le considérant 47 de la directive 2009/48 est ainsi libellé :

    «Afin d’accorder aux fabricants et aux autres opérateurs économiques un délai suffisant pour leur permettre de s’adapter aux exigences prévues par la présente directive, il y a lieu de prévoir une période de transition de deux ans à partir de l’entrée en vigueur de la présente directive, pendant laquelle les jouets conformes à la directive 88/378/CEE peuvent être mis sur le marché. Dans le cas d’exigences relatives aux substances chimiques, la durée de cette période devrait être fixée à quatre ans afin de permettre l’élaboration des normes harmonisées nécessaires pour permettre l’adaptation auxdites exigences.»

    13      La directive 2009/48 détermine des valeurs limites de migration spécifiques pour plusieurs substances, dont le plomb, l’arsenic, le mercure, le baryum et l’antimoine à partir des recommandations du Rijksinstituut voor Volksgezondheid en Milieu (Institut néerlandais pour la santé publique et l’environnement, ci-après le «RIVM») présentées dans un rapport de 2008, intitulé «Substances chimiques dans les jouets. Une méthodologie générale pour l’évaluation de la sécurité chimique des jouets avec un gros plan sur les éléments» (ci-après le «rapport du RIVM»). Trois valeurs limites de migration différentes sont définies en fonction du type de matière présente dans le jouet, à savoir la matière sèche, friable, poudreuse ou souple, la matière liquide ou collante et la matière grattée.

    14      L’annexe II de la directive 2009/48, intitulée «Exigences de sécurité particulières», énonce:

    «III.       Propriétés chimiques

    […]

    13.       Sans préjudice des points 3, 4 et 5, les limites de migration ci-après des jouets ou composants de jouets ne doivent pas être dépassées:

    Élément

    mg/kg de matière de jouet sèche, friable, poudreuse ou souple

    mg/kg de matière de jouet liquide ou collante

    mg/kg de matière grattée du jouet

    […]

    […]

    […]

    […]

    Antimoine

    45

    11,3

    560

    Arsenic

    3,8

    0,9

    47

    Baryum

    4 500

    1 125

    56 000

    […]

    […]

    […]

    […]

    Plomb

    13,5

    3,4

    160

    […]

    […]

    […]

    […]

    Mercure

    7,5

    1,9

    94

    […]

    […]

    […]

    […]


    […]»

    15      L’article 53 de la directive 2009/48 dispose:

    «1.       Les États membres n’empêchent pas la mise à disposition sur le marché de jouets qui sont conformes à la directive 88/378/CEE et qui ont été mis sur le marché avant le 20 juillet 2011.

    2.       Outre les exigences prévues au paragraphe 1, les États membres n’empêchent pas la mise à disposition sur le marché de jouets qui sont conformes aux exigences de la présente directive, hormis celles énoncées [au point] III de l’annexe II, à condition que ces jouets satisfassent aux exigences prévues [au point II 3] de l’annexe II de la directive 88/378/CEE et qu’ils aient été mis sur le marché avant le 20 juillet 2013.»

    16      L’article 54 de la directive 2009/48, intitulé «Transposition», prévoit:

    «Les États membres mettent en vigueur les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la présente directive au plus tard le 20 janvier 2011. Ils en informent immédiatement la Commission.

    Ils appliquent ces dispositions à partir du 20 juillet 2011.

    […]»

    17      L’article 55 de la directive 2009/48, intitulé «Abrogation», dispose:

    «La directive 88/378/CEE est abrogée avec effet au 20 juillet 2011, à l’exception de l’article 2, paragraphe 1, et [du point II] 3 de l’annexe II. L’article 2, paragraphe 1, et [le point II] 3 de l’annexe II sont abrogés avec effet au 20 juillet 2013.

    Les références faites à la directive abrogée s’entendent comme faites à la présente directive.»

     Le droit allemand

    18      La République fédérale d’Allemagne a transposé la directive 88/378 en adoptant le règlement sur la sécurité des jouets (Verordnung über die Sicherheit von Spielzeug), le 21 décembre 1989 (BGBl. 1989 I, p. 2541), modifié en dernier lieu par l’article 6, paragraphe 2, du règlement de transposition des directives 2002/44/CE et 2003/10/CE concernant la protection des travailleurs contre les risques liés au bruit et aux vibrations (Verordnung zur Umsetzung der EG-Richtlinien 2002/44/EG und 2003/10/EG zum Schutz der Beschäftigten vor Gefährdungen durch Lärm und Vibrationen), du 6 mars 2007 (BGBl. 2007 I, p. 261). Les valeurs limites pour le plomb, l’arsenic, le mercure, le baryum et l’antimoine figurant à l’article 2 de la réglementation nationale susmentionnée étaient celles définies par la directive 88/378.

    19      Le 20 juillet 2011, est entré en vigueur le deuxième règlement concernant la loi sur la sécurité des équipements et des produits (règlement sur la sécurité des jouets) (BGBl. 2011 I, p. 1350 et suiv. et p. 1470) [Zweite Verordnung zum Geräte- und Produktsicherheitsgesetz (Verordnung über die Sicherheit von Spielzeug) (ci-après la « deuxième GPSGV de 2011)], dont l’article 10, paragraphe 3, relatif aux exigences de sécurité essentielles, reprend les valeurs limites de biodisponibilité de l’annexe II de la directive 88/378 pour le plomb, l’antimoine, l’arsenic, le baryum et le mercure.

     Les antécédents du litige

    20      Les antécédents du litige sont exposés aux points 19 à 22 de l’arrêt attaqué comme suit:

    «19      Par lettre du 18 janvier 2011, la République fédérale d’Allemagne a demandé à la Commission, en vertu de l’article 114, paragraphe 4, TFUE, l’autorisation de maintenir les dispositions prévues par la législation allemande en ce qui concernait cinq éléments, à savoir le plomb, l’arsenic, le mercure, le baryum et l’antimoine, ainsi que pour les nitrosamines et les substances nitrosables libérées par certains jouets, au-delà du 20 juillet 2013, date d’entrée en vigueur de l’annexe II, point III, de la directive 2009/48.

    20      Par lettre du 2 mars 2011, la République fédérale d’Allemagne a transmis une motivation détaillée de cette demande avec, en annexes, des évaluations sanitaires du Bundesinstitut für Risikobewertung (Institut fédéral pour l’évaluation des risques, ci-après le «BfR»), l’une pour l’antimoine, l’arsenic, le plomb, le baryum et le mercure et l’autre pour les nitrosamines et les substances nitrosables.

    21      Par décision du 4 août 2011, la Commission a informé la République fédérale d’Allemagne, en vertu de l’article 114, paragraphe 6, troisième alinéa, TFUE, que la période de six mois, prévue au premier alinéa du même paragraphe, pour approuver ou rejeter les dispositions nationales en ce qui concernait les cinq éléments en cause, en l’occurrence le plomb, l’arsenic, le mercure, le baryum et l’antimoine, ainsi que les nitrosamines et les substances nitrosables, notifiées le 2 mars 2011, était prolongée jusqu’au 5 mars 2012.

    22      Par [la décision litigieuse], la Commission a statué comme suit:

    ‘Article premier

    Les mesures allemandes relatives à l’antimoine, à l’arsenic et au mercure notifiées en vertu de l’article 114, paragraphe 4, […] TFUE ne sont pas approuvées.

    Les mesures allemandes relatives au plomb et notifiées en vertu de l’article 114, paragraphe 4, […] TFUE sont approuvées jusqu’à la date d’entrée en vigueur de dispositions de l’U[nion européenne] fixant de nouvelles valeurs limites pour le plomb présent dans les jouets ou jusqu’au 21 juillet 2013, la date retenue étant la plus proche.

    Les mesures allemandes relatives au baryum et notifiées en vertu de l’article 114, paragraphe 4, […] TFUE sont approuvées jusqu’à la date d’entrée en vigueur de dispositions de l’U[nion européenne] fixant de nouvelles valeurs limites pour le baryum présent dans les jouets ou jusqu’au 21 juillet 2013, la date retenue étant la plus proche.

    Les mesures allemandes relatives aux nitrosamines et aux substances nitrosables notifiées au titre de l’article 114, paragraphe 4, […] TFUE sont approuvées.’»

     La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

    21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mai 2012, la République fédérale d’Allemagne a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse en tant que les dispositions nationales fixant des valeurs limites pour, d’une part, l’antimoine, l’arsenic et le mercure, notifiées en vue de leur maintien, n’y sont pas approuvées et, d’autre part, le plomb et le baryum, notifiées en vue de leur maintien, n’y sont approuvées que jusqu’au 21 juillet 2013.

    22      À la suite d’une demande en référé de la République fédérale d’Allemagne, le président du Tribunal a décidé, par ordonnance du 15 mai 2013, que la Commission autoriserait le maintien des dispositions nationales notifiées par cet État membre jusqu’à ce que le Tribunal ait statué au principal. Le président de la Cour a rejeté, par ordonnance du 19 décembre 2013, le pourvoi de la Commission tendant à l’annulation de ladite ordonnance du président du Tribunal.

    23      À l’appui de son recours, la République fédérale d’Allemagne avait invoqué, en substance, trois moyens d’annulation, tirés, respectivement, d’une violation de l’obligation de motivation, d’une violation de l’article 114 TFUE et d’un détournement de pouvoir.

    24      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé l’article 1er, deuxième alinéa, de la décision litigieuse, en ce qu’il a limité jusqu’au 21 juillet 2013 l’approbation des dispositions nationales allemandes fixant des valeurs limites pour le plomb et a rejeté le recours pour le surplus.

     Les conclusions des parties au pourvoi

    25      La République fédérale d’Allemagne demande à la Cour:

    –        d’annuler l’arrêt attaqué;

    –        d’annuler la décision litigieuse en tant que les dispositions nationales notifiées par le gouvernement allemand n’ont pas été approuvées;

    –        à titre subsidiaire, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

    –        de condamner la Commission aux dépens.

    26      La Commission demande à la Cour:

    –        de rejeter le pourvoi, et

    –        de condamner la République fédérale d’Allemagne aux dépens.

     Sur le pourvoi

    27      À l’appui de son pourvoi, la République fédérale d’Allemagne soulève trois moyens, tirés, respectivement, d’une erreur d’interprétation de l’article 114, paragraphe 4, TFUE, d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué concernant la comparaison des valeurs limites de migration ainsi que d’une dénaturation des faits et des éléments de preuve en ce qui concerne la comparaison des valeurs limites de biodisponibilité.

     Sur le caractère inopérant des moyens du pourvoi

    28      La Commission considère que l’ensemble des moyens de la République fédérale d’Allemagne sont dirigés contre des motifs surabondants de l’arrêt attaqué. Elle fait valoir que cet État membre n’a pas apporté d’éléments susceptibles d’établir qu’il avait prouvé, en première instance, que ses dispositions nationales assuraient un niveau de protection plus élevé de la santé publique que celles de la directive 2009/48. La Commission estime, par conséquent, que les trois moyens du pourvoi sont inopérants.

    29      Il convient cependant de relever que les moyens soulevés par la République fédérale d’Allemagne dans son pourvoi visent précisément à contester l’appréciation juridique des éléments de preuve qui ont été présentés devant le Tribunal. L’affirmation selon laquelle cet État membre n’avance pas d’éléments susceptibles d’établir qu’il aurait satisfait à son obligation de preuve en première instance présuppose donc que ces moyens soient rejetés. Une telle affirmation ne peut donc nullement conduire à la conclusion que lesdits moyens sont, dans leur ensemble, inopérants.

     Sur le premier moyen, tiré d’une méconnaissance de l’article 114, paragraphe 4, TFUE

     Sur la première branche du premier moyen, relative à la violation du principe de l’«évaluation nationale autonome» du risque

    –       Argumentation

    30      Par la première branche de son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne allègue que le Tribunal a violé le principe de l’«évaluation nationale autonome» du risque par les États membres, qui résulterait de la jurisprudence de la Cour relative à l’article 114, paragraphe 4, TFUE. En effet, aux points 100, 101, 105, 107, 119 et 127 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne procéderait à aucune appréciation autonome de la question de savoir si les dispositions nationales notifiées par le gouvernement allemand assurent un niveau de protection de la santé des enfants plus élevé que celui qui résulte des dispositions de la directive 2009/48. À cet égard, le Tribunal se limiterait à renvoyer au rapport du RIVM et à l’avis du comité scientifique des risques sanitaires et environnementaux (CSRSE), qui constitueraient la base sur laquelle reposent les dispositions adoptées par cette directive. Ce faisant, le Tribunal appliquerait de manière absolue l’analyse du RIVM et du CSRSE et exclurait toute évaluation différente des risques, contrairement à la possibilité prévue à l’article 114, paragraphe 4, TFUE.

    31      Par ailleurs, eu égard au lien de dépendance existant entre la Commission et le CSRSE, l’avis de ce dernier ne saurait être pris en compte.

    –       Appréciation de la Cour

    32      Par cette première branche du premier moyen, la République fédérale d’Allemagne reproche, en substance, au Tribunal d’avoir méconnu la charge et le niveau de la preuve découlant des exigences prévues à l’article 114, paragraphe 4, TFUE.

    33      Il convient de rappeler, à cet égard, que la Cour a déjà jugé que, dans le cadre de cette disposition, l’État membre demandeur peut, aux fins de justifier le maintien de dispositions nationales préexistantes, invoquer le fait qu’il évalue le risque pour la santé publique autrement que le législateur de l’Union ne l’a fait dans la mesure d’harmonisation, des évaluations divergentes de ces risques pouvant légitimement être effectuées, sans nécessairement être fondées sur des données scientifiques différentes ou nouvelles (arrêt Danemark/Commission, C‑3/00, EU:C:2003:167, point 63).

    34      En effet, un État membre peut fonder une demande tendant au maintien de dispositions nationales préexistantes sur une évaluation du risque pour la santé publique différente de celle retenue par le législateur de l’Union lors de l’adoption de la mesure d’harmonisation à laquelle ces dispositions nationales dérogent. À cette fin, il incombe à l’État membre demandeur d’établir que lesdites dispositions nationales assurent un niveau de protection de la santé publique plus élevé que la mesure d’harmonisation de l’Union et qu’elles ne dépassent pas ce qui est nécessaire pour atteindre cet objectif (arrêt Danemark/Commission, C‑3/00, EU:C:2003:167, point 64).

    35      En outre, dans le cadre de la procédure prévue à l’article 114, paragraphe 4, TFUE, la Commission doit dûment prendre en considération tous les éléments pertinents et exposer, dans sa décision finale, les considérations essentielles l’ayant amenée à prendre celle-ci (voir, par analogie, s’agissant des conditions d’application de l’article 95, paragraphe 5, du traité CE, devenu article 114, paragraphe 5, TFUE, arrêt Pays-Bas/Commission, C‑405/07, EU:C:2008:613, point 67).

    36      Pour apprécier si les conditions d’application de l’article 114, paragraphe 4, TFUE sont effectivement remplies, ce qui peut, le cas échéant, nécessiter des évaluations techniques complexes, la Commission dispose d’un large pouvoir d’appréciation.

    37      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait au contrôle juridictionnel. Le juge de l’Union doit ainsi non seulement vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à étayer les conclusions qui en sont tirées (voir arrêts Espagne/Lenzing, C‑525/04 P, EU:C:2007:698, point 57, et Pays-Bas/Commission, C‑405/07, EU:C:2008:613, point 55).

    38      En ce qui concerne l’allégation de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle le Tribunal n’a pas apprécié lui-même si les dispositions allemandes qui ont été notifiées assuraient un niveau de protection de la santé publique plus élevé que celui qui résulte de la mesure d’harmonisation, et s’est borné à renvoyer sur ce point aux considérations figurant dans le rapport du RIVM et dans l’avis du CSRSE, refusant de tenir compte de l’évaluation différente des risques que cet État membre a effectuée, il y a lieu, tout d’abord, de relever que le Tribunal, au point 100 de l’arrêt attaqué, a indiqué, à juste titre, qu’il appartenait à l’État membre demandeur de démontrer en quoi les preuves déjà soumises à la Commission ont été appréciées de manière erronée par celle-ci et exigeaient une interprétation différente de la part du Tribunal.

    39      À cet égard, la République fédérale d’Allemagne ayant fondé sa demande de maintien des dispositions nationales, au titre de l’article 114, paragraphe 4, TFUE, sur une comparaison entre les valeurs limites des dispositions nationales notifiées et celles de la directive 2009/48, le Tribunal a examiné à juste titre les éléments de cette comparaison afin de déterminer si cet État membre avait apporté la preuve que ces dispositions nationales assuraient un niveau de protection de la santé humaine plus élevé que celui qui résulte de cette directive.

    40      Ainsi, force est de constater que, dans le cadre de cette comparaison, le Tribunal, qui a examiné toutes les preuves soumises devant lui, a pu examiner à bon droit, aux points 93 à 130 de l’arrêt attaqué, notamment, le rapport du RIVM à l’origine de l’adoption de la directive 2009/48 ainsi que l’avis du CSRSE, qui a confirmé les valeurs limites contenues dans celle-ci.

    41      Dans ces conditions, il ne saurait être valablement reproché au Tribunal de n’avoir pas apprécié lui-même la preuve du niveau de protection plus élevé des dispositions nationales notifiées et de s’être limité à renvoyer au rapport du RIVM et à l’avis du CSRSE.

    42      Par ailleurs, quant à l’éventuel lien de dépendance entre le CSRSE et la Commission, il suffit de relever que, dans le cadre d’une demande de maintien des dispositions nationales au titre de l’article 114, paragraphe 4, TFUE, il incombe à la Commission d’apprécier elle-même le bien-fondé de cette demande (voir, en cens, arrêt Pays-Bas/Commission, C‑405/07 P, EU:C:2008:613, point 67). Il en découle que, si rien ’ne s’oppose à ce que la Commission, pour ce faire, recueille l’avis d’experts ou à d’organismes disposant des ’qualifications nécessaires, il n’est cependant pas indispensable que lesdits experts ou organismes soient indépendants vis-à-vis d’elle. En tout état de cause, il y a lieu d’ajouter que la République fédérale d’Allemagne n’a apporté aucun élément susceptible de démontrer que le CSRSE n’aurait pas adopté son avis en toute indépendance et en toute impartialité.

    43      Il s’ensuit que la première branche du premier moyen n’est pas fondée.

     Sur la deuxième branche du premier moyen, relative au fait que le Tribunal utiliserait un critère de «contrôle absolu» lors de l’interprétation de l’article 114, paragraphe 4, TFUE

    –       Argumentation

    44      Par la deuxième branche de son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient que le Tribunal, aux points 72 à 75, 83, 88 et 128 de l’arrêt attaqué, a commis une erreur de droit en utilisant un critère de «contrôle absolu» dans l’application de l’article 114, paragraphe 4, TFUE. Il exigerait à tort que la République fédérale d’Allemagne rapporte la preuve non seulement que les mesures nationales notifiées garantissent un niveau de protection plus élevé pour la santé humaine que celui qui résulte de la directive, mais également que le niveau de protection conféré par cette directive n’est pas suffisant en tant que tel. En effet, le Tribunal se bornerait à indiquer que les valeurs limites fixées dans la directive 2009/48 ne devraient pas entraîner d’effets néfastes sur la santé humaine, tiennent suffisamment compte du principe des «bonnes pratiques de fabrication», sont conformes au principe de précaution et ne sont pas contestées sur le fond par le gouvernement allemand.

    45      En outre, selon la requérante, le Tribunal, au point 74 de l’arrêt attaqué, ne reprend que partiellement ses allégations selon lesquelles les valeurs limites de la directive 2009/48 concernant l’antimoine et le mercure ne permettaient pas, à ce stade, d’anticiper sur d’éventuels effets nocifs des jouets sur la santé des enfants, mais que, à la lumière du principe de précaution et du principe des bonnes pratiques de fabrication, il convenait de maintenir les valeurs limites nationales.

    –       Appréciation de la Cour

    46      Par la deuxième branche du premier moyen, la République fédérale d’Allemagne fait valoir, en substance, que le Tribunal exigerait non seulement qu’elle rapporte la preuve du niveau de protection plus élevé pour la santé humaine des dispositions nationales notifiées, mais aussi celle de l’insuffisance du niveau de protection offert par la directive 2009/48.

    47      Il convient de rappeler, à cet égard, qu’il résulte des points 71 à 73 de l’arrêt attaqué que c’est précisément cet État membre qui allègue une telle insuffisance. Par conséquent, ce dernier ne saurait faire grief au Tribunal d’avoir examiné son argumentation.

    48      De même, il résulte du point 78 de l’arrêt attaqué, non contesté par la République fédérale d’Allemagne, que celle-ci a formulé différentes observations relatives au principe des «bonnes pratiques de fabrication» et au principe de précaution, dont la Commission n’aurait pas suffisamment tenu compte lors de l’élaboration de la directive 2009/48. Aux points 79 à 84 et 85 à 88 de cet arrêt, le Tribunal a examiné ces différentes observations.

    49      Quant au point 128 de l’arrêt attaqué, le Tribunal ne s’y réfère à certaines positions mises en avant par la République fédérale d’Allemagne que pour étayer son appréciation figurant au point 129 de l’arrêt attaqué, en ce qui concerne les éléments scientifiques pouvant être pris en compte pour déterminer si les dispositions nationales notifiées garantissaient un niveau de protection plus élevé pour la santé humaine que la directive 2009/48. À cet égard, cet État membre n’indique pas en quoi le Tribunal aurait commis une erreur de droit dans le cadre de ce point 128.

    50      Concernant l’argument selon lequel les allégations de la République fédérale d’Allemagne sont reprises, au point 74 de l’arrêt attaqué, de façon partielle, il convient de noter que cet État ne conteste pas que, tout en demandant le maintien des dispositions nationales notifiées, il avait reconnu que les limites fixées dans la directive 2009/48 pour l’antimoine et le mercure n’entraînaient pas d’effets néfastes sur la santé humaine.

    51      Il résulte des considérations qui précèdent que la deuxième branche du premier moyen est non fondée.

     Sur la troisième branche du premier moyen, relative à l’erreur de droit dans l’interprétation de la notion de niveau de protection plus élevé, au sens de l’article 114, paragraphe 4, TFUE

    –       Argumentation

    52      Par la troisième branche de son premier moyen, la République fédérale d’Allemagne allègue que le Tribunal a commis une erreur de droit en effectuant, à tort, une analyse qualitative et non pas quantitative de la notion de niveau de protection plus élevé, au sens de l’article 114, paragraphe 4, TFUE. En effet, le Tribunal aurait, à tort, considéré que cette notion devait être apprécié non pas au regard de la comparaison entre les différentes valeurs limites, mais sur le fondement d’une appréciation générale des connaissances scientifiques qui sont à la base de cette analyse.

    53      À cet égard, le Tribunal affirmerait, d’une part, aux points 96 à 121 de l’arrêt attaqué, que la méthode de calcul des valeurs limites de migration de la directive 2009/48 implique que cette méthode serait supérieure à celle appliquée par la République fédérale d’Allemagne et, d’autre part, aux points 122 à 129 dudit arrêt, que la comparaison opérée par cet État membre entre les valeurs limites de biodisponibilité ne serait pas pertinente. Ainsi, le Tribunal estimerait, de manière contradictoire, que les valeurs limites des dispositions nationales notifiées seraient partiellement plus faibles, mais que, néanmoins, elles n’assureraient pas un niveau de protection plus élevé que celles prévues par la directive 2009/48.

    54      Or, la République fédérale d’Allemagne considère qu’une disposition nationale notifiée garantit un niveau de protection plus élevé pour la santé lorsqu’elle fixe la valeur limite de migration d’un élément potentiellement nocif ’à un niveau qui permet une absorption plus faible de cet élément nocif, indépendamment d’autres facteurs, tels que la base scientifique de la valeur limite, son ancienneté, son contexte systématique ou les valeurs limites fixées pour d’autres matières. Une telle approche serait d’ailleurs confirmée par le considérant 22 de la directive 2009/48, selon lequel les valeurs limites pour certaines substances, notamment l’arsenic et le mercure, devraient être fixées à des niveaux inférieurs de moitié à ceux considérés comme sûrs selon les critères scientifiques.

    –       Appréciation de la Cour

    55      Il convient de rappeler que, conformément aux articles 256 TFUE et 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, le pourvoi est limité aux questions de droit. Le Tribunal est, dès lors, seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que pour apprécier les éléments de preuve. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, notamment, ordonnance Cooperativa Vitivinícola Arousana/OHMI, C‑649/11 P, EU:C:2012:603, point 39).

    56      Or, l’allégation de la République fédérale d’Allemagne selon laquelle le Tribunal aurait effectué une analyse qualitative et non pas quantitative de la notion de niveau de protection plus élevé, au sens de l’article 114, paragraphe 4, TFUE, vise, en réalité, à obtenir une nouvelle appréciation des éléments de preuve examinés par le Tribunal.

    57      Il s’ensuit que la troisième branche du premier moyen est irrecevable.

    58      Par conséquent, il résulte des considérations qui précèdent que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit dans l’interprétation de l’article 114, paragraphe 4, TFUE et que ce premier moyen doit être rejeté.

     Sur le deuxième moyen, tiré d’un défaut de motivation de l’arrêt attaqué concernant la comparaison des valeurs limites de migration

     Sur la première branche du deuxième moyen, relative à la motivation contradictoire concernant la conversion des valeurs allemandes de biodisponibilité issues de la norme EN 71‑3

    –       Argumentation de la République fédérale d’Allemagne

    59      Par la première branche de son deuxième moyen, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que le Tribunal, aux points 105 à 107 de l’arrêt attaqué, a motivé de manière contradictoire l’analyse comparative du tableau 1 présenté en première instance par cet État membre. Il confondrait ainsi le calcul des valeurs limites de migration retenues dans la norme EN 71-3 avec la méthode de mesure ayant abouti audit calcul.

    60      La requérante expose que, selon le Tribunal, les conclusions de l’analyse comparative du tableau 1 sont dépourvues de validité, alors que, pour se prononcer de la sorte, il se fonderait, au point 105 de l’arrêt attaqué, sur la méthode de calcul de la norme EN 71‑3, puis, aux points 106 et 107 de cet arrêt, sur la méthode de mesure retenue dans ladite norme. La requérante indique que la norme EN 71-3 traduit les valeurs limites de biodisponibilité de la directive 88/378 en des valeurs de migration et qu’elle a utilisé cette conversion afin de réaliser le tableau 1 exposant la comparaison entre le niveau de protection conféré par les dispositions nationales notifiées et celui conféré par la directive 2009/48. Elle expose également que cette norme contient des indications concernant la mesure de la migration. Ainsi, le Tribunal aurait confondu la méthode de la mesure de migration des éléments chimiques et la méthode de calcul permettant de déterminer les limites de migration de ces éléments.

    –       Appréciation de la Cour

    61      Il suffit de relever que le Tribunal a indiqué, au point 108 de l’arrêt attaqué, que, à supposer même que les valeurs limites de migration issues de la conversion des valeurs limites de biodisponibilité de la directive 88/378 opérée par la norme EN 71-3, telles que mentionnées dans le tableau 1, puissent être prises en considération, les écritures de la République fédérale d’Allemagne traduisaient une appréciation incomplète du risque sanitaire.

    62      En effet, en se fondant sur un tableau fourni par la Commission, qui retraçait la même comparaison que celle contenue dans le tableau 1, mais pour l’ensemble des matériaux de jouet retenus dans la directive 2009/48 et traduisait de manière complète les résultats chiffrés du raisonnement propre à la République fédérale d’Allemagne, le Tribunal a considéré, au point 112 de l’arrêt attaqué, que cette dernière ne saurait valablement affirmer, de manière générale, que la directive 2009/48 autorise une migration plus élevée des substances nocives en cause que celle admise par les dispositions nationales notifiées.

    63      Ainsi, il convient de constater que, à supposer même que la motivation contenue aux points 105 à 107 de l’arrêt attaqué soit, ainsi que l’affirme la République fédérale d’Allemagne, contradictoire, cela n’a pu avoir une quelconque incidence sur les constations du Tribunal effectuées aux points 108 et suivants de l’arrêt attaqué.

    64      Il s’ensuit que la première branche de ce deuxième moyen, qui vise les points 105 à 107 de l’arrêt attaqué, est inopérante.

     Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à un défaut de motivation, à une motivation contradictoire ainsi qu’à une erreur de droit de l’arrêt attaqué s’agissant des valeurs limites pour les matières grattées

    –       Argumentation

    65      Par la deuxième branche de son deuxième moyen, la République fédérale d’Allemagne fait valoir que le Tribunal, en n’ayant pas tenu compte, lors de l’analyse du niveau de protection des mesures nationales notifiées, de l’importance des valeurs limites de migration pour les matières grattées par rapport à celles des matières liquides et sèches, alors que la majorité des jouets serait constituée de telles matières grattées, a commis une erreur de droit et entaché son arrêt d’une motivation contradictoire et insuffisante.

    66      En effet, il ressortirait des points 110 à 113 et 121 de l’arrêt attaqué, que les valeurs limites de migration prévues par les dispositions nationales notifiées ne sont inférieures à celles de la directive 2009/48 qu’en ce qui concerne la matière grattée qui compose le jouet. Le Tribunal aurait ainsi, sur la base d’une appréciation globale, estimé que lesdites dispositions ne garantiraient pas un niveau de protection plus élevé. En procédant de la sorte, il n’aurait pas permis à la requérante de connaître les raisons pour lesquelles il aurait considéré que la circonstance que la grande majorité des jouets soit constituée de matières grattées n’était pas pertinente aux fins de l’analyse comparative des valeurs de migration entre les dispositions nationales notifiées et celles de la directive 2009/48.

    67      Par ailleurs, la République fédérale d’Allemagne relève, à titre subsidiaire, que l’appréciation contenue au point 114 de l’arrêt attaqué est en contradiction avec celle contenue au point 101 de cet arrêt, selon laquelle le caractère moins accessible des matières grattées a été pris en compte dans la directive 2009/48 en fixant la quantité estimée de matière composant le jouet ingérée par un enfant à un niveau beaucoup plus bas que celui des matières liquides et sèches.

    –       Appréciation de la Cour

    68      Il y a lieu, d’abord, de rappeler que l’allégation relative au fait que le Tribunal n’aurait pas tenu compte, lors de l’analyse du niveau de protection des mesures nationales notifiées, de l’importance des valeurs limites de migration pour les matières grattées par rapport à celles des matières liquides et sèches, alors que la majorité des jouets serait constituée de telles matières grattées, est susceptible de relever non pas d’une éventuelle erreur de droit, mais de l’appréciation des faits, qui, ainsi qu’il a été indiqué au point [55] du présent arrêt, échappe, en principe, au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi.

    69      Il convient, ensuite, de relever qu’il ressort d’une jurisprudence constante que le Tribunal n’est pas tenu d’effectuer un exposé qui suivrait de manière exhaustive et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir arrêt Groupe Danone/Commission, C‑3/06 P, EU:C:2007:88, point 46 et jurisprudence citée)

    70      À cet égard, dans le cadre de la comparaison entre les valeurs limites de migration des dispositions nationales notifiées et de celles de la directive 2009/48, le Tribunal a indiqué, aux points 102 et 114 de l’arrêt attaqué, que la quantité de substances nocives susceptible d’être absorbée par un enfant dépend de la consistance de la matière dont les jouets sont constitués, cette différenciation n’ayant pas été effectuée dans la norme EN 71‑3, qui retient une mesure unique pour tout type de matériau. Le Tribunal a ajouté, audit point 114, que la matière grattée est plus difficilement accessible pour l’enfant que la matière sèche ou la matière liquide, qui peuvent facilement être avalées et donc être absorbées en plus grande quantité par celui-ci.

    71      Il s’ensuit que l’existence dans le commerce d’un plus grand nombre de jouets fabriqués en matière grattée ne serait pas pertinente aux fins d’une telle comparaison. À cet égard, la motivation du Tribunal ne saurait être entachée d’une quelconque contradiction ou insuffisance.

    72      En outre, au point 101 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé que les valeurs limites de migration de la directive 2009/48 ont été fixées sur la base du rapport du RIVM, qui a déterminé la quantité estimée de matière composant le jouet ingérée par un enfant, en l’occurrence 8 mg par jour pour les jouets en matière grattée, 100 mg par jour pour les jouets en matière friable et 400 mg par jour pour les jouets en matière liquide ou collante. À cet égard, il y a lieu de constater que de telles affirmations ne font qu’appuyer l’appréciation du Tribunal contenue aux points 102 et 114 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la quantité de substances nocives susceptible d’être absorbée dépend de la consistance de la matière des jouets. Ainsi, malgré le fait que les valeurs limites de migration fixées par la directive 2009/48 soient effectivement supérieures à celles issues de la conversion des valeurs limites de biodisponibilité prévues par les dispositions nationales notifiées en ce qui concerne la matière grattée, une telle circonstance n’implique pas que cette directive permette une migration plus élevée des substances nocives en cause que celle admise par les dispositions nationales notifiées.

    73      Il s’ensuit qu’aucune contradiction ne saurait davantage ressortir des appréciations contenues aux points 101 et 114 de l’arrêt attaqué.

    74      Par conséquent, il convient d’écarter la deuxième branche du deuxième moyen.

    75      Il résulte des considérations qui précèdent que le deuxième moyen doit être rejeté.

     Sur le troisième moyen, tiré d’une dénaturation manifeste des faits et des éléments de preuve en ce qui concerne la comparaison des valeurs limites de biodisponibilité

     Sur la première branche du troisième moyen, relative à la dénaturation du contenu du tableau 3

    –       Argumentation des parties

    76      Par la première branche de son troisième moyen, la requérante soutient que, s’agissant de l’analyse relative au tableau 3 qu’elle a produit, qui concerne la comparaison entre les valeurs limites de biodisponibilité résultant des mesures nationales notifiées et celles résultant de la directive 2009/48, contrairement aux observations effectuées par le Tribunal au point 125 de l’arrêt attaqué, ce tableau n’a pas pour objet «de comparer les valeurs journalières d’absorption fixées par la directive 2009/48 […] avec les valeurs issues de la norme EN 71-3». D’une part, le tableau 3 contiendrait non pas des «valeurs issues de la norme EN 71-3», mais des valeurs limites de biodisponibilité résultant des dispositions nationales notifiées (exprimées en µg/jour). D’autre part, la directive 2009/48 indiquerait non pas des «valeurs journalières d’absorption», mais des valeurs limites de migration (exprimées en mg/kg de matière composant le jouet).

    77      La Commission considère que les annexes 3 et 4 du pourvoi, présentées par la République fédérale d’Allemagne à l’appui de son argumentation relative à la prétendue dénaturation du contenu du tableau 3, sont des éléments de preuve nouveaux qui ne peuvent être admis dans le cadre du présent pourvoi.

    –       Appréciation de la Cour

    78      S’agissant de l’allégation selon laquelle le Tribunal aurait manifestement dénaturé le contenu du tableau 3, il y a lieu de constater, ainsi que l’indique à juste titre la Commission dans son mémoire en réponse, que la République fédérale d’Allemagne a recours, au soutien de cette allégation, à de nouveaux éléments de preuve, tels que les annexes 3 et 4 au pourvoi, qui ne sauraient être pris en compte aux fins d’une dénaturation (voir, en ce sens, arrêt PKK et KNK/Conseil, C‑229/05 P, EU:C:2007:32, point 37).

    79      En outre, au point 122 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a indiqué, à juste titre, que ce tableau 3 présente une comparaison entre, d’une part, les valeurs limites de biodisponibilité telles qu’issues de l’article 10, paragraphe 3, de la deuxième GPSGV de 2011, qui sont les mêmes que celles issues des dispositions nationales notifiées et de la directive 88/378, et, d’autre part, les valeurs limites de biodisponibilité issues d’une conversion des valeurs limites de migration prévues par la directive 2009/48 pour les trois catégories de matières composant les jouets. Au point 124 de cet arrêt, le Tribunal a exposé que ce tableau 3 se fonde sur les données figurant dans un tableau établi par le BfR et intitulé «Comparaison des doses absorbées et limites de migration acceptables respectivement en vertu de la directive 88/378/CEE, de la directive 2009/48/CE et de la norme EN 71‑3».

    80      Il convient de relever que ces points 122 et 124 de l’arrêt attaqué n’ont pas été contestés par la République fédérale d’Allemagne.

    81      Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas manifestement dénaturé les éléments contenus dans le tableau 3 lorsqu’il a indiqué, au point 125 de l’arrêt attaqué, que ce tableau «a pour objet de comparer les valeurs journalières d’absorption fixées par la directive 2009/48 pour les trois consistances de la matière composant le jouet avec les valeurs issues de la norme EN 71‑3». En effet, d’une part, le fait que le Tribunal omette de préciser que ce sont les valeurs journalières d’absorption prévues par la directive 2009/48 après conversion qui sont comparées dans ce tableau ne relève d’aucune dénaturation manifeste des éléments de preuve, ainsi qu’en atteste le point 122 de l’arrêt attaqué, qui permet de comprendre la base sur laquelle le Tribunal a fondé son appréciation relative à la pertinence des éléments inclus dans le tableau 3.

    82      D’autre part, si le tableau 3 ne mentionne pas expressément de «valeurs issues de la norme EN 71-3», il n’en demeure pas moins qu’il résulte du troisième considérant de la directive 88/378 et de l’article 5, paragraphe 1, de celle-ci que la norme EN 71‑3 déduit des valeurs limites de biodisponibilité fixées par cette directive des valeurs limites de migration et que le respect des valeurs de cette norme EN 71‑3 entraîne une présomption de conformité aux exigences essentielles de ladite directive et, partant, aux valeurs limites de biodisponibilité définies par cette dernière. Or, les valeurs limites de biodisponibilité telles qu’issues de l’article 10, paragraphe 3, de la deuxième GPSGV de 2011 sont les mêmes que celles issues des dispositions nationales notifiées et de la directive 88/378.

    83      Dans ces conditions, il ne ressort pas de l’appréciation du Tribunal au point 125 de l’arrêt attaqué que celui-ci ait manifestement dénaturé le tableau 3.

    84      La première branche du troisième moyen est, dès lors, non fondée.

     Sur la deuxième branche du troisième moyen, relative à la dénaturation de l’annexe A.34

    –       Argumentation

    85      Par la deuxième branche de son troisième moyen, la République fédérale d’Allemagne soutient que le Tribunal, au point 126 de l’arrêt attaqué, a dénaturé le contenu du tableau inclu dans l’annexe A.34 en considérant que les données y figurant sont le résultat d’une addition inappropriée. Certes, ce tableau comporterait une colonne où les valeurs limites de biodisponibilité des dispositions nationales notifiées sont comparées avec la somme de l’ensemble des valeurs limites de biodisponibilité de la directive 2009/48. Toutefois, ledit tableau contiendrait également des valeurs limites de biodisponibilité non additionnées pour chaque type de matière, afin de les comparer avec les valeurs limites de biodisponibilité des dispositions nationales notifiées.

    –       Appréciation de la Cour

    86      Il convient de relever que la République fédérale d’Allemagne admet que, dans le tableau établi par le BfR inclu dans l’annexe A.34 de sa requête en première instance, les doses journalières acceptables correspondant aux trois matières distinguées dans la directive 2009/48 sont additionnées puis comparées à la seule matière grattée, visée par la norme EN 71‑3.

    87      Si, certes, ce tableau contient également des valeurs limites de biodisponibilité non additionnées pour chaque type de matière, afin de permettre leur comparaison avec les valeurs limites de biodisponibilité des dispositions nationales notifiées, il n’en demeure pas moins que l’affirmation relative au fait qu’une des colonnes dudit tableau effectue une addition des valeurs journalières d’absorption des trois matières distinguées dans la directive 2009/48 aux fins de la comparaison avec les valeurs journalières d’absorption de la norme EN 71‑3 n’est pas constitutive d’une dénaturation manifeste des données figurant dans ledit tableau.

    88      En tout état de cause, eu égard à l’appréciation contenue aux points 125, 127 et 128 de l’arrêt attaqué, le fait que le Tribunal a omis d’indiquer que le tableau établi par le BfR compare également les doses journalières acceptables de chaque matière, sans les additionner, n’a pas eu d’incidence sur l’appréciation du Tribunal, figurant au point 129 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la République fédérale d’Allemagne ne saurait valablement se fonder sur une comparaison des limites de biodisponibilité pour alléguer que les dispositions nationales notifiées garantissent un niveau de protection plus élevé pour la santé que la directive 2009/48.

    89      Il s’ensuit que la deuxième branche du troisième moyen est non fondée.

     Sur la troisième branche du troisième moyen, relative à la dénaturation de l’avis du CSRSE

    –       Argumentation

    90      Par la troisième branche de son troisième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal, en se fondant sur l’avis du CSRSE afin de juger que la méthode consistant à comparer des valeurs limites de biodisponibilité est une méthode dépassée sur le plan scientifique, a dénaturé cet avis. En effet, d’une part, celui-ci porterait uniquement sur la question de savoir si l’approche de la directive 2009/48, fondée sur les valeurs limites de migration, est intrinsèquement justifiée et sûre sur le plan scientifique et, d’autre part, les références, dans l’arrêt attaqué, à cet avis ne concerneraient manifestement pas la comparaison entre des valeurs limites de biodisponibilité et de migration.

    –       Appréciation de la Cour

    91      Il suffit de constater que, au point 127 de l’arrêt attaqué, le Tribunal, d’une part, a indiqué «que la comparaison des limites de biodisponibilité, excipée par la République fédérale d’Allemagne, exprime une évaluation du risque sanitaire à rebours de celle reposant sur les connaissances scientifiques les plus récentes et sur la base desquelles ont été établies les exigences spécifiques relatives aux propriétés chimiques figurant à l’annexe II, point III, de la directive 2009/48» et, d’autre part, a reproduit ensuite de manière littérale des parties de cet avis du CSRSE.

    92      À cet égard, l’appréciation du Tribunal ne contient aucune dénaturation manifeste de l’avis du CSRSE.

    93      Il s’ensuit que la troisième branche du troisième moyen est non fondée.

    94      Par conséquent, le troisième moyen de la République fédérale d’Allemagne ne saurait prospérer et doit être rejeté comme non fondé.

    95      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de rejeter le pourvoi dans sa totalité.

     Sur les dépens

    96      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République fédérale d’Allemagne ayant succombé en ses moyens et la Commission ayant conclu à sa condamnation, il y a lieu de la condamner aux dépens.

    Par ces motifs, la Cour (septième chambre) déclare et arrête:

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      La République fédérale d’Allemagne est condamnée aux dépens.

    Signatures


    * Langue de procédure: l’allemand.

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