EUR-Lex Access to European Union law

Back to EUR-Lex homepage

This document is an excerpt from the EUR-Lex website

Document 62014CJ0173

Arrest van het Hof (Zesde kamer) van 16 april 2015.
European Dynamics Belgium SA en anderen tegen Europees Geneesmiddelenbureau (EMA).
Zaak C-173/14 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2015:226

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

16 avril 2015 (*)

«Pourvoi – Marchés publics de services – Appel d’offres – Critères d’attribution – Transparence – Évaluation objective – Demande de dommages-intérêts»

Dans l’affaire C‑173/14 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 8 avril 2014,

European Dynamics Belgium SA, établie à Bruxelles (Belgique),

European Dynamics Luxembourg SA, établie à Ettelbrück (Luxembourg),

Evropaïki Dynamiki - Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE, établie à Athènes (Grèce),

European Dynamics UK Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

représentées par Me V. Christianos, dikigoros,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant:

Agence européenne des médicaments (EMA), représentée par MM. T. Jabłoński et  S. Marino ainsi que par Mmes G. Gavriilidou et C. Maignen, en qualité d’agents, assistés de Me H.-G. Kamann, Rechtsanwalt,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. S. Rodin, président de chambre, MM. E. Levits (rapporteur) et F. Biltgen, juges,

avocat général: M. P. Cruz Villalón,

greffier: M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, les requérantes demandent l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne European Dynamics Belgium e.a./EMA (T‑158/12, EU:T:2014:36, ci-après l’«arrêt attaqué»), par lequel ce dernier a rejeté, d’une part, leur recours tendant à l’annulation de la décision EMA/67882/2012 de l’Agence européenne des médicaments (EMA), du 31 janvier 2012 et, d’autre part, une demande de dommages-intérêts.

 Les antécédents du litige

2        Les faits de l’espèce ont été exposés aux points 1 à 12 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants:

«1      Par un avis de marché du 8 août 2011[...], l’[EMA] a lancé un appel d’offres sous la référence EMA/2011/17/ICT, concernant la fourniture de services externes dans le domaine des applications logicielles pour des systèmes de traitement de transactions en ligne et comportant deux lots.

2      L’objet de l’appel d’offres était de conclure, pour chacun des lots, un contrat-cadre avec un maximum de trois prestataires pour une durée de quatre années. L’avis de marché prévoyait que le contrat-cadre serait attribué à l’offre économiquement la plus avantageuse au regard des critères spécifiés dans le cahier des charges, dans l’invitation à soumissionner ou dans le document descriptif. Le lot n° 1 portait sur la fourniture de ressources sur une ‘base-temps et matériel’ pour des systèmes de traitement de transactions en ligne, pour une quantité de 19 000 personnes-jours par année. La section 2 du cahier des charges prévoyait que, pour le lot n° 1, l’EMA avait l’intention de signer plusieurs contrats-cadres en cascade par ordre de priorité, dans une limite de trois contrats.

3      La procédure d’évaluation des offres soumises se déroulait en trois étapes: application des critères d’exclusion visant à déterminer si les soumissionnaires étaient autorisés à participer à la procédure (section 13 du cahier des charges); application des critères de sélection dans le but de déterminer si les soumissionnaires avaient les capacités financières, économiques, techniques et professionnelles pour exécuter le contrat (sections 14 et 15 du cahier des charges); application des critères d’attribution visant à identifier l’offre économiquement la plus avantageuse (section 16 du cahier des charges).

4      Le point 16.1.1 du cahier des charges prévoyait que les critères d’attribution du lot n° 1 étaient au nombre de huit. Les six premiers critères étaient des critères techniques, le septième un critère de prix et le huitième consistait en une présentation éventuelle des offres au siège de l’EMA. S’agissant des six critères techniques, le point 16.1.2 du cahier des charges indiquait que, sur un total de 60 points, les critères de la méthodologie de sélection des ressources et de la gestion du personnel comptaient chacun pour 15 points, que les critères de gestion des contrats et de garantie des qualifications comptaient chacun pour 7 points, que le critère des relations avec les sites extra-muros comptait pour 2 points et que le critère de la qualité de la proposition technologique dans le domaine du lot comptait pour 14 points. Le critère de prix comptait pour 40 points. Le point 16.1.2.8 prévoyait d’ajouter 10 points pour le cas où les soumissionnaires seraient invités à compléter leur offre écrite par une présentation devant le comité d’évaluation de l’EMA dans les locaux de celle-ci, les soumissionnaires pouvant se voir alors demander d’exécuter un scénario de simulation en conditions réelles conformément aux procédures et aux conditions prévues à la section 4 du cahier des charges. Par suite, le total maximal de points pouvant être attribué à une offre était de 110.

5      Le point 16.1.2 du cahier des charges précisait que l’évaluation technique des offres serait effectuée au regard des six critères techniques et que les soumissionnaires devraient atteindre 60 % du total des points pour chacun de ces critères, sous peine d’exclusion de la procédure. Le point 16.1.2.7 précisait que l’évaluation du prix serait effectuée à partir d’une formule mathématique et que les soumissionnaires seraient classés selon les résultats des critères d’attribution incluant le critère de prix.

6      Six soumissionnaires ont présenté des offres pour le lot n° 1, dont le consortium constitué par les requérantes [...]. Quatre soumissionnaires, dont les requérantes, ont participé à l’étape au cours de laquelle les critères d’attribution étaient évalués.

7      Par un courrier du 9 décembre 2011, le comité d’évaluation a invité les requérantes à une réunion dans les locaux de l’EMA, pour qu’elles présentent leur offre le 16 décembre 2011. Le comité d’évaluation précisait le déroulement et l’organisation de la réunion, notamment que la présentation ne pouvait couvrir que des réponses requises pour l’évaluation au regard des critères d’attribution, aucun nouvel élément ne pouvant être introduit par rapport à l’offre soumise. Le comité d’évaluation transmettait en pièce jointe un scénario de simulation en conditions réelles (ci-après le ‘scénario’) et demandait aux requérantes d’y répondre en faisant venir, en tant que membres de leur équipe, un candidat pour chacun des rôles définis dans le scénario. Le comité d’évaluation indiquait qu’il conduirait un court entretien avec chacun de ces candidats. Il informait également les requérantes que devaient également participer à cette réunion la personne responsable des recrutements, afin qu’elle présente la méthodologie de recrutement, et un représentant de l’équipe de formation, afin qu’il présente les aspects de formation de l’offre soumise.

8      Deux documents étaient annexés au courrier de l’EMA du 9 décembre 2011. Le premier document comportait un projet de déroulement de la présentation, attribuant un nombre de points à chaque aspect de celle-ci, dont 40 points sur 100 aux entretiens avec les candidats proposés par les soumissionnaires en réponse au scénario, et des lignes directrices à l’adresse des soumissionnaires pour préparer la présentation de leurs offres. Il était notamment indiqué que l’objectif des entretiens avec les candidats proposés était d’évaluer la correspondance entre le résultat des procédures décrites dans la méthodologie de sélection des ressources, à savoir les candidats, et les données fournies dans le cadre de ces procédures, à savoir les descriptions des profils. Le second document décrivait les éléments du scénario et les résultats auxquels les soumissionnaires devaient aboutir. Il exigeait de présenter cinq curriculum vitae de candidats aux fonctions recherchées.

9      Par un courrier du 13 décembre 2011, les requérantes ont contesté la régularité du projet de déroulement de la présentation, tel qu’il ressortait du courrier du 9 décembre 2011, au regard de la réglementation sur les marchés publics, en insistant notamment sur le caractère discriminatoire de la présentation requise par rapport au soumissionnaire titulaire du marché avec l’EMA depuis environ dix ans et dont la structure opérationnelle était en place, ainsi que sur le fait que la procédure mise en œuvre était différente de celle requise par le cahier des charges.

10      Par un courrier du 15 décembre 2011, l’EMA a répondu aux requérantes, en faisant valoir que, conformément au cahier des charges, les présentations faisaient partie de la procédure d’évaluation, que tous les soumissionnaires avaient eu le même délai, mentionné dans le cahier des charges, pour répondre à l’invitation à présenter leurs offres, que le scénario était prévu par le cahier des charges et que le but de la présentation de candidats aux rôles indiqués dans le scénario était de vérifier le résultat des procédures de recrutement décrites dans les offres soumises.

11      La présentation de l’offre des requérantes s’est déroulée le 16 décembre 2011 dans les locaux de l’EMA, en l’absence des candidats aux rôles indiqués dans le scénario, de la personne responsable des recrutements et du représentant de l’équipe de formation.

12      Par un courrier du 31 janvier 2012, l’EMA a informé les requérantes que, à la suite de l’évaluation des offres soumises, il avait été décidé de leur attribuer le deuxième contrat-cadre dans l’ordre de priorité [...]»

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

3        Au soutien de leur recours en première instance, les requérantes ont fait valoir trois moyens tirés, premièrement, de l’ajout, a posteriori, d’un critère d’attribution qui ne figurait pas dans les spécifications techniques du cahier des charges, deuxièmement, d’erreurs manifestes d’appréciation concernant l’évaluation d’un critère de sélection quantitative en tant que critère d’attribution et, troisièmement, de la violation du principe de transparence.

4        S’agissant du premier moyen, le Tribunal a considéré, au point 25 de l’arrêt attaqué, que l’argument principal des requérantes consistait à soutenir que le pouvoir adjudicateur a introduit, lors de l’invitation des soumissionnaires à la présentation de leur offre dans les locaux de l’EMA, laquelle constituait le huitième critère d’attribution, un critère ou un sous-critère d’évaluation qui n’avait pas été prévu par les différents documents contractuels communiqués avant le dépôt des offres.

5        Après avoir décrit, au point 29 de l’arrêt attaqué, le contenu de la section 4 du cahier des charges et indiqué, en particulier, que le point 4.2.5.4 de celui-ci présente la procédure de commande de services, composée des différentes étapes à l’issue desquelles le soumissionnaire retenu, auquel a été adressé l’ordre de commande, devra présenter à l’EMA les candidats correspondant aux profils définis par celle-ci au début de la procédure, cette procédure étant destinée à fournir à cette agence des candidats à des postes qu’elle a prédéfinis, le Tribunal a indiqué, au point 33 de cet arrêt, que la procédure d’exécution du scénario a été conçue pour évaluer et noter non pas les qualités des collaborateurs externes intervenant dans le cadre du scénario, mais le fonctionnement effectif de la méthodologie de sélection des ressources.

6        S’agissant du premier grief invoqué par les requérantes dans le cadre du deuxième moyen à l’appui de leur recours en annulation, après avoir rappelé aux points 36 à 43 de l’arrêt attaqué les principes qui permettent de distinguer les notions de «critère de sélection» et de «critère d’attribution», le Tribunal a souligné, au point 47 de cet arrêt, que le point 15.3 du cahier des charges constituait un critère de sélection des soumissionnaires, aux termes duquel ceux-ci étaient invités à justifier de leur expérience et de leurs ressources pour fournir les services requis. Aux points 48 et 49 dudit arrêt, le Tribunal a constaté que, en revanche, les critères d’attribution visés aux points 16.1.2.1 à 16.1.2.4 du cahier des charges ne tendaient pas, eu égard à leur contenu, à évaluer l’expérience des soumissionnaires.

7        À cet égard, se référant au rapport du comité d’évaluation de l’EMA, le Tribunal a souligné, au point 51 de l’arrêt attaqué, que ce comité d’évaluation s’était prononcé lors de la phase d’attribution, à partir des preuves des contrats antérieurs fournies par les soumissionnaires, sur la crédibilité des offres soumises. En outre, le Tribunal a constaté, au point 52 de cet arrêt, qu’aucun élément du dossier ne permettait de soutenir que ledit comité d’évaluation avait évalué l’expérience des soumissionnaires au cours de l’examen des critères d’attribution.

8        En réponse au second grief du deuxième moyen des requérantes, le Tribunal a souligné, aux points 56 et 57 de l’arrêt attaqué, que la jurisprudence sur le fondement de laquelle celles-ci tiraient la prétendue interdiction de prise en considération, par le pouvoir adjudicateur auteur de l’appel d’offres, de l’expérience antérieure acquise lors de contrats passés avec celui-ci, était interprétée de façon erronée par lesdites requérantes.

9        S’agissant du troisième moyen à l’appui du recours en annulation, après avoir rappelé les exigences relatives au principe de transparence qui prévalent en matière de passation de marchés publics, le Tribunal a réfuté, au point 69 de l’arrêt attaqué, les affirmations des requérantes en ce qui concerne l’évaluation et la clarté du sixième critère d’attribution, en se fondant sur le rapport du comité d’évaluation de l’EMA, après avoir constaté que les requérantes n’avaient pas contesté la pertinence de ce critère.

 Les conclusions des parties devant la Cour

10      Les requérantes demandent à la Cour d’annuler l’arrêt attaqué, de renvoyer l’affaire devant le Tribunal et de condamner l’EMA aux dépens.

11      L’EMA conclut au rejet du pourvoi et à la condamnation des requérantes aux dépens.

 Sur le pourvoi

12      Au soutien de leur pourvoi, les requérantes font valoir quatre moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

13      Par la première branche du premier moyen de pourvoi, les requérantes font valoir que le Tribunal a dénaturé le moyen d’annulation tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait ajouté un critère d’attribution au cours de la procédure d’appel d’offres. Ainsi, elles reprochent au Tribunal d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation en ayant omis d’examiner si la circonstance que, au cours de la présentation du scénario prévue dans le cadre du huitième critère d’attribution et à laquelle les requérantes ont été priées de procéder par la lettre du 9 janvier 2011, des collaborateurs externes retenus par les candidats ont été évalués et notés. Une telle évaluation, n’ayant pas été prévue par les spécifications techniques, aurait, partant, été constitutive d’un nouveau critère ou sous-critère d’attribution.

14      Par la seconde branche de ce moyen, les requérantes soutiennent que la motivation de l’arrêt attaqué est contradictoire dès lors que les points 8 ainsi que 29, d’une part, et 33, d’autre part, de cet arrêt font état de deux finalités différentes de la présentation prévue au point 16.1.2.8 du cahier des charges.

15      L’EMA fait valoir que le Tribunal a examiné les arguments des requérantes exactement tels qu’ils résultaient de leur requête. Quant à la contradiction alléguée de la motivation de l’arrêt, l’EMA souligne que les requérantes confondent différents éléments examinés par le Tribunal.

 Appréciation de la Cour

16      S’agissant de la première branche du premier moyen, le Tribunal a constaté, aux points 33 et 34 de l’arrêt attaqué, que la procédure d’exécution du scénario prévue dans le cadre du huitième critère d’attribution, comprenant la présentation à laquelle les requérantes ont été priées de procéder par la lettre du 9 janvier 2011, était conçue non pour évaluer et noter les qualités des collaborateurs externes intervenant dans le cadre du scénario, mais pour évaluer le fonctionnement effectif de la méthodologie de sélection des ressources et pour vérifier la qualité des performances obtenues par cette méthode.

17      Partant, il ne saurait être reproché au Tribunal d’avoir dénaturé les arguments que les requérantes ont soulevés dans le cadre de leur premier moyen d’annulation, qui visaient spécifiquement, ainsi qu’il ressort notamment du point 43 de leur requête devant le Tribunal, l’ajout d’un nouveau critère d’attribution, lié à l’évaluation et à la notation des collaborateurs externes des soumissionnaires au cours de la présentation du scénario dans les locaux de l’EMA.

18      Quant à la seconde branche, il y a lieu de relever que le grief des requérantes, tiré d’une motivation insuffisante de l’arrêt attaqué dans le cadre de l’examen du premier moyen d’annulation, repose sur une lecture manifestement erronée de cet arrêt.

19      En effet, lorsque, au point 29 de l’arrêt attaqué, le Tribunal rappelle la finalité de la procédure de commande de services visée au point 4.2.5.4 du cahier des charges, laquelle constitue l’un des objets de l’appel d’offres en cause, il se réfère, au point 33 de cet arrêt, au but poursuivi par une autre procédure, à savoir celle liée à l’exécution du scénario dans le cadre de l’évaluation du critère d’attribution prévu au point 16.1.2.8 du cahier des charges.

20      Partant, la motivation du Tribunal à cet égard ne saurait être qualifiée de contradictoire.

21      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le premier moyen comme étant non fondé.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

22      Par la première branche de leur deuxième moyen de pourvoi, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir considéré de manière générale et, partant, à tort, au point 47 de l’arrêt attaqué, que les critères d’attribution énumérés aux points 16.1.2.1 à 16.1.2.4 du cahier des charges ne visaient pas à évaluer l’expérience des soumissionnaires. En effet, les requérantes auraient soutenu devant le Tribunal que le dernier point des critères d’attribution figurant à ces points du cahier des charges, tendant à ce que les soumissionnaires apportent la preuve d’une expérience pertinente, était identique au critère de sélection qualitative visé au cinquième point de la section 15, point 4.1, de ce cahier. Or, audit point de l’arrêt attaqué, plutôt que d’examiner spécialement et exclusivement le dernier point de ces critères d’attribution, le Tribunal les aurait appréhendés de façon générale et globale, en commettant ainsi une erreur manifeste d’appréciation.

23      Selon la seconde branche de ce moyen, le Tribunal aurait considéré, à tort, aux points 51 et 52 de l’arrêt attaqué, que les critères d’attribution visés aux points 16.1.2.1 à 16.1.2.4 du cahier des charges ne permettaient pas d’évaluer les capacités technique et professionnelle des soumissionnaires au cours de la phase d’attribution. Ces critères auraient, par conséquent, dû être considérés comme étant des critères de sélection.

24      L’EMA considère, à titre principal, que le moyen des requérantes consiste en une demande de réexamen des faits par la Cour et est, à ce titre, manifestement irrecevable.

 Appréciation de la Cour

25      S’agissant de la première branche de ce moyen, le Tribunal a rappelé, au point 48 de l’arrêt attaqué, que les points 16.1.2.1 à 16.1.2.4 du cahier des charges exigeaient des soumissionnaires qu’ils apportent la preuve de la mise en œuvre effective de chacun des quatre premiers critères d’attribution dans trois contrats récents.

26      À cet égard, au point 51 de cet arrêt, le Tribunal a expressément jugé que le comité d’évaluation de l’EMA avait constaté, «au moyen des preuves des contrats antérieurs fournies par les soumissionnaires, la mise en pratique des méthodes, des structures et des procédures de gestion décrites dans les offres, et leur qualité».

27      Partant, d’une part, il ne saurait être reproché au Tribunal de ne pas avoir pris en compte, dans son appréciation, les exigences en matière de preuve requises aux termes des points 16.1.2.1 à 16.1.2.4 du cahier des charges.

28      D’autre part, c’est à bon droit que le Tribunal ne s’est pas limité à l’examen d’un élément isolé des libellés des critères d’attribution énumérés aux points 16.1.2.1 à 16.1.2.4 du cahier des charges pour statuer sur le moyen avancé par les requérantes. En effet, un examen de ces critères requiert nécessairement de tenir compte notamment du contexte dans lequel ceux-ci sont évalués.

29      En l’occurrence, le Tribunal a procédé à une telle appréciation en précisant, au point 51 de l’arrêt attaqué, que la présentation des preuves des contrats antérieurs était exigée au stade de l’examen des critères d’attribution et que, dans ce contexte, elle permettait au pouvoir adjudicateur d’apprécier la crédibilité des offres soumises, notamment en termes de faisabilité des solutions techniques proposées ou d’adéquation des ressources aux caractéristiques de ces offres.

30      Quant à la seconde branche de ce moyen de pourvoi, selon la jurisprudence constante de la Cour, le Tribunal est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, ainsi que pour apprécier les éléments de preuve retenus. La constatation de ces faits et l’appréciation de ces éléments ne constituent donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour (ordonnance Power-One Italy/Commission, C‑372/11 P, EU:C:2012:462, point 56 et jurisprudence citée).

31      La Cour a également jugé qu’une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (ordonnance Power-One Italy/Commission, C‑372/11 P, EU:C:2012:462, point 57).

32      En l’occurrence, le Tribunal a constaté, au point 52 de l’arrêt attaqué, que, en demandant des preuves de l’«application active» des critères d’attribution énumérés aux points 16.1.2.1 à 16.1.2.4 du cahier des charges, l’EMA visait non pas à réexaminer l’expérience des soumissionnaires mais, clairement, à vérifier l’existence de la mise en œuvre récente par ceux-ci des méthodologies et des procédures qu’ils proposaient en réponse aux différents critères d’attribution.

33      Or, dès lors que les requérantes demandent à la Cour non pas de conclure que le Tribunal a, ce faisant, procédé à une dénaturation des éléments du dossier qui lui était soumis, mais de constater que sur la base de ces mêmes éléments, le Tribunal aurait dû conclure que ceux-ci constituaient des critères de sélection et non d’attribution, elles invitent la Cour a procéder, au stade du pourvoi, à une nouvelle appréciation des faits, ce qui échappe à sa compétence.

34      Il en résulte que cet argument des requérantes ne saurait être recevable.

35      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant, en partie, non fondé et, en partie, irrecevable.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

36      Par ce moyen, les requérantes reprochent au Tribunal d’avoir, aux points 56 et 57 de l’arrêt attaqué, procédé à une interprétation et à une application erronées de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal en matière de prise en compte, lors de la phase d’attribution, de l’expérience des soumissionnaires acquise dans le cadre de contrats antérieurs avec le même pouvoir adjudicateur.

37      La seconde branche de ce moyen est tirée de ce que, d’une part, c’est à tort que le Tribunal, au point 56 de l’arrêt attaqué, aurait considéré que cette jurisprudence n’était pas applicable en l’espèce et, d’autre part, au point 57 de cet arrêt, se serait livré à une interprétation restrictive de ladite jurisprudence en concluant que, conformément à celle-ci, le pouvoir adjudicateur ne peut se fonder, au titre de l’expérience acquise par les soumissionnaires, ni sur les contrats qu’il a précédemment conclus avec ceux-ci ni même sur ceux qu’ils ont passés avec tout autre pouvoir adjudicateur.

38      Selon l’EMA, ce moyen est dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

39      Les reproches adressés au Tribunal s’agissant de la prise en compte des contrats conclus antérieurement par un soumissionnaire avec le pouvoir adjudicateur reposent sur une lecture manifestement erronée de l’arrêt attaqué.

40      En effet, le Tribunal a souligné, au point 56 de l’arrêt attaqué, que la prise en considération de l’expérience des soumissionnaires acquise lors de contrats passés avec le pouvoir adjudicateur ne pouvait servir, au stade de la phase d’attribution, pour évaluer les qualités technique et économique des offres. Toutefois, il a rappelé, à bon droit, au point 57 de cet arrêt, que de tels contrats pouvaient constituer des éléments de preuve des qualités technique et économique d’une offre, afin de permettre au pouvoir adjudicateur, comme en l’espèce, d’apprécier la crédibilité des offres soumises, notamment en termes de faisabilité des solutions techniques proposées ou d’adéquation des ressources aux caractéristiques de ces offres.

41      Il en résulte que le Tribunal n’a pas procédé à une interprétation erronée de la jurisprudence qu’il cite au point 56 de l’arrêt attaqué puisque, lorsqu’il indique que l’expérience acquise auprès de tout pouvoir adjudicateur ne saurait être prise en considération, en tant que critère d’attribution à part entière, il vise une telle interdiction dans le cadre de l’appréciation de la qualité des offres lors de la phase d’attribution.

42      Or, ainsi qu’il ressort du point 40 du présent arrêt, les contrats antérieurs sont susceptibles d’être pris en considération, quel que soit le pouvoir adjudicateur avec lequel ils ont été conclus, en tant qu’élément de preuve des qualités technique et économique d’une offre.

43      Par conséquent, il y a lieu de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

44      Premièrement, les requérantes considèrent que le Tribunal a dénaturé leurs arguments concernant le sixième critère d’attribution, figurant au point 16.1.2.6 du cahier des charges, en considérant qu’elles n’en avaient pas remis en cause la pertinence.

45      Deuxièmement, le Tribunal aurait, à tort, limité son appréciation du caractère précis et clair du critère d’attribution précité au contenu du rapport d’évaluation. À cet égard, le Tribunal aurait dû procéder à l’examen du libellé de ce critère.

46      Troisièmement, le Tribunal, en portant son examen sur l’objectif du sixième critère et non sur son libellé, aurait manqué à son devoir de motivation, celui-ci ne répondant pas aux arguments des requérantes.

47      L’EMA soutient, d’une part, que le Tribunal n’a pas dénaturé les arguments des requérantes. D’autre part, par leur moyen, les requérantes demanderaient à la Cour un réexamen des arguments qu’elles avançaient dans le cadre de la procédure en première instance, en se contentant de les réitérer au stade du pourvoi.

 Appréciation de la Cour

48      D’emblée, il faut constater que ce moyen est non fondé. En effet, il importe de rappeler, en premier lieu, que, dans le cadre du recours devant le Tribunal, les requérantes faisaient, en substance, expressément valoir, ainsi qu’il résulte tant du point 70 de leur requête en annulation que des points 70 et 71 de leur mémoire en réplique, qu’il n’était «nullement possible d’exclure l’éventualité qu’elles aient pu recevoir une note encore plus élevée pour ce critère, si leur offre avait pu être évaluée objectivement».

49      Partant, c’est dans ce contexte que le Tribunal a conclu, à bon droit, au point 68 de l’arrêt attaqué, que les requérantes n’alléguaient pas que la violation du principe de transparence qu’elles faisaient valoir aurait conduit à une inégalité de traitement entre les soumissionnaires.

50      En second lieu, le Tribunal a, aux points 71 et 72 de l’arrêt attaqué, examiné concrètement l’argument des requérantes tiré de l’impossibilité alléguée d’évaluer et de noter objectivement les offres des soumissionnaires au regard du sixième critère d’attribution prévu au point 16.1.2.6 du cahier des charges.

51      À cet égard, il convient de constater, d’une part, que le Tribunal s’est fondé, au point 71 dudit arrêt, sur le libellé même de ce critère.

52      D’autre part, au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a considéré que l’objectif dudit critère était d’évaluer la compréhension par les soumissionnaires de l’impact sur les systèmes logiciels des évolutions technologiques qu’ils avaient identifiées.

53      Dès lors, le Tribunal a procédé à l’examen non seulement de l’argument des requérantes tel qu’il résulte de leurs observations écrites déposées dans le cadre de leur recours en annulation mais, en outre, du caractère objectif du sixième critère et ce sans commettre d’erreur de droit.

54      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le quatrième moyen, ainsi que le pourvoi dans son ensemble, comme étant, en partie, non fondé et, en partie, irrecevable.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, du même règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. L’EMA ayant conclu à la condamnation des requérantes et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner aux dépens de la présente procédure.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête:

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      European Dynamics Belgium SA, European Dynamics Luxembourg SA, Evropaïki Dynamiki - Proigmena Systimata Tilepikoinonion Pliroforikis kai Tilematikis AE et European Dynamics UK Ltd sont condamnées aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure: le grec.

Top