This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62020CO0067
Order of the Court (Sixth Chamber) of 3 December 2020.#Agence fédérale pour l'Accueil des demandeurs d'asile (Fedasil) v M.M. and Others.#Requests for a preliminary ruling from the Cour du travail de Liège.#Reference for a preliminary ruling – No need to adjudicate.#Joined Cases C-67/20 and C-68/20.
Tiesas (sestā palāta) rīkojums, 2020. gada 3. decembris.
Agence fédérale pour l'Accueil des demandeurs d'asile (Fedasil) pret M.M. u.c.
cour du travail de Liège lūgumi sniegt prejudiciālu nolēmumu.
Lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu – Tiesvedības izbeigšana pirms sprieduma taisīšanas.
Apvienotās lietas C-67/20 līdz C-69/20.
Tiesas (sestā palāta) rīkojums, 2020. gada 3. decembris.
Agence fédérale pour l'Accueil des demandeurs d'asile (Fedasil) pret M.M. u.c.
cour du travail de Liège lūgumi sniegt prejudiciālu nolēmumu.
Lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu – Tiesvedības izbeigšana pirms sprieduma taisīšanas.
Apvienotās lietas C-67/20 līdz C-69/20.
ECLI identifier: ECLI:EU:C:2020:1024
ORDONNANCE DE LA COUR (sixième chambre)
3 décembre 2020 (*)
« Renvoi préjudiciel – Non-lieu à statuer »
Dans les affaires jointes C‑67/20 à C‑69/20,
ayant pour objet trois demandes de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduites par la cour du travail de Liège (Belgique), par décisions du 10 février 2020, parvenues à la Cour le 10 février 2020, dans les procédures
Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil)
contre
M. M. (C‑67/20),
Mme C. (C‑68/20),
Mme C. (C‑69/20),
LA COUR (sixième chambre),
composée de M. L. Bay Larsen (rapporteur), président de chambre, Mme C. Toader et M. M. Safjan, juges,
avocat général : M. G. Hogan,
greffier : M. A. Calot Escobar,
vu la procédure écrite,
considérant les observations présentées :
– pour M. M., par Mes F. Geleyn et A. Borowski, avocats,
– pour Mme C. (affaire C-68/20), par Me A. Borowski, avocate,
– pour le gouvernement belge, par Mmes C. Pochet, M. Jacobs et M. Van Regemorter, en qualité d’agents, assistées de Me A. Detheux, advocaat,
– pour la Commission européenne, par Mmes A. Azéma et M. Condou-Durande ainsi que par M. G. Wils, en qualité d’agents,
l’avocat général entendu,
rend la présente
Ordonnance
1 Les demandes de décision préjudicielle portent sur l’interprétation de l’article 27 du règlement (UE) no 604/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 26 juin 2013, établissant les critères et mécanismes de détermination de l’État membre responsable de l’examen d’une demande de protection internationale introduite dans l’un des États membres par un ressortissant de pays tiers ou un apatride (JO 2013, L 180, p. 31, ci-après le « règlement Dublin III »).
2 Ces demandes ont été présentées dans le cadre de trois litiges opposant l’Agence fédérale pour l’accueil des demandeurs d’asile (Fedasil) (Belgique) à trois ressortissants de pays tiers ayant introduit une demande de protection internationale, au sujet de la décision de la Fedasil leur octroyant, dans une structure d’accueil, une place spécifique en vue de préparer leur transfert vers l’État membre responsable de l’examen de leur demande de protection internationale.
Le cadre juridique
3 L’article 27, paragraphes 1 et 3, du règlement Dublin III dispose :
« 1. Le demandeur [...] dispose d’un droit de recours effectif, sous la forme d’un recours contre la décision de transfert ou d’une révision, en fait et en droit, de cette décision devant une juridiction.
[...]
3. Aux fins des recours contre des décisions de transfert ou des demandes de révision de ces décisions, les États membres prévoient les dispositions suivantes dans leur droit national :
a) le recours ou la révision confère à la personne concernée le droit de rester dans l’État membre concerné en attendant l’issue de son recours ou de sa demande de révision ; ou
b) le transfert est automatiquement suspendu et une telle suspension expire au terme d’un délai raisonnable, pendant lequel une juridiction, après un examen attentif et rigoureux de la requête, aura décidé s’il y a lieu d’accorder un effet suspensif à un recours ou une demande de révision ; ou
c) la personne concernée a la possibilité de demander dans un délai raisonnable à une juridiction de suspendre l’exécution de la décision de transfert en attendant l’issue de son recours ou de sa demande de révision. Les États membres veillent à ce qu’il existe un recours effectif, le transfert étant suspendu jusqu’à ce qu’il ait été statué sur la première demande de suspension. [...] »
4 L’article 29, paragraphes 1 et 2, de ce règlement énonce :
« 1. Le transfert du demandeur [...] de l’État membre requérant vers l’État membre responsable s’effectue [...] dès qu’il est matériellement possible et, au plus tard, dans un délai de six mois à compter de l’acceptation par un autre État membre de la requête aux fins de prise en charge ou de reprise en charge de la personne concernée ou de la décision définitive sur le recours ou la révision lorsque l’effet suspensif est accordé conformément à l’article 27, paragraphe 3.
[...]
2. Si le transfert n’est pas exécuté dans le délai de six mois, l’État membre responsable est libéré de son obligation de prendre en charge ou de reprendre en charge la personne concernée et la responsabilité est alors transférée à l’État membre requérant. [...] »
Les litiges au principal et les questions préjudicielles
5 Au cours des mois de juillet et d’août 2019, M. M. ainsi que Mmes C. et C. ont introduit, en Belgique, des demandes de protection internationale. Dans l’attente d’une décision sur leurs demandes, ils ont été accueillis dans des centres d’hébergement gérés par la Croix-Rouge.
6 Estimant que le Royaume de Belgique n’était pas responsable de l’examen de ces demandes, les autorités belges ont présenté aux autorités espagnoles et françaises des requêtes aux fins de prise en charge visant M. M. ainsi que Mmes C. et C.
7 À la suite de l’acceptation de ces requêtes par les autorités espagnoles et françaises, l’Office des étrangers (Belgique) a, aux mois d’octobre et de novembre 2019, pris à l’égard de M. M. ainsi que de Mmes C. et C. des décisions de refus de séjour et leur a ordonné de quitter le territoire belge dans les dix jours.
8 M. M. ainsi que Mmes C. et C. ont introduit des recours en annulation et en suspension ordinaire contre ces décisions devant le Conseil du contentieux des étrangers (Belgique).
9 Dans ce contexte, à la suite desdites décisions, la Fedasil a attribué à M. M. ainsi qu’à Mmes C. et C. des places dites « Dublin » dans une structure d’accueil spécifique au sein de laquelle les personnes hébergées bénéficient d’un accompagnement pour préparer l’organisation de leur transfert vers l’État membre responsable du traitement de leur demande de protection internationale.
10 M. M. ainsi que Mmes C. et C. ont sollicité, par requête unilatérale présentée devant le tribunal du travail de Liège, division Liège (Belgique), le maintien de leur hébergement dans les centres de la Croix-Rouge où ils se trouvaient. Cette juridiction a fait droit à ces demandes et a rejeté, par des ordonnances contradictoires, les tierces oppositions formées par la Fedasil.
11 La Fedasil a interjeté appel de ces ordonnances devant la cour du travail de Liège (Belgique).
12 Dans ces conditions, la cour du travail de Liège a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes, libellées de manière identique dans les trois affaires jointes :
« 1) Un recours organisé en droit interne au bénéfice d’un demandeur d’asile invité à faire examiner sa demande de protection internationale dans un autre État membre ne présentant aucun caractère suspensif et ne pouvant acquérir un tel caractère qu’en cas de privation de liberté en vue du transfert imminent constitue‑t-il un recours effectif au sens de l’article 27 du [règlement Dublin III] ?
2) Le recours effectif prévu à l’article 27 du [règlement Dublin III] doit-il s’entendre comme s’opposant uniquement à la mise en œuvre d’une mesure de transfert contraint durant l’examen du recours dirigé contre ladite décision de transfert ou comme portant interdiction de toute mesure préparatoire à un éloignement, comme le déplacement dans un centre assurant la mise en place d’un trajet de retour à l’égard des demandeurs d’asile invités à faire examiner leur demande d’asile dans un autre pays européen ? »
La procédure devant la Cour
13 La juridiction de renvoi a demandé que les présentes affaires soient soumises à la procédure préjudicielle d’urgence prévue à l’article 23 bis du statut de la Cour de justice de l’Union européenne.
14 Le 26 février 2020, la Cour a décidé, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, qu’il n’y avait pas lieu de donner suite à cette demande.
Les développements intervenus postérieurement à l’introduction des demandes de décision préjudicielle
15 Au stade de la procédure écrite, le gouvernement belge a informé la Cour que, à la suite de l’expiration du délai de six mois énoncé à l’article 29 du règlement Dublin III, le Royaume de Belgique était désormais responsable de l’examen des demandes de protection internationale introduites par M. M. ainsi que par Mmes C. et C. et que ceux-ci n’étaient, dès lors, plus appelés à rejoindre des places « Dublin » dans une structure d’accueil spécifique.
16 À la suite de la réception de ces informations, le greffe de la Cour a, par une lettre du 6 août 2020, invité la juridiction de renvoi à indiquer à la Cour si elle considérait être encore tenue de statuer au fond sur les recours au principal.
17 Par une lettre du 3 septembre 2020, la juridiction de renvoi a répondu que, si l’une des parties au principal devait prendre une initiative pour relancer les procédures au principal, cette juridiction serait tenue de constater que la question du transfert vers une place « Dublin » est devenue sans objet. Néanmoins, cette juridiction souligne, d’une part, qu’un sous-contentieux pourrait naître au sein des litiges au principal si les personnes concernées décidaient de réclamer des dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi du fait de la décision de transfert et, d’autre part, qu’une réponse de la Cour aux demandes de décision préjudicielle demeure utile pour l’examen d’autres affaires.
Sur le non-lieu à statuer
18 Selon une jurisprudence constante de la Cour, la procédure instituée à l’article 267 TFUE est un instrument de coopération entre la Cour et les juridictions nationales, grâce auquel la première fournit aux secondes les éléments d’interprétation du droit de l’Union qui leur sont nécessaires pour la solution des litiges qu’elles sont appelées à trancher [arrêts du 12 mars 1998, Djabali, C‑314/96, EU:C:1998:104, point 17, ainsi que du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 69].
19 À cet égard, il convient de rappeler que la justification du renvoi préjudiciel est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige. Partant, s’il apparaît que les questions posées ne sont manifestement plus pertinentes pour la solution de ce litige, la Cour doit constater le non-lieu à statuer [arrêt du 19 novembre 2019, A. K. e.a. (Indépendance de la chambre disciplinaire de la Cour suprême), C‑585/18, C‑624/18 et C‑625/18, EU:C:2019:982, point 70 ainsi que jurisprudence citée].
20 En particulier, dès lors qu’il ressort à la fois des termes et de l’économie de l’article 267 TFUE que la procédure préjudicielle présuppose qu’un litige soit effectivement pendant devant les juridictions nationales, dans le cadre duquel elles sont appelées à rendre une décision susceptible de prendre en considération l’arrêt préjudiciel, la Cour devra conclure au non-lieu à statuer quand le litige au principal est devenu sans objet [voir, en ce sens, arrêt du 12 mars 1998, Djabali, C‑314/96, EU:C:1998:104, points 21 et 22, ainsi que ordonnance du 1er octobre 2019, YX (Transmission d’un jugement à l’État membre de nationalité du condamné), C‑495/18, EU:C:2019:808, points 19 et 24 à 26].
21 En l’occurrence, il ressort de la lettre de la juridiction de renvoi du 3 septembre 2020 que, en l’état actuel des procédures au principal, cette juridiction est tenue de constater que les affaires dont elle est saisie sont devenues sans objet, dès lors que, en raison de l’expiration du délai durant lequel, en application de l’article 29 du règlement Dublin III, un transfert des personnes concernées vers un autre État membre pouvait être exécuté, un déplacement de ces personnes vers une place « Dublin » n’est plus envisagé.
22 Il s’ensuit qu’une réponse de la Cour aux questions posées par la cour du travail de Liège ne serait d’aucune utilité à cette dernière pour statuer sur les litiges au principal.
23 Cette conclusion ne saurait être remise en cause par le fait que les parties aux litiges au principal pourraient introduire un recours en responsabilité sur lequel la juridiction de renvoi serait appelée à statuer.
24 En effet, l’introduction d’un tel recours n’étant, à ce stade, qu’éventuelle et hypothétique, celle-ci ne peut permettre de considérer que la réponse de la Cour répond à un besoin inhérent à la solution effective d’un litige (voir, par analogie, ordonnance du 10 juin 2011, Mohammad Imran, C‑155/11 PPU, EU:C:2011:387, points 20 et 21).
25 Par ailleurs, la circonstance que la juridiction de renvoi est actuellement saisie d’autres affaires dans lesquelles la réponse de la Cour aux questions posées pourrait s’avérer utile n’est pas de nature à justifier que la Cour réponde, dans les présentes affaires, à ces questions (voir, par analogie, ordonnance du 5 juin 2014, Antonio Gramsci Shipping e.a., C‑350/13, EU:C:2014:1516, point 11).
26 Dans ces conditions, il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de décision préjudicielle.
27 Ce constat est sans préjudice de la possibilité de saisir la Cour d’une nouvelle demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, si une telle décision apparaît nécessaire à la juridiction de renvoi au vu de l’évolution des litiges au principal ou afin de trancher un autre litige dont elle est saisie et dans le cadre duquel, selon elle, les mêmes questions d’interprétation du droit de l’Union se posent [voir, en ce sens, ordonnances du 23 mars 2016, Overseas Financial et Oaktree Finance, C‑319/15, non publiée, EU:C:2016:268, point 34, ainsi que du 1er octobre 2019, YX (Transmission d’un jugement à l’État membre de nationalité du condamné), C‑495/18, EU:C:2019:808, point 27].
Sur les dépens
28 La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.
Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) ordonne :
Il n’y a pas lieu de statuer sur les demandes de décision préjudicielle présentées par la cour du travail de Liège (Belgique), par décisions du 10 février 2020.
Fait à Luxembourg, le 3 décembre 2020.
Le greffier |
Le président de la VIème chambre |
A. Calot Escobar |
L. Bay Larsen |
* Langue de procédure : le français.