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Document 62016CO0476(01)

Tiesas (astotā palāta) rīkojums, 2017. gada 16. novembris.
Hrvatska agencija za civilno zrakoplovstvo pret Air Serbia A.D. Beograd un Dane Kondić.
Ministarstvo pomorstva, prometa i infrastrukture – Uprava zračnog prometa, elektroničkih komunikacija i pošte lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu.
Lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu – Tiesas Reglamenta 53. panta 2. punkts – Iestādes, kas iesniedz lūgumu sniegt prejudiciālu nolēmumu, “tiesas” statuss – Neatkarība – Lūguma sniegt prejudiciālu nolēmumu acīmredzama nepieņemamība.
Lieta C-476/16.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2017:874

ORDONNANCE DE LA COUR (huitième chambre)

16 novembre 2017 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour – Qualité de “juridiction” de l’organisme de renvoi – Indépendance – Irrecevabilité manifeste de la demande de décision préjudicielle »

Dans l’affaire C‑476/16,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Ministarstvo pomorstva, prometa i infrastrukture – Uprava zračnog prometa, elektroničkih komunikacija i pošte (ministère des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure – direction de l’aviation civile, des télécommunications et des postes, Croatie), par décision du 26 août 2016, parvenue à la Cour le 30 août 2016, dans la procédure

Hrvatska agencija za civilno zrakoplovstvo

contre

Air Serbia A.D. Beograd,

Dane Kondić,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. J. Malenovský (rapporteur), président de chambre, MM. M. Safjan et D. Šváby, juges,

avocat général : M. Y. Bot,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour la Hrvatska agencija za civilno zrakoplovstvo, par M. A. Lažeta, en qualité d’agent,

–        pour Air Serbia A.D. Beograd, par M. T. van der Wijngaart, advocate, et par M. M. Brealey, QC,

–        pour le gouvernement croate, par M. T. Galli, en qualité d’agent,

–        pour la Commission européenne, par MM. W. Mölls, R. Mrljić et K. Simonsson, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 3, paragraphe 1, sous a), i), du protocole VI, figurant à l’annexe V de l’accord multilatéral entre la Communauté européenne et ses États membres, la République d’Albanie, l’ancienne République yougoslave de Macédoine, la Bosnie-et-Herzégovine, la République de Bulgarie, la République de Croatie, la République d’Islande, la République du Monténégro, le Royaume de Norvège, la Roumanie, la République de Serbie, et la Mission d’administration intérimaire des Nations unies au Kosovo sur la création d’un espace aérien commun européen (JO 2006, L 285, p. 3), dont la signature et l’application à titre provisoire ont été approuvées, au nom de la Communauté, par la décision 2006/682/CE du Conseil et des représentants des États membres de l’Union européenne réunis au sein du Conseil, du 9 juin 2006 (JO 2006, L 285, p. 1), sous réserve d’une décision ultérieure du Conseil de l’Union européenne relative à la conclusion de cet accord (ci-après l’accord « EACE »).

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’une procédure correctionnelle, ouverte à la suite du dépôt d’actes d’accusation par la Hrvatska agencija za civilno zrakoplovstvo (agence de l’aviation civile, Croatie) contre Air Serbia A.D. Beograd et son représentant, M. Dane Kondić, pour avoir assuré, au cours des années 2014 et 2015, le transport aérien régulier de passagers depuis Zagreb (Croatie), via Belgrade (Serbie), vers des aéroports situés dans d’autres États membres de l’Union européenne ou dans des pays tiers, en violation de l’accord EACE.

 Le cadre juridique

3        L’article 3, paragraphe 1, du Zakon o zračnom prometu (loi spéciale régissant les transports aériens, Narodne novine, br. 69/09, 84/11, 54/13, 127/13, 92/14), dispose :

« En vertu de la présente loi, les autorités compétentes en matière d’aviation civile sont :

a)      le ministère compétent en matière de transports aériens civils [...] »

4        Il ressort de la décision de renvoi que l’Uprava zračnog prometa, elektroničkih komunikacija i pošte (direction de l’aviation civile, des télécommunications et des postes, Croatie) est l’instance chargée, au sein du Ministarstvo pomorstva, prometa i infrastrukture (ministère des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure, Croatie), de la procédure correctionnelle prévue par la loi spéciale régissant les transports aériens.

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

5        L’agence de l’aviation civile a, devant le ministère des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure – direction de l’aviation civile, des télécommunications et des postes, porté des accusations contre Air Serbia A.D. Beograd, société de transport aérien ayant son siège en Serbie, État ayant la qualité de partie associée à l’accord EACE, ainsi que contre M. Kondić, directeur de cette société, en tant que personne responsable.

6        Il ressort de la décision de renvoi que l’agence de l’aviation civile reproche à Air Serbia A.D. Beograd et à son directeur, d’avoir assuré, au cours des années 2014 et 2015, en violation de l’article 27, paragraphe 2, de la loi spéciale régissant les transports aériens, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, sous a), i), du protocole VI, figurant à l’annexe V de l’accord EACE, une activité de transport aérien de passagers au départ de Zagreb, via Belgrade où les passagers et leurs bagages étaient transbordés d’un avion de cette société de transport aérien à un autre avion de celle-ci, et à destination d’un État membre de l’Union ou d’un pays tiers, et ce sur la base d’un unique titre de transport.

7        L’agence de l’aviation civile considère que, en procédant ainsi, ladite société et son directeur ont exercé des droits de trafic dont, conformément aux dispositions de l’accord EACE, ils ne pouvaient faire usage au cours de la première période transitoire prévue par cet accord et ont, en conséquence, violé l’article 27, paragraphe 2, sous a), de la loi spéciale régissant les transports aériens. En effet, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a), i), du protocole VI, figurant à l’annexe V de l’accord EACE, au cours de la première période transitoire, Air Serbia A.D. Beograd et son directeur ne pouvaient faire usage que des droits dits de « troisième et de quatrième libertés de l’air ».

8        Il en résulte que, concrètement, dans le cadre d’un seul titre de transport, cette société ne pouvait réaliser le transport de passagers au départ de la Croatie qu’à destination de la Serbie, sans qu’il fût possible de prolonger ce transport au-delà. En effet, le transport de passagers sur la base d’un seul titre de transport via la Serbie et à destination d’un autre État membre de l’Union ou d’un pays tiers, tel qu’il a été réalisé par Air Serbia A.D. Beograd, relèverait du droit dit de la « sixième liberté de l’air », dont cette société et son directeur ne pouvaient faire usage qu’au cours de la deuxième période transitoire prévue par l’accord EACE.

9        Air Serbia A.D. Beograd et son directeur font valoir que, en vertu de l’article 3, paragraphe 1, sous a), i), du protocole VI, figurant à l’annexe V de l’accord EACE, ils disposaient, dès la première période transitoire, du droit de proposer des vols au départ de la Serbie et à destination de tout État membre de l’Union et que la seule différence entre les droits de trafic accordés au titre des première et deuxième périodes transitoires réside dans l’autorisation donnée au transporteur, dans le cadre de la deuxième période transitoire, d’effectuer des vols directs entre deux États membres de l’Union, sans être tenu d’effectuer deux vols distincts afin de faire transiter les passagers concernés par la Serbie.

10      Selon Air Serbia A.D. Beograd et son directeur, la position de l’agence de l’aviation civile est fondée sur une prémisse erronée, tenant à ce que la notion de « droits de trafic », employée par l’accord EACE, correspondrait à l’ensemble du déplacement réalisé par un passager, alors que cette notion se rapporterait, en réalité, à celle de « vol ». Or, il résulterait de la définition de cette seconde notion figurant à l’article 2, point 5, du règlement (CE) n° 1008/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 24 septembre 2008, établissant des règles communes pour l’exploitation de services aériens dans la Communauté (JO 2008, L 293, p. 3), de l’interprétation donnée par la Cour de cette même notion dans le contexte du règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil, du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement et d’annulation ou de retard important d’un vol, et abrogeant le règlement (CEE) n° 295/91 (JO 2004, L 46, p. 1), dans l’arrêt du 10 juillet 2008, Emirates Airlines (C‑173/07, EU:C:2008:400), ainsi que de la notion de « temps de vol », mentionnée dans la partie FCL.010 de l’annexe I du règlement (UE) n° 1178/2011 de la Commission, du 3 novembre 2011, déterminant les exigences techniques et les procédures administratives applicables au personnel navigant de l’aviation civile conformément au règlement (CE) n° 216/2008 du Parlement européen et du Conseil (JO 2011, L 311, p. 1), que des passagers, qui achètent un titre de transport présenté comme correspondant à deux vols distincts, avec des numéros de vol différents, qui doivent changer d’avion à Belgrade et à qui sont remis des cartes d’embarquement distinctes pour chacun de ces vols, doivent être considérés, sur un plan juridique, comme ayant emprunté deux vols différents.

11      C’est dans ce contexte que le ministère des Affaires maritimes, des transports et de l’Infrastructure- direction de l’aviation civile, des télécommunications et des postes a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour la question préjudicielle suivante :

« La pratique d’une compagnie aérienne d’une partie associée à l’accord EACE, qui consiste à assurer des transports aériens commerciaux de voyageurs au départ d’un État membre de l’[Union], via son pays d’origine, en tant que point de transfert où elle transborde les passagers et leurs bagages dans un autre avion de la même compagnie, et à destination d’un point d’un État membre de l’[Union ] ou d’un pays tiers, en vertu d’un titre de transport autonome, sur lequel deux numéros de vol distincts sont mentionnés, est-elle conforme à l’interprétation du droit de l’[Union ] en général, et à l’interprétation des dispositions de l’article 3, paragraphe 1, sous a), i), du protocole VI, figurant à l’annexe V de l’[EACE] en particulier ? »

 Sur la recevabilité de la demande de décision préjudicielle

12      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

13      Il y a lieu de faire application de cette disposition dans la présente affaire.

14      En effet, il résulte de l’article 267, alinéa 2, TFUE que seule une juridiction d’un des États membres peut demander à la Cour de statuer à titre préjudiciel.

15      À cet égard, il appartient à la Cour de vérifier d’office si l’organisme qui lui a adressé une demande de décision préjudicielle possède la qualité de juridiction qui en conditionne la recevabilité (voir, en ce sens, arrêt du 6 juillet 2000, Abrahamsson et Anderson, C‑407/98, EU:C:2000:367, point 28).

16      Afin de pouvoir apprécier la qualité de juridiction de l’organisme de renvoi, la Cour tient compte d’un ensemble d’éléments, tels que l’origine légale de cet organisme, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par ledit organisme, des règles de droit ainsi que son indépendance (arrêt du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme, C‑203/14, EU:C:2015:664, point 17 et jurisprudence citée).

17      S’agissant de ce dernier élément, il ressort d’une jurisprudence constante que la notion d’indépendance comporte deux aspects. Le premier aspect, externe, suppose que l’instance chargée des litiges soit protégée contre toute intervention ou pression extérieure susceptible de mettre en péril l’indépendance de jugement de ses membres quant aux litiges qui leur sont soumis (arrêt du 9 octobre 2014, TDC, C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 30).

18      Le second aspect, interne, coïncide avec la notion d’impartialité et vise l’égale distance par rapport aux parties au litige et à leurs intérêts respectifs au regard de l’objet de celui-ci. Cet aspect exige le respect de l’objectivité et l’absence de tout intérêt dans la solution du litige (voir, en ce sens, arrêt du 9 octobre 2014, TDC, C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 31).

19      Ces deux aspects postulent l’existence de règles, notamment en ce qui concerne le fonctionnement de ladite instance, ainsi que la nomination, les causes de récusation et de révocation de ses membres, qui permettent d’écarter, dans l’esprit des justiciables, tout doute légitime quant à l’imperméabilité de ladite instance à l’égard d’éléments extérieurs et à sa neutralité par rapport aux intérêts qui s’affrontent devant elle (voir, en ce sens, arrêt du 9 octobre 2014, TDC, C‑222/13, EU:C:2014:2265, point 32).

20      En l’espèce, la demande de décision préjudicielle émane du ministère des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure – direction de l’aviation civile, des télécommunications et des postes, organisme dont il est manifeste qu’il n’est pas, a priori, de nature à présenter l’indépendance nécessaire pour être qualifié de juridiction au sens de l’article 267, alinéa 2, TFUE.

21      Or, à cet égard, les éléments parvenus au greffe de la Cour, respectivement, les 13 octobre et 28 novembre 2016 en réponse à deux demandes d’éclaircissement de la Cour des 5 octobre et 21 novembre 2016 ont confirmé que la direction de l’aviation civile, des télécommunications et des postes, instance rattachée au ministère des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure, et plus particulièrement la personne chargée, en son sein, de statuer sur les contraventions adoptées sur le fondement de la loi spéciale régissant les transports aériens, ne disposent pas du niveau de protection requis contre les interventions extérieures, telles que d’éventuelles pressions de l’exécutif gouvernemental.

22      Premièrement, il appert que, nonobstant l’article 189, paragraphe 1, du Prekršajni zakon (loi relative aux contraventions, Narodne novine, br. 107/07, 39/13, 157/13, 110/15), en vertu duquel la personne chargée de statuer sur les contraventions adoptées sur le fondement de la loi spéciale régissant les transports aériens est supposée diriger seule la procédure, l’article 189, paragraphe 6, de la loi relative aux contraventions permet au ministre croate des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure, qui est le représentant de l’exécutif gouvernemental, d’adopter, dans le cadre de cette même procédure, certaines décisions, à savoir celles dévolues, par ladite loi, au président du tribunal correctionnel compétent ou de la cour correctionnelle d’appel ou à la cour correctionnelle d’appel elle-même.

23      Deuxièmement, il découle de l’article 189, paragraphe 4, de la loi relative aux contraventions et de l’article 163, paragraphe 4, de la loi spéciale régissant les transports aériens que le ministre croate des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure nomme la personne en charge de la procédure correctionnelle afférente aux contraventions prévues par cette dernière loi.

24      Troisièmement, il résulte des articles 106 et 189 de la loi relative aux contraventions que ledit ministre peut être conduit, dans certaines circonstances, à statuer sur les demandes de récusation de la personne en charge de la procédure correctionnelle afférente aux contraventions prévues par la loi spéciale régissant les transports aériens, formulées par les parties au litige.

25      Quatrièmement, il ressort des réponses aux demandes d’éclaircissements que la personne en charge de la procédure correctionnelle peut être révoquée dans les conditions fixées à l’article 110 du Zakon o državnim službenicima (loi applicable aux fonctionnaires, Narodne novine, br. 92/05, 142/06, 77/07, 107/07, 27/08, 34/11, 49/11, 150/11, 34/12, 49/12, 37/13, 38/13, 01/15, 138/15), en vertu duquel il peut être mis fin aux fonctions de toute personne soumise aux dispositions de cette loi en cas de faute grave, notion au sujet de laquelle le ministère des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure a indiqué que, contrairement à d’autres ministères, il n’avait pas adopté d’acte relevant de son domaine de compétences visant à en préciser la définition.

26      Ainsi, l’organisme de renvoi dans la présente affaire n’étant pas indépendant, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 16 à 19 de la présente ordonnance, il ne saurait être qualifié de juridiction, au sens de l’article 267, alinéa 2, TFUE.

27      Dans ces conditions, en application de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure, la présente demande de décision préjudicielle doit être déclarée manifestement irrecevable.

 Sur les dépens

28      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant l’organisme de renvoi, il appartient à celui-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) dit pour droit :

La demande de décision préjudicielle adressée par le Ministarstvo pomorstva, prometa i infrastrukture – Uprava zračnog prometa, elektroničkih komunikacija i pošte (ministère des Affaires maritimes, des Transports et de l’Infrastructure – direction de l’aviation civile, des télécommunications et des postes, Croatie), par décision du 26 août 2016, est manifestement irrecevable.

Signatures


*      Langue de procédure : le croate.

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