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Document 61999CJ0238

    Sprieduma kopsavilkums

    Mots clés
    Sommaire

    Mots clés

    1. Tribunal Organisation Composition des chambres Absence ou empêchement d'un juge Caractère définitif ou temporaire Absence d'incidence

    (Statut CE de la Cour de justice, art. 15; règlement de procédure du Tribunal, art. 10, § 1, et 32, § 1)

    2. Procédure Autorité de la chose jugée Arrêt de la Cour sur pourvoi statuant définitivement sur le litige Portée

    (Traité CE, art. 176 (devenu art. 233 CE); statut CE de la Cour de justice, art. 54, al. 1)

    3. Concurrence Procédure administrative Décision de la Commission constatant une infraction adoptée postérieurement à l'annulation d'une première décision pour vice de procédure Principe non bis in idem Violation Absence

    4. Recours en annulation Arrêt d'annulation Portée Prise en considération tant de la motivation que du dispositif de l'arrêt Adoption d'un nouvel acte sur le fondement des actes préparatoires antérieurs valides Admissibilité

    5. Droit communautaire Principes Droits de la défense Champ d'application Concurrence Procédure administrative Portée du principe après annulation d'une première décision de la Commission Audition des entreprises Consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes Conseiller-auditeur

    (Règlement du Conseil n° 17, art. 10, § 3, et 19, § 1; règlement de la Commission n° 99/63, art. 1er et 4)

    6. Recours en annulation Arrêt d'annulation Effets Annulation d'une décision de la Commission constatant une infraction aux règles de concurrence Effets à l'égard des destinataires n'ayant pas introduit de recours Absence

    (Traité CE, art. 85 et 189 (devenus art. 81 CE et 249 CE) et art. 173 (devenu, après modification, art. 230 CE))

    7. Concurrence Procédure administrative Prescription en matière de poursuites Suspension Décision de la Commission faisant l'objet d'une procédure pendante devant la Cour de justice Portée

    (Règlement du Conseil n° 2988/74, art. 2 et 3)

    8. Droit communautaire Principes Respect d'un délai raisonnable Champ d'application Concurrence Procédure administrative Procédure juridictionnelle Critères d'appréciation

    (Règlement du Conseil n° 17)

    9. Pourvoi Moyens Violation de l'obligation de respecter un délai raisonnable dans les procédures administratives en matière de concurrence Appréciation relevant de la compétence du Tribunal Appréciation devant être opérée in concreto Contrôle de la Cour Limites

    (Art. 225 CE; statut CE de la Cour de justice, art. 51, al. 1)

    10. Concurrence Procédure administrative Pouvoirs de vérification de la Commission Vérifications opérées sur mandat Coopération volontaire de l'entreprise Conséquences quant à la possibilité de faire état d'une ingérence excessive de l'autorité publique

    (Règlement du Conseil n° 17, art. 14, § 2)

    11. Droit communautaire Principes Droits de la défense Respect dans le cadre des procédures administratives Concurrence Décision de demande de renseignements adressée à une entreprise Violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination Appréciation devant être opérée in concreto par le Tribunal Contrôle de la Cour Limites

    (Règlement du Conseil n° 17, art. 11, § 2 et 5)

    12. Concurrence Procédure administrative Pouvoirs de vérification de la Commission Utilisation d'informations recueillies au cours d'une vérification effectuée dans le cadre d'une autre procédure Limites

    (Règlement du Conseil n° 17, art. 14, § 2 et 3, et 20, § 1)

    13. Concurrence Procédure administrative Accès au dossier Objet Respect des droits de la défense Violation Conséquences

    (Règlement du Conseil n° 17, art. 19, § 1; règlement de la Commission n° 99/63, art. 3 et 7 à 9)

    14. Pourvoi Moyens Violation des droits de la défense résultant d'un refus d'accès à des documents opposé à une entreprise dans une procédure administrative d'application des règles de concurrence Moyen supposant une appréciation des faits relevant du seul Tribunal et échappant, sauf dénaturation, au contrôle de la Cour

    (Art. 225 CE; statut CE de la Cour de justice, art. 51)

    15. Procédure Mesures d'organisation de la procédure Procédure orale Invitation à présenter collectivement des moyens communs Admissibilité

    (Règlement de procédure du Tribunal, art. 64, § 2)

    16. Procédure Production de moyens nouveaux en cours d'instance Moyen fondé sur des éléments révélés en cours d'instance Éléments révélés suite à une mesure d'organisation de la procédure accordant l'accès au dossier de la Commission Admissibilité

    (Règlement de procédure du Tribunal, art. 48, § 2, al. 1)

    17. Procédure Mémoire en réplique Exigences de forme Exposé sommaire des moyens invoqués Renvoi à une argumentation développée lors de la procédure orale en relation avec des moyens contenus dans la requête Recevabilité

    (Règlement de procédure du Tribunal, art. 44, § 1, c), et 48, § 2)

    18. Pourvoi Moyens Moyen tiré du défaut de réponse par le Tribunal à un moyen Modalités de présentation

    (Règlement de procédure de la Cour, art. 112, § 1, al. 1, c))

    19. Actes des institutions Motivation Obligation Portée Décision d'application des règles de concurrence Décision de sanctions intervenant après annulation d'une décision antérieure ayant eu le même objet

    (Traité CE, art. 85, § 1, et 190 (devenus art. 81, § 1, CE et 253 CE) et art. 89 (devenu, après modification, art. 85 CE))

    20. Concurrence Amendes Décision infligeant des amendes Obligation de motivation Portée Indication des éléments d'appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité et la durée de l'infraction

    (Traité CE, art. 190 (devenu art. 253 CE); règlement du Conseil n° 17, art. 15, § 2, al. 2)

    21. Concurrence Ententes Atteinte à la concurrence Critères d'appréciation Objet anticoncurrentiel Constatation suffisante

    (Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE))

    22. Pourvoi Compétence de la Cour Remise en cause, pour des motifs d'équité, de l'appréciation portée par le Tribunal sur le montant d'amendes infligées à des entreprises ayant violé les règles de concurrence du traité Exclusion Remise en cause de cette appréciation pour des motifs tirés de la violation du principe de non-discrimination Admissibilité

    (Traité CE, art. 85, § 1 (devenu art. 81, § 1, CE))

    23. Recours en annulation Compétence du juge communautaire Contentieux des sanctions prononcées à l'encontre des entreprises ayant violé les règles de concurrence du traité Compétence de pleine juridiction Arrêt d'annulation sans exercice de ladite compétence Effet

    (Traité CE, art. 172 (devenu art. 229 CE); règlement du Conseil n° 17, art. 17)

    Sommaire

    1. Aux fins de l'application des règles énoncées aux articles 15 du statut de la Cour de justice, 10, paragraphe 1, et 32, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, relatifs à la composition des formations de jugement du Tribunal, le caractère définitif ou temporaire de l'empêchement d'un juge n'est pas déterminant. Si une absence ou un empêchement temporaires justifient la modification de la composition afin que les membres demeurent en nombre impair, il en va de même, a fortiori, dans le cas d'un empêchement définitif résultant, par exemple, de l'expiration du mandat d'un membre.

    ( voir points 35-38 )

    2. Lorsque la Cour statue elle-même définitivement sur le litige en application de l'article 54 du statut de la Cour de justice, en accueillant un ou plusieurs moyens soulevés par le requérant, elle ne tranche pas ipso jure tous les points de fait et de droit invoqués par celui-ci.

    L'autorité de la chose jugée d'une décision judiciaire, qui elle-même délimite les obligations incombant, en vertu de l'article 176 du traité (devenu article 233 CE), à l'institution dont un acte a été annulé, ne s'attache qu'aux points de fait et de droit qui ont été effectivement ou nécessairement tranchés par celle-ci.

    ( voir points 44, 47-48 )

    3. Le principe non bis in idem, principe fondamental du droit communautaire, consacré par ailleurs par l'article 4, paragraphe 1, du protocole n° 7 de la convention européenne des droits de l'homme, interdit, en matière de concurrence, qu'une entreprise soit condamnée ou poursuivie une nouvelle fois du fait d'un comportement anticoncurrentiel du chef duquel elle a été sanctionnée ou dont elle a été déclarée non responsable par une décision antérieure qui n'est plus susceptible de recours.

    L'application de ce principe suppose donc qu'il a été statué sur la matérialité de l'infraction ou que la légalité de l'appréciation portée sur celle-ci a été contrôlée.

    Ainsi, le principe non bis in idem interdit uniquement une nouvelle appréciation au fond de la matérialité de l'infraction, qui aurait pour conséquence l'imposition soit d'une seconde sanction, s'ajoutant à la première, dans l'hypothèse où la responsabilité serait une nouvelle fois retenue, soit d'une première sanction, dans l'hypothèse où la responsabilité, écartée par la première décision, serait retenue par la seconde.

    En revanche, il ne s'oppose pas en soi à une reprise des poursuites ayant pour objet le même comportement anticoncurrentiel lorsqu'une première décision a été annulée pour des motifs de forme sans qu'il ait été statué au fond sur les faits reprochés, la décision d'annulation ne valant pas alors «acquittement» au sens donné à ce terme dans les matières répressives. Dans un tel cas, les sanctions imposées par la nouvelle décision ne s'ajoutent pas à celles prononcées par la décision annulée, mais se substituent à elles.

    ( voir points 59-62 )

    4. L'annulation d'un acte communautaire n'affecte pas nécessairement les actes préparatoires qui l'ont précédé, la procédure visant à remplacer l'acte annulé pouvant en principe être reprise au point précis auquel l'illégalité sanctionnée est intervenue.

    ( voir point 73 )

    5. Le respect des droits de la défense dans toute procédure susceptible d'aboutir à des sanctions, notamment à des amendes ou à des astreintes, constitue un principe fondamental du droit communautaire, qui doit être observé même s'il s'agit d'une procédure de caractère administratif.

    Les articles 19, paragraphe 1, du règlement n° 17 et 4 du règlement n° 99/63, qui font application de ce principe, prescrivent à la Commission de ne retenir dans sa décision finale que les griefs au sujet desquels les entreprises et associations d'entreprises intéressées ont eu l'occasion de faire connaître leur point de vue.

    Dès lors, le respect des droits de la défense requiert que soit donnée à chaque entreprise ou association d'entreprises intéressée la possibilité d'être entendue sur les griefs que la Commission entend retenir contre chacune d'elles dans la décision finale constatant l'infraction aux règles de la concurrence.

    Lorsque la Commission, après l'annulation d'une décision sanctionnant des entreprises ayant enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), en raison d'un vice de procédure concernant exclusivement les modalités de son adoption définitive par le collège des commissaires, adopte une nouvelle décision, d'un contenu substantiellement identique et fondée sur les mêmes griefs, elle n'est pas obligée de procéder à une nouvelle audition des entreprises concernées, de sorte qu'elle n'est pas davantage tenue ni de procéder à une nouvelle consultation du comité consultatif en matière d'ententes et de positions dominantes ni de faire intervenir une nouvelle fois le conseiller-auditeur.

    ( voir points 85-87, 114, 118, 122, 126 )

    6. Une décision adoptée en matière de concurrence à l'égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d'une seule décision, doit s'analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l'égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende. Elle ne peut être annulée qu'en ce qui concerne les destinataires ayant obtenu gain de cause dans leurs recours devant le juge communautaire et elle demeure contraignante à l'égard des destinataires n'ayant pas introduit de recours en annulation.

    ( voir points 99-100 )

    7. L'article 3 du règlement n° 2988/74 relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence protège la Commission contre l'effet de la prescription dans des situations dans lesquelles elle doit attendre la décision du juge communautaire, dans le cadre de procédures dont elle ne maîtrise pas le déroulement, avant de savoir si l'acte attaqué est ou non entaché d'illégalité. L'article 3 concerne donc des hypothèses dans lesquelles l'inaction de l'institution n'est pas la conséquence d'un manque de diligence.

    Or, de telles hypothèses se concrétisent aussi bien en cas de recours contre les actes interruptifs énumérés à l'article 2 du règlement n° 2988/74 susceptibles d'être attaqués qu'en cas de recours contre une décision prononçant une amende ou une sanction.

    Dans ces conditions, tant le libellé de l'article 3 que son objectif couvrent à la fois les recours introduits contre les actes visés à l'article 2 qui sont attaquables et les recours dirigés contre la décision finale de la Commission.

    Par suite, un recours dirigé contre la décision finale infligeant des sanctions suspend la prescription en matière de poursuites jusqu'à ce que le juge communautaire ait définitivement statué sur ledit recours.

    ( voir points 144-147 )

    8. Le respect du principe général du délai raisonnable s'impose, en matière de concurrence, aussi bien aux procédures administratives diligentées en application du règlement n° 17 et susceptibles d'aboutir aux sanctions prévues par celui-ci, qu'à la procédure juridictionnelle en cas de recours contre la décision de la Commission. Pour examiner si ledit respect a été assuré au stade de la procédure administrative, il est admissible de distinguer deux périodes successives, la première s'étendant entre, d'une part, les mesures de la Commission impliquant le reproche d'avoir commis une infraction et entraînant des répercussions importantes sur la situation des entreprises suspectées, et, d'autre part, la seconde allant de la communication des griefs jusqu'à l'adoption de la décision finale.

    Le caractère raisonnable du délai est apprécié en fonction des circonstances propres à chaque affaire et, notamment, de l'enjeu du litige pour l'intéressé, de la complexité de l'affaire ainsi que du comportement du requérant et de celui des autorités compétentes.

    Cependant, la liste de ces critères n'est pas exhaustive et l'appréciation du caractère raisonnable du délai n'exige pas un examen systématique des circonstances de la cause au regard de chacun d'eux lorsque la durée de la procédure apparaît justifiée au regard d'un seul. La fonction de ces critères est de déterminer si le délai de traitement d'une affaire est ou non justifié. Ainsi, la complexité de l'affaire ou un comportement dilatoire du requérant peut être retenu pour justifier un délai de prime abord trop long. À l'inverse, un délai peut être considéré comme dépassant les limites du délai raisonnable également au regard d'un seul critère, en particulier lorsque sa durée résulte du comportement des autorités compétentes. Le cas échéant, la durée d'une étape procédurale peut être d'emblée qualifiée de raisonnable lorsqu'elle apparaît conforme au délai moyen de traitement d'une affaire du type de celle en cause.

    ( voir points 179, 181-183, 187-188, 207, 210 )

    9. Le caractère raisonnable d'un délai dans une procédure administrative ne saurait être examiné par référence à une limite maximale précise, déterminée de manière abstraite, mais doit être apprécié dans chaque espèce en fonction des circonstances de la cause.

    Un premier examen général vise à déterminer si, de prime abord, la durée de la période en cause apparaît trop longue en considération de la procédure diligentée. Dans l'affirmative, il doit être vérifié concrètement si des retards peuvent être constatés, qui ne puissent être justifiés par des circonstances propres à l'affaire.

    Sur ce point, en ce qui concerne une procédure administrative en matière de droit de la concurrence, le Tribunal constate et apprécie souverainement les faits pertinents, sous réserve du cas de dénaturation de ceux-ci, puis, sous le contrôle de la Cour, les qualifie juridiquement au regard du principe de respect d'un délai raisonnable.

    ( voir points 192-194 )

    10. Il ressort de l'article 14, paragraphe 2, du règlement n° 17 que, à la différence de celles ordonnées par voie de décision en application de l'article 14, paragraphe 3, dudit règlement, les vérifications opérées sur simple mandat reposent sur la collaboration volontaire des entreprises. Dès lors qu'une entreprise a effectivement collaboré à une vérification opérée sur mandat, le grief d'ingérence excessive de l'autorité publique dans sa sphère d'activités privées est dénué de fondement, s'il n'est pas étayé par des éléments susceptibles de faire apparaître que la Commission serait allée au-delà de la coopération offerte par l'entreprise.

    ( voir points 252-254 )

    11. Une violation du droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination suppose, d'une part, une contrainte exercée sur l'auteur présumé d'une infraction pour obtenir de celui-ci certaines informations et, d'autre part, une atteinte effective au droit en cause.

    S'agissant des demandes de renseignements adressées conformément à l'article 11, paragraphe 2, du règlement n° 17, une entreprise n'a pas l'obligation d'y répondre.

    S'agissant des décisions de demandes de renseignements adoptées conformément à l'article 11, paragraphe 5, du règlement n° 17, l'appréciation de l'existence d'une atteinte au droit de ne pas contribuer à sa propre incrimination suppose une appréciation de nature factuelle, tant au niveau du contenu des demandes qu'à celui des réponses qu'elles ont reçues, laquelle ne constitue pas, sous réserve de dénaturation des éléments de preuve produits, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour.

    ( voir points 275-285 )

    12. Il résulte des articles 20, paragraphe 1, et 14, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 17 que les informations recueillies au cours de vérifications ne doivent pas être utilisées dans des buts autres que ceux indiqués dans le mandat de vérification ou la décision de vérification.

    Cette exigence vise à préserver, outre le secret professionnel, expressément mentionné à l'article 20 du règlement n° 17, les droits de la défense des entreprises, droits qui, à la fois, relèvent des principes fondamentaux du droit communautaire et sont consacrés par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, dont l'interprétation par la Cour européenne des droits de l'homme doit être prise en compte par le juge communautaire.

    Ces droits seraient gravement compromis si la Commission pouvait invoquer à l'égard des entreprises des preuves qui, obtenues au cours d'une vérification, seraient étrangères à l'objet et au but de celle-ci.

    Toutefois, on ne saurait en conclure qu'il serait interdit à la Commission d'ouvrir une procédure d'enquête afin de vérifier l'exactitude ou de compléter des informations dont elle aurait eu incidemment connaissance au cours d'une vérification antérieure au cas où ces informations indiqueraient l'existence de comportements contraires aux règles de concurrence du traité.

    D'une part, en effet, les entreprises ne sont nullement privées de la protection de l'article 20 du règlement n° 17 lorsque la Commission demande une nouvelle fois un document. Elles se trouvent alors, du point de vue de la défense de leurs droits, dans la même situation que si la Commission ne disposait pas encore du document, puisque l'utilisation directe à titre de preuve, dans une seconde procédure, d'un document obtenu dans une précédente procédure lui est interdite. D'autre part, la circonstance que la Commission a obtenu, pour la première fois, des documents dans une affaire donnée ne confère pas une protection à ce point absolue que ces documents ne pourraient pas être légalement demandés dans une autre affaire et utilisés comme preuves.

    ( voir points 274, 298-301, 305-306 )

    13. L'accès au dossier dans les affaires de concurrence a notamment pour objet de permettre aux destinataires d'une communication des griefs de prendre connaissance des éléments de preuve figurant dans le dossier de la Commission, afin qu'ils puissent se prononcer utilement, sur la base de ces éléments, sur les conclusions auxquelles la Commission est parvenue dans sa communication des griefs. Le droit d'accès au dossier de la Commission vise donc à garantir un exercice effectif des droits de la défense, droits qui, à la fois, relèvent des principes fondamentaux du droit communautaire et sont consacrés par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme.

    La violation du droit d'accès au dossier de la Commission au cours de la procédure préalable à l'adoption de la décision est susceptible, en principe, d'entraîner l'annulation de cette décision lorsqu'il a été porté atteinte aux droits de la défense de l'entreprise concernée.

    En pareille hypothèse, la violation survenue n'est pas régularisée du simple fait que l'accès a été rendu possible au cours de la procédure juridictionnelle concernant un éventuel recours visant à l'annulation de la décision contestée. Lorsque l'accès a été assuré à ce stade, l'entreprise concernée ne doit pas démontrer que, si elle avait eu accès aux documents non communiqués, la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais seulement qu'elle aurait pu utiliser lesdits documents pour sa défense.

    ( voir points 315-318 )

    14. L'appréciation du Tribunal portant sur la question de savoir si des documents auxquels une entreprise à laquelle est reprochée une violation des règles de concurrence du traité n'a pas eu accès durant la procédure administrative auraient pu être utilisés par celle-ci pour sa défense est une question de fait. Elle ne constitue donc pas, sous réserve d'une dénaturation des éléments de preuve produits, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour.

    ( voir points 330-331 )

    15. En vertu de l'article 64, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, les mesures d'organisation de la procédure ont, notamment, pour objet d'assurer le bon déroulement de la procédure orale.

    Dans le respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, également consacrés par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, le Tribunal peut ainsi inviter les parties à présenter collectivement les moyens communs, afin d'éviter la répétition de développements identiques, chaque partie conservant la possibilité de présenter de façon complémentaire les arguments qui lui seraient propres.

    ( voir points 348-349 )

    16. Aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, la production de moyens nouveaux en cours d'instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

    Cette disposition n'exclut aucunement que des éléments de droit ou de fait aient pu être découverts à l'occasion d'une mesure d'organisation de la procédure ayant, en présence d'une pluralité de requérantes, accordé l'accès au dossier de la Commission à l'ensemble de celles-ci, y compris celles qui n'avaient pas soulevé un moyen tiré d'une violation de leur droit d'accès audit dossier.

    Par ailleurs, elle autorise tout moyen nouveau qui serait fondé sur de tels éléments. Dans des circonstances telles que celles visées au point précédent, il ne saurait donc être exclu qu'une requérante puisse invoquer, à titre de moyen nouveau, celui tiré, précisément, d'une violation de son droit d'accès au dossier.

    ( voir points 369-371 )

    17. La reprise exhaustive ou même sommaire, dans un mémoire en réplique, d'une argumentation développée antérieurement lors d'une procédure orale en relation avec des moyens contenus dans la requête n'est pas une condition de l'examen, par le Tribunal, de ladite argumentation. En effet, dès la procédure orale, cette argumentation est comprise dans les éléments de l'affaire et se trouve portée à la connaissance de la juridiction saisie. Elle doit donc faire l'objet d'un examen de la part de celle-ci, dès lors que, pertinente et se rapportant à des moyens déjà soulevés, elle ne constitue pas un moyen nouveau au sens de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

    ( voir point 385 )

    18. Lorsqu'une requérante à un pourvoi soutient que le Tribunal n'a pas répondu à un moyen, il ne saurait lui être reproché, au titre de la recevabilité du moyen du pourvoi, de ne citer aucun passage ou aucune partie de l'arrêt attaqué qui serait visé précisément par son grief, dès lors que, par hypothèse, est invoqué un défaut de réponse. Pour le même motif, il ne saurait lui être opposé qu'elle se limite à répéter ou à reproduire le moyen présenté en première instance.

    ( voir point 423 )

    19. En se limitant à viser le traité instituant la Communauté européenne, la Commission motive suffisamment son choix d'adopter, après annulation d'une décision antérieure en raison d'un vice de procédure concernant exclusivement les modalités de son adoption définitive par le collège des commissaires, une nouvelle décision sanctionnant des entreprises ayant enfreint l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE). En effet, dans l'accomplissement de la mission que lui confère l'article 89 du traité (devenu, après modification, article 85 CE), la Commission dispose d'un pouvoir discrétionnaire d'engagement des poursuites, dans le cadre de la politique générale qu'elle s'est fixée en matière de concurrence.

    ( voir points 447-449 )

    20. Dans le cadre de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), la portée de l'obligation de motivation du mode de calcul de l'amende infligée, incombant à la Commission en vertu de l'article 190 du traité (devenu article 253 CE), doit être déterminée au regard des dispositions de l'article 15, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 17, aux termes duquel «il y a lieu de prendre en considération, outre la gravité de l'infraction, la durée de celle-ci».

    Les exigences de la formalité substantielle que constitue cette obligation de motivation sont remplies lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d'appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l'infraction.

    Ces exigences n'imposent pas à la Commission d'indiquer dans sa décision les éléments chiffrés relatifs au mode de calcul des amendes, étant souligné, en tout état de cause, que la Commission ne saurait, par le recours exclusif et mécanique à des formules arithmétiques, se priver de son pouvoir d'appréciation.

    En ce qui concerne une décision infligeant des amendes à plusieurs entreprises, la portée de l'obligation de motivation doit être notamment appréciée à la lumière du fait que la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments, tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce, sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte.

    ( voir points 462-465 )

    21. Aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE), il suffit qu'un accord ait pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence, indépendamment de ses effets concrets.

    En conséquence, dans le cas d'accords se manifestant lors de réunions d'entreprises concurrentes, une infraction à cette disposition est constituée lorsque ces réunions ont un tel objet et visent, ainsi, à organiser artificiellement le fonctionnement du marché. La responsabilité d'une entreprise déterminée du chef de l'infraction est valablement retenue lorsqu'elle a participé à ces réunions en ayant connaissance de leur objet, même si elle n'a pas, ensuite, mis en oeuvre l'une ou l'autre des mesures convenues lors de celles-ci.

    L'assiduité plus ou moins grande de l'entreprise aux réunions ainsi que la mise en oeuvre plus ou moins complète des mesures convenues ont des conséquences non pas sur l'existence de sa responsabilité, mais sur l'étendue de celle-ci et donc sur le niveau de la sanction.

    ( voir points 508-510 )

    22. Il n'appartient pas à la Cour, lorsqu'elle statue sur des questions de droit dans le cadre d'un pourvoi, de substituer, pour des motifs d'équité, son appréciation à celle du Tribunal statuant, dans l'exercice de sa compétence de pleine juridiction, sur le montant des amendes infligées à des entreprises en raison de la violation, par celles-ci, du droit communautaire. En revanche, l'exercice d'une telle compétence ne saurait entraîner, lors de la détermination du montant desdites amendes, une discrimination entre les entreprises qui ont participé à un accord ou à une pratique concertée contraire à l'article 85, paragraphe 1, du traité (devenu article 81, paragraphe 1, CE).

    ( voir points 614, 617 )

    23. Les articles 172 du traité (devenu article 229 CE) et 17 du règlement n° 17, lus en combinaison avec l'article 87, paragraphe 2, sous d), du traité (devenu, après modification, article 83, paragrahe 2, sous d), CE), qui confèrent au juge communautaire une compétence de pleine juridiction à l'égard des actes de la Commission infligeant des amendes en matière de concurrence, ne concernent que l'intensité du contrôle exercé par le juge communautaire sur les décisions de la Commission en matière de concurrence. Au-delà du simple contrôle de légalité, qui ne permet que de rejeter le recours en annulation ou d'annuler l'acte attaqué, la compétence de pleine juridiction dont il dispose habilite le juge communautaire à réformer l'acte attaqué, même en l'absence d'annulation, en tenant compte de toutes les circonstances de fait, afin de modifier, par exemple, le montant de l'amende infligée.

    Cependant, la seule introduction d'un recours contentieux n'emporte pas transfert définitif, au juge communautaire, du pouvoir d'infliger des sanctions. La Commission est privée définitivement de son pouvoir lorsque le juge a effectivement exercé sa compétence de pleine juridiction. En revanche, lorsqu'il se limite à annuler une décision du chef d'une illégalité, sans statuer lui-même sur la matérialité de l'infraction et sur la sanction, l'institution dont émane l'acte annulé peut reprendre la procédure au stade de l'illégalité constatée et exercer à nouveau son pouvoir de sanction.

    ( voir points 692-693 )

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