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Dokuments 62020CO0081

Tiesas (septītā palāta) rīkojums, 2021. gada 22. jūnijs.
SC Mitliv Exim SRL pret Agenţia Naţională de Administrare Fiscală un Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili.
Tribunalul Bucureşti lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu.
Lūgums sniegt prejudiciālu nolēmumu – Tiesas Reglamenta 53. panta 2. punkts un 99. pants – Pievienotās vērtības nodoklis (PVN) – Direktīva 2006/112/EK – Pamattiesības – Princips “ne bis in idem” – Kriminālsodu un administratīvo sodu kumulācija – Nepiemērojamība – Papildu nodokļu saistības – Procenti par summu, ko nodokļa maksātājs ir samaksājis kriminālprocesā.
Lieta C-81/20.

Eiropas judikatūras identifikators (ECLI): ECLI:EU:C:2021:510

ORDONNANCE DE LA COUR (septième chambre)

22 juin 2021 (*)

« Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 99 du règlement de procédure de la Cour – Taxe sur la valeur ajoutée (TVA) – Directive 2006/112/CE – Droits fondamentaux – Principe ne bis in idem – Cumul de sanctions pénales et administratives – Inapplicabilité – Obligations fiscales accessoires – Intérêts sur une somme versée par le contribuable dans le cadre d’une procédure pénale »

Dans l’affaire C‑81/20,

ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunalul Bucureşti (tribunal de grande instance de Bucarest, Roumanie), par décision du 19 décembre 2019, parvenue à la Cour le 12 février 2020, dans la procédure

SC Mitliv Exim SRL

contre

Agenţia Naţională de Administrare Fiscală,

Direcţia Generală de Administrare a Marilor Contribuabili,


LA COUR (septième chambre),

composée de M. A. Kumin, président de chambre, M. T. von Danwitz (rapporteur) et Mme I. Ziemele, juges,

avocat général : M. M. Campos Sánchez-Bordona,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

considérant les observations présentées :

–        pour SC Mitliv Exim SRL, par Me G. Trantea, avocat,

–        pour le gouvernement roumain, par Mmes E. Gane, A. Rotăreanu et A. Wellman, en qualité d’agents,

–        pour la Commission européenne, par Mme A. Armenia et M. R. Lyal, en qualité d’agents,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, et à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 50 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») ainsi que des articles 2 et 273 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée (JO 2006, L 347, p. 1, ci-après la « directive TVA »), lus en combinaison avec l’article 325 TFUE.

2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant SC Mitliv Exim SRL à l’Agenția Națională de Administrare Fiscală (agence nationale de l’administration fiscale, Roumanie) et à la Direcția Generală de Administrare a Marilor Contribuabili (direction générale pour l’administration des grands contribuables, Roumanie) (ci-après, ensemble, les « autorités fiscales roumaines ») au sujet d’une demande de paiement d’intérêts afférents à une somme versée aux autorités fiscales roumaines aux fins d’obtenir une réduction de la peine encourue dans le cadre d’une procédure pénale pour fraude à la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

 Le cadre juridique

 Le droit de l’Union

3        L’article 2, paragraphe 1, de la directive TVA énumère les opérations soumises à la TVA.

4        L’article 63 de cette directive dispose que « le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée ».

5        L’article 273 de ladite directive énonce :

« Les États membres peuvent prévoir d’autres obligations qu’ils jugeraient nécessaires pour assurer l’exacte perception de la TVA et pour éviter la fraude, sous réserve du respect de l’égalité de traitement des opérations intérieures et des opérations effectuées entre États membres par des assujettis, et à condition que ces obligations ne donnent pas lieu dans les échanges entre les États membres à des formalités liées au passage d’une frontière.

La faculté prévue au premier alinéa ne peut être utilisée pour imposer des obligations de facturation supplémentaires à celles fixées au chapitre 3. »

 Le droit roumain

6        L’article 168, paragraphes 1 et 2, du Codul de procedură fiscală (code de procédure fiscale) dispose :

« (1)      Est remboursée, sur demande, au contribuable/payeur toute somme payée ou encaissée alors qu’elle n’était pas due.

(2)      Lorsqu’un paiement a été effectué alors qu’il n’était pas dû, la personne pour laquelle le paiement a été effectué dans ces conditions a droit à la restitution de la somme concernée. »

7        L’article 178 de ce code, intitulé « Intérêts et pénalités de retard en cas de compensation », prévoit :

« Dans le cas des créances fiscales éteintes par compensation, les intérêts et pénalités de retard, selon le cas, sont calculés jusqu’à la date prévue à l’article 167, paragraphe 4. »

8        L’article 182, paragraphes 1 et 2, dudit code énonce :

« (1)      Les contribuables/payeurs ont le droit de percevoir, sur les sommes devant être restituées ou remboursées au moyen de fonds publics, des intérêts à compter du jour suivant l’expiration du délai prévu à l’article 168, paragraphe 4, ou à l’article 77, selon le cas, jusqu’à la date d’extinction de la créance selon l’une des modalités prévues par la loi. Les intérêts sont versés à la demande des contribuables/payeurs.

(2)      Dans le cas des créances des contribuables/payeurs résultant de l’annulation d’un acte administratif fiscal établissant des dettes fiscales qui ont été éteintes avant l’annulation, les contribuables/payeurs ont droit à des intérêts à compter du jour d’extinction de la créance fiscale désignée individuellement dans l’acte administratif annulé et jusqu’au jour de restitution ou de compensation de la créance du contribuable/payeur à la suite de l’annulation de l’acte administratif fiscal. Cette disposition ne s’applique pas lorsqu’un contribuable/payeur a demandé à être indemnisé, dans les conditions prévues à l’article 18 de la loi no 554/2004, telle que modifiée et complétée ultérieurement, ainsi que dans la situation prévue à l’article 107, paragraphe 5. »

9        L’article 277 du code de procédure fiscale, intitulé « Suspension de la procédure de traitement des réclamations par voie administrative », prévoit, à son paragraphe 1 :

« L’organe chargé du traitement des réclamations peut suspendre, par décision motivée, le traitement de l’affaire lorsque :

a)      l’organe ayant effectué l’activité de contrôle a saisi les organes compétents relativement à l’existence d’indices de commission d’une infraction concernant les moyens de preuve pour l’établissement de la base d’imposition, infraction dont la constatation aurait une influence décisive sur la solution qui sera donnée dans le cadre de la procédure administrative ;

[...] »

10      L’article 9, paragraphe 1, de la Legea nr. 241/2005 pentru prevenirea și combaterea evaziunii fiscale (loi no 241/2005 sur la prévention et la lutte contre la fraude fiscale), du 15 juillet 2005 (Monitorul Oficial al României, no 672 du 27 juillet 2005), dans sa version applicable aux faits au principal (ci-après la « loi no 241/2005 »), dispose :

« Sont constitutifs de l’infraction d’évasion fiscale et sont punis d’une peine de 2 à 8 années d’emprisonnement et d’une interdiction de droits les faits suivants commis dans le but de se soustraire à des obligations fiscales :

[...]

c)      l’inscription, dans les comptes ou dans d’autres documents légaux, de dépenses qui ne correspondent pas à des opérations réelles ou l’inscription d’autres opérations fictives ;

[...] »

11      L’article 10, paragraphe 1, de cette loi est ainsi libellé :

« Lorsqu’une infraction de fraude fiscale prévue aux articles 8 et 9 a été commise, si, au cours des poursuites pénales ou du jugement, avant la première audience, le prévenu couvre intégralement les prétentions de la partie civile, la fourchette de peine prévue par la loi pour le fait commis est réduite de moitié. »

 Le litige au principal et les questions préjudicielles

12      Mitliv Exim a fait l’objet de poursuites pénales pour des infractions de fraude à la TVA, qui auraient été commises avec d’autres sociétés, au titre de la période allant du 1er novembre 2011 au 21 septembre 2012.

13      Le montant total de la fraude ayant été fixé à 9 238 577 lei roumains (RON) (environ 2 100 000 euros), dont 3 527 305 RON (environ 802 000 euros) à la charge de Mitliv Exim, les autorités fiscales roumaines ont, le 28 octobre 2014, déposé une demande de constitution de partie civile devant le juge pénal, portant sur l’intégralité de cette somme.

14      Entre les mois de décembre 2014 et de septembre 2015, Mitliv Exim a procédé au paiement, par tranches, de la somme de 3 527 305 RON (environ 802 000 euros), en vue de bénéficier d’une réduction correspondant à la moitié de la fourchette de peine prévue, conformément à l’article 10, paragraphe 1, de la loi no 241/2005.

15      Par arrêt du 8 décembre 2017, la Curtea de apel Craiova (cour d’appel de Craiova, Roumanie) a infligé une sanction pénale à Mitliv Exim et a condamné cette société ainsi que les autres sociétés ayant participé à la fraude, solidairement, au paiement de 9 238 577 RON (environ 2 100 000 euros) à titre d’indemnisation des autorités fiscales roumaines, parties civiles dans cette procédure.

16      Parallèlement à cette procédure pénale, Mitliv Exim a fait l’objet, entre les mois d’octobre 2015 et de février 2016, d’une procédure administrative de contrôle fiscal au titre de la période allant du 1er janvier 2010 au 30 juin 2015. Ce contrôle a donné lieu, le 25 février 2016, à l’émission d’un avis d’imposition mettant à la charge de cette société des obligations supplémentaires, en particulier des suppléments de TVA d’un montant de 3 718 357 RON (environ 845 000 euros) ainsi que des intérêts et des pénalités de retard.

17      Le 9 mars 2016, les autorités fiscales roumaines ont affecté, par voie de compensation, la somme de 3 527 305 RON (environ 802 000 euros) versée par Mitliv Exim dans le cadre des poursuites pénales à ces obligations supplémentaires.

18      Mitliv Exim a introduit une réclamation administrative contre l’avis d’imposition du 25 février 2016. En réponse à cette réclamation, l’autorité fiscale compétente a, par décision du 27 juillet 2016, décidé de suspendre le traitement de ladite réclamation pour la somme de 9 148 714 RON (environ 2 080 000 euros) et de la rejeter comme infondée pour la somme de 289 424 RON (environ 66 000 euros).

19      Mitliv Exim a introduit un recours devant la Curtea de apel București (cour d’appel de Bucarest, Roumanie) aux fins de l’annulation de cette décision et de l’avis d’imposition du 25 février 2016. Par arrêt du 19 juin 2017, cette juridiction a fait partiellement droit au recours, pour la somme de 289 424 RON (environ 66 000 euros), et a rejeté le recours pour le surplus. Mitliv Exim a introduit contre cet arrêt un pourvoi devant l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice, Roumanie), pourvoi qui était pendant à la date d’introduction du présent renvoi préjudiciel.

20      Enfin, dans le cadre d’une troisième procédure distincte, revêtant un caractère indemnitaire, le 28 octobre 2016, Mitliv Exim a demandé aux autorités fiscales roumaines de lui verser un montant de 696 940 RON (environ 158 000 euros), correspondant aux intérêts sur la somme de 3 527 305 RON (environ 802 000 euros) qu’elle avait payée dans le cadre de la procédure pénale, pour la période du 12 décembre 2014 au 8 mars 2016. À l’appui de sa demande, Mitliv Exim a fait valoir qu’elle avait versé cette somme avant que celle-ci ne soit formellement exigible, dès lors qu’une condamnation pénale n’avait pas encore été prononcée au moment du paiement.

21      Par décision du 16 décembre 2016, les autorités fiscales roumaines ont rejeté la demande de Mitliv Exim comme étant infondée au motif que la somme payée avait été utilisée pour l’extinction des obligations supplémentaires établies par l’avis d’imposition du 25 février 2016.

22      Mitliv Exim a donc introduit, le 16 février 2017, un recours devant la juridiction de renvoi, tendant à la condamnation des autorités fiscales à lui payer la somme de 696 940 RON (environ 158 000 euros). Au soutien de ce recours, Mitliv Exim a fait valoir qu’elle avait fait l’objet d’un cumul de sanctions, au terme des procédures pénale et administrative, pour des faits identiques de fraude fiscale. Elle a également allégué que le versement qu’elle avait effectué dans le cadre de la procédure pénale, afin de bénéficier d’une réduction de la peine encourue, n’avait eu aucun effet sur l’établissement des obligations supplémentaires dans le cadre de la procédure administrative. En particulier, les autorités fiscales roumaines lui auraient imposé des obligations accessoires sous la forme d’intérêts et de pénalités de retard, y compris pour le montant versé à titre provisoire au cours de la procédure pénale, alors que ce dernier se trouvait déjà à la disposition desdites autorités, sur un compte bloqué.

23      Par décision du 8 juin 2018, la juridiction de renvoi a sursis à statuer et introduit une demande de décision préjudicielle en vertu de l’article 267 TFUE, aux fins de l’interprétation des articles 2 et 273 de la directive TVA, de l’article 50 de la Charte et de l’article 325 TFUE.

24      Par ordonnance du 8 mai 2019, Mitliv Exim (C‑9/19, non publiée, EU:C:2019:397), la Cour a considéré que la demande de décision préjudicielle était manifestement irrecevable, car elle ne satisfaisait pas aux exigences de l’article 94 du règlement de procédure.

25      Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a décidé, dans le cadre d’une nouvelle demande de décision préjudicielle, de soumettre à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1) Les articles 2 et 273 de la [directive TVA], l’article 50 de la [Charte] et l’article 325 TFUE, rapportés à des circonstances telles que celles de l’affaire au principal, s’opposent-ils à une réglementation nationale telle que celle de l’espèce, qui permet l’adoption ou la mise en œuvre de mesures de sanction à l’égard d’un contribuable, une personne morale, dans le cadre à la fois d’une procédure administrative et d’une procédure pénale, procédures qui sont menées parallèlement à son égard, pour les mêmes actes matériels de fraude fiscale, lorsque la sanction relevant de la procédure administrative peut être caractérisée comme étant également de nature pénale, conformément aux critères établis par la juridiction européenne dans sa jurisprudence, et dans quelle mesure toutes ces démarches, lorsqu’elles sont combinées, présentent-elles un caractère excessif à l’égard du même contribuable ?

2)       À la lumière de la réponse à la première question, le droit de l’Union doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale telle que celle de l’affaire au principal, qui permet à l’État, représenté par ses organes fiscaux, de ne pas tenir compte, dans le cadre de la procédure administrative, pour les mêmes faits matériels de fraude fiscale, de la somme qui a déjà été payée au titre du préjudice pénal et qui couvre également le préjudice fiscal, de sorte qu’il bloque cette somme pour une certaine période, pour ensuite mettre à la charge du contribuable, dans le cadre de la procédure administrative, des obligations fiscales accessoires également sur la dette déjà payée ? »

 Sur les questions préjudicielles

 Sur la première question

26      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour, l’avocat général entendu, peut à tout moment décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure.

27      Il convient de faire application de cette disposition.

28      Selon une jurisprudence constante, si les questions préjudicielles portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence, la Cour peut toutefois refuser de statuer lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (voir, en ce sens, arrêt du 8 septembre 2015, Taricco e.a., C‑105/14, EU:C:2015:555, point 30 et jurisprudence citée).

29      En effet, la justification d’une demande de décision préjudicielle est non pas la formulation d’opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, mais le besoin inhérent à la solution effective d’un litige portant sur le droit de l’Union (arrêt du 27 septembre 2017, Puškár, C‑73/16, EU:C:2017:725, point 123 et jurisprudence citée).

30      À cet égard, il convient de préciser que les exigences concernant le contenu d’une demande de décision préjudicielle figurent de manière explicite à l’article 94 du règlement de procédure de la Cour, dont la juridiction de renvoi est censée, dans le cadre de la coopération instaurée à l’article 267 TFUE, avoir connaissance et qu’elle est tenue de respecter scrupuleusement (ordonnance du 28 octobre 2020, Repsol Comercial de Productos Petrolíferos, C‑716/19, EU:C:2020:870, point 14 et jurisprudence citée).

31      En l’occurrence, s’agissant de la première question, il convient de constater que la demande de décision préjudicielle ne répond pas aux exigences visées au point 30 de la présente ordonnance et que, en particulier, elle ne remédie pas aux lacunes mentionnées dans l’ordonnance du 8 mai 2019, Mitliv Exim (C‑9/19, non publiée, EU:C:2019:397).

32      En effet, d’une part, s’il est vrai que Mitliv Exim a versé une somme de 3 527 305 RON (environ 810 000 euros) aux fins de bénéficier, en application de l’article 10, paragraphe 1, de la loi no 241/2005, d’une réduction de la peine encourue dans le cadre de la procédure pénale ouverte à son encontre, il reste que cette somme, sur laquelle Mitliv Exim prétend percevoir des intérêts, constituait une indemnisation de nature civile, en vertu du régime institué par le législateur roumain, selon lequel les autorités fiscales roumaines se constituent parties civiles aux fins d’être dédommagées à hauteur de l’impôt éludé. Or, ainsi que la Commission l’a relevé à juste titre dans ses observations écrites, le principe visé à l’article 50 de la Charte concerne les sanctions découlant de poursuites pénales et, partant, ne s’applique pas aux indemnisations de nature civile qui ne revêtent pas un caractère punitif.

33      Quant à la procédure administrative et à l’éventuel caractère pénal des sanctions prononcées à l’issue de celle-ci, la juridiction de renvoi ne mentionne aucunement en quoi ces sanctions pourraient revêtir un caractère pénal. Par ailleurs, cette juridiction n’indique pas non plus en quoi la compensation que les autorités fiscales roumaines ont effectuée entre la somme acquittée par Mitliv Exim dans le cadre de la procédure pénale et les obligations établies à l’issue de la procédure administrative pourrait avoir une incidence sur la légalité du cumul de sanctions allégué, au regard de l’article 50 de la Charte.

34      D’autre part, et alors que le litige au principal porte sur une demande indemnitaire, la juridiction de renvoi n’a pas fait état des circonstances dans lesquelles elle pourrait être amenée à adopter une décision de nature pénale, au sens de l’article 50 de la Charte, à l’encontre de Mitliv Exim, ou à statuer sur le cumul de sanctions allégué par cette société à la lumière du principe ne bis in idem. À ces incertitudes s’ajoute la circonstance que cette procédure indemnitaire a été introduite alors même que les mesures administratives prises à l’égard de Mitliv Exim semblent faire encore l’objet d’une contestation pendante devant l’Înalta Curte de Casație şi Justiție (Haute Cour de cassation et de justice).

35      Ainsi, dès lors que la juridiction de renvoi n’a pas exposé selon quelles modalités les différentes procédures et mesures en cause s’articulent entre elles concrètement et qu’elle a également omis d’expliciter le lien qu’elle prétend établir entre, d’une part, l’article 50 de la Charte, les articles 2 et 273 de la directive TVA ainsi que l’article 325 TFUE et, d’autre part, l’objet du litige au principal, elle reste en défaut, en méconnaissance des exigences de l’article 94 du règlement de procédure, d’exposer en quoi l’interprétation qu’elle sollicite de ces dispositions pourrait lui être utile aux fins de la solution du litige au principal.

36      Par conséquent, la première question préjudicielle est manifestement irrecevable.

 Sur la seconde question

37      Conformément à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour, lorsque la réponse à une question posée à titre préjudiciel peut être clairement déduite de la jurisprudence ou lorsque la réponse à cette question ne laisse place à aucun doute raisonnable, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée.

38      Il y a lieu de faire application de cette disposition.

39      Par sa seconde question, la juridiction de renvoi cherche, en substance, à déterminer si la somme acquittée par Mitliv Exim lors de la procédure pénale était due et exigible. En effet, en cas de réponse négative, Mitliv Exim est d’avis qu’elle pourrait prétendre à des intérêts, pour la période pendant laquelle ladite somme s’est trouvée à la disposition des autorités fiscales roumaines, en l’attente d’une décision définitive constatant la créance fiscale en cause.

40      Il convient de rappeler que la directive TVA établit un système commun de TVA fondé, notamment, sur une définition uniforme des opérations taxables et sur une harmonisation de la date à laquelle naît l’obligation fiscale (voir, en ce sens, arrêt du 2 mai 2019, Budimex, C‑224/18, EU:C:2019:347, points 21 et 22 ainsi que jurisprudence citée).


41      Ainsi, l’article 2 de la directive TVA énumère les opérations qui sont soumises à la TVA et l’article 63 de celle-ci énonce le principe général selon lequel le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison de biens ou la prestation de services est effectuée.

42      À cet égard, conformément à l’article 62 de la directive TVA, le fait générateur est défini comme le fait par lequel sont réalisées les conditions légales nécessaires pour l’exigibilité de la taxe, alors que l’exigibilité vise le droit que le Trésor peut faire valoir aux termes de la loi, à partir d’un moment donné, auprès du redevable pour le paiement de la taxe, même si le paiement peut en être reporté.

43      En l’occurrence, il ressort de la décision de renvoi que Mitliv Exim a effectué, entre le 1er janvier 2010 et le 30 juin 2015, des opérations soumises à la TVA. Partant, et conformément à ce qui a été rappelé aux points 41 et 42 de la présente ordonnance, la taxe est devenue exigible, en application de l’article 63 de la directive TVA, dès que le fait générateur de celle-ci est intervenu.

44      Dans ces conditions, la somme dont s’est acquittée Mitliv Exim aux fins d’honorer la créance fiscale née des opérations réalisées par celle-ci ne peut être considérée comme étant indue et ne peut générer d’intérêts à son profit, quand bien même ladite somme n’aurait été versée qu’à titre provisoire. En effet, la circonstance que la créance fiscale n’a été formellement et définitivement constatée qu’à un stade ultérieur, dans une décision de l’administration fiscale ou une décision judiciaire, est sans incidence sur l’exigibilité de la taxe, l’intervention de son fait générateur étant seule déterminante à cet égard.

45      Par conséquent, il convient de répondre à la seconde question que les articles 2 et 63 de la directive TVA doivent être interprétés en ce sens que, dès lors que des opérations taxables ont eu lieu et que la TVA y afférente est exigible, un versement, même provisoire, visant à honorer la créance fiscale correspondante ne peut être considéré comme étant indu et ne peut générer d’intérêts au profit du contribuable qui s’en est acquitté.

 Sur les dépens

46      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, la Cour (septième chambre) dit pour droit :

Les articles 2 et 63 de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, doivent être interprétés en ce sens que, dès lors que des opérations taxables ont eu lieu et que la taxe sur la valeur ajoutée y afférente est exigible, un versement, même provisoire, visant à honorer la créance fiscale correspondante ne peut être considéré comme étant indu et ne peut générer d’intérêts au profit du contribuable qui s’en est acquitté.

Signatures


*      Langue de procédure : le roumain.

Augša