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Document 62020CJ0063

    2021 m. gegužės 20 d. Teisingumo Teismo (šeštoji kolegija) sprendimas.
    Sigrid Dickmanns prieš Europos Sąjungos intelektinės nuosavybės tarnybą (EUIPO).
    Apeliacinis skundas – Viešoji tarnyba – Laikinieji tarnautojai – Terminuota sutartis, kurioje numatyta sutarties nutraukimo sąlyga – Neįtraukimas į konkurso rezervo sąrašą – Tik patvirtinantis aktas – Skundo pateikimo terminas.
    Byla C-63/20 P.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2021:406

    ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

    20 mai 2021 (*)

    « Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Contrat à durée déterminée assorti d’une clause de résiliation – Non-inscription sur la liste de réserve d’un concours – Acte purement confirmatif – Délai de réclamation »

    Dans l’affaire C‑63/20 P,

    ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 5 février 2020,

    Sigrid Dickmanns, demeurant à Gran Alacant (Espagne), représentée par Me H. Tettenborn, Rechtsanwalt,

    partie requérante,

    l’autre partie à la procédure étant :

    Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme A. Lukošiūtė, en qualité d’agent, assistée de Me B. Wägenbaur, Rechtsanwalt,

    partie défenderesse en première instance,

    LA COUR (sixième chambre),

    composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, Mme C. Toader (rapporteure) et M. N. Jääskinen, juges,

    avocat général : M. G. Pitruzzella,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

    rend le présent

    Arrêt

    1        Par son pourvoi, Mme Sigrid Dickmanns demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 18 novembre 2019, Dickmanns/EUIPO (T‑181/19, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2019:796), par laquelle celui-ci a rejeté comme étant irrecevable son recours tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 4 juin 2018 rejetant ses demandes visant à la suppression de la clause de résiliation figurant à l’article 5 de son contrat d’agent temporaire, à la requalification de ce contrat en un contrat à durée indéterminée, au retrait, si nécessaire, de la décision du 14 décembre 2017 et à l’octroi d’une seconde prolongation dudit contrat au-delà du 30 septembre 2018 ou, à tout le moins, à son intégration dans la procédure d’un deuxième renouvellement de contrats d’agents temporaires (ci-après la « décision litigieuse ») et, d’autre part, à la réparation du préjudice qu’elle aurait subi.

     Le cadre juridique

    2        Le statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») et le régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA ») sont établis par le règlement (CEE, Euratom, CECA) no 259/68 du Conseil, du 29 février 1968, fixant le statut des fonctionnaires des Communautés européennes ainsi que le régime applicable aux autres agents de ces Communautés, et instituant des mesures particulières temporairement applicables aux fonctionnaires de la Commission (JO 1968, L 56, p. 1), tel que modifié par le règlement (UE, Euratom) no 1023/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 22 octobre 2013 (JO 2013, L 287, p. 15).

     Le statut

    3        L’article 90 du statut prévoit :

    « 1.      Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision. L’autorité notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la demande. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la demande vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’une réclamation au sens du paragraphe suivant.

    2.      Toute personne visée au présent statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une réclamation dirigée contre un acte lui faisant grief, soit que ladite autorité ait pris une décision, soit qu’elle se soit abstenue de prendre une mesure imposée par le statut. La réclamation doit être introduite dans un délai de trois mois. Ce délai court :

    [...]

    –        du jour de la notification de la décision au destinataire et en tous cas au plus tard du jour où l’intéressé en a connaissance s’il s’agit d’une mesure de caractère individuel ; toutefois, si un acte de caractère individuel est de nature à faire grief à une personne autre que le destinataire, ce délai court à l’égard de ladite personne du jour où elle en a connaissance et en tous cas au plus tard du jour de la publication ;

    –        à compter de la date d’expiration du délai de réponse lorsque la réclamation porte sur une décision implicite de rejet au sens du paragraphe 1.

    L’autorité notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la réclamation. À l’expiration de ce délai, le défaut de réponse à la réclamation vaut décision implicite de rejet susceptible de faire l’objet d’un recours au sens de l’article 91. »

    4        Aux termes de l’article 91 du statut :

    « 1.      La Cour de justice de l’Union européenne  est compétente pour statuer sur tout litige entre l’Union  et l’une des personnes visées au présent statut et portant sur la légalité d’un acte faisant grief à cette personne au sens de l’article 90 paragraphe 2. Dans les litiges de caractère pécuniaire, la Cour de justice a une compétence de pleine juridiction.

    2.      Un recours à la Cour de justice de l’Union européenne  n’est recevable que :

    –        si l’autorité investie du pouvoir de nomination a été préalablement saisie d’une réclamation au sens de l’article 90 paragraphe 2 et dans le délai y prévu, et

    –        si cette réclamation a fait l’objet d’une décision explicite ou implicite de rejet.

    3.      Le recours visé au paragraphe 2 doit être formé dans un délai de trois mois. Ce délai court :

    –        du jour de la notification de la décision prise en réponse à la réclamation ;

    –        à compter de la date d’expiration du délai de réponse, lorsque le recours porte sur une décision implicite de rejet d’une réclamation présentée en application de l’article 90 paragraphe 2 ; néanmoins, lorsqu’une décision explicite de rejet d’une réclamation intervient après la décision implicite de rejet mais dans le délai de recours, elle fait à nouveau courir le délai de recours.

    [...]

    5.      Les recours visés au présent article sont instruits et jugés dans les conditions prévues par le règlement de procédure établi par la Cour de justice de l’Union européenne. »

     Le RAA

    5        L’article 47 du RAA dispose :

    « Indépendamment du cas du décès de l’agent temporaire, l’engagement de ce dernier prend fin :

    [...]

    c)      pour les contrats à durée indéterminée :

    i)      à l’issue du préavis fixé dans le contrat, le préavis ne pouvant être inférieur à un mois par année de service accompli, avec un minimum de trois mois et un maximum de dix mois. [...]

    [...] »

     Les antécédents du litige

    6        Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 21 de l’ordonnance attaquée et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés comme suit.

    7        La requérante a été recrutée au cours de l’année 2001 par l’EUIPO, en qualité d’agent temporaire. Son dernier contrat d’agent temporaire comportait une clause de résiliation à son article 5 selon laquelle ce contrat serait résilié dans les conditions prévues à l’article 47 du RAA en cas de non-inscription sur la liste de réserve du prochain concours général de son groupe de fonctions. Le 31 octobre 2013, l’avis d’un tel concours a été publié.

    8        Le 28 novembre 2013, le président de l’EUIPO a informé la requérante que, à la suite de la publication de ce concours, la clause de résiliation serait considérée activée si son nom ne figurait pas sur la liste de réserve dudit concours.

    9        Bien qu’elle ait participé au concours en cause, la requérante n’a pas été inscrite sur la liste de réserve de celui-ci. Par conséquent, le président de l’EUIPO a décidé, par lettre du 4 juin 2014, de mettre fin au contrat d’agent temporaire de l’intéressée à l’issue d’un préavis de six mois.

    10      Les décisions du 28 novembre 2013 et du 4 juin 2014 sont devenues définitives, respectivement, à la suite de l’arrêt du 27 juin 2017, Clarke e.a./EUIPO (T‑89/16 P, non publié, EU:T:2017:436), et à la suite du désistement de la requérante de son recours introduit dans l’affaire T‑550/16 (ordonnance du 6 septembre 2017, Dickmanns/EUIPO, T‑550/16, non publiée, EU:T:2017:597).

    11      Par lettre du 14 décembre 2017, la directrice du personnel de l’EUIPO a indiqué à la requérante que, selon l’avis de concours litigieux, la liste de réserve serait valide jusqu’au 31 décembre 2017, qu’il avait été décidé de ne pas prolonger cette limite de validité et que, en conséquence, conformément à l’article 5 de son contrat, celui-ci prendrait fin le 30 juin 2018.

    12      Le 25 janvier 2018, la requérante a introduit une demande fondée sur l’article 90, paragraphe 1, du statut, demandant à l’EUIPO de procéder au retrait de cette dernière décision, à la suppression de la clause de résiliation figurant à l’article 5 de son contrat ainsi qu’à la requalification de ce contrat en contrat d’agent temporaire à durée indéterminée ou, du moins, de lui accorder une prorogation de la durée dudit contrat au-delà du 30 juin 2018.

    13      Le 4 juin 2018, par la décision litigieuse, l’EUIPO a informé la requérante du rejet de cette demande, en faisant valoir que l’intéressée cherchait à remettre en question l’ordonnance du 6 septembre 2017, Dickmanns/EUIPO (T‑550/16, non publiée, EU:T:2017:597), par laquelle le Tribunal avait donné acte de son désistement du recours dans l’affaire T‑550/16 dirigé contre la décision du 4 juin 2014. En outre, l’EUIPO a soutenu, en substance, que les demandes tendant à la suppression de la clause de résiliation figurant à l’article 5 de son contrat, à la requalification de ce contrat en contrat d’agent temporaire à durée indéterminée ou, du moins, à lui accorder une prorogation de la durée dudit contrat au-delà du 30 juin 2018 étaient manifestement irrecevables et, en tout état de cause, manifestement non fondées.

    14      Par courrier du 3 septembre 2018, la requérante a introduit une réclamation, au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision litigieuse, qui a également été rejetée par courriel du 17 décembre 2018.

     La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

    15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 2019, la requérante a introduit un recours visant l’annulation de la décision litigieuse ainsi que l’octroi d’une indemnité pour le préjudice moral et immatériel prétendument subi du fait de cette décision.

    16      Le Tribunal a rejeté ce recours comme étant irrecevable, au motif que la réclamation a été introduite après l’expiration du délai prévu à cet effet à l’article 90, paragraphe 2, du statut.

    17      À cet égard, au point 34 de l’ordonnance attaquée, le Tribunal a considéré que, compte tenu du silence observé pendant quatre mois par l’EUIPO sur la demande de la requérante du 25 janvier 2018, une décision implicite de rejet est intervenue le 25 mai 2018, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut. Le délai de trois mois pour présenter une réclamation contre cette décision implicite de rejet aurait alors expiré le 25 août 2018.

    18      Par conséquent, selon le Tribunal, la décision litigieuse n’était qu’un acte purement confirmatif de cette décision implicite et n’était pas susceptible d’ouvrir un nouveau délai de réclamation. L’introduction de la réclamation du 3 septembre 2018 serait donc tardive, les délais statutaires n’ayant pas été respecté en l’espèce.

    19      Le recours a donc été rejeté comme étant irrecevable en ce qui concerne la demande en annulation ainsi qu’en ce qui concerne la demande en indemnité.

    20      Néanmoins, le Tribunal a condamné l’EUIPO à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la requérante, au motif qu’il a manqué à son devoir de diligence en laissant s’écouler le délai de quatre mois, prévu à l’article 90, paragraphe 1, du statut, avant d’adopter une décision explicite de rejet et en n’ayant pas attiré l’attention de l’intéressée, dans cette décision explicite, à savoir la décision litigieuse, sur la circonstance qu’une décision implicite de rejet était déjà intervenue et que le délai de réclamation de trois mois courait à compter de cette dernière décision.

     Les conclusions des parties

    21      Par son pourvoi, Mme Dickmanns demande à la Cour :

    –        d’annuler intégralement l’ordonnance attaquée ;

    –        de renvoyer l’affaire au Tribunal, et

    –        de condamner l’EUIPO aux dépens de la présente procédure.

    22      L’EUIPO demande à la Cour :

    –        de rejeter le pourvoi et

    –        de condamner Mme Dickmanns à supporter l’ensemble des dépens dans les deux instances.

     Sur le pourvoi

    23      À l’appui de son pourvoi, la requérante invoque un moyen unique, divisé en trois branches et tiré d’une erreur de droit portant sur l’interprétation et l’application par le Tribunal des articles 90 et 91 du statut.

     Sur la première branche du moyen unique

     Argumentation des parties

    24      Par la première branche de son moyen unique, la requérante soutient que l’interprétation retenue par le Tribunal est contraire au libellé de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Cette branche est subdivisée en deux griefs.

    25      D’une part, le Tribunal aurait commis une erreur de droit, aux points 44 et 45 de l’ordonnance attaquée, en considérant que la notion de « décision », visée à l’article 90, paragraphe 2, du statut, n’inclut pas des décisions purement confirmatives.

    26      Selon la requérante, aucun élément du libellé de cet article ne permet d’exclure certains types de décisions, ainsi qu’il ressort, en particulier, de l’article 90, paragraphe 2, première phrase, du statut. Elle soutient que, dans l’hypothèse où l’autorité investie du pouvoir de nomination aurait pris une décision, tout intéressé a le droit de contester cette décision par une réclamation, sans que ce droit soit limité aux seules décisions non confirmatives.

    27      D’autre part, la requérante relève que, en tout état de cause, la décision litigieuse n’est pas une décision purement confirmative, puisqu’elle ne fait aucune référence à la décision implicite en cause, qu’elle comporte la motivation du rejet de sa réclamation et que, du fait de cette motivation, elle contient un premier examen, de sa situation.

    28      L’EUIPO rétorque que la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant non fondée.

     Appréciation de la Cour

    29      S’agissant du premier grief de la première branche du moyen unique, il convient de constater que l’article 90 du statut figure dans un acte de droit dérivé, qui a pour objet de déterminer le régime de la procédure précontentieuse, en tant qu’étape préalable à l’introduction d’un recours en annulation en matière de fonction publique. Partant, cet article ne saurait, en tout état de cause, donner à la notion d’« acte attaquable » une portée plus large que celle résultant de l’article 263 TFUE, lu en combinaison avec l’article 270 TFUE.

    30      Or, il est de jurisprudence constante qu’un acte purement confirmatif d’une décision antérieure devenue définitive ne peut pas faire l’objet d’un recours en annulation au titre de l’article 263 TFUE. Cette solution se justifie par la nécessaire stabilité juridique et vaut tant pour les actes individuels que pour ceux qui ont un caractère normatif, tel un règlement [voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 1980, Grasselli/Commission, 23/80, EU:C:1980:284, point 18 ; du 18 octobre 2007, Commission/Parlement et Conseil, C‑299/05, EU:C:2007:608, points 28 et 29, ainsi que ordonnance du 5 février 2020, Dickmanns/EUIPO, C‑631/19 P, non publiée, EU:C:2020:75, point 4 (prise de position de l’avocat général Tanchev, points 6 et 7)].

    31      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 90, paragraphe 1, du statut, toute personne visée au statut peut saisir l’autorité investie du pouvoir de nomination d’une demande l’invitant à prendre à son égard une décision. L’autorité notifie sa décision motivée à l’intéressé dans un délai de quatre mois à partir du jour de l’introduction de la demande. Selon cette disposition, le défaut de réponse à cette demande dans un délai de quatre mois vaut décision implicite de rejet et, en vertu du paragraphe 2 du même article, cette décision ouvre un délai de trois mois pour l’introduction d’une réclamation.

    32      À cet égard, la Cour a déjà jugé que le délai de réclamation n’est pas rouvert du fait d’une décision explicite postérieure rejetant purement et simplement la demande (voir, en ce sens, arrêt du 20 mars 1984, Razzouk et Beydoun/Commission, 75/82 et 117/82, EU:C:1984:116, point 12).  

    33      C’est donc à juste titre que le Tribunal a rappelé, au point 44 de l’ordonnance attaquée, qu’un acte purement confirmatif ne saurait rouvrir un nouveau délai pour introduire une réclamation.

    34      S’agissant du second grief de la première branche du moyen unique, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, une décision est purement confirmative d’une décision antérieure lorsqu’elle ne contient aucun élément nouveau par rapport à un acte antérieur et qu’elle n’a pas été précédée d’un réexamen de la situation du destinataire de cet acte antérieur (ordonnances du 7 décembre 2004, Internationaler Hilfsfonds/Commission, C‑521/03 P, non publiée, EU:C:2004:778, point 47, et du 8 décembre 2005, Campailla/Commission, C‑210/05 P, non publiée, EU:C:2005:759, point 23).

    35      En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 34 de l’ordonnance attaquée, que la requérante a présenté sa demande, au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, le 25 janvier 2018 et que, compte tenu du silence observé pendant quatre mois par l’EUIPO sur cette demande, une décision implicite de rejet est intervenue le 25 mai 2018, conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut. Dans ces conditions, la décision litigieuse n’était qu’un acte purement confirmatif de cette décision implicite.

    36      À cet égard, s’agissant du fait que la décision litigieuse ne fait aucune référence à la décision implicite de rejet, il convient de constater que, dans la mesure où le caractère confirmatif d’une décision explicite résulte de son rapport objectif avec la décision implicite, ce caractère ne saurait dépendre d’une éventuelle référence à cette dernière dans la motivation.

    37      Par ailleurs, cette conclusion du Tribunal ne peut pas être remise en cause au motif que la décision explicite était le premier acte à comporter une motivation du rejet de la demande en cause. En effet, dans le cas où il peut être considéré qu’une décision implicite est intervenue, une décision explicite pure et simple, bien qu’elle soit susceptible de révéler les motifs de ce rejet, ne fait que confirmer la décision implicite qui l’a précédée (voir, en ce sens, arrêts du 28 mai 1980, Kuhner/Commission, 33/79 et 75/79, EU:C:1980:139, point 9, ainsi que du 31 mai 2017, DEI/Commission, C‑228/16 P, EU:C:2017:409, points 33 et 34).

    38      En ce qui concerne une demande tendant au réexamen d’une décision antérieure devenue définitive, il résulte d’une jurisprudence constante que seule l’existence de faits nouveaux substantiels peut justifier la présentation d’une telle demande. Ne constitue pas un fait nouveau substantiel un fait qui ne modifie pas de façon substantielle la situation du requérant telle qu’elle se présente lors de l’adoption de la décision antérieure devenue définitive [ordonnance du 5 février 2020, Dickmanns/EUIPO, C‑631/19 P, non publiée, EU:C:2020:75, point 4 (prise de position de l’avocat général Tanchev, point 8)].

    39      À cet égard, s’agissant des arguments par lesquels la requérante conteste la constatation du Tribunal, au point 39 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle il ne ressortait pas du dossier que la situation de la requérante ait changé ou qu’elle ait été réexaminée entre la date de la décision implicite de rejet de sa demande et la date de la décision litigieuse, il convient de relever qu’il s’agit, en tout état de cause, d’une constatation factuelle qu’il n’appartient pas à la Cour de remettre en cause, sauf en cas de dénaturation de faits [voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2019, Pracsis et Conceptexpo Project/Commission et EACEA, C‑794/18 P, non publiée, EU:C:2019:305, point 5 (prise de position de l’avocat général Pitruzzella, point 13)]. Or, une telle dénaturation n’est pas alléguée en l’espèce.

    40      Par conséquent, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a considéré, au point 39 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse, intervenue le 4 juin 2018, soit dix jours après la décision implicite de rejet, était une décision purement confirmative de cette décision antérieure.

    41      Il résulte de ce qui précède que la première branche du moyen unique doit être rejetée comme étant non fondée.

     Sur les deuxième et troisième branches du moyen unique

     Argumentation des parties

    42      Par les deuxième et troisième branches du moyen unique, la requérante allègue que le Tribunal, en ne censurant pas l’interprétation de l’article 90, paragraphe 2, du statut retenue par l’EUIPO, a méconnu les objectifs de cet article, violant ainsi les droits à une bonne administration et à un recours effectif, au sens des articles 41 et 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »).

    43      La requérante relève que le Tribunal n’a pas dûment pris en considération l’ensemble de ses arguments en première instance, notamment en ce qui concerne ses griefs tirés de la sécurité juridique et des droits à une bonne administration et à un recours effectif, n’y ayant pas répondu de manière satisfaisante aux points 48 et 51 à 53 de l’ordonnance attaquée.

    44      Selon elle, l’article 90, paragraphe 2, du statut vise à permettre au demandeur de faire rapidement valoir sa prétention dans l’hypothèse où l’autorité investie du pouvoir de nomination ne respecte pas l’obligation de se prononcer sur la demande dans un délai de quatre mois. Or, il serait contraire à cet objectif de permettre à une telle autorité, qui a manqué à son obligation de prendre une décision claire et motivée dans un délai de quatre mois, de se prévaloir de son propre manquement pour soulever l’expiration du délai de réclamation.

    45      La requérante soutient qu’interpréter l’article 90 du statut de manière à permettre à l’EUIPO, qui a manqué à son obligation de prendre une décision motivée dans le délai de quatre mois, de se prévaloir de ce manquement pour invoquer l’expiration du délai de réclamation ouvert aux requérants sans assistance juridique serait également contraire au droit à un recours effectif, notamment dans une situation où la décision explicite de rejet intervient seulement un jour avant l’expiration du délai de réclamation contre la décision implicite de rejet.

    46      Or, l’interprétation retenue par le Tribunal aurait pour effet de vider de toute substance l’obligation de l’administration de motiver ses décisions ainsi que le droit du demandeur, prévu à l’article 41 de la Charte, de voir traiter ses affaires dans un délai raisonnable.

    47      L’EUIPO demande à la Cour de déclarer irrecevables les deuxième et troisième branches du moyen unique, car dans le cadre de celles-ci, la requérante se borne à répéter les arguments présentés en première instance et à critiquer l’ordonnance attaquée, sans indiquer quels points de celle-ci elle entend contester.

    48      À titre subsidiaire, l’EUIPO soutient que ces branches sont non fondées.

     Appréciation de la Cour

    49      À titre liminaire, s’agissant de l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’EUIPO, il convient de rappeler qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de l’arrêt ou de l’ordonnance dont l’annulation est demandée ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande, sous peine d’irrecevabilité du pourvoi ou du moyen concerné. Ne répond pas à cette exigence le pourvoi qui ne comporte aucune argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt ou l’ordonnance en question (ordonnance du 6 février 2014, Thesing et Bloomberg Finance/BCE, C‑28/13 P, EU:C:2014:230, point 25 ainsi que jurisprudence citée).

    50      Si la seule énonciation abstraite des moyens dans le pourvoi ne répond pas aux exigences posées à l’article 58 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), de son règlement de procédure (ordonnance du 8 mai 2014, Greinwald/Wessang, C‑608/12 P, non publiée, EU:C:2014:394, point 32), en l’espèce, le pourvoi permet d’identifier avec précision quels points du raisonnement du Tribunal la requérante entend critiquer. Il en ressort notamment qu’est contestée l’appréciation en droit faite par le Tribunal de l’article 90, paragraphe 2, du statut ainsi que les conséquences de celle-ci sur les droits à un recours effectif et à une bonne administration.

    51      Par conséquent, il convient d’écarter l’exception d’irrecevabilité soulevée par l’EUIPO.

    52      Sur le fond, la requérante soutient que le Tribunal a méconnu, par son interprétation de l’article 90, paragraphe 2, du statut, les objectifs de cette disposition, violant ainsi les droits énoncés aux articles 41 et 47 de la Charte.

    53      S’agissant des objectifs de l’article 90, paragraphe 2, du statut, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence constante, l’application stricte de la réglementation de l’Union concernant les délais de procédure répond à l’exigence de sécurité juridique et à la nécessité d’éviter toute discrimination ou tout traitement arbitraire dans l’administration de la justice (ordonnance du 17 mai 2002, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑406/01, EU:C:2002:304, point 20 ainsi que jurisprudence citée).

    54      En effet, les délais de réclamation et, respectivement, de recours prévus aux articles 90 et 91 du statut sont d’ordre public et ne constituent pas un moyen à la discrétion des parties ou du juge, dès lors qu’ils ont été institués en vue d’assurer la clarté et la sécurité des relations juridiques [voir, en ce sens, arrêt du 19 février 1981, Schiavo/Conseil, 122/79 et 123/79, EU:C:1981:47, point 22, et ordonnance du 19 juin 2018, Karp/Parlement, C‑714/17 P, non publiée, EU:C:2018:471, point 4 (prise de position de l’avocat général Wathelet, point 9 ainsi que jurisprudence citée)].

    55      En l’espèce, bien que la requérante ne conteste pas que les articles 90 et 91 du statut fixent des délais de réclamation et, respectivement, de recours et que le droit à un recours effectif ne fait pas obstacle à l’existence de tels délais, elle soutient néanmoins qu’une décision explicite postérieure à une décision implicite, intervenue dans le délai prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut pour introduire une réclamation, est susceptible de perturber un demandeur qui est en train de préparer sa réclamation ou son recours contre cette décision implicite.

    56      Or, il convient de rappeler que le système mis en place à l’article 90 du statut vise notamment à protéger l’intéressé, en introduisant la fiction d’une décision implicite, afin que celui-ci dispose d’une voie de recours même en l’absence d’une réaction expresse de l’administration à sa demande. Ainsi, en l’espèce, le Tribunal a, au point 48 de l’ordonnance attaquée, constaté à bon droit que la décision implicite de rejet intervenue le 25 mai 2018 faisant grief à la requérante était susceptible de faire l’objet d’une réclamation dans un délai expirant le 25 août 2018.

    57      Dans ces conditions, l’application stricte de la réglementation de l’Union concernant les délais de procédure applicables ne remet pas en cause les objectifs de l’article 90, paragraphe 2, du statut, mais vise à assurer la sécurité juridique poursuivie à cet article.

    58      S’agissant du droit à un recours effectif au sens de l’article 47, premier et deuxième alinéas, de la Charte, il est de jurisprudence bien établie que celui-ci n’est pas non plus affecté par l’application stricte de la réglementation de l’Union concernant les délais de procédure (ordonnance du 17 mai 2002, Allemagne/Parlement et Conseil, C‑406/01, EU:C:2002:304, point 20).

    59      De même, la Cour a jugé que le droit à une bonne administration au sens de l’article 41 de la Charte, qui prévoit, à son paragraphe 1, que toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions, les organes et les organismes de l’Union, ne saurait être invoqué pour déroger à un système de délais impératifs institué par le droit de l’Union [voir, en ce sens, ordonnance du 11 avril 2019, Pracsis et Conceptexpo Project/Commission et EACEA, C‑794/18 P, non publiée, EU:C:2019:305, point 5 (prise de position de l’avocat général Pitruzzella, point 9)].

    60      Ainsi, les droits à un recours effectif et à une bonne administration ne peuvent être invoqués pour justifier des exceptions aux délais prévus par la réglementation de l’Union. À cet égard, comme l’a relevé le Tribunal au point 53 de l’ordonnance attaquée, la décision explicite confirmative de la décision implicite du 25 mai 2018 n’était pas nécessairement la cause du non-respect du délai de réclamation par la requérante. En effet, la décision litigieuse est intervenue le 4 juin 2018, soit dix jours après la décision de rejet implicite, de sorte que la requérante disposait du temps et des éléments nécessaires pour formuler sa réclamation, tout en tenant compte de la motivation fournie par l’administration dans la décision confirmative explicite.

    61      De même, la requérante ne démontre pas que la décision litigieuse fournissait des informations nécessaires en vue de pouvoir contester la décision de rejet implicite de sa demande. Force est de constater, à cet égard, que l’étendue des arguments susceptibles d’être soulevés dans le cadre d’une réclamation dirigée contre la décision implicite n’a pas été restreinte.

    62      S’agissant du prétendu défaut de motivation de l’ordonnance attaquée, en ce que le Tribunal n’aurait pas répondu de manière satisfaisante à l’ensemble des arguments de la requérante, il suffit de rappeler que l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal n’impose pas à ce dernier de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation du Tribunal peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les motifs de la décision du Tribunal et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (arrêt du 28 juillet 2011, Mediaset/Commission, C‑403/10 P, non publié, EU:C:2011:533, point 88 et jurisprudence citée).

    63      Or, il convient de constater que le Tribunal a, aux points 48 et 51 à 53 de l’ordonnance attaquée, exposé avec suffisance de droit les raisons pour lesquelles la réclamation introduite par la requérante contre la décision litigieuse était tardive, tout en précisant que le respect du délai fixé à l’article 90, paragraphe 2, du statut n’enfreint pas le droit de la requérante à un recours effectif.

    64      Il résulte de tout ce qui précède que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la décision litigieuse ne pouvait pas justifier l’ouverture d’un nouveau délai de réclamation au regard des objectifs de l’article 90, paragraphe 2, du statut et des articles 41 et 47 de la Charte.

    65      Les deuxième et troisième branches du moyen unique doivent donc être rejetées comme étant non fondées.

    66      Il y a lieu, partant, de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

     Sur les dépens

    67      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

    68      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute personne qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

    69      Mme Dickmanns ayant succombé en ses moyens et l’EUIPO ayant conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens, il y a lieu de la condamner aux dépens de la présente procédure.

    70      Bien que l’EUIPO ait également demandé à la Cour de statuer sur les dépens de la procédure en première instance, il n’y a pas lieu de se prononcer sur ceux-ci, dès lors que le pourvoi a été rejeté et qu’un pourvoi incident n’a pas été introduit par l’EUIPO.

    Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

    1)      Le pourvoi est rejeté.

    2)      Mme Sigrid Dickmanns est condamnée aux dépens de la présente procédure.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’allemand.

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