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Document 62013FJ0124

Arrêt du Tribunal de la fonction publique (première chambre) du 26 mars 2015.
CW contre Parlement européen.
Fonction publique – Fonctionnaires – Recours en annulation – Article 12 bis du statut – Règles internes relatives au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail – Article 24 du statut – Demande d’assistance – Erreurs manifestes d’appréciation – Absence – Rôle et prérogatives du comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail – Saisine facultative par le fonctionnaire – Recours en indemnité.
Affaire F-124/13.

Recueil – Recueil de la fonction publique

Identifiant ECLI: ECLI:EU:F:2015:23

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

26 mars 2015 ( *1 )

[Texte rectifié par ordonnance du 3 décembre 2015]

«Fonction publique — Fonctionnaires — Recours en annulation — Article 12 bis du statut — Règles internes relatives au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail — Article 24 du statut — Demande d’assistance — Erreurs manifestes d’appréciation — Absence — Rôle et prérogatives du comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail — Saisine facultative par le fonctionnaire — Recours en indemnité»

Dans l’affaire F‑124/13,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

CW, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me C. Bernard-Glanz, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et M. Dean, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (première chambre),

composé de MM. R. Barents, président, E. Perillo et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 19 décembre 2013, CW demande notamment, d’une part, l’annulation de la décision du Parlement européen, du 8 avril 2013, portant rejet de sa demande d’assistance introduite en raison du harcèlement moral dont elle s’estime victime du fait de ses supérieurs hiérarchiques et, d’autre part, la condamnation du Parlement à lui verser des dommages-intérêts.

Cadre juridique

2

L’article 31, intitulé « Conditions de travail justes et équitables », de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit en son paragraphe 1 :

« Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité. »

3

L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut ») dispose :

« Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. »

4

L’article 24, premier alinéa, du statut dispose :

« L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions. »

5

Le 21 février 2006, le Parlement a adopté de nouvelles « [règles internes relatives au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail] » en vue de mettre en œuvre l’article 12 bis du statut (ci-après les « règles internes »). Il ressort de l’article 9 des règles internes que tout membre du personnel de cette institution, qui est confronté à un problème qui pourrait constituer un harcèlement ou qui pense qu’un problème de ce type existe dans son environnement de travail, peut soumettre la question au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail (ci-après le « comité » ou le « comité consultatif sur le harcèlement »). L’article 11 des règles internes prévoit qu’un membre du personnel qui se sent victime de harcèlement doit être reçu par le comité dans les dix jours ouvrables suivant la demande formulée par cette personne. Aux termes des articles 12 à 14 des règles internes, le comité peut, s’il l’estime souhaitable, formuler des recommandations à la direction en vue de résoudre le problème ; il doit, en vue d’assurer le suivi du dossier, rester en contact avec le membre du personnel concerné et, si nécessaire, avec ses supérieurs hiérarchiques ; et, si le problème persiste, ledit comité transmet un rapport confidentiel au secrétaire général du Parlement contenant des propositions sur l’action ou les actions à entreprendre et, lorsque cela paraît approprié, il peut lui demander des instructions pour la conduite d’une enquête détaillée.

Faits à l’origine du litige

6

Le 6 octobre 2003, la requérante a été recrutée en tant qu’agent auxiliaire au Parlement. Elle a été initialement affectée à l’unité de l’interprétation slovaque de la direction de l’interprétation de la direction générale (DG) « Infrastructures et interprétation », devenue la DG « Interprétation et conférences ». À partir du 8 octobre 2004, elle a été engagée en tant qu’agent temporaire dans cette même unité.

7

Le 1er octobre 2008, la requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire au Parlement et affectée à l’unité de l’interprétation tchèque (ci-après l’« unité »). Elle a été titularisée le 1er juillet 2009.

8

De 2008 à 2010, la requérante et Mme H. étaient collègues au sein de l’unité. Lorsque le poste de chef d’unité s’est libéré, elles ont toutes les deux présenté leur candidature. À l’issue de la procédure de sélection, la candidature de la requérante a été écartée au profit de celle de Mme H. (ci-après le « chef d’unité ») qui a été nommée sur cet emploi le 17 mai 2010.

9

Les relations entre la requérante et le chef d’unité se sont dégradées, notamment à la suite d’une réunion de l’unité qui s’est tenue le 23 mai 2011 (ci-après la « réunion du 23 mai 2011 »).

10

À cet égard, en mai 2011, à la suite de la préparation d’une liste de questions de l’unité en vue d’une réunion avec la hiérarchie prévue le 13 mai 2011, un conflit est apparu entre, d’un côté, la requérante et plusieurs autres membres de l’unité et, de l’autre, le chef d’unité et les membres de l’unité qui lui ont apporté leur soutien. En substance, les questions qui avaient été préparées sous la houlette d’une collègue de la requérante, CQ, ont été soumises telles quelles au directeur de la direction de l’interprétation (ci-après le « directeur ») par l’entremise du chef d’unité. Le directeur a, par courriel, vivement réagi à la teneur des questions envisagées en mettant en doute le fait qu’elles aient pu représenter la position de l’ensemble des membres de l’unité. À cet égard, le chef d’unité a, le 12 mai 2011, envoyé à chacun des membres du personnel de l’unité un courriel formulé comme suit : « […] Les questions au nom des interprètes de la cabine [d’interprétation de l’unité] ont été préparées en vue de la réunion de demain avec la direction. Étais-tu au courant de ces questions et reflètent-elles également pleinement ton opinion ? […] »

11

Lors de la réunion du 23 mai 2011, il aurait notamment été demandé au chef d’unité de préciser la raison pour laquelle elle avait envoyé son courriel du 12 mai 2011 aux membres de l’unité. Une polémique qui a duré plusieurs mois s’en est ensuivie en ce qui concerne la rédaction de la version finale du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011. À cet égard, la requérante et plusieurs de ses collègues, parmi lesquelles CQ, ont contesté à plusieurs reprises le contenu de ce compte rendu et ont demandé au chef d’unité, au moyen d’un courriel envoyé à toute l’unité, de leur fournir la base juridique lui permettant d’arrêter, en dernière instance, le contenu du compte rendu de la réunion litigieuse. Le 13 septembre 2011, après consultation du directeur et tout en reconnaissant qu’il n’existait pas de règle écrite en la matière, le chef d’unité a envoyé aux membres de l’unité un courriel leur exposant les principes régissant l’adoption des comptes rendus, notamment le fait qu’elle pouvait, en sa qualité de chef d’unité, refuser de rectifier le procès-verbal d’une réunion lorsque la rectification demandée ne reflétait pas les propos tenus lors de la réunion. Le 6 octobre 2011, la requérante a de nouveau envoyé un courriel à l’ensemble de l’unité, y compris au chef d’unité, au sujet du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011.

12

Le 17 février 2012, le directeur a envoyé un courriel à la requérante afin que celle-ci exécute les instructions qu’il lui avait données dans une note, remise en main propre, du 1er février précédent, à savoir qu’elle présente, dans un courriel adressé aux membres de l’unité, y compris au chef d’unité, ses excuses pour avoir sous-entendu que le chef d’unité aurait méconnu les règles relatives aux critères de sélection des candidats aux cours de langue organisés durant la période estivale.

13

Le 19 février 2012, la requérante a, par courriel, expliqué au président du comité consultatif sur le harcèlement (ci-après le « président du comité ») que, « [d]epuis le 1er février 2012, [elle] [était] exposée à une pression énorme exercée par [s]es deux supérieurs, [qu’elle était] dans une situation très difficile et [qu’elle] souhaiterai[t] demander une aide professionnelle à ce sujet ». Bien que la requérante avait, par ce courriel, demandé au président du comité de l’informer sur la possibilité de le rencontrer rapidement, celui-ci n’a pas répondu par écrit audit courriel. Par courriel du 21 février 2012, la requérante a alors contacté Mme W., secrétaire du comité, laquelle, par courriel du lendemain, lui a répondu que le président du comité était en cours de déménagement dans un nouveau bureau, ce qui pouvait expliquer qu’il ne reçoive pas ses courriels, et elle lui a suggéré de prendre contact avec Mme E.-H. ou Mme R., toutes deux membres du comité consultatif sur le harcèlement, lesquelles étaient également mises en copie de ce courriel du secrétariat. Sans avoir pris directement contact avec l’un desdits membres, la requérante a, par courriel en réponse du 22 février 2012, également adressé en copie au président du comité, indiqué à Mme W. qu’elle souhaitait prendre conseil auprès du président du comité dès que possible. Mme W. lui a alors confirmé que son message serait transféré au président du comité dans les meilleurs délais. Selon la requérante, ces courriels seraient restés sans suite de la part du président du comité.

14

Le 29 mars 2012, la requérante a reçu une note du directeur l’informant que, compte tenu de son état de santé récent, elle était déchargée des tâches annexes à ses fonctions d’interprète. Depuis lors, la requérante n’a poursuivi que ses tâches principales, à savoir l’interprétation à Bruxelles (Belgique) ainsi que dans les deux autres lieux de travail du Parlement. Elle a également continué à participer, notamment, à un cours de langue polonaise. De plus, à la suite d’une réunion tenue début juin 2013, le directeur a confirmé, par une note du 11 juin 2013 adressée à la requérante avec copie au chef d’unité, que la requérante était désormais autorisée à poursuivre des formations professionnelles dans l’intérêt du service.

15

Le 4 juillet 2012, un nouveau président du comité consultatif sur le harcèlement (ci-après le « nouveau président du comité ») a été nommé et, selon les dires du Parlement, la requérante a été par la suite et à plusieurs reprises invitée à contacter le comité.

16

Le 5 février 2013, la requérante a, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, saisi le Parlement d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut (ci-après la « demande d’assistance »). À l’appui de cette demande, la requérante a fourni une description détaillée de quatorze incidents ou évènements qui, selon elle, pris individuellement ou conjointement, seraient constitutifs d’un harcèlement moral de la part de son chef d’unité et de son directeur. La requérante soulignait également que cette liste d’incidents n’était pas exhaustive et que « [l’i]nstitution, auprès de qui une demande formelle d’assistance et une réclamation [avaient] été présentées [par CQ], [était] pleinement au courant de la situation et a[vait] donné mandat au directeur général [de la DG ‘Interprétation et conférences’] pour enquêter sur l’affaire ». Elle affirmait en outre que le harcèlement allégué la concernant prenait des formes diverses : « communications trompeuses [‘deceptive or misleading communications’], refus de communiquer, commentaires dégradants, tentatives d’humiliation publique, diffamation, pressions, intimidations et menaces, ou privation injustifiée de tâches professionnelles ». Tous ces évènements l’auraient conduite à un « burnout » ayant justifié sa mise en congé de maladie prolongé.

17

Par la demande d’assistance, dans laquelle elle regrettait le fait que, malgré ses sollicitations et rappels, le président du comité ou tout autre membre du comité ne l’ait pas contactée à la suite de son courriel du 19 février 2012, la requérante priait le Parlement, d’une part, de réaffecter son chef d’unité et/ou son directeur à un autre poste ou d’adopter une décision d’effet équivalent tendant à la protéger de leurs exactions et, d’autre part, d’ouvrir une enquête à grande échelle sur les méthodes de management et les comportements de sa hiérarchie.

18

Dans une lettre du 5 mars 2013, le directeur général de la DG « Personnel » (ci-après le « directeur général du personnel »), en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN »), a, tout en regrettant que le premier contact que la requérante avait en vain essayé d’établir avec le comité consultatif sur le harcèlement en février 2012 « n’ait pas conduit à un examen à grande échelle d[e ses] plaintes », recommandé à la requérante de saisir le comité consultatif sur le harcèlement qui, disposant de larges pouvoirs pour examiner de manière approfondie tous les cas potentiels de harcèlement et pour formuler des recommandations, était le mieux placé pour vérifier si les faits décrits par elle pouvaient être considérés comme un harcèlement psychologique. Afin de faciliter cette saisine du comité, les coordonnées de son nouveau président étaient indiquées dans cette lettre. Toutefois, dans une lettre en réponse de son conseil du 11 mars suivant, la requérante a d’abord observé qu’elle avait déjà « épuisé cette option », car elle avait « essayé de se plaindre auprès du comité [consultatif sur le harcèlement] », pour ensuite préciser qu’elle avait déposé une demande d’assistance en vertu de l’article 24 du statut au motif, précisément, que le comité, auquel elle s’était adressée en premier lieu, avait failli dans sa mission telle qu’assignée par les règles internes. Le conseil de la requérante précisait que, dans ce contexte, il « trouv[ait la] recommandation [du directeur général du personnel] honteuse et inacceptable ».

19

Par une décision du 8 avril 2013, notifiée à la requérante le 10 avril suivant, l’AIPN, en la personne du directeur général du personnel, a, après un examen de la demande d’assistance et à la lumière des informations relatives à la situation régnant dans l’unité dont elle avait pris connaissance dans le cadre de l’examen d’une plainte pour harcèlement introduite par une collègue de cette unité, en l’occurrence CQ (voir arrêt CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214), rejeté la demande d’assistance de la requérante (ci-après la « décision de refus d’assistance »).

20

À cet égard, l’AIPN a indiqué déplorer le refus de la requérante de saisir le comité consultatif sur le harcèlement puisque cette attitude a eu pour conséquence que l’AIPN avait été privée de ce qui aurait été, pour elle, un « précieux avis sur les allégations de [la requérante, étant entendu que le comité consultatif sur le harcèlement] [ét]ait le mieux placé pour [mener] l’enquête à grande échelle que [la requérante] demand[ait] ».

21

Cela étant, nonobstant l’absence de saisine du comité consultatif sur le harcèlement, l’AIPN a décidé, après un examen des documents volumineux soumis par la requérante et après avoir obtenu des informations sur la situation régnant dans l’unité provenant d’une autre enquête menée par le comité au sein de ladite unité, de rejeter la demande d’assistance de la requérante. En effet, procédant à l’examen de chacun des évènements litigieux exposés par la requérante, l’AIPN a considéré soit qu’ils étaient mineurs, soit qu’ils avaient déjà été mis en cause dans le cadre de la contestation par la requérante de son rapport de notation portant sur l’année 2011 (ci-après le « rapport de notation 2011 »), soit, encore, qu’il s’agissait de décisions ou de comportements légitimes de l’AIPN ou des supérieurs hiérarchiques face aux comportements de la requérante elle-même.

22

Le 9 juillet 2013, la requérante a introduit une réclamation, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de refus d’assistance. Par décision du 23 octobre suivant, l’AIPN, en la personne du secrétaire général du Parlement, a rejeté la réclamation comme étant, à ce stade, prématurée (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »). À cet égard, l’AIPN a en particulier souligné qu’elle n’était tenue d’adopter des mesures en application de l’article 24 du statut que lorsque les faits à l’origine de la demande avaient été établis et que, précisément, au sein du Parlement, il appartenait au comité consultatif sur le harcèlement de procéder à des enquêtes en présence de faits de harcèlement présumé. Or, la requérante aurait renoncé à soumettre son cas à l’examen du comité.

23

Tout en lui rappelant que, selon la jurisprudence, l’existence de relations difficiles, voire conflictuelles, entre un fonctionnaire et son supérieur hiérarchique ne constitue pas, en tant que telle, la preuve d’un harcèlement moral, l’AIPN informait la requérante qu’elle avait demandé au nouveau président du comité, en fonction depuis le 4 juillet 2012, de prendre contact avec elle afin de lui expliquer la procédure devant le comité consultatif sur le harcèlement et de lui permettre, à l’aune des informations fournies, de décider de poursuivre ou non la procédure.

24

Le 15 janvier 2014, en l’occurrence postérieurement à l’introduction du présent recours, le nouveau président du comité a pris contact avec la requérante. Ils se sont rencontrés le 20 janvier suivant. Dans un courriel du même jour, le nouveau président du comité a confirmé la possibilité pour la requérante de saisir le comité consultatif sur le harcèlement d’une manière informelle et « à tout moment qu[’elle] trouverait approprié ».

Conclusions des parties et procédure

25

La requérante demande au Tribunal :

de déclarer le recours recevable ;

d’annuler la décision de refus d’assistance ;

d’annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

de lui octroyer, d’une part, un montant de 50000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi et, d’autre part, de lui rembourser, au titre du préjudice matériel subi, un quart du montant des frais médicaux exposés en raison de la détérioration de son état de santé, la somme totale devant être majorée des intérêts légaux jusqu’au paiement ;

de condamner le Parlement aux dépens.

26

Le Parlement conclut au rejet du recours comme étant non fondé et à la condamnation de la requérante aux dépens.

27

Dans le rapport préparatoire d’audience qui leur a été signifié le 21 novembre 2014, le Tribunal a, au titre de mesures d’organisation de la procédure, posé des questions aux parties. Les parties ont dûment déféré à ces demandes et ont eu l’occasion, chacune, de présenter des observations sur leurs réponses respectives lors de l’audience, tenue le 11 décembre 2014.

28

À cet égard, la requérante a notamment confirmé qu’elle disposait d’un accès à distance à sa boîte de messagerie électronique du Parlement et qu’elle avait participé à quatre universités d’été, dont l’une en langue anglaise en 2004. Pour sa part, le Parlement a notamment expliqué, s’agissant de l’absence de réponse du président du comité au courriel de la requérante du 19 février 2012, que celui-ci avait pris de nouvelles fonctions le 25 janvier 2012 au sein d’une autre direction générale, tout en soulignant qu’il aurait toutefois essayé de prendre contact avec la requérante postérieurement à son courriel du 19 février 2012. S’agissant de l’affectation de la requérante à l’unité tchèque, alors qu’elle faisait auparavant partie de l’unité d’interprétation slovaque, le Parlement a indiqué ne pas avoir conservé les traces de la plainte pour harcèlement déposée à l’époque par la requérante et que le changement d’affection avait eu lieu lors de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire. En ce qui concerne le comité consultatif sur le harcèlement, le Parlement a indiqué que ce comité n’était en aucune manière habilité à statuer au nom de l’AIPN sur une demande d’assistance fondée sur l’article 24 du statut et, par conséquent, ne pouvait pas décider de rejeter une telle demande.

29

Par ailleurs, par lettre du 5 décembre 2014, la requérante a, d’une part, formulé des commentaires, assortis de trois nouvelles annexes, sur le rapport préparatoire d’audience et, d’autre part, soumis, au titre de l’article 57 du règlement de procédure, une nouvelle offre de preuves en lien, notamment, avec deux déclarations sur l’honneur faites par deux de ses collègues et annexées au mémoire en défense. Le Tribunal a décidé de verser ces pièces au dossier et de ne pas clôturer la procédure orale à l’issue de l’audience afin de donner la possibilité au Parlement de présenter des observations éventuelles sur ces nouvelles pièces, ce qu’il a fait le 17 décembre 2014.

30

En outre, dans la même lettre du 5 décembre 2014, la requérante a demandé au Tribunal, dans l’hypothèse où celui-ci devrait estimer que les courriels rédigés en langue tchèque, dont elle contestait, dans son mémoire en réplique, l’exactitude des traductions en langue anglaise effectuées par le Parlement, étaient pertinents aux fins de statuer dans la présente affaire, d’ordonner leur traduction par un traducteur indépendant.

31

Le 18 décembre 2014, le Tribunal a clôturé la procédure orale.

En droit

1. Sur l’objet du recours

32

Des conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 69).

33

Cependant, en l’espèce, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation diffère de celle figurant dans la décision de refus d’assistance, de sorte que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation ne sont pas dépourvues de contenu autonome et qu’il conviendra donc de statuer également sur leur bien-fondé. En outre, la décision de rejet de la réclamation précise certains aspects de la motivation de la décision de refus d’assistance. Par conséquent, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, cette motivation devra également être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision de refus d’assistance, cette motivation étant censée coïncider avec ce dernier acte (voir arrêt Mocová/Commission, F‑41/11, EU:F:2012:82, point 21).

2. Sur les conclusions en annulation de la décision de refus d’assistance et de la décision de rejet de la réclamation

34

À l’appui de son recours, la requérante soulève formellement deux moyens d’annulation de la décision de refus d’assistance et de la décision de rejet de la réclamation. Le premier moyen comporte trois branches : la première est tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et de la violation corrélative de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, la deuxième, de l’abus de pouvoir et, la troisième, d’une violation du devoir de sollicitude et de l’obligation d’assistance, consacrée à l’article 24 du statut, ainsi que de la violation de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte. Le second moyen comporte deux branches : la première est tirée de la violation de l’obligation d’assistance consacrée à l’article 24 du statut et, la seconde, de la violation du principe de bonne administration, du devoir de sollicitude et de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte.

35

Cela étant, aux points 112 et 113 de sa requête, la requérante a expressément indiqué que le premier moyen soulevé visait la légalité, quant au fond, des motifs de rejet de la demande d’assistance tels qu’exposés dans la décision de refus d’assistance, tandis que le second moyen concernait le motif, tiré du caractère prétendument prématuré de la réclamation, invoqué dans la décision de rejet de la réclamation. Il convient donc de comprendre, comme la requérante l’a concédé lors de l’audience, que le premier moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, d’un abus de pouvoir et de la violation corrélative de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut ainsi que de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte tandis que le second moyen est tiré d’une violation du devoir de sollicitude et de l’obligation d’assistance consacrée à l’article 24 du statut.

Considérations liminaires quant à l’étendue de l’obligation d’assistance en présence d’allégations de harcèlement

36

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 24 du statut a été conçu en vue de protéger les fonctionnaires de l’Union européenne contre le harcèlement ou un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant non seulement de tiers, mais également de leurs supérieurs hiérarchiques ou de leurs collègues (arrêts V./Commission, 18/78, EU:C:1979:154, point 15 ; Schmit/Commission, T‑144/03, EU:T:2005:158, point 96, et Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 135).

37

En vertu de l’obligation d’assistance, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêts Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; Tallarico/Parlement, T‑5/92, EU:T:1993:37, point 31 ; Campogrande/Commission, T‑136/98, EU:T:2000:281, point 42 ; Schochaert/Conseil, T‑136/03, EU:T:2004:229, point 49, et Lo Giudice/Commission, EU:T:2007:322, point 136).

38

En présence d’allégations de harcèlement, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la plainte pour harcèlement et d’informer le plaignant de la suite réservée à sa plainte (arrêt Klug/EMEA, F‑35/07, EU:F:2008:150, point 74).

39

En ce qui concerne les mesures à prendre dans une situation qui entre dans le champ d’application de l’article 24 du statut, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous contrôle du juge de l’Union, dans le choix des mesures et moyens d’application de l’article 24 du statut. Le contrôle du juge de l’Union consiste ainsi uniquement à apprécier si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêts Haas e.a./Commission, T‑3/96, EU:T:1998:202, point 54 ; Schmit/Commission, EU:T:2005:158, point 98, et Lo Giudice/Commission, EU:T:2007:322, point 137).

40

À cet égard, il y a lieu de souligner que l’institution ne saurait prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre de fonctionnaires visés par une plainte pour harcèlement, qu’il s’agisse ou non de supérieurs hiérarchiques de la supposée victime, ou encore décider de les réaffecter que si les mesures d’instruction ordonnées établissent avec certitude l’existence, de la part des fonctionnaires concernés, d’un comportement portant atteinte au bon fonctionnement du service ou à la dignité et à la réputation d’un autre fonctionnaire (arrêts Katsoufros/Cour de justice, 55/88, EU:C:1989:409, point 16 ; Dimitriadis/Cour des comptes, T‑294/94, EU:T:1996:24, point 39, et Schmit/Commission, EU:T:2005:158, point 108).

41

En ce qui concerne la notion de « harcèlement moral », celle-ci est définie comme une « conduite abusive » qui, premièrement, se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés « de façon durable, répétitive ou systématique », ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont « volontaires », par opposition à « accidentels ». Secondement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, points 76 et 77, ainsi que la jurisprudence citée).

42

Il n’est ainsi pas nécessaire d’établir que les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits en cause ont été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, il peut y avoir harcèlement moral sans qu’il soit démontré que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader intentionnellement ses conditions de travail. Il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir arrêts Cantisani/Commission, F‑71/10, EU:F:2012:71, point 89, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 77, et la jurisprudence citée).

43

Enfin, l’agissement en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, il s’ensuit que la qualification de « harcèlement » est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (arrêt Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 65).

44

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par la requérante.

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de la violation corrélative de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte

Arguments des parties

45

Par ce moyen, la requérante fait valoir que, en refusant de reconnaître que les faits invoqués par elle, notamment lorsqu’ils sont examinés dans un contexte plus large, sont constitutifs d’un harcèlement moral émanant du chef d’unité et du directeur, l’AIPN a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation des faits survenus et, partant, a conclu, à tort, à l’absence de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, méconnaissant ainsi cette disposition, de même que l’article 31, paragraphe 1, de la Charte.

46

À l’appui de ce moyen, la requérante fait valoir toute une série d’« incidents particuliers », identifiés par elle comme constituant, tant séparément que conjointement, un harcèlement moral à son égard.

47

Ces différents « incidents particuliers », qu’il convient d’examiner comme étant le fondement d’autant de griefs invoqués dans le cadre du premier moyen, doivent, selon la requérante, être replacés et examinés dans le contexte général dans lequel le harcèlement allégué se serait manifesté. La requérante décrit en substance ce contexte en se fondant sur les faits suivants : en premier lieu, les faits liés à la préparation et la soumission de « questions à la direction » et à l’adoption du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011 ; en deuxième lieu, les faits liés à l’application des critères fixés pour sélectionner les candidats à un cours de langue durant l’été en Irlande et l’instruction que lui avait donnée le directeur concernant la présentation d’excuses ; en troisième lieu, la note du directeur, du 29 mars 2012, lui retirant certaines tâches ; et, en quatrième lieu, son état de santé général, tel que décrit dans plusieurs certificats médicaux établis entre le 15 février 2012 et le 13 décembre 2013.

48

Le Parlement conclut au rejet du premier moyen comme étant non fondé en faisant valoir que les faits décrits ne relèvent nullement de la notion de harcèlement, mais révéleraient uniquement des relations difficiles et conflictuelles entre la requérante et sa hiérarchie. Ainsi, ces faits ne permettraient pas de constater l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de l’AIPN.

Appréciation du Tribunal

49

Le Tribunal se propose, aux fins du traitement du premier moyen, d’examiner d’abord chronologiquement chacun des évènements mentionnés par la requérante au regard de l’article 12 bis du statut avant de les examiner conjointement.

– Sur l’incident lié à une demande de participation à un cours de remise à niveau en anglais à l’université de Bath (Royaume-Uni) durant l’été 2011

50

Selon la requérante, un cours de remise à niveau en langue anglaise avait été mentionné dans son rapport de notation portant sur l’année 2010 au titre des formations à cibler pour l’année 2011. Dans cette perspective, le chef d’unité lui a remis, le 7 avril 2011, une lettre de recommandation pour soutenir la demande de la requérante auprès du service compétent du Parlement. Cependant, après avoir entrepris les démarches nécessaires pour participer à cette formation, y compris l’engagement de frais de réservation liés au transport et/ou à l’hébergement, la requérante a appris, le 20 avril 2011, que les règles administratives du Parlement s’opposaient à son inscription à un tel cours. C’est dans ces conditions que la requérante reproche à son chef d’unité d’avoir omis de lui indiquer que le bénéfice de cours individuels de perfectionnement n’était jamais accordé et de l’avoir incitée à postuler à un tel cours « tout en sachant pertinemment que sa candidature serait rejetée ».

51

À cet égard, force est de constater que l’examen des demandes de participation à des formations linguistiques, organisées partiellement ou totalement sur le temps de travail, en dehors des lieux de travail et qui sont financées par l’institution, relève, au Parlement et à l’instar d’autres institutions, du service en charge de la formation professionnelle qui instruit les dossiers de demande afin de sélectionner, au regard des possibilités budgétaires, les personnes remplissant les conditions établies par l’institution au regard de l’intérêt du service.

52

Même s’il peut être raisonnablement attendu d’un chef d’unité qu’il connaisse, de manière générale, les règles applicables en la matière, il ne saurait être exigé de lui qu’il puisse déterminer ou prédire si une demande de formation de l’un de ses subordonnés remplit les conditions d’éligibilité. En particulier, en l’espèce, rien dans le dossier ne permet de considérer, comme le fait valoir la requérante, que le chef d’unité savait pertinemment, lorsqu’elle lui a remis une lettre de recommandation, que les règles applicables en la matière au Parlement ne permettaient pas de financer le type de cours envisagé par la requérante.

53

En tout état de cause, le Tribunal constate que, ainsi que cela ressort d’un courriel du 17 mai 2011 envoyé par la requérante à un agent de l’unité chargée de la formation professionnelle au sein de la DG « Interprétation et conférences », la requérante, au moment où elle avait soumis sa candidature, avait été informée du fait qu’il pourrait y avoir des difficultés quant à l’acceptation de sa demande.

54

Partant, les faits susmentionnés ne sauraient aucunement être considérés comme constitutifs de harcèlement moral.

– Sur les incidents liés à une mission à Bakou

55

Selon la requérante, c’est à tort que, dans la décision de refus d’assistance, l’AIPN a considéré que les évènements qu’elle avait décrits, en lien avec une mission à Bakou (Azerbaïdjan) ayant eu lieu les 20 et 21 juin 2011 (ci-après la « mission à Bakou »), ne constituaient que des « problèmes d’importance mineure ». En effet, selon la requérante, dans la mesure où les problèmes survenus en lien avec cette mission lui ont valu une note critique du directeur, établie le 14 septembre 2011, et des remarques négatives dans son rapport de notation 2011, l’AIPN a nécessairement commis une erreur manifeste d’appréciation en qualifiant ceux-ci de mineurs.

56

Les faits auxquels se réfère la requérante dans le cadre de ce deuxième grief sont relatifs, d’une part, au fait qu’elle n’avait pas, en sa qualité de chef d’équipe, signalé dans le rapport de chef d’équipe un problème survenu sur place en ce qui concernait la taille des cabines d’interprétation mises à la disposition de l’équipe lors de la mission à Bakou.

57

D’autre part, lorsqu’il lui avait été demandé, le 7 juin 2011, de remettre son passeport au service compétent du Parlement afin que celui-ci puisse lui obtenir un visa en temps utile en vue de cette mission, la requérante, bien que s’étant aperçue que, le week-end précédent, soit celui des 4 et 5 juin 2011, elle avait laissé son passeport au domicile de ses parents en République tchèque, s’était contentée d’informer le chef d’unité, sans autre précision, que le service du protocole pourrait ne pas être en mesure de lui obtenir un visa en temps utile. Le chef d’unité avait, par courriel du 8 juin 2011, déploré que la requérante n’ait pas déjà déclaré, quand elle avait déposé, le 7 juin 2011, une demande de congé annuel pour le 10 juin suivant, qu’elle ne serait pas en mesure de fournir son passeport pour se soumettre aux formalités tendant à l’obtention d’un visa. Par un nouveau courriel également envoyé le 8 juin 2011, la requérante avait alors répondu que le problème rencontré n’avait rien à voir avec sa demande de congé. C’est dans ce contexte qu’elle avait affirmé, toujours dans ce même courriel : « […] même si ce ne sont pas tes affaires, à titre d’information, je te signale que je ne pourrai pas présenter mon passeport ce vendredi [10 juin 2011], avec ou sans [la demande de] congé annuel. […] » Le 10 juin 2011, la requérante a finalement transmis son passeport au service du protocole. Ainsi, elle a pu participer à la mission à Bakou comme cela avait été initialement prévu. À cet égard, aux dires de la requérante, lors d’un entretien qui a eu lieu le 4 juillet 2011, le chef d’unité et elle-même auraient décidé d’un commun accord de régler l’« affaire du passeport » à l’amiable.

58

Par note du 14 septembre 2011, le directeur a reproché à la requérante d’avoir créé et entretenu la confusion quant à la possibilité qu’elle puisse participer à la mission à Bakou, notamment par l’envoi d’un courriel à ce sujet à la délégation aux commissions de coopération parlementaire Union européenne-Arménie, Union européenne-Azerbaïdjan et Union européenne-Géorgie. Le directeur lui a également reproché de ne pas avoir informé sa hiérarchie plus tôt de l’éventuelle indisponibilité de son passeport, ce qui aurait pu, le cas échéant, permettre au service des missions de remplacer la requérante. Elle aurait ainsi contraint le service du protocole à faire le nécessaire pour lui obtenir un visa en quatre jours. Cet épisode du passeport a valu à la requérante la mention « [d]oit adopter une attitude moins intransigeante envers ses supérieurs hiérarchiques (voir note du [14 septembre 2011]) » dans son rapport de notation 2011.

59

À cet égard, en l’absence d’éléments factuels additionnels soumis par la requérante, le Tribunal réitère ce qu’il a considéré au point 84 de l’arrêt CW/Parlement (F‑48/13, EU:F:2014:186), statuant sur le recours dirigé contre le rapport de notation 2011, à savoir que, indépendamment du fait qu’elle en avait informé verbalement son chef d’unité, la requérante n’a, en tout état de cause, pas consigné dans le rapport de chef d’équipe le problème de l’exiguïté des cabines d’interprétation à Bakou, alors même que ceci constituait une méconnaissance, sur le terrain, des prescriptions de l’article 7, paragraphe 1, de la décision du secrétaire général du Parlement du 3 janvier 2006, établissant les dispositions applicables aux interprètes permanents, temporaires et auxiliaires de cette institution. Partant, la circonstance que ceci lui a été reproché, y compris dans le rapport de notation 2011, relève de l’exercice, par l’AIPN, de son large pouvoir d’appréciation de la qualité des prestations de ses fonctionnaires, mais ne dénote pas une quelconque forme de harcèlement, étant en outre rappelé que des notes et des appréciations tant négatives que positives contenues dans un rapport de notation ne sauraient être, en tant que telles, considérées comme des indices de ce que ledit rapport aurait été établi dans un but de harcèlement moral (voir arrêt Faita/CESE, F‑92/11, EU:F:2013:130, point 90).

60

De la même manière, il ressort des courriels échangés par la requérante et le chef d’unité que la requérante n’a effectivement fait preuve ni de souplesse ni de clairvoyance en n’informant pas sa hiérarchie de ce qu’elle risquait de ne pas pouvoir fournir son passeport en temps utile en vue de sa participation à la mission à Bakou.

61

Les remontrances formulées à cet égard, par le directeur dans la note du 14 septembre 2011 et par l’AIPN dans le rapport de notation 2011, ne peuvent pas être raisonnablement interprétées, par un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, comme excessives et critiquables. Partant, elles ne peuvent pas être raisonnablement interprétées comme une quelconque forme de harcèlement.

– Sur l’incident relatif à la coordination des volontaires pour les missions

62

La requérante reproche à l’AIPN de ne pas avoir retenu comme une preuve du dénigrement dont elle a fait l’objet de la part de son chef d’unité le fait que cette dernière, sans prévenir la requérante, avait subitement annoncé, lors d’une réunion de l’unité du 15 juin 2011, que celle-ci ne serait plus impliquée dans l’organisation des missions, notamment dans la coordination des volontaires et l’établissement des statistiques relatives aux participations de l’unité, alors même que le chef d’unité savait que la requérante affectionnait cette tâche qui lui avait été confiée par le précédent chef d’unité. Elle souligne à cet égard que, initialement, le chef d’unité n’avait pas motivé sa décision et qu’elle avait ensuite successivement avancé des motifs différents, à savoir le fait qu’elle souhaitait, en sa qualité de chef d’unité, connaître les préférences des membres de l’unité en matière de missions, puis le fait qu’un nouveau logiciel statistique était disponible et, enfin, lors d’une réunion conjointe entre les interprètes permanents et les agents interprètes de conférence (« Joint staff – AIC meeting »), que des raisons d’ordre pratique avaient présidé à sa décision.

63

À cet égard, le Tribunal ne peut que rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces mêmes questions ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral, d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, la position adoptée par le supérieur hiérarchique s’inscrit précisément dans ses fonctions de coordination et de direction de l’unité (arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 98, et la jurisprudence citée).

64

Même si, compte tenu du climat tendu au sein de l’unité, il aurait certes été plus indiqué, afin également d’éviter de renforcer le ressenti de la requérante sur leurs difficultés relationnelles, que le chef d’unité lui annonce en tête-à-tête sa décision de ne plus l’impliquer dans l’organisation des missions et de gérer désormais directement cette question en sa qualité de chef d’unité, le Tribunal considère qu’une telle décision peut être annoncée lors d’une réunion d’unité, sans que cela puisse constituer, en soi, un acte susceptible d’être qualifié de harcèlement moral. En outre, une telle réorganisation des tâches, de surcroît décidée par un chef d’unité à l’issue de sa première année passée dans ses nouvelles fonctions, peut apparaître, aux yeux d’un observateur impartial et raisonnable, comme l’exercice légitime des prérogatives afférentes à de telles fonctions.

– Sur la réunion du 23 mai 2011 et les incidents subséquents liés à l’adoption du compte rendu de cette réunion

65

Même si, ainsi que le souligne le Parlement, ce n’est que dans la partie de sa requête relative à l’« [exposé des faits à l’origine du litige] » que la requérante expose les différends l’ayant opposée, notamment avec CQ, au chef d’unité sur la question de la rédaction du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011, le Tribunal constate que la requérante soutient, en définitive, que les faits en relation avec cette question, examinés dans la décision de refus d’assistance, constituent la preuve d’un harcèlement moral.

66

À cet égard, le Tribunal rappelle d’emblée que, bien qu’il ne soit pas exclu que le chef d’unité ait pu accidentellement adopter un ton inapproprié lors de la réunion du 23 mai 2011, des paroles ou des gestes accidentels, même s’ils peuvent apparaître inappropriés, sont exclus du champ d’application de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut (voir arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 95).

67

S’agissant des modalités générales de modification des projets de procès-verbaux de réunions, le chef d’unité a indiqué, dans un courriel du 29 juillet 2011 en réponse à un courriel de la requérante du 28 juillet 2011, envoyé également à tous les membres de l’unité et mettant en doute la compétence du chef d’unité en la matière, qu’il était d’usage que la décision arrêtant la version finale d’un procès-verbal incombe au chef d’unité et qu’elle s’efforcerait de trouver les éventuelles dispositions écrites existantes à cet égard à son retour de vacances estivales.

68

Par la suite, le chef d’unité a exposé les principes régissant l’adoption des procès-verbaux des réunions d’unité dans un courriel du 13 septembre 2011 adressé à l’unité. Cependant, par courriel du 6 octobre 2011, la requérante a réitéré sa demande tendant à ce que les commentaires approuvés par plusieurs des participants à la réunion du 23 mai 2011, dont elle-même, figurent en annexe au compte rendu de la réunion. Par courriel du 7 octobre 2011, le chef d’unité lui a indiqué qu’elle avait déjà donné les raisons de son refus d’insérer lesdits commentaires et la priait de respecter sa décision ainsi que de cesser toute correspondance sur cette question.

69

À cet égard, la requérante estime que sa convocation par le directeur, par courriel du 19 octobre 2011, à une réunion dans son bureau prévue le 24 octobre suivant, alors qu’elle était à ce moment-là en train d’assurer l’interprétation d’une session parlementaire nocturne, a constitué une manifestation supplémentaire de harcèlement puisqu’elle était déjà très éprouvée par son précédent entretien avec le directeur au sujet de la mission de Bakou. Ainsi, tout en lui confirmant, par courriel du 19 octobre 2011, sa présence à cette entrevue, la requérante a demandé au directeur de lui indiquer les motifs de celle-ci, tout en soulignant que leur précédente entrevue avait été une expérience traumatisante pour elle. Le lendemain, le directeur lui a indiqué qu’il souhaitait s’entretenir avec elle au sujet de ses relations avec le chef d’unité et avec ses collègues de l’unité.

70

Lors de la réunion du 24 octobre 2011, tenue en présence du chef d’unité et ayant fait l’objet d’une note versée au dossier personnel de la requérante, le directeur lui a demandé de se conformer aux décisions du chef d’unité, de ne pas alimenter des discussions internes au sein de l’unité par courriel, mais de privilégier le dialogue bilatéral avec son chef d’unité, ainsi que de cesser de revenir sur la question de la rédaction du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011.

71

À cet égard, le Tribunal ne peut que rappeler à nouveau que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces mêmes questions ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral (arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 98, et la jurisprudence citée). Or, en l’espèce, le Tribunal considère que la position adoptée par le chef d’unité sur la question de la version finale du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011 s’inscrivait précisément dans ses fonctions de coordination et de direction de l’unité.

72

Quant à la réunion du 24 octobre 2011, celle-ci peut aisément apparaître, du point de vue d’un observateur impartial et raisonnable, comme une ultime tentative de la hiérarchie en vue de mettre fin à l’escalade de courriels de la requérante, envoyés pour l’essentiel durant les horaires normalement consacrés au travail d’interprétation et de préparation aux sessions d’interprétation, ainsi qu’aux diverses controverses sur la question de la rédaction du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011.

73

Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle le directeur lui aurait indiqué qu’un chef d’unité a toujours raison et doit être écouté, le Tribunal relève que la requérante ne fournit aucun élément de preuve permettant d’appréhender la réalité, le ton ou encore la teneur de cette déclaration et que, en tout état de cause, il est inhérent au fonctionnement d’une administration que la hiérarchie puisse décider de questions telles que celles relatives à l’adoption de procès-verbaux ou aux modalités de communication devant être privilégiées entre les membres d’une unité administrative (voir, en ce sens, arrêt CW/Parlement, EU:F:2014:186, point 123), en particulier en présence de situations de débordements évidents versant dans le conflit de personnes.

74

Eu égard à ce qui précède, le Tribunal considère que les évènements qui ont entouré l’adoption du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011 ne répondent pas à la définition du harcèlement moral, mais reflètent, en réalité, une situation conflictuelle interne à un service administratif, à laquelle la requérante a apporté sa contribution et à laquelle sa hiérarchie a tenté de remédier en ménageant tant les exigences du service que les susceptibilités de la requérante.

– Sur l’incident lié au groupe de travail sur la formation professionnelle

75

À la suite de sa désignation, à sa demande, en vue de représenter la cabine tchèque dans un groupe de travail sur la formation (« Training Working Party »), la requérante a été priée par son chef d’unité, le 30 août 2011, de lui faire parvenir après chaque réunion les informations relatives aux conclusions du groupe de travail. Selon la requérante, cela s’est traduit en pratique par un contrôle préalable par le chef d’unité du récapitulatif des conclusions des réunions du groupe de travail avant que celui-ci ne puisse être communiqué par la requérante aux autres collègues de l’unité.

76

La requérante soutient à cet égard que, dans la mesure où tant la collègue qui l’a précédée dans ces fonctions, en l’occurrence CQ, que celle qui lui a succédé dans les mêmes fonctions n’ont pas été dans l’obligation d’obtenir l’accord préalable du chef d’unité avant de communiquer les informations recueillies lors des réunions du groupe de travail ainsi que les conclusions dudit groupe au reste de l’unité, le chef d’unité aurait abusé de son pouvoir hiérarchique. Ceci constituerait ainsi une manifestation supplémentaire du harcèlement moral déployé à son égard.

77

À cet égard, le Tribunal constate que, d’une manière générale, la décision du chef d’unité de prendre connaissance du contenu des informations recueillies lors des réunions du groupe de travail sur la formation par le représentant de la cabine tchèque avant qu’elles ne soient diffusées à l’ensemble de l’unité relève de ses prérogatives en tant que chef d’unité et, en l’espèce, était tout à fait compréhensible compte tenu du risque, qui s’était réalisé par le passé, que la diffusion d’informations erronées puisse gêner le bon fonctionnement de l’unité (voir arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, points 102 à 104), risque d’autant plus grand dans le cas d’une personne nouvellement nommée et novice dans cette tâche, telle que la requérante.

78

La circonstance que le successeur de la requérante dans le groupe de travail sur la formation n’ait pas, pour sa part, été soumis à un contrôle préalable du contenu des informations que cette personne était autorisée à relayer directement à l’unité à l’issue des réunions du groupe de travail n’est pas pertinente, étant donné que, ainsi que l’a fait valoir le Parlement, ce groupe de travail adopte désormais le procès-verbal de ses réunions, ce qui constitue en soi une source d’informations fiables et univoques, indépendamment de l’éventuel rendu qui en serait fait par le représentant de l’unité au sein de ce groupe de travail.

79

Il en résulte que, en exigeant de pouvoir contrôler préalablement les informations que la requérante entendait distribuer aux membres de l’unité en lien avec les discussions dans le cadre du groupe de travail sur la formation, le chef d’unité est restée dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien. En tout état de cause, pareille décision, même si elle a pu déplaire à la requérante, ne relève nullement d’un harcèlement moral.

– Sur les faits liés au séminaire de formation du 24 novembre 2011

80

Appelée à participer à un séminaire de formation en qualité de chef d’équipe, la requérante a demandé à son chef d’unité en quoi consisteraient exactement son rôle et ses responsabilités lors de ce séminaire. Par courriel en réponse du 23 novembre 2011, le chef d’unité l’a invitée à consulter la section correspondante du site intranet dénommé EPIweb. Après en avoir pris connaissance, la requérante a demandé à nouveau au chef d’unité quelles seraient ses tâches en tant que chef d’équipe lors du séminaire, car les instructions figurant sur le site intranet EPIweb ne fournissaient aucune indication à ce sujet. Il ressort des courriels subséquents échangés entre la requérante et le chef d’unité que, en substance, il n’y avait aucune instruction particulière à ce sujet sur le site intranet EPIweb et que le chef d’unité s’est félicitée du fait que la requérante avait pris connaissance des règles relatives aux fonctions de chef d’équipe, tandis que la requérante a reproché au chef d’unité de ne pas lui avoir dit dès le départ qu’il n’y avait aucune règle en la matière, l’incitant de la sorte à consulter inutilement le site intranet EPIweb.

81

À cet égard, le Tribunal ne décèle pas dans la teneur des courriels susmentionnés du chef d’unité, produits en annexe à la requête, en quoi ceux-ci pourraient constituer un acte ou un comportement pouvant répondre à la définition statutaire du harcèlement moral. En effet, outre le fait que le ton adopté par le chef d’unité était approprié, le Tribunal considère que, en tout état de cause, le chef d’unité pouvait légitimement inviter la requérante à consulter la section du site intranet EPIweb relative aux chefs d’équipe, notamment compte tenu de la méconnaissance des règles applicables dont elle avait auparavant fait preuve et qui avait fait l’objet de remarques dans son rapport de notation 2011. En revanche, il n’est pas exclu qu’un observateur impartial et raisonnable puisse voir dans les réponses de la requérante aux courriels du chef d’unité une certaine propension de la requérante à chercher le conflit avec son supérieur hiérarchique.

– Sur les faits liés à la demande de participation à l’université d’été de 2012

82

Le 16 septembre 2011, le chef d’unité a communiqué au personnel de l’unité les critères définis par la hiérarchie pour la sélection des candidats pour un cours d’anglais, en tant que langue passive (« langue C »), organisé en Irlande durant l’été 2012. Il en ressort que le cours était organisé pour les « nouveaux collègues ou des collègues qui [avaient] récemment ajouté l’[anglais en tant que langue passive] » à leur combinaison linguistique.

83

Le 22 septembre 2011, la requérante a fait savoir à son chef d’unité qu’elle était intéressée par ce cours d’anglais. Dans sa réponse du même jour, le chef d’unité, en renvoyant aux critères déjà communiqués, a rappelé que le cours était destiné aux « nouveaux collègues ou [à] des collègues qui [venaient d’]ajout[er] l’[anglais en tant que langue passive] » à leur combinaison linguistique, alors que la requérante possédait l’anglais comme langue active (« langue B ») et qu’elle n’était plus à considérer comme une nouvelle collègue.

84

À la suite de la diffusion par le chef d’unité du procès-verbal d’une réunion tenue le 21 novembre 2011, la requérante a appris que deux de ses collègues ayant, comme elle, l’anglais comme langue active avaient été retenues pour l’université d’été. Par courriel du 14 décembre 2011, la requérante a demandé des explications au chef d’unité, notamment quant au point de savoir si les règles concernant la participation aux universités d’été avaient changé. Par courriel du 15 décembre 2011, le chef d’unité a confirmé à la requérante que toutes les personnes admises aux universités d’été remplissaient les critères adoptés par le directeur général de la DG « Interprétation et conférences » (ci-après le « directeur général »), lesquels demeuraient inchangés, et que la liste des participants pour l’été 2012 avait été approuvée par le directeur général. Dans un courriel en réponse du même jour, la requérante a notamment expliqué que sa décision de se reporter sur une université d’été en français en tant que langue passive tenait au fait que le chef d’unité avait refusé de l’inscrire pour l’université d’été en anglais. Par ailleurs, elle réitérait sa demande d’obtenir du chef d’unité des explications sur la sélection des personnes participant aux universités d’été. Par courriel du 16 décembre 2011, le chef d’unité a notamment souligné que, s’agissant de sa demande de participation à l’université d’été de langue anglaise et tout en regrettant que la requérante ait mal interprété ses propos, cette dernière ne remplissait ni le critère lié à une entrée en fonctions récente ni celui lié à un ajout récent de la langue en cause. Indiquant qu’il n’avait rien à ajouter, le chef d’unité l’a invitée à s’adresser au directeur si elle n’était pas satisfaite de la situation. Dans sa réponse du même jour, la requérante a fait savoir au chef d’unité que, « [c]ontrairement à [elle], [elle] n[’allait] pas s’adresser [au directeur] uniquement parce qu[’elle] n[’était] pas d’accord avec ce qu[’elle fai[sait] et la manière dont elle le fai[sait] » et que, « [u]ne fois de plus, [elle] souhaiterai[t] [lui] demander d’expliquer [son] affirmation selon laquelle les [deux autres] collègues […] rempliss[aient] les critères établis par le directeur général alors que leur situation [était] identique à la [sienne] ». En l’absence de réponse du chef d’unité, la requérante a de nouveau demandé des explications sur les critères appliqués par un courriel du 11 janvier 2012.

85

Lors d’une réunion de l’unité du 13 janvier 2012, à laquelle participaient la majorité des membres de l’unité, y compris la requérante, le chef d’unité a déclaré qu’un membre de l’unité mettait en doute le fait qu’elle ait correctement appliqué les critères de sélection pour les universités d’été. Le chef d’unité a ainsi dû justifier pourquoi elle avait considéré que les deux collègues de l’unité retenues pour la langue anglaise, entrées en fonctions en 2009, remplissaient le critère lié à une entrée en fonctions récente. La requérante est intervenue dans ce contexte en relevant que la question de savoir si une entrée en fonctions en 2009 devait être considérée comme « récente » pouvait être débattue. Toutefois, elle a indiqué qu’elle pouvait accepter le point de vue du chef d’unité sur cette question, mais en faisant part de ses interrogations sur l’interprétation d’autres critères.

86

Par courriel du 17 janvier 2012 adressé à tous les membres de l’unité, le chef d’unité a souhaité apporter des clarifications sur plusieurs sujets à la suite de la réunion de l’unité du 13 janvier précédent. Dans ce contexte, elle a notamment souligné que, contrairement à ce qu’avait sous-entendu la requérante, à savoir qu’elle aurait méconnu les critères applicables pour participer aux universités d’été, elle avait fait une application tout à fait correcte desdits critères en retenant la candidature des deux collègues de l’unité arrivées en 2009. Le chef d’unité soulignait que, en tout état de cause, en application desdits critères, la requérante ne pouvait pas participer à une université d’été de langue anglaise. La requérante a répondu à ce courriel du chef d’unité par courriel, également adressé à tous les membres de l’unité, du 18 janvier 2012.

87

Par courriel adressé à la requérante et en copie au directeur, le chef d’unité a, le 19 janvier 2012, contesté la lecture des évènements faite par la requérante et lui a notamment rappelé l’obligation statutaire qui lui incombe de respecter les décisions adoptées par sa hiérarchie, d’autant plus au regard de sa position de fonctionnaire sénior. Par courriel du 20 janvier 2012 adressé au chef d’unité et en copie au directeur, la requérante a reconnu qu’elle « a[vait] commis une erreur », puisqu’elle « a[vait] réellement cru que, en ce qui concern[ait] les candidatures pour les universités d’été en Irlande, [elle] étai[t] dans la même situation que les deux autres collègues ayant l’anglais comme [langue active] ». La requérante indiquait au chef d’unité qu’elle « souhait[ait] [s]’en excuser ».

88

Par note du 1er février 2012, mentionnée au point 12 du présent arrêt et qui a été remise en main propre à la requérante, le directeur lui a fait part de son insatisfaction quant à son comportement. En particulier, il a souligné qu’elle ne s’était pas conformée à ses instructions, formalisées et rappelées dans un courriel du 24 octobre précédent, à savoir, notamment, d’en référer à lui en cas de divergences d’opinion avec son chef d’unité et d’éviter d’envoyer des courriels à toute l’unité. Visant les articles 12, 12 bis et 21 du statut, le directeur a considéré dans cette note que le comportement de la requérante constituait une preuve sérieuse de son manque de loyauté vis-à-vis de sa hiérarchie. À cet égard, il lui a donné l’instruction formelle d’envoyer un courriel à l’unité afin de présenter ses excuses au chef d’unité, premièrement, pour avoir envoyé son courriel du 18 janvier 2012, deuxièmement, pour avoir, à tort, affirmé que le chef d’unité n’avait pas correctement appliqué les critères de sélection pour la participation aux universités d’été et, troisièmement, pour avoir affirmé que le chef d’unité n’avait pas répondu à ses courriels. Le directeur lui a également rappelé qu’il allait sans dire que la requérante devait s’abstenir, d’une part, d’impliquer à nouveau ses collègues dans ses différends avec le chef d’unité et, d’autre part, de recourir aux envois de courriels à l’ensemble de l’unité.

89

Par courriel en réponse du 4 février 2012, la requérante a, sur quatre pages, présenté ses observations sur la note du 1er février précédent. Elle y reprochait au chef d’unité de ne pas avoir su éviter cette escalade de courriels, notamment en communicant de manière ambiguë et elliptique, ce qui l’avait incitée à demander davantage d’explications, même si cela pouvait être perçu comme un signe d’entêtement de sa part. La requérante débutait ses observations en « répét[ant] encore une fois à quel point [elle] [était] désolée de toute la situation […] qui a[vait] pris une proportion démesurée », en soulignant qu’« [elle] n’a[vait] pas accusé le [chef d’unité] d’un manquement ou de ne pas avoir appliqué correctement les critères pour l’université d’été [de langue anglaise] ([langue] C) ». Dans une note de six pages datée du 10 février 2012, le directeur a répondu aux observations de la requérante, notamment sur celles qui concernaient l’exactitude des traductions vers l’anglais des courriels en langue tchèque qui avaient été échangés entre elle et le chef d’unité. Un échange de courriels a ensuite eu lieu entre la requérante et le directeur au sujet notamment de la demande de la requérante de pouvoir fournir sa propre traduction en langue anglaise desdits courriels, demande à laquelle le directeur a finalement accédé. Cela étant, par courriel du 15 février 2012, le directeur a indiqué à la requérante que ses explications ne le convainquaient pas et a déploré que cette volumineuse correspondance électronique ait coûté beaucoup de temps de travail tant à la requérante et à son chef d’unité que, désormais, à lui en sa qualité de directeur. Il réitérait par conséquent les instructions figurant dans sa note du 1er février 2012.

90

De retour d’un congé de maladie, la requérante a répondu au directeur par courriel du 16 février 2012. Elle est revenue sur la question de l’exactitude des traductions des courriels en langue tchèque échangés avec le chef d’unité et a contesté l’instruction du directeur de présenter ses excuses. Par courriel du lendemain, le directeur a réitéré ses instructions tendant à ce que la requérante présente ses excuses par courriel adressé à tous les membres de l’unité, au chef d’unité et à lui-même et a indiqué que, en cas de refus d’obtempérer, il engagerait sans délai une procédure disciplinaire. Le 20 février suivant, le médecin traitant de la requérante lui a prescrit un arrêt de travail pour maladie jusqu’au 2 mars 2012. Le 29 février 2012, le directeur a envoyé un courriel à la requérante par lequel il réitérait, de manière comminatoire, ses instructions et soulignait que, bien qu’en congé de maladie à ces dates, elle avait été aperçue dans l’enceinte du Parlement les 20 et 22 février 2012, de sorte qu’elle était en mesure de se conformer à ses instructions relatives à l’envoi d’un courriel d’excuses se limitant à trois lignes. Le directeur indiquait que, s’il ne recevait pas le courriel demandé le jour même, il engagerait une procédure disciplinaire.

91

Le Tribunal constate d’emblée que, notamment dans son courriel du 20 janvier 2012, la requérante a reconnu qu’elle n’avait pas compris qu’elle n’était pas dans la même situation que les deux collègues qui avaient été sélectionnées pour participer à l’université d’été se déroulant en Irlande et a, en substance, présenté ses excuses à cet égard. Ensuite, il ressort du dossier que la requérante a indûment remis en cause publiquement l’autorité et la crédibilité de son supérieur hiérarchique direct, à savoir le chef d’unité, lors de la réunion de l’unité du 13 janvier 2012 et qu’elle a, dans son courriel au chef d’unité du 18 janvier 2012, adressé en copie à l’ensemble des membres de l’unité, fait de nouvelles remontrances au chef d’unité. Compte tenu de ces circonstances, lors desquelles la requérante a clairement méconnu l’instruction du directeur de cesser de communiquer par courriels adressés à de multiples destinataires et de s’adresser à lui en cas de différends avec son chef d’unité, le Tribunal considère que, dans son principe, l’ordre du directeur tendant à ce que la requérante adresse ses excuses à ce même public ne dépassait pas les limites de son pouvoir d’appréciation dans la gestion de ses services. En particulier, compte tenu de cette mise en cause sans fondement du chef d’unité dans le cercle de l’unité et vis-à-vis de son supérieur hiérarchique, à savoir le directeur, ce dernier a pu exiger, de manière analogue, que les excuses que la requérante avaient déjà communiquées au chef d’unité soient également adressées aux membres de l’unité (voir, en ce sens, arrêt Nanopoulos/Commission, F‑30/08, EU:F:2010:43, point 247).

92

S’agissant du fait que le directeur a réitéré son instruction sur l’envoi d’un courriel d’excuses à toute l’unité durant la période pendant laquelle la requérante était en congé de maladie et qu’il l’a menacée, dans ce contexte, d’engager une procédure disciplinaire si elle ne s’exécutait pas immédiatement, le Tribunal constate que le courriel litigieux, daté du 29 février 2012 à 8 h 03, a été envoyé à l’adresse électronique professionnelle de la requérante, que cette dernière pouvait consulter à partir de son domicile ; que la requérante s’est rendue sur son lieu de travail pendant ledit congé de maladie ; que la démarche du directeur s’inscrivait clairement dans l’idée que la requérante accéderait à ce courriel depuis son poste de travail ou depuis son domicile si elle estimait utile de consulter sa messagerie électronique, afin, indépendamment du fait qu’elle était en congé de maladie, de lui donner l’occasion d’adresser un bref courriel d’excuses en lien avec les incidents liés à la sélection pour les universités d’été et de clore cet incident au sein de l’unité. En tout état de cause, malgré l’absence de réponse de la requérante, le directeur n’a pas mis en œuvre sa menace d’engager une procédure disciplinaire qui, par conséquent, apparaît plutôt comme une énième tentative de mettre fin aux abondants courriels d’explications de la requérante nuisant au bon fonctionnement de l’unité.

93

Compte tenu également du fait que le directeur, dans son courriel du 17 février 2012, tout en faisant une suggestion textuelle pour le courriel d’excuses, laissait à la requérante le soin de formuler ses excuses, le Tribunal considère que, au regard de l’entêtement de la requérante et de sa propension à remettre en cause les décisions de son chef d’unité, un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, ne considérerait pas comme excessive et critiquable la démarche du directeur et y verrait non pas un acte relevant de la notion de harcèlement moral, mais davantage une tentative de recadrer un membre du personnel dont le comportement était de nature à compromettre le bon fonctionnement du service. Au demeurant, la remise en cause, par la requérante, du bien-fondé de la participation aux universités d’été de ses deux collègues, nouvellement entrées en fonctions dans une unité de taille réduite, ne témoigne pas d’un grand esprit d’équipe.

94

Enfin, même si le ton de certains courriels peut paraître assez ferme, les réactions éventuellement exaspérées de ses supérieurs doivent, en tout état de cause, être considérées comme excusables eu égard au comportement de la requérante (voir arrêt Fonzi/Commission, 27/64 et 30/64, EU:C:1965:73, p. 640).

– Sur les faits liés à l’adoption du procès-verbal de la réunion du 13 janvier 2012

95

À la suite de la réunion de l’unité du 13 janvier 2012, relatée au point 85 du présent arrêt, un projet de procès-verbal de cette réunion a, le 13 février 2012, été transmis aux membres de l’unité. Par courriel du 20 février suivant, la requérante lui a demandé si un délai était fixé pour présenter des observations. Par courriel du même jour, le chef d’unité lui a fait remarquer qu’elle avait, déjà depuis une semaine, eu l’opportunité de faire ses commentaires, tout en lui octroyant un délai allant jusqu’au 24 février suivant pour lui soumettre ses éventuelles observations.

96

La requérante déplore le fait que le chef d’unité ne se soit pas contentée de lui fixer un délai pour déposer ses observations sur le projet de procès-verbal de la réunion en cause, mais qu’elle ait au contraire saisi l’occasion de la « sermonner », alors même que, selon les principes gouvernant l’adoption des procès-verbaux des réunions de l’unité, communiqués par le chef d’unité, ceux-ci sont approuvés lors de la réunion suivante lorsque aucune objection n’a été soulevée.

97

À cet égard, le Tribunal ne décèle rien dans le courriel susmentionné du chef d’unité pouvant répondre à la définition statutaire du harcèlement moral. Tout au plus, si le chef d’unité a pu utiliser une formule perçue par la requérante comme étant sarcastique, le Tribunal considère que, ce faisant, elle n’a pas dépassé les limites de la critique déraisonnable, compte tenu, en particulier, de la pugnacité et de la propension à la contestation dont avait fait preuve la requérante au sujet de l’adoption d’un autre compte rendu, à savoir celui de la réunion du 23 mai 2011.

– Sur les faits liés au retrait de tâches accessoires aux fonctions d’interprète

98

Par note du 29 mars 2012, évoquée au point 14 du présent arrêt, le directeur a informé la requérante que, compte tenu de son état de santé récent, il serait mieux qu’elle se concentre désormais sur ses tâches d’interprétation à Bruxelles et à Strasbourg (France), c’est-à-dire le travail en cabine, la préparation des réunions et la poursuite des cours de langue. En revanche, s’agissant des autres tâches, telles que, notamment, celles impliquant des missions en dehors des trois lieux de travail du Parlement et la participation à un cours de formation pour les formateurs (« Training the Trainers »), le directeur a décidé qu’elle devait, pour l’instant, les suspendre.

99

Par courriel du 13 avril 2012, la requérante a manifesté sa surprise et a invité le directeur à reconsidérer sa position au regard notamment de l’avis de son médecin traitant indiquant qu’elle avait pleinement recouvré ses capacités et pouvait ainsi s’acquitter de ses tâches professionnelles à partir du 29 mars 2012. Par courriel du 20 avril suivant, le directeur a lui répondu qu’il avait pris sa décision dans l’intérêt de la requérante, et ce après consultation du service médical du Parlement et en accord avec celui-ci. Il indiquait à cet égard que la situation serait réexaminée à l’issue d’une période de six mois.

100

La requérante ayant demandé des explications à ce sujet au service médical du Parlement, celui-ci lui a en substance fait savoir qu’il ne communiquait pas à la hiérarchie d’informations ou de conseils en lien avec l’état de santé des fonctionnaires. Par courriel du 23 octobre 2012, la requérante a de nouveau demandé au directeur de réexaminer sa décision concernant ses tâches accessoires à ses fonctions d’interprète. Il ressort du dossier que, en substance, à l’issue d’un entretien avec la requérante le 27 novembre 2012, le directeur a conditionné la reprise par la requérante de ses tâches accessoires à la présentation de ses excuses au chef d’unité, par courriel envoyé à toute l’unité, tel qu’exigé dans la note du 1er février précédent. Par courriel du 25 janvier 2013, la requérante a informé le directeur qu’elle était dans l’incapacité d’obéir à son instruction pour les mêmes raisons qu’elle avait, déjà et de nombreuses fois, exposées tant à lui qu’au chef d’unité. Par courriel en réponse du 31 janvier 2013, le directeur a expliqué à la requérante qu’il suffisait qu’elle présente ses excuses pour mettre un terme à la situation décrite par elle comme étant humiliante et intenable. Par ailleurs, il reprochait à la requérante d’avoir demandé à la délégation des interprètes fonctionnaires (DELINT – Staff Interpreters’ Delegation) d’« exprimer [son] inquiétude quant aux critères utilisés par [le chef d’unité] pour sélectionner les candidats aux universités d’été » lors d’une réunion de cette délégation tenue en mars 2012. À l’issue d’une réunion tenue le 10 juin 2013, le directeur a décidé de rétablir la requérante dans ses activités accessoires, à condition toutefois qu’elle respecte les règles applicables, étant entendu que voyager dans le cadre de missions autorisées par le Parlement impliquait une confiance mutuelle et donc un respect des règles en vigueur dans cette institution. Cette décision a été formalisée, à la demande de la requérante, dans une note du directeur du 11 juin 2013, laquelle mentionne que la requérante « est autorisée, comme tous les autres collègues de la direction, à suivre des activités de formation professionnelle dans l’intérêt du service ».

101

La requérante se plaint du fait que, sous le motif fallacieux de son état de santé, ses activités accessoires lui ont été retirées à titre de mesures de rétorsion et d’intimidation. Le retrait de ses activités accessoires constituerait ainsi un abus d’autorité et de pouvoir constitutif d’un comportement de harcèlement.

102

À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires ou agents en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait leur être reconnu pour autant le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques (arrêts Campoli/Commission, T‑100/00, EU:T:2001:75, point 71, et DH/Parlement, F‑4/14, EU:F:2014:241, point 68). Partant, l’autorité compétente de l’institution peut décider de retirer certaines tâches à ses fonctionnaires.

103

S’agissant des tâches qui ont été retirées à la requérante, celles-ci étaient accessoires à ses fonctions principales, à savoir l’interprétation. Elles étaient également limitées puisqu’il s’agissait essentiellement de la participation à des missions en dehors des trois lieux de travail du Parlement – dont l’opportunité ne se présente pas souvent pour des interprètes de langue tchèque –, de la participation au groupe de travail sur la formation ainsi que de la participation à un cours de formation pour les formateurs.

104

Le Tribunal relève que, même si la requérante affectionnait ces activités accessoires, qui peuvent présenter un caractère distractif, il n’en demeure pas moins que les tâches dont elle n’a pas été déchargée étaient les tâches constitutives de l’emploi d’interprète. Ensuite, le retrait des tâches accessoires n’a été décidé qu’à titre temporaire. Quant au fait que le directeur a subordonné la reprise, par la requérante, de ces activités accessoires à son engagement d’adopter un comportement davantage conforme à l’intérêt du service, impliquant qu’elle présente les excuses demandées, le Tribunal considère que, au regard des difficultés relationnelles en partie provoquées par la requérante, cette décision ne dépassait pas les limites du pouvoir d’appréciation du directeur.

105

Il en résulte que la décision du directeur de retirer temporairement à la requérante certaines de ses tâches professionnelles accessoires, lesquelles consistaient essentiellement en des activités de mission et de formation, ne saurait constituer, en tant que telle, une preuve de harcèlement moral (voir arrêt K/Parlement, F‑15/07, EU:F:2008:158, point 38) et ne saurait aucunement être qualifiée d’abus de pouvoir. La circonstance que le directeur a souhaité, à cet égard, renforcer la légitimité de sa décision en communiquant avec le service médical du Parlement sur cette question est sans pertinence.

– Sur les faits liés à la mise à jour d’un glossaire

106

En ce qui concerne la circonstance que le chef d’unité a considéré que la requérante s’était acquittée avec retard de la tâche modeste qui lui avait été confiée, le 31 août 2011, de mise à jour du glossaire concernant l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur le revenu, le Tribunal réitère que, contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi qu’il l’a déjà constaté aux points 114 à 117 de l’arrêt CW/Parlement (EU:F:2014:186), les remarques du chef d’unité à ce sujet n’étaient empruntes d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Par ailleurs, le Tribunal ne perçoit pas en quoi la mention, par un supérieur hiérarchique, de la faiblesse des prestations d’un fonctionnaire constituerait un comportement constitutif de harcèlement moral, en particulier lorsque la faiblesse en cause est manifeste.

– Sur les faits liés au déplacement de la requérante en République tchèque pendant un congé de maladie

107

La requérante a quitté Bruxelles pour rendre visite à sa famille à Prague (République tchèque) du 2 au 5 mars 2012, alors qu’elle était en congé de maladie. Le directeur général a, le 4 juin 2012, interrogé la requérante sur la question de savoir si elle avait voyagé de Bruxelles à Prague le vendredi 2 mars 2012 et fait le voyage de retour le lundi 5 mars suivant. La requérante ayant confirmé cette information, le directeur général lui a demandé si elle avait obtenu une autorisation préalable pour ce voyage. Le 6 juin 2012, la requérante a déclaré ce qui suit : « La réponse à votre question est non, je n’ai pas obtenu au préalable l’autorisation prévue à l’[article] 60 du statut, car je ne pensais pas être tenue de la demander. » Par la suite, dans un courriel du 7 juin 2012, le directeur général a notamment fait savoir à la requérante qu’elle n’avait pas respecté les règles du statut en matière de séjour hors du lieu d’affectation pendant un congé de maladie, alors même que celles-ci sont prévues notamment pour protéger le fonctionnaire en ce qui concerne la couverture d’assurance, et que, si elle avait formulé une demande d’autorisation préalable, la requérante aurait même pu être autorisée à séjourner plus longtemps auprès de ses proches.

108

À cet égard, la requérante fait valoir que, dans la mesure où l’administration avait connaissance, en détail, des vols qu’elle avait pris pour se rendre à Prague et retourner ensuite à Bruxelles, il serait clair qu’elle faisait à cette époque l’objet d’une surveillance étroite par son administration, ce qui aurait contribué à aggraver le stress, la pression et les intimidations auxquels elle fait face.

109

Le Tribunal constate que, sous couvert d’allégations de harcèlement, la requérante tente, par son argumentation, de minimiser la portée de sa méconnaissance patente du libellé même de l’article 60 du statut.

110

Quant au fait que l’administration a été informée par l’un des collègues de la requérante de ce qu’elle avait pris place dans les vols des 2 et 5 mars 2012, la requérante ne démontre nullement que ce collègue aurait reçu l’instruction de la suivre dans ses déplacements lors de son congé de maladie. D’ailleurs, il convient d’observer qu’il n’est pas à exclure que certains de ses collègues empruntent les mêmes liaisons aériennes pour rentrer dans leur pays d’origine, surtout lors des week-ends.

– Sur les faits liés au règlement des dépenses engagées en lien avec une mission

111

La requérante se réfère à la circonstance que, alors qu’elle était en train de déménager dans un autre bureau, le chef d’unité ne lui a pas fait savoir que son formulaire de demande de remboursement des dépenses qu’elle avait engagées dans le cadre d’une mission pouvait être déposé dans son ancien bureau. Par ailleurs, lorsque la requérante lui a demandé quel était le numéro de son nouveau bureau, le chef d’unité lui aurait répondu par un courriel du 2 mai 2012 que cette information était disponible sur le site intranet du Parlement, mais que, pour lui faciliter la tâche, elle lui indiquait qu’elle pouvait trouver ce numéro dans la signature électronique du courriel.

112

À cet égard, force est de constater que le comportement du chef d’unité lors de cet épisode n’est, en aucune manière, tant sur la forme que sur le fond, assimilable à un harcèlement moral. La circonstance que la requérante le perçoive comme tel relève manifestement d’une perception subjective.

– Sur les faits liés au passage de l’examen de langue polonaise

113

Ayant pu prendre connaissance des déclarations écrites faites par quatre de ses collègues, dont celle de M. G., lesquelles avaient été produites par le Parlement pour les besoins de sa défense dans le cadre de l’instance clôturée par l’arrêt CW/Parlement (EU:F:2014:186), la requérante a, le 15 novembre 2013, notamment demandé à ce que M. G. ne siège pas dans le jury chargé d’examiner ses aptitudes en langue polonaise, langue qu’elle souhaitait ajouter dans ses compétences en interprétation. En effet, selon la requérante, compte tenu de son témoignage particulièrement négatif à son égard, M. G. ne présentait pas le degré de neutralité nécessaire.

114

À cet égard, force est de constater que la circonstance que M. G. a fait des déclarations dépeignant les comportements de la requérante de manière négative ne saurait, en soi, priver M. G. de la possibilité d’apprécier objectivement les compétences linguistiques de celle-ci. En effet, si le raisonnement de cette dernière devait être suivi, il aurait pour conséquence que, sur la base des seules déclarations et perceptions subjectives relatives à son environnement professionnel, près de la moitié de l’unité ainsi que le chef de cette unité et le directeur devraient être privés de la possibilité d’apprécier les aptitudes et comportements de la requérante dans ses activités professionnelles.

115

Au demeurant, le Tribunal relève que la requérante a passé avec succès l’épreuve de langue polonaise, ce qui prive de toute plausibilité et de crédibilité son argumentation à cet égard.

116

Eu égard aux constatations qui précèdent, le Tribunal estime que, pris isolément, les faits et séries de faits susmentionnés en lien avec les incidents invoqués par la requérante ne peuvent pas être considérés comme des manifestations de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut.

– Sur l’examen global des évènements litigieux

117

Pris dans leur globalité, le Tribunal considère que les évènements mis en avant par la requérante et qui viennent d’être examinés isolément (ci-après les « évènements litigieux ») révèlent certes une relation conflictuelle dans un contexte administratif difficile, mais ne témoignent pas d’actes présentant un caractère abusif ou volontaire, les propos et les comportements documentés démontrant tout au plus une gestion maladroite de la situation conflictuelle par la hiérarchie, et non pas une volonté délibérée d’agir de manière abusive à l’égard de la requérante (voir, dans le même sens, arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 128).

118

En particulier, au regard du comportement de la requérante, empreint d’entêtement, d’intransigeance et, parfois, proche de l’insubordination, celle-ci ne peut prétendre ne pas comprendre les raisons des décisions adoptées par ses supérieurs hiérarchiques. À cet égard, le Tribunal souligne que la portée des notions de harcèlement moral et de l’obligation d’assistance, visées aux articles 12 bis et 24 du statut, ne saurait aller jusqu’à permettre à la victime supposée de remettre en cause systématiquement toute autorité hiérarchique voire de s’estimer affranchie d’obligations prévues explicitement par le statut, telles que celles relatives au régime des congés ou à l’obligation de coopération loyale avec ses supérieurs.

119

À cet égard, le Tribunal rappelle en effet que la critique d’un supérieur hiérarchique sur l’accomplissement d’un travail ou d’une tâche par un subordonné n’est pas en soi un comportement inapproprié, car, si tel devait être le cas, la gestion d’un service en serait rendue pratiquement impossible (arrêts Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 97, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 87). De même, il a été jugé que des observations négatives adressées à un agent ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité lorsqu’elles sont formulées, comme en l’espèce, en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir arrêts Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, point 110, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 87).

120

S’il est indéniable que les faits relatifs, respectivement, aux « questions à la direction » et à la réunion du 23 mai 2011 ont contribué à détériorer les relations de travail dans l’unité, d’une part, le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir, en ce sens, arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, points 86, 87 et 98, ainsi que la jurisprudence citée), même lorsque ces difficultés donnent lieu à une série de rappels à l’ordre de la part des supérieurs hiérarchiques. D’autre part, par ses envois répétés de courriels, la requérante n’a guère cherché ni non plus contribué à un apaisement du climat professionnel au sein de l’unité.

121

Par ailleurs, en ce qui concerne la polémique née de l’application des critères de sélection pour les cours de langue anglaise dans le cadre d’universités d’été prévues en 2012, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le directeur a décidé d’exiger de la requérante qu’elle présente, au moyen d’un courriel ayant pour destinataires les mêmes personnes que celles auxquelles elle avait pris pour habitude d’adresser ses abondantes correspondances concernant le chef d’unité, en l’occurrence tous les membres de l’unité, ses excuses pour avoir sous-entendu que le chef d’unité n’avait pas correctement appliqué les critères de participation à ces cours (voir, également, arrêt CW/Parlement, EU:F:2014:186, points 71, 72 et 74). D’ailleurs, le Tribunal relève que la requérante avait déjà présenté des excuses, mais uniquement par un courriel, en l’occurrence du 20 janvier 2012, adressé au chef d’unité et en copie au directeur. Or, étant donné que, si l’un de ses supérieurs avait transmis ce courriel aux membres de l’unité, la requérante aurait vraisemblablement perçu ce geste comme une forme supplémentaire de harcèlement, il était d’autant plus légitime, en vue de rétablir la crédibilité du chef d’unité, mise à mal par l’attitude de la requérante, que sa hiérarchie exige de cette dernière qu’elle adresse, aux mêmes destinataires que ceux des messages de critique du chef d’unité, les excuses qu’elle avait entendu présenter audit chef d’unité.

122

Sur cet aspect, le Tribunal considère que, de même que l’envoi par les supérieurs hiérarchiques de messages qui contiendraient des formules diffamatoires ou malveillantes, d’autant plus lorsqu’ils sont envoyés, sans justification spécifique, à des personnes autres que l’intéressé, peut être regardé comme une manifestation de harcèlement au sens de l’article 12 bis du statut (voir, a contrario, arrêts Lo Giudice/Commission, EU:T:2007:322, points 104 et 105, et Tzirani/Commission, EU:F:2013:115, point 97), l’obligation de loyauté visée à l’article 11 du statut, ainsi d’ailleurs que l’obligation pour tout fonctionnaire, en vertu de l’article 12 du statut, de s’abstenir de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction, impliquent, pour tout subordonné, l’obligation de s’abstenir de mettre en cause, sans fondement, l’autorité de ses supérieurs et, en tout état de cause, l’obligation de faire preuve de mesure et de prudence dans l’envoi de courriels s’inscrivant dans une telle démarche et dans le choix des destinataires desdits courriels.

123

En ce qui concerne le retrait momentané de certaines tâches et activités de la requérante, indépendamment de la question de la consultation du service médical du Parlement et des conditions dans lesquelles cette consultation a été effectuée, celui-ci pouvait se justifier par des raisons de nature médicale à partir du moment où la requérante avait, à plusieurs reprises, été absente pour maladie et avait invoqué un « burnout ». Pour autant, il ressort du dossier que c’est avant tout afin d’éviter des controverses à répétition, liées à ses participations à des activités extérieures à l’unité, que la requérante s’est vue privée de ces activités accessoires à ses tâches principales. Dans la mesure où la requérante n’a en aucune manière été privée desdites tâches principales, qui sont les plus importantes au regard de l’intérêt du service, à savoir le travail d’interprétation dont elle s’acquitte, semble-t-il, à la satisfaction de son institution, le Tribunal ne perçoit pas en quoi la privation de certaines tâches annexes, certes affectionnées par la requérante, aurait objectivement pour effet, dans le contexte plus global des évènements décrits, de porter atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique.

124

En ce qui concerne les divers certificats et rapport médicaux que la requérante a annexés à son recours afin d’attester que les comportements litigieux de son chef d’unité et de son directeur ont porté atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité physique ou morale, le Tribunal constate que, si, certes, ces certificats et rapports médicaux mettent en évidence l’existence de troubles psychiques chez la requérante, ils ne permettent toutefois pas d’établir que lesdits troubles résulteraient d’un harcèlement moral, dès lors que, pour conclure à l’existence d’un tel harcèlement, les auteurs des certificats se sont nécessairement fondés exclusivement sur la description que la requérante a pu leur faire de ses conditions de travail au sein du Parlement (voir arrêts K/Parlement, EU:F:2008:158, point 41, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 127). En tout état de cause, les avis d’experts médicaux, quand bien même ils se fonderaient sur d’autres éléments que la description que le fonctionnaire concerné leur a faite de ses conditions de travail, ne sont pas de nature à établir, par eux-mêmes, l’existence, en droit, d’un harcèlement ou d’une faute de l’institution eu égard à son devoir d’assistance (arrêt BQ/Cour des comptes, T‑7/14 P, EU:T:2015:79, point 49).

125

S’agissant, enfin, du reproche de la requérante relatif à la prétendue habitude prise par le directeur de la convoquer sans lui indiquer le motif de l’entretien envisagé, le Tribunal rappelle que la requérante a l’obligation de se rendre disponible pour rencontrer son supérieur hiérarchique lorsque celui-ci la convoque à une réunion (arrêt CW/Parlement, EU:F:2014:186, point 123). Par ailleurs, il ressort du dossier que, chaque fois qu’elle en a fait la demande, le directeur lui a indiqué l’objet des entretiens ou réunions litigieux. Le Tribunal relève également que, en définitive, ces entretiens apparaissent comme des tentatives de la hiérarchie de surmonter les difficultés relationnelles entre le chef d’unité et la requérante qui, pour l’essentiel, s’expliquent par un comportement de cette dernière de nature à remettre en cause l’autorité du chef d’unité à la faveur de laquelle la candidature de la requérante avait été, en son temps, écartée.

126

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation ni non plus d’abus de pouvoir que le Parlement a retenu, dans la décision de refus d’assistance, que, au regard des éléments portés à sa connaissance notamment par la requérante et de ceux en lien avec son rapport de notation 2011, les comportements mis en cause ne pouvaient pas être considérés comme des manifestations de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut. De la même manière, les éléments soumis par la requérante ne permettent pas de constater que ses conditions de travail méconnaissaient sa santé et sa dignité au sens de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte.

127

Partant, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le second moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et de l’obligation d’assistance consacrée à l’article 24 du statut

Arguments des parties

128

À l’appui de son second moyen, la requérante soutient que, en dépit du fait qu’elle avait fourni à l’AIPN un commencement de preuve de la réalité des attaques dont elle avait fait l’objet de la part du chef d’unité et du directeur, celle-ci n’a pas adopté les mesures qu’elle avait demandées, ce qui constituerait un manquement tant à son obligation d’assistance qu’au devoir de sollicitude.

129

S’agissant de la décision de rejet de la réclamation, la requérante fait valoir que c’est à tort que l’AIPN lui a reproché de ne pas avoir saisi le comité consultatif sur le harcèlement au motif que, au sein du secrétariat du Parlement, les enquêtes dans les affaires de harcèlement présumé seraient confiées à ce comité. Partant, le motif invoqué au soutien du rejet de sa réclamation, à savoir son caractère prématuré en l’absence de saisine du comité, serait erroné. À cet égard, elle souligne qu’elle avait pris l’initiative de saisir le comité, mais que son président ne l’a pas recontactée à ce sujet. Selon elle, la passivité et l’abstention dudit comité ainsi que son silence en dépit des assurances données par l’AIPN susciteraient chez elle des préoccupations d’ordre général qui justifieraient ses doutes quant à la possibilité de déléguer, en toute confiance, à ce comité le traitement d’affaires de harcèlement moral au sein du Parlement.

130

En tout état de cause, la requérante fait valoir que, contrairement à ce que suggère le Parlement, l’AIPN n’a pas confié au comité consultatif sur le harcèlement les pouvoirs qu’elle détient en vertu de l’article 24 du statut. Il serait de toute façon incompréhensible que, si tel avait été le cas, l’AIPN n’ait pas alors, en l’espèce, renvoyé d’office l’affaire à ce comité. La requérante suggère également que l’AIPN aurait pu confier la conduite d’une enquête à une personne ou une instance ad hoc indépendante.

131

Par ailleurs, compte tenu de l’importance et de la gravité des faits allégués, le Parlement aurait dû, avant même de procéder à une enquête en vue d’établir la réalité des faits, commencer par réaffecter le chef d’unité et/ou le directeur ou, à titre subsidiaire, changer la requérante d’affectation comme elle l’avait déjà demandé dans sa demande d’assistance. Elle fait également grief à l’AIPN d’avoir rejeté sa demande d’assistance sur la base d’informations générales sur la situation régnant au sein de l’unité collectées dans le cadre de l’enquête menée à la suite de la plainte pour harcèlement de sa collègue, CQ, alors même, d’une part, que la requérante sollicitait, elle, la conduite d’une enquête à grande échelle et, d’autre part, que ses revendications étaient sans rapport avec les constatations effectuées à l’issue de l’enquête menée à la demande de CQ.

132

Le Parlement conclut au rejet du second moyen comme étant non fondé, en relevant que, au moment où l’AIPN a été saisie de la demande d’assistance de la requérante, soit le 5 février 2013, elle connaissait déjà bien ses allégations, notamment du fait de sa réclamation introduite contre son rapport de notation 2011, laquelle contenait une présentation fournie des faits, mais également en raison de la procédure engagée par sa collègue, CQ, ayant abouti à la formulation d’un avis par le comité consultatif sur le harcèlement, à la conduite d’une enquête par le directeur général et à l’adoption de décisions de l’AIPN ayant, en l’occurrence, fait ultérieurement l’objet du recours enregistré sous la référence F‑12/13. Ce serait donc en pleine connaissance de cause et en se fondant sur les preuves apportées par la requérante ainsi que sur les investigations déjà effectuées et les rapports déjà rédigés que la demande d’assistance aurait été rejetée. En revanche, la sollicitation du secrétaire général du Parlement tendant à ce que la requérante saisisse, à nouveau, le comité consultatif sur le harcèlement n’aurait été formulée, comme cela a été précisé lors de l’audience, que dans un esprit d’ouverture et de sollicitude. En ce qui concerne l’absence de saisine d’office par l’AIPN dudit comité, le Parlement fait valoir que cette démarche incombait à la requérante au titre de son obligation de coopération loyale vis-à-vis de son institution.

Appréciation du Tribunal

– Considérations liminaires

133

À titre liminaire, il importe de distinguer la demande de la requérante, présentée au président du comité consultatif sur le harcèlement, de la demande d’assistance qu’elle a formulée, en vertu de l’article 24 du statut, auprès de l’AIPN.

134

En effet, s’agissant du comité consultatif sur le harcèlement, le Tribunal relève que, ainsi que cela ressort des règles internes, celui-ci a été créé en vue de mettre en œuvre l’article 12 bis du statut et que ses tâches principales consistent à promouvoir un environnement de travail serein et productif, à prévenir et/ou faire cesser tout harcèlement d’un membre du personnel ainsi qu’à jouer un rôle de conciliation, de médiation, de formation et d’information. Aux termes des articles 6 et 7 des règles internes, le comité consultatif sur le harcèlement « est à l’écoute de toute personne qui s’estime victime de harcèlement et lui accorde tout le temps et l’attention nécessaires, en veillant à garder un esprit neutre et objectif, conscient d’œuvrer dans un environnement multiculturel[ ; i]l travaille dans la plus complète autonomie, indépendance et confidentialité ».

135

En ce qui concerne la saisine du comité, aux termes des articles 9 et 11 des règles internes, tout fonctionnaire ou agent se trouvant confronté à un problème pouvant relever du harcèlement ou qui considère qu’un tel problème existe dans son environnement de travail peut s’adresser au comité consultatif sur le harcèlement qui doit le recevoir dans un délai de dix jours ouvrables à compter de sa saisine. À l’issue de l’audition de la victime supposée, ainsi que de son prétendu harceleur et, éventuellement, d’autres collègues de ceux-ci dans le mois suivant l’audition de la victime supposée, auteur de la saisine, le comité peut, en vertu de l’article 12 des règles internes, faire des recommandations au personnel d’encadrement du plaignant en vue de résoudre le problème. Si ce problème persiste, l’article 14 des règles internes habilite le comité consultatif sur le harcèlement à transmettre au secrétaire général du Parlement un rapport confidentiel assorti de propositions concernant les suites à donner, le cas échéant en lui demandant d’être chargé de procéder à une enquête exhaustive à l’issue de laquelle il doit alors élaborer et transmettre des conclusions et d’éventuelles recommandations au secrétaire général du Parlement. Dans un tel cas, ce dernier doit, conformément à l’article 16 des règles internes, communiquer au comité les mesures qu’il envisage de prendre.

136

Il résulte en outre des articles 10 et 11 des règles internes que la saisine du comité consultatif sur le harcèlement, par tout fonctionnaire ou agent de l’institution, n’est subordonnée à la production d’aucun commencement de preuve permettant de conclure à du harcèlement et que, une fois saisi, ce comité est en revanche tenu d’accomplir les tâches qui lui ont été confiées, telles qu’énumérées précédemment, sans que l’exercice de ces fonctions ne soit subordonné à une quelconque décision préalable de l’AIPN, si ce n’est lorsque c’est le comité lui-même qui saisit l’AIPN en vertu notamment de l’article 14 des règles internes.

137

Par ailleurs, même si elle pourrait être souhaitable dans certains cas, notamment en vue d’une médiation, la saisine du comité consultatif ne constitue pas non plus un préalable nécessaire à la possibilité pour tout fonctionnaire de présenter une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut, dans les conditions prévues aux articles 90 et 91 du statut (voir, en ce sens, arrêt Faita/CESE, EU:F:2013:130, point 91). En effet, à la différence de la lettre et de l’objectif de l’article 12 bis du statut ainsi que des règles internes adoptées par le Parlement pour la mise en œuvre dudit article, l’article 24 du statut ne vise pas spécifiquement la prévention ou la lutte contre le harcèlement, mais permet plus généralement, à toute personne visée par le statut, de solliciter l’intervention de l’AIPN afin qu’elle adopte toute mesure tendant à « assiste[r] le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est […] l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions ».

138

Il s’ensuit que l’introduction d’une demande d’assistance en vertu de l’article 24 du statut n’exige pas, même lorsqu’il s’agit d’une demande d’assistance relative à un cas de harcèlement, que la personne concernée soit tenue de saisir, préalablement, le comité consultatif sur le harcèlement institué par le Parlement sur la base de l’article 12 bis du statut, indépendamment du fait que l’AIPN peut, en vertu de l’article 14 des règles internes, décider dans certains cas de charger le comité consultatif sur le harcèlement de la responsabilité de conduire une enquête sur les faits de harcèlement présumé portés à la connaissance de l’AIPN.

– Sur la méconnaissance de l’obligation d’assistance et du devoir de sollicitude

139

En l’espèce, le Tribunal constate que la requérante avait sollicité l’aide du président du comité consultatif sur le harcèlement au motif que, « [d]epuis le 1er février 2012, [elle] [était] exposée à une pression énorme exercée par [s]es deux supérieurs ». Même si cette demande ne se référait pas expressément à la notion de harcèlement moral et n’était assortie d’aucun commencement de preuve de la « pression énorme » visée par la requérante, en application des règles internes, le comité était tenu de recevoir la requérante dans un délai de dix jours ouvrables, ce qu’il a manifestement omis de faire. À cet égard, la raison invoquée par le Parlement pour justifier cette méconnaissance des règles internes par le comité, à savoir que son président était en train de déménager dans un nouveau bureau à la suite de sa réaffectation à un nouveau poste d’encadrement dans une autre direction générale, n’est pas pertinente puisque, même s’il ressort des courriels de la requérante qui étaient adressés au secrétariat du comité ou à son président que c’était avec le président du comité en personne qu’elle souhaitait s’entretenir, il appartenait au comité, en tant qu’instance consultative saisie en la personne de son président, de prendre les mesures nécessaires pour qu’un autre de ses membres, dont d’ailleurs deux d’entre eux étaient en copie d’une partie de la correspondance, prenne en charge la demande de la requérante, ce qu’il n’a manifestement pas fait.

140

Indépendamment de la question de la saisine du comité consultatif, ainsi qu’il a été constaté précédemment, la requérante était, en tout état de cause, en droit d’introduire une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut auprès de l’AIPN, sans être soumise à une obligation de saisine préalable de ce comité ou à une obligation d’attendre une éventuelle réponse de ce comité.

141

À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 37 du présent arrêt, il incombait à la requérante d’apporter, à l’appui de sa demande d’assistance, un commencement de preuve de la réalité des attaques dont elle affirmait être l’objet de la part de ses chef d’unité et directeur.

142

En l’espèce, même si les éléments qu’elle a apportés dans sa demande d’assistance ne démontraient pas l’existence du harcèlement allégué, l’AIPN aurait pu considérer, dans un esprit d’ouverture inspiré de son devoir de sollicitude, que, dans une certaine mesure, ces éléments pouvaient constituer des commencements de preuve d’un tel harcèlement. Ainsi, il appartenait en principe au Parlement de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci. Dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont dévolus, l’administration peut, dans cet objectif et en fournissant les moyens logistiques et humains appropriés, décider de confier la conduite d’une telle enquête à la hiérarchie de l’institution, telle qu’un directeur général, à un comité d’enquête ad hoc, à un comité consultatif sur le harcèlement ou, encore, à une personnalité ou instance extérieure à cette institution.

143

Cependant, s’agissant de la légalité d’une décision rejetant, sans qu’une enquête administrative n’ait été ouverte, une demande d’assistance introduite sur le fondement de l’article 24 du statut, le juge de l’Union doit examiner le bien-fondé de cette décision, au vu des éléments ayant été portés à la connaissance de l’administration, notamment par l’intéressé dans sa demande d’assistance, lorsque celle-ci a statué (arrêt Faita/CESE, EU:F:2013:130, point 98).

144

Or, à cet égard, le Tribunal relève que, premièrement, la requérante avait fourni dans sa demande d’assistance une documentation volumineuse étayant, notamment au moyen de courriels, les faits allégués. Secondement, dans sa demande d’assistance, la requérante a indiqué que « [l’AIPN], à laquelle une demande formelle d’assistance et une réclamation [avaient] été présentées [par CQ], [était] pleinement au courant de la situation et a[vait] donné mandat au directeur général pour enquêter sur l’affaire ».

145

Par conséquent et contrairement à ce que soutient la requérante, l’AIPN était en droit de prendre en compte, dans le traitement de la demande d’assistance, les éléments d’information dont elle avait déjà connaissance et auxquels s’était directement et/ou indirectement référée la requérante dans sa demande, à savoir, notamment, l’avis du comité consultatif sur le harcèlement et l’enquête conduite par le directeur général à la suite de la plainte pour harcèlement de CQ, étant donné, de surcroît, que la demande d’assistance de cette dernière mettait en cause les mêmes protagonistes, lesquels, y compris la requérante, avaient été auditionnés, parfois à plusieurs reprises, par le comité et l’AIPN. À ceci s’ajoutait le fait que les évènements litigieux avaient été en partie mis en cause par la requérante dans ses contestations de ses rapports de notation 2011 et 2012.

146

Au vu des éléments de preuve fournis par la requérante et de ceux connus du Parlement en lien avec le rapport de notation 2011 et la plainte pour harcèlement de CQ, le Tribunal considère que l’AIPN a pu, en l’espèce, considérer dans la décision de refus d’assistance qu’elle disposait, à ce stade, d’une connaissance suffisante de la réalité et de la portée des faits allégués par la requérante pour pouvoir conclure que ceux-ci n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral, ce que le Tribunal a confirmé dans le cadre du traitement du premier moyen.

147

Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, dans lesquelles la conduite d’une nouvelle enquête aurait impliqué d’interroger les mêmes protagonistes que ceux déjà entendus dans le cadre de l’enquête diligentée à la suite de la plainte pour harcèlement de CQ, sur des faits qui, pour certains, étaient identiques à ceux mis en cause par CQ et sans toutefois que soient nécessairement apportés des éclairages supplémentaires par rapport aux éléments de preuves suffisamment exhaustifs soumis par la requérante elle-même à l’AIPN, le Tribunal considère que, en n’ordonnant pas l’ouverture d’une « enquête à grande échelle sur les méthodes de management de [son chef d’unité] et d[u directeur] ainsi que sur leur comportement vis-à-vis de [la requérante] », le Parlement n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures et moyens d’application de l’article 24 du statut pour lequel il dispose d’un large pouvoir d’appréciation et, partant, n’a pas méconnu cette disposition.

148

À ceci s’ajoute le fait que, dans la définition des mesures qu’elle estime appropriées en vue d’établir la réalité et la portée des faits allégués, l’AIPN doit également veiller à protéger les droits des personnes susceptibles d’être visées par une enquête, de sorte que, dans les circonstances propres à la présente affaire, avant d’exposer à nouveau l’ensemble des protagonistes à une nouvelle enquête, susceptible d’être inutilement éprouvante pour la hiérarchie, mais également pour les membres de l’unité, l’AIPN devait s’assurer qu’elle disposait d’indices susceptibles d’étayer de réelles suspicions de harcèlement (voir, en ce sens, arrêt Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, point 152), y compris par rapport aux constatations précédentes de l’AIPN et du comité consultatif sur le harcèlement dans le cadre de la plainte pour harcèlement de CQ. Or, en l’espèce, ces éléments faisaient défaut.

149

S’agissant de la demande de la requérante de réaffecter le chef d’unité et/ou le directeur afin de la protéger de leurs prétendues exactions, le Tribunal considère que, au regard de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt, dès lors que les faits allégués par la requérante ne révélaient pas un manquement aux obligations incombant à ses supérieurs hiérarchiques au titre de l’article 12 bis du statut, c’est sans méconnaître l’article 24 du statut ni le devoir de sollicitude que l’AIPN a opposé un rejet à cette demande. Il en va de même de la demande de la requérante tendant à l’« adoption d’une mesure d’effet [équivalent] », telle que sa réaffectation, d’autant plus que la requérante, alors agent temporaire dans une autre unité d’interprétation, avait été, fin 2007, engagée dans son unité actuelle et que ce changement d’unité s’inscrivait dans le contexte de l’introduction par la requérante d’une autre plainte pour harcèlement moral en 2005 et qui avait été rejetée par l’AIPN.

150

S’agissant du fait que l’AIPN n’a pas saisi directement le comité consultatif sur le harcèlement afin qu’il examine, dans le cadre de ses compétences respectives définies dans les règles internes, la plainte de la requérante qu’il avait omis de traiter en son temps, le Tribunal considère que, au vu de l’argumentation de la requérante dans sa demande d’assistance, argumentation qu’elle a d’ailleurs reprise dans sa réclamation et dans sa requête, l’AIPN serait finalement allée à l’encontre de la volonté de cette dernière si elle avait saisi le comité dans lequel la requérante indiquait avoir perdu toute confiance. Pour autant que, par son argumentation, la requérante reproche à l’AIPN de ne pas avoir confié au comité, notamment en vertu de l’article 14 des règles internes, la responsabilité de procéder à une enquête exhaustive, le Tribunal constate, d’une part, que l’application de cette disposition présuppose que le comité adresse au secrétaire général du Parlement une demande afin qu’il donne audit comité des instructions pour la conduite d’une enquête détaillée, laquelle demande fait défaut en l’espèce, et que, d’autre part, ainsi qu’il a été constaté précédemment, l’AIPN a pu valablement considérer avoir une connaissance suffisante des faits lui permettant de rejeter comme non fondée la demande d’assistance, sans ressentir le besoin de confier au comité consultatif sur le harcèlement ou à toute autre instance la conduite d’investigations supplémentaires.

151

Cela étant, le Tribunal relève que, si la demande d’assistance a été rejetée au fond dans la décision de refus d’assistance, et ce à l’issue d’un examen circonstancié des évènements litigieux invoqués par la requérante, la réclamation a en revanche été rejetée au motif principal que cette réclamation était prématurée dans la mesure où, au vu du souhait de la requérante d’obtenir que soit menée une enquête à grande échelle, il lui appartenait de s’adresser au préalable au comité consultatif sur le harcèlement, apte à conduire une telle enquête.

152

Or, ainsi qu’il a été rappelé aux points 134 à 138 du présent arrêt, la saisine du comité consultatif sur le harcèlement n’est pas une condition préalable à l’introduction devant l’AIPN d’une demande d’assistance sur le fondement de l’article 24 du statut et, le cas échéant, d’une réclamation en cas de rejet de celle-ci. La circonstance que, dans la décision de refus d’assistance, l’AIPN a invité la requérante à saisir le comité par l’intermédiaire de son nouveau président n’est pas pertinente à cet égard. Le Tribunal relève en outre que, du point de vue temporel, tandis que, dans sa demande d’assistance, la requérante s’appuyait sur des évènements s’étant déroulés à partir du mois d’avril 2011, notamment ceux concernant la rédaction du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011 et sa non-participation à une université d’été, le courriel de la requérante adressé au comité consultatif sur le harcèlement ne visait, dans des termes plutôt laconiques, qu’une pression professionnelle ressentie depuis le 1er février 2012.

153

Enfin, une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut peut certes être rejetée pour un motif pris de son caractère prématuré. En revanche, tel n’est pas le cas d’une réclamation, à l’égard de laquelle le délai de forclusion de trois mois, prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut, court en toute hypothèse, nonobstant l’éventuelle saisine d’un comité consultatif tel que celui en place au sein du Parlement en matière de harcèlement.

154

Par conséquent, en rejetant la réclamation pour un motif pris de son caractère prétendument prématuré dans la mesure où la requérante devait préalablement s’en remettre au comité consultatif sur le harcèlement, l’AIPN s’est fondée sur un motif erroné et qui peut être de nature à induire en erreur les fonctionnaires et agents sur les compétences et responsabilités respectives du comité consultatif sur le harcèlement et de l’AIPN en matière de harcèlement moral, telles qu’exposées aux points 134 à 138 du présent arrêt.

155

[Tel que rectifié par ordonnance du 3 décembre 2015] Pour autant, un tel motif n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision de rejet de la réclamation ni d’ailleurs celle de la décision de refus d’assistance. En effet, en rappelant à la requérante, dans la décision de rejet de la réclamation, que, en vertu de la jurisprudence, l’existence de relations difficiles voire conflictuelles entre un fonctionnaire et ses supérieurs ne constitue pas, à elle seule, la preuve d’un harcèlement moral, l’AIPN a entendu confirmer, sur le fond, quoiqu’à titre subsidiaire, l’examen circonstancié opéré dans la décision de refus d’assistance ou, à tout le moins, n’a pas entendu infirmer cet examen. C’est d’ailleurs ce qu’a fait valoir le Parlement, notamment lors de l’audience. En outre, indépendamment de l’issue du présent recours, le Tribunal constate que le comité consultatif sur le harcèlement est investi d’une mission de conciliation et de médiation, laquelle pourrait être de nature à solutionner les difficultés rencontrées par la requérante, même si celles-ci ne sont pas constitutives d’un harcèlement au sens de l’article 12 bis du statut, en vue de rétablir un « climat de travail serein et productif » au sens de l’article 5 des règles internes.

156

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent et sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la traduction par un traducteur indépendant de certains courriels écrits en tchèque vers l’anglais, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, l’intégralité des conclusions en annulation de la décision de refus d’assistance et de la décision de rejet de la réclamation.

3. Sur les conclusions indemnitaires

157

Dans ses conclusions, la requérante demande au Tribunal de condamner le Parlement à lui verser un montant de 50000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi ainsi que de lui verser, au titre du préjudice matériel, un quart du montant des frais médicaux qu’elle a exposés en raison de la détérioration de son état de santé, la somme totale devant être majorée d’intérêts moratoires.

158

Le Parlement conclut, à titre principal, au rejet de ces conclusions indemnitaires comme irrecevables et, à titre subsidiaire, comme non fondées.

159

Indépendamment de la question de savoir si, au regard de la règle de concordance, la requérante avait, en demandant de « corriger les torts que lui avait causés ou pourrait toujours lui causer la décision attaquée », entendu se référer dans sa réclamation à un dédommagement d’un préjudice matériel et/ou moral, il y a lieu de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent, comme en l’espèce, un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (arrêt López Cejudo/Commission, F‑28/13, EU:F:2014:55, point 105, et la jurisprudence citée).

160

Compte tenu du rejet des conclusions en annulation et, partant, de l’absence de faute de l’administration de nature à engager sa responsabilité, il convient de rejeter les conclusions indemnitaires.

Sur les dépens

161

Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 2, de ce règlement, une partie gagnante peut toutefois être condamnée à supporter ses propres dépens et à prendre en charge partiellement ou totalement les dépens exposés par l’autre partie si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

162

Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la requérante a succombé en son recours. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’elle soit condamnée aux dépens. Cependant, compte tenu, d’une part, du dysfonctionnement du comité ayant notamment eu pour résultat, en méconnaissance des règles internes, l’absence de prise en charge de la demande de la requérante adressée à l’ancien président de ce comité, et, d’autre part, de la motivation inappropriée avancée à titre principal au soutien de la décision de rejet de la réclamation, le Tribunal considère justifiée l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure et décide, par conséquent, que le Parlement doit supporter ses propres dépens et être condamné à la moitié des dépens exposés par la requérante.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Le Parlement européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter la moitié des dépens exposés par CW.

 

3)

CW supporte la moitié de ses propres dépens.

 

Barents

Perillo

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 2015.

Le greffier

W. Hakenberg

Le président

R. Barents


( *1 )   Langue de procédure : l’anglais.

Haut

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE DE L’UNION EUROPÉENNE (première chambre)

26 mars 2015 ( *1 )

«Fonction publique — Fonctionnaires — Recours en annulation — Article 12 bis du statut — Règles internes relatives au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail — Article 24 du statut — Demande d’assistance — Erreurs manifestes d’appréciation — Absence — Rôle et prérogatives du comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail — Saisine facultative par le fonctionnaire — Recours en indemnité»

Dans l’affaire F‑124/13,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

CW, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me C. Bernard-Glanz, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes E. Taneva et M. Dean, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (première chambre),

composé de MM. R. Barents, président, E. Perillo et J. Svenningsen (rapporteur), juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 décembre 2014,

rend le présent

Arrêt

1

Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 19 décembre 2013, CW demande notamment, d’une part, l’annulation de la décision du Parlement européen, du 8 avril 2013, portant rejet de sa demande d’assistance introduite en raison du harcèlement moral dont elle s’estime victime du fait de ses supérieurs hiérarchiques et, d’autre part, la condamnation du Parlement à lui verser des dommages-intérêts.

Cadre juridique

2

L’article 31, intitulé «Conditions de travail justes et équitables», de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne prévoit en son paragraphe 1 :

«Tout travailleur a droit à des conditions de travail qui respectent sa santé, sa sécurité et sa dignité.»

3

L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne dans sa version applicable au litige (ci-après le «statut») dispose :

«Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne.»

4

L’article 24, premier alinéa, du statut dispose :

«L’Union assiste le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est, ou dont les membres de sa famille sont l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions.»

5

Le 21 février 2006, le Parlement a adopté de nouvelles «[règles internes relatives au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail]» en vue de mettre en œuvre l’article 12 bis du statut (ci-après les «règles internes»). Il ressort de l’article 9 des règles internes que tout membre du personnel de cette institution, qui est confronté à un problème qui pourrait constituer un harcèlement ou qui pense qu’un problème de ce type existe dans son environnement de travail, peut soumettre la question au comité consultatif sur le harcèlement et sa prévention sur le lieu de travail (ci-après le «comité» ou le «comité consultatif sur le harcèlement»). L’article 11 des règles internes prévoit qu’un membre du personnel qui se sent victime de harcèlement doit être reçu par le comité dans les dix jours ouvrables suivant la demande formulée par cette personne. Aux termes des articles 12 à 14 des règles internes, le comité peut, s’il l’estime souhaitable, formuler des recommandations à la direction en vue de résoudre le problème ; il doit, en vue d’assurer le suivi du dossier, rester en contact avec le membre du personnel concerné et, si nécessaire, avec ses supérieurs hiérarchiques ; et, si le problème persiste, ledit comité transmet un rapport confidentiel au secrétaire général du Parlement contenant des propositions sur l’action ou les actions à entreprendre et, lorsque cela paraît approprié, il peut lui demander des instructions pour la conduite d’une enquête détaillée.

Faits à l’origine du litige

6

Le 6 octobre 2003, la requérante a été recrutée en tant qu’agent auxiliaire au Parlement. Elle a été initialement affectée à l’unité de l’interprétation slovaque de la direction de l’interprétation de la direction générale (DG) «Infrastructures et interprétation», devenue la DG «Interprétation et conférences». À partir du 8 octobre 2004, elle a été engagée en tant qu’agent temporaire dans cette même unité.

7

Le 1er octobre 2008, la requérante a été nommée fonctionnaire stagiaire au Parlement et affectée à l’unité de l’interprétation tchèque (ci-après l’«unité»). Elle a été titularisée le 1er juillet 2009.

8

De 2008 à 2010, la requérante et Mme H. étaient collègues au sein de l’unité. Lorsque le poste de chef d’unité s’est libéré, elles ont toutes les deux présenté leur candidature. À l’issue de la procédure de sélection, la candidature de la requérante a été écartée au profit de celle de Mme H. (ci-après le «chef d’unité») qui a été nommée sur cet emploi le 17 mai 2010.

9

Les relations entre la requérante et le chef d’unité se sont dégradées, notamment à la suite d’une réunion de l’unité qui s’est tenue le 23 mai 2011 (ci-après la «réunion du 23 mai 2011»).

10

À cet égard, en mai 2011, à la suite de la préparation d’une liste de questions de l’unité en vue d’une réunion avec la hiérarchie prévue le 13 mai 2011, un conflit est apparu entre, d’un côté, la requérante et plusieurs autres membres de l’unité et, de l’autre, le chef d’unité et les membres de l’unité qui lui ont apporté leur soutien. En substance, les questions qui avaient été préparées sous la houlette d’une collègue de la requérante, CQ, ont été soumises telles quelles au directeur de la direction de l’interprétation (ci-après le «directeur») par l’entremise du chef d’unité. Le directeur a, par courriel, vivement réagi à la teneur des questions envisagées en mettant en doute le fait qu’elles aient pu représenter la position de l’ensemble des membres de l’unité. À cet égard, le chef d’unité a, le 12 mai 2011, envoyé à chacun des membres du personnel de l’unité un courriel formulé comme suit : «[…] Les questions au nom des interprètes de la cabine [d’interprétation de l’unité] ont été préparées en vue de la réunion de demain avec la direction. Étais-tu au courant de ces questions et reflètent-elles également pleinement ton opinion ? […]»

11

Lors de la réunion du 23 mai 2011, il aurait notamment été demandé au chef d’unité de préciser la raison pour laquelle elle avait envoyé son courriel du 12 mai 2011 aux membres de l’unité. Une polémique qui a duré plusieurs mois s’en est ensuivie en ce qui concerne la rédaction de la version finale du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011. À cet égard, la requérante et plusieurs de ses collègues, parmi lesquelles CQ, ont contesté à plusieurs reprises le contenu de ce compte rendu et ont demandé au chef d’unité, au moyen d’un courriel envoyé à toute l’unité, de leur fournir la base juridique lui permettant d’arrêter, en dernière instance, le contenu du compte rendu de la réunion litigieuse. Le 13 septembre 2011, après consultation du directeur et tout en reconnaissant qu’il n’existait pas de règle écrite en la matière, le chef d’unité a envoyé aux membres de l’unité un courriel leur exposant les principes régissant l’adoption des comptes rendus, notamment le fait qu’elle pouvait, en sa qualité de chef d’unité, refuser de rectifier le procès-verbal d’une réunion lorsque la rectification demandée ne reflétait pas les propos tenus lors de la réunion. Le 6 octobre 2011, la requérante a de nouveau envoyé un courriel à l’ensemble de l’unité, y compris au chef d’unité, au sujet du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011.

12

Le 17 février 2012, le directeur a envoyé un courriel à la requérante afin que celle-ci exécute les instructions qu’il lui avait données dans une note, remise en main propre, du 1er février précédent, à savoir qu’elle présente, dans un courriel adressé aux membres de l’unité, y compris au chef d’unité, ses excuses pour avoir sous-entendu que le chef d’unité aurait méconnu les règles relatives aux critères de sélection des candidats aux cours de langue organisés durant la période estivale.

13

Le 19 février 2012, la requérante a, par courriel, expliqué au président du comité consultatif sur le harcèlement (ci-après le «président du comité») que, «[d]epuis le 1er février 2012, [elle] [était] exposée à une pression énorme exercée par [s]es deux supérieurs, [qu’elle était] dans une situation très difficile et [qu’elle] souhaiterai[t] demander une aide professionnelle à ce sujet». Bien que la requérante avait, par ce courriel, demandé au président du comité de l’informer sur la possibilité de le rencontrer rapidement, celui-ci n’a pas répondu par écrit audit courriel. Par courriel du 21 février 2012, la requérante a alors contacté Mme W., secrétaire du comité, laquelle, par courriel du lendemain, lui a répondu que le président du comité était en cours de déménagement dans un nouveau bureau, ce qui pouvait expliquer qu’il ne reçoive pas ses courriels, et elle lui a suggéré de prendre contact avec Mme E.-H. ou Mme R., toutes deux membres du comité consultatif sur le harcèlement, lesquelles étaient également mises en copie de ce courriel du secrétariat. Sans avoir pris directement contact avec l’un desdits membres, la requérante a, par courriel en réponse du 22 février 2012, également adressé en copie au président du comité, indiqué à Mme W. qu’elle souhaitait prendre conseil auprès du président du comité dès que possible. Mme W. lui a alors confirmé que son message serait transféré au président du comité dans les meilleurs délais. Selon la requérante, ces courriels seraient restés sans suite de la part du président du comité.

14

Le 29 mars 2012, la requérante a reçu une note du directeur l’informant que, compte tenu de son état de santé récent, elle était déchargée des tâches annexes à ses fonctions d’interprète. Depuis lors, la requérante n’a poursuivi que ses tâches principales, à savoir l’interprétation à Bruxelles (Belgique) ainsi que dans les deux autres lieux de travail du Parlement. Elle a également continué à participer, notamment, à un cours de langue polonaise. De plus, à la suite d’une réunion tenue début juin 2013, le directeur a confirmé, par une note du 11 juin 2013 adressée à la requérante avec copie au chef d’unité, que la requérante était désormais autorisée à poursuivre des formations professionnelles dans l’intérêt du service.

15

Le 4 juillet 2012, un nouveau président du comité consultatif sur le harcèlement (ci-après le «nouveau président du comité») a été nommé et, selon les dires du Parlement, la requérante a été par la suite et à plusieurs reprises invitée à contacter le comité.

16

Le 5 février 2013, la requérante a, en vertu de l’article 90, paragraphe 1, du statut, saisi le Parlement d’une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut (ci-après la «demande d’assistance»). À l’appui de cette demande, la requérante a fourni une description détaillée de quatorze incidents ou évènements qui, selon elle, pris individuellement ou conjointement, seraient constitutifs d’un harcèlement moral de la part de son chef d’unité et de son directeur. La requérante soulignait également que cette liste d’incidents n’était pas exhaustive et que «[l’i]nstitution, auprès de qui une demande formelle d’assistance et une réclamation [avaient] été présentées [par CQ], [était] pleinement au courant de la situation et a[vait] donné mandat au directeur général [de la DG ‘Interprétation et conférences’] pour enquêter sur l’affaire». Elle affirmait en outre que le harcèlement allégué la concernant prenait des formes diverses : «communications trompeuses [‘deceptive or misleading communications’], refus de communiquer, commentaires dégradants, tentatives d’humiliation publique, diffamation, pressions, intimidations et menaces, ou privation injustifiée de tâches professionnelles». Tous ces évènements l’auraient conduite à un «burnout» ayant justifié sa mise en congé de maladie prolongé.

17

Par la demande d’assistance, dans laquelle elle regrettait le fait que, malgré ses sollicitations et rappels, le président du comité ou tout autre membre du comité ne l’ait pas contactée à la suite de son courriel du 19 février 2012, la requérante priait le Parlement, d’une part, de réaffecter son chef d’unité et/ou son directeur à un autre poste ou d’adopter une décision d’effet équivalent tendant à la protéger de leurs exactions et, d’autre part, d’ouvrir une enquête à grande échelle sur les méthodes de management et les comportements de sa hiérarchie.

18

Dans une lettre du 5 mars 2013, le directeur général de la DG «Personnel» (ci-après le «directeur général du personnel»), en sa qualité d’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’«AIPN»), a, tout en regrettant que le premier contact que la requérante avait en vain essayé d’établir avec le comité consultatif sur le harcèlement en février 2012 «n’ait pas conduit à un examen à grande échelle d[e ses] plaintes», recommandé à la requérante de saisir le comité consultatif sur le harcèlement qui, disposant de larges pouvoirs pour examiner de manière approfondie tous les cas potentiels de harcèlement et pour formuler des recommandations, était le mieux placé pour vérifier si les faits décrits par elle pouvaient être considérés comme un harcèlement psychologique. Afin de faciliter cette saisine du comité, les coordonnées de son nouveau président étaient indiquées dans cette lettre. Toutefois, dans une lettre en réponse de son conseil du 11 mars suivant, la requérante a d’abord observé qu’elle avait déjà «épuisé cette option», car elle avait «essayé de se plaindre auprès du comité [consultatif sur le harcèlement]», pour ensuite préciser qu’elle avait déposé une demande d’assistance en vertu de l’article 24 du statut au motif, précisément, que le comité, auquel elle s’était adressée en premier lieu, avait failli dans sa mission telle qu’assignée par les règles internes. Le conseil de la requérante précisait que, dans ce contexte, il «trouv[ait la] recommandation [du directeur général du personnel] honteuse et inacceptable».

19

Par une décision du 8 avril 2013, notifiée à la requérante le 10 avril suivant, l’AIPN, en la personne du directeur général du personnel, a, après un examen de la demande d’assistance et à la lumière des informations relatives à la situation régnant dans l’unité dont elle avait pris connaissance dans le cadre de l’examen d’une plainte pour harcèlement introduite par une collègue de cette unité, en l’occurrence CQ (voir arrêt CQ/Parlement, F‑12/13, EU:F:2014:214), rejeté la demande d’assistance de la requérante (ci-après la «décision de refus d’assistance»).

20

À cet égard, l’AIPN a indiqué déplorer le refus de la requérante de saisir le comité consultatif sur le harcèlement puisque cette attitude a eu pour conséquence que l’AIPN avait été privée de ce qui aurait été, pour elle, un «précieux avis sur les allégations de [la requérante, étant entendu que le comité consultatif sur le harcèlement] [ét]ait le mieux placé pour [mener] l’enquête à grande échelle que [la requérante] demand[ait]».

21

Cela étant, nonobstant l’absence de saisine du comité consultatif sur le harcèlement, l’AIPN a décidé, après un examen des documents volumineux soumis par la requérante et après avoir obtenu des informations sur la situation régnant dans l’unité provenant d’une autre enquête menée par le comité au sein de ladite unité, de rejeter la demande d’assistance de la requérante. En effet, procédant à l’examen de chacun des évènements litigieux exposés par la requérante, l’AIPN a considéré soit qu’ils étaient mineurs, soit qu’ils avaient déjà été mis en cause dans le cadre de la contestation par la requérante de son rapport de notation portant sur l’année 2011 (ci-après le «rapport de notation 2011»), soit, encore, qu’il s’agissait de décisions ou de comportements légitimes de l’AIPN ou des supérieurs hiérarchiques face aux comportements de la requérante elle-même.

22

Le 9 juillet 2013, la requérante a introduit une réclamation, en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut, contre la décision de refus d’assistance. Par décision du 23 octobre suivant, l’AIPN, en la personne du secrétaire général du Parlement, a rejeté la réclamation comme étant, à ce stade, prématurée (ci-après la «décision de rejet de la réclamation»). À cet égard, l’AIPN a en particulier souligné qu’elle n’était tenue d’adopter des mesures en application de l’article 24 du statut que lorsque les faits à l’origine de la demande avaient été établis et que, précisément, au sein du Parlement, il appartenait au comité consultatif sur le harcèlement de procéder à des enquêtes en présence de faits de harcèlement présumé. Or, la requérante aurait renoncé à soumettre son cas à l’examen du comité.

23

Tout en lui rappelant que, selon la jurisprudence, l’existence de relations difficiles, voire conflictuelles, entre un fonctionnaire et son supérieur hiérarchique ne constitue pas, en tant que telle, la preuve d’un harcèlement moral, l’AIPN informait la requérante qu’elle avait demandé au nouveau président du comité, en fonction depuis le 4 juillet 2012, de prendre contact avec elle afin de lui expliquer la procédure devant le comité consultatif sur le harcèlement et de lui permettre, à l’aune des informations fournies, de décider de poursuivre ou non la procédure.

24

Le 15 janvier 2014, en l’occurrence postérieurement à l’introduction du présent recours, le nouveau président du comité a pris contact avec la requérante. Ils se sont rencontrés le 20 janvier suivant. Dans un courriel du même jour, le nouveau président du comité a confirmé la possibilité pour la requérante de saisir le comité consultatif sur le harcèlement d’une manière informelle et «à tout moment qu[’elle] trouverait approprié».

Conclusions des parties et procédure

25

La requérante demande au Tribunal :

de déclarer le recours recevable ;

d’annuler la décision de refus d’assistance ;

d’annuler, pour autant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

de lui octroyer, d’une part, un montant de 50000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi et, d’autre part, de lui rembourser, au titre du préjudice matériel subi, un quart du montant des frais médicaux exposés en raison de la détérioration de son état de santé, la somme totale devant être majorée des intérêts légaux jusqu’au paiement ;

de condamner le Parlement aux dépens.

26

Le Parlement conclut au rejet du recours comme étant non fondé et à la condamnation de la requérante aux dépens.

27

Dans le rapport préparatoire d’audience qui leur a été signifié le 21 novembre 2014, le Tribunal a, au titre de mesures d’organisation de la procédure, posé des questions aux parties. Les parties ont dûment déféré à ces demandes et ont eu l’occasion, chacune, de présenter des observations sur leurs réponses respectives lors de l’audience, tenue le 11 décembre 2014.

28

À cet égard, la requérante a notamment confirmé qu’elle disposait d’un accès à distance à sa boîte de messagerie électronique du Parlement et qu’elle avait participé à quatre universités d’été, dont l’une en langue anglaise en 2004. Pour sa part, le Parlement a notamment expliqué, s’agissant de l’absence de réponse du président du comité au courriel de la requérante du 19 février 2012, que celui-ci avait pris de nouvelles fonctions le 25 janvier 2012 au sein d’une autre direction générale, tout en soulignant qu’il aurait toutefois essayé de prendre contact avec la requérante postérieurement à son courriel du 19 février 2012. S’agissant de l’affectation de la requérante à l’unité tchèque, alors qu’elle faisait auparavant partie de l’unité d’interprétation slovaque, le Parlement a indiqué ne pas avoir conservé les traces de la plainte pour harcèlement déposée à l’époque par la requérante et que le changement d’affection avait eu lieu lors de sa nomination en qualité de fonctionnaire stagiaire. En ce qui concerne le comité consultatif sur le harcèlement, le Parlement a indiqué que ce comité n’était en aucune manière habilité à statuer au nom de l’AIPN sur une demande d’assistance fondée sur l’article 24 du statut et, par conséquent, ne pouvait pas décider de rejeter une telle demande.

29

Par ailleurs, par lettre du 5 décembre 2014, la requérante a, d’une part, formulé des commentaires, assortis de trois nouvelles annexes, sur le rapport préparatoire d’audience et, d’autre part, soumis, au titre de l’article 57 du règlement de procédure, une nouvelle offre de preuves en lien, notamment, avec deux déclarations sur l’honneur faites par deux de ses collègues et annexées au mémoire en défense. Le Tribunal a décidé de verser ces pièces au dossier et de ne pas clôturer la procédure orale à l’issue de l’audience afin de donner la possibilité au Parlement de présenter des observations éventuelles sur ces nouvelles pièces, ce qu’il a fait le 17 décembre 2014.

30

En outre, dans la même lettre du 5 décembre 2014, la requérante a demandé au Tribunal, dans l’hypothèse où celui-ci devrait estimer que les courriels rédigés en langue tchèque, dont elle contestait, dans son mémoire en réplique, l’exactitude des traductions en langue anglaise effectuées par le Parlement, étaient pertinents aux fins de statuer dans la présente affaire, d’ordonner leur traduction par un traducteur indépendant.

31

Le 18 décembre 2014, le Tribunal a clôturé la procédure orale.

En droit

1. Sur l’objet du recours

32

Des conclusions en annulation formellement dirigées contre le rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée, lorsqu’elles sont, comme telles, dépourvues de contenu autonome (voir, en ce sens, arrêts Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 69).

33

Cependant, en l’espèce, la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation diffère de celle figurant dans la décision de refus d’assistance, de sorte que les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation ne sont pas dépourvues de contenu autonome et qu’il conviendra donc de statuer également sur leur bien-fondé. En outre, la décision de rejet de la réclamation précise certains aspects de la motivation de la décision de refus d’assistance. Par conséquent, compte tenu du caractère évolutif de la procédure précontentieuse, cette motivation devra également être prise en considération pour l’examen de la légalité de la décision de refus d’assistance, cette motivation étant censée coïncider avec ce dernier acte (voir arrêt Mocová/Commission, F‑41/11, EU:F:2012:82, point 21).

2. Sur les conclusions en annulation de la décision de refus d’assistance et de la décision de rejet de la réclamation

34

À l’appui de son recours, la requérante soulève formellement deux moyens d’annulation de la décision de refus d’assistance et de la décision de rejet de la réclamation. Le premier moyen comporte trois branches : la première est tirée d’erreurs manifestes d’appréciation et de la violation corrélative de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, la deuxième, de l’abus de pouvoir et, la troisième, d’une violation du devoir de sollicitude et de l’obligation d’assistance, consacrée à l’article 24 du statut, ainsi que de la violation de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte. Le second moyen comporte deux branches : la première est tirée de la violation de l’obligation d’assistance consacrée à l’article 24 du statut et, la seconde, de la violation du principe de bonne administration, du devoir de sollicitude et de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte.

35

Cela étant, aux points 112 et 113 de sa requête, la requérante a expressément indiqué que le premier moyen soulevé visait la légalité, quant au fond, des motifs de rejet de la demande d’assistance tels qu’exposés dans la décision de refus d’assistance, tandis que le second moyen concernait le motif, tiré du caractère prétendument prématuré de la réclamation, invoqué dans la décision de rejet de la réclamation. Il convient donc de comprendre, comme la requérante l’a concédé lors de l’audience, que le premier moyen est tiré d’erreurs manifestes d’appréciation, d’un abus de pouvoir et de la violation corrélative de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut ainsi que de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte tandis que le second moyen est tiré d’une violation du devoir de sollicitude et de l’obligation d’assistance consacrée à l’article 24 du statut.

Considérations liminaires quant à l’étendue de l’obligation d’assistance en présence d’allégations de harcèlement

36

À titre liminaire, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’article 24 du statut a été conçu en vue de protéger les fonctionnaires de l’Union européenne contre le harcèlement ou un traitement dégradant quel qu’il soit, émanant non seulement de tiers, mais également de leurs supérieurs hiérarchiques ou de leurs collègues (arrêts V./Commission, 18/78, EU:C:1979:154, point 15 ; Schmit/Commission, T‑144/03, EU:T:2005:158, point 96, et Lo Giudice/Commission, T‑154/05, EU:T:2007:322, point 135).

37

En vertu de l’obligation d’assistance, l’administration doit, en présence d’un incident incompatible avec l’ordre et la sérénité du service, intervenir avec toute l’énergie nécessaire et répondre avec la rapidité et la sollicitude requises par les circonstances de l’espèce en vue d’établir les faits et d’en tirer, en connaissance de cause, les conséquences appropriées. À cette fin, il suffit que le fonctionnaire qui réclame la protection de son institution apporte un commencement de preuve de la réalité des attaques dont il affirme être l’objet. En présence de tels éléments, il appartient à l’institution en cause de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci (arrêts Koutchoumoff/Commission, 224/87, EU:C:1989:38, points 15 et 16 ; Tallarico/Parlement, T‑5/92, EU:T:1993:37, point 31 ; Campogrande/Commission, T‑136/98, EU:T:2000:281, point 42 ; Schochaert/Conseil, T‑136/03, EU:T:2004:229, point 49, et Lo Giudice/Commission, EU:T:2007:322, point 136).

38

En présence d’allégations de harcèlement, l’obligation d’assistance comporte, en particulier, le devoir pour l’administration d’examiner sérieusement, avec rapidité et en toute confidentialité, la plainte pour harcèlement et d’informer le plaignant de la suite réservée à sa plainte (arrêt Klug/EMEA, F‑35/07, EU:F:2008:150, point 74).

39

En ce qui concerne les mesures à prendre dans une situation qui entre dans le champ d’application de l’article 24 du statut, l’administration dispose d’un large pouvoir d’appréciation, sous contrôle du juge de l’Union, dans le choix des mesures et moyens d’application de l’article 24 du statut. Le contrôle du juge de l’Union consiste ainsi uniquement à apprécier si l’institution concernée s’est tenue dans des limites raisonnables et n’a pas usé de son pouvoir d’appréciation de manière manifestement erronée (voir arrêts Haas e.a./Commission, T‑3/96, EU:T:1998:202, point 54 ; Schmit/Commission, EU:T:2005:158, point 98, et Lo Giudice/Commission, EU:T:2007:322, point 137).

40

À cet égard, il y a lieu de souligner que l’institution ne saurait prendre des sanctions disciplinaires à l’encontre de fonctionnaires visés par une plainte pour harcèlement, qu’il s’agisse ou non de supérieurs hiérarchiques de la supposée victime, ou encore décider de les réaffecter que si les mesures d’instruction ordonnées établissent avec certitude l’existence, de la part des fonctionnaires concernés, d’un comportement portant atteinte au bon fonctionnement du service ou à la dignité et à la réputation d’un autre fonctionnaire (arrêts Katsoufros/Cour de justice, 55/88, EU:C:1989:409, point 16 ; Dimitriadis/Cour des comptes, T‑294/94, EU:T:1996:24, point 39, et Schmit/Commission, EU:T:2005:158, point 108).

41

En ce qui concerne la notion de «harcèlement moral», celle-ci est définie comme une «conduite abusive» qui, premièrement, se matérialise par des comportements, paroles, actes, gestes ou écrits manifestés «de façon durable, répétitive ou systématique», ce qui implique que le harcèlement moral doit être compris comme un processus s’inscrivant nécessairement dans le temps et suppose l’existence d’agissements répétés ou continus et qui sont «volontaires», par opposition à «accidentels». Secondement, pour relever de cette notion, ces comportements, paroles, actes, gestes ou écrits doivent avoir pour effet de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne (voir arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, points 76 et 77, ainsi que la jurisprudence citée).

42

Il n’est ainsi pas nécessaire d’établir que les comportements, paroles, actes, gestes ou écrits en cause ont été commis avec l’intention de porter atteinte à la personnalité, à la dignité ou à l’intégrité physique ou psychique d’une personne. En d’autres termes, il peut y avoir harcèlement moral sans qu’il soit démontré que le harceleur ait entendu, par ses agissements, discréditer la victime ou dégrader intentionnellement ses conditions de travail. Il suffit que ces agissements, dès lors qu’ils ont été commis volontairement, aient entraîné objectivement de telles conséquences (voir arrêts Cantisani/Commission, F‑71/10, EU:F:2012:71, point 89, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 77, et la jurisprudence citée).

43

Enfin, l’agissement en cause devant, en vertu de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut, présenter un caractère abusif, il s’ensuit que la qualification de «harcèlement» est subordonnée à la condition que celui-ci revête une réalité objective suffisante, au sens où un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, considérerait le comportement ou l’acte en cause comme excessif et critiquable (arrêt Skareby/Commission, F‑42/10, EU:F:2012:64, point 65).

44

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner les moyens invoqués par la requérante.

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs manifestes d’appréciation et de la violation corrélative de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut et de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte

Arguments des parties

45

Par ce moyen, la requérante fait valoir que, en refusant de reconnaître que les faits invoqués par elle, notamment lorsqu’ils sont examinés dans un contexte plus large, sont constitutifs d’un harcèlement moral émanant du chef d’unité et du directeur, l’AIPN a commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation des faits survenus et, partant, a conclu, à tort, à l’absence de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut, méconnaissant ainsi cette disposition, de même que l’article 31, paragraphe 1, de la Charte.

46

À l’appui de ce moyen, la requérante fait valoir toute une série d’«incidents particuliers», identifiés par elle comme constituant, tant séparément que conjointement, un harcèlement moral à son égard.

47

Ces différents «incidents particuliers», qu’il convient d’examiner comme étant le fondement d’autant de griefs invoqués dans le cadre du premier moyen, doivent, selon la requérante, être replacés et examinés dans le contexte général dans lequel le harcèlement allégué se serait manifesté. La requérante décrit en substance ce contexte en se fondant sur les faits suivants : en premier lieu, les faits liés à la préparation et la soumission de «questions à la direction» et à l’adoption du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011 ; en deuxième lieu, les faits liés à l’application des critères fixés pour sélectionner les candidats à un cours de langue durant l’été en Irlande et l’instruction que lui avait donnée le directeur concernant la présentation d’excuses ; en troisième lieu, la note du directeur, du 29 mars 2012, lui retirant certaines tâches ; et, en quatrième lieu, son état de santé général, tel que décrit dans plusieurs certificats médicaux établis entre le 15 février 2012 et le 13 décembre 2013.

48

Le Parlement conclut au rejet du premier moyen comme étant non fondé en faisant valoir que les faits décrits ne relèvent nullement de la notion de harcèlement, mais révéleraient uniquement des relations difficiles et conflictuelles entre la requérante et sa hiérarchie. Ainsi, ces faits ne permettraient pas de constater l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation de l’AIPN.

Appréciation du Tribunal

49

Le Tribunal se propose, aux fins du traitement du premier moyen, d’examiner d’abord chronologiquement chacun des évènements mentionnés par la requérante au regard de l’article 12 bis du statut avant de les examiner conjointement.

– Sur l’incident lié à une demande de participation à un cours de remise à niveau en anglais à l’université de Bath (Royaume-Uni) durant l’été 2011

50

Selon la requérante, un cours de remise à niveau en langue anglaise avait été mentionné dans son rapport de notation portant sur l’année 2010 au titre des formations à cibler pour l’année 2011. Dans cette perspective, le chef d’unité lui a remis, le 7 avril 2011, une lettre de recommandation pour soutenir la demande de la requérante auprès du service compétent du Parlement. Cependant, après avoir entrepris les démarches nécessaires pour participer à cette formation, y compris l’engagement de frais de réservation liés au transport et/ou à l’hébergement, la requérante a appris, le 20 avril 2011, que les règles administratives du Parlement s’opposaient à son inscription à un tel cours. C’est dans ces conditions que la requérante reproche à son chef d’unité d’avoir omis de lui indiquer que le bénéfice de cours individuels de perfectionnement n’était jamais accordé et de l’avoir incitée à postuler à un tel cours «tout en sachant pertinemment que sa candidature serait rejetée».

51

À cet égard, force est de constater que l’examen des demandes de participation à des formations linguistiques, organisées partiellement ou totalement sur le temps de travail, en dehors des lieux de travail et qui sont financées par l’institution, relève, au Parlement et à l’instar d’autres institutions, du service en charge de la formation professionnelle qui instruit les dossiers de demande afin de sélectionner, au regard des possibilités budgétaires, les personnes remplissant les conditions établies par l’institution au regard de l’intérêt du service.

52

Même s’il peut être raisonnablement attendu d’un chef d’unité qu’il connaisse, de manière générale, les règles applicables en la matière, il ne saurait être exigé de lui qu’il puisse déterminer ou prédire si une demande de formation de l’un de ses subordonnés remplit les conditions d’éligibilité. En particulier, en l’espèce, rien dans le dossier ne permet de considérer, comme le fait valoir la requérante, que le chef d’unité savait pertinemment, lorsqu’elle lui a remis une lettre de recommandation, que les règles applicables en la matière au Parlement ne permettaient pas de financer le type de cours envisagé par la requérante.

53

En tout état de cause, le Tribunal constate que, ainsi que cela ressort d’un courriel du 17 mai 2011 envoyé par la requérante à un agent de l’unité chargée de la formation professionnelle au sein de la DG «Interprétation et conférences», la requérante, au moment où elle avait soumis sa candidature, avait été informée du fait qu’il pourrait y avoir des difficultés quant à l’acceptation de sa demande.

54

Partant, les faits susmentionnés ne sauraient aucunement être considérés comme constitutifs de harcèlement moral.

– Sur les incidents liés à une mission à Bakou

55

Selon la requérante, c’est à tort que, dans la décision de refus d’assistance, l’AIPN a considéré que les évènements qu’elle avait décrits, en lien avec une mission à Bakou (Azerbaïdjan) ayant eu lieu les 20 et 21 juin 2011 (ci-après la «mission à Bakou»), ne constituaient que des «problèmes d’importance mineure». En effet, selon la requérante, dans la mesure où les problèmes survenus en lien avec cette mission lui ont valu une note critique du directeur, établie le 14 septembre 2011, et des remarques négatives dans son rapport de notation 2011, l’AIPN a nécessairement commis une erreur manifeste d’appréciation en qualifiant ceux-ci de mineurs.

56

Les faits auxquels se réfère la requérante dans le cadre de ce deuxième grief sont relatifs, d’une part, au fait qu’elle n’avait pas, en sa qualité de chef d’équipe, signalé dans le rapport de chef d’équipe un problème survenu sur place en ce qui concernait la taille des cabines d’interprétation mises à la disposition de l’équipe lors de la mission à Bakou.

57

D’autre part, lorsqu’il lui avait été demandé, le 7 juin 2011, de remettre son passeport au service compétent du Parlement afin que celui-ci puisse lui obtenir un visa en temps utile en vue de cette mission, la requérante, bien que s’étant aperçue que, le week-end précédent, soit celui des 4 et 5 juin 2011, elle avait laissé son passeport au domicile de ses parents en République tchèque, s’était contentée d’informer le chef d’unité, sans autre précision, que le service du protocole pourrait ne pas être en mesure de lui obtenir un visa en temps utile. Le chef d’unité avait, par courriel du 8 juin 2011, déploré que la requérante n’ait pas déjà déclaré, quand elle avait déposé, le 7 juin 2011, une demande de congé annuel pour le 10 juin suivant, qu’elle ne serait pas en mesure de fournir son passeport pour se soumettre aux formalités tendant à l’obtention d’un visa. Par un nouveau courriel également envoyé le 8 juin 2011, la requérante avait alors répondu que le problème rencontré n’avait rien à voir avec sa demande de congé. C’est dans ce contexte qu’elle avait affirmé, toujours dans ce même courriel : «[…] même si ce ne sont pas tes affaires, à titre d’information, je te signale que je ne pourrai pas présenter mon passeport ce vendredi [10 juin 2011], avec ou sans [la demande de] congé annuel. […]» Le 10 juin 2011, la requérante a finalement transmis son passeport au service du protocole. Ainsi, elle a pu participer à la mission à Bakou comme cela avait été initialement prévu. À cet égard, aux dires de la requérante, lors d’un entretien qui a eu lieu le 4 juillet 2011, le chef d’unité et elle-même auraient décidé d’un commun accord de régler l’«affaire du passeport» à l’amiable.

58

Par note du 14 septembre 2011, le directeur a reproché à la requérante d’avoir créé et entretenu la confusion quant à la possibilité qu’elle puisse participer à la mission à Bakou, notamment par l’envoi d’un courriel à ce sujet à la délégation aux commissions de coopération parlementaire Union européenne-Arménie, Union européenne-Azerbaïdjan et Union européenne-Géorgie. Le directeur lui a également reproché de ne pas avoir informé sa hiérarchie plus tôt de l’éventuelle indisponibilité de son passeport, ce qui aurait pu, le cas échéant, permettre au service des missions de remplacer la requérante. Elle aurait ainsi contraint le service du protocole à faire le nécessaire pour lui obtenir un visa en quatre jours. Cet épisode du passeport a valu à la requérante la mention «[d]oit adopter une attitude moins intransigeante envers ses supérieurs hiérarchiques (voir note du [14 septembre 2011])» dans son rapport de notation 2011.

59

À cet égard, en l’absence d’éléments factuels additionnels soumis par la requérante, le Tribunal réitère ce qu’il a considéré au point 84 de l’arrêt CW/Parlement (F‑48/13, EU:F:2014:186), statuant sur le recours dirigé contre le rapport de notation 2011, à savoir que, indépendamment du fait qu’elle en avait informé verbalement son chef d’unité, la requérante n’a, en tout état de cause, pas consigné dans le rapport de chef d’équipe le problème de l’exiguïté des cabines d’interprétation à Bakou, alors même que ceci constituait une méconnaissance, sur le terrain, des prescriptions de l’article 7, paragraphe 1, de la décision du secrétaire général du Parlement du 3 janvier 2006, établissant les dispositions applicables aux interprètes permanents, temporaires et auxiliaires de cette institution. Partant, la circonstance que ceci lui a été reproché, y compris dans le rapport de notation 2011, relève de l’exercice, par l’AIPN, de son large pouvoir d’appréciation de la qualité des prestations de ses fonctionnaires, mais ne dénote pas une quelconque forme de harcèlement, étant en outre rappelé que des notes et des appréciations tant négatives que positives contenues dans un rapport de notation ne sauraient être, en tant que telles, considérées comme des indices de ce que ledit rapport aurait été établi dans un but de harcèlement moral (voir arrêt Faita/CESE, F‑92/11, EU:F:2013:130, point 90).

60

De la même manière, il ressort des courriels échangés par la requérante et le chef d’unité que la requérante n’a effectivement fait preuve ni de souplesse ni de clairvoyance en n’informant pas sa hiérarchie de ce qu’elle risquait de ne pas pouvoir fournir son passeport en temps utile en vue de sa participation à la mission à Bakou.

61

Les remontrances formulées à cet égard, par le directeur dans la note du 14 septembre 2011 et par l’AIPN dans le rapport de notation 2011, ne peuvent pas être raisonnablement interprétées, par un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, comme excessives et critiquables. Partant, elles ne peuvent pas être raisonnablement interprétées comme une quelconque forme de harcèlement.

– Sur l’incident relatif à la coordination des volontaires pour les missions

62

La requérante reproche à l’AIPN de ne pas avoir retenu comme une preuve du dénigrement dont elle a fait l’objet de la part de son chef d’unité le fait que cette dernière, sans prévenir la requérante, avait subitement annoncé, lors d’une réunion de l’unité du 15 juin 2011, que celle-ci ne serait plus impliquée dans l’organisation des missions, notamment dans la coordination des volontaires et l’établissement des statistiques relatives aux participations de l’unité, alors même que le chef d’unité savait que la requérante affectionnait cette tâche qui lui avait été confiée par le précédent chef d’unité. Elle souligne à cet égard que, initialement, le chef d’unité n’avait pas motivé sa décision et qu’elle avait ensuite successivement avancé des motifs différents, à savoir le fait qu’elle souhaitait, en sa qualité de chef d’unité, connaître les préférences des membres de l’unité en matière de missions, puis le fait qu’un nouveau logiciel statistique était disponible et, enfin, lors d’une réunion conjointe entre les interprètes permanents et les agents interprètes de conférence («Joint staff – AIC meeting»), que des raisons d’ordre pratique avaient présidé à sa décision.

63

À cet égard, le Tribunal ne peut que rappeler que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces mêmes questions ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral, d’autant plus lorsque, comme en l’espèce, la position adoptée par le supérieur hiérarchique s’inscrit précisément dans ses fonctions de coordination et de direction de l’unité (arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 98, et la jurisprudence citée).

64

Même si, compte tenu du climat tendu au sein de l’unité, il aurait certes été plus indiqué, afin également d’éviter de renforcer le ressenti de la requérante sur leurs difficultés relationnelles, que le chef d’unité lui annonce en tête-à-tête sa décision de ne plus l’impliquer dans l’organisation des missions et de gérer désormais directement cette question en sa qualité de chef d’unité, le Tribunal considère qu’une telle décision peut être annoncée lors d’une réunion d’unité, sans que cela puisse constituer, en soi, un acte susceptible d’être qualifié de harcèlement moral. En outre, une telle réorganisation des tâches, de surcroît décidée par un chef d’unité à l’issue de sa première année passée dans ses nouvelles fonctions, peut apparaître, aux yeux d’un observateur impartial et raisonnable, comme l’exercice légitime des prérogatives afférentes à de telles fonctions.

– Sur la réunion du 23 mai 2011 et les incidents subséquents liés à l’adoption du compte rendu de cette réunion

65

Même si, ainsi que le souligne le Parlement, ce n’est que dans la partie de sa requête relative à l’«[exposé des faits à l’origine du litige]» que la requérante expose les différends l’ayant opposée, notamment avec CQ, au chef d’unité sur la question de la rédaction du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011, le Tribunal constate que la requérante soutient, en définitive, que les faits en relation avec cette question, examinés dans la décision de refus d’assistance, constituent la preuve d’un harcèlement moral.

66

À cet égard, le Tribunal rappelle d’emblée que, bien qu’il ne soit pas exclu que le chef d’unité ait pu accidentellement adopter un ton inapproprié lors de la réunion du 23 mai 2011, des paroles ou des gestes accidentels, même s’ils peuvent apparaître inappropriés, sont exclus du champ d’application de l’article 12 bis, paragraphe 3, du statut (voir arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 95).

67

S’agissant des modalités générales de modification des projets de procès-verbaux de réunions, le chef d’unité a indiqué, dans un courriel du 29 juillet 2011 en réponse à un courriel de la requérante du 28 juillet 2011, envoyé également à tous les membres de l’unité et mettant en doute la compétence du chef d’unité en la matière, qu’il était d’usage que la décision arrêtant la version finale d’un procès-verbal incombe au chef d’unité et qu’elle s’efforcerait de trouver les éventuelles dispositions écrites existantes à cet égard à son retour de vacances estivales.

68

Par la suite, le chef d’unité a exposé les principes régissant l’adoption des procès-verbaux des réunions d’unité dans un courriel du 13 septembre 2011 adressé à l’unité. Cependant, par courriel du 6 octobre 2011, la requérante a réitéré sa demande tendant à ce que les commentaires approuvés par plusieurs des participants à la réunion du 23 mai 2011, dont elle-même, figurent en annexe au compte rendu de la réunion. Par courriel du 7 octobre 2011, le chef d’unité lui a indiqué qu’elle avait déjà donné les raisons de son refus d’insérer lesdits commentaires et la priait de respecter sa décision ainsi que de cesser toute correspondance sur cette question.

69

À cet égard, la requérante estime que sa convocation par le directeur, par courriel du 19 octobre 2011, à une réunion dans son bureau prévue le 24 octobre suivant, alors qu’elle était à ce moment-là en train d’assurer l’interprétation d’une session parlementaire nocturne, a constitué une manifestation supplémentaire de harcèlement puisqu’elle était déjà très éprouvée par son précédent entretien avec le directeur au sujet de la mission de Bakou. Ainsi, tout en lui confirmant, par courriel du 19 octobre 2011, sa présence à cette entrevue, la requérante a demandé au directeur de lui indiquer les motifs de celle-ci, tout en soulignant que leur précédente entrevue avait été une expérience traumatisante pour elle. Le lendemain, le directeur lui a indiqué qu’il souhaitait s’entretenir avec elle au sujet de ses relations avec le chef d’unité et avec ses collègues de l’unité.

70

Lors de la réunion du 24 octobre 2011, tenue en présence du chef d’unité et ayant fait l’objet d’une note versée au dossier personnel de la requérante, le directeur lui a demandé de se conformer aux décisions du chef d’unité, de ne pas alimenter des discussions internes au sein de l’unité par courriel, mais de privilégier le dialogue bilatéral avec son chef d’unité, ainsi que de cesser de revenir sur la question de la rédaction du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011.

71

À cet égard, le Tribunal ne peut que rappeler à nouveau que, compte tenu du large pouvoir d’appréciation dont jouissent les institutions dans l’organisation de leurs services, ni des décisions administratives sur des questions relevant de l’organisation des services, même si celles-ci sont difficiles à accepter, ni des désaccords avec l’administration sur ces mêmes questions ne sauraient à eux seuls prouver l’existence d’un harcèlement moral (arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 98, et la jurisprudence citée). Or, en l’espèce, le Tribunal considère que la position adoptée par le chef d’unité sur la question de la version finale du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011 s’inscrivait précisément dans ses fonctions de coordination et de direction de l’unité.

72

Quant à la réunion du 24 octobre 2011, celle-ci peut aisément apparaître, du point de vue d’un observateur impartial et raisonnable, comme une ultime tentative de la hiérarchie en vue de mettre fin à l’escalade de courriels de la requérante, envoyés pour l’essentiel durant les horaires normalement consacrés au travail d’interprétation et de préparation aux sessions d’interprétation, ainsi qu’aux diverses controverses sur la question de la rédaction du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011.

73

Quant à l’affirmation de la requérante selon laquelle le directeur lui aurait indiqué qu’un chef d’unité a toujours raison et doit être écouté, le Tribunal relève que la requérante ne fournit aucun élément de preuve permettant d’appréhender la réalité, le ton ou encore la teneur de cette déclaration et que, en tout état de cause, il est inhérent au fonctionnement d’une administration que la hiérarchie puisse décider de questions telles que celles relatives à l’adoption de procès-verbaux ou aux modalités de communication devant être privilégiées entre les membres d’une unité administrative (voir, en ce sens, arrêt CW/Parlement, EU:F:2014:186, point 123), en particulier en présence de situations de débordements évidents versant dans le conflit de personnes.

74

Eu égard à ce qui précède, le Tribunal considère que les évènements qui ont entouré l’adoption du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011 ne répondent pas à la définition du harcèlement moral, mais reflètent, en réalité, une situation conflictuelle interne à un service administratif, à laquelle la requérante a apporté sa contribution et à laquelle sa hiérarchie a tenté de remédier en ménageant tant les exigences du service que les susceptibilités de la requérante.

– Sur l’incident lié au groupe de travail sur la formation professionnelle

75

À la suite de sa désignation, à sa demande, en vue de représenter la cabine tchèque dans un groupe de travail sur la formation («Training Working Party»), la requérante a été priée par son chef d’unité, le 30 août 2011, de lui faire parvenir après chaque réunion les informations relatives aux conclusions du groupe de travail. Selon la requérante, cela s’est traduit en pratique par un contrôle préalable par le chef d’unité du récapitulatif des conclusions des réunions du groupe de travail avant que celui-ci ne puisse être communiqué par la requérante aux autres collègues de l’unité.

76

La requérante soutient à cet égard que, dans la mesure où tant la collègue qui l’a précédée dans ces fonctions, en l’occurrence CQ, que celle qui lui a succédé dans les mêmes fonctions n’ont pas été dans l’obligation d’obtenir l’accord préalable du chef d’unité avant de communiquer les informations recueillies lors des réunions du groupe de travail ainsi que les conclusions dudit groupe au reste de l’unité, le chef d’unité aurait abusé de son pouvoir hiérarchique. Ceci constituerait ainsi une manifestation supplémentaire du harcèlement moral déployé à son égard.

77

À cet égard, le Tribunal constate que, d’une manière générale, la décision du chef d’unité de prendre connaissance du contenu des informations recueillies lors des réunions du groupe de travail sur la formation par le représentant de la cabine tchèque avant qu’elles ne soient diffusées à l’ensemble de l’unité relève de ses prérogatives en tant que chef d’unité et, en l’espèce, était tout à fait compréhensible compte tenu du risque, qui s’était réalisé par le passé, que la diffusion d’informations erronées puisse gêner le bon fonctionnement de l’unité (voir arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, points 102 à 104), risque d’autant plus grand dans le cas d’une personne nouvellement nommée et novice dans cette tâche, telle que la requérante.

78

La circonstance que le successeur de la requérante dans le groupe de travail sur la formation n’ait pas, pour sa part, été soumis à un contrôle préalable du contenu des informations que cette personne était autorisée à relayer directement à l’unité à l’issue des réunions du groupe de travail n’est pas pertinente, étant donné que, ainsi que l’a fait valoir le Parlement, ce groupe de travail adopte désormais le procès-verbal de ses réunions, ce qui constitue en soi une source d’informations fiables et univoques, indépendamment de l’éventuel rendu qui en serait fait par le représentant de l’unité au sein de ce groupe de travail.

79

Il en résulte que, en exigeant de pouvoir contrôler préalablement les informations que la requérante entendait distribuer aux membres de l’unité en lien avec les discussions dans le cadre du groupe de travail sur la formation, le chef d’unité est restée dans les limites du pouvoir d’appréciation qui est le sien. En tout état de cause, pareille décision, même si elle a pu déplaire à la requérante, ne relève nullement d’un harcèlement moral.

– Sur les faits liés au séminaire de formation du 24 novembre 2011

80

Appelée à participer à un séminaire de formation en qualité de chef d’équipe, la requérante a demandé à son chef d’unité en quoi consisteraient exactement son rôle et ses responsabilités lors de ce séminaire. Par courriel en réponse du 23 novembre 2011, le chef d’unité l’a invitée à consulter la section correspondante du site intranet dénommé EPIweb. Après en avoir pris connaissance, la requérante a demandé à nouveau au chef d’unité quelles seraient ses tâches en tant que chef d’équipe lors du séminaire, car les instructions figurant sur le site intranet EPIweb ne fournissaient aucune indication à ce sujet. Il ressort des courriels subséquents échangés entre la requérante et le chef d’unité que, en substance, il n’y avait aucune instruction particulière à ce sujet sur le site intranet EPIweb et que le chef d’unité s’est félicitée du fait que la requérante avait pris connaissance des règles relatives aux fonctions de chef d’équipe, tandis que la requérante a reproché au chef d’unité de ne pas lui avoir dit dès le départ qu’il n’y avait aucune règle en la matière, l’incitant de la sorte à consulter inutilement le site intranet EPIweb.

81

À cet égard, le Tribunal ne décèle pas dans la teneur des courriels susmentionnés du chef d’unité, produits en annexe à la requête, en quoi ceux-ci pourraient constituer un acte ou un comportement pouvant répondre à la définition statutaire du harcèlement moral. En effet, outre le fait que le ton adopté par le chef d’unité était approprié, le Tribunal considère que, en tout état de cause, le chef d’unité pouvait légitimement inviter la requérante à consulter la section du site intranet EPIweb relative aux chefs d’équipe, notamment compte tenu de la méconnaissance des règles applicables dont elle avait auparavant fait preuve et qui avait fait l’objet de remarques dans son rapport de notation 2011. En revanche, il n’est pas exclu qu’un observateur impartial et raisonnable puisse voir dans les réponses de la requérante aux courriels du chef d’unité une certaine propension de la requérante à chercher le conflit avec son supérieur hiérarchique.

– Sur les faits liés à la demande de participation à l’université d’été de 2012

82

Le 16 septembre 2011, le chef d’unité a communiqué au personnel de l’unité les critères définis par la hiérarchie pour la sélection des candidats pour un cours d’anglais, en tant que langue passive («langue C»), organisé en Irlande durant l’été 2012. Il en ressort que le cours était organisé pour les «nouveaux collègues ou des collègues qui [avaient] récemment ajouté l’[anglais en tant que langue passive]» à leur combinaison linguistique.

83

Le 22 septembre 2011, la requérante a fait savoir à son chef d’unité qu’elle était intéressée par ce cours d’anglais. Dans sa réponse du même jour, le chef d’unité, en renvoyant aux critères déjà communiqués, a rappelé que le cours était destiné aux «nouveaux collègues ou [à] des collègues qui [venaient d’]ajout[er] l’[anglais en tant que langue passive]» à leur combinaison linguistique, alors que la requérante possédait l’anglais comme langue active («langue B») et qu’elle n’était plus à considérer comme une nouvelle collègue.

84

À la suite de la diffusion par le chef d’unité du procès-verbal d’une réunion tenue le 21 novembre 2011, la requérante a appris que deux de ses collègues ayant, comme elle, l’anglais comme langue active avaient été retenues pour l’université d’été. Par courriel du 14 décembre 2011, la requérante a demandé des explications au chef d’unité, notamment quant au point de savoir si les règles concernant la participation aux universités d’été avaient changé. Par courriel du 15 décembre 2011, le chef d’unité a confirmé à la requérante que toutes les personnes admises aux universités d’été remplissaient les critères adoptés par le directeur général de la DG «Interprétation et conférences» (ci-après le «directeur général»), lesquels demeuraient inchangés, et que la liste des participants pour l’été 2012 avait été approuvée par le directeur général. Dans un courriel en réponse du même jour, la requérante a notamment expliqué que sa décision de se reporter sur une université d’été en français en tant que langue passive tenait au fait que le chef d’unité avait refusé de l’inscrire pour l’université d’été en anglais. Par ailleurs, elle réitérait sa demande d’obtenir du chef d’unité des explications sur la sélection des personnes participant aux universités d’été. Par courriel du 16 décembre 2011, le chef d’unité a notamment souligné que, s’agissant de sa demande de participation à l’université d’été de langue anglaise et tout en regrettant que la requérante ait mal interprété ses propos, cette dernière ne remplissait ni le critère lié à une entrée en fonctions récente ni celui lié à un ajout récent de la langue en cause. Indiquant qu’il n’avait rien à ajouter, le chef d’unité l’a invitée à s’adresser au directeur si elle n’était pas satisfaite de la situation. Dans sa réponse du même jour, la requérante a fait savoir au chef d’unité que, «[c]ontrairement à [elle], [elle] n[’allait] pas s’adresser [au directeur] uniquement parce qu[’elle] n[’était] pas d’accord avec ce qu[’elle fai[sait] et la manière dont elle le fai[sait]» et que, «[u]ne fois de plus, [elle] souhaiterai[t] [lui] demander d’expliquer [son] affirmation selon laquelle les [deux autres] collègues […] rempliss[aient] les critères établis par le directeur général alors que leur situation [était] identique à la [sienne]». En l’absence de réponse du chef d’unité, la requérante a de nouveau demandé des explications sur les critères appliqués par un courriel du 11 janvier 2012.

85

Lors d’une réunion de l’unité du 13 janvier 2012, à laquelle participaient la majorité des membres de l’unité, y compris la requérante, le chef d’unité a déclaré qu’un membre de l’unité mettait en doute le fait qu’elle ait correctement appliqué les critères de sélection pour les universités d’été. Le chef d’unité a ainsi dû justifier pourquoi elle avait considéré que les deux collègues de l’unité retenues pour la langue anglaise, entrées en fonctions en 2009, remplissaient le critère lié à une entrée en fonctions récente. La requérante est intervenue dans ce contexte en relevant que la question de savoir si une entrée en fonctions en 2009 devait être considérée comme «récente» pouvait être débattue. Toutefois, elle a indiqué qu’elle pouvait accepter le point de vue du chef d’unité sur cette question, mais en faisant part de ses interrogations sur l’interprétation d’autres critères.

86

Par courriel du 17 janvier 2012 adressé à tous les membres de l’unité, le chef d’unité a souhaité apporter des clarifications sur plusieurs sujets à la suite de la réunion de l’unité du 13 janvier précédent. Dans ce contexte, elle a notamment souligné que, contrairement à ce qu’avait sous-entendu la requérante, à savoir qu’elle aurait méconnu les critères applicables pour participer aux universités d’été, elle avait fait une application tout à fait correcte desdits critères en retenant la candidature des deux collègues de l’unité arrivées en 2009. Le chef d’unité soulignait que, en tout état de cause, en application desdits critères, la requérante ne pouvait pas participer à une université d’été de langue anglaise. La requérante a répondu à ce courriel du chef d’unité par courriel, également adressé à tous les membres de l’unité, du 18 janvier 2012.

87

Par courriel adressé à la requérante et en copie au directeur, le chef d’unité a, le 19 janvier 2012, contesté la lecture des évènements faite par la requérante et lui a notamment rappelé l’obligation statutaire qui lui incombe de respecter les décisions adoptées par sa hiérarchie, d’autant plus au regard de sa position de fonctionnaire sénior. Par courriel du 20 janvier 2012 adressé au chef d’unité et en copie au directeur, la requérante a reconnu qu’elle «a[vait] commis une erreur», puisqu’elle «a[vait] réellement cru que, en ce qui concern[ait] les candidatures pour les universités d’été en Irlande, [elle] étai[t] dans la même situation que les deux autres collègues ayant l’anglais comme [langue active]». La requérante indiquait au chef d’unité qu’elle «souhait[ait] [s]’en excuser».

88

Par note du 1er février 2012, mentionnée au point 12 du présent arrêt et qui a été remise en main propre à la requérante, le directeur lui a fait part de son insatisfaction quant à son comportement. En particulier, il a souligné qu’elle ne s’était pas conformée à ses instructions, formalisées et rappelées dans un courriel du 24 octobre précédent, à savoir, notamment, d’en référer à lui en cas de divergences d’opinion avec son chef d’unité et d’éviter d’envoyer des courriels à toute l’unité. Visant les articles 12, 12 bis et 21 du statut, le directeur a considéré dans cette note que le comportement de la requérante constituait une preuve sérieuse de son manque de loyauté vis-à-vis de sa hiérarchie. À cet égard, il lui a donné l’instruction formelle d’envoyer un courriel à l’unité afin de présenter ses excuses au chef d’unité, premièrement, pour avoir envoyé son courriel du 18 janvier 2012, deuxièmement, pour avoir, à tort, affirmé que le chef d’unité n’avait pas correctement appliqué les critères de sélection pour la participation aux universités d’été et, troisièmement, pour avoir affirmé que le chef d’unité n’avait pas répondu à ses courriels. Le directeur lui a également rappelé qu’il allait sans dire que la requérante devait s’abstenir, d’une part, d’impliquer à nouveau ses collègues dans ses différends avec le chef d’unité et, d’autre part, de recourir aux envois de courriels à l’ensemble de l’unité.

89

Par courriel en réponse du 4 février 2012, la requérante a, sur quatre pages, présenté ses observations sur la note du 1er février précédent. Elle y reprochait au chef d’unité de ne pas avoir su éviter cette escalade de courriels, notamment en communicant de manière ambiguë et elliptique, ce qui l’avait incitée à demander davantage d’explications, même si cela pouvait être perçu comme un signe d’entêtement de sa part. La requérante débutait ses observations en «répét[ant] encore une fois à quel point [elle] [était] désolée de toute la situation […] qui a[vait] pris une proportion démesurée», en soulignant qu’«[elle] n’a[vait] pas accusé le [chef d’unité] d’un manquement ou de ne pas avoir appliqué correctement les critères pour l’université d’été [de langue anglaise] ([langue] C)». Dans une note de six pages datée du 10 février 2012, le directeur a répondu aux observations de la requérante, notamment sur celles qui concernaient l’exactitude des traductions vers l’anglais des courriels en langue tchèque qui avaient été échangés entre elle et le chef d’unité. Un échange de courriels a ensuite eu lieu entre la requérante et le directeur au sujet notamment de la demande de la requérante de pouvoir fournir sa propre traduction en langue anglaise desdits courriels, demande à laquelle le directeur a finalement accédé. Cela étant, par courriel du 15 février 2012, le directeur a indiqué à la requérante que ses explications ne le convainquaient pas et a déploré que cette volumineuse correspondance électronique ait coûté beaucoup de temps de travail tant à la requérante et à son chef d’unité que, désormais, à lui en sa qualité de directeur. Il réitérait par conséquent les instructions figurant dans sa note du 1er février 2012.

90

De retour d’un congé de maladie, la requérante a répondu au directeur par courriel du 16 février 2012. Elle est revenue sur la question de l’exactitude des traductions des courriels en langue tchèque échangés avec le chef d’unité et a contesté l’instruction du directeur de présenter ses excuses. Par courriel du lendemain, le directeur a réitéré ses instructions tendant à ce que la requérante présente ses excuses par courriel adressé à tous les membres de l’unité, au chef d’unité et à lui-même et a indiqué que, en cas de refus d’obtempérer, il engagerait sans délai une procédure disciplinaire. Le 20 février suivant, le médecin traitant de la requérante lui a prescrit un arrêt de travail pour maladie jusqu’au 2 mars 2012. Le 29 février 2012, le directeur a envoyé un courriel à la requérante par lequel il réitérait, de manière comminatoire, ses instructions et soulignait que, bien qu’en congé de maladie à ces dates, elle avait été aperçue dans l’enceinte du Parlement les 20 et 22 février 2012, de sorte qu’elle était en mesure de se conformer à ses instructions relatives à l’envoi d’un courriel d’excuses se limitant à trois lignes. Le directeur indiquait que, s’il ne recevait pas le courriel demandé le jour même, il engagerait une procédure disciplinaire.

91

Le Tribunal constate d’emblée que, notamment dans son courriel du 20 janvier 2012, la requérante a reconnu qu’elle n’avait pas compris qu’elle n’était pas dans la même situation que les deux collègues qui avaient été sélectionnées pour participer à l’université d’été se déroulant en Irlande et a, en substance, présenté ses excuses à cet égard. Ensuite, il ressort du dossier que la requérante a indûment remis en cause publiquement l’autorité et la crédibilité de son supérieur hiérarchique direct, à savoir le chef d’unité, lors de la réunion de l’unité du 13 janvier 2012 et qu’elle a, dans son courriel au chef d’unité du 18 janvier 2012, adressé en copie à l’ensemble des membres de l’unité, fait de nouvelles remontrances au chef d’unité. Compte tenu de ces circonstances, lors desquelles la requérante a clairement méconnu l’instruction du directeur de cesser de communiquer par courriels adressés à de multiples destinataires et de s’adresser à lui en cas de différends avec son chef d’unité, le Tribunal considère que, dans son principe, l’ordre du directeur tendant à ce que la requérante adresse ses excuses à ce même public ne dépassait pas les limites de son pouvoir d’appréciation dans la gestion de ses services. En particulier, compte tenu de cette mise en cause sans fondement du chef d’unité dans le cercle de l’unité et vis-à-vis de son supérieur hiérarchique, à savoir le directeur, ce dernier a pu exiger, de manière analogue, que les excuses que la requérante avaient déjà communiquées au chef d’unité soient également adressées aux membres de l’unité (voir, en ce sens, arrêt Nanopoulos/Commission, F‑30/08, EU:F:2010:43, point 247).

92

S’agissant du fait que le directeur a réitéré son instruction sur l’envoi d’un courriel d’excuses à toute l’unité durant la période pendant laquelle la requérante était en congé de maladie et qu’il l’a menacée, dans ce contexte, d’engager une procédure disciplinaire si elle ne s’exécutait pas immédiatement, le Tribunal constate que le courriel litigieux, daté du 29 février 2012 à 8 h 03, a été envoyé à l’adresse électronique professionnelle de la requérante, que cette dernière pouvait consulter à partir de son domicile ; que la requérante s’est rendue sur son lieu de travail pendant ledit congé de maladie ; que la démarche du directeur s’inscrivait clairement dans l’idée que la requérante accéderait à ce courriel depuis son poste de travail ou depuis son domicile si elle estimait utile de consulter sa messagerie électronique, afin, indépendamment du fait qu’elle était en congé de maladie, de lui donner l’occasion d’adresser un bref courriel d’excuses en lien avec les incidents liés à la sélection pour les universités d’été et de clore cet incident au sein de l’unité. En tout état de cause, malgré l’absence de réponse de la requérante, le directeur n’a pas mis en œuvre sa menace d’engager une procédure disciplinaire qui, par conséquent, apparaît plutôt comme une énième tentative de mettre fin aux abondants courriels d’explications de la requérante nuisant au bon fonctionnement de l’unité.

93

Compte tenu également du fait que le directeur, dans son courriel du 17 février 2012, tout en faisant une suggestion textuelle pour le courriel d’excuses, laissait à la requérante le soin de formuler ses excuses, le Tribunal considère que, au regard de l’entêtement de la requérante et de sa propension à remettre en cause les décisions de son chef d’unité, un observateur impartial et raisonnable, doté d’une sensibilité normale et placé dans les mêmes conditions, ne considérerait pas comme excessive et critiquable la démarche du directeur et y verrait non pas un acte relevant de la notion de harcèlement moral, mais davantage une tentative de recadrer un membre du personnel dont le comportement était de nature à compromettre le bon fonctionnement du service. Au demeurant, la remise en cause, par la requérante, du bien-fondé de la participation aux universités d’été de ses deux collègues, nouvellement entrées en fonctions dans une unité de taille réduite, ne témoigne pas d’un grand esprit d’équipe.

94

Enfin, même si le ton de certains courriels peut paraître assez ferme, les réactions éventuellement exaspérées de ses supérieurs doivent, en tout état de cause, être considérées comme excusables eu égard au comportement de la requérante (voir arrêt Fonzi/Commission, 27/64 et 30/64, EU:C:1965:73, p. 640).

– Sur les faits liés à l’adoption du procès-verbal de la réunion du 13 janvier 2012

95

À la suite de la réunion de l’unité du 13 janvier 2012, relatée au point 85 du présent arrêt, un projet de procès-verbal de cette réunion a, le 13 février 2012, été transmis aux membres de l’unité. Par courriel du 20 février suivant, la requérante lui a demandé si un délai était fixé pour présenter des observations. Par courriel du même jour, le chef d’unité lui a fait remarquer qu’elle avait, déjà depuis une semaine, eu l’opportunité de faire ses commentaires, tout en lui octroyant un délai allant jusqu’au 24 février suivant pour lui soumettre ses éventuelles observations.

96

La requérante déplore le fait que le chef d’unité ne se soit pas contentée de lui fixer un délai pour déposer ses observations sur le projet de procès-verbal de la réunion en cause, mais qu’elle ait au contraire saisi l’occasion de la «sermonner», alors même que, selon les principes gouvernant l’adoption des procès-verbaux des réunions de l’unité, communiqués par le chef d’unité, ceux-ci sont approuvés lors de la réunion suivante lorsque aucune objection n’a été soulevée.

97

À cet égard, le Tribunal ne décèle rien dans le courriel susmentionné du chef d’unité pouvant répondre à la définition statutaire du harcèlement moral. Tout au plus, si le chef d’unité a pu utiliser une formule perçue par la requérante comme étant sarcastique, le Tribunal considère que, ce faisant, elle n’a pas dépassé les limites de la critique déraisonnable, compte tenu, en particulier, de la pugnacité et de la propension à la contestation dont avait fait preuve la requérante au sujet de l’adoption d’un autre compte rendu, à savoir celui de la réunion du 23 mai 2011.

– Sur les faits liés au retrait de tâches accessoires aux fonctions d’interprète

98

Par note du 29 mars 2012, évoquée au point 14 du présent arrêt, le directeur a informé la requérante que, compte tenu de son état de santé récent, il serait mieux qu’elle se concentre désormais sur ses tâches d’interprétation à Bruxelles et à Strasbourg (France), c’est-à-dire le travail en cabine, la préparation des réunions et la poursuite des cours de langue. En revanche, s’agissant des autres tâches, telles que, notamment, celles impliquant des missions en dehors des trois lieux de travail du Parlement et la participation à un cours de formation pour les formateurs («Training the Trainers»), le directeur a décidé qu’elle devait, pour l’instant, les suspendre.

99

Par courriel du 13 avril 2012, la requérante a manifesté sa surprise et a invité le directeur à reconsidérer sa position au regard notamment de l’avis de son médecin traitant indiquant qu’elle avait pleinement recouvré ses capacités et pouvait ainsi s’acquitter de ses tâches professionnelles à partir du 29 mars 2012. Par courriel du 20 avril suivant, le directeur a lui répondu qu’il avait pris sa décision dans l’intérêt de la requérante, et ce après consultation du service médical du Parlement et en accord avec celui-ci. Il indiquait à cet égard que la situation serait réexaminée à l’issue d’une période de six mois.

100

La requérante ayant demandé des explications à ce sujet au service médical du Parlement, celui-ci lui a en substance fait savoir qu’il ne communiquait pas à la hiérarchie d’informations ou de conseils en lien avec l’état de santé des fonctionnaires. Par courriel du 23 octobre 2012, la requérante a de nouveau demandé au directeur de réexaminer sa décision concernant ses tâches accessoires à ses fonctions d’interprète. Il ressort du dossier que, en substance, à l’issue d’un entretien avec la requérante le 27 novembre 2012, le directeur a conditionné la reprise par la requérante de ses tâches accessoires à la présentation de ses excuses au chef d’unité, par courriel envoyé à toute l’unité, tel qu’exigé dans la note du 1er février précédent. Par courriel du 25 janvier 2013, la requérante a informé le directeur qu’elle était dans l’incapacité d’obéir à son instruction pour les mêmes raisons qu’elle avait, déjà et de nombreuses fois, exposées tant à lui qu’au chef d’unité. Par courriel en réponse du 31 janvier 2013, le directeur a expliqué à la requérante qu’il suffisait qu’elle présente ses excuses pour mettre un terme à la situation décrite par elle comme étant humiliante et intenable. Par ailleurs, il reprochait à la requérante d’avoir demandé à la délégation des interprètes fonctionnaires (DELINT – Staff Interpreters’ Delegation) d’«exprimer [son] inquiétude quant aux critères utilisés par [le chef d’unité] pour sélectionner les candidats aux universités d’été» lors d’une réunion de cette délégation tenue en mars 2012. À l’issue d’une réunion tenue le 10 juin 2013, le directeur a décidé de rétablir la requérante dans ses activités accessoires, à condition toutefois qu’elle respecte les règles applicables, étant entendu que voyager dans le cadre de missions autorisées par le Parlement impliquait une confiance mutuelle et donc un respect des règles en vigueur dans cette institution. Cette décision a été formalisée, à la demande de la requérante, dans une note du directeur du 11 juin 2013, laquelle mentionne que la requérante «est autorisée, comme tous les autres collègues de la direction, à suivre des activités de formation professionnelle dans l’intérêt du service».

101

La requérante se plaint du fait que, sous le motif fallacieux de son état de santé, ses activités accessoires lui ont été retirées à titre de mesures de rétorsion et d’intimidation. Le retrait de ses activités accessoires constituerait ainsi un abus d’autorité et de pouvoir constitutif d’un comportement de harcèlement.

102

À titre liminaire, le Tribunal rappelle que, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires ou agents en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait leur être reconnu pour autant le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques (arrêts Campoli/Commission, T‑100/00, EU:T:2001:75, point 71, et DH/Parlement, F‑4/14, EU:F:2014:241, point 68). Partant, l’autorité compétente de l’institution peut décider de retirer certaines tâches à ses fonctionnaires.

103

S’agissant des tâches qui ont été retirées à la requérante, celles-ci étaient accessoires à ses fonctions principales, à savoir l’interprétation. Elles étaient également limitées puisqu’il s’agissait essentiellement de la participation à des missions en dehors des trois lieux de travail du Parlement – dont l’opportunité ne se présente pas souvent pour des interprètes de langue tchèque –, de la participation au groupe de travail sur la formation ainsi que de la participation à un cours de formation pour les formateurs.

104

Le Tribunal relève que, même si la requérante affectionnait ces activités accessoires, qui peuvent présenter un caractère distractif, il n’en demeure pas moins que les tâches dont elle n’a pas été déchargée étaient les tâches constitutives de l’emploi d’interprète. Ensuite, le retrait des tâches accessoires n’a été décidé qu’à titre temporaire. Quant au fait que le directeur a subordonné la reprise, par la requérante, de ces activités accessoires à son engagement d’adopter un comportement davantage conforme à l’intérêt du service, impliquant qu’elle présente les excuses demandées, le Tribunal considère que, au regard des difficultés relationnelles en partie provoquées par la requérante, cette décision ne dépassait pas les limites du pouvoir d’appréciation du directeur.

105

Il en résulte que la décision du directeur de retirer temporairement à la requérante certaines de ses tâches professionnelles accessoires, lesquelles consistaient essentiellement en des activités de mission et de formation, ne saurait constituer, en tant que telle, une preuve de harcèlement moral (voir arrêt K/Parlement, F‑15/07, EU:F:2008:158, point 38) et ne saurait aucunement être qualifiée d’abus de pouvoir. La circonstance que le directeur a souhaité, à cet égard, renforcer la légitimité de sa décision en communiquant avec le service médical du Parlement sur cette question est sans pertinence.

– Sur les faits liés à la mise à jour d’un glossaire

106

En ce qui concerne la circonstance que le chef d’unité a considéré que la requérante s’était acquittée avec retard de la tâche modeste qui lui avait été confiée, le 31 août 2011, de mise à jour du glossaire concernant l’assiette commune consolidée pour l’impôt sur le revenu, le Tribunal réitère que, contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi qu’il l’a déjà constaté aux points 114 à 117 de l’arrêt CW/Parlement (EU:F:2014:186), les remarques du chef d’unité à ce sujet n’étaient empruntes d’aucune erreur manifeste d’appréciation. Par ailleurs, le Tribunal ne perçoit pas en quoi la mention, par un supérieur hiérarchique, de la faiblesse des prestations d’un fonctionnaire constituerait un comportement constitutif de harcèlement moral, en particulier lorsque la faiblesse en cause est manifeste.

– Sur les faits liés au déplacement de la requérante en République tchèque pendant un congé de maladie

107

La requérante a quitté Bruxelles pour rendre visite à sa famille à Prague (République tchèque) du 2 au 5 mars 2012, alors qu’elle était en congé de maladie. Le directeur général a, le 4 juin 2012, interrogé la requérante sur la question de savoir si elle avait voyagé de Bruxelles à Prague le vendredi 2 mars 2012 et fait le voyage de retour le lundi 5 mars suivant. La requérante ayant confirmé cette information, le directeur général lui a demandé si elle avait obtenu une autorisation préalable pour ce voyage. Le 6 juin 2012, la requérante a déclaré ce qui suit : «La réponse à votre question est non, je n’ai pas obtenu au préalable l’autorisation prévue à l’[article] 60 du statut, car je ne pensais pas être tenue de la demander.» Par la suite, dans un courriel du 7 juin 2012, le directeur général a notamment fait savoir à la requérante qu’elle n’avait pas respecté les règles du statut en matière de séjour hors du lieu d’affectation pendant un congé de maladie, alors même que celles-ci sont prévues notamment pour protéger le fonctionnaire en ce qui concerne la couverture d’assurance, et que, si elle avait formulé une demande d’autorisation préalable, la requérante aurait même pu être autorisée à séjourner plus longtemps auprès de ses proches.

108

À cet égard, la requérante fait valoir que, dans la mesure où l’administration avait connaissance, en détail, des vols qu’elle avait pris pour se rendre à Prague et retourner ensuite à Bruxelles, il serait clair qu’elle faisait à cette époque l’objet d’une surveillance étroite par son administration, ce qui aurait contribué à aggraver le stress, la pression et les intimidations auxquels elle fait face.

109

Le Tribunal constate que, sous couvert d’allégations de harcèlement, la requérante tente, par son argumentation, de minimiser la portée de sa méconnaissance patente du libellé même de l’article 60 du statut.

110

Quant au fait que l’administration a été informée par l’un des collègues de la requérante de ce qu’elle avait pris place dans les vols des 2 et 5 mars 2012, la requérante ne démontre nullement que ce collègue aurait reçu l’instruction de la suivre dans ses déplacements lors de son congé de maladie. D’ailleurs, il convient d’observer qu’il n’est pas à exclure que certains de ses collègues empruntent les mêmes liaisons aériennes pour rentrer dans leur pays d’origine, surtout lors des week-ends.

– Sur les faits liés au règlement des dépenses engagées en lien avec une mission

111

La requérante se réfère à la circonstance que, alors qu’elle était en train de déménager dans un autre bureau, le chef d’unité ne lui a pas fait savoir que son formulaire de demande de remboursement des dépenses qu’elle avait engagées dans le cadre d’une mission pouvait être déposé dans son ancien bureau. Par ailleurs, lorsque la requérante lui a demandé quel était le numéro de son nouveau bureau, le chef d’unité lui aurait répondu par un courriel du 2 mai 2012 que cette information était disponible sur le site intranet du Parlement, mais que, pour lui faciliter la tâche, elle lui indiquait qu’elle pouvait trouver ce numéro dans la signature électronique du courriel.

112

À cet égard, force est de constater que le comportement du chef d’unité lors de cet épisode n’est, en aucune manière, tant sur la forme que sur le fond, assimilable à un harcèlement moral. La circonstance que la requérante le perçoive comme tel relève manifestement d’une perception subjective.

– Sur les faits liés au passage de l’examen de langue polonaise

113

Ayant pu prendre connaissance des déclarations écrites faites par quatre de ses collègues, dont celle de M. G., lesquelles avaient été produites par le Parlement pour les besoins de sa défense dans le cadre de l’instance clôturée par l’arrêt CW/Parlement (EU:F:2014:186), la requérante a, le 15 novembre 2013, notamment demandé à ce que M. G. ne siège pas dans le jury chargé d’examiner ses aptitudes en langue polonaise, langue qu’elle souhaitait ajouter dans ses compétences en interprétation. En effet, selon la requérante, compte tenu de son témoignage particulièrement négatif à son égard, M. G. ne présentait pas le degré de neutralité nécessaire.

114

À cet égard, force est de constater que la circonstance que M. G. a fait des déclarations dépeignant les comportements de la requérante de manière négative ne saurait, en soi, priver M. G. de la possibilité d’apprécier objectivement les compétences linguistiques de celle-ci. En effet, si le raisonnement de cette dernière devait être suivi, il aurait pour conséquence que, sur la base des seules déclarations et perceptions subjectives relatives à son environnement professionnel, près de la moitié de l’unité ainsi que le chef de cette unité et le directeur devraient être privés de la possibilité d’apprécier les aptitudes et comportements de la requérante dans ses activités professionnelles.

115

Au demeurant, le Tribunal relève que la requérante a passé avec succès l’épreuve de langue polonaise, ce qui prive de toute plausibilité et de crédibilité son argumentation à cet égard.

116

Eu égard aux constatations qui précèdent, le Tribunal estime que, pris isolément, les faits et séries de faits susmentionnés en lien avec les incidents invoqués par la requérante ne peuvent pas être considérés comme des manifestations de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut.

– Sur l’examen global des évènements litigieux

117

Pris dans leur globalité, le Tribunal considère que les évènements mis en avant par la requérante et qui viennent d’être examinés isolément (ci-après les «évènements litigieux») révèlent certes une relation conflictuelle dans un contexte administratif difficile, mais ne témoignent pas d’actes présentant un caractère abusif ou volontaire, les propos et les comportements documentés démontrant tout au plus une gestion maladroite de la situation conflictuelle par la hiérarchie, et non pas une volonté délibérée d’agir de manière abusive à l’égard de la requérante (voir, dans le même sens, arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 128).

118

En particulier, au regard du comportement de la requérante, empreint d’entêtement, d’intransigeance et, parfois, proche de l’insubordination, celle-ci ne peut prétendre ne pas comprendre les raisons des décisions adoptées par ses supérieurs hiérarchiques. À cet égard, le Tribunal souligne que la portée des notions de harcèlement moral et de l’obligation d’assistance, visées aux articles 12 bis et 24 du statut, ne saurait aller jusqu’à permettre à la victime supposée de remettre en cause systématiquement toute autorité hiérarchique voire de s’estimer affranchie d’obligations prévues explicitement par le statut, telles que celles relatives au régime des congés ou à l’obligation de coopération loyale avec ses supérieurs.

119

À cet égard, le Tribunal rappelle en effet que la critique d’un supérieur hiérarchique sur l’accomplissement d’un travail ou d’une tâche par un subordonné n’est pas en soi un comportement inapproprié, car, si tel devait être le cas, la gestion d’un service en serait rendue pratiquement impossible (arrêts Tzirani/Commission, F‑46/11, EU:F:2013:115, point 97, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 87). De même, il a été jugé que des observations négatives adressées à un agent ne portent pas nécessairement atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité lorsqu’elles sont formulées, comme en l’espèce, en des termes mesurés et ne reposent pas sur des accusations abusives et dénuées de tout lien avec des faits objectifs (voir arrêts Menghi/ENISA, F‑2/09, EU:F:2010:12, point 110, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 87).

120

S’il est indéniable que les faits relatifs, respectivement, aux «questions à la direction» et à la réunion du 23 mai 2011 ont contribué à détériorer les relations de travail dans l’unité, d’une part, le fait qu’un fonctionnaire ait des relations difficiles, voire conflictuelles, avec ses collègues ou ses supérieurs hiérarchiques ne constitue pas à lui seul la preuve d’un harcèlement moral (voir, en ce sens, arrêt CQ/Parlement, EU:F:2014:214, points 86, 87 et 98, ainsi que la jurisprudence citée), même lorsque ces difficultés donnent lieu à une série de rappels à l’ordre de la part des supérieurs hiérarchiques. D’autre part, par ses envois répétés de courriels, la requérante n’a guère cherché ni non plus contribué à un apaisement du climat professionnel au sein de l’unité.

121

Par ailleurs, en ce qui concerne la polémique née de l’application des critères de sélection pour les cours de langue anglaise dans le cadre d’universités d’été prévues en 2012, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le directeur a décidé d’exiger de la requérante qu’elle présente, au moyen d’un courriel ayant pour destinataires les mêmes personnes que celles auxquelles elle avait pris pour habitude d’adresser ses abondantes correspondances concernant le chef d’unité, en l’occurrence tous les membres de l’unité, ses excuses pour avoir sous-entendu que le chef d’unité n’avait pas correctement appliqué les critères de participation à ces cours (voir, également, arrêt CW/Parlement, EU:F:2014:186, points 71, 72 et 74). D’ailleurs, le Tribunal relève que la requérante avait déjà présenté des excuses, mais uniquement par un courriel, en l’occurrence du 20 janvier 2012, adressé au chef d’unité et en copie au directeur. Or, étant donné que, si l’un de ses supérieurs avait transmis ce courriel aux membres de l’unité, la requérante aurait vraisemblablement perçu ce geste comme une forme supplémentaire de harcèlement, il était d’autant plus légitime, en vue de rétablir la crédibilité du chef d’unité, mise à mal par l’attitude de la requérante, que sa hiérarchie exige de cette dernière qu’elle adresse, aux mêmes destinataires que ceux des messages de critique du chef d’unité, les excuses qu’elle avait entendu présenter audit chef d’unité.

122

Sur cet aspect, le Tribunal considère que, de même que l’envoi par les supérieurs hiérarchiques de messages qui contiendraient des formules diffamatoires ou malveillantes, d’autant plus lorsqu’ils sont envoyés, sans justification spécifique, à des personnes autres que l’intéressé, peut être regardé comme une manifestation de harcèlement au sens de l’article 12 bis du statut (voir, a contrario, arrêts Lo Giudice/Commission, EU:T:2007:322, points 104 et 105, et Tzirani/Commission, EU:F:2013:115, point 97), l’obligation de loyauté visée à l’article 11 du statut, ainsi d’ailleurs que l’obligation pour tout fonctionnaire, en vertu de l’article 12 du statut, de s’abstenir de tout acte et de tout comportement qui puissent porter atteinte à la dignité de sa fonction, impliquent, pour tout subordonné, l’obligation de s’abstenir de mettre en cause, sans fondement, l’autorité de ses supérieurs et, en tout état de cause, l’obligation de faire preuve de mesure et de prudence dans l’envoi de courriels s’inscrivant dans une telle démarche et dans le choix des destinataires desdits courriels.

123

En ce qui concerne le retrait momentané de certaines tâches et activités de la requérante, indépendamment de la question de la consultation du service médical du Parlement et des conditions dans lesquelles cette consultation a été effectuée, celui-ci pouvait se justifier par des raisons de nature médicale à partir du moment où la requérante avait, à plusieurs reprises, été absente pour maladie et avait invoqué un «burnout». Pour autant, il ressort du dossier que c’est avant tout afin d’éviter des controverses à répétition, liées à ses participations à des activités extérieures à l’unité, que la requérante s’est vue privée de ces activités accessoires à ses tâches principales. Dans la mesure où la requérante n’a en aucune manière été privée desdites tâches principales, qui sont les plus importantes au regard de l’intérêt du service, à savoir le travail d’interprétation dont elle s’acquitte, semble-t-il, à la satisfaction de son institution, le Tribunal ne perçoit pas en quoi la privation de certaines tâches annexes, certes affectionnées par la requérante, aurait objectivement pour effet, dans le contexte plus global des évènements décrits, de porter atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité physique ou psychique.

124

En ce qui concerne les divers certificats et rapport médicaux que la requérante a annexés à son recours afin d’attester que les comportements litigieux de son chef d’unité et de son directeur ont porté atteinte à sa personnalité, à sa dignité ou à son intégrité physique ou morale, le Tribunal constate que, si, certes, ces certificats et rapports médicaux mettent en évidence l’existence de troubles psychiques chez la requérante, ils ne permettent toutefois pas d’établir que lesdits troubles résulteraient d’un harcèlement moral, dès lors que, pour conclure à l’existence d’un tel harcèlement, les auteurs des certificats se sont nécessairement fondés exclusivement sur la description que la requérante a pu leur faire de ses conditions de travail au sein du Parlement (voir arrêts K/Parlement, EU:F:2008:158, point 41, et CQ/Parlement, EU:F:2014:214, point 127). En tout état de cause, les avis d’experts médicaux, quand bien même ils se fonderaient sur d’autres éléments que la description que le fonctionnaire concerné leur a faite de ses conditions de travail, ne sont pas de nature à établir, par eux-mêmes, l’existence, en droit, d’un harcèlement ou d’une faute de l’institution eu égard à son devoir d’assistance (arrêt BQ/Cour des comptes, T‑7/14 P, EU:T:2015:79, point 49).

125

S’agissant, enfin, du reproche de la requérante relatif à la prétendue habitude prise par le directeur de la convoquer sans lui indiquer le motif de l’entretien envisagé, le Tribunal rappelle que la requérante a l’obligation de se rendre disponible pour rencontrer son supérieur hiérarchique lorsque celui-ci la convoque à une réunion (arrêt CW/Parlement, EU:F:2014:186, point 123). Par ailleurs, il ressort du dossier que, chaque fois qu’elle en a fait la demande, le directeur lui a indiqué l’objet des entretiens ou réunions litigieux. Le Tribunal relève également que, en définitive, ces entretiens apparaissent comme des tentatives de la hiérarchie de surmonter les difficultés relationnelles entre le chef d’unité et la requérante qui, pour l’essentiel, s’expliquent par un comportement de cette dernière de nature à remettre en cause l’autorité du chef d’unité à la faveur de laquelle la candidature de la requérante avait été, en son temps, écartée.

126

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le Tribunal considère que c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation ni non plus d’abus de pouvoir que le Parlement a retenu, dans la décision de refus d’assistance, que, au regard des éléments portés à sa connaissance notamment par la requérante et de ceux en lien avec son rapport de notation 2011, les comportements mis en cause ne pouvaient pas être considérés comme des manifestations de harcèlement moral au sens de l’article 12 bis du statut. De la même manière, les éléments soumis par la requérante ne permettent pas de constater que ses conditions de travail méconnaissaient sa santé et sa dignité au sens de l’article 31, paragraphe 1, de la Charte.

127

Partant, le premier moyen doit être rejeté comme non fondé.

Sur le second moyen, tiré de la violation du devoir de sollicitude et de l’obligation d’assistance consacrée à l’article 24 du statut

Arguments des parties

128

À l’appui de son second moyen, la requérante soutient que, en dépit du fait qu’elle avait fourni à l’AIPN un commencement de preuve de la réalité des attaques dont elle avait fait l’objet de la part du chef d’unité et du directeur, celle-ci n’a pas adopté les mesures qu’elle avait demandées, ce qui constituerait un manquement tant à son obligation d’assistance qu’au devoir de sollicitude.

129

S’agissant de la décision de rejet de la réclamation, la requérante fait valoir que c’est à tort que l’AIPN lui a reproché de ne pas avoir saisi le comité consultatif sur le harcèlement au motif que, au sein du secrétariat du Parlement, les enquêtes dans les affaires de harcèlement présumé seraient confiées à ce comité. Partant, le motif invoqué au soutien du rejet de sa réclamation, à savoir son caractère prématuré en l’absence de saisine du comité, serait erroné. À cet égard, elle souligne qu’elle avait pris l’initiative de saisir le comité, mais que son président ne l’a pas recontactée à ce sujet. Selon elle, la passivité et l’abstention dudit comité ainsi que son silence en dépit des assurances données par l’AIPN susciteraient chez elle des préoccupations d’ordre général qui justifieraient ses doutes quant à la possibilité de déléguer, en toute confiance, à ce comité le traitement d’affaires de harcèlement moral au sein du Parlement.

130

En tout état de cause, la requérante fait valoir que, contrairement à ce que suggère le Parlement, l’AIPN n’a pas confié au comité consultatif sur le harcèlement les pouvoirs qu’elle détient en vertu de l’article 24 du statut. Il serait de toute façon incompréhensible que, si tel avait été le cas, l’AIPN n’ait pas alors, en l’espèce, renvoyé d’office l’affaire à ce comité. La requérante suggère également que l’AIPN aurait pu confier la conduite d’une enquête à une personne ou une instance ad hoc indépendante.

131

Par ailleurs, compte tenu de l’importance et de la gravité des faits allégués, le Parlement aurait dû, avant même de procéder à une enquête en vue d’établir la réalité des faits, commencer par réaffecter le chef d’unité et/ou le directeur ou, à titre subsidiaire, changer la requérante d’affectation comme elle l’avait déjà demandé dans sa demande d’assistance. Elle fait également grief à l’AIPN d’avoir rejeté sa demande d’assistance sur la base d’informations générales sur la situation régnant au sein de l’unité collectées dans le cadre de l’enquête menée à la suite de la plainte pour harcèlement de sa collègue, CQ, alors même, d’une part, que la requérante sollicitait, elle, la conduite d’une enquête à grande échelle et, d’autre part, que ses revendications étaient sans rapport avec les constatations effectuées à l’issue de l’enquête menée à la demande de CQ.

132

Le Parlement conclut au rejet du second moyen comme étant non fondé, en relevant que, au moment où l’AIPN a été saisie de la demande d’assistance de la requérante, soit le 5 février 2013, elle connaissait déjà bien ses allégations, notamment du fait de sa réclamation introduite contre son rapport de notation 2011, laquelle contenait une présentation fournie des faits, mais également en raison de la procédure engagée par sa collègue, CQ, ayant abouti à la formulation d’un avis par le comité consultatif sur le harcèlement, à la conduite d’une enquête par le directeur général et à l’adoption de décisions de l’AIPN ayant, en l’occurrence, fait ultérieurement l’objet du recours enregistré sous la référence F‑12/13. Ce serait donc en pleine connaissance de cause et en se fondant sur les preuves apportées par la requérante ainsi que sur les investigations déjà effectuées et les rapports déjà rédigés que la demande d’assistance aurait été rejetée. En revanche, la sollicitation du secrétaire général du Parlement tendant à ce que la requérante saisisse, à nouveau, le comité consultatif sur le harcèlement n’aurait été formulée, comme cela a été précisé lors de l’audience, que dans un esprit d’ouverture et de sollicitude. En ce qui concerne l’absence de saisine d’office par l’AIPN dudit comité, le Parlement fait valoir que cette démarche incombait à la requérante au titre de son obligation de coopération loyale vis-à-vis de son institution.

Appréciation du Tribunal

– Considérations liminaires

133

À titre liminaire, il importe de distinguer la demande de la requérante, présentée au président du comité consultatif sur le harcèlement, de la demande d’assistance qu’elle a formulée, en vertu de l’article 24 du statut, auprès de l’AIPN.

134

En effet, s’agissant du comité consultatif sur le harcèlement, le Tribunal relève que, ainsi que cela ressort des règles internes, celui-ci a été créé en vue de mettre en œuvre l’article 12 bis du statut et que ses tâches principales consistent à promouvoir un environnement de travail serein et productif, à prévenir et/ou faire cesser tout harcèlement d’un membre du personnel ainsi qu’à jouer un rôle de conciliation, de médiation, de formation et d’information. Aux termes des articles 6 et 7 des règles internes, le comité consultatif sur le harcèlement «est à l’écoute de toute personne qui s’estime victime de harcèlement et lui accorde tout le temps et l’attention nécessaires, en veillant à garder un esprit neutre et objectif, conscient d’œuvrer dans un environnement multiculturel[ ; i]l travaille dans la plus complète autonomie, indépendance et confidentialité».

135

En ce qui concerne la saisine du comité, aux termes des articles 9 et 11 des règles internes, tout fonctionnaire ou agent se trouvant confronté à un problème pouvant relever du harcèlement ou qui considère qu’un tel problème existe dans son environnement de travail peut s’adresser au comité consultatif sur le harcèlement qui doit le recevoir dans un délai de dix jours ouvrables à compter de sa saisine. À l’issue de l’audition de la victime supposée, ainsi que de son prétendu harceleur et, éventuellement, d’autres collègues de ceux-ci dans le mois suivant l’audition de la victime supposée, auteur de la saisine, le comité peut, en vertu de l’article 12 des règles internes, faire des recommandations au personnel d’encadrement du plaignant en vue de résoudre le problème. Si ce problème persiste, l’article 14 des règles internes habilite le comité consultatif sur le harcèlement à transmettre au secrétaire général du Parlement un rapport confidentiel assorti de propositions concernant les suites à donner, le cas échéant en lui demandant d’être chargé de procéder à une enquête exhaustive à l’issue de laquelle il doit alors élaborer et transmettre des conclusions et d’éventuelles recommandations au secrétaire général du Parlement. Dans un tel cas, ce dernier doit, conformément à l’article 16 des règles internes, communiquer au comité les mesures qu’il envisage de prendre.

136

Il résulte en outre des articles 10 et 11 des règles internes que la saisine du comité consultatif sur le harcèlement, par tout fonctionnaire ou agent de l’institution, n’est subordonnée à la production d’aucun commencement de preuve permettant de conclure à du harcèlement et que, une fois saisi, ce comité est en revanche tenu d’accomplir les tâches qui lui ont été confiées, telles qu’énumérées précédemment, sans que l’exercice de ces fonctions ne soit subordonné à une quelconque décision préalable de l’AIPN, si ce n’est lorsque c’est le comité lui-même qui saisit l’AIPN en vertu notamment de l’article 14 des règles internes.

137

Par ailleurs, même si elle pourrait être souhaitable dans certains cas, notamment en vue d’une médiation, la saisine du comité consultatif ne constitue pas non plus un préalable nécessaire à la possibilité pour tout fonctionnaire de présenter une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut, dans les conditions prévues aux articles 90 et 91 du statut (voir, en ce sens, arrêt Faita/CESE, EU:F:2013:130, point 91). En effet, à la différence de la lettre et de l’objectif de l’article 12 bis du statut ainsi que des règles internes adoptées par le Parlement pour la mise en œuvre dudit article, l’article 24 du statut ne vise pas spécifiquement la prévention ou la lutte contre le harcèlement, mais permet plus généralement, à toute personne visée par le statut, de solliciter l’intervention de l’AIPN afin qu’elle adopte toute mesure tendant à «assiste[r] le fonctionnaire, notamment dans toute poursuite contre les auteurs de menaces, outrages, injures, diffamations ou attentats contre la personne et les biens, dont il est […] l’objet, en raison de sa qualité et de ses fonctions».

138

Il s’ensuit que l’introduction d’une demande d’assistance en vertu de l’article 24 du statut n’exige pas, même lorsqu’il s’agit d’une demande d’assistance relative à un cas de harcèlement, que la personne concernée soit tenue de saisir, préalablement, le comité consultatif sur le harcèlement institué par le Parlement sur la base de l’article 12 bis du statut, indépendamment du fait que l’AIPN peut, en vertu de l’article 14 des règles internes, décider dans certains cas de charger le comité consultatif sur le harcèlement de la responsabilité de conduire une enquête sur les faits de harcèlement présumé portés à la connaissance de l’AIPN.

– Sur la méconnaissance de l’obligation d’assistance et du devoir de sollicitude

139

En l’espèce, le Tribunal constate que la requérante avait sollicité l’aide du président du comité consultatif sur le harcèlement au motif que, «[d]epuis le 1er février 2012, [elle] [était] exposée à une pression énorme exercée par [s]es deux supérieurs». Même si cette demande ne se référait pas expressément à la notion de harcèlement moral et n’était assortie d’aucun commencement de preuve de la «pression énorme» visée par la requérante, en application des règles internes, le comité était tenu de recevoir la requérante dans un délai de dix jours ouvrables, ce qu’il a manifestement omis de faire. À cet égard, la raison invoquée par le Parlement pour justifier cette méconnaissance des règles internes par le comité, à savoir que son président était en train de déménager dans un nouveau bureau à la suite de sa réaffectation à un nouveau poste d’encadrement dans une autre direction générale, n’est pas pertinente puisque, même s’il ressort des courriels de la requérante qui étaient adressés au secrétariat du comité ou à son président que c’était avec le président du comité en personne qu’elle souhaitait s’entretenir, il appartenait au comité, en tant qu’instance consultative saisie en la personne de son président, de prendre les mesures nécessaires pour qu’un autre de ses membres, dont d’ailleurs deux d’entre eux étaient en copie d’une partie de la correspondance, prenne en charge la demande de la requérante, ce qu’il n’a manifestement pas fait.

140

Indépendamment de la question de la saisine du comité consultatif, ainsi qu’il a été constaté précédemment, la requérante était, en tout état de cause, en droit d’introduire une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut auprès de l’AIPN, sans être soumise à une obligation de saisine préalable de ce comité ou à une obligation d’attendre une éventuelle réponse de ce comité.

141

À cet égard, ainsi qu’il a été rappelé au point 37 du présent arrêt, il incombait à la requérante d’apporter, à l’appui de sa demande d’assistance, un commencement de preuve de la réalité des attaques dont elle affirmait être l’objet de la part de ses chef d’unité et directeur.

142

En l’espèce, même si les éléments qu’elle a apportés dans sa demande d’assistance ne démontraient pas l’existence du harcèlement allégué, l’AIPN aurait pu considérer, dans un esprit d’ouverture inspiré de son devoir de sollicitude, que, dans une certaine mesure, ces éléments pouvaient constituer des commencements de preuve d’un tel harcèlement. Ainsi, il appartenait en principe au Parlement de prendre les mesures appropriées, notamment en faisant procéder à une enquête, afin d’établir les faits à l’origine de la plainte, en collaboration avec l’auteur de celle-ci. Dans l’exercice des pouvoirs qui lui sont dévolus, l’administration peut, dans cet objectif et en fournissant les moyens logistiques et humains appropriés, décider de confier la conduite d’une telle enquête à la hiérarchie de l’institution, telle qu’un directeur général, à un comité d’enquête ad hoc, à un comité consultatif sur le harcèlement ou, encore, à une personnalité ou instance extérieure à cette institution.

143

Cependant, s’agissant de la légalité d’une décision rejetant, sans qu’une enquête administrative n’ait été ouverte, une demande d’assistance introduite sur le fondement de l’article 24 du statut, le juge de l’Union doit examiner le bien-fondé de cette décision, au vu des éléments ayant été portés à la connaissance de l’administration, notamment par l’intéressé dans sa demande d’assistance, lorsque celle-ci a statué (arrêt Faita/CESE, EU:F:2013:130, point 98).

144

Or, à cet égard, le Tribunal relève que, premièrement, la requérante avait fourni dans sa demande d’assistance une documentation volumineuse étayant, notamment au moyen de courriels, les faits allégués. Secondement, dans sa demande d’assistance, la requérante a indiqué que «[l’AIPN], à laquelle une demande formelle d’assistance et une réclamation [avaient] été présentées [par CQ], [était] pleinement au courant de la situation et a[vait] donné mandat au directeur général pour enquêter sur l’affaire».

145

Par conséquent et contrairement à ce que soutient la requérante, l’AIPN était en droit de prendre en compte, dans le traitement de la demande d’assistance, les éléments d’information dont elle avait déjà connaissance et auxquels s’était directement et/ou indirectement référée la requérante dans sa demande, à savoir, notamment, l’avis du comité consultatif sur le harcèlement et l’enquête conduite par le directeur général à la suite de la plainte pour harcèlement de CQ, étant donné, de surcroît, que la demande d’assistance de cette dernière mettait en cause les mêmes protagonistes, lesquels, y compris la requérante, avaient été auditionnés, parfois à plusieurs reprises, par le comité et l’AIPN. À ceci s’ajoutait le fait que les évènements litigieux avaient été en partie mis en cause par la requérante dans ses contestations de ses rapports de notation 2011 et 2012.

146

Au vu des éléments de preuve fournis par la requérante et de ceux connus du Parlement en lien avec le rapport de notation 2011 et la plainte pour harcèlement de CQ, le Tribunal considère que l’AIPN a pu, en l’espèce, considérer dans la décision de refus d’assistance qu’elle disposait, à ce stade, d’une connaissance suffisante de la réalité et de la portée des faits allégués par la requérante pour pouvoir conclure que ceux-ci n’étaient pas constitutifs d’un harcèlement moral, ce que le Tribunal a confirmé dans le cadre du traitement du premier moyen.

147

Ainsi, dans les circonstances de l’espèce, dans lesquelles la conduite d’une nouvelle enquête aurait impliqué d’interroger les mêmes protagonistes que ceux déjà entendus dans le cadre de l’enquête diligentée à la suite de la plainte pour harcèlement de CQ, sur des faits qui, pour certains, étaient identiques à ceux mis en cause par CQ et sans toutefois que soient nécessairement apportés des éclairages supplémentaires par rapport aux éléments de preuves suffisamment exhaustifs soumis par la requérante elle-même à l’AIPN, le Tribunal considère que, en n’ordonnant pas l’ouverture d’une «enquête à grande échelle sur les méthodes de management de [son chef d’unité] et d[u directeur] ainsi que sur leur comportement vis-à-vis de [la requérante]», le Parlement n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation dans le choix des mesures et moyens d’application de l’article 24 du statut pour lequel il dispose d’un large pouvoir d’appréciation et, partant, n’a pas méconnu cette disposition.

148

À ceci s’ajoute le fait que, dans la définition des mesures qu’elle estime appropriées en vue d’établir la réalité et la portée des faits allégués, l’AIPN doit également veiller à protéger les droits des personnes susceptibles d’être visées par une enquête, de sorte que, dans les circonstances propres à la présente affaire, avant d’exposer à nouveau l’ensemble des protagonistes à une nouvelle enquête, susceptible d’être inutilement éprouvante pour la hiérarchie, mais également pour les membres de l’unité, l’AIPN devait s’assurer qu’elle disposait d’indices susceptibles d’étayer de réelles suspicions de harcèlement (voir, en ce sens, arrêt Commission/Nanopoulos, T‑308/10 P, EU:T:2012:370, point 152), y compris par rapport aux constatations précédentes de l’AIPN et du comité consultatif sur le harcèlement dans le cadre de la plainte pour harcèlement de CQ. Or, en l’espèce, ces éléments faisaient défaut.

149

S’agissant de la demande de la requérante de réaffecter le chef d’unité et/ou le directeur afin de la protéger de leurs prétendues exactions, le Tribunal considère que, au regard de la jurisprudence rappelée au point 40 du présent arrêt, dès lors que les faits allégués par la requérante ne révélaient pas un manquement aux obligations incombant à ses supérieurs hiérarchiques au titre de l’article 12 bis du statut, c’est sans méconnaître l’article 24 du statut ni le devoir de sollicitude que l’AIPN a opposé un rejet à cette demande. Il en va de même de la demande de la requérante tendant à l’«adoption d’une mesure d’effet [équivalent]», telle que sa réaffectation, d’autant plus que la requérante, alors agent temporaire dans une autre unité d’interprétation, avait été, fin 2007, engagée dans son unité actuelle et que ce changement d’unité s’inscrivait dans le contexte de l’introduction par la requérante d’une autre plainte pour harcèlement moral en 2005 et qui avait été rejetée par l’AIPN.

150

S’agissant du fait que l’AIPN n’a pas saisi directement le comité consultatif sur le harcèlement afin qu’il examine, dans le cadre de ses compétences respectives définies dans les règles internes, la plainte de la requérante qu’il avait omis de traiter en son temps, le Tribunal considère que, au vu de l’argumentation de la requérante dans sa demande d’assistance, argumentation qu’elle a d’ailleurs reprise dans sa réclamation et dans sa requête, l’AIPN serait finalement allée à l’encontre de la volonté de cette dernière si elle avait saisi le comité dans lequel la requérante indiquait avoir perdu toute confiance. Pour autant que, par son argumentation, la requérante reproche à l’AIPN de ne pas avoir confié au comité, notamment en vertu de l’article 14 des règles internes, la responsabilité de procéder à une enquête exhaustive, le Tribunal constate, d’une part, que l’application de cette disposition présuppose que le comité adresse au secrétaire général du Parlement une demande afin qu’il donne audit comité des instructions pour la conduite d’une enquête détaillée, laquelle demande fait défaut en l’espèce, et que, d’autre part, ainsi qu’il a été constaté précédemment, l’AIPN a pu valablement considérer avoir une connaissance suffisante des faits lui permettant de rejeter comme non fondée la demande d’assistance, sans ressentir le besoin de confier au comité consultatif sur le harcèlement ou à toute autre instance la conduite d’investigations supplémentaires.

151

Cela étant, le Tribunal relève que, si la demande d’assistance a été rejetée au fond dans la décision de refus d’assistance, et ce à l’issue d’un examen circonstancié des évènements litigieux invoqués par la requérante, la réclamation a en revanche été rejetée au motif principal que cette réclamation était prématurée dans la mesure où, au vu du souhait de la requérante d’obtenir que soit menée une enquête à grande échelle, il lui appartenait de s’adresser au préalable au comité consultatif sur le harcèlement, apte à conduire une telle enquête.

152

Or, ainsi qu’il a été rappelé aux points 134 à 138 du présent arrêt, la saisine du comité consultatif sur le harcèlement n’est pas une condition préalable à l’introduction devant l’AIPN d’une demande d’assistance sur le fondement de l’article 24 du statut et, le cas échéant, d’une réclamation en cas de rejet de celle-ci. La circonstance que, dans la décision de refus d’assistance, l’AIPN a invité la requérante à saisir le comité par l’intermédiaire de son nouveau président n’est pas pertinente à cet égard. Le Tribunal relève en outre que, du point de vue temporel, tandis que, dans sa demande d’assistance, la requérante s’appuyait sur des évènements s’étant déroulés à partir du mois d’avril 2011, notamment ceux concernant la rédaction du compte rendu de la réunion du 23 mai 2011 et sa non-participation à une université d’été, le courriel de la requérante adressé au comité consultatif sur le harcèlement ne visait, dans des termes plutôt laconiques, qu’une pression professionnelle ressentie depuis le 1er février 2012.

153

Enfin, une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut peut certes être rejetée pour un motif pris de son caractère prématuré. En revanche, tel n’est pas le cas d’une réclamation, à l’égard de laquelle le délai de forclusion de trois mois, prévu à l’article 90, paragraphe 2, du statut, court en toute hypothèse, nonobstant l’éventuelle saisine d’un comité consultatif tel que celui en place au sein du Parlement en matière de harcèlement.

154

Par conséquent, en rejetant la réclamation pour un motif pris de son caractère prétendument prématuré dans la mesure où la requérante devait préalablement s’en remettre au comité consultatif sur le harcèlement, l’AIPN s’est fondée sur un motif erroné et qui peut être de nature à induire en erreur les fonctionnaires et agents sur les compétences et responsabilités respectives du comité consultatif sur le harcèlement et de l’AIPN en matière de harcèlement moral, telles qu’exposées aux points 134 à 138 du présent arrêt.

155

Pour autant, un tel motif n’est pas de nature à affecter la légalité de la décision de rejet de la réclamation ni d’ailleurs celle de la décision de refus d’assistance. En effet, en rappelant à la requérante, dans cette dernière décision, que, en vertu de la jurisprudence, l’existence de relations difficiles voire conflictuelles entre un fonctionnaire et ses supérieurs ne constitue pas, à elle seule, la preuve d’un harcèlement moral, l’AIPN a entendu confirmer, sur le fond, quoiqu’à titre subsidiaire, l’examen circonstancié opéré dans la décision de refus d’assistance ou, à tout le moins, n’a pas entendu infirmer cet examen. C’est d’ailleurs ce qu’a fait valoir le Parlement, notamment lors de l’audience. En outre, indépendamment de l’issue du présent recours, le Tribunal constate que le comité consultatif sur le harcèlement est investi d’une mission de conciliation et de médiation, laquelle pourrait être de nature à solutionner les difficultés rencontrées par la requérante, même si celles-ci ne sont pas constitutives d’un harcèlement au sens de l’article 12 bis du statut, en vue de rétablir un «climat de travail serein et productif» au sens de l’article 5 des règles internes.

156

Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent et sans qu’il soit nécessaire d’ordonner la traduction par un traducteur indépendant de certains courriels écrits en tchèque vers l’anglais, il y a lieu de rejeter le second moyen et, partant, l’intégralité des conclusions en annulation de la décision de refus d’assistance et de la décision de rejet de la réclamation.

3. Sur les conclusions indemnitaires

157

Dans ses conclusions, la requérante demande au Tribunal de condamner le Parlement à lui verser un montant de 50000 euros à titre d’indemnisation du préjudice moral qu’elle estime avoir subi ainsi que de lui verser, au titre du préjudice matériel, un quart du montant des frais médicaux qu’elle a exposés en raison de la détérioration de son état de santé, la somme totale devant être majorée d’intérêts moratoires.

158

Le Parlement conclut, à titre principal, au rejet de ces conclusions indemnitaires comme irrecevables et, à titre subsidiaire, comme non fondées.

159

Indépendamment de la question de savoir si, au regard de la règle de concordance, la requérante avait, en demandant de «corriger les torts que lui avait causés ou pourrait toujours lui causer la décision attaquée», entendu se référer dans sa réclamation à un dédommagement d’un préjudice matériel et/ou moral, il y a lieu de rappeler que les conclusions tendant à la réparation d’un préjudice matériel ou moral doivent être rejetées lorsqu’elles présentent, comme en l’espèce, un lien étroit avec les conclusions en annulation qui ont, elles-mêmes, été rejetées comme non fondées (arrêt López Cejudo/Commission, F‑28/13, EU:F:2014:55, point 105, et la jurisprudence citée).

160

Compte tenu du rejet des conclusions en annulation et, partant, de l’absence de faute de l’administration de nature à engager sa responsabilité, il convient de rejeter les conclusions indemnitaires.

Sur les dépens

161

Aux termes de l’article 101 du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe supporte ses propres dépens et est condamnée aux dépens exposés par l’autre partie, s’il est conclu en ce sens. En vertu de l’article 102, paragraphe 2, de ce règlement, une partie gagnante peut toutefois être condamnée à supporter ses propres dépens et à prendre en charge partiellement ou totalement les dépens exposés par l’autre partie si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

162

Il résulte des motifs énoncés dans le présent arrêt que la requérante a succombé en son recours. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, expressément demandé qu’elle soit condamnée aux dépens. Cependant, compte tenu, d’une part, du dysfonctionnement du comité ayant notamment eu pour résultat, en méconnaissance des règles internes, l’absence de prise en charge de la demande de la requérante adressée à l’ancien président de ce comité, et, d’autre part, de la motivation inappropriée avancée à titre principal au soutien de la décision de rejet de la réclamation, le Tribunal considère justifiée l’application des dispositions de l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure et décide, par conséquent, que le Parlement doit supporter ses propres dépens et être condamné à la moitié des dépens exposés par la requérante.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

Le Parlement européen supporte ses propres dépens et est condamné à supporter la moitié des dépens exposés par CW.

 

3)

CW supporte la moitié de ses propres dépens.

 

Barents

Perillo

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 2015.

Le greffier

W. Hakenberg

Le président

R. Barents


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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