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Document 62020CO0676

    Ordinanza della Corte (Nona Sezione) del 31 marzo 2023.
    ASADE - Asociación Estatal de Entidades de Servicios de Atención a Domicilio contro Consejería de Sanidad de la Diputación General de Aragón.
    Domanda di pronuncia pregiudiziale proposta dal Tribunal Superior de Justicia de Aragón.
    Rinvio pregiudiziale – Articolo 53, paragrafo 2, e articolo 94 del regolamento di procedura della Corte – Situazione puramente interna – Aggiudicazione degli appalti pubblici – Direttiva 2014/24/ UE – Articoli da 74 a 77 – Prestazione di servizi sociali e sanitari – Ricorso ad accordi di azione concertata con enti privati senza scopo di lucro – Servizi nel mercato interno – Direttiva 2006/123/CE – Ambito di applicazione. – Articolo 2, paragrafo 2, lettere f) e j).
    Causa C-676/20.

    ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:289

    ORDONNANCE DE LA COUR (neuvième chambre)

    31 mars 2023 (*)

    « Renvoi préjudiciel – Article 53, paragraphe 2, et article 99 du règlement de procédure de la Cour – Situation purement interne – Passation des marchés publics – Directive 2014/24/UE – Articles 74 à 77 – Prestation de services sociaux et de santé – Recours à des accords d’action conventionnée avec des entités privées sans but lucratif – Services dans le marché intérieur – Directive 2006/123/CE – Champ d’application – Article 2, paragraphe 2, sous f) et j) »

    Dans l’affaire C‑676/20,

    ayant pour objet une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 TFUE, introduite par le Tribunal Superior de Justicia de Aragón (Cour supérieure de justice de la Communauté autonome d’Aragon, Espagne), par décision du 23 novembre 2020, parvenue à la Cour le 11 décembre 2020, dans la procédure

    Asociación Estatal de Entidades de Servicios de Atención a Domicilio (ASADE)

    contre

    Consejería de Sanidad de la Diputación General de Aragón,

    LA COUR (neuvième chambre),

    composée de Mme L. S. Rossi, présidente de chambre, M. C. Lycourgos (rapporteur), président de la quatrième chambre, faisant fonction de juge de la neuvième chambre, et Mme O. Spineanu‑Matei, juge,

    avocate générale : Mme L. Medina,

    greffier : M. A. Calot Escobar,

    vu la procédure écrite,

    considérant les observations présentées :

    –        pour l’Asociación Estatal de Entidades de Servicios de Atención a Domicilio (ASADE), par Mme M. Pascual Obis, procuradora, et Me Y. Puiggrós Jiménez de Anta, abogada,

    –        pour la Consejería de Sanidad de la Diputación General de Aragón, par Me M. Cremades Gracia, abogada,

    –        pour le gouvernement espagnol, par M. J. Rodríguez de la Rúa Puig, en qualité d’agent,

    –        pour le gouvernement français, par Mmes A.-L. Desjonquères et N. Vincent, en qualité d’agents,

    –        pour le gouvernement néerlandais, par Mme M. K. Bulterman et M. J. Langer, en qualité d’agents,

    –        pour le gouvernement norvégien, par Mme J. T. Kaasin et M. H. Røstum, en qualité d’agents,

    –        pour la Commission européenne, par Mme L. Armati, M. P. Ondrůšek, Mme E. Sanfrutos Cano et M. G. Wils, en qualité d’agents,

    vu la décision prise, l’avocate générale entendue, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 53, paragraphe 2, et à l’article 99 du règlement de procédure de la Cour,

    rend la présente

    Ordonnance

    1        La demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE, des articles 76 et 77 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE (JO 2014, L 94, p. 65), lus en combinaison avec son article 74 et son annexe XIV, ainsi que de l’article 15, paragraphe 2, sous b), et paragraphe 7, de la directive 2006/123/CE du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2006, relative aux services dans le marché intérieur (JO 2006, L 376, p. 36).

    2        Cette demande a été présentée dans le cadre d’un litige opposant l’Asociación Estatal de Entidades de Servicios de Atención a Domicilio (ASADE) [Association nationale des entités de soins à domicile] à la Consejería de Sanidad de la Diputación General de Aragón (ministère de la Santé du gouvernement de la Communauté autonome d’Aragon, Espagne) au sujet de la légalité du decreto 62/2017 del Gobierno de Aragón, sobre Acuerdos de Acción Concertada de Servicios Sanitarios y Convenios de Vinculación con Entidades Públicas y Entidades sin ánimo de Lucro (décret 62/2017 du gouvernement d’Aragón, relatif aux accords de conventionnement des services sanitaires et conventions de rattachement avec des entités publiques et entités sans but lucratif), du 11 avril 2017 (Boletín Oficial de Aragón, n° 76, du 21 avril 2017, p. 8529, ci-après le « décret 62/2017 »), de l’Orden SAN/1221/2017 por la que se establecen los precios y tarifas máximas aplicables en la prestación de servicios sanitarios con medios ajenos al sistema de salud de Aragón (arrêté SAN/1221/2017 relatif aux prix et tarifs maximums applicables à la prestation de services sanitaires avec des ressources étrangères à l’administration du système de santé d’Aragón), du 21 juillet 2017 (Boletín Oficial de Aragón, n° 165, du 29 août 2017, p. 21859, ci-après l’« arrêté du 21 juillet 2017 »), et de l’Orden del Consejero de Sanidad, por la que se aprueba el expediente relativo al acuerdo de acción concertada para la atención en dispositivos asistenciales de carácter residencial para enfermos de SIDA en la Comunidad Autónoma de Aragón (arrêté du ministre régional relatif à l’adoption de l’accord de conventionnement pour la prestation de services d’assistance résidentielle pour les malades du sida de la Communauté autonome d’Aragón), du 21 août 2017 (ci‑après l’« arrêté du 21 août 2017 »).

     Le cadre juridique

     Le droit de l’Union

     La directive 2006/123

    3        Le considérant 27 de la directive 2006/123 énonce :

    « La présente directive ne devrait pas couvrir les services sociaux dans les domaines du logement, de l’aide à l’enfance et de l’aide aux familles et aux personnes dans le besoin qui sont assurés par l’État au niveau national, régional ou local, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État avec pour objectif d’assister les personnes qui se trouvent de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin particulière en raison de l’insuffisance de leurs revenus familiaux, ou d’un manque total ou partiel d’indépendance et qui risquent d’être marginalisées. Ces services sont essentiels pour garantir le droit fondamental à la dignité et à l’intégrité humaines et sont une manifestation des principes de cohésion sociale et de solidarité et ne devraient pas être affectés par la présente directive. »

    4        L’article 2, paragraphe 2, de cette directive dispose :

    « La présente directive ne s’applique pas aux activités suivantes :

    [...]

    f)      les services de soins de santé, qu’ils soient ou non assurés dans le cadre d’établissements de soins et indépendamment de la manière dont ils sont organisés et financés au niveau national ou de leur nature publique ou privée ;

    [...]

    j)      les services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l’État, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État ;

    [...] »

    5        L’article 15, paragraphes 2 et 7, de ladite directive prévoit :

    « 2.      Les États membres examinent si leur système juridique subordonne l’accès à une activité de service ou son exercice au respect de l’une des exigences non discriminatoires suivantes :

    [...]

    b)      les exigences qui imposent au prestataire d’être constitué sous une forme juridique particulière ;

    [...]

    7.      Les États membres notifient à la Commission [européenne] toute nouvelle disposition législative, réglementaire ou administrative qui prévoit des exigences visées au paragraphe 6 ainsi que les raisons qui se rapportent à ces exigences. La Commission communique lesdites dispositions aux autres États membres. La notification n’empêche pas les États membres d’adopter les dispositions en question.

    Dans un délai de trois mois à compter de la réception de la notification, la Commission examine la compatibilité de ces nouvelles dispositions avec le droit communautaire et, le cas échéant, adopte une décision pour demander à l’État membre concerné de s’abstenir de les adopter, ou de les supprimer.

    La notification d’un projet de loi nationale conformément à la directive 98/34/CE [du Parlement européen et du Conseil, du 22 juin 1998, prévoyant une procédure d’information dans le domaine des normes et réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l’information (JO 1998, L 204, p. 37),] vaut respect de l’obligation de notification prévue par la présente directive. »

     La directive 2014/24

    6        Aux termes de l’article 4 de la directive 2014/24 :

    « La présente directive s’applique aux marchés dont la valeur estimée hors taxe sur la valeur ajoutée (TVA) est égale ou supérieure aux seuils suivants :

    [...]

    d)      750 000 [euros] pour les marchés publics de services portant sur des services sociaux et d’autres services spécifiques énumérés à l’annexe XIV. »

    7        Le titre III de cette directive, intitulé « systèmes spéciaux de passation de marchés », comprend, notamment, un chapitre I, relatif aux « [s]ervices sociaux et autres services spécifiques », dans lequel figurent les articles 74 à 77 de ladite directive.

    8        L’article 74 de la directive 2014/24 dispose :

    « Les marchés publics pour les services sociaux et d’autres services spécifiques énumérés à l’annexe XIV sont attribués conformément au présent chapitre lorsque la valeur des marchés est égale ou supérieure au seuil indiqué à l’article 4, point d). »

    9        L’article 75 de cette directive prévoit :

    « 1.      Les pouvoirs adjudicateurs qui entendent passer un marché public pour les services visés à l’article 74 font connaître leur intention par l’un des moyens suivants :

    a)      un avis de marché qui contient les informations visées à l’annexe V, partie H, conformément aux formulaires types visés à l’article 51 ; ou

    b)      un avis de préinformation, publié de manière continue et qui contient les informations mentionnées à l’annexe V, partie I. L’avis de préinformation fait référence spécifiquement aux types de services qui feront l’objet des marchés à passer ; il indique que les marchés seront passés sans publication ultérieure et invite les opérateurs économiques intéressés à manifester leur intérêt par écrit.

    Le premier alinéa ne s’applique toutefois pas lorsqu’il aurait été possible de recourir, conformément à l’article 32, à une procédure négociée sans publication préalable pour la passation d’un marché de service public.

    2.      Les pouvoirs adjudicateurs qui ont attribué un marché public pour les services visés à l’article 74 font connaître les résultats de la procédure de passation de marché au moyen d’un avis d’attribution de marché, qui contient les informations visées à l’annexe V, partie J, conformément aux formulaires types visés à l’article 51. Toutefois, ils peuvent regrouper ces avis sur une base trimestrielle. Dans ce cas, ils envoient ces avis regroupés au plus tard trente jours après la fin de chaque trimestre.

    [...]

    4.      Les avis visés au présent article sont publiés conformément à l’article 51. »

    10      L’article 76 de ladite directive énonce :

    « 1.      Les États membres mettent en place, pour la passation des marchés relevant du présent chapitre, des règles nationales afin de garantir que les pouvoirs adjudicateurs respectent les principes de transparence et d’égalité de traitement des opérateurs économiques. Les États membres sont libres de déterminer les règles de procédure applicables, tant que celles-ci permettent aux pouvoirs adjudicateurs de prendre en compte les spécificités des services en question.

    2.      Les États membres veillent à ce que les pouvoirs adjudicateurs puissent prendre en compte la nécessité d’assurer la qualité, la continuité, l’accessibilité, le caractère abordable, la disponibilité et l’exhaustivité des services, les besoins spécifiques des différentes catégories d’utilisateurs, y compris des catégories défavorisées et vulnérables, la participation et l’implication des utilisateurs, ainsi que l’innovation. Les États membres peuvent également prévoir que le choix du prestataire de services est opéré sur la base de l’offre présentant le meilleur rapport qualité/prix, en tenant compte de critères de qualité et de durabilité en ce qui concerne les services à caractère social. »

    11      Aux termes de l’article 77 de la même directive :

    « 1.      Les États membres peuvent prévoir que les pouvoirs adjudicateurs peuvent réserver aux organisations le droit de participer à des procédures de passation de marchés publics portant exclusivement sur les services de santé, sociaux ou culturels visés à l’article 74 relevant des codes CPV 75121000-0, 75122000-7, 75123000-4, 79622000-0, 79624000-4, 79625000-1, 80110000-8, 80300000-7, 80420000-4, 80430000-7, 80511000-9, 80520000-5, 80590000-6, de 85000000-9 à 85323000-9, 92500000-6, 92600000-7, 98133000-4 et 98133110-8.

    2.      Une organisation visée au paragraphe 1 remplit toutes les conditions suivantes :

    a)      elles ont pour objectif d’assumer une mission de service public liée à la prestation des services visés au paragraphe 1 ;

    b)      leurs bénéfices sont réinvestis en vue d’atteindre l’objectif de l’organisation. En cas de distribution ou de redistribution des bénéfices, celle-ci devrait être fondée sur des principes participatifs ;

    c)      les structures de gestion ou de propriété des organisations exécutant le marché sont fondées sur l’actionnariat des salariés ou des principes participatifs ou exigent la participation active des salariés, des utilisateurs ou des parties prenantes ;

    d)      les organisations ne se sont pas vu attribuer un marché par le pouvoir adjudicateur concerné pour les services visés par le présent article dans les trois années précédentes.

    3.      La durée maximale du marché n’est pas supérieure à trois ans.

    4.      L’appel à la concurrence renvoie au présent article.

    5.      Nonobstant l’article 92, la Commission évalue les effets du présent article et fait rapport au Parlement européen et au Conseil [de l’Union européenne] au plus tard le 18 avril 2019. »

     Le droit espagnol

     Le statut d’autonomie de la Communauté autonome d’Aragon

    12      En vertu de l’article 71, points 34 et 55, ainsi que de l’article 77 de l’Estatuto de Autonomía de Aragón (statut d’autonomie de la Communauté autonome d’Aragon), modifié par la Ley Orgánica 5/2007 (loi organique 5/2007), du 20 avril 2007 (BOE n° 97, du 23 avril 2007, p. 17822), la Communauté autonome d’Aragon exerce une compétence en matière d’action sociale et de santé.

     La loi 11/2016

    13      Les compétences que détient la Communauté autonome d’Aragon conformément à son statut d’autonomie ont été mises en œuvre par la Ley 11/2016 de acción concertada para la prestación a las personas de servicios de carácter social y sanitario (loi 11/2016 relative à l’action conventionnée en matière de fourniture de services à la personne à caractère social et de santé), du 15 décembre 2016 (BOE n° 243, du 20 janvier 2017, p. 4023, ci-après la « loi 11/2016 »).

    14      Le préambule de cette loi contient le passage suivant :

    « La philosophie qui sous-tend la présente loi est [...] simple : si un opérateur économique aspire légitimement à tirer un gain commercial, un profit, de sa collaboration avec l’administration publique pour la fourniture de services à la personne, il ne peut le faire que dans le cadre d’une procédure de passation de marché public. La collaboration avec l’administration sous la forme d’une action conventionnée n’est possible que sur la base d’une gestion solidaire et sans but lucratif de ces prestations. »

    15      L’article 3 de ladite loi, intitulé « Concept et régime général de l’action conventionnée », dispose :

    « Les accords d’action conventionnée sont des instruments organisationnels de nature non contractuelle, qui offrent des garanties de non‑discrimination, de transparence et d’utilisation efficace des fonds publics et visent à atteindre des objectifs sociaux et de protection de l’environnement, par lesquels les administrations publiques compétentes peuvent organiser la fourniture à la personne de services sociaux et de santé dont le financement, l’accès et le contrôle relèvent de leur compétence lorsque cela entraîne une prestation de meilleure qualité au regard desdits objectifs, tout en respectant la procédure et les exigences prévues par la présente loi ainsi que par la réglementation sectorielle applicable. »

    16      Aux termes de l’article 4 de la même loi, intitulé « Principes généraux de l’action conventionnée » :

    « Les administrations publiques veillent à ce que leur action conventionnée avec des tiers aux fins de la fourniture de services sociaux à la personne soit conforme aux principes suivants :

    a)      Principe de subsidiarité, en vertu duquel l’action conventionnée avec des entités publiques ou avec des entités privées sans but lucratif est préalablement subordonnée à l’utilisation optimale des ressources propres.

    b)      Principe de solidarité, en encourageant l’implication des entités du secteur non marchand dans la fourniture de services à la personne à caractère social ou de santé conformément aux dispositions de la Ley 43/2015, del Tercer Sector de acción social [(loi 43/2015 relative au troisième secteur de l’action sociale), du 9 octobre 2015].

    c)      Principe d’égalité, en garantissant que l’action conventionnée assure aux utilisateurs une attention identique à celle accordée aux utilisateurs directement fournis par l’administration publique.

    d)      Principe de publicité, les appels à candidatures pour des actions conventionnées et l’adoption des accords de conventionnement conclus étant publiés au Boletín Oficial de Aragón [(Journal officiel de la Communauté autonome d’Aragon)].

    e)      Principe de transparence, en diffusant sur le portail de transparence les accords d’action conventionnée conclus et les procédures en cours, dans les conditions prévues à l’article 17 de la Ley 8/2015, de Transparencia de la Actividad Pública y Participación Ciudadana de Aragón [(loi 8/2015 relative à la transparence de l’action publique et à la participation citoyenne dans la Communauté autonome d’Aragon), du 25 mars 2015].

    f)      Principe de non‑discrimination, en fixant des conditions d’accès à l’action conventionnée garantissant l’égalité entre les entités choisissant d’y participer.

    g)      Principe d’efficacité budgétaire, en fixant les contreparties économiques que les entités conventionnées peuvent percevoir conformément aux tarifs maximaux et minimaux ou aux modules en vigueur, ces contreparties étant plafonnées à la couverture des coûts variables, fixes et permanents résultant de la fourniture du service, sans inclure de bénéfice commercial.

    h)      Principe de finalité sociale et environnementale, en atteignant divers objectifs dans ces domaines, ainsi que dans ceux de l’égalité entre les sexes et de la gestion innovante des entités et des services publics, et en intégrant expressément de tels objectifs dans l’objet des accords de conventionnement.

    i)      Principe de participation, par la mise en place de mécanismes visant à impliquer les utilisateurs de manière effective dans la fourniture et l’évaluation des services.

    j)      Principe de qualité de l’aide apportée, en tant que critère déterminant de choix de l’entité appelée à fournir le service, ce principe devant en outre inspirer l’organisation de l’action conventionnée dans tous ses aspects. »

    17      L’article 5 de la loi 11/2016, intitulé « Procédure de conventionnement et critères de préférence », dispose, à son paragraphe 4 :

    « La sélection des entités, le cas échéant après appel à candidatures, est basée sur les critères suivants, qui sont fixés dans l’objet et les conditions des accords de conventionnement :

    [...]

    g)      Les bonnes pratiques sociales et en matière de gestion du personnel, le respect des droits des travailleurs et des autres avantages prévus dans les conventions collectives de travail, ainsi que le maintien de conditions d’égalité salariale adéquates et le respect des ratios de professionnels de soins directs par utilisateur prévus par la réglementation applicable, en particulier lors de la fourniture des services visés par l’action conventionnée, ainsi que l’éventuelle inclusion d’avantages volontaires en matière de travail, de salaire ou de sécurité au travail.

    [...]

    i)      L’incorporation, dans l’équipe de travailleurs et de collaborateurs de l’entité appelés à exécuter l’accord de conventionnement, d’une proportion significative de personnes connaissant des difficultés d’accès au marché du travail et de femmes qualifiées ou occupant des postes de direction. L’accord de conventionnement détermine cette proportion au regard de la matière sociale essentielle à la fourniture du service.

    j)      Le respect et l’amélioration éventuelle des critères minimaux en matière d’égalité et de conciliation [de la vie privée, familiale et professionnelle] établis par la Ley Orgánica 3/2007, para la Igualdad Efectiva de Mujeres y Hombres [(loi organique 3/2007 relative à l’égalité effective entre les femmes et les hommes), du 22 mars 2007] et par la réglementation que la Communauté autonome d’Aragon adopte dans ce domaine.

    [...] »

    18      En vertu de l’article 6 de cette loi, intitulé « Formalisation et effets des accords de conventionnement » :

    « 1.      Les accords de conventionnement sont formalisés par un document administratif de conventionnement conformément à la présente loi et à la réglementation sectorielle applicable.

    2.      Les accords de conventionnement imposent à l’entité conventionnée de fournir à la personne les services de santé ou à caractère social dans les conditions établies par la présente loi, par la réglementation sectorielle applicable et par l’accord de conventionnement adopté conformément à cette dernière.

    3.      En dehors des prix publics établis, les entités conventionnées ne peuvent percevoir aucune somme auprès des utilisateurs pour les services conventionnés.

    4.      Le paiement des utilisateurs pour la fourniture de services complémentaires ainsi que son montant sont préalablement autorisés par l’administration publique accordant le conventionnement. Ces services complémentaires sont préalablement énumérés dans le document de conventionnement. »

     Le décret 62/2017

    19      Le décret 62/2017, qui a été pris en exécution de la loi 11/2016, a pour objet, conformément à son article 1er, de réglementer le régime juridique applicable aux accords de conventionnement conclus avec des entités publiques ou avec des entités privées sans but lucratif en vue de la fourniture de services de santé à la personne par des moyens extérieurs au réseau du service de santé de la Communauté autonome d’Aragon.

    20      L’article 3 de ce décret, intitulé « Services et prestations de santé conventionnés », énonce, à son paragraphe 1 :

    « L’action conventionnée peut porter sur les services et prestations suivants :

    a)      Les services de santé repris dans le catalogue de services communs du Sistema Nacional de Salud [(Système national de santé)], approuvé par le Real Decreto 1030/2006 [(décret royal 1030/2006) du 15 septembre 2006], ou dans le catalogue de services de santé du système de santé de la Communauté autonome d’Aragon, approuvé par le Decreto 65/2007 del Gobierno de Aragón [(décret 65/2007, du gouvernement de la Communauté autonome d’Aragon), du 8 mai 2007], ainsi que dans leurs modifications ou mises à jour ultérieures.

    b)      Les autres services de collaboration et de soutien aux soins de santé, tels que les transferts vers les centres de santé ou l’accompagnement des patients ou autres, qui sont, le cas échéant, expressément inclus dans les accords de conventionnement ou dans les conventions concernés.

    [...] »

    21      L’article 6 dudit décret, intitulé « Critères de conventionnement », dispose :

    « 1.      Afin de garantir les principes d’égalité et de non‑discrimination qui doivent régir l’action conventionnée en matière de services de santé, ainsi que la qualité des soins fournis aux utilisateurs, les appels à conventionnement indiquent les critères d’évaluation des candidatures des fournisseurs souhaitant adhérer à l’accord de conventionnement concerné.

    2.      Ces critères couvrent au moins les aspects suivants :

    [...]

    j)      Les bonnes pratiques sociales et en matière de gestion du personnel, telle que celles expressément énoncées à l’article 5, paragraphe 4, sous g), h), i) et j), de la loi 11/2016, en particulier dans le cadre de l’exécution des prestations visées par l’action conventionnée.

    […]

    m)      Tout autre critère permettant d’apprécier la capacité et l’adéquation de l’entité fournissant le service conventionné. »

    22      L’article 7 du décret 62/2017, intitulé « Procédure », prévoit, à son paragraphe 6 :

    « L’accord de conventionnement susceptible d’être finalement conclu [...] est publié au Boletín Oficial de Aragón [(Journal officiel de la Communauté autonome d’Aragon)] et fait l’objet d’une publicité active sur le portail de transparence du gouvernement de la Communauté autonome d’Aragon. »

    23      L’article 12 de ce décret, intitulé « Durée des instruments de conventionnement », dispose, à son paragraphe 1 :

    « La durée des accords de conventionnement [...] est limitée à quatre ans, étant entendu qu’ils doivent inclure la possibilité de prorogations successives à concurrence d’une durée maximale de dix ans. »

     L’arrêté du 21 juillet 2017

    24      L’article 2 de l’arrêté du 21 juillet 2017, intitulé « Champ d’application », prévoit :

    « 1.      Le présent arrêté s’applique aux accords de conventionnement susceptibles d’être formalisés par le ministère de la Communauté autonome d’Aragon compétent en matière de santé ou par le service de santé de la Communauté autonome d’Aragon avec des entités publiques ou avec des entités privées sans but lucratif, en vue de la fourniture de services de santé à la population protégée de la Communauté autonome.

    2.      Il s’applique également aux cas de fourniture de services de santé à la personne par voie de gestion indirecte, conformément à l’une des formules établies dans la réglementation sur les marchés publics. »

     Le litige au principal et les questions préjudicielles

    25      L’ASADE a introduit auprès du Tribunal Superior de Justicia de Aragón (Cour supérieure de justice de la Communauté autonome d’Aragon, Espagne), qui est la juridiction de renvoi, un recours tendant à l’annulation de la réglementation de la Communauté autonome d’Aragon permettant de conclure des accords d’action conventionnée avec des entités sans but lucratif, à savoir le décret 62/2017, l’arrêté du 21 juillet 2017 et l’arrêté du 21 août 2017. Au soutien de ce recours, l’ASADE fait valoir que cette réglementation est contraire au droit de l’Union au motif que les procédures d’action conventionnée qu’elle instaure sont des procédures d’adjudication analogues à celles des marchés publics de services auxquelles seules les entités sans but lucratif peuvent participer, alors qu’il résulte de la jurisprudence de la Cour qu’un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer directement des marchés publics qu’à des organisations de bénévolat et pour des raisons d’efficacité budgétaire et financière.

    26      La juridiction de renvoi relève que la loi 11/2016 envisage la technique de l’action conventionnée comme une option de gestion des services à caractère social et de santé, conjointement à la gestion directe par des moyens propres et à la gestion indirecte par voie de marché public. Il résulterait de cette loi que l’exigence de fourniture adéquate des services, c’est‑à‑dire d’entière satisfaction du citoyen, est présumée remplie par chacune de ces trois modalités de fourniture des services.

    27      Il en découlerait que l’objectif de l’action conventionnée est non pas la fourniture adéquate d’un service spécifique, mais la fourniture du service concerné par une entité sans but lucratif présentant certaines caractéristiques. Il s’agirait donc d’un instrument de politique sociale, dont les objectifs correspondraient aux critères de sélection établis à l’article 5, paragraphe 4, de la loi 11/2016. En outre, dans un tel contexte, toute entité sans but lucratif se verrait associer, par sa nature même, une présomption d’efficacité budgétaire et financière.

    28      Cette juridiction souligne encore que l’arrêté du 21 août 2017 justifie le recours à l’action conventionnée avec des entités sans but lucratif par le fait, d’une part, que l’administration qui fournit le service concerné n’a pas de moyens propres disponibles et, d’autre part, qu’il n’est pas opportun d’augmenter les ressources matérielles et humaines dont dispose le ministère de la Santé de la Communauté autonome d’Aragon, ainsi que par la nécessité de maintenir la continuité des services de prise en charge résidentielle des malades du sida dans la Communauté autonome d’Aragon.

    29      Dans ces conditions, le Tribunal Superior de Justicia de Aragón (Cour supérieure de justice de la Communauté autonome d’Aragon) a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

    « 1)      L’article 49 TFUE et les articles 76 et 77 (en combinaison avec l’article 74 et l’annexe XIV) de la directive [2014/24] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui permet aux pouvoirs adjudicateurs de recourir à des accords de conventionnement avec des entités privées sans but lucratif (et pas seulement avec des associations de bénévolat) pour la fourniture de toute sorte de services sociaux à la personne en contrepartie du remboursement des coûts, sans avoir recours aux procédures prévues dans cette directive, et ce quelle que soit la valeur estimée, simplement en qualifiant préalablement ces accords comme étant d’une nature différente de celle des marchés publics ?

    2)      L’article 49 TFUE et les articles 76 et 77 (en combinaison avec l’article 74 et l’annexe XIV) de la directive [2014/24] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui, pour la fourniture de services sociaux ou de santé d’intérêt général, permet de contourner la réglementation en matière de passation de marchés publics en ayant recours à la technique de l’action conventionnée (à titre de complément ou de substitut à la gestion par des moyens propres) non en raison de l’aptitude de cette technique aux fins de la fourniture adéquate du service, mais en vue d’atteindre des objectifs concrets de politique sociale qui concernent le mode de fourniture du service ou que l’agent doit respecter pour être choisi à cette fin, et ce bien que les principes de publicité, de concurrence et de transparence restent en vigueur ?

    3)      En cas de réponse négative à la question précédente, les dispositions du droit de l’Union précitées et l’article 15, paragraphe 2, sous b), de la directive [2006/123] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à ce que cette technique soit exclusivement réservée aux entités sans but lucratif (et pas seulement aux associations de bénévolat), et ce bien que les principes de transparence et de publicité soient respectés ?

    4)      À la lumière de l’article 15, paragraphe 2, sous b), de la directive [2006/123], faut-il considérer que le fait d’accorder aux pouvoirs adjudicateurs le pouvoir discrétionnaire de recourir à l’action conventionnée pour confier la gestion de services de santé et sociaux à des entités sans but lucratif équivaut à subordonner l’accès à la fourniture de ces services à une condition relative à la forme juridique ? En cas de réponse affirmative à cette question, une réglementation nationale telle que celle en cause, pour laquelle l’État n’a pas notifié à la Commission l’inclusion de la condition relative à la forme juridique, est-elle valide au regard de l’article 15, paragraphe 7, de la directive 2006/123 ?

    5)      En cas de réponse négative aux trois premières questions et de réponse affirmative à la quatrième question, les articles 49 et 56 TFUE, les articles 76 et 77 (en combinaison avec l’article 74 et l’annexe XIV) de la directive [2014/24] et l’article 15, paragraphe 2, de la directive [2006/123] doivent-ils être interprétés en ce sens qu’ils permettent aux pouvoirs adjudicateurs, afin de sélectionner les entités sans but lucratif (et pas seulement les associations de bénévolat) avec lesquelles conclure la fourniture conventionnée de toutes sortes de services sociaux à la personne [au-delà de ceux énoncés à l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2006/123], d’inclure parmi les critères de sélection l’implantation dans la localité ou dans la zone géographique de fourniture du service ? »

     La procédure devant la Cour

    30      Par décision du président de la Cour du 7 septembre 2021, l’affaire a été suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt dans l’affaire ASADE (C‑436/20).

    31      À la suite du prononcé de l’arrêt du 14 juillet 2022, ASADE (C‑436/20, ci-après l’« arrêt ASADE I », EU:C:2022:559), la Cour a interrogé la juridiction de renvoi sur le point de savoir si elle entendait maintenir la présente demande de décision préjudicielle, compte tenu de la connexité existant entre la présente affaire et celle ayant donné lieu à cet arrêt.

    32      Par lettre du 22 septembre 2022, la juridiction de renvoi a répondu qu’elle retirait les première, troisième et cinquième questions, mais qu’elle maintenait les deuxième et quatrième questions.

     Sur les questions préjudicielles

    33      En vertu de l’article 53, paragraphe 2, de son règlement de procédure, lorsqu’une demande préjudicielle est manifestement irrecevable, la Cour peut à tout moment, l’avocat général entendu, décider de statuer par voie d’ordonnance motivée, sans poursuivre la procédure. En outre, en vertu de l’article 99 de ce règlement, la Cour peut à tout moment décider, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée lorsque, notamment, la réponse à une question posée peut être clairement déduite de la jurisprudence.

    34      Il y a lieu de faire application de ces dispositions dans la présente affaire.

     Sur la deuxième question

    35      Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 49 TFUE ainsi que les articles 76 et 77 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils s’opposent à une réglementation nationale qui réserve aux entités sans but lucratif la faculté de conclure, dans le respect des principes de publicité, de concurrence et de transparence, des accords en vertu desquels ces entités fournissent des services sociaux ou de santé d’intérêt général, en contrepartie du remboursement des coûts qu’elles supportent, quelle que soit la valeur estimée de ces services, lorsque le recours à ces accords vise à atteindre des objectifs de solidarité, sans améliorer nécessairement l’adéquation ou l’efficacité budgétaire de la fourniture desdits services par rapport au régime généralement applicable aux procédures de passation de marchés publics.

    36      À titre liminaire, il importe de relever que, contrairement à ce qu’exige l’article 94 du règlement de procédure, la juridiction de renvoi n’explicite pas en quoi, malgré le caractère purement interne du litige pendant devant elle, celui-ci présente un élément de rattachement avec la liberté d’établissement rendant nécessaire, pour la solution dudit litige, de procéder à l’interprétation préjudicielle sollicitée de l’article 49 TFUE. Plus particulièrement, cette juridiction ne fait pas expressément valoir qu’elle se trouve dans l’une des hypothèses visées aux points 50 à 53 de l’arrêt du 15 novembre 2016, Ullens de Schooten (C‑268/15, EU:C:2016:874) (voir, en ce sens, arrêt ASADE I, points 47 et 48 ainsi que jurisprudence citée).

    37      En outre, si, conformément à une jurisprudence constante de la Cour, la passation des marchés qui, eu égard à leur valeur, ne relèvent pas du champ d’application des directives en matière de passation des marchés publics est néanmoins soumise aux règles fondamentales et aux principes généraux du traité FUE, en particulier aux principes d’égalité de traitement et de non-discrimination en raison de la nationalité ainsi qu’à l’obligation de transparence qui en découle, pour autant que ces marchés présentent un intérêt transfrontalier certain, la juridiction de renvoi reste en défaut de fournir à la Cour les données de nature à prouver, en l’occurrence, l’existence d’un tel intérêt transfrontalier (voir, par analogie, arrêt ASADE I, point 49 et jurisprudence citée).

    38      Partant, la deuxième question préjudicielle est manifestement irrecevable en ce qu’elle porte sur l’interprétation de l’article 49 TFUE.

    39      Sous le bénéfice de cette précision liminaire, il importe, en premier lieu, de relever que, pour des motifs analogues à ceux énoncés aux points 53 à 71 de l’arrêt ASADE I, il découle du dossier dont dispose la Cour que la réglementation nationale en cause au principal semble régir, à tout le moins en partie, la passation de marchés publics de services soumis à la directive 2014/24.

    40      En deuxième lieu, d’une part, il ressort de la demande de décision préjudicielle que les services susceptibles de faire l’objet d’un accord d’action conventionnée sont des services de santé ainsi que des services de collaboration et de soutien aux soins de santé, de sorte qu’une partie à tout le moins de ces services relève des services énumérés à l’annexe XIV de la directive 2014/24.

    41      D’autre part, la deuxième question préjudicielle porte sur l’appréciation non pas des dispositions de cette directive généralement applicables aux procédures de passation de marchés publics, mais uniquement des articles 74 à 77 de ladite directive, lesquels instituent précisément un régime simplifié de passation des marchés publics ayant pour objet des services relevant de cette annexe XIV.

    42      Partant, il y a lieu d’examiner cette deuxième question au regard uniquement des articles 74 à 77 de la directive 2014/24.

    43      En troisième lieu, il importe de relever qu’un pouvoir adjudicateur ne peut attribuer un marché public à une organisation sur le fondement de la procédure prévue à l’article 77 de la directive 2014/24 que si plusieurs conditions cumulatives sont remplies. Au nombre de ces conditions figure celle, visée au paragraphe 3 de cet article, selon laquelle la durée maximale du marché ne peut être supérieure à trois ans (voir, en ce sens, arrêt ASADE I, points 76 à 78).

    44      Or, en l’occurrence, il ressort de l’article 12 du décret 62/2017 que la durée des accords d’action conventionnée en cause au principal peut atteindre quatre ans, avec la possibilité de prorogations successives à concurrence d’une durée maximale de dix ans.

    45      Partant, une réglementation telle que celle en cause au principal ne satisfait pas aux conditions requises pour relever du régime d’exception prévu à l’article 77 de la directive 2014/24.

    46      Cela étant, cette disposition ne saurait être considérée comme couvrant, de manière exhaustive, les cas dans lesquels les marchés publics ayant pour objet la prestation d’un service visé à l’annexe XIV de la directive 2014/24 peuvent être réservés à certaines catégories d’opérateurs économiques (voir, en ce sens, arrêt ASADE I, points 80 à 82).

    47      En quatrième lieu, l’article 76 de la directive 2014/24, qui fixe les règles, dérogatoires au droit commun, applicables à la passation de l’ensemble des marchés publics portant sur les services mentionnés dans l’annexe XIV de celle-ci, reconnaît un large pouvoir d’appréciation aux États membres pour organiser le choix des prestataires de tels services. En effet, en vertu de cet article 76, les États membres doivent, d’une part, mettre en place des règles de passation imposant aux pouvoirs adjudicateurs de respecter les principes de transparence et d’égalité de traitement des opérateurs économiques et, d’autre part, veiller à ce que ces règles permettent aux pouvoirs adjudicateurs de tenir compte des spécificités des services faisant l’objet de telles procédures de passation. À ce dernier égard, les États membres doivent autoriser les pouvoirs adjudicateurs à prendre en compte la nécessité d’assurer la qualité, la continuité, l’accessibilité, le caractère abordable, la disponibilité et l’exhaustivité de ces services, les besoins spécifiques des différentes catégories d’utilisateurs, la participation et l’implication des utilisateurs ainsi que l’innovation (voir, en ce sens, arrêt ASADE I, points 83 à 85).

    48      Il convient, dès lors, d’examiner si les principes d’égalité de traitement et de transparence visés à l’article 76 de la directive 2014/24 s’opposent à une réglementation nationale réservant, afin de satisfaire à des impératifs sociaux, aux entités sans but lucratif, y compris lorsqu’elles ne remplissent pas les conditions prévues à l’article 77 de cette directive, le droit de participer aux procédures d’attribution des marchés publics ayant pour objet la prestation de services tels que ceux visés au point 20 de la présente ordonnance.

    49      S’agissant, premièrement, du principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques, le fait que les entités privées à but lucratif soient privées de la possibilité de participer à de telles procédures d’attribution des marchés publics constitue une différence de traitement entre les opérateurs économiques contraire à ce principe, à moins que cette différence ne se justifie par des considérations objectives (arrêt ASADE I, point 87).

    50      En l’occurrence, sous réserve d’une vérification par la juridiction de renvoi, le recours exclusif aux entités privées sans but lucratif afin d’assurer la fourniture des services sociaux et de santé pouvant faire l’objet d’un accord d’action conventionnée paraît être motivé tant par les principes d’universalité et de solidarité, propres à un système d’assistance sociale, que par des raisons d’efficacité économique et d’adéquation, en tant qu’il permet que ces services d’intérêt général soient assurés dans des conditions d’équilibre économique sur le plan budgétaire par des entités constituées essentiellement en vue de servir l’intérêt général et dont les décisions ne sont pas guidées, comme le relève le gouvernement espagnol, par des considérations purement commerciales (voir, en ce sens, arrêt ASADE I, point 90 et jurisprudence citée).

    51      Lorsqu’elle est motivée par de telles considérations, l’exclusion des entités privées à but lucratif des procédures de passation des marchés publics ayant pour objet la fourniture de tels services n’est pas contraire au principe d’égalité, pour autant que cette exclusion contribue effectivement à la finalité sociale ainsi qu’à la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire sur lesquels ce système est fondé (arrêt ASADE I, point 91 et jurisprudence citée).

    52      Il importe encore de souligner, s’agissant de cet objectif d’efficacité budgétaire, que l’exclusion des entités privées à but lucratif de ces procédures de passation n’est pas contraire au droit de l’Union au seul motif qu’une procédure d’attribution qui leur aurait été ouverte aurait éventuellement pu permettre de fournir le même service d’aide à la personne à moindre coût pour le pouvoir adjudicateur. En effet, l’efficacité budgétaire doit, dans le contexte de la fourniture des services en cause au principal, être appréhendée au regard des spécificités inhérentes à cette fourniture, tenant à la nécessité d’assurer que l’exclusion des entités à but lucratif contribue effectivement à la finalité sociale ainsi qu’aux objectifs de solidarité poursuivis par ce pouvoir adjudicateur.

    53      Il s’ensuit que le principe d’égalité de traitement des opérateurs économiques, tel qu’il est désormais consacré à l’article 76 de la directive 2014/24, autorise les États membres à réserver le droit de participer à la procédure d’attribution des marchés publics de services de santé et de services sociaux, énumérés à l’annexe XIV de cette directive, aux entités privées sans but lucratif, y compris à celles qui ne sont pas strictement bénévoles, pour autant, d’une part, que les éventuels bénéfices qui résultent de l’exécution de ces marchés soient réinvestis par ces entités en vue d’atteindre l’objectif social d’intérêt général qu’elles poursuivent et, d’autre part, que l’ensemble des conditions rappelées aux points 50 et 51 de la présente ordonnance soient remplies (voir, en ce sens, arrêt ASADE I, point 95).

    54      En revanche, l’article 76 de la directive 2014/24 s’oppose à ce que de tels marchés publics puissent être attribués directement, sans mise en concurrence, à une entité sans but lucratif autre qu’une entité bénévole. En effet, cet article requiert que, avant de procéder à une telle attribution, le pouvoir adjudicateur compare et classe les offres respectives des différentes entités sans but lucratif ayant manifesté leur intérêt, en ayant notamment égard au prix de ces offres, quand bien même ce prix serait plafonné à la couverture des coûts résultant de la fourniture du service (voir, en ce sens, arrêt ASADE I, point 96 et jurisprudence citée).

    55      S’agissant, deuxièmement, du principe de transparence, celui-ci exige de la part du pouvoir adjudicateur un degré de publicité adéquate, permettant, d’une part, une ouverture à la concurrence et, d’autre part, le contrôle de l’impartialité de la procédure d’attribution afin de permettre à tout opérateur intéressé de décider de soumissionner sur le fondement de l’ensemble des informations pertinentes ainsi que de garantir l’absence de risque de favoritisme et d’arbitraire de la part du pouvoir adjudicateur. L’obligation de transparence implique ainsi que toutes les conditions et les modalités de la procédure d’attribution soient formulées de manière claire, précise et univoque, de façon, d’une part, à permettre à tous les soumissionnaires raisonnablement informés et normalement diligents d’en comprendre la portée exacte et de les interpréter de la même manière et, d’autre part, à encadrer le pouvoir discrétionnaire du pouvoir adjudicateur et de mettre celui-ci en mesure de vérifier effectivement si les offres des soumissionnaires correspondent aux critères régissant la procédure en cause (arrêt ASADE I, point 97 et jurisprudence citée).

    56      À cet égard, l’article 75 de la directive 2014/24 précise, pour les procédures d’attribution de marchés publics relevant du régime simplifié établi aux articles 74 à 77 de cette directive, les exigences de publicité qui sont requises par le principe de transparence. Or, selon cet article 75, les pouvoirs adjudicateurs qui entendent passer un marché public pour les services visés à l’annexe XIV de ladite directive doivent, en principe, faire connaître leur intention par un avis de marché ou un avis de préinformation qui est publié, conformément à l’article 51 de la même directive, par l’Office des publications de l’Union européenne ou, le cas échéant pour les avis de préinformation, sur leurs profils d’acheteur (arrêt ASADE I, points 99 et 100).

    57      En l’occurrence, il semble découler de l’article 4, sous d), de la loi 11/2016 et de l’article 7, paragraphe 6, du décret 62/2017 que la publicité des avis de marché en cause est assurée par la seule publication au Boletín Oficial de Aragón (Journal officiel de la Communauté autonome d’Aragon) et sur le portail de transparence du gouvernement de la Communauté autonome d’Aragon.

    58      Par conséquent, si tel était le cas, ce qu’il appartient à la juridiction de renvoi de vérifier, une telle publication ne constituerait pas une mesure de publicité conforme à l’article 75 de la directive 2014/24.

    59      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il convient de répondre à la deuxième question préjudicielle que les articles 76 et 77 de la directive 2014/24 doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui réserve aux entités sans but lucratif la faculté de conclure, dans le respect des principes de publicité, de concurrence et de transparence, des accords en vertu desquels ces entités fournissent des services sociaux ou de santé d’intérêt général, en contrepartie du remboursement des coûts qu’elles supportent, quelle que soit la valeur estimée de ces services, lorsque le recours à ces accords vise à atteindre des objectifs de solidarité, sans améliorer nécessairement l’adéquation ou l’efficacité budgétaire de la fourniture desdits services par rapport au régime généralement applicable aux procédures de passation de marchés publics, pour autant que,

    –        d’une part, le cadre légal et conventionnel dans lequel se déploie l’activité desdites entités contribue effectivement à la finalité sociale ainsi qu’à la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire sur lesquels cette réglementation est fondée, et

    –        d’autre part, le principe de transparence, tel qu’il est notamment précisé à l’article 75 de cette directive, est respecté.

     Sur la quatrième question

    60      Par sa quatrième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, si l’article 15, paragraphe 2, de la directive 2006/123 doit être interprété en ce sens que la décision d’une autorité publique de réserver la gestion de certains services de santé et sociaux aux seules entités sans but lucratif constitue une exigence imposant au prestataire d’un service d’être constitué sous une forme juridique particulière, au sens de cette disposition. En cas de réponse affirmative à cette question, la juridiction de renvoi demande également si l’article 15, paragraphe 7, de cette directive doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à l’application de cette exigence dans le cas où celle-ci n’a pas été notifiée à la Commission.

    61      Selon une jurisprudence constante, dans le cadre de la procédure instituée à l’article 267 TFUE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige au principal et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de chaque affaire, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour. Par conséquent, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit de l’Union, la Cour est, en principe, tenue de statuer. Il s’ensuit que les questions portant sur le droit de l’Union bénéficient d’une présomption de pertinence. Le rejet par la Cour d’une demande formée par une juridiction nationale n’est ainsi possible que s’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée du droit de l’Union n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal, lorsque le problème est de nature hypothétique ou encore lorsque la Cour ne dispose pas des éléments de fait et de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (arrêt du 22 décembre 2022, Quadrant Amroq Beverages, C-332/21, EU:C:2022:1031, point 32 et jurisprudence citée).

    62      Aux termes de son article 2, paragraphe 2, sous f) et j), la directive 2006/123 ne s’applique pas aux services de soins de santé ainsi qu’aux services sociaux relatifs au logement social, à l’aide à l’enfance et à l’aide aux familles et aux personnes se trouvant de manière permanente ou temporaire dans une situation de besoin qui sont assurés par l’État, par des prestataires mandatés par l’État ou par des associations caritatives reconnues comme telles par l’État.

    63      À cet égard, il importe de relever, en premier lieu, que, ainsi qu’il ressort de la demande de décision préjudicielle, les services pouvant faire l’objet d’un accord d’action conventionnée en vertu de l’article 3 du décret 62/2017 sont, pour l’essentiel, des services de santé, au sens de l’article 2, paragraphe 2, sous f), de la directive 2006/123, tel qu’interprété par la Cour (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Femarbel, C-57/12, EU:C:2013:517, points 34 à 39), de sorte que cette directive ne leur est pas applicable.

    64      Partant, il est manifeste que, s’agissant de ces services de santé, l’interprétation de l’article 15 de la directive 2006/123, qui est sollicitée par la quatrième question préjudicielle, n’a aucun rapport avec l’objet du litige au principal, de sorte que cette question est, dans cette mesure, manifestement irrecevable.

    65      En second lieu, les accords d’action conventionnée en cause au principal peuvent également porter sur des services de collaboration et de soutien aux soins de santé, tels que les transferts vers les centres de santé ou l’accompagnement des patients ou autres, tels qu’ils sont visés à l’article 3, paragraphe 1, sous b), du décret 62/2017.

    66      À cet égard, il ressort de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2006/123, lu conjointement avec le considérant 27 de celle-ci, que seuls les services qui remplissent deux conditions cumulatives relèvent de la notion de « services sociaux » visée à cette disposition (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Femarbel, C-57/12, EU:C:2013:517, point 42).

    67      Premièrement, les activités exercées doivent concerner notamment, comme il est également expliqué dans le Manuel relatif à la mise en œuvre de la directive « services », l’aide aux personnes se trouvant dans une situation de besoin, en raison, entre autres, d’un manque d’indépendance (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Femarbel, C‑57/12, EU:C:2013:517, point 43).

    68      Deuxièmement, les services concernés doivent être assurés, notamment, par des prestataires privés qui ont été mandatés par l’État au moyen d’un acte confiant de manière claire et transparente une véritable obligation d’assurer lesdits services, dans le respect de certaines conditions spécifiques d’exercice visant, notamment, à s’assurer que ces services sont offerts conformément aux exigences quantitatives et qualitatives établies et de sorte à garantir l’égalité d’accès aux prestations, sous réserve en principe d’une compensation financière adéquate dont le mode de calcul doit être préalablement défini de manière objective et transparente (voir, en ce sens, arrêt du 11 juillet 2013, Femarbel, C-57/12, EU:C:2013:517, points 44 à 48 et 53).

    69      En l’occurrence, il semble ressortir de la réglementation nationale en cause au principal, en particulier des articles 4 à 6 de la loi 11/2016 ainsi que de l’article 6 du décret 62/2017, que les services de collaboration et de soutien aux soins de santé qui peuvent faire l’objet d’accords d’action conventionnée remplissent les deux conditions cumulatives explicitées aux points 67 et 68 de la présente ordonnance.

    70      Par conséquent, il est vraisemblable, au vu du dossier dont dispose la Cour, que ces services relèvent de la catégorie des services sociaux visés à l’article 2, paragraphe 2, sous j), de la directive 2006/123 et, partant, qu’ils doivent également être exclus du champ d’application de cette directive.

    71      En tout état de cause, ce même dossier ne permet pas de déterminer si ces services ne doivent pas être exclus du champ d’application de la directive 2006/123 au titre de cet article 2, paragraphe 2, sous j).

    72      Dès lors, la juridiction de renvoi n’a pas mis la Cour en mesure de s’assurer que les services mentionnés au point 65 de la présente ordonnance relèvent effectivement du champ d’application de la directive 2006/123.

    73      Il résulte des considérations qui précèdent que la quatrième question préjudicielle est manifestement irrecevable.

     Sur les dépens

    74      La procédure revêtant, à l’égard des parties au principal, le caractère d’un incident soulevé devant la juridiction de renvoi, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens. Les frais exposés pour soumettre des observations à la Cour, autres que ceux desdites parties, ne peuvent faire l’objet d’un remboursement.

    Par ces motifs, la Cour (neuvième chambre) dit pour droit :

    Les articles 76 et 77 de la directive 2014/24/UE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2014, sur la passation des marchés publics et abrogeant la directive 2004/18/CE,

    doivent être interprétés en ce sens que :

    ils ne s’opposent pas à une réglementation nationale qui réserve aux entités sans but lucratif la faculté de conclure, dans le respect des principes de publicité, de concurrence et de transparence, des accords en vertu desquels ces entités fournissent des services sociaux ou de santé d’intérêt général, en contrepartie du remboursement des coûts qu’elles supportent, quelle que soit la valeur estimée de ces services, lorsque le recours à ces accords vise à atteindre des objectifs de solidarité, sans améliorer nécessairement l’adéquation ou l’efficacité budgétaire de la fourniture desdits services par rapport au régime généralement applicable aux procédures de passation de marchés publics, pour autant que,

    –        d’une part, le cadre légal et conventionnel dans lequel se déploie l’activité desdites entités contribue effectivement à la finalité sociale ainsi qu’à la poursuite des objectifs de solidarité et d’efficacité budgétaire sur lesquels cette réglementation est fondée, et

    –        d’autre part, le principe de transparence, tel qu’il est notamment précisé à l’article 75 de cette directive, est respecté.

    Signatures


    *      Langue de procédure : l’espagnol.

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