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Document 62022CJ0285

Sentenza della Corte (Ottava Sezione) del 6 luglio 2023.
Michaël Julien contro Consiglio dell'Unione europea.
Causa C-285/22 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2023:551

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

6 juillet 2023 (*)

« Pourvoi – Recours en annulation – Accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part – Décision (UE) 2021/689 – Ressortissant du Royaume-Uni ayant des intérêts familiaux et patrimoniaux dans l’Union – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Qualité pour agir – Conditions – Intérêt à agir »

Dans l’affaire C‑285/22 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 22 avril 2022,

Michaël Julien, demeurant à Weybridge (Royaume-Uni), représenté par Mes J.-N. Caubet-Hilloutou et J. Fouchet, avocats,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer, Mme J. Ciantar et M. R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Jääskinen (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, M. Michaël Julien demande l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 24 février 2022, Thomas et Julien/Conseil (T‑442/21, non publiée, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2022:93), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable son recours tendant à l’annulation partielle, premièrement, de l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part (JO 2021, L 149, p. 10, ci-après l’« accord litigieux »), et, deuxièmement, de la décision (UE) 2021/689 du Conseil, du 29 avril 2021, relative à la conclusion, au nom de l’Union, de l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part, et de l’accord entre l’Union européenne et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord relatif aux procédures de sécurité pour l’échange d’informations classifiées et leur protection (JO 2021, L 149, p. 2, ci-après la « décision litigieuse ») (ci-après, ensemble, les « actes litigieux »).

 Les antécédents du litige et les actes litigieux

2        Le requérant est un ressortissant du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord ayant sa résidence secondaire en France.

3        Le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni s’est retiré de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Le 1er février 2020, l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7) est entré en vigueur.

4        Le 24 décembre 2020, les négociations ouvertes entre l’Union et le Royaume-Uni ont abouti, notamment, à l’accord de commerce et de coopération entre l’Union européenne et la Communauté européenne de l’énergie atomique, d’une part, et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, d’autre part (JO 2020, L 444, p. 14).

5        Le 30 décembre 2020, les représentants de l’Union et du Royaume-Uni ont signé le texte de cet accord.

6        Le 29 avril 2021, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision litigieuse. En vertu de l’article 1er, paragraphe 1, de cette décision, ledit accord est approuvé, au nom de l’Union, en ce qui concerne les questions autres que celles relevant de l’application du traité CEEA. Conformément à l’article 1er, paragraphe 3, de ladite décision, l’accord litigieux a remplacé ab initio la version signée de ce texte et, devenant ainsi la version authentique et définitive de celui-ci, a été joint à la même décision.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

7        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 23 juillet 2021, le requérant a introduit un recours tendant à l’annulation partielle des actes litigieux.

8        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2021, la Commission européenne a introduit une demande en intervention au soutien des conclusions du Conseil.

9        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 10 novembre 2021, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité.

10      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a, en premier lieu, considéré, au point 9 de celle-ci, qu’il était suffisamment informé par les pièces du dossier pour statuer sur cette exception d’irrecevabilité, conformément à l’article 130 de son règlement de procédure.

11      En deuxième lieu, s’agissant de l’objet du recours, le Tribunal a constaté, aux points 11 et 15 de l’ordonnance attaquée, que, d’une part, la demande d’annulation partielle des requérants était dirigée, premièrement, contre les articles 5 et 492 de l’accord litigieux, étant précisé que, à la suite de la révision juridico-linguistique finale du texte concerné, les articles COMPROV.16 et VSTV.1, figurant dans la version signée de celui-ci et mentionnés comme faisant l’objet de cette demande d’annulation partielle, étaient devenus ces articles 5 et 492 dans la version authentique et définitive de ce texte. Deuxièmement, ladite demande d’annulation partielle était dirigée contre la décision litigieuse, en tant que les actes litigieux supprimeraient toute possibilité pour les personnes physiques ou morales d’invoquer l’accord litigieux à l’appui d’une contestation sur un sujet autre que les droits de sécurité sociale et ne maintiendraient pas la liberté de circulation des ressortissants du Royaume-Uni ayant des liens familiaux, économiques ou patrimoniaux étroits sur le territoire de l’Union.

12      D’autre part, le Tribunal a rappelé, aux points 17 à 20 de l’ordonnance attaquée, que, lorsqu’il est saisi d’un recours dirigé contre un accord international conclu par l’Union, le juge de l’Union requalifie ce recours comme étant dirigé contre la décision approuvant la conclusion de cet accord international. Il a donc requalifié le recours du requérant comme étant dirigé uniquement contre la décision litigieuse.

13      En troisième lieu, en ce qui concerne le bien-fondé de l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil, le Tribunal a estimé que le requérant ne satisfaisait à aucune des conditions prévues pour avoir qualité pour agir, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

14      En particulier, le Tribunal a relevé, au point 24 de l’ordonnance attaquée, que, aux fins de l’appréciation de la qualité pour agir du requérant, il y avait lieu de prendre en compte non seulement la décision litigieuse, mais également la nature et le contenu de l’accord litigieux.

15      Dans ce contexte, le Tribunal a constaté, premièrement, au point 25 de l’ordonnance attaquée, que le requérant n’était destinataire ni de la décision litigieuse ni de l’accord litigieux et que, par conséquent, il ne disposait pas d’un droit de recours sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, premier membre de phrase, TFUE.

16      Deuxièmement, s’agissant de la qualité pour agir du requérant au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE, notamment de la condition selon laquelle le requérant doit être concerné individuellement, le Tribunal a constaté, d’une part, au point 35 de l’ordonnance attaquée, que les actes litigieux étaient des actes de portée générale et, à ce titre, concernaient le requérant en raison de sa qualité objective de ressortissant du Royaume-Uni. D’autre part, il a considéré, au point 36 de l’ordonnance attaquée, que les circonstances invoquées par le requérant, tirées des intérêts tant familiaux que patrimoniaux dans l’Union, ne permettaient pas de conclure que celui-ci était atteint par la décision litigieuse en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui le caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, l’individualise d’une manière analogue à celle dont le serait le destinataire d’une telle décision.

17      Troisièmement, s’agissant de la qualité pour agir du requérant au regard de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, le Tribunal a relevé, aux points 42 et 43 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse était un « acte non législatif de portée générale ».

18      Le Tribunal a estimé, aux points 44 et 45 de l’ordonnance attaquée, que la notion d’« acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, devait être interprétée comme ne comprenant pas les décisions approuvant la conclusion d’un accord international, telles que la décision litigieuse.

19      Dans ces conditions, le Tribunal a considéré, au point 53 de l’ordonnance attaquée, que le requérant n’avait pas non plus qualité pour agir au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième et troisième membres de phrase, TFUE, que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil devait être accueillie et que, partant, le recours devait être rejeté comme irrecevable.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

20      Par acte déposé au greffe de la Cour le 22 avril 2022, le requérant a formé un pourvoi contre l’ordonnance attaquée.

21      Par son pourvoi, le requérant demande à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        d’annuler la décision litigieuse « en tant qu’elle approuve [les articles 5 et 492] de l’accord [litigieux] » et « en tant que cet accord ne conserve pas la liberté de circulation aux Britanniques ayant des liens familiaux et patrimoniaux étroits sur le territoire de l’Union européenne », ainsi que

–        de condamner l’Union aux dépens, « y compris les frais d’avocat à hauteur de 5 000 [euros] ».

22      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner le requérant aux dépens.

23      Par actes déposés au greffe de la Cour les 14 et 20 mars 2023, les parties ont répondu à la question pour réponse écrite posée par la Cour, sur le fondement de l’article 61 de son règlement de procédure, portant sur les conséquences éventuelles à tirer de l’arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques (C‑673/20, EU:C:2022:449), quant à l’appréciation de la recevabilité du recours introduit devant le Tribunal.

 Sur le pourvoi

24      Au soutien de son pourvoi, le requérant soulève, en substance, deux moyens, tirés, le premier, du fait que le retrait du Royaume-Uni de l’Union aurait été conçu de manière restrictive en ce qui concerne les droits des personnes et du fait que l’indifférence des auteurs de l’accord litigieux à l’égard des droits individuels des particuliers affecterait la situation du requérant ainsi que, le second, d’erreurs de droit dans l’appréciation de la recevabilité du recours au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième et troisième membres de phrase, TFUE. Chacun de ces deux moyens se divise en deux branches.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

25      Par la première branche du premier moyen de pourvoi, le requérant fait valoir que l’accord litigieux n’a pas protégé de manière adéquate les droits des personnes ayant conservé des liens familiaux et économiques ou patrimoniaux de longue date dans l’Union et reproche aux auteurs de cet accord de ne pas avoir accordé une plus grande attention aux droits individuels des personnes concernées par celui-ci, telles que lui-même.

26      Par la seconde branche du premier moyen de pourvoi, le requérant fait valoir qu’il est un citoyen du Royaume-Uni d’origine française, ayant de la famille en France et étant de longue date propriétaire d’un bien immobilier en France sur le territoire de laquelle il demeure régulièrement pendant plus de 90 jours par an. Il critique le fait de devoir suivre des procédures bureaucratiques afin de pouvoir poursuivre ses activités comme auparavant, ce qui lui occasionnerait une grande insécurité juridique contrairement à ce qui est établi dans le préambule du traité FUE.

27      Le Conseil fait valoir que le premier moyen de pourvoi est manifestement irrecevable.

 Appréciation de la Cour

28      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il résulte, notamment, de l’article 168, paragraphe 1, sous d), et de l’article 169, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour qu’un pourvoi doit indiquer de façon précise les éléments critiqués de la décision dont l’annulation est demandée, ainsi que les arguments juridiques qui soutiennent de manière spécifique cette demande. La Cour a itérativement jugé, à cet égard, qu’un pourvoi est irrecevable dans la mesure où, sans même comporter une argumentation visant spécifiquement à identifier l’erreur de droit dont serait entaché l’arrêt du Tribunal, il se limite à répéter les moyens et les arguments qui ont déjà été présentés devant cette juridiction, y compris ceux qui étaient fondés sur des faits expressément écartés par celle-ci. En effet, un tel pourvoi constitue, en réalité, une demande visant à obtenir un simple réexamen de la requête présentée devant le Tribunal, ce qui échappe à la compétence de la Cour sur pourvoi (arrêt du 16 mars 2023, American Airlines/Commission, C‑127/21 P, EU:C:2023:209, point 75 et jurisprudence citée).

29      En l’espèce, il y a lieu de relever que, par le premier moyen de pourvoi, le requérant se limite à exposer les arguments déjà invoqués devant le Tribunal quant aux conséquences du retrait du Royaume Uni de l’Union sur sa situation familiale et patrimoniale et à critiquer le fait que l’accord litigieux n’a pas protégé ni maintenu la liberté de circulation des ressortissants du Royaume-Uni ayant des liens familiaux, économiques ou patrimoniaux étroits avec l’Union, sans identifier les erreurs de droit ou une dénaturation des faits dans l’ordonnance attaquée, ni soulever le moindre moyen ou invoquer le moindre argument juridique à l’appui de sa demande d’annulation de cette ordonnance.

30      Il s’ensuit qu’il convient d’écarter le premier moyen de pourvoi comme étant manifestement irrecevable.

 Sur le second moyen

 Argumentation des parties

31      Par le second moyen de pourvoi, le requérant fait valoir que le Tribunal a commis des erreurs de droit dans l’appréciation de sa qualité pour agir au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième et troisième membres de phrase, TFUE.

32      Par la première branche du second moyen du pourvoi, le requérant reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur de droit en jugeant que la décision litigieuse ne pouvait être qualifiée d’« acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE.

33      Le requérant s’accorde avec le Tribunal en ce que les actes litigieux sont des actes de portée générale ne comportant pas d’actes législatifs, au sens de la jurisprudence de la Cour. Toutefois, le requérant fait valoir que le Tribunal a ajouté, aux points 44 à 53 de l’ordonnance attaquée, une « autre condition » qui ne ressortirait pas de cette jurisprudence.

34      Le requérant soutient que l’interprétation de l’article 263 TFUE effectuée par la Cour dans sa jurisprudence n’exclut pas l’exercice du droit au recours des personnes physiques contre les accords internationaux ayant la nature d’un acte réglementaire, ni contre les décisions de conclure ces accords. Il allègue qu’une telle considération ne saurait être remise en cause par le raisonnement du Tribunal dans l’ordonnance attaquée tiré de la hiérarchie des normes et de la valeur juridique supérieure des accords internationaux en droit de l’Union.

35      Selon le requérant, si les accords internationaux et les décisions de conclure ces accords, telles que la décision litigieuse, ne sont pas considérés comme étant des actes réglementaires, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, cela aboutit à exonérer le Conseil de l’exigence du respect de l’État de droit au sens de l’article 2 TFUE, celui-ci pouvant décider librement des droits fondamentaux des citoyens reconnus dans lesdits accords.

36      Enfin, le requérant fait valoir que les actes litigieux, et en particulier la décision litigieuse, sont des actes réglementaires qui ne comportent pas de mesures d’exécution et dont les effets ne dépendent pas de l’existence de telles mesures.

37      Par la seconde branche du second moyen de pourvoi, le requérant soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qui concerne l’appréciation de sa qualité pour agir au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE, au motif que la spécificité de sa situation démontrerait qu’il est concerné individuellement par les actes litigieux.

38      Le requérant reproche au Tribunal d’avoir considéré que l’accord litigieux l’atteignait en raison de sa qualité objective de ressortissant du Royaume-Uni et que cet accord n’aurait pas été conclu en fonction de critères propres à la catégorie particulière de personnes qu’il invoquait, ledit accord ne le privant donc pas d’un droit acquis qui serait un droit exclusif.

39      À cet égard, le requérant soutient, d’une part, que, par cette interprétation, le Tribunal a méconnu la condition selon laquelle le requérant doit être concerné individuellement dans la mesure où la satisfaction de celle-ci pourrait aussi bien résulter d’une action que d’une omission. Ainsi, le Tribunal aurait permis au Conseil d’adopter des actes ayant une application générale en privant une étroite catégorie d’individus de la possibilité de contester ces actes, en particulier les personnes ayant des liens privés, familiaux ou patrimoniaux étroits avec l’Union.

40      D’autre part, le requérant fait valoir que l’appréciation du Tribunal quant à la privation d’un droit acquis qui serait un droit exclusif est également erronée. Premièrement, cette appréciation relèverait de l’examen au fond de l’affaire. Deuxièmement, les droits acquis seraient indissociablement liés aux conditions de leur exercice. Ainsi, son droit à la vie privée et familiale, son droit à la sécurité juridique et son droit à la jouissance paisible et libre de sa propriété, qui dépendaient de sa liberté de circulation, lui ont été refusés par l’accord litigieux à défaut d’avoir tenu compte de sa situation particulière. Une telle omission aurait donc été entachée d’une erreur de droit.

41      Le Conseil conteste la recevabilité du second moyen de pourvoi et fait valoir que, en tout état de cause, les allégations du requérant sont non fondées.

 Appréciation de la Cour

42      En ce qui concerne la recevabilité du second moyen de pourvoi, certes, il convient de relever qu’une partie de l’argumentation invoquée dans le cadre de la première branche de ce moyen, en particulier les allégations qui ressortent des points 62 à 64 et 72 à 85 du pourvoi relatives à la nature des actes litigieux, consiste en des considérations politiques qui ne permettent pas d’identifier l’erreur de droit dont serait entachée l’ordonnance attaquée, au sens de la jurisprudence mentionnée au point 28 du présent arrêt, et doit donc être écartée comme irrecevable.

43      Toutefois, il convient de constater qu’une autre partie de l’argumentation exposée dans le second moyen est recevable dans la mesure où celle-ci comporte une série d’arguments juridiques se rapportant précisément à des éléments identifiés aux points 44 à 53 de l’ordonnance attaquée, notamment les appréciations du Tribunal relatives à la notion d’« actes réglementaires », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE. Par ailleurs, il y a lieu de relever que le requérant présente une série d’allégations juridiques à l’encontre de l’appréciation du Tribunal selon laquelle, d’une part, l’accord litigieux l’atteint en raison de sa qualité objective de ressortissant du Royaume-Uni et, d’autre part, celui-ci n’est pas concerné individuellement, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE, laquelle doit, partant, être également déclarée recevable.

44      Sur le fond, il convient de relever que le Tribunal a jugé que le requérant était irrecevable à agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, considérant, respectivement aux points 37 et 46 de l’ordonnance attaquée, que celui-ci n’était pas individuellement concerné par la décision litigieuse, au sens du deuxième membre de phrase de cette disposition, et que cette dernière ne pouvait être qualifiée d’« acte réglementaire », au sens du troisième membre de phrase de ladite disposition. Dans un souci d’économie de procédure, le Tribunal est parti de la prémisse selon laquelle l’absence de reconnaissance de la liberté de circulation ou des droits similaires dans l’Union, notamment l’octroi d’un visa pour les séjours de longue durée des ressortissants du Royaume-Uni, serait une conséquence de l’accord litigieux.

45      Sans qu’il soit besoin d’apprécier si, en statuant ainsi, le Tribunal a commis une erreur de droit, la Cour rappelle que, selon une jurisprudence constante, toute circonstance ayant trait à la recevabilité du recours en annulation formé devant le Tribunal est susceptible de constituer un moyen d’ordre public que la Cour, saisie dans le cadre d’un pourvoi, est tenue de soulever d’office (ordonnances du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil, C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564, point 20, et du 4 février 2021, Pilatus Bank/BCE, C‑701/19 P, non publiée, EU:C:2021:99, point 23).

46      Or, il est également de jurisprudence constante, premièrement, que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui–ci la concerne directement (voir en ce sens, notamment, arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 59).

47      Deuxièmement, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle–même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. L’intérêt à agir constitue ainsi la condition essentielle et première de tout recours en justice (voir, en ce sens, arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C‑19/93 P, EU:C:1995:339, point 13, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 et 58). En revanche, l’intérêt à agir fait défaut lorsque l’issue favorable d’un recours ne serait pas de nature, en tout état de cause, à donner satisfaction au requérant (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, EU:C:2011:370, point 49, et du 23 novembre 2017, Bionorica et Diapharm/Commission, C‑596/15 P et C‑597/15 P, EU:C:2017:886, point 85).

48      Troisièmement, l’intérêt à agir et la qualité pour agir constituent des conditions de recevabilité distinctes qu’une personne physique ou morale doit satisfaire de façon cumulative afin d’être recevable à former un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62 ainsi que jurisprudence citée).

49      Eu égard aux circonstances de l’espèce et sans qu’il soit besoin d’apprécier si le Tribunal a commis une erreur de droit en statuant ainsi qu’il l’a fait aux points 35 à 37 et 40 à 47 de l’ordonnance attaquée, la Cour estime devoir soulever d’office la question de l’existence d’un intérêt à agir du requérant.

50      À cet égard, il convient de rappeler d’emblée que l’article 50, paragraphe 1, TUE énonce que tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. La décision de retrait relève de la seule volonté de l’État membre concerné, dans le respect de ses règles constitutionnelles, et dépend donc de son seul choix souverain (voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 50, et du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, points 53 et 59).

51      Par ailleurs, la possession de la nationalité d’un État membre constituant, conformément à l’article 9 TUE et à l’article 20, paragraphe 1, TFUE, une condition indispensable pour qu’une personne puisse acquérir et conserver le statut de citoyen de l’Union et bénéficier de la plénitude des droits attachés à celui–ci, notamment la libre circulation dans l’Union, la perte de cette nationalité entraîne donc, pour la personne concernée, celle de ce statut et de ces droits (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 57).

52      Enfin, il convient également de rappeler que les institutions de l’Union disposent d’une grande latitude de décision politique dans la conduite des relations extérieures et peuvent conclure, dans l’exercice de leurs prérogatives dans ce domaine, des accords internationaux fondés, notamment, sur le principe de la réciprocité et des avantages mutuels. Dans ces circonstances, celles-ci ne sont pas tenues d’accorder, de manière unilatérale, aux ressortissants des pays tiers, des droits tels que des droits attachés au statut de citoyen de l’Union qui appartiennent en vertu des traités aux seuls citoyens de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 99).

53      Ainsi, l’absence de reconnaissance, pour le requérant, de son droit de circuler librement dans l’Union et, par voie de conséquence, celle de son droit de séjour de longue durée est le résultat automatique, d’une part, de la perte de son statut de citoyen de l’Union occasionnée par la seule décision prise souverainement par le Royaume-Uni de se retirer de l’Union, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, TUE, et de devenir ainsi un État tiers à tous les égards et, d’autre part, d’une décision de l’Union dans la conduite des relations extérieures avec cet État tiers (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, points 59 et 99).

54      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté comme étant irrecevable, en ce qu’il est dirigé contre les actes litigieux, au motif que ces derniers auraient entraîné pour le requérant l’absence de reconnaissance de son droit de circuler librement dans l’Union, alors que la perte de ce droit procède de la seule décision prise souverainement par le Royaume-Uni de se retirer de l’Union, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, TUE.

55      En effet, une annulation de la décision litigieuse ne saurait procurer un bénéfice au requérant qui soit susceptible de fonder un intérêt à agir, puisque sa situation actuelle ne serait, en tout état de cause, pas remise en cause par cette annulation.

56      Le requérant ne présentant pas un intérêt à agir contre la décision litigieuse, il n’y a pas lieu d’examiner son argumentation prise d’une appréciation erronée de sa qualité pour agir au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième et troisième membres de phrase, TFUE. En effet, une éventuelle erreur de droit serait sans incidence pour la solution du litige et n’affecterait pas le dispositif de l’ordonnance attaquée en tant que le recours a été rejeté comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 43 et jurisprudence citée).

57      Il s’ensuit que, pour les motifs énoncés aux points 50 à 55 du présent arrêt, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 53 de l’ordonnance attaquée, que le recours devait être rejeté comme étant irrecevable.

58      Le second moyen de pourvoi doit donc être écarté.

59      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi est rejeté.

 Sur les dépens

60      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

61      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.



62      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Michaël Julien est condamné aux dépens.

Safjan

Jääskinen

Gavalec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 juillet 2023.

Le greffier

 

Le président de chambre

A. Calot Escobar

 

M. Safjan


*      Langue de procédure : le français.

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