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Document 62015TJ0749

A Törvényszék ítélete (harmadik tanács), 2017. január 24.
Nausicaa Anadyomène SAS és Banque d'escompte kontra Európai Központi Bank.
Szerződésen kívüli felelősség – Gazdaság‑ és monetáris politika – EKB – Nemzeti központi bankok – A görög államadósság átütemezése – Értékpapír‑vásárlási program – Értékpapírcsere‑megállapodás kizárólag az eurórendszer központi bankjai javára – A magánszektor részvétele – Kollektív fellépési záradékok – Hitelminőség‑javítás visszavásárlási rendszer formájában, amelynek célja az értékpapírok fedezeti minőségének az alátámasztása – Magánhitelezők – Kereskedelmi bankok – Magánszemélyek számára jogokat keletkeztető jogszabály kellően súlyos megsértése – Jogos bizalom – Egyenlő bánásmód.
T-749/15. sz. ügy.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2017:21

Édition provisoire

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

24 janvier 2017 (*)

« Responsabilité non contractuelle – Politique économique et monétaire – BCE – Banques centrales nationales – Restructuration de la dette publique grecque – Programme d’achat de titres – Accord d’échange de titres au profit des seules banques centrales de l’Eurosystème – Implication du secteur privé – Clauses d’action collective – Rehaussement de crédit sous la forme d’un programme de rachat destiné à étayer la qualité des titres en tant que garanties – Créanciers privés – Banques commerciales – Violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit conférant des droits aux particuliers – Confiance légitime – Égalité de traitement »

Dans l’affaire T‑749/15,

Nausicaa Anadyomène SAS, établie à Paris (France),

Banque d’escompte, établie à Paris,

représentées par Mes S. Rodrigues et A. Tymen, avocats,

parties requérantes,

contre

Banque centrale européenne (BCE), représentée par MM. O. Heinz, G. Varhelyi et F. von Lindeiner, en qualité d’agents, assistés de Me H.‑G. Kamann, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que les requérantes auraient prétendument subi à la suite, notamment, de l’adoption de la décision 2012/153/UE de la BCE, du 5 mars 2012, relative à l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique dans le cadre de l’offre d’échange d’obligations par la République hellénique (BCE/2012/3) (JO 2012, L 77, p. 19), ainsi que d’autres mesures de la BCE liées à la restructuration de la dette publique grecque,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de MM. S. Frimodt Nielsen, président, V. Kreuschitz (rapporteur) et Mme N. Półtorak, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE énonce les objectifs et les missions fondamentales du Système européen de banques centrales (SEBC).

2        L’article 2 et l’article 3, paragraphe 1, du protocole n° 4 sur les statuts du SEBC et de la Banque centrale européenne (JO 2010, C 83, p. 230, ci-après les « statuts ») définissent ces objectifs et ces missions de manière identique.

3        L’article 18 des statuts prévoit :

« 1.      Afin d’atteindre les objectifs du SEBC et d’accomplir ses missions, la BCE et les banques centrales nationales peuvent :

–        intervenir sur les marchés de capitaux soit en achetant et en vendant ferme (au comptant et à terme), soit en prenant et en mettant en pension, soit en prêtant ou en empruntant des créances et des titres négociables, libellés en euros ou d’autres monnaies, ainsi que des métaux précieux ;

–        effectuer des opérations de crédit avec des établissements de crédit et d’autres intervenants du marché sur la base d’une sûreté appropriée pour les prêts.

2.      La BCE définit les principes généraux des opérations d’open market et de crédit effectuées par elle-même ou par les banques centrales nationales, y compris de l’annonce des conditions dans lesquelles celles-ci sont disposées à pratiquer ces opérations. »

4        La Banque centrale européenne (BCE) a défini les principes généraux des opérations d’open market et de crédit, d’abord, dans son orientation 2000/776/BCE, du 31 août 2000, concernant les instruments et procédures de politique monétaire de l’Eurosystème (BCE/2000/7) (JO 2000, L 310, p. 1). Cette orientation a, ensuite, été modifiée à plusieurs reprises et, enfin, été consolidée et remplacée, avec effet au 1er janvier 2012, par l’orientation 2011/817/UE de la BCE, du 20 septembre 2011, concernant les instruments et procédures de politique monétaire de l’Eurosystème (BCE/2011/14) (JO 2011, L 331, p. 1). L’annexe I desdites orientations, intitulée « Documentation générale sur les instruments et procédures de politique monétaire de l’Eurosystème » (ci-après la « documentation générale »), expose les critères régissant la mise en œuvre uniforme de la politique monétaire dans la zone euro, dont la définition des « actifs éligibles » (point 6). La BCE a précisé cette définition, en dernier lieu, dans son orientation 2011/817, notamment, en fixant, aux points 6.3.1 et 6.3.2 de la documentation générale, les critères régissant tant l’exigence minimale en matière de qualité de signature (seuil de qualité du crédit) que la qualité de signature élevée pour les actifs négociables.

5        À cet égard, le point 6.3.1, sixième alinéa, de la documentation générale dispose, notamment, ce qui suit :

« L’Eurosystème se réserve le droit de déterminer si une émission, un émetteur, un débiteur ou un garant satisfait aux exigences en matière de qualité de signature élevée ; à cet effet, il s’appuie sur toute information qu’il juge pertinente et peut être amené à refuser des actifs en conséquence, à limiter leur utilisation ou à appliquer des décotes supplémentaires si cela est nécessaire pour garantir à l’Eurosystème une protection adéquate contre le risque, conformément à l’article 18[, paragraphe 1,] des statuts. »

 Antécédents du litige

6        La seconde requérante, la Banque d’escompte, est une société anonyme établie à Paris (France) et dotée d’un capital social de 16 000 000 euros, dont l’activité commerciale a pour objet principal, tel que défini à l’article 2 de ses statuts, d’effectuer, « pour elle-même ou pour le compte de tiers ou en participation », notamment, « toutes opérations de banque, de bourse au comptant ou à terme, de courtage [...], de crédit ou de change ».

7        La première requérante, Nausicaa Anadyomène SAS (ci-après « Nausicaa »), est une société par actions simplifiée établie à Paris, dotée d’un capital social de 16 000 euros et dont les actionnaires, à la date du commencement de son activité commerciale, le 16 décembre 2011, étaient identiques à ceux de la seconde requérante (article 1er, deuxième alinéa, des statuts de Nausicaa). Son activité principale consiste en « [l]’acquisition, [en] la gestion pour son compte propre et [en] la valorisation, comme la réalisation, de créances obligataires émises par l’État grec et présentement détenues par la Banque d’escompte [...], en ce compris tout accessoire ou tout titre de créance qui leur serait substitué ou qui en serait la suite » (article 4 des statuts de Nausicaa).

8        Le 21 octobre 2009, la République hellénique a notifié à Eurostat, l’office statistique de l’Union européenne, un déficit public revu à la hausse de 12,5 % du produit intérieur brut (PIB), contre un taux de 3,7 % du PIB notifié au printemps 2009. Cette révision des données économiques de la République hellénique a suscité des doutes quant à sa solvabilité et, partant, a entraîné une augmentation des taux d’intérêt des titres de créance grecs au cours des premiers mois de l’année 2010.

9        Eu égard au fait que la crise de la dette publique grecque menaçait d’avoir des effets dans d’autres États membres de la zone euro et mettait en danger la stabilité de cette zone dans son ensemble, lors du sommet du Conseil européen du 25 mars 2010, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro sont convenus de mettre en place, avec la participation du Fonds monétaire international (FMI), un mécanisme intergouvernemental d’assistance à la République hellénique consistant dans l’octroi de prêts bilatéraux coordonnés à taux d’intérêts non concessionnels.

10      Par quatre opérations d’investissement, effectuées les 12, 23 et 25 mars ainsi que le 23 avril 2010, la seconde requérante a acheté en Bourse, pour un prix total de 12 956 612,38 euros, 9 000 titres de créance grecs au taux de 4,3 % (code ISIN : GR0124029639) et 5 000 titres de créance grecs au taux de 5,9 % (code ISIN : GR0118012609) (ci-après les « obligations litigieuses »).

11      À la fin du mois d’avril 2010, une agence de notation de crédit a dégradé la notation des titres de créance grecs de BBB- à celle de BB+, notation considérée comme désignant une dette à haut risque. Ainsi, le 27 avril 2010, l’agence de notation de crédit Standard & Poor’s (S&P) a averti les détenteurs de titres de créance grecs qu’ils n’avaient en moyenne qu’entre 30 et 50 % de chances de récupérer leur argent dans l’hypothèse d’une restructuration de la dette publique grecque ou d’un défaut de paiement de la part de l’État grec.

12      Les 17 et 26 mars et 27 avril 2010, dans le cadre d’une « convention de prêt garanti 3G » conclue entre la Banque de France et la seconde requérante le 30 avril 2009, cette dernière a, au titre des opérations de refinancement en banque centrale, transféré les obligations litigieuses sur un compte dit « Pool 3 G » auprès de la Banque de France.

13      Le 23 avril 2010, la République hellénique a demandé l’activation du mécanisme intergouvernemental d’assistance visé au point 9 ci-dessus. Le 2 mai 2010, les États membres de la zone euro ont accepté de fournir, en vertu dudit mécanisme d’assistance, 80 milliards d’euros à la République hellénique dans le cadre d’une enveloppe financière de 110 milliards d’euros allouée conjointement avec le FMI.

14      Au regard de cette situation, par décision 2010/268/UE, du 6 mai 2010, relative à des mesures temporaires concernant l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou garantis par le gouvernement hellénique (BCE/2010/3) (JO 2010, L 117, p. 102), la BCE a décidé de suspendre temporairement « [l]es exigences minimales de l’Eurosystème en matière de seuils de qualité du crédit, telles que précisées par les règles du dispositif de l’Eurosystème d’évaluation du crédit applicables aux actifs négociables [au point] 6.3.2 de la documentation générale » (article 1er, paragraphe 1, de ladite décision). Selon l’article 2 de cette décision, « [l]e seuil de qualité du crédit de l’Eurosystème ne s’applique pas aux titres de créance négociables émis par le gouvernement hellénique » et « [c]es actifs constituent une sûreté éligible aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, nonobstant leur notation de crédit externe ». L’article 3 de la même décision prévoit une règle analogue pour les « titres de créance négociables émis par les entités établies en Grèce et totalement garantis par le gouvernement hellénique ».

15      Les considérants 3 et 4 de la décision 2010/268 exposent ce qui suit :

« (3)      Des circonstances exceptionnelles prévalent actuellement sur le marché financier, résultant de la situation financière du gouvernement hellénique et des discussions portant sur un plan d’ajustement soutenu par les États membres de la zone euro et le F[MI], et l’évaluation normale par le marché des titres émis par le gouvernement hellénique est perturbée, ce qui a des répercussions négatives sur la stabilité du système financier. Cette situation exceptionnelle impose un ajustement rapide et temporaire du cadre de la politique monétaire de l’Eurosystème.

(4)      Le conseil des gouverneurs a tenu compte du fait que le gouvernement hellénique a approuvé un programme d’ajustement économique et financier qu’il a négocié avec la Commission européenne, la BCE et le F[MI], ainsi que de la ferme détermination du gouvernement hellénique à mettre en œuvre ce programme dans son intégralité. Le conseil des gouverneurs a également tenu compte d’un point de vue de la gestion du risque de crédit de l’Eurosystème, des effets de ce programme sur les titres émis par le gouvernement hellénique. Le conseil des gouverneurs estime que le programme est approprié, de sorte que du point de vue de la gestion du risque de crédit, les titres de créance négociables émis par le gouvernement hellénique ou garantis par le gouvernement hellénique conservent une qualité de signature suffisante pour le maintien de leur éligibilité en tant que sûreté aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, nonobstant toute évaluation du crédit externe. Ces évaluations positives constituent le fondement de cette suspension exceptionnelle et temporaire, mise en place afin de contribuer à la solidité des établissements financiers, tout en renforçant la stabilité du système financier dans son ensemble et en protégeant les clients de ces établissements. Toutefois, il convient que la BCE surveille étroitement le maintien de la ferme détermination du gouvernement hellénique à mettre en œuvre dans son intégralité le programme d’ajustement économique et financier sous-tendant ces mesures. »

16      Aux termes du considérant 5 de la décision 2010/268, notamment, « [c]ette mesure exceptionnelle […] s’appliquera temporairement, jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs estime que la stabilité du système financier permet la mise en œuvre normale du cadre de l’Eurosystème pour les opérations de politique monétaire ».

17      Le 14 mai 2010, la BCE a adopté la décision 2010/281/UE, instaurant un programme pour les marchés de titres (BCE/2010/5) (JO 2010, L 124, p. 8), sur le fondement de l’article 127, paragraphe 2, premier tiret, TFUE et, notamment, de l’article 18, paragraphe 1, des statuts.

18      Aux considérants 2 à 5 de la décision 2010/281, il est, notamment, indiqué ce qui suit :

« (2)      Le 9 mai 2010, le conseil des gouverneurs a décidé et publiquement annoncé que, compte tenu des circonstances exceptionnelles prévalant sur les marchés de capitaux, caractérisées par de graves tensions sur certains compartiments de marché qui entravent le mécanisme de transmission de la politique monétaire et, par là, la conduite efficace d’une politique monétaire axée sur la stabilité des prix à moyen terme, il convenait de mettre en place un programme temporaire pour les marchés de titres (ci-après le ‘programme’). Dans le cadre du programme, les [banques centrales nationales] de la zone euro, en fonction de leurs parts exprimées en pourcentage dans la clé de répartition pour la souscription au capital de la BCE, et la BCE, en contact direct avec les contreparties, peuvent procéder à des interventions directes sur les marchés obligataires tant publics que privés de la zone euro.

(3)      Le programme fait partie de la politique monétaire unique de l’Eurosystème et s’appliquera temporairement. Le programme a pour objectif de remédier au dysfonctionnement des marchés de titres et de rétablir un mécanisme approprié de transmission de la politique monétaire.

[...]

(5)      Dans le cadre de la politique monétaire unique de l’Eurosystème, il convient que l’achat ferme de titres de créance négociables éligibles par les banques centrales de l’Eurosystème en vertu du programme soit réalisé conformément aux dispositions de la présente décision. »

19      Aux termes de l’article 1er de la décision 2010/281, notamment, « les banques centrales de l’Eurosystème peuvent acheter [...] sur le marché secondaire, les titres de créance négociables éligibles émis par les administrations centrales ou les organismes publics des États membres dont la monnaie est l’euro ». L’article 2 prévoit comme critères d’éligibilité des titres de créance, notamment, que ceux-ci soient « libellés en euros » et émis par lesdites administrations centrales ou par lesdits organismes publics.

20      Dans le cadre du programme pour les marchés de titres institué par la décision 2010/281 (ci-après le « programme d’achat de titres »), la BCE a acquis des titres de créance d’État, y compris de la République hellénique, entre mai 2010 et mars 2011 ainsi qu’entre août 2011 et février 2012.

21      Aux termes d’un communiqué de presse du 1er juillet 2011, l’Institut de la finance internationale (IFI) a déclaré, notamment, ce qui suit :

« Le conseil d’administration de l’Institut de la finance internationale s’emploie à travailler avec ses associés et les autres institutions financières, avec le secteur public et les autorités helléniques, non seulement pour offrir à la [République hellénique] une contribution substantielle en termes de flux de trésorerie, mais aussi pour poser les bases d’une position débitrice plus soutenable.

La communauté financière privée est disposée à faire un effort volontaire, de coopération, transparent et à grande échelle, pour soutenir la [République hellénique], étant donné le caractère unique et exceptionnel des circonstances […]

La contribution des investisseurs privés viendra en complément du soutien financier et de la trésorerie publique et sera réduite à un nombre limité d’options […] »

22      Le 21 juillet 2011, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro et des institutions de l’Union européenne se sont réunis pour délibérer sur des mesures à prendre afin de surmonter les difficultés auxquelles la zone euro était confrontée.

23      Dans leur déclaration conjointe du 21 juillet 2011, il est exposé, notamment, ce qui suit :

« 1.      Nous nous félicitons des mesures prises par le gouvernement grec pour stabiliser ses finances publiques et [pour] réformer son économie, ainsi que du nouveau train de mesures, y compris de privatisation, récemment adopté par le Parlement [hellénique]. Ces mesures constituent des efforts sans précédent, mais qui sont nécessaires pour que l’économie grecque retrouve la voie d’une croissance durable. Nous sommes conscients des efforts que les mesures d’ajustement entraînent pour les citoyens grecs et nous sommes convaincus que ces sacrifices sont indispensables pour la reprise économique et qu’ils contribueront à la stabilité et à la prospérité futures du pays.

2.      Nous convenons de soutenir un nouveau programme pour la [République hellénique] et, avec le FMI et la contribution volontaire du secteur privé, de couvrir intégralement le déficit de financement. Le financement public total s’élèvera à un montant estimé à 109 milliards d’euros. Ce programme visera, notamment grâce à une réduction des taux d’intérêt et à un allongement des délais de remboursement, à ramener l’endettement à un niveau bien plus supportable et à améliorer le profil de refinancement de la [République hellénique]. Nous appelons le FMI à continuer de contribuer au financement du nouveau programme pour la [République hellénique]. Nous avons l’intention d’utiliser le [Fonds européen de stabilité financière] en tant qu’instrument de financement pour le prochain décaissement. Nous suivrons avec beaucoup d’attention la mise en œuvre rigoureuse du programme sur la base d’une évaluation régulière effectuée par la Commission [européenne] en liaison avec la BCE et le FMI.

[…]

5.      Le secteur financier a indiqué qu’il était prêt à soutenir la [République hellénique] sur une base volontaire en recourant à différentes possibilités permettant de renforcer encore la viabilité globale. La contribution nette du secteur privé est estimée à 37 milliards d’euros […] Un rehaussement de crédit sera fourni pour étayer la qualité de la garantie, afin d’en permettre l’utilisation continue pour que les banques grecques puissent accéder aux opérations de liquidités de l’Eurosystème. Nous fournirons des ressources appropriées pour recapitaliser les banques grecques si nécessaire. »

24      S’agissant de la participation du secteur privé, ladite déclaration indique à son point 6 ce qui suit :

« Pour ce qui est de notre approche générale à l’égard de la participation du secteur privé dans la zone euro, nous tenons à préciser que la [République hellénique] appelle une solution exceptionnelle et bien spécifique. »

25      Lors de leur sommet du 26 octobre 2011, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro ont déclaré, notamment, ce qui suit :

« 12.      La participation du secteur privé joue un rôle vital pour ramener l’endettement de la [République hellénique] à un niveau supportable. C’est pourquoi nous nous félicitons des discussions en cours entre la [République hellénique] et ses investisseurs privés visant à trouver une solution permettant d’approfondir la participation du secteur privé. Parallèlement à un programme de réforme ambitieux pour l’économie grecque, la participation du secteur privé devrait garantir la diminution du ratio de la dette grecque au PIB, l’objectif étant de parvenir à un taux de 120 % d’ici à 2020. À cette fin, nous invitons la [République hellénique], les investisseurs privés et toutes les parties concernées à mettre en place un échange volontaire d’obligations avec une décote nominale de 50 % sur la valeur notionnelle de la dette grecque détenue par les investisseurs privés. Les États membres de la zone euro contribueront à l’ensemble des mesures relatives à la participation du secteur privé à hauteur de 30 milliards d’euros. Sur cette base, le secteur public est disposé à fournir un financement supplémentaire au titre du programme pour un montant allant jusqu’à 100 milliards d’euros jusqu’en 2014, y compris la recapitalisation requise des banques grecques. Le nouveau programme devrait être arrêté d’ici à la fin de 2011 et l’échange d’obligations devrait être mis en œuvre au début de 2012. Nous demandons au FMI de continuer à contribuer au financement du nouveau programme grec.

[…]

14.      Un rehaussement de crédit sera fourni pour étayer la qualité de la garantie, afin de permettre aux banques grecques de continuer à y recourir pour avoir accès aux opérations d’octroi de liquidités dans le cadre de l’Eurosystème.

15.      En ce qui concerne notre approche générale à l’égard de la participation du secteur privé dans la zone euro, nous rappelons la décision que nous avons prise le 21 juillet [2011], selon laquelle la situation de la [République hellénique] appelle une solution exceptionnelle et unique. »

26      D’après un communiqué de presse du ministère des Finances hellénique du 17 novembre 2011, ledit ministère avait entamé des négociations avec les détenteurs de titres de créance grecs en vue de préparer une transaction d’échange volontaire de tels titres avec une décote (haircut) nominale de 50 % sur la valeur notionnelle de la dette grecque détenue par les investisseurs privés, telle que prévue au point 12 de la déclaration du 26 octobre 2011.

27      Par acte de cession du 15 décembre 2011, c’est-à-dire un jour avant la date de commencement de son activité commerciale, telle qu’elle ressort de l’extrait d’immatriculation principale au registre du commerce et des sociétés, Nausicaa a acquis de la seconde requérante les obligations litigieuses pour un prix de 12 956 612,38 euros. Le même jour, Nausicaa et la seconde requérante ont conclu une « convention cadre relative aux opérations de pensions livrées », conformément aux dispositions du Code monétaire et financier français. Entre les 16 et 22 décembre 2011, en vertu de cette convention, Nausicaa a mis en pension à la seconde requérante les obligations litigieuses, lui permettant d’obtenir auprès de celle-ci un crédit d’un montant net de 2 763 278,69 euros, assorti d’un taux d’intérêt égal à l’Euribor 1 an + 0,50, pour les obligations litigieuses au taux de 5,9 %, et de 4 236 393,44 euros, assorti d’un taux d’intérêt égal à l’Euribor 1 an + 0,50, pour les obligations litigieuses au taux de 4,3 %. Dans le cadre de ces différentes opérations, la seconde requérante a sorti les obligations litigieuses du compte Pool 3 G auprès de la Banque de France pour finalement les y transférer de nouveau.

28      Le 13 février 2012, Nausicaa et la seconde requérante sont convenues d’un avenant à l’acte de cession du 15 décembre 2011, dans lequel Nausicaa a accepté de renoncer à la garantie de valeur nominale des obligations litigieuses en échange d’un abaissement du taux de refinancement en ramenant le taux des opérations de pensions livrées de Euribor 1 an + 0,50 à Euribor 1 an flat.

29      Le 15 février 2012, la BCE et les banques centrales nationales de l’Eurosystème, d’une part, et la République hellénique, d’autre part, ont passé un accord d’échange ayant pour objet l’échange des titres de créance grecs détenus par la BCE et par les banques centrales nationales contre de nouveaux titres de créance grecs ayant les mêmes valeurs nominales, taux d’intérêt, dates de paiement des intérêts et de remboursement que les titres destinés à être échangés, mais portant des numéros de série (codes ISIN) et des dates différents.

30      Le 17 février 2012, sur demande du ministère des Finances hellénique au titre de l’article 127, paragraphe 4, TFUE, lu conjointement avec l’article 282, paragraphe 5, TFUE, la BCE a rendu un avis positif sur un projet de loi grec portant sur la participation des créanciers privés à la restructuration de la dette publique de la République hellénique, fondée notamment sur l’application des « clauses d’action collective » (ci-après les « CAC »).

31      Aux termes de la déclaration de l’Eurogroupe du 21 février 2012, notamment :

« L’Eurogroupe prend acte du fait que les autorités grecques et le secteur privé sont parvenus à un accord sur les conditions générales de l’offre d’échange au titre du [Private Sector Involvement (PSI)] qui concerne tous les détenteurs de titres du secteur privé. Cet accord garantit un taux de décote de 53,5 %. L’Eurogroupe estime que cet accord constitue une base appropriée pour le lancement de l’invitation à l’échange faite aux détenteurs de titres d’État grecs (PSI). La réussite de l’opération de PSI constitue une condition préalable nécessaire à un programme destiné à succéder au programme actuel. L’Eurogroupe compte sur une importante participation des créanciers privés à l’échange de la dette, ce qui contribuerait de manière substantielle à la soutenabilité de la dette de la [République hellénique].

[...]

L’Eurogroupe prend acte du fait que les titres d’État grecs sont détenus par l’Eurosystème (la BCE et les [banques centrales nationales]) à des fins d’intérêt public. L’Eurogroupe prend acte du fait que les gains générés par les titres d’État grecs détenus par l’Eurosystème contribueront aux bénéfices de la BCE et des [banques centrales nationales]. Les bénéfices de la BCE seront versés aux [banques centrales nationales] conformément aux règles statutaires de la distribution des bénéfices de la BCE. Les bénéfices des [banques centrales nationales] seront versés aux États membres de la zone euro, conformément aux règles statutaires des[dites banques] en matière de distribution des bénéfices. »

32      Dans un communiqué de presse du 21 février 2012, le ministère des Finances hellénique, d’une part, a divulgué les caractéristiques essentielles de la transaction envisagée d’échange volontaire de titres de créance grecs et, d’autre part, a annoncé la préparation et l’adoption d’une loi à cet effet. Cette transaction devait comporter une demande d’accord et une invitation adressées aux détenteurs privés de certains titres de créance grecs dans le but d’échanger les derniers contre des titres nouveaux avec une valeur nominale égale à 31,5 % de celle de la dette échangée ainsi que contre des titres émis par le Fonds européen de stabilité financière (FESF) venant à échéance après 24 mois et ayant une valeur nominale de 15 % de celle de la dette échangée, ces différents titres devant être fournis par la République hellénique lors de la clôture de l’accord. En outre, tout investisseur privé participant à cette transaction devait recevoir des sûretés détachables de la République hellénique liées au PIB avec une valeur notionnelle égale à celle des nouveaux titres de créance.

33      Le 23 février 2012, le Parlement hellénique a adopté la loi n° 4050/2012, relative à la modification des titres émis ou garantis par l’État grec avec l’accord de leurs détenteurs et introduisant le mécanisme des CAC. En vertu dudit mécanisme, les amendements proposés étaient destinés à devenir juridiquement contraignants pour tout détenteur de titres de créance régis par le droit hellénique et émis avant le 31 décembre 2011, tels qu’identifiés dans l’acte du Conseil des ministres approuvant les invitations à la participation des investisseurs privés [Private Sector Involvement (ci-après le « PSI »)], si lesdits amendements étaient approuvés, de manière collective et sans distinction de séries, par un quorum de détenteurs de titres représentant au moins deux tiers de la valeur nominale desdits titres. En outre, dans le préambule de ladite loi, il est notamment indiqué que « la B[CE] et les autres membres de l’Eurosystème ont conclu des accords particuliers avec la [République hellénique] afin d’éviter que leur mission et leur rôle institutionnel, de même que le rôle de la B[CE] en matière d’élaboration de la politique monétaire, tels qu’ils résultent du traité, ne soient compromis ».

34      Dans un communiqué de presse du 24 février 2012, le ministère des Finances hellénique a précisé les conditions régissant la transaction d’échange volontaire de titres de créance impliquant les investisseurs privés en se référant à la loi n° 4050/2012.

35      Le 24 février 2012, un rehaussement de crédit, sous la forme d’un programme de rachat, destiné à étayer la qualité des titres de créance négociables émis ou garantis par la République hellénique, a été fourni au profit des banques centrales nationales [voir considérant 3 de la décision 2012/433/UE, du 18 juillet 2012, abrogeant la décision [2012/153] relative à l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique dans le cadre de l’offre d’échange d’obligations par la République hellénique (BCE/2012/14) (JO 2012, L 199, p. 26)].

36      Le 27 février 2012, la BCE a adopté la décision 2012/133/UE abrogeant la décision 2010/268 (BCE/2012/2) (JO 2012, L 59, p. 36) (voir point 14 ci-dessus), ce qui a eu pour effet de suspendre l’éligibilité des titres de créance grecs en tant que sûretés aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème.

37      Au soutien de cette abrogation, les considérants 4 et 5 de la décision 2012/133 exposent, d’une part, que « [l]a République hellénique a décidé de faire une offre d’échange d’obligations aux détenteurs de titres de créance négociables émis par le gouvernement hellénique, dans le cadre de la participation du secteur privé », et, d’autre part, que « [c]ette décision de la République hellénique a eu des répercussions négatives supplémentaires sur le caractère approprié, en tant que garanties des opérations de l’Eurosystème, des titres de créance négociables émis par le gouvernement hellénique ou par des entités établies en Grèce et totalement garantis par le gouvernement hellénique ».

38      Selon l’article 2 de ladite décision, celle-ci est entrée en vigueur le 28 février 2012.

39      Dans un communiqué de presse du 28 février 2012, la BCE a indiqué avoir décidé, eu égard à la notation de la République hellénique à la suite de son offre d’échange au titre du PSI, de suspendre temporairement l’éligibilité des titres de créance grecs en tant que sûretés aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème. Elle a notamment précisé que lesdits titres étaient en principe susceptibles de redevenir éligibles lors de l’activation du dispositif de rehaussement de crédit pour étayer la qualité de la garantie, tel qu’approuvé par les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro le 21 juillet 2011 et confirmé le 26 octobre 2011, conjointement avec un certain nombre d’autres mesures destinées à aider la République hellénique dans son programme de restructuration, ce qui devait intervenir au plus tard à la mi-mars 2012.

40      Le même jour, la Banque de France a invité la seconde requérante à retirer les obligations litigieuses du compte Pool 3 G au motif qu’elles avaient « perdu leur éligibilité comme collatéral au refinancement auprès de l’Eurosystème ». Par lettre du 2 mars 2012 adressée à Nausicaa, la seconde requérante a mis fin à la convention de pension livrée au motif que les obligations litigieuses étaient éligibles pour participer à l’opération d’échange au titre des CAC.

41      Après l’annonce du PSI, trois agences de notation de crédit ont abaissé la notation de la République hellénique à « défaut sélectif » (annoncé par S&P le 27 février 2012), à « défaut restreint » (annoncé par Fitch le 22 février et confirmé le 9 mars 2012) et à « défaut » (annoncé par Moody’s le 3 mars 2012).

42      Le 5 mars 2012, la BCE a adopté la décision 2012/153/UE, relative à l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique dans le cadre de l’offre d’échange d’obligations par la République hellénique (BCE/2012/3) (JO 2012, L 77, p. 19).

43      Aux termes de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2012/153, « [l]’utilisation, comme garanties pour les opérations de crédit de l’Eurosystème, de titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique qui ne remplissent pas les exigences minimales de l’Eurosystème en matière de seuils de qualité du crédit […], mais qui remplissent les autres critères d’éligibilité mentionnés [dans la documentation générale], est subordonnée à la fourniture d’un rehaussement de crédit par la République hellénique aux [banques centrales nationales] sous la forme d’un programme de rachat ». L’article 1er, paragraphe 2, de ladite décision prévoit que « [l]es titres de créance visés au paragraphe 1 restent éligibles pour la durée du rehaussement de crédit ». Selon son article 2, cette décision est entrée en vigueur le 8 mars 2012.

44      Aux considérants 2 et 3 de la décision 2012/153, il est exposé ce qui suit :

« (2)      Le 21 juillet 2011, les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro et les institutions de l’Union ont annoncé des mesures destinées à stabiliser les finances publiques grecques, lesquelles comprenaient leur engagement de pourvoir à un rehaussement de crédit destiné à étayer la qualité des titres de créance négociables émis ou garantis par la République hellénique. Le conseil des gouverneurs a décidé que ledit rehaussement de crédit d[evait] être fourni par la République hellénique au profit des banques centrales nationales [...]

(3)      Le conseil des gouverneurs a décidé qu’il conv[enait] de suspendre le seuil de qualité du crédit de l’Eurosystème en ce qui concern[ait] les titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique qui [étaient] couverts par le rehaussement de crédit. »

45      Le 9 mars 2012, le directeur de la Banque centrale hellénique a annoncé les résultats de l’offre d’échange et l’activation des CAC.

46      Dans un communiqué de presse du même jour, le ministère des Finances hellénique a déclaré que, en principe, il était satisfait aux conditions fixées par la loi n° 4050/2012 et a annoncé les proportions dans lesquelles les créanciers privés avaient accepté l’offre d’échange.

47      Le 21 mars 2012, la BCE a adopté la décision 2012/180/UE, modifiant la décision BCE/2011/25 relative à des mesures temporaires supplémentaires concernant les opérations de refinancement de l’Eurosystème et l’éligibilité des garanties (BCE/2012/4) (JO 2012, L 91, p. 27), qui est entrée en vigueur le 23 mars 2012 (article 2 de la décision 2012/180). Aux termes du nouvel article 4 bis de la décision 2011/870/UE, du 14 décembre 2011, relative à des mesures temporaires supplémentaires concernant les opérations de refinancement de l’Eurosystème et l’éligibilité des garanties (BCE/2011/25) (JO 2011, L 341, p. 65), introduit par la décision 2012/180, « [l]es [banques centrales nationales] ne sont pas tenues d’accepter en garantie des opérations de crédit de l’Eurosystème des obligations de banques éligibles garanties par un État membre faisant l’objet d’un programme de l’Union européenne/du F[MI], ou par un État membre dont la notation ne satisfait pas à la référence de l’Eurosystème pour la définition de son exigence minimale en matière de qualité de signature élevée en ce qui concerne les émetteurs et les garants d’actifs négociables conformément aux [points] 6.3.1 et 6.3.2 de la documentation générale ».

48      Par décision 2012/433 (voir point 35 ci-dessus), le rehaussement de crédit étant venu à son terme, la BCE a abrogé la décision 2012/153 avec effet au 25 juillet 2012 (articles 1er et 2).

49      Aux considérants 3 à 5 de ladite décision, à l’appui de cette abrogation, il est indiqué ce qui suit :

« (3)      Dans le cadre de l’offre d’échange d’obligations faite par la République hellénique aux détenteurs de titres de créance négociables émis ou garantis par le gouvernement hellénique, un rehaussement de crédit, sous la forme d’un programme de rachat, destiné à étayer la qualité des titres de créance négociables émis ou garantis par la République hellénique a été fourni, le 24 février 2012, au profit des banques centrales nationales.

(4)      La décision [2012/153] du 5 mars 2012 relative à l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique dans le cadre de l’offre d’échange d’obligations par la République hellénique [...] a temporairement suspendu, à titre de mesure exceptionnelle, les exigences minimales de l’Eurosystème en matière de seuils de qualité du crédit applicables aux titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique, en déclarant que ces titres sont éligibles pour la durée du rehaussement de crédit.

(5)      Au terme du rehaussement de crédit, étant donné que le caractère approprié en tant que sûreté des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique n’est actuellement pas assuré, le conseil des gouverneurs a décidé qu’il convient que les seuils de qualité du crédit de l’Eurosystème énoncés [au point] 6.3.2 de [la documentation générale] s’appliquent à ces titres. »

50      Le 19 décembre 2012, la BCE a adopté la décision 2012/839/UE, relative à des mesures temporaires concernant l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique (BCE/2012/32) (JO 2012, L 359, p. 74).

51      Aux termes de l’article 1er de ladite décision, notamment :

« 1.      Les exigences minimales de l’Eurosystème en matière de qualité du crédit, telles que précisées par les règles du dispositif d’évaluation du crédit de l’Eurosystème applicables à certains actifs négociables énoncées [au point] 6.3.2 de [la documentation générale], sont suspendues pour les titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique.

2.      Les titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique constituent des garanties éligibles aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, sous réserve des décotes spécifiques figurant à l’annexe de la présente décision.

[...] »

52      Selon son article 2, la décision 2012/839 est entrée en vigueur le 21 décembre 2012.

53      Aux considérants 4 à 7 de ladite décision, il est exposé ce qui suit :

« (4)      Le conseil des gouverneurs a depuis [c’est-à-dire à la suite de l’entrée en vigueur de la décision 2012/433] pris en compte l’évaluation positive par l’Eurogroupe de l’ensemble des mesures pour le premier examen du deuxième programme d’ajustement économique pour la [République hellénique].

(5)      Le conseil des gouverneurs estime que cet ensemble de mesures est approprié, de sorte que les titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique présentent une qualité de signature suffisante pour garantir leur éligibilité en tant que sûreté aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, nonobstant toute évaluation externe du crédit.

(6)      Par conséquent, le conseil des gouverneurs a décidé de rétablir l’éligibilité des titres de créance négociables émis ou totalement garantis par la République hellénique aux opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, à condition que des décotes spécifiques différentes de celles prévues [au point] 6.4.2 de [la documentation générale] soient appliquées à ces titres.

(7)      Cette mesure exceptionnelle s’appliquera temporairement jusqu’à ce que le conseil des gouverneurs estime possible d’appliquer de nouveau normalement les critères d’éligibilité de l’Eurosystème et le dispositif du contrôle des risques pour les opérations de politique monétaire. »

 Procédure et conclusions des parties

54      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2015, Nausicaa et la seconde requérante (ci-après, prises ensemble, les « requérantes ») ont introduit le présent recours.

55      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater que la BCE est responsable, au sens de l’article 340, troisième alinéa, TFUE, « des fautes commises à l’occasion de sa politique monétaire relative aux titres de créance grecs » ;

–        condamner la BCE à réparer le préjudice subi par Nausicaa, évalué à 10 901 448,38 euros, et celui subi par la seconde requérante, évalué à 239 058,84 euros ;

–        condamner la BCE aux dépens.

56      La BCE conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours, pour partie, comme irrecevable et, pour partie, comme non fondé ou, à titre subsidiaire, comme non fondé dans son ensemble ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

57      La composition des chambres ayant été modifiée, le juge rapporteur a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

58      En vertu de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, en l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure, le Tribunal peut décider de statuer sur le recours sans phase orale de la procédure.

59      En l’espèce, le Tribunal, s’estimant suffisamment éclairé par les pièces du dossier, décide, en l’absence d’une telle demande, de statuer sans poursuivre la procédure.

 En droit

 Objet du litige, résumé des moyens et demandes procédurales

60      Dans le cadre de leur recours, les requérantes avancent trois moyens d’illégalité à l’appui de leur demande en réparation des préjudices allégués, à savoir, premièrement, une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime, deuxièmement, une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne et, troisièmement, une violation du principe de « bonne administration », de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux et de l’obligation de diligence. Par ailleurs, les requérantes demandent au Tribunal à ce qu’il « ordonne » à la BCE, au titre de « mesure d’organisation de la procédure » en application des articles 88 et 89 de son règlement de procédure, la production de l’accord d’échange du 15 février 2012 (voir point 29 ci-dessus).

61      La BCE, en revanche, demande au Tribunal, aux points 38 à 42 du mémoire en défense, à titre principal, de rejeter le recours comme étant manifestement dépourvu de tout fondement en droit, conformément à l’article 126 du règlement de procédure, au motif qu’il aurait déjà tranché un litige presque identique dans son arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti e.a./BCE (T‑79/13, ci-après l’« arrêt Accorinti », EU:T:2015:756). En effet, cette identité concernerait tant les faits litigieux, y compris les actes en cause de la BCE, les chefs de conclusions et les moyens, tous rejetés par le Tribunal dans cet arrêt, que le type de préjudice invoqué. En outre, la BCE conclut au rejet de la demande de mesure d’organisation de la procédure des requérantes.

62      Les requérantes rétorquent, en substance, que leur situation se distingue de celle des requérants dans l’affaire précitée en ce qu’elles ont agi en leur qualité de banques participant au système bancaire de règlement de paiements et effectuant des opérations de refinancement auprès des banques centrales et non en tant qu’investisseurs.

63      Force est de constater que la BCE n’est pas fondée à se prévaloir de l’autorité de la chose jugée de l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), pour en conclure que le présent recours serait manifestement dépourvu de tout fondement en droit au sens de l’article 126 du règlement de procédure. En effet, cette autorité concerne un autre litige qui n’oppose pas les mêmes parties (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 9 juin 2011, Diputación Foral de Vizcaya e.a./Commission, C‑465/09 P à C‑470/09 P, non publié, EU:C:2011:372, point 58, et du 16 septembre 2013, De Nicola/BEI, T‑618/11 P, EU:T:2013:479, point 98). En tout état de cause, cette autorité de la chose jugée ne s’attache qu’aux éléments de fait et de droit ayant été effectivement ou nécessairement tranchés par ledit arrêt, y compris par les motifs qui constituent le soutien nécessaire de son dispositif, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif (voir, en ce sens, arrêts du 28 janvier 2016, Éditions Odile Jacob/Commission, C‑514/14 P, non publié, EU:C:2016:55, point 25, et du 27 septembre 2012, Italie/Commission, T‑257/10, non publié, EU:T:2012:504, point 104 et jurisprudence citée). Or, alors même que la BCE relève à juste titre certaines similarités entre l’objet du présent litige et l’objet du litige ayant donné lieu à l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), il n’en demeure pas moins que, en l’espèce, les éléments de fait et de droit avancés par les requérantes à l’appui des différents moyens d’illégalité, en particulier de celui tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime, et des préjudices allégués diffèrent de ceux avancés dans cette autre affaire.

64      Cette appréciation n’est pas remise en cause par l’ordonnance du 15 septembre 1998, Infrisa/Commission (T‑136/95, EU:T:1998:200, points 27 à 30), invoquée par la BCE, qui fait référence à un arrêt de la Cour ayant confirmé la validité d’une décision de la Commission européenne dans le cadre d’un recours préjudiciel au sens de l’article 177, sous b), CE. En effet, l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), ayant été rendu à la suite d’un recours en indemnité tendant à la réparation du préjudice causé par la BCE et non à la suppression des actes en cause, son dispositif n’était pas susceptible d’avoir les mêmes effets juridiques que celui d’un arrêt rendu à la suite d’un recours en annulation ou d’un tel arrêt de la Cour (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 24 octobre 2000, Fresh Marine/Commission, T‑178/98, EU:T:2000:240, point 45, et du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04, EU:T:2011:760, point 89).

65      Par conséquent, le chef de conclusions principal de la BCE doit être rejeté.

66      Dès lors, il convient d’apprécier les moyens d’illégalité avancés par les requérantes ainsi que la question de savoir si, à cette fin, il y a lieu de procéder à la mesure d’organisation de la procédure demandée par les requérantes.

 Sur les conditions d’engagement de la responsabilité de la BCE au titre des articles 268 et 340 TFUE

67      Aux termes de l’article 340, troisième alinéa, TFUE, la BCE doit réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, les dommages causés par elle-même ou par ses agents dans l’exercice de leurs fonctions.

68      L’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BCE, au sens de l’article 340, troisième alinéa, TFUE, pour comportement illicite est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions présentant un caractère cumulatif, à savoir l’illégalité du comportement reproché à la BCE, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Étant donné le caractère cumulatif de ces conditions, le recours doit être rejeté dans son ensemble lorsqu’une seule de ces conditions n’est pas remplie (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, points 65 et 66 et jurisprudence citée).

69      S’agissant de la première condition, relative au comportement illégal reproché à la BCE, la jurisprudence exige que soit établie une violation suffisamment caractérisée d’une règle de droit ayant pour objet de conférer des droits aux particuliers. Le critère décisif permettant de considérer qu’une violation est suffisamment caractérisée consiste en la méconnaissance manifeste et grave, par la BCE, des limites qui s’imposent à son pouvoir d’appréciation. C’est seulement lorsque la BCE ne dispose que d’une marge d’appréciation considérablement réduite, voire inexistante, que la simple infraction au droit de l’Union peut suffire pour établir l’existence d’une violation suffisamment caractérisée (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 67 et jurisprudence citée).

70      À cet égard, il y a lieu de préciser que les comportements contestés de la BCE sont intervenus dans le cadre des missions qui lui sont imparties aux fins de la définition et de la mise en œuvre de la politique monétaire de l’Union, au titre des articles 127 et 282 TFUE et de l’article 18 des statuts, notamment, au moyen de son intervention sur les marchés de capitaux et de sa gestion d’opérations de crédit. Ces dispositions confèrent à la BCE un large pouvoir d’appréciation, dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social ainsi que de situations soumises à des évolutions rapides, qui doivent être effectuées dans le contexte de l’Eurosystème, voire de l’Union dans son ensemble. Ainsi, une éventuelle violation suffisamment caractérisée des règles de droit en cause doit reposer sur une méconnaissance manifeste et grave des limites du large pouvoir d’appréciation dont la BCE dispose dans l’exercice de ses compétences en matière de politique monétaire. Cela est d’autant plus vrai que l’exercice de ce pouvoir d’appréciation implique la nécessité pour la BCE, d’une part, d’anticiper et d’évaluer des évolutions économiques de nature complexe et incertaine, telles que l’évolution des marchés des capitaux, de la masse monétaire et du taux d’inflation, qui affectent le bon fonctionnement de l’Eurosystème et des systèmes de paiement et de crédit, et, d’autre part, de procéder à des choix d’ordres politique, économique et social exigeant la mise en balance et l’arbitrage entre les différents objectifs visés à l’article 127, paragraphe 1, TFUE, dont l’objectif principal est le maintien de la stabilité des prix (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 68 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, conclusions de l’avocat général Cruz Villalón dans l’affaire Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:7, point 111 et jurisprudence citée).

71      Enfin, s’agissant de l’adoption par la BCE d’actes de portée générale, tels que les décisions 2012/133, 2012/153, 2012/433 et 2012/839, dans le cadre de l’exercice de son activité normative, la conception restrictive de sa responsabilité s’explique également par la considération que, d’une part, ledit exercice, même là où il existe un contrôle juridictionnel de la légalité des actes, ne doit pas être entravé par la perspective d’actions en dommages-intérêts chaque fois que l’intérêt public commande de prendre des mesures normatives susceptibles de porter atteinte aux intérêts des particuliers et, d’autre part, dans un contexte normatif caractérisé par l’existence d’un large pouvoir d’appréciation, indispensable à la mise en œuvre d’une politique de l’Union, comme en l’espèce, la responsabilité de la BCE ne peut être engagée que si elle a méconnu de manière manifeste et grave les limites qui s’imposent à l’exercice de ses pouvoirs (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 69 et jurisprudence citée).

72      Il convient d’apprécier le bien-fondé des moyens d’illégalité invoqués par les requérantes à la lumière de ces critères. Ces moyens d’illégalité visent des actes et des comportements de la BCE intervenus entre 2010 et 2012, dont sa participation à l’accord d’échange du 15 février 2012, ses décisions 2012/133, 2012/153, 2012/433 et 2012/839, des communiqués de presse et des déclarations publiques attribuées à certains de ses représentants.

73      À cet égard, il y a lieu de préciser d’emblée que, tout comme les requérants dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), qui intervenaient en tant qu’investisseurs ou épargnants ayant agi pour leur propre compte et dans leur seul intérêt patrimonial privé à obtenir un rendement maximal de leurs investissements, les requérantes dans la présente affaire, en tant que banques commerciales ou sociétés exerçant une activité à but lucratif, ont également, conformément à l’objet de leurs activités principales tel que défini dans leurs statuts respectifs (voir points 6 et 7 ci-dessus), procédé à l’achat de titres de créance grecs afin de maximiser les rendements.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

74      Les requérantes soutiennent que la BCE, en sa qualité de banque centrale appartenant au SEBC au sens de l’article 127 TFUE, constitue une source autorisée et fiable en matière de politique monétaire de l’Union. Elles rappellent que, en vertu du point 1.6 de la documentation générale, le conseil des gouverneurs de la BCE est autorisé à « modifier les instruments, les conditions, les critères et les procédures se rapportant à l’exécution des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème », ce qui renforcerait la fiabilité des politiques menées par la BCE. Il en irait de même de l’adoption par la BCE de la décision 2010/268 (voir point 14 ci-dessus), conformément aux dispositions applicables et à ses compétences, qui aurait « conféré des droits subjectifs à la [seconde requérante], en rendant les [obligations litigieuses] éligibles à l’Eurosystème ». Il en résulterait que la politique monétaire menée par la BCE entre 2008 et 2011, favorable à la République hellénique, et incitant les opérateurs économiques privés à acquérir des titres de créance émis ou totalement garantis par elle, a fait naître une confiance légitime chez les requérantes.

75      En effet, la décision de la seconde requérante d’acheter les obligations litigieuses aurait été largement motivée par la politique adoptée par la BCE. Entre 2008 et 2010, celle-ci aurait itérativement assoupli les critères d’éligibilité au titre des opérations de refinancement de l’Eurosystème pour maintenir éligibles les titres de créance émis par la République hellénique malgré la dégradation de sa situation financière. Selon les requérantes, « [l]es autorités politiques comme monétaires européennes n’ont eu de cesse de vouloir rassurer le marché et les créanciers grecs sur le risque de défaut de la République [h]ellénique ». De même, tant la Commission que la BCE auraient sans cesse incité les détenteurs de tels titres de créance à les conserver. Le maintien de ces titres en tant que sûretés aux fins des opérations de refinancement en banque centrale « pendant de très longs mois », notamment moyennant la décision 2010/268, en serait la meilleure preuve. Même s’il n’existait pas de propos d’un dirigeant ou d’un représentant de la BCE encourageant de façon proactive l’achat de titres de créance grecs, ce maintien aurait, de surcroît, incité les créanciers privés à acheter de tels titres, désormais éligibles, pour s’autofinancer. Ainsi, la seconde requérante aurait agi dans une optique de refinancement auprès de la BCE fondé sur un actif éligible, et non aux fins d’investissement ou de spéculation, et, à l’instar de la plupart des autres banques, elle aurait gardé les obligations litigieuses à titre de sûretés. En outre, d’après les requérantes, le fait d’avoir laissé ouverte cette possibilité de refinancement pour les banques équivalait à un message très fort aux investisseurs sur l’absence de défaut de la République hellénique. À cet égard, elles rappellent que, à ce stade, il s’agissait de convaincre les détenteurs de titres de créance grecs de les conserver au lieu de les céder sur le marché, ce qui aurait pesé sur leur cours et mis en situation encore plus délicate les banques grecques, principales détentrices desdits titres. L’objectif de la BCE aurait été notamment d’éviter un phénomène de défiance à l’égard des banques grecques, tant de la part des investisseurs étrangers détenteurs de titres desdites banques que de la part de leurs clients qui auraient pu être tentés par un mouvement de « ruée au guichet » (bank run).

76      En l’espèce, ni l’accord d’échange (secret) du 15 février 2012 ni la succession des décisions 2012/133, 2012/153, 2012/433 et 2012/839 n’auraient été prévisibles par un opérateur économique prudent et avisé. En effet, d’une part, à ce stade, la BCE se serait trouvée dans une situation de conflit d’intérêts et, d’autre part, ces mesures auraient été constitutives « de positions contradictoires et successives de [s]a part », en ce qu’elle aurait, d’abord, exempté les titres de créance grecs de l’application des conditions prévues au point 6.3.2 de la documentation générale, puis, les aurait, à nouveau, soumis à ces conditions, pour, enfin, ne plus les y soumettre, mais à de nouvelles conditions, tout en se préservant, au moyen dudit accord d’échange, des effets négatifs desdites décisions. De surcroît, les requérantes auraient été, à tout le moins, en droit d’attendre de la BCE qu’elle rende éligibles à l’Eurosystème tous les nouveaux titres émis dans le cadre de l’offre d’échange, conformément à son communiqué de presse du 28 février 2012 (voir point 39 ci-dessus). Or, contrairement aux déclarations dans ledit communiqué et sans avertissement préalable, les titres obtenus par Nausicaa à la suite de l’offre d’échange n’auraient plus été éligibles à l’Eurosystème en raison de la décision 2012/153 (voir point 42 ci-dessus), qui aurait « exclu du mécanisme de rehaussement de crédit les titres non détenus par des [banques centrales nationales] ». Ainsi, seules ces dernières auraient effectivement bénéficié de l’éligibilité annoncée, ce qui serait constitutif d’une violation suffisamment caractérisée du principe de protection de la confiance légitime. Il en serait d’ailleurs de même des différentes positions contradictoires successivement adoptées par la BCE au cours de l’année 2012.

77      Dans la réplique, les requérantes ajoutent en se fondant sur de nouveaux éléments de preuve que la confiance des marchés, nourrie par le silence de la BCE quant à un éventuel défaut grec, voire par la qualification itérative d’un tel défaut par son gouverneur « d’hypothèse absurde », est démontrée par le fait que, lors de la première émission obligataire de l’année 2010, la République hellénique a réussi à emprunter huit milliards d’euros, soit le double de ce qu’elle prévoyait initialement de lever. Des « signaux positifs » en ce sens auraient été donnés par MM. Trichet, alors président de la BCE, et Papademos, alors vice-président de la BCE, ainsi que par M. Noyer, gouverneur de la Banque de France en 2010. Par ailleurs, la volonté de la BCE d’inciter les détenteurs de titres de créance grecs à les conserver aurait été relayée par de nombreux articles de presse, par des déclarations publiques du gouverneur et du sous-gouverneur de la Banque de France ainsi que de chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro et par des déclarations publiques et conjointes de MM. Trichet et Papademos. De même, « le caractère réel du changement imprévisible de la politique monétaire de la BCE au début de l’année 2012 » ressortirait de nombreux articles de presse entre les mois de décembre 2011 et de février 2012.

78      Enfin, les requérantes estiment que le comportement intrinsèquement contradictoire de la BCE n’a pas été de nature à garantir la prévisibilité de leur situation juridique, au sens du principe de sécurité juridique, et ce quand bien même les positions successivement adoptées par la BCE auraient eu le même objectif.

79      La BCE conteste avoir violé le principe de protection de la confiance légitime à l’égard des requérantes.

80      Dans la duplique, la BCE demande au Tribunal de déclarer irrecevable, en vertu de l’article 85, paragraphe 2, du règlement de procédure, les nouveaux éléments de preuve soumis, pour la première fois et, selon elle, de manière tardive, dans le cadre de la réplique.

81      Il ressort d’une jurisprudence constante que le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. Le droit de se prévaloir de ce principe suppose néanmoins la réunion de trois conditions cumulatives. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration de l’Union. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 75 et jurisprudence citée).

82      En outre, si la possibilité de se prévaloir de la protection de la confiance légitime, en tant que principe fondamental du droit de l’Union, est ouverte à tout opérateur économique auprès duquel une institution a fait naître des espérances fondées, il n’en demeure pas moins que, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée. De plus, les opérateurs économiques ne peuvent placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée dans le cadre du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union, et ce spécialement dans un domaine comme celui de la politique monétaire, dont l’objet comporte une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 76 et jurisprudence citée).

83      Compte tenu de la demande de la BCE à cet égard, il convient d’apprécier à titre liminaire si le Tribunal est appelé à tenir compte des éléments de preuve, à savoir les annexes C. 1 à C. 13, que les requérantes ont soumis, à l’appui du présent moyen, pour la première fois dans le cadre de la réplique.

84      Aux termes de l’article 85, paragraphe 1, du règlement de procédure, les preuves et les offres de preuve sont présentées dans le cadre du premier échange de mémoires. En vertu de l’article 85, paragraphe 2, du même règlement de procédure, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve dans la réplique et la duplique à l’appui de leur argumentation, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié.

85      À cet égard, il suffit de constater que la présentation, conjointement avec la réplique, desdits éléments de preuve, qui portent d’ailleurs une date antérieure à celle du dépôt de la requête, est intervenue tardivement au sens de ces dispositions. Les requérantes ayant omis d’avancer une justification pour cette présentation tardive, il convient de les écarter comme irrecevables en vertu de l’article 85, paragraphes 1 et 2, du règlement de procédure.

86      Dans la requête, aux fins de la démonstration d’une violation du principe de protection de la confiance légitime à leur détriment, les requérantes font essentiellement valoir que, en particulier durant la période allant de 2008 à 2010, pour garantir la continuité du bon fonctionnement de l’Eurosystème, la BCE, ensemble avec d’autres institutions et organes, a encouragé les investisseurs et, notamment, les banques commerciales à acheter et à conserver des titres de créance grecs, notamment en maintenant leur éligibilité en tant que sûretés aux fins des opérations de refinancement en banque centrale, nonobstant la dégradation de la situation financière de la République hellénique, et en excluant en public son risque de défaut, voire son insolvabilité. Ainsi, la décision de la seconde requérante d’acheter et de garder les obligations litigieuses à titre de sûretés et aux fins des opérations de refinancement auprès de la Banque de France aurait été largement motivée par la politique adoptée par la BCE. En outre, ni l’accord d’échange du 15 février 2012 ni la succession des décisions 2012/133, 2012/153, 2012/433 et 2012/839 n’auraient été prévisibles par un opérateur économique prudent et avisé, d’autant que la BCE, en tant que détentrice de tels titres, se serait trouvée dans une situation de conflit d’intérêts. Enfin, les requérantes reprochent à la BCE, en substance, de n’avoir pas rendu éligibles tous les nouveaux titres émis dans le cadre de l’offre d’échange au titre des CAC, comme indiqué dans son communiqué de presse du 28 février 2012 (voir point 39 ci-dessus). Par conséquent, à la différence des titres détenus par les banques centrales nationales, les titres obtenus par Nausicaa à la suite de l’offre d’échange n’auraient plus été éligibles à l’Eurosystème en raison de la décision 2012/153 (voir point 42 ci-dessus).

87      À titre liminaire, il y a lieu de rejeter comme non fondé en fait et en droit l’argument des requérantes quant à la prétendue absence d’éligibilité, aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, des titres de créance grecs échangés au titre des CAC. En effet, ainsi que le rappelle la BCE en réponse au deuxième moyen, le Tribunal a jugé au point 85 de l’ordonnance du 25 juin 2014, Accorinti e.a./BCE (T‑224/12, non publiée, EU:T:2014:611), et réitéré au point 95 de l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), que, au contraire, en garantissant le maintien de l’éligibilité de l’ensemble des titres de créance grecs couverts par le rehaussement de crédit, dont ceux ayant fait l’objet de la conversion au titre des CAC, la décision 2012/153 a protégé ces titres, y compris ceux détenus et échangés par les investisseurs ayant participé au PSI, contre une perte supplémentaire qui aurait pu résulter de la baisse de la notation desdits titres, voire de l’insolvabilité de la République hellénique. De même, il ressort des considérants 4 et 5 de la décision 2012/433 abrogeant la décision 2012/153 que la BCE a maintenu cette éligibilité « pour la durée » ou jusqu’« [a]u terme du rehaussement de crédit ». Ainsi, contrairement à ce qu’avancent les requérantes, la situation factuelle et juridique après l’activation du rehaussement de crédit correspondait précisément à celle annoncée par la BCE dans son communiqué de presse du 28 février 2011 (voir point 39 ci-dessus) et n’était pas susceptible de porter atteinte à leurs attentes légitimes. En outre, les requérantes n’identifient aucun élément du dossier qui serait susceptible de remettre en cause le bien-fondé de cette considération. Dès lors, cet argument ne saurait être accueilli. Dans la mesure où les requérantes allèguent en outre, dans ce contexte, avoir été illégalement exclues du bénéfice du programme de rachat instauré au profit des seules banques centrales nationales, cet argument sera apprécié dans le cadre du deuxième moyen, tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement.

88      Par ailleurs, les requérantes sont restées en défaut de démontrer que les actes en cause de la BCE, y compris son communiqué de presse du 28 février 2012, comportaient des assurances précises, inconditionnelles et concordantes qui auraient pu créer à leur égard des attentes légitimes quant à l’absence d’une restructuration de la dette publique grecque, d’un défaut de paiement du moins partiel de la République hellénique, voire de son insolvabilité, ou qui étaient de nature à les inciter à acquérir ou à conserver des titres de créance grecs, notamment, durant la période allant de 2008 à 2010. Au contraire, les requérantes avancent elles-mêmes qu’il n’existait pas de « propos émanant d’un dirigeant ou d’un officiel de la BCE encourageant de façon proactive l’achat de titres de [créance grecs] ».

89      En effet, tant la décision 2010/268 que les décisions 2012/133, 2012/153, 2012/433 et 2012/839 ne contiennent aucune déclaration de la BCE pouvant être interprétée comme un encouragement adressé aux investisseurs à acquérir ou à conserver des titres de créance grecs, ces décisions se limitant à expliquer les raisons pour lesquelles la BCE a décidé, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation et de ses compétences en vertu de l’article 127, paragraphe 2, premier tiret, TFUE et de l’article 18, paragraphe 1, des statuts, soit de suspendre (voir décisions 2012/133 et 2012/433), soit de maintenir ou de rétablir (voir décisions 2010/268, 2012/153 et 2012/839), la qualité de sûreté desdits titres aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème.

90      Premièrement, ainsi qu’il ressort des motifs de la décision 2010/268, le maintien provisoire et exceptionnel de cette qualité de sûreté – nonobstant la baisse de la notation externe des titres de créance grecs (voir point 11 ci-dessus) – à partir du 6 mai 2010 répondait aux circonstances exceptionnelles prévalant sur le marché financier, résultant de la situation financière du gouvernement hellénique et des discussions portant sur un plan d’ajustement, ainsi qu’à la perturbation de l’évaluation normale par le marché des titres de créance grecs, avec des répercussions négatives sur la stabilité du système financier (considérant 3 de ladite décision). Selon la BCE, en substance, la ferme détermination du gouvernement hellénique à mettre en œuvre dans son intégralité le programme d’ajustement économique et financier négocié avec la Commission, la BCE et le FMI ainsi que le caractère approprié de ce programme en vue de la gestion du risque de crédit de l’Eurosystème justifiaient de reconnaître que les titres de créance grecs conservaient une qualité de signature suffisante pour le maintien de leur éligibilité en tant que sûretés aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, nonobstant toute évaluation du crédit externe. Enfin, la BCE a indiqué que cette mesure exceptionnelle et temporaire visait à contribuer à la solidité des établissements financiers, tout en renforçant la stabilité du système financier dans son ensemble et en protégeant les clients de ces établissements (considérant 4 de la décision 2010/268), et était susceptible de cesser au moment où elle estimait que la stabilité du système financier permettait la mise en œuvre normale du cadre de l’Eurosystème pour les opérations de politique monétaire (considérant 5 de ladite décision).

91      Il s’ensuit que, dans la décision 2010/268, compte tenu de l’importante crise budgétaire à laquelle était confrontée le gouvernement hellénique, la BCE a souligné le caractère exceptionnel et temporaire du maintien de l’éligibilité des titres de créance grecs nonobstant les exigences prévues aux points 6.3.1 et 6.3.2 de la documentation générale, avec pour seul objectif de maintenir provisoirement la stabilité et le bon fonctionnement de l’Eurosystème, ce qui impliquait nécessairement de contribuer à la solidité des établissements financiers et de protéger les clients de ces établissements. En revanche, il n’en découlait pas pour autant des assurances précises, inconditionnelles et concordantes de la part de la BCE visant à garantir l’absence d’un éventuel défaut de la République hellénique, voire une invitation, fût-elle implicite, à acheter ou à conserver des titres de créance grecs. Cela est d’autant moins le cas que la BCE a également indiqué avoir la tâche de surveiller étroitement le maintien de la ferme détermination du gouvernement hellénique à mettre en œuvre dans son intégralité le programme d’ajustement économique et financier dont dépendaient les mesures prises par la BCE (considérant 4 in fine de la décision 2010/268). Cette appréciation n’est pas remise en cause par le fait que, ce faisant, la BCE a également jeté les bases de l’instauration, en vertu de la décision 2010/281, du programme d’achat de titres autorisant les banques centrales de l’Eurosystème à intervenir temporairement sur le marché secondaire de titres pour acquérir, notamment, des titres de créance grecs, dans l’objectif de remédier au dysfonctionnement des marchés de titres et de rétablir un mécanisme approprié de transmission de la politique monétaire (considérants 2 et 3 de ladite décision).

92      Deuxièmement, par sa décision 2012/133, la BCE n’a fait que tirer les conséquences indispensables du changement important de la situation économique ayant une incidence décisive sur la qualité de sûreté des titres de créance grecs, à savoir l’annonce par la République hellénique d’une offre d’échange adressée aux détenteurs de tels titres, dans le cadre du PSI (considérant 4 de ladite décision), ayant pour objet d’effectuer une décote substantielle de la valeur desdits titres, qualifiée par les agences de notation de crédit de défaut du moins partiel (voir point 41 ci-dessus). En effet, du point de vue de la BCE, ce changement rendait injustifiable de prolonger le maintien exceptionnel et provisoire, fondé sur la décision 2010/268, de la qualité de sûreté appropriée pour les prêts des titres de créance grecs qui étaient susceptibles de subir une telle décote (considérant 5 de la décision 2012/133). Pour cette raison, la BCE a abrogé la décision 2010/268 (article 1er et considérant 6 de la décision 2012/133), ce qui devait avoir pour effet la perte de l’éligibilité desdits titres de créance aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème conformément aux points 6.3.1 et 6.3.2 de la documentation générale. Or, compte tenu de l’absence d’attente légitime créée dans l’esprit des investisseurs par la décision 2010/268 (voir point 91 ci-dessus), la décision 2012/133 n’était pas non plus de nature à frustrer illégalement d’éventuelles espérances de leur part dans le maintien de l’éligibilité des titres de créance grecs. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, le communiqué de presse du 28 février 2012 ne saurait être interprété différemment, dès lors qu’il expose de manière fidèle le contenu de la décision 2012/133 tout en précisant, notamment, la possibilité du rétablissement de l’éligibilité des titres de créance grecs lors de l’activation du dispositif de rehaussement de crédit pour étayer la qualité de la garantie, tel qu’approuvé par les chefs d’État ou de gouvernement de la zone euro le 21 juillet 2011 et confirmé le 26 octobre 2011. De même, par la décision 2012/180 (voir point 47 ci-dessus), la BCE n’a fait que retourner à une mise en œuvre fidèle à la lettre des points 6.3.1 et 6.3.2 de la documentation générale en décidant que les banques centrales nationales n’étaient pas tenues « d’accepter en garantie des opérations de crédit de l’Eurosystème des obligations de banques éligibles garanties par un État membre faisant l’objet d’un programme de l’Union européenne/du F[MI], ou par un État membre dont la notation ne satisfait pas à la référence de l’Eurosystème pour la définition de son exigence minimale en matière de qualité de signature élevée ».

93      Troisièmement, les requérantes ne sont pas davantage fondées à attribuer des attentes légitimes à la décision 2012/153 qui, de nouveau et conformément à l’annonce faite dans le communiqué de presse du 28 février 2012, a temporairement rétabli l’éligibilité des titres de créance grecs en tant que sûretés appropriées aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, à condition que la République hellénique fournisse aux banques centrales nationales un rehaussement de crédit destiné à étayer cette qualité de sûreté (article 1er, paragraphe 1, et considérants 2 et 3 de ladite décision). En outre, cette éligibilité était clairement limitée dans le temps pour la durée dudit rehaussement de crédit (article 1er, paragraphe 2, de cette décision), de sorte que les investisseurs ne pouvaient nourrir une confiance légitime dans son maintien au moment où ce rehaussement de crédit viendrait à son terme.

94      Quatrièmement, il découle de ce qui précède que la BCE n’était pas non plus susceptible de violer les attentes légitimes des requérantes lorsque, au terme du rehaussement de crédit, par sa décision 2012/433, elle a mis fin à cette éligibilité provisoire des titres de créance grecs en abrogeant la décision 2012/153.

95      Cinquièmement, ce n’est qu’à la suite de l’adoption par la République hellénique d’un deuxième programme d’ajustement économique et de son évaluation positive par l’Eurogroupe que la BCE a, par sa décision 2012/839, décidé de reconnaître à nouveau, provisoirement et sous certaines conditions, les titres de créance grecs comme justifiant d’une qualité de signature suffisante pour garantir leur éligibilité en tant que sûretés aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème, nonobstant toute évaluation externe du crédit (article 1er, paragraphes 1 et 2, et considérants 4 et 5 de ladite décision). En outre, la BCE a limité cette mesure exceptionnelle dans le temps jusqu’à ce qu’elle estime possible d’appliquer de nouveau normalement les critères d’éligibilité de l’Eurosystème et le dispositif du contrôle des risques pour les opérations de politique monétaire (considérants 6 et 7 de cette décision).

96      Il découle d’un examen d’ensemble des mesures susmentionnées que la BCE a, dans le cadre de l’exercice de son large pouvoir d’appréciation qui lui est conféré au titre de l’article 127, paragraphe 2, premier tiret, TFUE et de l’article 18, paragraphe 1, des statuts, agi de manière cohérente et dans l’objectif exclusif de garantir la stabilité du système financier de la zone euro, sans toutefois créer l’impression qu’elle garantirait, au profit des investisseurs actifs sur le marché financier, d’éviter un défaut de la République hellénique, voire son insolvabilité. Au contraire, il ressort des éléments du dossier que, tout au long de la période pertinente durant laquelle lesdites mesures ont été prises, la BCE a fait usage de ses pouvoirs en vertu du point 1.6 et du point 6.3.1, sixième alinéa, de la documentation générale, en surveillant de manière continue le respect des critères d’éligibilité et en les revoyant lorsque cela était nécessaire pour garantir à l’Eurosystème une protection adéquate contre le risque, conformément à l’article 18, paragraphe 1, des statuts. À cet égard, en matière de politique monétaire, qui exige une constante adaptation en fonction des variations de la situation économique, les requérantes ne peuvent placer leur confiance légitime dans le maintien d’une situation existante qui peut être modifiée, à tout moment, dans l’exercice du large pouvoir d’appréciation de la BCE (voir point 82 ci-dessus). Les requérantes ne sauraient donc faire valoir valablement que l’adoption successive des décisions 2012/133, 2012/153, 2012/433 et 2012/839 aurait été imprévisible pour elles, ni que, en rendant les obligations litigieuses éligibles, la décision 2010/268 leur aurait conféré des « droits subjectifs » auxquels les décisions ultérieures auraient pu porter atteinte.

97      Dans ces conditions, le fait que la BCE a, à plusieurs reprises, rétabli temporairement l’éligibilité des titres de créance grecs en tant que sûretés appropriées aux fins des opérations de politique monétaire de l’Eurosystème ne pouvait être compris par un investisseur diligent et avisé opérant sur le marché financier, tel que les requérantes, comme protégeant lesdits titres contre les effets négatifs d’une éventuelle restructuration de la dette publique grecque ou comme un incitant à acquérir ou à conserver ces titres. En leur qualité de banques ou de sociétés commerciales effectuant régulièrement des opérations de refinancement auprès des banques centrales sur base de titres, les requérantes devaient savoir à plus forte raison que leurs décisions d’investissement visaient des titres de créance dont la qualité de sûreté n’était pas assurée. À ce sujet, la BCE rappelle à juste titre avoir adopté la décision 2010/268 seulement le 6 mai 2010, alors que la seconde requérante avait acquis les obligations litigieuses déjà en mars et en avril 2010, soit plusieurs semaines avant l’adoption de ladite décision et durant une phase caractérisée par de fortes perturbations du marché financier, accentuée par une baisse importante de la notation des titres de créance grecs (voir points 9 et 11 ci-dessus). Or, en tant qu’opérateur diligent et avisé, la seconde requérante était censée connaître la situation économique hautement instable déterminant la fluctuation de la valeur des titres de créance grecs ainsi que le risque non négligeable d’un défaut ne fût‑ce que sélectif de la République hellénique. Partant, à ce stade, elle ne pouvait compter sur, mais tout au plus vaguement espérer, un maintien provisoire par la BCE de l’éligibilité de ces titres, de sorte qu’elle a effectué des investissements à risque élevé. À cet égard, il convient de rappeler également que l’achat par un investisseur de titres de créance d’État constitue, par définition, une transaction comportant un certain risque financier, parce que soumis aux aléas de l’évolution des marchés des capitaux (arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 82). Les requérantes ne sont donc pas fondées à faire valoir que le maintien provisoire et par intervalles de la possibilité pour les banques de se refinancer sur la base de titres de créance grecs constituait un élément les rassurant contre un défaut de la République hellénique.

98      Par ailleurs, les requérantes n’ont présenté aucun élément susceptible de démontrer que l’accord d’échange du 15 février 2012 aurait porté atteinte à leurs attentes légitimes, notamment, au motif que la BCE se serait trouvée dans une situation de conflit d’intérêts et aurait agi de façon contradictoire. À cet égard, il suffit de rappeler les considérations exposées aux points 93, 108 et 114 de l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), selon lesquelles, en substance, la passation et la mise en œuvre de l’accord d’échange du 15 février 2012, dans l’objectif d’éviter l’application des CAC aux titres de créance grecs détenus par les banques centrales de l’Eurosystème, s’inséraient dans le cadre de l’exercice des compétences et des missions fondamentales de la BCE, en tant qu’elles visaient à préserver la marge de manœuvre desdites banques centrales et, notamment, leur capacité à intervenir sur les marchés de capitaux et à refinancer les établissements de crédit, dont les banques grecques, en vertu de l’article 18, paragraphe 1, premier et second tirets, des statuts, et, partant, à assurer la continuité du bon fonctionnement de l’Eurosystème dans son ensemble. De même, ledit accord permettait d’éviter que les banques centrales de l’Eurosystème participent à la restructuration de la dette publique grecque en sacrifiant une partie de la valeur des titres de créance grecs détenus dans leurs portefeuilles respectifs, ce qui aurait pu être qualifié d’intervention ayant un effet équivalent à celui de l’acquisition directe par lesdites banques centrales de titres étatiques, interdite par l’article 123 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 16 juin 2015, Gauweiler e.a., C‑62/14, EU:C:2015:400, point 97, et du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 114). Il s’ensuit que les requérantes ne sauraient avoir nourri une confiance légitime en un comportement des banques centrales de l’Eurosystème qui aurait risqué de contrevenir à leurs missions fondamentales en vertu du droit primaire de l’Union.

99      Il en résulte que le grief tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime doit être rejeté comme non fondé.

100    Enfin, dans la mesure où les requérantes invoquent également, dans ce contexte, une violation du principe de sécurité juridique, il suffit de relever qu’elles n’ont fait valoir aucun argument supplémentaire et concret indiquant que les agissements de la BCE dans le cadre des antécédents de la restructuration de la dette publique grecque auraient contribué à l’édiction d’une réglementation qui n’aurait pas été suffisamment claire, précise et prévisible dans ses effets, ni permis aux justiciables de connaître à suffisance l’étendue des obligations qu’elle leur impose (voir arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 83 et jurisprudence citée). Dès lors, ce grief tiré d’une violation du principe de sécurité juridique doit également être rejeté comme non fondé.

101    En conséquence, sous réserve de l’examen, qui sera effectué dans le cadre du deuxième moyen, de l’argument selon lequel les requérantes auraient été illégalement exclues du bénéfice du programme de rachat instauré au profit des seules banques nationales (voir point 87 ci-dessus), le présent moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux

102    Par le deuxième moyen, les requérantes reprochent à la BCE d’avoir violé, notamment, le principe d’égalité de traitement. À la fin de l’année 2011, la BCE aurait détenu, tout comme Nausicaa, de nombreux titres de créance grecs, que ce soit au titre d’opérations de refinancement de l’Eurosystème en qualité de sûretés ou au titre d’opérations d’achat de titres sur le marché secondaire. La BCE, les banques centrales nationales et les requérantes se seraient donc trouvées dans des situations factuelles et juridiques similaires, sinon identiques. À cet égard, les requérantes contestent le bien-fondé des considérations exposées au point 88 de l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), qu’elles qualifient de pétition de principe. La BCE ne pourrait être dispensée systématiquement et automatiquement du respect des principes généraux du droit de l’Union du simple fait de sa qualité d’institution de l’Union agissant dans le cadre des compétences et des missions qui lui sont dévolues par les traités (voir articles 20 et 21 et article 51, paragraphe 1, de la charte des droits fondamentaux). En outre, la situation des requérants dans cette autre affaire ne serait pas comparable avec celle des requérantes, en particulier, celle de la seconde requérante, dont la qualité de banque ne serait pas assimilable au statut d’un créancier privé. Les considérations susmentionnées du Tribunal ne seraient donc pas transposables directement au cas d’espèce.

103    Par ailleurs, alors que les créanciers privés étaient soumis au mécanisme des CAC prévu par la loi n° 4050/2012 ayant nécessairement pour résultat que ces créanciers reçoivent en échange des titres de créance grecs nouveaux d’une valeur moindre, la BCE aurait conclu un accord « secret » avec la République hellénique aux termes duquel les titres de créance grecs détenus par la BCE échappaient à ce mécanisme et étaient remboursés au pair. Cette approche serait discriminatoire à l’égard des autres détenteurs de titres de créance grecs, notamment de Nausicaa et, par extension, de la seconde requérante, dès lors qu’ils ont dû subir une décote très importante, alors que la BCE s’assurait, par ledit accord, de ne pas subir une telle décote.

104    Selon les requérantes, la BCE a commis une seconde discrimination à leur égard en subordonnant, par sa décision 2012/153, la restauration de l’éligibilité à l’Eurosystème des titres de créances grecs à la fourniture d’un rehaussement de crédit par la République hellénique sous la forme d’un programme de rachat de titres au profit des seules banques centrales nationales. En outre, cette décision aurait exclu de l’éligibilité à l’Eurosystème les titres de créance non couverts par ledit rehaussement de crédit réservé auxdites banques centrales nationales, ce qui serait discriminatoire à l’égard des requérantes.

105    Outre ce comportement discriminatoire, la BCE aurait également tiré avantage d’une situation de conflit d’intérêts, en ce qu’elle est intervenue, en tant que « conseiller technique », aux côtés de la Commission et du FMI dans le cadre de la troïka, nonobstant son statut de créancier à l’égard de la République hellénique, qui est différent de celui d’autres créanciers publics [voir, notamment, rapport du Parlement européen, « The role of the ECB in Financial Assistance: some early observations », juin 2012, IP/A/ECON/NT/2012-04, et résolution du Parlement européen du 13 mars 2014 sur le rapport d’enquête sur le rôle et les activités de la troïka (BCE, Commission et FMI) dans les pays sous programme de la zone euro, 2013/2277(INI)].

106    La BCE conclut au rejet du présent moyen en s’appuyant, notamment, sur les considérations pertinentes exposées dans l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756).

107    Dans le cadre du présent moyen, à l’instar des requérants dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), les requérantes invoquent une violation du principe d’égalité de traitement à leur détriment au sens, notamment, des articles 20 et 21 de la charte des droits fondamentaux, au motif que la BCE et les banques centrales nationales auraient assuré, moyennant la mise en œuvre de l’accord d’échange du 15 février 2012, dont elles demandent au Tribunal qu’il en ordonne à la BCE la production, que les titres de créance grecs détenus dans leurs portefeuilles respectifs échappent à la restructuration de la dette publique grecque en application des CAC et, partant, ne subissent pas de décote. En outre, par sa décision 2012/153, la BCE aurait commis une seconde inégalité de traitement en subordonnant la restauration de l’éligibilité à l’Eurosystème des titres de créances grecs à la fourniture d’un rehaussement de crédit par la République hellénique sous la forme d’un programme de rachat des titres au profit des seules banques centrales nationales qui, de surcroît, n’aurait pas garanti l’éligibilité des titres de créance non couverts par ledit rehaussement de crédit.

108    Force est de constater que, dans l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), le Tribunal a déjà rejeté un moyen d’illégalité analogue, au motif que, notamment, les requérants dans cette autre affaire, en tant qu’investisseurs privés ayant acheté des titres de créance grecs dans leur seul intérêt patrimonial privé, quel que soit le motif précis de leurs décisions d’investissement, se trouvaient dans une situation différente de celle des banques centrales de l’Eurosystème, dont la décision d’investissement était exclusivement guidée par des objectifs d’intérêt public, tels que visés à l’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 282, paragraphe 1, TFUE ainsi qu’avec l’article 18, paragraphe 1, premier tiret, des statuts. Ainsi, à défaut de comparabilité des situations en cause, la passation et la mise en œuvre de l’accord d’échange du 15 février 2012 ne sauraient constituer une violation du principe d’égalité de traitement (arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 92).

109    À l’appui du présent moyen, les requérantes n’avancent aucun élément supplémentaire ou nouveau qui serait susceptible d’amener le Tribunal à modifier sa jurisprudence à cet égard.

110    En effet, si, certes, en tant qu’institution de l’Union, la BCE est tenue de respecter le principe d’égalité de traitement comme règle supérieure de droit de l’Union protégeant les particuliers, il n’en demeure pas moins que les requérantes doivent établir que, en l’espèce, la BCE a traité des situations comparables de manière différente, sans que cela soit justifié objectivement. Le caractère comparable des situations s’apprécie au regard de l’ensemble des éléments pertinents qui les caractérisent, ce qui implique de les déterminer et de les examiner à la lumière de l’objet et du but de l’acte de l’Union qui institue la distinction et de prendre en considération les principes et les objectifs du domaine dont celui-ci relève (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 87 et jurisprudence citée).

111    Or, tout comme les requérants dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti (T‑79/13, EU:T:2015:756), les requérantes partent d’une prémisse erronée en avançant que les banques commerciales ayant acquis des titres de créance grecs, soit à titre d’investissement, soit aux fins d’opérations de refinancement auprès des banques centrales de l’Eurosystème, d’une part, et la BCE et les banques centrales nationales, d’autre part, se trouvaient, au regard des principes et des objectifs des dispositions pertinentes, dans une situation comparable, voire identique, au sens du principe d’égalité de traitement. Cette argumentation méconnaît en particulier que, en procédant à l’achat de titres de créance grecs, notamment sur le fondement de la décision 2010/281, la BCE et les banques centrales nationales ont agi dans l’exercice de leurs missions fondamentales, en vertu de l’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE et, notamment, de l’article 18, paragraphe 1, premier tiret, des statuts, dans l’objectif du maintien de la stabilité des prix et de la bonne gestion de la politique monétaire ainsi que dans les limites dressées par les dispositions de ladite décision (voir son considérant 5) (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 88).

112    Ainsi, le programme d’achat de titres était expressément fondé sur l’article 127, paragraphe 2, premier tiret, TFUE et, notamment, sur l’article 18, paragraphe 1, des statuts et s’inscrivait, face à la crise financière à laquelle la République hellénique était exposée, dans le contexte « des circonstances exceptionnelles prévalant sur les marchés de capitaux, caractérisées par de graves tensions sur certains compartiments de marché qui entrav[ai]ent le mécanisme de transmission de la politique monétaire et, par là, la conduite efficace d’une politique monétaire axée sur la stabilité des prix à moyen terme ». Selon cette décision, ce programme était donc destiné à faire « partie de la politique monétaire unique de l’Eurosystème » pour « remédier au dysfonctionnement des marchés de titres et rétablir un mécanisme approprié de transmission de la politique monétaire » (considérants 2 à 4 de ladite décision). Ces motifs ne sont pas contestés en tant que tels par les requérantes, qui se limitent à fonder la comparabilité des situations en cause, en substance, sur l’argument selon lequel tant les investisseurs privés, y compris les banques commerciales, que les banques centrales de l’Eurosystème ayant acquis des titres de créance grecs seraient des créanciers de la République hellénique disposant de droits égaux (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 89).

113    En effet, le programme d’achat de titres et, partant, l’achat par les banques centrales de l’Eurosystème de titres de créance d’État, y compris grecs, participaient aux missions fondamentales du SEBC au sens de l’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 282, paragraphe 1, TFUE. Plus concrètement, ces mesures reposaient sur l’habilitation prévue à l’article 18, paragraphe 1, premier tiret, des statuts, en vertu duquel, « [a]fin d’atteindre les objectifs du SEBC et d’accomplir ses missions, la BCE et les banques centrales nationales peuvent », notamment, « intervenir sur les marchés de capitaux [...] en achetant et en vendant ferme (au comptant et à terme) [...] des créances et des titres négociables, libellés en euros ou d’autres monnaies ». En outre, il résulte de cette dernière disposition que l’achat par lesdites banques centrales de titres de créance d’État sur le marché secondaire a pour seul objet d’atteindre les objectifs du SEBC et d’accomplir ses missions, ce qui exclut tout motif extérieur à cet objet, notamment l’intention d’obtenir des rendements élevés par des investissements, voire par des transactions à titre spéculatif (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 90).

114    Ainsi, quand bien même lesdites banques centrales ont acquis, lors de l’achat de titres de créance d’État, à l’instar des investisseurs privés, le statut de créancier de l’État émetteur et débiteur, ce seul point commun relevant du droit privé ne saurait justifier de les considérer comme se trouvant dans une situation semblable, voire identique, à celle desdits investisseurs. En effet, une telle appréciation au regard du seul droit privé ne tiendrait compte ni de l’encadrement juridique de l’opération d’achat desdits titres par les banques centrales ni des objectifs d’intérêt public que celles‑ci étaient appelées à poursuivre dans ce contexte en vertu des règles de droit primaire applicables, dont les principes et les objectifs doivent être pris en considération pour apprécier la comparabilité des situations en cause au regard du principe d’égalité de traitement (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, point 91).

115    Les requérantes ne sont pas parvenues à remettre ces considérations en cause en ayant précisé que leur situation se distinguait de celle d’investisseurs ou d’épargnants agissant pour leur propre compte et dans leur intérêt exclusivement privé à obtenir un rendement maximal de leurs investissements. Elles n’ont même pas tenté de contester que les investissements dans des titres de créance d’État par des banques ou par des sociétés commerciales agissant à but lucratif visent également à maximiser les rendements, même si, à cette fin, elles s’engagent dans des opérations de refinancement sur base de titres auprès des banques centrales. Ainsi, l’objet principal de l’activité commerciale de la seconde requérante, tel que défini à l’article 2 de ses statuts, vise à effectuer, « pour elle-même ou pour le compte de tiers ou en participation », notamment, « toutes opérations de banque, de bourse au comptant ou à terme, de courtage [...], de crédit ou de change » (voir point 6 ci-dessus). Or, les requérantes n’ont ni fait valoir ni étayé que l’investissement dans les obligations litigieuses et les opérations de refinancement effectuées sur la base desdites obligations n’étaient pas guidés par un but lucratif, voire par leur volonté d’obtenir des rendements importants. En tout état de cause, il convient de rappeler que, en achetant les obligations litigieuses au moment où la crise budgétaire du gouvernement grec était à son comble, la seconde requérante a sciemment effectué un investissement à risque élevé (voir point 97 ci-dessus), et ce indépendamment des motifs l’ayant amenée à le faire et que les requérantes ont omis de préciser. En contrepartie, conformément au principe selon lequel tout créancier doit supporter le risque de défaut de paiement ou d’insolvabilité du débiteur, cet investissement devait nécessairement être exposé à un risque de défaut de la part de l’État émetteur desdites obligations, comme il s’est révélé en l’espèce.

116    Par ailleurs, dans la mesure où les requérantes reprochent à la BCE d’avoir commis une autre inégalité de traitement en adoptant la décision 2012/153, d’une part, il suffit de rappeler que l’argument selon lequel cette décision aurait exclu de l’éligibilité les titres de créance non couverts par le rehaussement de crédit manque manifestement en fait et en droit (voir point 87 ci-dessus) et doit être rejeté. D’autre part, en ce que les requérantes attribuent à ladite décision un effet discriminatoire à l’égard des investisseurs privés, y compris les banques commerciales, elles sont également restées en défaut de préciser et d’étayer qu’elles se trouvaient dans une situation analogue à celle des banques centrales nationales. Ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, l’obligation pour la République hellénique de fournir un rehaussement de crédit au profit des banques centrales nationales sous la forme d’un programme de rachat était destinée à garantir le maintien de la possibilité pour lesdites banques centrales d’accepter les titres de créance grecs en tant que sûretés appropriées aux fins des opérations de crédit de l’Eurosystème au sens de l’article 18, paragraphe 1, second tiret, des statuts. En effet, en l’absence d’un tel rehaussement de crédit, lesdits titres n’auraient plus rempli les exigences minimales de l’Eurosystème en matière de seuils de qualité du crédit en vertu des critères pertinents de la documentation générale. Ladite obligation assurait donc le maintien de la marge de manœuvre des banques centrales de l’Eurosystème au titre des dispositions de l’article 127, paragraphes 1 et 2, TFUE, lu conjointement avec l’article 282, paragraphe 1, TFUE, ainsi que de l’article 18, paragraphe 1, premier et second tirets, des statuts et, partant, visait une situation qui n’était pas comparable avec celle dans laquelle se trouvaient les investisseurs privés. Il en va de même de la situation des banques ou des sociétés commerciales, telles que les requérantes, ayant acquis et détenu des titres de créance grecs dans un but lucratif, qui se distingue également de celle des banques centrales de l’Eurosystème investies des pouvoirs et des devoirs au titre des dispositions précitées. Il en découle que les requérantes ne pouvaient réclamer, au titre du principe d’égalité de traitement, le bénéfice analogue d’un programme de rachat de leurs titres de créance par l’État grec. En tout état de cause, comme il a été rappelé au point 87 ci-dessus, le rehaussement de crédit ordonné par l’article 1er, paragraphe 1, de la décision 2012/153 garantissait le maintien de l’éligibilité de l’ensemble des titres de créance grecs couverts par ledit rehaussement, y compris ceux ayant fait l’objet de la conversion au titre des CAC. Ainsi, ladite décision protégeait ces titres, dont ceux échangés contre les obligations litigieuses, contre une perte supplémentaire qui aurait pu résulter de la baisse de leur notation, voire de l’insolvabilité de la République hellénique (voir, en ce sens, arrêt du 7 octobre 2015, Accorinti, T‑79/13, EU:T:2015:756, points 94 et 95 et jurisprudence citée).

117    Dès lors, les requérantes n’ont pas établi avoir été dans une situation comparable avec celle dans laquelle se trouvaient les banques centrales de l’Eurosystème, dont la décision d’investissement était exclusivement guidée par des objectifs d’intérêt public.

118    Il y a donc lieu de rejeter le moyen d’illégalité tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement comme non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation du principe de « bonne administration », de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux et de l’obligation de diligence

119    Selon les requérantes, la situation de conflit d’intérêts dans laquelle se trouvait la BCE et dont elle a tiré parti en privilégiant la valeur de ses propres titres de créance aux dépens de ceux détenus par d’autres investisseurs, dont les requérantes, est également constitutive d’une violation du principe de « bonne administration » au sens de l’article 41 de la charte des droits fondamentaux, en vertu duquel, notamment, l’administration est tenue d’examiner avec soin et impartialité tous les éléments pertinents d’une affaire et de réunir tous les éléments de fait et de droit nécessaires à l’exercice de son pouvoir d’appréciation. En effet, un tel comportement serait « manifestement contraire à un traitement équitable et impartial de la situation ». Une « bonne administration » aurait également exigé de la part de la BCE de ne pas faire naître auprès des requérantes la certitude erronée que, à la suite de l’échange de titres en vertu de la loi n° 4050/2012, leurs nouveaux titres seraient de nouveau éligibles à l’Eurosystème ou, à tout le moins, de divulguer publiquement l’absence de leur éligibilité avant le 5 mars 2012. En tout état de cause, en omettant de prendre en compte les intérêts des requérantes et d’adopter les comportements litigieux en toute impartialité, la BCE aurait violé le principe de diligence et, partant, leurs droits fondamentaux, tels que leurs droits à la protection de la confiance légitime, au respect du principe d’égalité de traitement et à une « bonne administration », ce qui serait constitutif de violations suffisamment graves et caractérisées mettant en cause sa responsabilité extracontractuelle. En effet, ce principe relèverait d’un principe général du droit de l’Union et aurait vocation à s’appliquer à toute activité ou à tout comportement des institutions et organes de l’Union, y compris celle de la BCE dans le cadre de la politique monétaire.

120    La BCE conteste avoir violé les principes invoqués par les requérantes.

121    Par le présent moyen, les requérantes reprochent, en substance, à la BCE d’avoir méconnu à leur détriment son devoir de diligence, tel qu’interprété par une jurisprudence établie (voir arrêt du 16 septembre 2013, ATC e.a./Commission, T‑333/10, EU:T:2013:451, points 84 et 93 et jurisprudence citée). Toutefois, à cet égard, il suffit de constater que les requérantes ont omis d’exposer, de manière suffisamment précise et intelligible, et d’étayer les raisons pour lesquelles elles estiment que la BCE, notamment en adoptant les actes en cause, aurait manqué à son devoir de procéder à un examen diligent et impartial de tous les éléments pertinents indispensables à l’exercice de son large pouvoir d’appréciation au titre des articles 127 et 282 TFUE et de l’article 18 des statuts. En outre, dans la mesure où les requérantes réitèrent leur grief, déjà avancé à l’appui du deuxième moyen, selon lequel la BCE aurait passé et mis en œuvre à leur détriment l’accord d’échange du 15 février 2012 pour échapper à la restructuration de la dette publique grecque au titre du PSI et en vertu de l’application des CAC, ce grief est inopérant pour démontrer un manque de diligence de la part de la BCE. En tout état de cause, ce grief est non fondé compte tenu des considérations exposées aux points 111 à 114 ci-dessus, selon lesquelles ces mesures s’inséraient dans le cadre de l’exercice de ses compétences et de ses missions fondamentales en ce qu’elles visaient précisément à préserver la marge de manœuvre des banques centrales et à assurer la continuité du bon fonctionnement de l’Eurosystème. Enfin, en tant que les requérantes reprochent à la BCE d’avoir fait naître auprès d’elles la certitude erronée que, à la suite de l’échange de titres en vertu de la loi n° 4050/2012, leurs titres échangés seraient de nouveau éligibles à l’Eurosystème ou, à tout le moins, de ne pas avoir divulgué publiquement l’absence de leur éligibilité avant le 5 mars 2012, il suffit de relever que ce grief, qui se recoupe avec le premier moyen, est également inopérant dans ce contexte et manque, en tout état de cause, tant en fait qu’en droit (voir points 87 et 116 ci-dessus).

122    Par conséquent, les griefs invoqués dans le cadre du troisième moyen ne peuvent être retenus et ne sont pas non plus de nature à engager la responsabilité non contractuelle de la BCE.

123    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure qu’aucun des moyens d’illégalité invoqués par les requérantes n’est susceptible de remplir la première condition d’engagement de la responsabilité non contractuelle de la BCE, au sens de l’article 340, troisième alinéa, TFUE. Dès lors, il y a lieu de rejeter les conclusions en indemnité pour ce seul motif et sans qu’il soit nécessaire d’apprécier les conditions de la réalité du dommage et de l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué.

124    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, le recours doit être rejeté, sans qu’il soit besoin d’ordonner à la BCE la production de l’accord d’échange du 15 février 2012.

 Sur les dépens

125    L’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure dispose que toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la BCE.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nausicaa Anadyomène SAS et la Banque d’escompte sont condamnées aux dépens.



Frimodt Nielsen

Kreuschitz

Półtorak

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 janvier 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

       S. Frimodt Nielsen


* Langue de procédure : le français.

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