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Dokumentum 62019CJ0842

A Bíróság ítélete (hatodik tanács), 2020. november 12.
Európai Bizottság kontra Belga Királyság.
Tagállami kötelezettségszegés – A Bíróság kötelezettségszegést megállapító ítélete – A végrehajtás elmaradása – A tőke szabad mozgása – EUMSZ 63. cikk – A külföldi ingatlanokból származó jövedelmekre vonatkozó belga adórendelkezések összeegyeztethetetlensége – Az EUMSZ 260. cikk (2) bekezdése – Kényszerítő bírság és átalányösszeg kiszabása iránti kérelem.
C-842/19. sz. ügy.

Európai esetjogi azonosító: ECLI:EU:C:2020:915

ARRÊT DE LA COUR (sixième chambre)

12 novembre 2020 (*)

« Manquement d’État – Arrêt de la Cour constatant un manquement – Inexécution – Libre circulation des capitaux – Article 63 TFUE – Incompatibilité des dispositions fiscales belges relatives aux revenus afférents à des biens immobiliers situés à l’étranger – Article 260, paragraphe 2, TFUE – Demande d’imposition d’une astreinte et d’une somme forfaitaire »

Dans l’affaire C‑842/19,

ayant pour objet un recours en manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, introduit le 19 novembre 2019,

Commission européenne, représentée par M. W. Roels et Mme A. Armenia, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Royaume de Belgique, représenté par MM. P. Cottin et J.-C. Halleux, ainsi que par Mme C. Pochet, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LA COUR (sixième chambre),

composée de M. L. Bay Larsen, président de chambre, M. J.‑C. Bonichot (rapporteur), président de la première chambre, M. M. Safjan, juge,

avocat général : M. H. Saugmandsgaard Øe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par sa requête, la Commission européenne demande à la Cour :

–        de constater que, en n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE ;

–        de condamner le Royaume de Belgique au paiement soit d’une somme forfaitaire minimale de 2 029 000 euros, soit, dans le cas où le montant de cette somme forfaitaire minimale serait dépassé, d’une somme forfaitaire journalière de 4 905,90 euros à compter de la date du prononcé de l’arrêt susmentionné, jusqu’à la date où sera rendu l’arrêt dans la présente affaire, ou jusqu’à la date de l’exécution de l’arrêt susmentionné, si celle-ci intervient plus tôt, à verser sur un compte qui sera indiqué par la Commission ;

–        de condamner le Royaume de Belgique au paiement d’une astreinte de 22 076,55 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt susmentionné, à compter du jour où sera rendu l’arrêt dans la présente affaire et jusqu’à la date de l’exécution de cet arrêt, à verser sur un compte qui sera indiqué par la Commission ;

–        de condamner le Royaume de Belgique aux dépens.

 Le cadre juridique

2        Aux termes de l’article 40 de l’accord sur l’Espace économique européen, du 2 mai 1992 (JO 1994, L 1, p. 3, ci-après « l’accord EEE ») :

« Dans le cadre du présent accord, les restrictions entre les parties contractantes aux mouvements des capitaux appartenant à des personnes résidant dans les États membres de la [Communauté européenne (CE)] ou dans les États de l’[Association européenne de libre-échange (AELE)], ainsi que les discriminations de traitement fondées sur la nationalité ou la résidence des parties ou sur la localisation du placement, sont interdites. Les dispositions nécessaires à l’application du présent article figurent à l’annexe XII. »

 L’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C110/17, EU:C:2018:250)

3        Dans son arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), la Cour a jugé que, en maintenant des dispositions selon lesquelles, en matière d’estimation des revenus afférents aux immeubles non loués, ou loués, soit à des personnes physiques qui n’en font pas un usage professionnel, soit à des personnes morales qui les mettent à disposition de personnes physiques à des fins privées, la base imposable est calculée à partir de la valeur cadastrale en ce qui concerne les biens situés sur le territoire national et sur la valeur locative réelle s’agissant des immeubles situés à l’étranger, le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 63 TFUE et de l’article 40 de l’accord EEE.

 La procédure précontentieuse

4        À la suite du prononcé de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), la Commission a demandé au Royaume de Belgique, le 7 mai 2018, des informations sur les mesures prises en vue de l’exécution de cet arrêt. Cet État membre a répondu, par une lettre du 31 juillet 2018, qu’il examinait les conséquences de cet arrêt.

5        Le 9 novembre 2018, la Commission a adressé au Royaume de Belgique une lettre de mise en demeure dans laquelle elle exposait que, n’ayant reçu aucune communication des mesures prises par cet État membre afin d’exécuter l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), elle estimait que le Royaume de Belgique avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 260, paragraphe 1, du TFUE. Dans la même lettre, la Commission a invité cet État membre, conformément à l’article 260, paragraphe 2, du TFUE, à lui faire parvenir ses observations sur ce sujet dans un délai de deux mois.

6        Par une lettre du 8 janvier 2019, les autorités belges ont informé la Commission qu’elles « examineront s’il est possible de trouver une solution fiscale qui permette de remédier de manière adéquate à l’incompatibilité du traitement fiscal des biens immobiliers étrangers avec l’article 63 du TFUE et l’article 40 de l’accord [EEE] », sans communiquer de calendrier d’adoption d’une telle solution.

7        La Commission, n’ayant pas reçu d’autres informations relatives aux mesures éventuellement envisagées par le Royaume de Belgique afin d’exécuter l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), a considéré que la mise en conformité de la réglementation en cause avec cet arrêt faisait toujours défaut et a introduit, le 19 novembre 2019, le présent recours.

 Sur le manquement

 Argumentation des parties

8        Au vu du dispositif de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), la Commission soutient que, en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE, le Royaume de Belgique est tenu d’abroger les dispositions de son droit national selon lesquelles, en matière d’estimation des revenus afférents aux immeubles non loués, ou loués soit à des personnes physiques qui n’en font pas un usage professionnel, soit à des personnes morales qui les mettent à disposition de personnes physiques à des fins privées, la base imposable est calculée à partir de la valeur cadastrale en ce qui concerne les biens situés sur le territoire national et sur la valeur locative réelle s’agissant des immeubles situés à l’étranger.

9        Toutefois, jusqu’à l’introduction du présent recours en manquement, le Royaume de Belgique n’aurait informé la Commission d’aucune mesure prise afin de se conformer à cet arrêt.

10      Le Royaume de Belgique reconnaît avoir manqué à son obligation de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250).

 Appréciation de la Cour

11      En vertu de l’article 260, paragraphe 2, TFUE, si la Commission estime que l’État membre concerné n’a pas pris les mesures nécessaires que comporte l’exécution de l’arrêt de la Cour, elle peut saisir cette dernière, après avoir mis cet État en mesure de présenter ses observations, en indiquant le montant de la somme forfaitaire ou de l’astreinte à payer par ledit État qu’elle estime adapté aux circonstances.

12      À cet égard, la date de référence pour apprécier l’existence d’un manquement au titre de l’article 260, paragraphe 2, TFUE est celle de l’expiration du délai fixé dans la lettre de mise en demeure émise en vertu de cette disposition [voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 84].

13      En l’occurrence, ainsi que l’a reconnu le Royaume de Belgique dans ses observations écrites, il est constant que, à l’issue du délai de deux mois suivant la réception, par cet État membre, de la lettre de mise en demeure mentionnée au point 5 du présent arrêt, à savoir le 9 janvier 2019, celui-ci n’avait pas adopté les mesures nécessaires pour se conformer aux obligations découlant de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250).

14      Dans ces conditions, il convient de constater que, en n’ayant pas pris, à la date à laquelle a expiré le délai imparti dans la lettre de mise en demeure émise par la Commission, à savoir le 9 janvier 2019, les mesures nécessaires que comportait l’exécution de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l’article 260, paragraphe 1, TFUE.

 Sur les sanctions pécuniaires

 Argumentation des parties

15      Estimant que le Royaume de Belgique ne s’est toujours pas conformé à l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), la Commission demande à la Cour de condamner cet État membre à payer une somme forfaitaire et une astreinte journalière.

16      Aux fins du calcul de ces sanctions pécuniaires, la Commission renvoie à sa communication SEC(2005) 1658, du 12 décembre 2005, intitulée « Mise en œuvre de l’article [260 TFUE] », telle que modifiée par sa communication du 25 février 2019, intitulée « Modification de la méthode de calcul des sommes forfaitaires et des astreintes journalières proposées par la Commission dans le cadre des procédures d’infraction devant la Cour de justice de l’Union européenne » (JO 2019, C 70, p. 1).

17      En ce qui concerne la gravité du manquement, la Commission estime qu’il y a lieu de tenir compte de deux circonstances aggravantes.

18      D’une part, l’infraction concernerait l’article 63 TFUE et l’article 40 de l’accord EEE. Or, les atteintes aux libertés fondamentales consacrées par le traité FUE devraient être considérées comme graves.

19      D’autre part, la Commission soutient que l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), ne fait que confirmer l’arrêt du 11 septembre 2014, Verest et Gerards (C‑489/13, EU:C:2014:2210), et que, après le prononcé de ce dernier, les autorités belges n’ont adopté qu’une mesure ponctuelle par voie de circulaire administrative, au mois de juin 2016.

20      Par ailleurs, la Commission considère qu’il convient de tenir compte des conséquences de l’infraction en cause. Celle-ci entraînerait, en substance, une surévaluation du revenu afférent aux biens immobiliers situés dans un État membre de l’Union européenne ou de l’Espace économique européen (ci-après l’« EEE ») autre que le Royaume de Belgique. Selon la Commission, en présence de conventions préventives de la double imposition, qui prévoient une réserve de progressivité, cette surévaluation peut, dans certains cas, conduire à l’application d’un taux d’imposition plus élevé et augmenter ainsi les recettes fiscales du Royaume de Belgique. Toutefois, seulement une partie limitée de la population de cet État membre, à savoir 1,6 % de la population totale de celui-ci, serait concernée par cette possibilité, ce qui constituerait une circonstance atténuante.

21      Quant à la durée de cette infraction, la Commission relève que le coefficient de durée qu’elle propose d’appliquer a été déterminé en fonction de la durée de la période comprise entre le prononcé de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), et le moment où cette institution a décidé de saisir la Cour, à savoir le 25 juillet 2019.

22      Concrètement, la Commission propose de calculer la somme forfaitaire en multipliant le montant du forfait de base uniforme, s’élevant à 1 035 euros, par un coefficient de gravité de 6 sur une échelle de 1 à 20, ainsi que par un coefficient de durée de 1,5. Le résultat obtenu serait multiplié par un facteur « n », fixé à 0,79 pour le Royaume de Belgique. En outre, elle propose de déterminer le montant de l’astreinte journalière en appliquant au forfait de base, s’élevant actuellement à 3 105 euros par jour, les mêmes facteurs.

23      Dans ces conditions, la Commission demande à la Cour de condamner le Royaume de Belgique au paiement d’une somme forfaitaire de 4 905,90 euros multipliée par le nombre de jours qui se seront écoulés entre la date du prononcé de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), et, soit la date d’exécution de cet arrêt par le Royaume de Belgique, soit la date de l’arrêt qui sera rendu dans la présente affaire si cette dernière date est antérieure à la date d’exécution du premier de ces arrêts, la somme forfaitaire minimale devant s’élever à 2 029 000 euros.

24      S’agissant de l’astreinte, cet État membre devrait payer la somme de 22 076,55 euros par jour de retard dans l’exécution de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), à compter du jour du prononcé de l’arrêt qui sera rendu dans la présente affaire et jusqu’à la date de l’exécution du premier de ces arrêts.

25      Le Royaume de Belgique ne conteste pas le bien-fondé de la demande de la Commission tendant à ce que la Cour lui inflige une sanction pécuniaire, mais soutient que les montants proposés par cette institution devraient être réduits.

26      À cet égard, après avoir rappelé que la méthode de calcul employée par la Commission ne lie pas la Cour, le Royaume de Belgique fait valoir que le coefficient de gravité est trop élevé.

27      En effet, d’une part, si cet État membre reconnaît l’importance des règles du droit de l’Union qu’il enfreint, il estime, toutefois, que les conséquences du manquement invoqué sont particulièrement limitées.

28      En premier lieu, le droit belge contiendrait des règles permettant de rapprocher le revenu imposable afférent à un bien immobilier situé à l’étranger de celui relatif à un bien immobilier situé en Belgique.

29      En deuxième lieu, le fait que le revenu imposable afférent à un bien immobilier sis à l’étranger puisse être surévalué par rapport au revenu relatif à un bien immobilier situé en Belgique ne conduirait pas nécessairement à l’application d’un taux d’imposition plus lourd, ce que la Cour aurait déjà reconnu dans l’arrêt du 11 septembre 2014, Verest et Gerards (C‑489/13, EU:C:2014:2210).

30      En effet, les conventions préventives de la double imposition conclues avec les États membres de l’Union et de l’EEE, à l’exception de la Principauté de Liechtenstein, prévoiraient des réserves de progressivité. La prise en compte de revenus immobiliers étrangers en application d’une telle réserve n’aurait un impact sur le taux d’imposition applicable aux revenus imposables d’un résident belge que lorsqu’elle a pour effet de soumettre ces revenus à une tranche supérieure du barème de l’impôt.

31      Cette situation serait rare, dès lors qu’une grande partie de la population belge et, selon toute vraisemblance, des résidents belges disposant d’une résidence secondaire à l’étranger atteindraient le niveau de revenu à partir duquel le taux d’imposition le plus élevé s’applique.

32      S’agissant de l’exercice d’imposition de l’année 2016, le nombre de déclarations fiscales comportant des revenus immobiliers d’origine étrangère exonérés, pour lesquelles la législation fiscale belge en vigueur a entraîné une surcharge fiscale pour les contribuables, correspondrait à 1,11 % de l’ensemble des déclarations relatives à l’impôt des personnes physiques. Ce taux s’élèverait à 0,99 % pour l’exercice d’imposition de l’année 2017 et à 1,42 % pour celui de l’année 2018.

33      En troisième et dernier lieu, malgré la restriction à la libre circulation des capitaux résultant de la législation en cause, le nombre de contribuables qui déclarent des revenus immobiliers d’origine étrangère augmenterait depuis les dix dernières années. Il en découlerait que cette restriction ne dissuade pas les résidents belges d’investir à l’étranger.

34      D’autre part, les sanctions demandées par la Commission dans le passé montreraient également que, dans la présente affaire, l’application d’un coefficient de gravité de 6 n’est pas justifiée.

35      En effet, les arrêts du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien) (C‑261/18, EU:C:2019:955), du 4 juillet 2018, Commission/Slovaquie (C‑626/16, EU:C:2018:525), et du 17 octobre 2013, Commission/Belgique (C‑533/11, EU:C:2013:659), concerneraient des manquements susceptibles d’avoir des effets particulièrement graves, notamment, sur l’environnement. Or, la Commission aurait proposé des coefficients de gravité de 2 dans les affaires ayant donné lieu aux deux premiers de ces arrêts et de 6 dans l’affaire à l’origine du troisième de ceux-ci. S’agissant d’un manquement aux règles fondamentales en matière d’aides d’État, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce (C‑93/17, EU:C:2018:903), cette institution aurait appliqué un coefficient de gravité de 5.

36      Par ailleurs, le Royaume de Belgique soutient que son comportement constitue une circonstance atténuante, dont la Cour devrait tenir compte.

37      En se référant à l’arrêt du 30 mai 2013, Commission/Suède (C‑270/11, EU:C:2013:339, point 55), cet État membre fait valoir qu’il a toujours veillé à exécuter les arrêts rendus par la Cour en application de l’article 258 TFUE, à une exception près.

38      Le Royaume de Belgique insiste, en outre, sur l’importance du devoir de coopération loyale et souligne qu’il travaille activement à l’élaboration d’une solution législative. Celle-ci devrait, toutefois, être soumise à l’approbation politique d’un gouvernement fédéral « de plein exercice ». Or, depuis décembre 2018, le gouvernement serait « en affaires courantes » jusqu’à la formation d’un nouveau gouvernement.

39      Dans l’attente de la mise en œuvre du processus législatif, une circulaire administrative modifiant le droit fiscal belge aurait été adoptée le 29 juin 2016, en vue de permettre la déclaration du « revenu fictif expressément approuvé ou fixé par une autorité étrangère pour [le] bien immobilier », en tant que valeur locative des biens immobiliers non donnés en location situés à l’étranger. En Espagne, en France, en Italie, au Luxembourg et aux Pays-Bas, un tel revenu fictif existerait et aboutirait à des montants analogues à ceux retenus par l’administration fiscale pour des biens comparables situés en Belgique.

40      Dans sa réplique, la Commission soutient que les données chiffrées présentées par le Royaume de Belgique ne contredisent pas les estimations qui constituent la base de ses propositions. Ainsi, elle aurait tenu compte, lors de la détermination du coefficient de gravité, de l’impact limité de l’infraction en cause.

41      Par ailleurs, les affaires citées par le Royaume de Belgique afin de démontrer un prétendu manque de cohérence de la pratique de la Commission ne seraient pas pertinentes. Seule l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 17 octobre 2013, Commission/Belgique (C‑533/11, EU:C:2013:659), serait comparable à la présente affaire, puisque, dans chacune d’elles, la Commission aurait tenu compte de deux circonstances aggravantes ainsi que d’une circonstance atténuante.

42      S’agissant de l’arrêt du 30 mai 2013, Commission/Suède (C‑270/11, EU:C:2013:339, point 55), la Cour aurait, certes, admis que le fait qu’un État membre n’a jamais omis d’exécuter un arrêt rendu au titre de l’article 258 TFUE constitue une circonstance atténuante. Or, par l’arrêt du 17 octobre 2013, Commission/Belgique (C‑533/11, EU:C:2013:659), la Cour aurait déjà condamné le Royaume de Belgique pour l’inexécution d’un arrêt rendu à ce titre.

43      Quant à la coopération loyale dont aurait fait preuve le Royaume de Belgique, la Commission souligne, notamment, que, depuis le prononcé de l’arrêt du 11 septembre 2014, Verest et Gerards (C‑489/13, EU:C:2014:2210), qui aurait déjà démontré l’incompatibilité de la législation belge avec la libre circulation des capitaux, plusieurs années se sont écoulées sans que cet État ait pris les mesures nécessaires afin d’y remédier. En ce qui concerne, en particulier, la circulaire fiscale invoquée par le Royaume de Belgique, celle-ci constituerait une mesure insuffisante.

44      Le Royaume de Belgique a renoncé au dépôt d’un mémoire en duplique.

 Appréciation de la Cour

45      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il appartient à la Cour, dans chaque affaire et en fonction des circonstances de l’espèce, ainsi que du niveau de persuasion et de dissuasion qui lui paraît requis, d’arrêter les sanctions pécuniaires appropriées, notamment pour prévenir la répétition d’infractions analogues au droit de l’Union [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 111].

46      Il convient également de rappeler que la Cour est habilitée, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation qui lui est conféré dans le domaine considéré, à imposer, de façon cumulative, une astreinte et une somme forfaitaire [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 112].

 Sur la somme forfaitaire

47      La condamnation au paiement d’une somme forfaitaire et la fixation du montant éventuel de cette somme doivent, dans chaque cas d’espèce, demeurer fonction de l’ensemble des éléments pertinents ayant trait tant aux caractéristiques du manquement constaté qu’à l’attitude propre à l’État membre concerné par la procédure initiée sur le fondement de l’article 260 TFUE. À cet égard, celui-ci investit la Cour d’un large pouvoir d’appréciation afin de décider de l’infliction ou non d’une telle sanction et de déterminer, le cas échéant, son montant [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 113].

48      En outre, il appartient à la Cour, dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation, de fixer le montant de cette somme forfaitaire de telle sorte qu’elle soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée à l’infraction commise. Figurent notamment au rang des facteurs pertinents à cet égard des éléments tels que la gravité de l’infraction constatée, la période durant laquelle celle-ci a persisté depuis le prononcé de l’arrêt l’ayant constatée ainsi que la capacité de paiement de l’État membre en cause [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 114].

49      En premier lieu, s’agissant de la gravité de l’infraction, il convient de rappeler le caractère fondamental de la disposition du droit de l’Union ayant fait l’objet de la restriction constatée dans l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250). En effet, dans cet arrêt, la Cour a considéré que cette restriction portait atteinte à l’un des principes fondamentaux du marché intérieur, en l’occurrence la libre circulation des capitaux garantie à l’article 63 TFUE ainsi qu’à l’article 40 de l’accord EEE.

50      Cette restriction est susceptible de dissuader les résidents belges soumis à l’impôt en Belgique d’effectuer des investissements immobiliers dans d’autres États membres de l’Union ou dans un État de l’EEE (voir, en ce sens, arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique, C‑110/17, EU:C:2018:250, point 53).

51      Toutefois, ainsi que le souligne le Royaume de Belgique et que le reconnaît la Commission, cette restriction n’entraîne des effets négatifs en matière fiscale que pour une partie relativement faible des résidents de cet État membre.

52      En revanche, si, certes, le Royaume de Belgique a coopéré avec la Commission au cours de la procédure précontentieuse, il n’en demeure pas moins que cet État membre n’a réalisé aucun progrès substantiel dans l’exécution de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250).

53      En effet, la circulaire adoptée le 29 juin 2016 ne permet pas de remédier au manquement constaté dans cet arrêt, dès lors, notamment, qu’elle concerne seulement des biens immobiliers non donnés en location, situés à l’étranger, et non l’ensemble des biens immobiliers couverts par la législation à laquelle se rapporte ce manquement. En outre, ainsi que l’a relevé la Commission dans sa réplique, les valeurs locatives déterminées par les autorités étrangères, dont la circulaire permet de tenir compte, ne sont pas nécessairement inférieures aux loyers réels pratiqués sur le marché immobilier. Enfin, il ressort du mémoire en défense du Royaume de Belgique que cet État membre considère, à l’instar de la Commission, que la législation belge à l’origine de l’entrave à la libre circulation des capitaux constatée dans l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), doit être modifiée par voie législative.

54      Par ailleurs, si, au point 55 de l’arrêt du 30 mai 2013, Commission/Suède (C‑270/11, EU:C:2013:339), la Cour a qualifié de circonstance atténuante le fait qu’un État membre n’avait jamais omis d’exécuter un arrêt rendu par la Cour au titre de l’article 258 TFUE, il est toutefois constant que, par l’arrêt du 17 octobre 2013, Commission/Belgique (C‑533/11, EU:C:2013:659), le Royaume de Belgique a été condamné pour l’inexécution de l’arrêt du 8 juillet 2004, Commission/Belgique (C‑27/03, non publié, EU:C:2004:418). Dès lors, le Royaume de Belgique ne saurait bénéficier d’une telle circonstance atténuante.

55      S’agissant, en deuxième lieu, de la durée de l’infraction, il convient de rappeler que celle-ci doit être évaluée en prenant en considération le moment auquel la Cour apprécie les faits et non pas celui où cette dernière est saisie par la Commission (arrêt du 14 novembre 2018, Commission/Grèce, C‑93/17, EU:C:2018:903, point 130).

56      Le Royaume de Belgique n’ayant pas contesté qu’il n’a pas été mis fin au manquement à son obligation d’exécuter pleinement l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), il y a lieu de constater que ce manquement dure depuis plus de deux ans à compter de la date de prononcé de cet arrêt, ce qui constitue un laps de temps significatif.

57      En effet, bien que l’article 260, paragraphe 1, TFUE ne précise pas le délai dans lequel l’exécution d’un arrêt doit intervenir, l’intérêt qui s’attache à une application immédiate et uniforme du droit de l’Union exige, selon une jurisprudence constante, que cette exécution soit entamée immédiatement et aboutisse dans des délais aussi brefs que possible [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 123].

58      En troisième lieu, en ce qui concerne la capacité de paiement de l’État membre en cause, il ressort de la jurisprudence de la Cour qu’il convient de prendre en compte l’évolution récente du produit intérieur brut (PIB) de cet État membre, telle qu’elle se présente à la date de l’examen des faits par la Cour [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 124].

59      Compte tenu de l’ensemble des circonstances de la présente affaire, la Cour considère que la prévention effective de la répétition future d’infractions analogues au droit de l’Union est de nature à requérir le paiement, par l’État membre concerné, d’une somme forfaitaire d’un montant de 2 000 000 euros.

60      Il convient, par conséquent, de condamner Royaume de Belgique à payer à la Commission une somme forfaitaire d’un montant de 2 000 000 euros.

 Sur l’astreinte

61      Selon une jurisprudence constante, l’infliction d’une astreinte ne se justifie, en principe, que pour autant que perdure le manquement tiré de l’inexécution d’un précédent arrêt jusqu’à l’examen des faits par la Cour [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 127].

62      En l’occurrence, ainsi qu’il a été constaté au point 56 du présent arrêt, le manquement reproché au Royaume de Belgique perdure au moment de l’examen des faits de l’espèce par la Cour, ce qui justifie le prononcé d’une astreinte.

63      En ce qui concerne le calcul du montant de l’astreinte, il est de jurisprudence constante que celle-ci doit être arrêtée en fonction du degré de persuasion nécessaire pour que l’État membre défaillant modifie son comportement et mette fin à l’infraction incriminée. Dans l’exercice de son pouvoir d’appréciation en la matière, il incombe à la Cour de fixer l’astreinte de telle sorte que celle-ci soit, d’une part, adaptée aux circonstances et, d’autre part, proportionnée au manquement constaté ainsi qu’à la capacité de paiement de l’État membre concerné [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 131].

64      Les propositions de la Commission concernant le montant de l’astreinte ne sauraient lier la Cour et ne constituent qu’une base de référence utile. La Cour doit demeurer libre de fixer l’astreinte infligée au montant et sous la forme qu’elle considère adéquats pour inciter l’État membre concerné à mettre fin à l’inexécution des obligations qui lui incombent en vertu du droit de l’Union [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 132].

65      Aux fins de la fixation du montant de l’astreinte, les critères de base qui doivent être pris en considération pour assurer la nature coercitive de cette dernière, en vue d’une application uniforme et effective du droit de l’Union, sont, en principe, la gravité de l’infraction, sa durée et la capacité de paiement de l’État membre en cause. Pour l’application de ces critères, il y a lieu de tenir compte, en particulier, des conséquences du défaut d’exécution sur les intérêts privés et publics ainsi que de l’urgence qu’il y a à ce que l’État membre concerné se conforme à ses obligations [arrêt du 12 novembre 2019, Commission/Irlande (Parc éolien de Derrybrien), C‑261/18, EU:C:2019:955, point 133].

66      Dans la présente affaire, au vu de l’ensemble des éléments juridiques et factuels ayant abouti à la constatation du manquement ainsi que des considérations figurant aux points 49 à 58 du présent arrêt, la Cour considère comme appropriée l’infliction d’une astreinte d’un montant de 7 500 euros par jour.

67      Il convient donc de condamner le Royaume de Belgique à payer à la Commission une astreinte d’un montant de 7 500 euros par jour de retard dans la mise en œuvre des mesures nécessaires pour se conformer à l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C‑110/17, EU:C:2018:250), à compter de la date du prononcé du présent arrêt et jusqu’à l’exécution complète du premier de ces arrêts.

 Sur les dépens

68      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure de la Cour, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant conclu à la condamnation du Royaume de Belgique et ce dernier ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de le condamner aux dépens.

Par ces motifs, la Cour (sixième chambre) déclare et arrête :

1)      En n’ayant pas pris toutes les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C110/17, EU:C:2018:250), le Royaume de Belgique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 260, paragraphe 1, du TFUE.

2)      Le Royaume de Belgique est condamné à payer à la Commission européenne une somme forfaitaire d’un montant de 2 000 000 euros.

3)      Le Royaume de Belgique est condamné à payer à la Commission européenne une astreinte d’un montant de 7 500 euros par jour à compter du prononcé du présent arrêt et jusqu’à la date de l’exécution de l’arrêt du 12 avril 2018, Commission/Belgique (C110/17, EU:C:2018:250).

4)      Le Royaume de Belgique est condamné aux dépens.

Bay Larsen

Bonichot

Safjan

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 12 novembre 2020.

Le greffier

Le président de la VIème chambre

A. Calot Escobar

 

M. Bay Larsen


*      Langue de procédure : le français.

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