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Document 62016TJ0307

Arrêt du Tribunal (première chambre) du 27 février 2018.
CEE Bankwatch Network contre Commission européenne.
Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs à une décision de la Commission portant octroi d’un prêt Euratom en faveur du programme d’amélioration de la sûreté des réacteurs nucléaires de l’Ukraine – Refus partiel d’accès – Exception relative à la protection de l’intérêt public en matière de relations internationales – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux – Intérêt public supérieur – Règlement (CE) no 1367/2006 – Application aux documents relatifs aux décisions prises dans le cadre du traité CEEA.
Affaire T-307/16.

Recueil – Recueil général – Partie «Informations sur les décisions non publiées»

Identifiant ECLI: ECLI:EU:T:2018:97

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

27 février 2018 ( *1 )

« Accès aux documents – Règlement (CE) no 1049/2001 – Documents relatifs à une décision de la Commission portant octroi d’un prêt Euratom en faveur du programme d’amélioration de la sûreté des réacteurs nucléaires de l’Ukraine – Refus partiel d’accès – Exception relative à la protection de l’intérêt public en matière de relations internationales – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux – Intérêt public supérieur – Règlement (CE) no 1367/2006 – Application aux documents relatifs aux décisions prises dans le cadre du traité CEEA »

Dans l’affaire T‑307/16,

CEE Bankwatch Network, établie à Prague (République tchèque), représentée par Me C. Kiss, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. C. Zadra et Mmes F. Clotuche-Duvieusart et C. Cunniffe, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord, initialement représenté par MM. M. Holt et D. Robertson, et ensuite par M. S. Brandon, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2016) 2319 final de la Commission, du 15 avril 2016, refusant, sur le fondement du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), l’accès à plusieurs documents relatifs à la décision C(2013) 3496 final de la Commission, du 24 juin 2013, portant octroi d’un prêt Euratom en faveur du programme d’amélioration de la sûreté des réacteurs nucléaires de l’Ukraine,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de Mme I. Pelikánová, président, MM. P. Nihoul (rapporteur) et J. Svenningsen, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

Antécédents du litige

Décision C(2013) 3496 final

1

Le 24 juin 2013, la Commission européenne a, par la décision C(2013) 3496 final (ci-après la « décision d’octroi »), octroyé un prêt Euratom à la Compagnie nationale de production d’énergie d’Ukraine (Energoatom) en faveur du programme d’amélioration de la sûreté des réacteurs nucléaires de l’Ukraine. Ce prêt était garanti par le gouvernement ukrainien.

2

La décision d’octroi a été adoptée en application de la décision 77/270/Euratom du Conseil, du 29 mars 1977, habilitant la Commission à contracter des emprunts Euratom en vue d’une contribution au financement des centrales nucléaires de puissance (JO 1977, L 88, p. 9), telle que modifiée par la décision 94/179/Euratom, du 21 mars 1994 (JO 1994, L 84, p. 41). Aux termes de l’article 1er de cette décision, la Commission est habilitée à contracter, au nom de la Communauté européenne de l’énergie atomique, dans la limite de montants fixés par le Conseil, des emprunts dont le produit sera affecté, sous forme de prêts, au financement de projets destinés à renforcer la sûreté et l’efficacité du parc nucléaire de différents pays tiers énumérés en annexe, dont l’Ukraine.

Demande d’accès aux documents

3

La requérante, CEE Bankwatch Network, est une association d’organisations non gouvernementales, établie selon le droit tchèque. D’après ses statuts, cette association a pour mission de contrôler les activités des institutions financières internationales opérant dans cette région et de promouvoir des solutions de remplacement à leurs politiques et à leurs projets, qui soient durables sur les plans environnemental, social et économique, lorsque cela est possible. Son siège est établi à Prague (République tchèque).

4

Les 6 et 7 novembre 2015, la requérante a, conformément à l’article 6, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), demandé à la Commission l’accès à divers documents relatifs à la décision d’octroi.

5

La demande d’accès portait sur cinq documents ou catégories de documents :

la convention de prêt du 7 août 2013 conclue entre l’Ukraine et la Communauté européenne de l’énergie atomique, notamment les clauses relatives aux exigences environnementales et sociales (point 1 de la demande d’accès) ;

les éléments de preuve et les avis spécifiques issus des consultations interservices visées au considérant 12 de la décision d’octroi, dont la Commission a tenu compte lors de l’évaluation de la mise en œuvre des conditions préalables au décaissement de la première tranche, relatives aux principales actions de l’Ukraine dans le domaine nucléaire et environnemental (point 2 de la demande d’accès) ;

les communications officielles entre la Commission et l’Ukraine relatives aux engagements pris par cette dernière de respecter les accords internationaux sur l’environnement, y compris la convention sur l’évaluation de l’impact sur l’environnement dans un contexte transfrontière, signée à Espoo (Finlande) le 25 février 1991, approuvée au nom de la Communauté européenne le 24 juin 1997 et entrée en vigueur le 10 septembre de la même année, ainsi que la convention sur l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 (ci-après la « convention d’Aarhus ») et approuvée au nom de la Communauté par la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005 (JO 2005, L 124, p. 1), compte tenu notamment de la décision adoptée par la Réunion des Parties à la convention d’Espoo de juin 2014, qui a constaté que l’Ukraine avait manqué aux obligations établies par l’article 2, paragraphe 2, de cette convention quant au cadre administratif et juridique général applicable à la prise de décisions concernant la prolongation de la durée de vie des réacteurs nucléaires (paragraphe 69 de la Décision VI/2) (point 3 de la demande d’accès) ;

la recommandation de la Banque européenne d’investissement (BEI) sur les aspects financiers et économiques du projet de prêt, formulée dans le cadre du processus d’instruction du prêt (point 4 de la demande d’accès) ;

toute communication reçue du gouvernement ukrainien ou d’autres parties au sujet de la prolongation prévue de la durée de vie de l’unité 2 de la centrale nucléaire d’Ukraine du Sud et de l’unité 1 de la centrale nucléaire de Zaporijia (Ukraine) (point 5 de la demande d’accès).

6

Par lettre du 21 décembre 2015, la Commission a répondu de la manière suivante à la demande qui lui était ainsi adressée :

s’agissant du point 1 de la demande d’accès, elle a communiqué deux extraits de la convention de prêt, concernant les exigences environnementales et sociales ;

s’agissant du point 2 de la demande d’accès, elle a refusé l’accès au motif que les documents concernés étaient couverts par l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 3, second alinéa, du règlement no 1049/2001, concernant les cas où une divulgation porterait gravement atteinte au processus décisionnel de l’institution ;

s’agissant du point 3 de la demande d’accès, elle a transmis à la requérante deux lettres adressées par la direction générale (DG) « Environnement » de la Commission à plusieurs autorités ukrainiennes ;

s’agissant du point 4 de la demande d’accès, elle a refusé l’accès au motif que le document était couvert par l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, relative aux situations où une divulgation porterait atteinte à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale ;

s’agissant du point 5 de la demande d’accès, elle a indiqué qu’elle ne disposait d’aucun document et a renvoyé la requérante à un hyperlien.

7

Par lettre du 19 janvier 2016, la requérante a, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, introduit une demande confirmative auprès de la Commission, afin que celle-ci revoie sa position sur les documents visés aux points 1, 2, 3 et 4 de sa demande d’accès. En revanche, elle n’a plus formulé de demande concernant le point 5. Dans sa demande confirmative, la requérante a invoqué le règlement (CE) no 1367/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 6 septembre 2006, concernant l’application aux institutions et aux organes de la Communauté européenne des dispositions de la convention d’Aarhus (JO 2006, L 264, p. 13).

8

Par lettre du 9 février 2016, la Commission a prolongé le délai de réponse de quinze jours ouvrables, conformément à l’article 8, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Par lettre du 1er mars 2016, elle a, à nouveau, prolongé le délai prévu pour répondre à la demande confirmative.

Acte attaqué

9

Par sa décision C(2016) 2319 final, du 15 avril 2016 (ci-après la « décision attaquée »), la Commission a répondu à la demande confirmative. Dans la décision attaquée, la Commission a considéré, à titre liminaire, que le règlement no 1367/2006 n’était pas applicable en l’espèce.

10

S’agissant du point 1 de la demande d’accès (convention de prêt), la Commission a confirmé sa décision de donner un accès seulement partiel à la convention de prêt, limité aux clauses environnementales et sociales contenues dans ce document. Elle a estimé que le reste de la convention ne devait pas être divulgué sur le fondement, d’une part, de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, et, d’autre part, de l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement, concernant la protection des intérêts commerciaux.

11

S’agissant du point 2 de la demande d’accès (consultations interservices et éléments de preuve concernant l’évaluation préalable au déboursement de la première tranche du prêt), la Commission a accordé l’accès à trois documents : une note de la DG « Environnement » à la DG « Affaires économiques et financières » de la Commission du 24 octobre 2014 et deux lettres d’Energoatom à la DG « Environnement » du 31 juillet 2014. Se fondant sur l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous b), du règlement no 1049/2001, relative à la protection de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, elle a cependant refusé, pour chacun de ces documents, de transmettre les noms, les titres et les signatures des personnes mentionnées.

12

S’agissant du point 3 de la demande d’accès (communications officielles entre la Commission et l’Ukraine), la Commission a affirmé qu’il n’existait aucune autre communication relevant de cette catégorie en dehors des deux lettres de la DG « Environnement » déjà transmises par courrier du 21 décembre 2015.

13

S’agissant du point 4 de la demande d’accès (recommandation de la BEI), la Commission a accordé un accès à la recommandation de la BEI, mais a considéré que cet accès devait être limité. Elle s’est fondée à cet égard une nouvelle fois sur l’exception relative à la protection des intérêts commerciaux, prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. Elle a également fait valoir dans la décision attaquée que certaines parties du document auxquelles elle refusait l’accès reproduisaient des clauses du contrat de prêt dont elle a estimé avoir déjà démontré que la divulgation porterait atteinte à ses intérêts commerciaux et à ceux d’Energoatom.

14

S’agissant du point 5 de la demande d’accès (communications relatives à la prolongation de la durée de vie de deux réacteurs), la Commission a confirmé qu’elle n’était en possession d’aucun document qui, selon elle, serait pertinent pour répondre à la demande.

15

Enfin, la Commission a considéré qu’il n’y avait en l’espèce aucun intérêt public supérieur au sens de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, qui justifierait une divulgation complète de la convention de prêt et de la recommandation de la BEI.

Procédure et conclusions des parties

16

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2016, la requérante a introduit le présent recours.

17

Le 16 septembre 2016, la Commission a déposé son mémoire en défense.

18

Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 octobre 2016, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord a demandé à intervenir dans la présente affaire au soutien des conclusions de la Commission. Cette intervention a été admise par une ordonnance du président de la première chambre du Tribunal du 17 novembre 2016.

19

Le 22 novembre 2016, la requérante a déposé son mémoire en réplique.

20

Par lettre du 19 décembre 2016, le Royaume-Uni a informé le Tribunal qu’il renonçait à déposer son mémoire en intervention.

21

Le 9 janvier 2017, la Commission a déposé son mémoire en duplique.

22

Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (première chambre) a constaté qu’aucune demande de fixation d’une audience n’avait été présentée par les parties dans le délai prévu à l’article 207, paragraphe 1, de son règlement de procédure et a décidé de statuer sans phase orale de la procédure, conformément au paragraphe 2 de la même disposition.

23

Dans la requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée ;

condamner la Commission aux dépens.

24

Dans le mémoire en défense, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

condamner la requérante aux dépens.

25

Par ordonnance du 24 avril 2017, le Tribunal a, au titre de l’article 91, sous c), et de l’article 92 de son règlement de procédure, ordonné à la Commission de produire le contrat de prêt et la recommandation de la BEI dans leur intégralité. Ces documents ont été transmis au Tribunal le 2 mai 2017 et n’ont pas été notifiés à la requérante ni au Royaume-Uni, conformément à l’article 104 du règlement de procédure.

En droit

26

Dans la requête, la requérante invoque quatre moyens, tirés, respectivement :

d’une erreur commise par la Commission dans l’identification des règles applicables, en ce qu’elle n’aurait pas appliqué le règlement no 1367/2006 à la demande d’accès qui lui était adressée ;

de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, concernant la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales ;

de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, concernant la protection des intérêts commerciaux ;

de la violation de l’article 4 du règlement no 1049/2001, en ce que la Commission n’aurait pas examiné si une divulgation serait justifiée par un intérêt public supérieur.

27

Dans la réplique, la requérante fait valoir que la Commission aurait violé l’article 42 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, du fait que, dans sa réponse du 21 décembre 2015, la décision attaquée et sa défense, la Commission n’aurait pas suffisamment pris en compte les arguments développés par la requérante au cours de la procédure administrative et contentieuse.

Règlement no 1049/2001

28

À titre liminaire, il convient de relever que le régime général concernant l’accès du public aux documents détenus par une institution, c’est-à-dire établis ou reçus par elle et en sa possession, a été établi par le règlement no 1049/2001.

29

Conformément à son considérant 1, ce règlement s’inscrit dans la volonté, exprimée à l’article 1er, deuxième alinéa, TUE, inséré par le traité d’Amsterdam, de marquer une nouvelle étape dans le processus créant une union sans cesse plus étroite entre les peuples de l’Europe, dans laquelle les décisions sont prises dans le plus grand respect possible du principe d’ouverture et le plus près possible des citoyens. Ainsi que le rappelle le considérant 2 dudit règlement, le droit d’accès du public aux documents des institutions se rattache au caractère démocratique de ces dernières (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 34, et du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 72).

30

À cette fin, ledit règlement vise, comme l’indiquent son considérant 4 et son article 1er, à conférer au public un droit d’accès, qui soit le plus large possible, aux documents des institutions (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 33, et du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 73).

31

Ce droit est cependant soumis à certaines limites fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé. Plus spécifiquement, et en conformité avec son considérant 11, le règlement no 1049/2001 prévoit, à l’article 4, un régime d’exceptions autorisant les institutions à refuser l’accès à un document dans le cas où la divulgation de ce dernier porterait atteinte à l’un des intérêts protégés par cette disposition (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 74).

32

Ainsi, l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 permet à ces institutions de refuser l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

33

Par ailleurs, l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du même règlement permet aux institutions de refuser l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection « des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle ». Pour cette hypothèse spécifique, la disposition prévoit que l’exception est levée si un intérêt public supérieur justifie la divulgation du document visé.

34

Dès lors que de telles exceptions dérogent au principe de l’accès le plus large possible du public aux documents, elles doivent être interprétées et appliquées strictement (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 75 ; voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 36).

35

Ainsi, lorsque l’institution concernée refuse l’accès à un document dont la communication lui a été demandée, il lui incombe, en principe, de fournir des explications quant à la question de savoir de quelle manière l’accès à ce document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une exception prévue à l’article 4 du règlement no 1049/2001 et invoquée par cette institution (arrêt du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 76). En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêts du 1er juillet 2008, Suède et Turco/Conseil, C‑39/05 P et C‑52/05 P, EU:C:2008:374, point 43, et du 21 juillet 2011, Suède/MyTravel et Commission, C‑506/08 P, EU:C:2011:496, point 76).

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur commise par la Commission dans l’identification des règles applicables, en ce qu’elle n’aurait pas appliqué le règlement no 1367/2006 à la demande d’accès qui lui était adressée

36

Par son premier moyen, la requérante critique la décision attaquée en ce que celle-ci n’aurait pas pris en compte l’ensemble des règles applicables à l’espèce. En l’occurrence, la décision aurait été adoptée sur la base du règlement no 1049/2001 sans que la Commission tienne compte du règlement no 1367/2006 qui, pourtant, serait essentiel, car il limiterait la possibilité, pour les institutions de l’Union européenne, de refuser l’accès aux documents lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement.

37

La Commission conteste ce moyen.

38

À cet égard, il convient de relever que le règlement no 1367/2006, dont l’application est demandée par la requérante, introduit, dans le régime général de l’accès aux documents, des modalités particulières, lorsque sont concernés l’accès à l’information, la participation du public au processus décisionnel et l’accès à la justice en matière d’environnement.

39

Ainsi, notamment, en ce qui concerne l’exception mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 et visée au point 33 ci-dessus, tirée de la protection des intérêts commerciaux, qui est invoquée par la Commission pour dénier l’accès à certains documents demandés par la requérante, l’article 6, paragraphe 1, première phrase, du règlement no 1367/2006 prévoit que la divulgation est réputée présenter un intérêt public supérieur et que, par conséquent, les documents doivent être communiqués lorsque les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement.

40

Par ailleurs, s’agissant de l’exception prévue par l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, visée au point 32 ci-dessus, l’article 6, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement no 1367/2006 prévoit que ladite exception doit être interprétée de manière stricte, compte tenu de l’intérêt public que présente la divulgation et du fait de savoir si les informations demandées ont trait à des émissions dans l’environnement.

41

À titre liminaire, il convient de déterminer si ces règles particulières contenues dans le règlement no 1367/2006 s’appliquent au présent litige pour établir les conditions dans lesquelles l’accès aux documents demandés pouvait être refusé, le cas échéant, par la Commission.

42

À cet égard, il convient de rappeler que la décision attaquée a été adoptée à la suite de l’octroi d’un prêt, par la Commission, à l’entreprise ukrainienne Energoatom, ce prêt ayant fait l’objet de la décision d’octroi.

43

Comme cela a été indiqué au point 2 du présent arrêt, la décision d’octroi a été prise en application de la décision 77/270, qui a été modifiée par la décision 94/179, ces deux décisions ayant été fondées sur les articles 1er, 2, 172 et 203 EA.

44

Ainsi, les documents refusés concernent un acte pris sur le fondement de dispositions relevant du traité CEEA.

45

Pour la requérante, cette circonstance est sans incidence sur l’application des règlements susmentionnés. Au soutien de sa position, elle affirme que l’Euratom fait partie de l’Union. Dans la réplique, elle prétend que la Commission est une « institution communautaire » au sens de l’article 2, paragraphe 1, sous c), du règlement no 1367/2006. De cette affirmation, elle déduit que tout document en la possession de cette institution est soumis aux dispositions de ce règlement, que ce document ait été établi ou obtenu dans le cadre des compétences qui lui sont dévolues par les traités UE et FUE ou dans le cadre de celles qui résultent du traité CEEA.

46

À cet égard, il y a lieu de constater, en premier lieu, que, selon son intitulé, ses considérants et ses dispositions, le règlement no 1367/2006 met en œuvre, en matière d’informations, des obligations contractées dans le cadre d’une convention internationale à laquelle la Communauté européenne de l’énergie atomique n’est pas partie, à savoir la convention d’Aarhus. Ainsi qu’il résulte de l’article 1er de la décision 2005/370/CE du Conseil, du 17 février 2005, relative à la conclusion, au nom de la Communauté européenne, de la convention d’Aarhus (JO 2005, L 124, p. 1), ladite convention a été approuvée au seul nom de la Communauté européenne, devenue l’Union. N’étant pas partie à cette convention, la Communauté européenne de l’énergie atomique ne saurait être soumise, faute d’indication en sens contraire, aux obligations contenues dans le règlement qui la met en œuvre.

47

En deuxième lieu, il y a lieu de constater que les actes pris en application du traité CEEA ne sont pas nécessairement soumis, contrairement à ce que soutient la requérante, aux obligations qui sont applicables dans le cadre de l’Union. Comme le souligne la Commission, la Communauté européenne de l’énergie atomique et la Communauté européenne, devenue l’Union, sont en effet des organisations différentes qui sont établies par des traités distincts, dotées de personnalités juridiques différentes (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 1965, Müller/Conseils, 28/64, EU:C:1965:39, p. 321) et soumises, chacune pour ce qui la concerne, à des règles spécifiques.

48

Ainsi, les règles applicables dans le cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique sont prévues par le traité CEEA. Parmi ces règles figure l’article 106 bis, paragraphe 1, EA qui, pour le fonctionnement de la Communauté européenne de l’énergie atomique, rend applicables certaines dispositions issues des traités UE et FUE, notamment l’article 15 TFUE, anciennement article 255 CE, lequel constitue le fondement du règlement no 1049/2001. Fondé sur une disposition applicable dans la Communauté européenne de l’énergie atomique, ce règlement, qui établit le régime général pour l’accès aux documents des institutions, a vocation à s’appliquer, sans que cela ait été contesté par la requérante, aux documents détenus par les institutions et les organes agissant dans ce cadre.

49

Comme l’indique la Commission, il en va différemment pour le règlement no 1367/2006 qui, ainsi que l’indique son préambule, a été adopté sur le fondement de l’article 175 CE, devenu l’article 192 TFUE. Ce dernier n’étant pas mentionné à l’article 106 bis, paragraphe 1, EA, les actes adoptés sur son fondement, ledit règlement compris, ne peuvent être appliqués dans le cadre de l’Euratom.

50

En troisième lieu, il convient de relever que, dans son texte, le règlement no 1367/2006 vise, de façon spécifique, les institutions et les organes de la Communauté européenne, sans envisager son application à d’autres entités, par exemple à des institutions ou à des organes relevant de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Ainsi, son intitulé précise que le règlement applique aux « institutions et organes de la Communauté européenne » des dispositions de la convention d’Aarhus. Par ailleurs, le fondement du règlement indiqué au début du préambule fait uniquement référence au traité CE. Enfin, l’article 2, paragraphe 1, sous c), énonce que les termes « institutions et organes communautaires » visent « toute institution, tout organe, toute agence ou tout autre office publics créés en vertu ou sur la base du traité », lequel, au vu du fondement du règlement no 1367/2006, ne peut être que le traité CE, qui a précédé le traité FUE.

51

Cette analyse ne saurait être remise en cause par les arguments invoqués par la requérante.

52

Tout d’abord, la requérante conteste que le règlement no 1367/2006 mette en œuvre la convention d’Aarhus.

53

À cet égard, il suffit de constater que, conformément à ce qui a été indiqué au point 46 ci-dessus, cet argument est contredit par la lettre même du règlement invoqué, lequel fait référence, dans son intitulé, ses considérants et ses dispositions, à ladite convention, contrairement à ce que prétend la requérante.

54

Ensuite, la requérante souligne que l’article 2, paragraphe 1, sous d), du règlement no 1367/2006 inclut dans la définition de l’information environnementale « les rayonnements ou les déchets, y compris les déchets radioactifs ». De cette référence à des réalités radioactives dans ledit règlement, elle déduit que celui-ci s’applique à l’accès aux informations concernant la sécurité nucléaire, y compris les documents détenus dans le cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique.

55

À cet égard, il convient de rappeler qu’aucune base juridique n’existe pour l’application du règlement no 1367/2006 à des documents détenus dans le cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique dès lors que la disposition sur laquelle est fondé ce règlement n’est pas applicable au traité CEEA. Cette absence de base juridique ne saurait être compensée par la présence de termes comportant des références à l’énergie nucléaire dans ledit règlement, d’autant que de telles références peuvent être rencontrées dans d’autres contextes que la Communauté européenne de l’énergie atomique.

56

En outre, la requérante soutient que le règlement intérieur de la Commission a été modifié pour assurer le respect des obligations découlant du règlement no 1367/2006, notamment lorsque cette institution agit dans le cadre du traité CEEA. Sur ce point, elle renvoie à la décision 2008/401/CE, Euratom de la Commission, du 30 avril 2008, modifiant son règlement intérieur pour ce qui est des modalités de mise en œuvre du règlement no 1367/2006 (JO 2008, L 140, p. 22).

57

À cet égard, il convient de constater que, comme le souligne la requérante, une décision a été prise par la Commission pour assurer l’application du règlement no 1367/2006 aux actes adoptés par elle, que la mention « Euratom » figure dans le numéro de cette décision et que le préambule de cette dernière indique qu’elle a été adoptée « vu le traité instituant la Communauté européenne de l’énergie atomique ».

58

La présence de ces mentions résulte du fait que l’acte que la décision 2008/401 modifie est lui-même fondé sur le traité CEEA, en plus du traité CE, du traité CECA et du traité UE. Dès lors que le règlement intérieur de la Commission était notamment fondé sur le traité CEEA, la décision qui le modifie devait également être fondée sur ce traité, ainsi que les traités UE et CE. Ayant expiré le 23 juillet 2002, c’est-à-dire avant l’adoption de la décision 2008/401, le traité CECA n’est en revanche plus mentionné, en tant que fondement, dans cette décision.

59

Toutefois, ces mentions ne sauraient avoir pour effet d’étendre l’application du règlement no 1367/2006 à des documents détenus dans le cadre du traité CEEA. En outre, contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi qu’il résulte du point 47 ci-dessus, l’Union et la Communauté européenne de l’énergie atomique ont, chacune, une personnalité juridique distincte et la mention « Euratom » dans la décision 2008/401 ne saurait avoir pour conséquence que les dispositions du règlement no 1367/2006, applicables à la Commission uniquement lorsqu’elle agit dans le champ d’application du traité FUE, s’appliqueraient également à cette institution lorsqu’elle agit dans le champ d’application du traité CEEA.

60

Enfin, la requérante estime que le règlement no 1367/2006 doit être appliqué dans le cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique à la suite de la décision no 2335/2008/(VIK)CK du Médiateur européen, qui se serait prononcé en ce sens.

61

À cet égard, il convient de relever que, dans la décision susmentionnée, le Médiateur constate que les États membres et la Communauté européenne, à laquelle a succédé l’Union, sont parties à la convention d’Aarhus avec pour conséquence que les autorités nationales compétentes et les institutions de l’Union doivent appliquer les règles qu’elle établit lorsqu’elles reçoivent une demande de divulgation d’informations environnementales (point 61 de la décision susvisée). Selon le Médiateur, les obligations de l’Union issues de la convention d’Aarhus font partie du droit de l’Union relatif à l’accès aux documents (point 62 de cette décision).

62

Contrairement à ce que soutient la requérante, ces observations n’indiquent pas que, selon le Médiateur, le règlement no 1367/2006 s’applique aux documents détenus dans le cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Elles confirment seulement que, en ce qui concerne l’accès à l’information, la convention d’Aarhus, en tant qu’elle a été mise en œuvre par le règlement no 1367/2006, s’applique aux actes adoptés par les institutions de l’Union lorsqu’elles agissent dans le cadre de cette dernière.

63

Selon la requérante, le Médiateur affirmerait toutefois, dans la décision mentionnée au point 60 ci-dessus, que, en vertu des articles 15 TFUE et 106 bis, paragraphe 1, EA, ces obligations seraient applicables aux documents détenus dans le cadre du traité CEEA.

64

À cet égard, il convient de rappeler que, contrairement à ce que rapporte la requérante, le règlement no 1367/2006 n’a pas été adopté sur la base de l’article 255 CE, devenu l’article 15 TFUE, mais a été fondé sur l’article 175 CE, devenu l’article 192 TFUE, qui ne s’applique pas dans le cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique. N’étant pas applicable dans le cadre de celle-ci, cette dernière disposition ne saurait fournir un fondement à l’application de ce règlement aux documents détenus dans le cadre de cette Communauté (voir points 48 et 49 ci-dessus).

65

Selon la requérante, le Médiateur indique encore dans sa décision que les institutions de l’Union doivent interpréter le droit de l’Union à la lumière des principes généraux et des droits fondamentaux, au nombre desquels figure l’accès aux documents.

66

À cet égard, il convient de relever que, comme l’indique la requérante, le droit d’accès aux documents a été érigé au rang de droit fondamental par l’article 42 de la charte des droits fondamentaux et que, en vertu de l’article 6, paragraphe 3, UE, les droits fondamentaux, tels qu’ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux États membres, ont la valeur de principes généraux du droit dans l’ordre juridique de l’Union.

67

En ce qui concerne l’Union, l’article 52, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux dispose que les droits reconnus par celle-ci qui font l’objet de dispositions dans les traités s’exercent dans les conditions et les limites définies par ceux-ci.

68

En l’espèce, l’article 15 TFUE, qui a fait suite à l’article 255 CE, prévoit que les limites au droit d’accès sont fixées par des règlements du Parlement européen et du Conseil.

69

De même, il résulte des articles 191 et 192 TFUE, ce dernier ayant succédé à l’article 175 CE, que les actions visant à mettre en œuvre la politique de l’Union dans le domaine de l’environnement sont décidées, en principe, par le Parlement et le Conseil.

70

Pour connaître les limites du droit d’accès, il convient donc de se référer aux actes qui ont été adoptés en vertu de ces dispositions, à savoir les règlements nos 1049/2001 et 1367/2006.

71

Or, si le règlement no 1049/2001 s’applique aux documents détenus dans le cadre de la Communauté européenne, devenue l’Union, et, par le fait de l’article 106 bis, paragraphe 1, EA, dans le cadre de la Communauté européenne de l’énergie atomique, il en va différemment, pour les raisons indiquées ci-dessus, du règlement no 1367/2006 qui ne s’applique que dans le cadre de la Communauté européenne, devenue l’Union, pour ce qui a trait à l’information en matière d’environnement.

72

De plus, en application de ces actes, un large accès doit être accordé aux informations qui se trouvent en possession des institutions en veillant à concilier cet accès avec d’autres intérêts qui s’y trouvent protégés, dans la mesure et de la manière qui y sont décrites et sans que puisse être modifié le champ d’application donné à chacun de ces actes. Tel serait le cas si les obligations énoncées par le règlement no 1367/2006 étaient appliquées en dehors des institutions et des organes de l’Union.

73

Le premier moyen doit donc être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 concernant la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales

74

La requérante estime que, contrairement à ce qu’affirme la Commission dans la décision attaquée, l’exception prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001 et relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales ne peut justifier le refus de communiquer l’intégralité du contrat de prêt (point 1 de la demande d’accès), dès lors que l’accès à ce document ne nuirait pas à la sécurité nucléaire et que la Commission n’aurait pas expliqué en quoi cet accès porterait concrètement et effectivement atteinte à la protection de cet intérêt.

75

La Commission conteste ce moyen.

76

À cet égard, il convient de relever qu’aux termes de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

77

Selon la jurisprudence, la nature particulièrement sensible et essentielle des intérêts protégés par cette disposition, combinée au caractère obligatoire du refus d’accès devant, aux termes de ladite disposition, être opposé par l’institution lorsque la divulgation au public d’un document porterait atteinte à ces intérêts, confère à la décision devant ainsi être prise par l’institution un caractère complexe et délicat nécessitant un degré de prudence tout particulier. Une telle décision requiert, dès lors, une marge d’appréciation (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 35, et du 7 octobre 2015, Jurašinović/Conseil, T‑658/14, non publié, EU:T:2015:766, point 26).

78

De plus, la Cour et le Tribunal ont considéré que les critères énoncés à l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 étaient très généraux, un refus d’accès devant en effet être opposé, ainsi qu’il ressort des termes de cette disposition, lorsque la divulgation du document concerné porterait « atteinte » à la protection de l’« intérêt public » en ce qui concerne, notamment, les « relations internationales » (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 36, et du 7 octobre 2015, Jurašinović/Conseil, T‑658/14, non publié, EU:T:2015:766, point 27).

79

Dans ces conditions, le contrôle exercé par le Tribunal sur la légalité de décisions fondées sur cette disposition doit se limiter, selon ladite jurisprudence, à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, de l’exactitude matérielle des faits ainsi que de l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits et de détournement de pouvoir (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 34, et du 7 octobre 2015, Jurašinović/Conseil, T‑658/14, non publié, EU:T:2015:766, point 28).

80

S’agissant en particulier de la motivation, elle doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 253 CE, devenu l’article 296 TFUE, doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 80, et du 10 septembre 2008, Williams/Commission, T‑42/05, non publié, EU:T:2008:325, point 94).

81

Enfin, il ressort du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001 que, s’agissant des exceptions au droit d’accès visées par cette disposition, le refus de l’institution est obligatoire dès lors que la divulgation au public d’un document est de nature à porter atteinte aux intérêts que protège ladite disposition, sans qu’il y ait lieu, en pareil cas et à la différence de ce que prévoit notamment le paragraphe 2 du même article, de procéder à une mise en balance des exigences liées à la protection desdits intérêts avec celles qui résulteraient d’autres intérêts (arrêt du 1er février 2007, Sison/Conseil, C‑266/05 P, EU:C:2007:75, point 46).

82

C’est à la lumière des considérations qui précèdent qu’il convient d’apprécier si, comme le soutient la requérante, la Commission a violé l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001.

83

Dans la décision attaquée, la Commission a formulé, en substance, trois considérations pour justifier son refus de donner accès à certains documents ou parties de documents au titre de l’exception relative aux relations internationales :

tout d’abord, la divulgation de l’intégralité du contrat de prêt risquerait de ruiner les efforts accomplis pour instaurer une relation de qualité avec l’Ukraine en vue d’améliorer la sécurité de ses centrales nucléaires et il serait de l’intérêt de l’Union de maintenir cette qualité de relations internationales non seulement avec cet État, mais aussi avec d’autres pays voisins ;

ensuite, l’Ukraine constituerait un partenaire stratégique de l’Union pour garantir la sécurité de son approvisionnement en énergie ;

enfin, la divulgation d’informations commerciales sensibles relatives à Energoatom aurait un impact diplomatique négatif.

84

Parmi ces considérations, la première et la troisième sont critiquées par la requérante tandis que la deuxième ne suscite, de la part de cette dernière, aucune observation.

85

En ce qui concerne ces première et troisième considérations, la requérante soutient, en premier lieu, que la Commission n’a pas précisé si l’objectif de sécurité nucléaire se rattachait à la sécurité publique, à la défense ou aux relations internationales, qui sont toutes trois visées par l’article 4, paragraphe 1, sous a), du règlement no 1049/2001.

86

À cet égard, il convient de relever que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la décision attaquée renvoie, en son point 2.2, de manière précise et explicite, à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales, visé à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001. En outre, il ressort des explications figurant dans la décision attaquée que, pour la Commission, si la relation de qualité établie avec l’Ukraine se détériorait, les efforts accomplis en vue d’assurer la sécurité des centrales autour de l’Union risqueraient d’être anéantis. Sur la base de ces éléments, le Tribunal considère que l’exception appliquée a été identifiée par la Commission comme étant celle qui figure à l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement susvisé.

87

En deuxième lieu, la requérante prétend que, contrairement à ce qu’indique la Commission, l’accès aux documents demandés ne porterait pas atteinte à la sécurité nucléaire proprement dite, puisque ces documents contiendraient exclusivement des données à caractère financier et économique, et que de telles données n’auraient aucune incidence sur cette question de sécurité.

88

À cet égard, il y a lieu de constater que cet argument est inopérant dès lors que la Commission n’a pas justifié sa décision en indiquant que la demande portait sur des informations concernant la sécurité nucléaire, mais en observant, comme il ressort du point 83 ci-dessus, que la divulgation du contrat pouvait porter atteinte à la relation de qualité qu’elle avait établie avec l’Ukraine et qu’il importait de préserver.

89

En troisième lieu, la requérante fait valoir que la façon dont les autorités d’un pays tiers perçoivent les décisions d’une institution ne fait pas partie des exceptions à l’obligation de donner accès aux documents des institutions.

90

À cet égard, il y a lieu de relever que la façon dont les autorités d’un pays tiers perçoivent les décisions de l’Union est une composante des relations établies avec ce pays tiers. De ce ressenti dépendent en effet la poursuite et la qualité de ces relations. Il peut donc justifier l’application de l’exception envisagée.

91

En quatrième lieu, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué en quoi la divulgation des documents demandés risquait de détériorer les relations établies avec l’Ukraine dans le domaine de la sécurité nucléaire. De plus, la Commission n’aurait pas expliqué en quoi la divulgation de données commerciales sensibles concernant Energoatom aurait un impact diplomatique.

92

Au vu de la jurisprudence rappelée aux points 77 à 79 ci-dessus, cette argumentation doit être rejetée. Dans la décision attaquée, la Commission a en effet indiqué, de manière expresse, que l’Ukraine avait accepté volontairement de se soumettre à des « stress tests », que ceux-ci avaient permis à la Commission et à l’Ukraine d’acquérir une meilleure compréhension des risques existants et qu’il était clairement de l’intérêt de l’Union de maintenir cette relation de qualité et de promouvoir les règles européennes les plus strictes en matière de sécurité nucléaire dans les pays voisins. La Commission a également expliqué que révéler par la suite l’intégralité du contrat à des tiers risquait de détériorer la relation de qualité qui s’était établie avec toutes les conséquences qui en résulteraient pour la sécurité nucléaire.

93

De même, dans le contexte de l’exception envisagée, la Commission a indiqué que la révélation d’informations commerciales sensibles relatives à Energoatom aurait un impact diplomatique négatif. Dès lors que cette entreprise est une entreprise d’État, cette motivation ne demandait pas d’explication complémentaire.

94

En cinquième lieu, la requérante soutient que, selon elle, le risque invoqué par la Commission pour rejeter sa demande n’est pas raisonnablement prévisible, mais purement hypothétique. Au vu de la jurisprudence citée au point 35 ci-dessus, la nature de ce risque ne permettait pas, selon elle, d’adopter la décision attaquée.

95

À cet égard, il convient de relever que la divulgation d’un contrat conclu par une institution européenne avec une entreprise publique d’un pays tiers et fondé sur la relation de qualité qui s’est établie avec les autorités de ce pays peut avoir pour effet de détériorer cette relation et, partant, de faire obstacle à la réalisation des objectifs poursuivis par le contrat et, de manière plus générale, à la politique dont ce dernier participe dès lors que des contrats du même type sont conclus avec d’autres pays tiers. En l’espèce, cette politique est cruciale pour l’Union, puisqu’elle vise à sécuriser les centrales nucléaires dans les pays qui l’entourent. Dans ces conditions, le risque invoqué présente un degré de prévisibilité raisonnable et n’est pas hypothétique. La décision attaquée n’est donc pas entachée, sur ce point, d’une erreur manifeste d’appréciation.

96

Il en va de même pour l’impact diplomatique négatif que pourrait provoquer la divulgation des données commerciales relatives à Energoatom.

97

Il ressort, en outre, de la lecture du contrat qui a été communiqué au Tribunal dans le cadre de la mesure d’instruction visée au point 25 ci-dessus que la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en estimant que les parties non communiquées de ce contrat contiennent des informations sensibles concernant Energoatom, telles que des clauses visant à identifier les risques commerciaux potentiels et les conditions financières, dont la divulgation serait de nature à porter concrètement et effectivement atteinte à la protection des relations internationales de l’Union.

98

À ce qui précède, il y a lieu d’ajouter que, ainsi qu’il résulte de l’article 4, paragraphe 1, sous a), troisième tiret, du règlement no 1049/2001, la protection de l’intérêt public qui vient d’être décrit ne devait pas être mise en balance avec un intérêt public supérieur.

99

Enfin, il convient de constater que, au vu de la jurisprudence rappelée au point 80 ci-dessus, la motivation fournie par la Commission est suffisante pour permettre à la requérante de connaître les justifications de la décision prise et au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel.

100

Le deuxième moyen doit donc être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, concernant la protection des intérêts commerciaux

101

La requérante estime que, contrairement à ce qu’a décidé la Commission, l’exception relative aux intérêts commerciaux, qui est prévue à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001, ne peut justifier, en l’espèce, le refus de communiquer l’intégralité du contrat (point 1 de la demande d’accès) et de la recommandation de la BEI (point 4 de la demande d’accès), dès lors qu’Energoatom ne détiendrait pas d’intérêts commerciaux, que la Commission n’aurait pas expliqué en quoi cet accès porterait concrètement et effectivement atteinte à la protection de cet intérêt et qu’il s’agirait d’un risque hypothétique.

102

La Commission conteste ce moyen.

103

À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001 permet aux institutions de refuser l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection « des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle », à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

104

Ainsi qu’il a été rappelé au point 34 ci-dessus, les exceptions au droit d’accès aux documents prévues par l’article 4 du règlement no 1049/2001 doivent être interprétées et appliquées de manière stricte, de façon à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions.

105

Pour justifier le refus d’accès à un document dont la divulgation a été demandée, il ne suffit pas, en principe, selon la jurisprudence, que le document demandé relève d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001. Il incombe encore, en principe, à l’institution destinataire de la demande de fournir des explications quant à la question de savoir comment l’accès audit document pourrait porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception ou les exceptions qu’elle invoque. En outre, le risque d’une telle atteinte doit être raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêt du 28 mars 2017, Deutsche Telekom/Commission, T‑210/15, EU:T:2017:224, point 27).

106

De cette jurisprudence, il apparaît ainsi que la justification fournie par la Commission pour refuser de fournir l’information demandée doit être examinée au regard de trois exigences.

107

En ce qui concerne la première, à savoir la nécessité de relever d’une activité mentionnée à l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, la requérante soutient que la décision attaquée repose sur une erreur d’appréciation, car il ne pourrait être question en l’espèce d’intérêts commerciaux dans le chef d’Energoatom dès lors que celle-ci constitue une entreprise d’État.

108

À cet égard, il convient de relever que rien ne s’oppose à ce qu’une entreprise étatique comme Energoatom soit réputée détenir des intérêts commerciaux au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001. En effet, la seule circonstance que le capital d’une entreprise soit détenu par des pouvoirs publics n’est pas de nature, en tant que telle, à la priver d’intérêts commerciaux susceptibles d’être protégés au même titre que ceux d’une entreprise privée. En l’occurrence, Energoatom, ainsi que l’indique la Commission, exerce des activités commerciales, dans le cadre desquelles elle est soumise à la concurrence sur le marché de l’électricité, et ce contexte la conduit à devoir préserver ses intérêts sur ledit marché. Ainsi, il ne peut être nié que les documents auxquels l’accès est demandé peuvent concerner des intérêts commerciaux et relever, à ce titre, de l’activité visée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

109

En ce qui concerne la deuxième exigence résultant de la jurisprudence mentionnée au point 105 du présent arrêt, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir expliqué en quoi les intérêts des parties seraient concrètement et effectivement compromis si l’intégralité des documents demandés étaient transmis.

110

S’agissant du contrat de prêt, la Commission a expliqué dans la décision attaquée que, si ce contrat était divulgué dans son intégralité, il serait porté atteinte, d’une part, aux intérêts commerciaux d’Energoatom et, d’autre part, à ses intérêts commerciaux en rapport avec les contrats de prêt Euratom. Pour ce qui est d’Energoatom, la Commission a souligné que le contrat énonçait les droits et les obligations des deux parties et abordait un large éventail de risques commerciaux potentiels et identifiés. De plus, il contiendrait des données commerciales sensibles telles que les prix de l’électricité pratiqués par Energoatom et les seuils des engagements financiers. Dans son explication, la Commission a également indiqué que le contrat était toujours en cours d’application.

111

Quant à ses propres intérêts, la Commission a indiqué que le contrat était établi sur la base d’un modèle qui était utilisé pour d’autres contrats Euratom. Dans ces conditions, la divulgation de l’intégralité du contrat entraverait non seulement la mise en œuvre de la convention de prêt conclue avec Energoatom, mais également celle d’autres contrats similaires en cours. Elle placerait aussi la Commission dans une position plus difficile lors de la négociation de contrats futurs du même type.

112

S’agissant de la recommandation de la BEI, la Commission a considéré dans la décision attaquée que les parties retenues contenaient des informations commerciales sensibles fournies par Energoatom ainsi que des conseils pour réduire les risques du prêt. Elles reproduiraient en outre des clauses du contrat de prêt dont elle a estimé avoir déjà démontré que la divulgation porterait atteinte à ses intérêts commerciaux ainsi qu’à ceux d’Energoatom.

113

Au vu de ces explications et au vu du fait qu’elle a établi une distinction entre les parties des documents qui touchaient aux intérêts commerciaux et celles qui ne les concernaient pas, lesquelles ont été communiquées, il y a lieu de constater que la Commission a procédé à un examen répondant aux exigences de la jurisprudence rappelée au point 105 du présent arrêt et qu’elle a donné des explications suffisantes à cet égard.

114

En outre, il convient d’observer, au regard de ces explications, que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la Commission a exposé dans la décision attaquée les raisons pour lesquelles une divulgation n’était pas envisageable dans un avenir proche. Ainsi a-t-elle exposé que le contrat conclu avec Energoatom était toujours en cours et que ce contrat avait été établi sur la base d’un modèle utilisé pour d’autres contrats. Partant, la divulgation de l’intégralité des documents demandés risquait, selon elle, d’avoir des répercussions non seulement sur l’exécution du contrat conclu avec Energoatom, mais également sur l’exécution d’autres contrats, conclus ou à conclure.

115

En ce qui concerne la troisième exigence résultant de la jurisprudence mentionnée au point 105 ci-dessus, la requérante soutient que la mise en péril des intérêts commerciaux dont se prévaut la Commission serait purement hypothétique.

116

À cet égard, il convient de relever que le risque de porter atteinte aux intérêts commerciaux d’Energoatom en révélant des données sensibles relatives à celle-ci comme celui d’entraver la bonne exécution d’autres contrats déjà conclus ou à conclure présente un degré de prévisibilité raisonnable et ne peut être qualifié d’hypothétique, dès lors que, d’une part, les documents concernés consistent dans un contrat de prêt établi sur la base d’un modèle utilisé pour d’autres contrats et dans une recommandation d’une banque à l’égard de ce prêt et que, d’autre part, l’entreprise concernée est active sur le marché de l’électricité.

117

Dans la requête, la requérante a encore reproché à la Commission d’avoir justifié l’application de l’exception relative aux intérêts commerciaux par le fait que le contrat avait une valeur de plus de 300 millions d’euros. Or, selon la requérante, l’importance du contrat n’aurait pas de pertinence pour l’application de l’exception visée.

118

Cette argumentation doit être également écartée dès lors qu’elle repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. Il apparaît en effet de la décision attaquée que, si la valeur du contrat a été mentionnée dans la description du projet auquel se rapportent les documents, la justification de l’application de l’exception dans le présent cas d’espèce ne repose pas sur cet élément. En outre, il ne saurait être nié que l’atteinte aux intérêts commerciaux d’une partie à un contrat augmente avec la valeur de ce contrat.

119

Par ailleurs, il ressort de la lecture des documents demandés qui ont été communiqués au Tribunal dans le cadre de la mesure d’instruction visée au point 25 ci-dessus que, comme il est exposé dans la décision attaquée, les parties non communiquées du contrat de prêt et de la recommandation de la BEI spécifient les droits et les obligations des parties au contrat et contiennent des informations commerciales sensibles, telles que des tarifs d’électricité d’Energoatom ou des seuils d’engagements financiers ainsi que des analyses de risques liés au prêt, dont la divulgation serait de nature à porter concrètement et effectivement atteinte aux intérêts commerciaux tant d’Energoatom que de la Commission, au sens de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement no 1049/2001.

120

Le troisième moyen doit donc être rejeté.

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 4 du règlement no 1049/2001, en ce que la Commission n’aurait pas examiné si une divulgation serait justifiée par un intérêt public supérieur

121

Dans la requête, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir examiné s’il existait un intérêt public supérieur impliquant une divulgation malgré la protection des intérêts examinés antérieurement.

122

La Commission conteste ce moyen.

123

À cet égard, il convient de relever que, aux termes de l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte, notamment, à la protection des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé.

124

En revanche, il résulte de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1049/2001 que l’existence éventuelle d’un intérêt public supérieur ne doit pas être examinée lorsque est invoquée l’exception relative à la protection de l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales.

125

Ainsi qu’il a été jugé au point 98 ci-dessus, il ne saurait donc être reproché à la Commission de ne pas avoir, en l’espèce, mis l’intérêt public en ce qui concerne les relations internationales en balance avec un intérêt public supérieur.

126

En revanche, pour appliquer l’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1049/2001, la Commission devait procéder à une mise en balance, d’une part, des intérêts commerciaux qui, selon elle, étaient menacés par la divulgation des documents en cause et, d’autre part, de l’intérêt public supérieur invoqué par la requérante, qui serait favorisé par la divulgation des documents concernés. Selon une jurisprudence constante, la décision prise sur une demande d’accès à des documents dépend en effet de la question de savoir quel est l’intérêt qui doit prévaloir dans le cas d’espèce (voir, en ce sens, arrêts du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 42, et du 13 janvier 2017, Deza/ECHA, T‑189/14, EU:T:2017:4, point 53).

127

Il convient de relever qu’il incombe toutefois au demandeur d’invoquer de manière concrète des circonstances fondant un tel intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents concernés (voir, en ce sens, arrêt du 14 novembre 2013, LPN et Finlande/Commission, C‑514/11 P et C‑605/11 P, EU:C:2013:738, point 94).

128

Dans sa première demande, la requérante n’a invoqué aucun intérêt public supérieur permettant d’obtenir la divulgation de la recommandation malgré la protection due aux intérêts commerciaux.

129

Dans sa demande confirmative, la requérante a soutenu qu’un intérêt public supérieur existait dans la mesure où les informations demandées concernaient des émissions dans l’environnement ainsi que l’énergie nucléaire, qui constitue une technologie à risque. Les aspects économiques et financiers auraient également relevé de l’intérêt général dans la mesure où le programme d’amélioration de la sûreté nucléaire représentait un coût supporté par l’ensemble de la société.

130

Dans la décision attaquée, la Commission a répondu que les intérêts invoqués par la requérante dans sa demande confirmative, s’ils présentaient effectivement un caractère public, revêtaient moins d’importance que l’objectif poursuivi dans le cadre du prêt, objectif qui consiste à améliorer la sécurité nucléaire dans les centrales des pays voisins de l’Europe. Plus important, cet objectif serait mieux protégé par le maintien d’une relation de qualité avec l’Ukraine et des progrès réalisés dans le cadre de la convention de prêt.

131

Hormis ce qui concerne l’intérêt du public à connaître le coût financier du prêt dont il sera question au point 137 ci-après, force est de constater qu’en l’espèce, les considérations de la requérante sur l’intérêt public supérieur figurant dans sa demande confirmative sont sommaires et imprécises.

132

Il est vrai que, dans la requête, la requérante a précisé que les documents demandés contenaient les conditions auxquelles est subordonné l’octroi de la ligne de crédit en matière de sûreté nucléaire et que la divulgation de ces données permettrait au public de vérifier si ces conditions sont effectivement respectées. Ce contrôle serait crucial étant donné que de nombreux signes montreraient que les règles relatives à la sécurité nucléaire ne sont pas respectées en Ukraine. La requérante expose à cet égard que le programme financé permettrait de prolonger la durée de vie de deux réacteurs au-delà du délai initialement prévu sans que des mesures de sécurité aient été mises en œuvre, que les difficultés financières de l’exploitant susciteraient des inquiétudes quant à sa capacité à financer les mesures de sécurité, que l’autorité responsable de la sécurité des centrales nucléaires aurait été privée de son indépendance lors de l’adoption de la décision relative à l’un des deux réacteurs concernés, que le public disposerait d’un accès limité au processus décisionnel, que l’Ukraine ne tiendrait pas compte des demandes d’information formulées par les pays voisins et que l’Union ne semblerait pas prendre les mesures nécessaires pour assurer le respect de la sécurité. Étant donné le danger présenté, il serait primordial que le public puisse exercer un contrôle renforcé sur les mesures prises, ce que devrait permettre la communication des documents demandés.

133

Il convient cependant de constater que, ayant seulement été formulées au stade de la requête, ces considérations ne peuvent être prises en compte pour apprécier la légalité de la décision attaquée. Selon la jurisprudence, la légalité d’un acte d’une institution doit en effet être appréciée en fonction des éléments d’information dont elle pouvait disposer au moment où elle l’a arrêté. Nul ne saurait ainsi se prévaloir devant le juge de l’Union d’éléments de fait qui n’ont pas été avancés au cours de la procédure administrative (voir, en ce sens, arrêt du 1er juillet 2010, AstraZeneca/Commission, T‑321/05, EU:T:2010:266, point 687 et jurisprudence citée).

134

Partant, les exigences formulées au point 127 ci-dessus ne sont pas satisfaites.

135

À titre surabondant, il convient d’observer que les parties du contrat et de la recommandation de la BEI qui concernent les aspects environnementaux et sociaux du contrat ont déjà été communiquées à la requérante et que la divulgation des parties retenues, relatives à des aspects économiques et financiers, ne permettrait pas au public de vérifier si les conditions de sécurité imposées à Energoatom sont effectivement respectées.

136

De plus, il y a lieu de souligner que la Commission a pu, sans commettre d’erreur d’appréciation, considérer que la sécurité nucléaire serait mieux assurée par le maintien d’une relation de qualité avec l’Ukraine dans ce domaine que par l’accès du public aux documents concernés.

137

Quant à l’intérêt du public à connaître le coût financier du prêt, la Commission a pu, également sans commettre une telle erreur, estimer qu’il était inférieur, en termes d’importance, à celui consistant à assurer la sécurité nucléaire dans les pays voisins de l’Europe.

138

Il y a donc lieu de constater que le quatrième moyen n’est pas fondé.

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux

139

Dans la réplique, la requérante soulève un moyen tiré de la violation de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux, selon lequel, dans sa réponse du 21 décembre 2015, dont il est question au point 6 du présent arrêt, et dans la décision attaquée, d’une part, et dans le mémoire en défense, d’autre part, la Commission n’aurait pas suffisamment pris en compte les arguments développés par la requérante au cours de la procédure administrative.

140

Comme l’a indiqué la Commission, en tant qu’il vise la réponse du 21 décembre 2015 et la décision attaquée, le moyen, qui concerne la régularité de la procédure administrative, n’a pas été soulevé dans la requête. Dès lors que ledit moyen ne constitue pas l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement dans la requête et qu’il n’est pas fondé sur des éléments de fait et de droit qui se seraient révélés pendant la procédure, il s’agit d’un moyen nouveau, qui doit être rejeté comme irrecevable en application de l’article 84 du règlement de procédure (voir, à cet égard, arrêt du 20 novembre 2017, Voigt/Parlement, T‑618/15, EU:T:2017:821, point 87).

141

Pour ce qui concerne le mémoire en défense, il ne résulte ni du statut de la Cour ni du règlement de procédure que la partie défenderesse a l’obligation de répondre à tous les arguments avancés par la partie requérante dans la requête. En outre, le contenu d’une défense ne peut avoir aucune conséquence sur la légalité de la décision attaquée. Celle-ci doit en effet être appréciée au moment auquel la décision est adoptée.

142

Enfin, il ressort de l’article 52, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux que les droits qu’elle reconnaît et qui font l’objet de dispositions dans les traités s’exercent dans les conditions et les limites définies par ceux-ci. En conséquence, l’article 42 de la charte des droits fondamentaux ne peut avoir un contenu plus étendu que l’article 15 TFUE et le règlement no 1049/2001 qui le mettent en œuvre. La légalité de la décision attaquée au regard de ce règlement ayant déjà été examinée dans le cadre des moyens qui précèdent, il n’y a pas lieu de la réexaminer au regard de l’article 42 de la charte des droits fondamentaux.

143

Le cinquième moyen doit donc être rejeté.

144

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son intégralité.

Sur les dépens

145

Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

146

La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de celle-ci.

147

Par ailleurs, en application de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, le Royaume-Uni supportera ses propres dépens.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

CEE Bankwatch Network supportera ses propres dépens ainsi ceux exposés par la Commission européenne.

 

3)

Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord supportera ses propres dépens.

 

Pelikánová

Nihoul

Svenningsen

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 février 2018.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : l’anglais.

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