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Document 62019CO0389

A Bíróság elnökhelyettesének végzése, 2019. november 21.
Európai Bizottság kontra Svéd Királyság.
Ideiglenes intézkedés – Fellebbezés – EUMSZ 278. cikk és EUMSZ 279. cikk – Végrehajtás felfüggesztése iránti kérelem – Ideiglenes intézkedések iránti kérelem – 1907/2006/EK rendelet – Vegyi anyagok – Ezen anyagok regisztrálása, értékelése, engedélyezése és korlátozása – Az ólom‑szulfokromát‑sárga és az ólom‑kromát molibdát‑szulfát‑vörös bizonyos felhasználásait engedélyező bizottsági határozat.
C-389/19. P-R. sz. ügy.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2019:1007

ORDONNANCE DE LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR

21 novembre 2019 (*)

« Référé – Pourvoi – Articles 278 et 279 TFUE – Demande de sursis à exécution – Demande de mesures provisoires – Règlement (CE) n° 1907/2006 – Substances chimiques – Enregistrement, évaluation, autorisation de ces substances et restrictions applicables à celles-ci – Décision de la Commission autorisant certaines applications du jaune de sulfochromate de plomb et du rouge de chromate, de molybdate et de sulfate de plomb »

Dans l’affaire C‑389/19 P‑R,

ayant pour objet une demande de sursis à exécution et d’autres mesures provisoires au titre des articles 278 et 279 TFUE, introduite le 28 juin 2019,

Commission européenne, représentée par MM. R. Lindenthal et K. Mifsud-Bonnici ainsi que par Mme G. Tolstoy, en qualité d’agents,

partie requérante,

les autres parties à la procédure étant :

Royaume de Suède, représenté par Mmes J. Lundberg, A. Falk, C. Meyer‑Seitz, H. Shev et H. Eklinder, en qualité d’agents,

partie demanderesse en première instance,

Royaume de Danemark, représenté par M. J. Nymann-Lindegren ainsi que par Mmes M. Wolff et P. Ngo, en qualité d’agents,

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä ainsi que par MM. W. Broere et C. Schultheiss, en qualité d’agents,

parties intervenantes en première instance,

LA VICE-PRÉSIDENTE DE LA COUR,

l’avocat général, M. M. Szpunar, entendu,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi déposé au greffe de la Cour le 20 mai 2019, la Commission européenne a demandé l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 mars 2019, Suède/Commission (T‑837/16, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2019:144), par lequel celui-ci a, d’une part, annulé la décision d’exécution C(2016) 5644 final de la Commission, du 7 septembre 2016, relative à l’autorisation de certaines applications du jaune de sulfochromate de plomb et du rouge de chromate, de molybdate et de sulfate de plomb conformément au règlement (CE) n° 1907/2006 (ci-après la « décision litigieuse »), et, d’autre part, rejeté sa demande tendant au maintien, en cas d’annulation de cette décision, des effets de celle-ci jusqu’à ce qu’elle puisse réexaminer la demande d’autorisation en cause.

2        Par acte séparé déposé au greffe de la Cour le 28 juin 2019, la Commission a, en application des articles 278 et 279 TFUE ainsi que de l’article 160 du règlement de procédure de la Cour, introduit la présente demande en référé tendant, à titre principal, à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑389/19 P, ou, à titre subsidiaire, à ce qu’il soit, d’une part, sursis à l’exécution du point 2 du dispositif de cet arrêt et, d’autre part, déclaré que les effets de la décision litigieuse doivent être maintenus jusqu’au prononcé de cet arrêt.

 Le cadre juridique

3        L’article 1er du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO 2006, L 396, p. 1, et rectificatif JO 2007, L 136, p. 3), énonce :

« 1.      Le présent règlement vise à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et de l’environnement, y compris la promotion de méthodes alternatives pour l’évaluation des dangers liés aux substances, ainsi que la libre circulation des substances dans le marché intérieur tout en améliorant la compétitivité et l’innovation.

[...]

3.      Le présent règlement repose sur le principe qu’il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, à mettre sur le marché ou à utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement. Ses dispositions reposent sur le principe de précaution. »

4        L’article 56 du règlement n° 1907/2006, intitulé « Dispositions générales », dispose :

« 1.      Un fabricant, importateur ou utilisateur en aval s’abstient de mettre sur le marché une substance en vue d’une utilisation ou de l’utiliser lui- même si cette substance est incluse à l’annexe XIV, sauf :

[...]

d)      si la date visée à l’article 58, paragraphe 1, point c), sous i), a été atteinte et s’il a fait une demande dix-huit mois avant cette date mais qu’aucune décision concernant la demande d’autorisation n’a encore été prise ; [...]

[...]

2.      Les utilisateurs en aval peuvent utiliser une substance répondant aux critères énoncés au paragraphe 1, pour autant que son utilisation respecte les conditions d’une autorisation octroyée à cet effet à un acteur situé en amont dans leur chaîne d’approvisionnement.

[...] »

5        L’article 58 de ce règlement, intitulé « Inclusion de substances dans l’annexe XIV », prévoit, à son paragraphe 1 :

« Lorsqu’il est décidé d’inclure dans l’annexe XIV des substances visées à l’article 57, la décision est prise conformément à la procédure visée à l’article 133, paragraphe 4. Pour chaque substance, cette décision précise :

[...]

c)      des dispositions transitoires :

i)      la ou les dates à partir desquelles la mise sur le marché et l’utilisation de la substance sont interdites, sauf si une autorisation est octroyée (ci-après dénommées “date(s) d’expiration”) qui devrait tenir compte, le cas échéant, du cycle de production spécifique pour cette utilisation ;

ii)      une ou plusieurs dates précédant d’au moins dix-huit mois la ou les dates d’expiration, avant lesquelles doivent être reçues les demandes si le demandeur souhaite continuer à utiliser la substance ou à la mettre sur le marché pour certaines utilisations après la ou les dates d’expiration ; la poursuite de ces utilisations est autorisée après la date d’expiration jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande d’autorisation ;

[...] »

6        Aux termes de l’article 60 dudit règlement, intitulé « Octroi des autorisations » :

« [...]

4.      Lorsqu’une autorisation ne peut être octroyée en application du paragraphe 2 ou pour les substances énumérées au paragraphe 3, elle ne peut être octroyée que s’il est démontré que les avantages socio- économiques l’emportent sur les risques qu’entraîne l’utilisation de la substance pour la santé humaine ou l’environnement et qu’il n’existe pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées. [...]

[...]

9.      L’autorisation précise :

a)      la ou les personnes à qui elle est octroyée ;

b)      l’identité de la ou des substances ;

c)      la ou les utilisations pour lesquelles l’autorisation est octroyée ;

d)      les conditions dont l’autorisation est éventuellement assortie ;

e)      la période limitée de révision ;

f)      l’éventuel suivi.

[...] »

7        L’article 61 du même règlement, intitulé « Révision des autorisations », énonce, à son paragraphe 1 :

« Les autorisations octroyées conformément à l’article 60 sont considérées comme valables jusqu’à ce que la Commission décide de modifier ou de retirer l’autorisation dans le cadre d’une révision, pour autant que le titulaire de l’autorisation introduise un rapport de révision au moins dix-huit mois avant l’expiration de la période limitée de révision. [...]

[...] »

 Les antécédents du litige

8        Le jaune de sulfochromate de plomb et le rouge de chromate, de molybdate et de sulfate de plomb (ci‑après les « substances litigieuses ») sont des mélanges d’éléments de plomb et de chrome VI.

9        En raison de leur durabilité, de leur couleur claire et de leur éclat, ces substances sont utilisées dans les vernis et les peintures, notamment pour les ponts et les constructions en fer et en acier ou bien dans des situations dans lesquelles la peinture a une fonction de signalisation, par exemple sur les signaux d’avertissement. Elles sont également utilisées pour les marquages routiers jaunes.

10      En adoptant le règlement (UE) n° 125/2012, du 14 février 2012, modifiant l’annexe XIV du règlement n° 1907/2006 (JO 2012, L 41, p. 1), la Commission a inclus lesdites substances, en tant que substances cancérogènes et toxiques pour la reproduction, avec une date d’expiration fixée au 21 mai 2015, dans l’annexe XIV du règlement n° 1907/2006.

11      DCC Maastricht BV est le représentant dans l’Union européenne, au sens de l’article 8 du règlement n° 1907/2006, d’un fabricant canadien de telles substances.

12      Cette société est la seule entreprise à avoir, le 19 novembre 2013, conformément à l’article 62 du règlement n° 1907/2006, déposé une demande d’autorisation en vue de la mise sur le marché de ces substances. Plus précisément, l’autorisation a été demandée pour les utilisations suivantes :

–        la distribution et le mélange de poudre de pigments dans un environnement industriel dans des peintures en phase solvant non destinées à une utilisation par les consommateurs ;

–        l’application industrielle de peintures sur des surfaces métalliques, à savoir, notamment, les machines, les véhicules, les structures, la signalisation, le mobilier routier et le laquage en continu ;

–        l’application professionnelle, non destinée à une utilisation par les consommateurs, de peintures sur des surfaces métalliques, à savoir, notamment, les machines, les véhicules, les structures, la signalisation et le mobilier routier, ou pour le marquage routier ;

–        la distribution et le mélange de poudre de pigments dans un environnement industriel dans des prémélanges liquides ou solides en vue de colorer des articles en matières plastiques ou des articles plastifiés non destinés à une utilisation par les consommateurs ;

–        l’utilisation industrielle de prémélanges et de précomposés solides ou liquides de couleur contenant des pigments en vue de colorer des articles en matières plastiques ou des articles plastifiés non destinés à une utilisation par les consommateurs, et

–        l’utilisation professionnelle de prémélanges et de précomposés solides ou liquides de couleur contenant des pigments en vue de l’application de marquages routiers thermoplastiques.

13      La demande d’autorisation présentée par DCC Maastricht comporte les exemples suivants, non exhaustifs, de produits couverts par les utilisations qui y sont visées et qui, selon cette société, exigent les performances technologiques fournies par les substances litigieuses, à savoir les couvre-capotes pour les voitures, les panneaux d’avertissement, les conteneurs pour déchets pharmaceutiques, les tubes pour l’industrie pétrochimique, les grues, les machines agricoles, les équipements routiers, les ponts en acier, les chambres fortes et les containers en acier.

14      Conformément à l’article 64, paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a procédé à une consultation publique pour que les tiers intéressés aient la possibilité de communiquer des informations sur les substances litigieuses ou les techniques de remplacement. Dans le cadre de cette consultation, des avis ont été présentés par des fabricants de l’Union, des utilisateurs en aval de ces substances, des organisations de branche, des États membres ainsi que par quelques organisations non gouvernementales.

15      Les utilisateurs en aval des substances litigieuses qui se sont exprimés à l’occasion des consultations ont signalé que les substances susceptibles d’être utilisées à la place des substances litigieuses ne présentaient pas les mêmes avantages et qu’elles étaient plus chères dans la plupart des cas. En revanche, la British Coatings Federation, qui représente 90 % de l’industrie des revêtements du Royaume-Uni, a déclaré en substance qu’elle ne partageait pas la conclusion de DCC Maastricht selon laquelle les substances litigieuses étaient irremplaçables. Cette organisation a indiqué pour l’essentiel qu’un nombre important de solutions de remplacement, qui ne contenaient pas de plomb, étaient déjà utilisées dans le secteur des peintures. De même, A, qui est un fabricant de peintures et de revêtements, a relevé que des solutions de remplacement appropriées et plus sûres que les substances litigieuses étaient disponibles dans le commerce à travers le monde depuis de nombreuses années et qu’elles pouvaient être utilisées pour obtenir les caractéristiques de produit et les performances souhaitées à un coût raisonnable. Enfin, B, un autre producteur de produits chimiques et de peintures, a indiqué que la plupart de ses clients étaient passés avec succès à des solutions de remplacement sans plomb ou étaient prêts à le faire. DCC Maastricht a répondu aux commentaires de A et de B en indiquant qu’un certain nombre de petites et moyennes entreprises (PME), qui avaient soutenu sa demande dans le cadre des consultations, avaient besoin des substances litigieuses pour fabriquer des produits spécifiques destinés à certaines utilisations dites « de niche ».

16      Le comité d’évaluation des risques et le comité d’analyse socio-économique de l’ECHA ont, le 11 décembre 2014, adopté douze avis consolidés relatifs à la demande d’autorisation présentée par DCC Maastricht.

17      La Commission a reçu ces avis consolidés le 2 janvier 2015.

18      Les 7 et 8 juillet 2015, les 22 et 23 septembre 2015 ainsi que les 3 et 4 février 2016, ladite demande d’autorisation a été également examinée au sein du comité visé à l’article 133 du règlement n° 1907/2006 (ci-après le « comité REACH »).

19      Lors de la discussion sur la demande d’autorisation présentée par DCC Maastricht au sein du comité REACH, deux États membres et le Royaume de Norvège ont indiqué que les substances litigieuses n’étaient pas utilisées en tant que pigments dans la peinture pour le marquage routier jaune sur leurs territoires nationaux. Dans l’un de ces États membres, l’utilisation de ces substances pour le marquage routier aurait même été interdite il y a 20 ans. Le Royaume de Norvège a également indiqué que lesdites substances n’étaient pas utilisées dans la peinture de plateformes pétrolières.

20      La Commission a soumis son projet de décision au vote des membres du comité REACH. Vingt-trois États membres ont voté en faveur du projet, alors que trois États membres, dont le Royaume de Suède, ont voté contre. Deux États membres se sont abstenus.

21      Le 7 septembre 2016, la Commission a adopté la décision litigieuse.

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

22      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 novembre 2016, le Royaume de Suède a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

23      Par décisions du président de la cinquième chambre du Tribunal des 24 mars et 3 mai 2017, le Royaume de Danemark, la République de Finlande et le Parlement européen ont été admis à intervenir au soutien des conclusions du Royaume de Suède.

24      Par ordonnance du 20 juillet 2017, le président de la cinquième chambre du Tribunal a admis l’intervention de l’ECHA au soutien des conclusions de la Commission.

25      À l’appui de son recours, le Royaume de Suède a invoqué trois moyens.

26      Le Tribunal a examiné uniquement la deuxième branche du premier moyen, par laquelle cet État membre soutenait que, en octroyant l’autorisation en cause en l’espèce sans qu’il fût dûment établi qu’il n’existait pas de substances ou de technologies de remplacement appropriées pour les utilisations visées par la demande d’autorisation présentée par DCC Maastricht, la Commission avait violé l’article 60, paragraphe 4, du règlement n° 1907/2006 et manqué à son devoir de diligence.

27      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a accueilli cette deuxième branche du premier moyen et a, sans examiner les deux autres branches de ce moyen ni les autres moyens, annulé la décision litigieuse.

28      Par ailleurs, le Tribunal a rejeté la demande de la Commission tendant au maintien, en cas d’annulation de la décision litigieuse, des effets de cette décision jusqu’à ce qu’elle puisse, avec l’assistance de l’ECHA, réexaminer la demande d’autorisation présentée par DCC Maastricht.

 Les conclusions des parties

29      La Commission, soutenue par l’ECHA, demande à la Cour :

–        d’ordonner le sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué jusqu’à la conclusion de la procédure de pourvoi dont cet arrêt fait l’objet, ou, à titre subsidiaire,

–        d’ordonner, si elle le juge nécessaire, le sursis à l’exécution du point 2 du dispositif dudit arrêt et, en tout état de cause, de déclarer que les effets de la décision litigieuse doivent être maintenus jusqu’à ce que ladite procédure ait été conclue.

30      Le Royaume de Suède et le Royaume de Danemark demandent à la Cour de rejeter les demandes de sursis et d’autres mesures provisoires de la Commission.

 Sur la demande en référé

31      Aux termes de l’article 160, paragraphe 3, du règlement de procédure, les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence, ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

32      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que la demande de mesures provisoires doit être rejetée dès lors que l’une de ces conditions fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnances du vice-président de la Cour du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 ; du 20 juillet 2018, BCE/Lettonie, C‑238/18 R, non publiée, EU:C:2018:581, point 32, et ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 29).

 Sur le fumus boni juris

 Argumentation

33      À l’appui de sa demande, la Commission se réfère, au titre de son premier chef de conclusions, aux quatre moyens qu’elle soulève dans le cadre de son pourvoi.

34      Par son premier moyen, elle soutient que le Tribunal a commis une erreur de droit manifeste quant au niveau de preuve requis dans le cadre de l’application de l’article 60, paragraphe 4, du règlement n° 1907/2006.

35      Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit manifeste que le Tribunal aurait commise en faisant totalement abstraction du pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission pour constater les seuils de faisabilité technique et économique des solutions de remplacement, conformément à cette disposition, ce qui l’aurait conduit à appliquer un critère erroné de contrôle juridictionnel et à se substituer à la Commission en ce qui concerne la mise en balance des considérations sociales, économiques et techniques.

36      Par son troisième moyen, la Commission allègue que le Tribunal a commis une erreur de droit manifeste, d’une part, en ne tenant pas suffisamment compte du fait que l’autorisation en cause en l’espèce n’a pas été octroyée pour des utilisations dans lesquelles les propriétés des substances litigieuses en matière de performances techniques n’étaient pas nécessaires et, d’autre part, en donnant des conditions énoncées dans la décision litigieuse une description laissant entendre que la condition relative à l’évaluation des solutions de remplacement, prévue à l’article 60, paragraphe 4, du règlement n° 1907/2006, n’avait pas été respectée.

37      Par son quatrième moyen, la Commission fait valoir que le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté sa demande de maintien des effets de la décision litigieuse, repose sur une erreur de droit manifeste commise par le Tribunal au point 112 de cet arrêt.

38      En effet, elle fait valoir que, en jugeant, au point 112 de l’arrêt attaqué, qu’une annulation avec effet immédiat de la décision litigieuse aurait pour conséquence que DCC Maastricht ne serait plus en mesure de commercialiser les substances litigieuses, le Tribunal n’a pas tenu compte des effets du régime prévu à l’article 56, paragraphe 1, sous d), et paragraphe 2, du règlement n° 1907/2006.

39      Or, selon la Commission, contrairement à ce que le Tribunal a jugé au point 112 de l’arrêt attaqué, la conséquence du rejet de sa demande de maintien des effets de la décision litigieuse est non pas que les substances litigieuses ne peuvent plus être mises sur le marché ni utilisées conformément à cette décision, mais que ces substances peuvent être mises sur le marché en vue d’une utilisation et être utilisées, conformément à la demande d’autorisation présentée par DCC Maastricht, par le demandeur et par les utilisateurs en aval jusqu’à ce que la Commission adopte une nouvelle décision concernant cette demande.

40      Ainsi, l’arrêt attaqué donnerait lieu à une situation où les substances litigieuses peuvent être mises sur le marché pour la totalité des utilisations demandées et utilisées sans être soumises aux conditions, aux limitations quantitatives et aux contrôles imposés par la décision litigieuse.

41      La Commission ajoute que le point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, par lequel le Tribunal a rejeté sa demande de maintien des effets de la décision litigieuse, dessert les intérêts que le Royaume de Suède entendait protéger, c’est-à-dire que des restrictions non pas plus souples, mais plus sévères soient appliquées auxdites substances.

42      À titre subsidiaire, la Commission présente, à l’appui de sa demande, un second chef de conclusions, qui, selon elle, requiert que le fumus boni juris soit établi seulement en ce qui concerne le quatrième moyen soulevé dans le cadre de son pourvoi.

43      Concernant ce moyen, le Royaume de Suède admet que le Tribunal s’est certainement fondé sur la prémisse erronée qu’une annulation de la décision litigieuse aurait pour conséquence que DCC Maastricht ne pourrait plus commercialiser les substances litigieuses sur le marché de l’Union.

44      Toutefois, cet État membre considère que, en rejetant la demande de la Commission tendant au maintien des effets de la décision litigieuse, le Tribunal n’a pas commis une erreur de droit manifeste, puisque ce maintien n’est justifié par aucun motif lié à la sécurité juridique.

45      En effet, selon ledit État membre, la décision litigieuse n’apporte aucun élément essentiel par rapport aux conditions, aux restrictions, aux limites quantitatives ou aux contrôles qu’imposent déjà les dispositions du règlement n° 1907/2006 et de la directive 2004/37/CE du Parlement européen et du Conseil, du 29 avril 2004, concernant la protection des travailleurs contre les risques liés à l’exposition à des agents cancérigènes ou mutagènes au travail (sixième directive particulière au sens de l’article 16, paragraphe 1, de la directive 89/391/CEE du Conseil) (JO 2004, L 158, p. 50).

46      Le Royaume de Danemark considère que le point 112 de l’arrêt attaqué n’est entaché d’aucune erreur de droit et que c’est à juste titre que le Tribunal a jugé que, à la suite de l’annulation de la décision litigieuse, il ne serait plus possible de mettre sur le marché et d’utiliser les substances litigieuses.

47      En effet, cet État membre estime que la possibilité de mise sur le marché et d’utilisation prévue à l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006 concerne exclusivement une situation exceptionnelle où, à la date d’expiration visée à l’article 58, paragraphe 1, sous c), i), de ce règlement, la Commission n’a pas encore adopté de décision relative à la demande d’autorisation, alors que cette demande a été introduite au plus tard 18 mois avant cette date, et que cette possibilité exceptionnelle cesse d’exister lorsque la Commission adopte une telle décision, même si celle-ci est annulée par la suite.

48      Par conséquent, ledit État membre soutient que c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a, au point 2 du dispositif de l’arrêt attaqué, rejeté la demande de la Commission tendant au maintien, en cas d’annulation de la décision litigieuse, des effets de celle-ci.

 Appréciation

49      La condition relative au fumus boni juris est remplie lorsqu’au moins un des moyens invoqués par la partie qui sollicite les mesures provisoires à l’appui du recours au fond apparaît, à première vue, non dépourvu de fondement sérieux. Tel est notamment le cas dès lors que l’un de ces moyens révèle l’existence de questions juridiques complexes dont la solution ne s’impose pas d’emblée et mérite donc un examen approfondi, qui ne saurait être effectué par le juge des référés, mais doit faire l’objet de la procédure au fond, ou lorsque le débat mené entre les parties dévoile l’existence d’une controverse juridique importante dont la solution ne s’impose pas à l’évidence (ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 30 et jurisprudence citée).

50      Il y a lieu d’examiner d’abord le quatrième moyen soulevé par la Commission dans le cadre de son pourvoi.

51      À cet égard, il convient de relever que la question de la portée précise de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006 dans l’hypothèse où une décision concernant la demande d’autorisation a été adoptée, mais que cette décision a été annulée, qui est soulevée par ledit moyen, ne trouve pas de réponse dans la jurisprudence de la Cour, qui n’a jamais eu l’occasion de se prononcer sur celle-ci.

52      En l’occurrence, cette question fait l’objet d’un différend juridique important et d’appréciations divergentes entre les parties, dont la solution ne s’impose pas d’emblée.

53      Par ailleurs, sans se prononcer, à ce stade, sur le bien-fondé des arguments avancés par la Commission au titre du quatrième moyen soulevé dans le cadre de son pourvoi, ceux-ci n’apparaissent pas comme étant manifestement dépourvus de fondement sérieux.

54      En effet, l’article 56 du règlement n° 1907/2006, intitulé « Dispositions générales », prévoit, à son paragraphe 1, sous d), qu’un fabricant, un importateur ou un utilisateur en aval s’abstient de mettre sur le marché une substance en vue d’une utilisation ou de l’utiliser lui-même si cette substance est incluse à l’annexe XIV de ce règlement, sauf si la date d’expiration, visée à l’article 58, paragraphe 1, sous c), i), dudit règlement, a été atteinte et s’il a fait une demande d’autorisation 18 mois avant cette date, mais qu’aucune décision concernant cette demande n’a encore été prise.

55      Il n’est pas contesté que la Commission a, par l’adoption du règlement n° 125/2012, inclus les substances litigieuses dans l’annexe XIV du règlement n° 1907/2006 et a fixé, pour celles-ci, la date d’expiration, visée à l’article 58, paragraphe 1, sous c), i), de ce dernier règlement, à partir de laquelle la mise sur le marché et l’utilisation de ces substances sont interdites, sauf si une autorisation est octroyée, au 21 mai 2015, ainsi qu’au 21 novembre 2013 la date visée à l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), dudit règlement, avant laquelle devaient être reçues les demandes d’autorisation en vue de continuer à utiliser lesdites substances ou les mettre sur le marché pour certaines utilisations après la date d’expiration.

56      En vertu de cette dernière disposition, la poursuite de ces utilisations est autorisée après la date d’expiration jusqu’à ce qu’il soit statué sur la demande d’autorisation.

57      Or, en l’espèce, le 19 novembre 2013, DCC Maastricht a, conformément à l’article 62 du règlement n° 1907/2006, déposé une demande d’autorisation en vue de la mise sur le marché des substances litigieuses.

58      Dans la mesure où la Commission n’avait pas encore, à la date du 21 mai 2015, statué sur cette demande, les utilisations demandées ont pu, en application de l’article 58, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement n° 1907/2006, être poursuivies après cette date.

59      La Commission a adopté la décision litigieuse le 7 septembre 2016.

60      Toutefois, cette décision ayant été annulée par l’arrêt attaqué, il ne saurait, à première vue, être exclu que, ainsi que la Commission l’allègue, depuis que cet arrêt a été rendu, les substances litigieuses puissent, en vertu de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006, être, s’agissant des utilisations pour lesquelles une autorisation a été demandée, mises sur le marché en vue d’une utilisation et être utilisées jusqu’à ce que la Commission adopte une nouvelle décision concernant la demande d’autorisation présentée par DCC Maastricht.

61      Compte tenu des considérations qui précèdent et sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens soulevés par la Commission dans le cadre de son pourvoi, il y a lieu de considérer que, en l’espèce, la condition relative au fumus boni juris est satisfaite.

 Sur l’urgence

 Argumentation

62      La Commission soutient que si l’arrêt attaqué est exécuté avant que la Cour statue sur son pourvoi, il existera un risque de préjudice grave et irréparable pour la santé humaine ou, à tout le moins, la possibilité d’un tel préjudice ne sera pas purement hypothétique.

63      Selon elle, la nécessité de maintenir les effets de la décision litigieuse ressort du propre raisonnement du Tribunal, puisque celui-ci a examiné la demande de la Commission tendant au maintien de ces effets au regard de l’objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine, poursuivi par le règlement n° 1907/2006.

64      La Commission rappelle que les substances litigieuses sont classées comme cancérogènes et toxiques pour la reproduction. Elle indique que, d’une part, le chrome provoque des tumeurs pulmonaires chez l’être humain et chez les animaux, ainsi que des tumeurs du tractus gastro-intestinal des animaux par voie orale, et, d’autre part, le plomb est toxique pour la reproduction tant chez l’être humain que chez les animaux et nuit à la fertilité masculine ainsi qu’au développement du système nerveux chez les enfants.

65      Or, la Commission considère que la circonstance que le Tribunal a annulé la décision litigieuse sans en maintenir les effets a considérablement accru les risques pour la santé humaine associés aux substances litigieuses, puisque la mise sur le marché et l’utilisation de celles-ci ne sont plus subordonnées au respect des exigences prévues par cette décision, qui visaient précisément à réduire ces risques.

66      Elle fait valoir que, même si elle n’est pas en mesure de quantifier scientifiquement les risques accrus pour la santé des personnes, c’est-à-dire le nombre de cas de cancer supplémentaires ou d’autres effets néfastes pour celle-ci, en l’absence de ces exigences, les risques sont sérieux, étant donné qu’il s’agit de risques pour la santé humaine qui ne peuvent être valablement maîtrisés et de substances utilisées par un grand nombre d’utilisateurs en aval dans l’Union.

67      En outre, la Commission estime que le caractère urgent de sa demande est également étayé par la situation d’insécurité juridique à laquelle donnent lieu, pour les opérateurs économiques, le point 112 de l’arrêt attaqué et le point 2 du dispositif de celui-ci, ainsi qu’en atteste une lettre du 15 avril 2019, annexée à cette demande, par laquelle le demandeur de l’autorisation en cause en l’espèce, DCC Maastricht, l’a, après la notification de l’arrêt attaqué, interrogée sur les effets de cet arrêt ainsi que sur ceux d’une application de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006.

68      Le Royaume de Suède soutient que la condition relative à l’urgence n’est pas satisfaite en l’espèce, puisque la décision litigieuse n’implique aucune limitation des utilisations autorisées, qu’elle n’ajoute aucun élément essentiel par rapport à ce que les dispositions du règlement n° 1907/2006 et de la directive 2004/37 prévoient déjà, et que l’expiration de la période de révision prévue par cette décision n’entraîne pas une véritable limitation de ces utilisations.

69      Le Royaume de Danemark considère que, dans la mesure où, conformément à ce qui a été jugé par le Tribunal au point 112 de l’arrêt attaqué, le titulaire de l’autorisation en cause ne sera plus en mesure, après l’annulation de la décision litigieuse, de mettre sur le marché et d’utiliser les substances litigieuses, la demande de la Commission tendant au sursis à l’exécution de cet arrêt et au maintien des effets de cette décision ne saurait prévenir un préjudice irréparable pour la santé humaine, si bien que la condition relative à l’urgence n’est pas établie en l’espèce.

 Appréciation

70      La finalité de la procédure de référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par la Cour. C’est pour atteindre cet objectif que l’urgence doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au fond sans avoir à subir un préjudice de cette nature. Pour établir l’existence d’un tel préjudice grave et irréparable, il n’est pas nécessaire d’exiger que la survenance du préjudice soit établie avec une certitude absolue. Il suffit que celui-ci soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 60 et jurisprudence citée).

71      En outre, le juge des référés doit postuler, aux seules fins de l’appréciation de l’urgence et sans que cela implique une quelconque prise de position de sa part quant au bien-fondé des griefs avancés au fond par le demandeur en référé, que ces griefs sont susceptibles d’être accueillis. En effet, le préjudice grave et irréparable dont la survenance probable doit être établie est celui qui résulterait, le cas échéant, du refus d’accorder les mesures provisoires sollicitées dans l’hypothèse où le recours au fond aboutirait par la suite (ordonnance du 17 décembre 2018, Commission/Pologne, C‑619/18 R, EU:C:2018:1021, point 61 et jurisprudence citée).

72      Ainsi, en l’occurrence, le juge des référés doit, aux fins de l’appréciation de l’urgence, postuler que, depuis l’annulation de la décision litigieuse et le rejet de la demande de la Commission tendant au maintien des effets de cette décision, les substances litigieuses peuvent, en vertu de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006, être, s’agissant des utilisations visées dans la demande d’autorisation présentée par DCC Maastricht, mises sur le marché en vue d’une utilisation et être utilisées jusqu’à ce que la Commission adopte une nouvelle décision concernant cette demande d’autorisation.

73      Aux fins de cette appréciation, il y a lieu, en l’espèce, d’examiner si, dans cette hypothèse, l’exécution de l’arrêt attaqué est susceptible de causer un préjudice grave et irréparable à la santé humaine.

74      Il n’est pas contesté que, selon l’article 1er, paragraphes 1 et 3, du règlement n° 1907/2006, celui-ci vise, notamment, à assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et ses dispositions reposent sur le principe de précaution.

75      S’agissant de substances classées dans l’annexe XIV de ce règlement comme cancérogènes et toxiques pour la reproduction, dont l’utilisation représente, en raison de leurs propriétés intrinsèques, un risque non maîtrisé pour la santé humaine, le préjudice pouvant résulter d’une exposition aux substances litigieuses présente, en raison de sa nature, un caractère grave et irréparable.

76      Or, même si la Commission reconnaît ne pas être en mesure de quantifier le risque accru pour la santé humaine, il apparaît néanmoins suffisamment probable que, dans l’hypothèse où elles ne seraient pas subordonnées au respect des exigences prévues par la décision litigieuse, la mise sur le marché et l’utilisation des substances litigieuses se traduiraient par un accroissement du risque de survenance d’un tel préjudice.

77      En effet, conformément à l’article 60, paragraphe 9, du règlement n° 1907/2006, la décision litigieuse, qui a autorisé certaines utilisations des substances litigieuses, était assortie de conditions ainsi que de dispositions spécifiques en matière de suivi et de révision.

78      En particulier, il n’est pas contesté que, en vertu de l’article 2, paragraphe 2, de cette décision, la date d’expiration de la période limitée de révision visée à l’article 60, paragraphe 9, sous e), du règlement n° 1907/2006 était, concernant deux des six utilisations pour lesquelles une autorisation avait été demandée, fixée au 21 mai 2019.

79      Par conséquent, dans la mesure où le titulaire de l’autorisation en cause n’a pas, conformément à l’article 61, paragraphe 1, premier alinéa, de ce règlement, introduit un rapport de révision au moins 18 mois avant cette date, la validité de l’autorisation octroyée pour ces deux utilisations aurait, si la décision litigieuse n’avait pas été annulée ou si les effets de celle-ci avaient été maintenus, expiré à ladite date.

80      Or, sur le fondement du postulat énoncé au point 72 de la présente ordonnance, depuis l’annulation de la décision litigieuse et le rejet de la demande de la Commission tendant au maintien des effets de cette décision, le demandeur de l’autorisation en cause et les utilisateurs en aval des substances litigieuses peuvent, y compris après le 21 mai 2019, continuer de mettre sur le marché et d’utiliser ces substances pour lesdites utilisations, de telle sorte qu’un accroissement du risque de survenance d’un préjudice grave et irréparable pour la santé humaine est prévisible avec un degré de probabilité suffisant.

81      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la Commission a établi que, en cas de rejet de sa demande de sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué jusqu’à ce que la Cour statue sur son pourvoi, l’application de l’article 56, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006 est susceptible de causer un préjudice grave et irréparable à la santé humaine et que, dès lors, la condition relative à l’urgence est satisfaite en l’espèce.

 Sur la mise en balance des intérêts

 Argumentation

82      La Commission soutient que sa demande de sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué revêt un intérêt pour la santé humaine et qu’aucun intérêt concurrent ne s’oppose à ce sursis, hormis celui du demandeur de l’autorisation en cause et des utilisateurs en aval des substances litigieuses à mettre celles-ci sur le marché, sans aucun contrôle des autorisations, jusqu’à ce qu’elle adopte une nouvelle décision concernant la demande d’autorisation en cause.

83      À cet égard, elle relève que le demandeur de l’autorisation en cause lui-même ne souhaite pas tirer profit de la situation créée par l’annulation de la décision litigieuse, puisque, à la suite de cette annulation, il a, par une lettre du 15 avril 2019 adressée à la Commission, indiqué qu’il ferait tout son possible pour s’assurer que les conditions prévues par cette décision soient respectées par ses clients.

84      Cependant, la Commission remarque que, malgré les assurances du demandeur de l’autorisation en cause, il n’existe pas de sécurité juridique quant au fait qu’il respectera effectivement la totalité des conditions et des dispositions en matière de suivi prévues par ladite décision, et que, même si tel était le cas, il n’existe aucune garantie que chacun des utilisateurs en aval des substances litigieuses en fera autant.

85      En outre, selon la Commission, le Royaume de Suède ne peut pas avoir d’intérêt à faire valoir plaidant contre la présente demande de sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué, puisque les arguments de cet État membre, qu’ils soient fondés ou non, visent à obtenir une protection accrue de la santé humaine.

86      Le Royaume de Suède considère que la mise en balance des intérêts ne plaide pas en faveur de l’octroi des mesures demandées par la Commission. En effet, selon cet État membre, le maintien de la décision litigieuse est sans incidence au regard de l’objectif de protection de la santé humaine, dès lors que cette décision n’ajoute, à cet égard, aucun élément substantiel par rapport à ce que prévoit déjà la législation en matière de santé et de sécurité au travail.

87      Par ailleurs, ledit État membre fait valoir que, ainsi que l’indique la Commission dans sa demande, le demandeur de l’autorisation en cause s’est engagé à veiller à ce que ses clients respectent les conditions prévues par la décision litigieuse, malgré l’annulation de celle-ci.

88      Le Royaume de Danemark estime qu’une mise en balance des intérêts en présence plaide en faveur du rejet de la demande en référé, puisque la mise sur le marché et l’utilisation des substances litigieuses, qui résulteraient du sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué ou du maintien des effets de la décision litigieuse, peuvent causer un préjudice à la fois très grave et irréparable à la santé humaine. En effet, ces substances étant identifiées comme étant extrêmement préoccupantes, cancérigènes et nocives pour la reproduction, toute exposition à celles-ci présente un risque pour la santé.

 Appréciation

89      Il y a lieu de constater que, en l’occurrence, toutes les parties se prévalent d’un seul et même intérêt, à savoir la protection de la santé humaine.

90      En l’occurrence, il s’agit de déterminer si, au regard de cet intérêt, le maintien des effets de la décision litigieuse prévaut ou non sur l’annulation avec effet immédiat de celle-ci.

91      Or, il découle des appréciations effectuées dans le cadre de l’examen de la condition relative à l’urgence que l’exécution de l’arrêt attaqué est susceptible de causer un préjudice grave et irréparable à la santé humaine.

92      Par conséquent, en l’espèce, la protection de la santé humaine plaide en faveur de l’octroi de la mesure provisoire demandée par la Commission.

93      La circonstance que le demandeur de l’autorisation en cause a déclaré qu’il veillera à ce que, malgré l’annulation de la décision litigieuse, ses clients respectent les conditions prévues par celle-ci est sans incidence à cet égard, puisque cette circonstance n’est pas de nature à garantir que ces clients ou, plus généralement, l’ensemble des utilisateurs en aval des substances litigieuses respecteront effectivement ces conditions.

94      Quant à l’argumentation du Royaume de Danemark, il suffit de constater que celle-ci est dépourvue de pertinence, puisqu’elle repose sur la prémisse, contraire au postulat énoncé au point 72 de la présente ordonnance, selon laquelle, après l’annulation de la décision litigieuse, le demandeur de l’autorisation en cause ne peut plus mettre sur le marché ni utiliser les substances litigieuses, alors qu’il pourrait le faire si les effets de cette décision étaient maintenus.

95      Compte tenu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de faire droit à la demande de la Commission tendant à ce qu’il soit sursis à l’exécution de l’arrêt attaqué jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à la procédure de pourvoi dans l’affaire C‑389/19 P.

Par ces motifs, la vice-présidente de la Cour ordonne :

1)      Il est sursis à l’exécution de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 7 mars 2019, Suède/Commission (T837/16, EU:T:2019:144), jusqu’au prononcé de l’arrêt mettant fin à la procédure de pourvoi dans l’affaire C389/19 P.

2)      Les dépens sont réservés.

Signatures


*      Langue de procédure : le suédois.

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