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Document 61996TO0128

Order of the Court of First Instance (Fourth Chamber) of 13 December 1996.
Giorgio Lebedef v Commission of the European Communities.
Officials - Refusal by the Commission to distribute through its internal messanger services communications to the staff from an independent trade union - Legal interest in bringing proceedings - Admissibility - Claims for damages - Subject-matter of the dispute - Summary of the pleas in law - Admissibility.
Case T-128/96.

Zbirke sudske prakse Suda Europske unije – Predmeti povezani s osobljem 1996 I-A-00629; II-01679

ECLI identifier: ECLI:EU:T:1996:203

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

13 décembre 1996 ( *1 )

«Fonctionnaires — Refus de la Commission de procéder à la diffusion par ses services internes de messagerie des communications d'un syndicat autonome au personnel — Intérêt à agir — Recevabilité — Conclusions en indemnité — Objet du litige — Exposé sommaire des moyens — Recevabilité»

Dans l'affaire T-128/96,

Giorgio Lebedef, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Senningerberg (Luxembourg), représenté par Me Gilles Bounéou, avocat au barreau de Luxembourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de ce dernier, 15, avenue du Bois,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Gianluigi Valsesia, conseiller juridique principal, et Julian Curiali, membre du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d'une part, une demande d'annulation de la décision du chef de l'unité «relations avec la représentation statutaire du personnel et les OSP», de la direction générale Personnel et administration (DG IX) de la Commission, refusant de faire procéder à la diffusion, par les services internes de messagerie de la Commission, des communications du syndicat autonome Action & Défense — Luxembourg (A & D — L) destinées au personnel de la Commission à Luxembourg et, d'autre part, une demande de réparation du préjudice subi,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (quatrième chambre),

composé de M. K. Lenaerts, président, Mme P. Lindh et M. J. D. Cooke, juges,

greffier: M. H. Jung,

rend la présente

Ordonnance

Faits et procédure

1

Le requérant, fonctionnaire de la Commission affecté à Luxembourg à l'Office des statistiques des Communautés européennes (Eurostat), est secrétaire général du syndicat autonome Action & Défense — Luxembourg (ci-après «A & D — L»),

2

Constitué le 7 juin 1995, A & D — L a adopté son statut et élu son premier comité exécutif le 21 septembre 1995. Il s'est par la suite vu refuser le droit de diffuser ses communications au personnel par les services internes de messagerie de la Commission.

3

Par courriers des 18 et 19 octobre 1995, le requérant a demandé au chef de l'unité «relations avec la représentation statutaire du personnel et les OSP» de la direction générale Personnel et administration (DG IX) de la Commission (ci-après «unité OSP») d'expliquer les motifs de ce refus et de lever celui-ci.

4

Le chef de l'unité OSP a répondu à ces deux courriers par lettre du 26 octobre 1995. Il a expliqué que la décision refusant l'autorisation de la circulation des informations de A & D — L au personnel se fondait sur l'article 21 de l'accord du 20 septembre 1974 concernant les relations entre la Commission et les organisations syndicales et professionnelles (ci-après «accord-cadre»), auquel A & D — L n'avait pas adhéré.

5

Le 20 décembre 1995, le requérant a introduit une réclamation au titre de l'article 90, paragraphe 2, du statut des fonctionnaires des Communautés européennes (ci-après «statut»), ayant comme objet le refus du chef de l'unité OSP «de faire procéder à la diffusion par les services internes de messagerie des communications du syndicat autonome [A & D - L] destinées au personnel de la Commission à Luxembourg», la lettre du 26 octobre 1995 mentionnée ci-dessus ainsi que la question de l'indemnisation du préjudice subi.

6

Par décision du 15 mars 1996, le membre de la Commission en charge des questions de personnel a arrêté les «dispositions pratiques concernant la publication des tracts des OSP non signataires de l'accord-cadre, des représentants des listes électorales non présentées par une OSP» (ci-après «dispositions pratiques»). La partie pertinente de ces dispositions précise: «Les organisations syndicales et professionnelles (OSP) non signataires de l'accord-cadre avec la Commission [...] sont [autorisées] à utiliser les moyens de reproduction et de messagerie de la Commission pour les informations au personnel en relation avec leurs activités. Sont considérées comme OSP au sens de ces dispositions pratiques les organisations respectant les principes énoncés au chapitre 1.2 a) et b) de l'accord-cadre.»

7

Le chef de l'unité OSP a communiqué les dispositions pratiques au président de A & D — L par lettre datée du 15 mars 1996. Dans cette lettre, il l'a informé de leur mise en œuvre et a indiqué: «Après une période d'expérimentation de l'ordre de deux années (y compris la période des prochaines élections statutaires), [les dispositions pratiques] pourront faire l'objet d'une évaluation en vue de leur éventuelle mise au point.»

8

La réclamation du requérant a été rejetée par décision du 10 mai 1996, notifiée au requérant par lettre du 14 mai 1996. La décision constate que les dispositions pratiques sont «de nature à placer toutes les OSP sur un même pied d'égalité quant à la diffusion par les moyens de la Commission des tracts visant l'activité qui leur est propre» et que «la solution apportée est de nature à répondre pleinement à la demande qui avait été avancée par le réclamant».

9

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 août 1996, le requérant a introduit le présent recours.

10

Par mémoire parvenu au greffe du Tribunal le 2 octobre 1996, la Commission a soulevé une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114 du règlement de procédure. Le requérant a déposé ses observations sur l'exception le 5 novembre 1996.

11

Par requête enregistrée au greffe du Tribunal le 20 novembre 1996, l'Union syndicale - Luxembourg a demandé à intervenir à l'appui des conclusions de la partie défenderesse.

Conclusions des parties

12

Dans sa requête, M. Lebedef, partie requérante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

annuler la décision de la Commission du 26 octobre 1995;

annuler la décision intervenue en date du 10 mai 1996, notifiée en date du 14 mai 1996;

condamner la Commission à lui payer une indemnité de 200000 BFR;

la condamner aux dépens.

13

Dans son exception d'irrecevabilité, la Commission, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

rejeter le recours comme irrecevable;

condamner le requérant aux dépens.

Sur la recevabilité des conclusions

14

Lorsque, sur la base de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, une partie demande au Tribunal de statuer sur l'irrecevabilité sans engager le débat au fond, le Tribunal peut, conformément au paragraphe 3 dudit article, statuer sans organiser une procédure orale. Pareillement, le Tribunal peut statuer sans procédure orale lorsqu'il examine d'office une fin de non-recevoir d'ordre public, en application des articles 113 et 114, paragraphes 3 et 4, du règlement de procédure. En l'espèce, les pièces du dossier permettent de statuer sur la demande de la Commission relative à la recevabilité des conclusions en annulation, sans engager une procédure orale. Elles permettent de statuer dans les mêmes conditions, d'office, sur la recevabilité des conclusions en indemnité.

Sur les conclusions en annulation

Arguments des parties

15

La Commission invoque trois moyens d'irrecevabilité du recours, tirés respectivement d'un défaut d'intérêt à agir, d'un défaut de qualité à agir et d'une absence d'acte faisant grief. Elle se fonde surtout sur le premier moyen, dans le cadre duquel elle soutient que, par la décision du membre de la Commission en charge des questions de personnel du 15 mars 1996, antérieure à la réponse à la réclamation, elle avait donné satisfaction à A & D - L sur le point précis visé par la lettre contestée dans le recours. Un représentant de A & D — L aurait eu connaissance de cette décision le jour même. II en résulterait que, bien avant le rejet de la réclamation, le recours ne pouvait pas avoir d'objet et que le requérant ne pouvait l'ignorer. Or, l'intérêt à agir s'apprécierait au moment de l'introduction du recours (voir arrêt du Tribunal du 18 juin 1992, Turner/Commission, T-49/91, Rec. p. II-1855, points 24 à 26).

16

La procédure précontentieuse suivie en l'espèce aurait été axée sur le refus de faire bénéficier A & D - L des services de reproduction et de distribution. Ce refus n'existerait plus. Si le requérant considérait que la nouvelle situation créée par la décision du 15 mars 1996 laissait encore à désirer, il aurait dû introduire une nouvelle réclamation, ce qu'il n'a pas fait. Le recours serait par conséquent irrecevable pour défaut d'intérêt à agir au moment de son introduction. De surcroît, comme le requérant ne pouvait ignorer que la Commission lui avait donné satisfaction plusieurs mois auparavant, il aurait été introduit dans un but frustratoire.

17

Le requérant soutient que la «décision» intervenue pendant le délai de recours est une décision qui ne change rien à la décision de refus qui fait l'objet du présent recours. A cet égard, il fait observer que la lettre du 15 mars 1996 qui lui a été adressée précise expressément que les dispositions pratiques s'appliquent pendant une période d'expérimentation de deux ans et visent les organisations syndicales et professionnelles (ci-après «OSP») non signataires de l'accord-cadre. Si dans les faits ces dispositions permettent à A & D — L de profiter des mêmes facilités que les OSP signataires de l'accord-cadre, il n'en resterait pas moins que, dans le principe, A & D — L fait l'objet d'un traitement discriminatoire, parce qu'il est soumis à une évaluation et à un délai. Cette décision, devant pallier les carences et différences de traitement résultant de l'interprétation et de l'utilisation faite par la Commission de l'accord-cadre, ne pourrait empêcher le présent recours d'atteindre son but, dans la mesure où le système combiné accord-cadre/dispositions pratiques se traduirait toujours par un traitement inégalitaire restreignant l'exercice du droit syndical.

Appréciation du Tribunal

18

Le recours doit être interprété en ce sens qu'il vise à obtenir l'annulation de la décision du chef de l'unité OSP refusant de faire procéder à la diffusion, par les services internes de messagerie de la Commission, des communications de A & D — L destinées au personnel de la Commission à Luxembourg, décision confirmée par la lettre datée du 26 octobre 1995 (ci-après «décision attaquée»).

19

Il résulte de la jurisprudence de la Cour et du Tribunal que l'intérêt à agir s'apprécie au moment de l'introduction du recours (voir, notamment, arrêt Turner/Commission, précité, point 24).

20

Or, il y a lieu de constater que la décision attaquée a été remplacée par la décision du 15 mars 1996 du membre de la Commission en charge des questions de personnel arrêtant des dispositions pratiques, en vertu desquelles les OSP non signataires de l'accord-cadre, dont fait partie A & D — L, «sont [autorisées] à utiliser les moyens de reproduction et de messagerie de la Commission pour les informations au personnel en relation avec leurs activités». Il en découle que la décision du 15 mars 1996 équivaut à une annulation de la décision attaquée.

21

Le requérant ayant obtenu satisfaction sur ce point dès avant l'introduction du recours le 14 août 1996, il ne justifie pas d'un intérêt légitime à demander l'annulation de la décision attaquée. Le fait que les dispositions pratiques, après une période d'expérimentation de l'ordre de deux années, pourront faire l'objet d'une évaluation en vue de leur éventuelle mise au point est sans incidence. La circonstance que cette évaluation pourrait, à terme, conduire l'administration à adopter une nouvelle décision refusant à A & D — L l'autorisation d'utiliser les moyens de reproduction et de messagerie de la Commission pour distribuer ses informations au personnel, à supposer que A & D — L ne soit pas entre-temps devenu une OSP signataire de l'accord-cadre, ne saurait conférer au requérant un intérêt né et actuel à agir à l'encontre de la décision attaquée.

22

Dans ces conditions, les conclusions en annulation doivent être déclarées irrecevables, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur les autres moyens d'irrecevabilité soulevés par la Commission.

Sur les conclusions en indemnité

23

Le requérant demande que la Commission soit condamnée à lui payer une indemnité de 200000 BFR, montant auquel il évalue le préjudice prétendument subi.

24

A cet égard, il y a lieu de relever qu'en vertu de l'article 19 du statut (CE) de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal toute requête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387/94, Rec, point 106).

25

Une requête qui manque de la précision nécessaire doit être déclarée irrecevable, une violation de l'article 19 du statut de la Cour et de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal comptant parmi les fins de non-recevoir que le Tribunal peut soulever d'office, à tout moment, en vertu de l'article 113 dudit règlement de procédure (voir arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T-64/89, Rec. p. II-367, points 73 et 74).

26

Étant donné que le requérant n'a avancé ni moyens ni arguments en faveur de ses conclusions en indemnité, il convient de les écarter d'office comme irrecevables.

27

Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que le recours doit être rejeté comme irrecevable dans sa totalité.

28

Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention de l'Union syndicale - Luxembourg.

Sur les dépens

29

Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l'article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci. Néanmoins, en vertu de l'article 87, paragraphe 3, second alinéa, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l'autre partie les frais qu'elle lui a fait exposer et qui sont jugés frustratoires ou vexatoires.

30

La Commission demande au Tribunal de condamner le requérant à lui rembourser ses dépens, en vertu de l'article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure.

31

Dans les circonstances de l'espèce, le requérant ne pouvait ignorer que la Commission lui avait donné satisfaction cinq mois avant qu'il ait introduit le présent recours et il n'a pas avancé le moindre moyen ni argument à l'appui de ses conclusions en indemnité. Il a donc conduit la Commission à exposer des frais frustratoires. Il convient, dès lors, de le condamner à l'ensemble de ses propres dépens et à ceux de la Commission.

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

ordonne:

 

1)

Le recours est rejeté comme irrecevable.

 

2)

Il n'y a pas lieu de statuer sur la demande en intervention.

 

3)

Le requérant supportera l'ensemble de ses propres dépens et ceux de la Commission. L'Union syndicale - Luxembourg supportera ses propres dépens.

 

Fait à Luxembourg, le 13 décembre 1996.

Le greffier

H. Jung

Le président

K. Lenaerts


( *1 ) Langue de procédure: le français.

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