This document is an excerpt from the EUR-Lex website
Document 62012FJ0024
Judgment of the European Union Civil Service Tribunal (Second Chamber) of 19 June 2014.#BN v European Parliament.#Civil service — Officials — Action for annulment — Official of grade AD 14 occupying a post as Head of Unit — Allegation of psychological harassment against the Director-General — Mobility exercise — Refusal to accept appointment to a post of Advisor in another Directorate-General with the loss of the salary increase for Heads of Unit — Decision on a temporary reassignment to another Advisor post — Interests of the service — Rule that the grade must correspond with the post — Action for damages — Harm arising from a failure to take a decision.#Case F‑24/12.
Presuda Službeničkog suda Europske unije (drugo vijeće) od 19. lipnja 2014.
BN protiv Europskog parlamenta.
Javna služba – Dužnosnici – Tužba za poništenje – Dužnosnik u razredu AD 14, zaposlen na radnom mjestu načelnika odjela – Optužbe u pogledu uznemiravanja protiv glavnog direktora – Provedba mobilnosti – Odbijanje prihvaćanja imenovanja na radno mjesto savjetnika u drugoj općoj upravi s gubitkom uvećanja plaće načelnika odjela – Odluka o privremenom premještaju na drugo radno mjesto savjetnika – Interes službe – Pravilo o usklađenosti razreda i radnog mjesta – Tužba za naknadu štete – Šteta koja proizlazi iz ponašanja koje nema narav odluke.
Predmet F‑24/12.
Presuda Službeničkog suda Europske unije (drugo vijeće) od 19. lipnja 2014.
BN protiv Europskog parlamenta.
Javna služba – Dužnosnici – Tužba za poništenje – Dužnosnik u razredu AD 14, zaposlen na radnom mjestu načelnika odjela – Optužbe u pogledu uznemiravanja protiv glavnog direktora – Provedba mobilnosti – Odbijanje prihvaćanja imenovanja na radno mjesto savjetnika u drugoj općoj upravi s gubitkom uvećanja plaće načelnika odjela – Odluka o privremenom premještaju na drugo radno mjesto savjetnika – Interes službe – Pravilo o usklađenosti razreda i radnog mjesta – Tužba za naknadu štete – Šteta koja proizlazi iz ponašanja koje nema narav odluke.
Predmet F‑24/12.
ECLI identifier: ECLI:EU:F:2014:165
ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (deuxième chambre)
19 juin 2014 (*)
« Fonction publique – Fonctionnaires – Recours en annulation – Fonctionnaire de grade AD 14 occupant un poste de chef d’unité – Allégation de harcèlement moral à l’encontre du directeur général – Exercice de mobilité – Refus d’accepter la nomination à un poste de conseiller dans une autre direction générale avec perte de la majoration de traitement de chef d’unité – Décision de réaffectation provisoire à un autre poste de conseiller – Intérêt du service – Règle de la correspondance entre le grade et l’emploi – Recours en indemnité – Préjudice découlant d’un comportement non décisionnel »
Dans l’affaire F‑24/12,
ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,
BN, fonctionnaire du Parlement européen, demeurant à Luxembourg (Luxembourg), représentée initialement par Mes S. Rodrigues, A. Tymen et A. Blot, puis par Mes S. Rodrigues et A. Tymen, avocats,
partie requérante,
contre
Parlement européen, représenté initialement par MM. O. Caisou-Rousseau et J. F. de Wachter, puis par M. O. Caisou-Rousseau et Mme V. Montebello-Demogeot, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre),
composé de Mme M. I. Rofes i Pujol (rapporteur), président, MM. R. Barents et J. Svenningsen, juges,
greffier : M. J. Tomac, administrateur,
vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 16 janvier 2014,
rend le présent
Arrêt
1 Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 février 2012, BN demande au Tribunal, d’une part, l’annulation de la décision du président du Parlement européen, du 16 janvier 2012, mettant fin à ses fonctions de chef d’unité au sein de la direction générale (DG) du personnel et l’affectant comme conseiller à la direction des ressources de la même direction générale, avec effet au 1er janvier 2012, et, d’autre part, la réparation du préjudice prétendument subi du fait d’agissements de harcèlement et de mauvaise administration de la part du directeur général du personnel chiffré, ex aequo et bono, à la somme de 50 000 euros.
Cadre juridique
2 En vertu de l’article 7, paragraphe 1, premier alinéa, du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, dans sa version applicable au litige (ci-après le « statut ») :
« L’autorité investie du pouvoir de nomination affecte, par voie de nomination ou de mutation, dans le seul intérêt du service et sans considération de nationalité, chaque fonctionnaire à un emploi de son groupe de fonctions correspondant à son grade. »
3 L’article 12 bis, paragraphe 3, du statut est rédigé comme suit :
« Par harcèlement moral, on entend toute conduite abusive se manifestant de façon durable, répétitive ou systématique par des comportements, des paroles, des actes, des gestes et des écrits qui sont intentionnels et qui portent atteinte à la personnalité, la dignité ou l’intégrité physique ou psychique d’une personne. »
4 L’article 44, deuxième alinéa, du statut dispose :
« Le fonctionnaire nommé chef d’unité, directeur ou directeur général dans le même grade, bénéficie, pour autant qu’il se soit acquitté de ses nouvelles fonctions d’une manière satisfaisante durant les neuf premiers mois, d’un avancement d’échelon dans ce grade avec effet à la date de sa nomination. Cet avancement entraîne une augmentation du traitement mensuel de base égale au pourcentage de progression du premier au deuxième échelon de chaque grade. […] »
Faits à l’origine du litige
5 La requérante a été nommée fonctionnaire au Parlement le 1er juillet 1984. En janvier 2003, elle est devenue chef d’un service relevant de la DG du personnel. À compter du 1er septembre 2005, ce service a été transformé en une unité de la même direction générale et la requérante a été nommée chef de cette unité, dans un domaine qui est devenu son domaine de spécialisation. Au moment de l’introduction du présent recours elle était classée au grade AD 14.
6 Le 20 décembre 2010, la requérante a envoyé un courriel, accompagné d’une note et d’annexes (ci-après la « note du 20 décembre 2010 »), au secrétaire général du Parlement, en invoquant l’article 21 du statut. Dans ce courriel, la requérante indiquait soulever des sujets en rapport avec les articles 1er quinquies du statut et 12 bis du statut, les principes et les objectifs de la politique d’égalité décidée par le bureau du Parlement et le principe de bonne administration. Dans la note du 20 décembre 2010, elle affirmait notamment que, faute pour son supérieur hiérarchique de l’écouter, elle souhaitait discuter avec le secrétaire général des difficultés rencontrées sur son lieu de travail, de l’attitude de son supérieur hiérarchique et de la réduction des ressources de son unité. Dans un des passages de la note précitée, la requérante indiquait que, à son avis, « [t]oute personne familiarisée avec le sujet pourrait voir, dans [l]es actes et attitudes [décrits dans la note], des éléments constitutifs de harcèlement ».
7 Du 1er janvier au 28 février 2011, la requérante a été en congé parental et, du 1er mars au 15 décembre 2011, elle a été en congé de maladie, congé qu’elle a en partie passé hors de son lieu d’affectation pour un total de 51 jours calendaires, après y avoir été autorisée par l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») du Parlement, en vertu de l’article 60 du statut.
8 Le secrétaire général du Parlement a répondu à la note du 20 décembre 2010 le 13 mai 2011, alors que la requérante était en congé de maladie. Dans sa réponse, il affirmait notamment ne pas avoir traité cette note comme une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, ni comme une réclamation au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut, ni non plus comme une demande d’assistance au sens de l’article 24 du statut. Le secrétaire général ajoutait que, au cas où la requérante se plaindrait de harcèlement, elle devrait saisir le comité consultatif sur la prévention du harcèlement au travail (ci-après le « comité consultatif sur le harcèlement »).
9 Par une lettre du 19 octobre 2011, le secrétaire général du Parlement a rappelé à la requérante qu’elle était soumise à mobilité depuis 2010 et lui a proposé à ce titre une réaffectation à la DG de la traduction pour remplir les fonctions de conseiller, en tant que coordinatrice dans son domaine de spécialisation pour l’ensemble de la DG de la traduction, fonctions rattachées au directeur de la direction des ressources de cette direction générale, lequel devait être nommé prochainement par le bureau du Parlement (ci-après la « proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité »).
10 Le 21 novembre 2011, la requérante a décliné la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité au motif que son travail et son rôle en tant que chef d’unité ayant été systématiquement dévalorisés et sapés par le directeur général du personnel, son supérieur hiérarchique, elle considérait ses activités professionnelles dans son domaine de spécialisation au sein du secrétariat général de l’institution comme un « chapitre clos » de sa vie professionnelle. Après avoir rappelé qu’elle était en congé de maladie depuis le 1er mars 2011 et mentionné qu’une reprise du travail était désormais envisageable, elle a proposé au secrétaire général la solution d’un détachement auprès d’une autre institution ou d’un autre organisme de l’Union européenne et lui a demandé de se prononcer en faveur de cette solution (ci-après la « demande de détachement »).
11 La demande de détachement de la requérante a été rejetée par le secrétaire général du Parlement, par lettre du 4 janvier 2012, au motif, notamment, que le Parlement ne pouvait pas de sa propre initiative proposer à une autre institution de recruter un membre de son personnel et que la demande de détachement devait être présentée par ladite institution au Parlement. Dans cette même lettre, le secrétaire général du Parlement a invité la requérante à faire preuve de proactivité en se portant candidate à des postes vacants, tant au Parlement que dans d’autres institutions, sur lesquels elle pourrait être mutée ou transférée. Par la même occasion, le secrétaire général l’a informée de son intention de proposer à l’AIPN de l’affecter provisoirement au poste de conseiller auprès du directeur de la direction des ressources de la DG du personnel, dans l’attente des résultats des candidatures de la requérante à des emplois vacants (ci-après la « proposition de réaffectation provisoire »), en ajoutant qu’« [u]ne autre affectation pourrait le cas échéant être envisagée à [son] retour de congé en janvier 2012 en fonction des disponibilités qui exister[aie]nt à ce moment ».
12 Le 6 janvier 2012, la requérante a adressé une lettre au président du Parlement, en sa qualité d’AIPN, en lui demandant de ne pas donner suite à la proposition de réaffectation provisoire et de lui proposer, avant le 16 janvier 2012, date prévue de sa reprise du travail, une autre affectation, même provisoire, en tant que chef d’unité et en dehors de la DG du personnel.
13 Dans cette lettre, la requérante expliquait que son congé de maladie de mars à décembre 2011 aurait été provoqué par une situation de harcèlement moral de la part de sa hiérarchie qui existait depuis mars 2009, situation dont le service de la gestion des absences médicales et le médecin-conseil du Parlement auraient été informés par son médecin traitant par un rapport médical du 30 septembre 2011. Pour cette raison, elle déclarait ne pas pouvoir accepter d’être replacée dans le même environnement de travail, à savoir la DG du personnel, et demandait une affectation correspondant à ses anciennes responsabilités de chef d’unité. Dans la lettre précitée, la requérante invitait l’AIPN à « prendre toute mesure urgente appropriée pour que la situation de harcèlement qu[’elle avait] subie au sein de la DG du [p]ersonnel ne puisse persister ou réapparaître ».
14 Le 12 janvier 2012, la requérante a rencontré le médecin-conseil du Parlement et lui a remis un nouveau rapport médical de son médecin traitant, du 6 janvier 2012, d’après lequel un retour dans la même direction générale serait associé à un risque de rechute de son état de santé.
15 À la fin de son congé de maladie, le 15 décembre 2011, suivi de son congé annuel jusqu’au 15 janvier 2012, la requérante a repris le travail le 16 janvier 2012, sur base d’un travail à mi-temps pour raisons médicales.
16 Par décision du président du Parlement en tant qu’AIPN, du 16 janvier 2012, il a été mis fin aux fonctions de chef d’unité au sein de la DG du personnel de la requérante et celle-ci a été réaffectée dans l’intérêt du service, avec effet au 1er janvier 2012, comme conseiller à la même direction générale, avec perte de la majoration de traitement liée aux fonctions de chef d’unité (ci-après la « décision attaquée »).
17 Par courriel du 23 janvier 2012, la requérante a saisi le comité consultatif sur le harcèlement par la formule suivante : « Je saisis le comité car j’estime être confrontée à une situation qui relève [du] harcèlement moral, tel que défini à l’article 12 bis du statut et à l’article 4 des règles internes du comité. Je me tiens à la disposition du comité pour illustrer cette situation, dans les délais prévus à l’article 11 des règles internes. » Dans un courriel précédent, du 16 janvier 2012, au président dudit comité, elle avait indiqué être joignable par téléphone à son bureau tous les matins, sauf les vendredis 20 et 27 janvier 2012.
18 Le 15 février 2012, la requérante a introduit une réclamation à l’encontre de la décision attaquée. Le 28 février 2012, le lendemain de l’introduction du présent recours, la requérante a introduit une demande de sursis à l’exécution de cette décision, dont elle s’est désistée par la suite.
19 Le 26 mars 2012, la requérante a communiqué au Tribunal la copie de la décision de l’AIPN, du 20 mars 2012, par laquelle elle a été réaffectée dans l’intérêt du service en tant que conseiller auprès du service « Système de management environnemental et d’audit » de l’unité de coordination générale des ressources de la DG des infrastructures et de la logistique, avec effet au 15 mars 2012. Cette décision fait l’objet d’un recours enregistré au greffe du Tribunal le 21 décembre 2012 sous la référence F‑157/12.
20 Le 10 avril 2012, le président du comité consultatif sur le harcèlement a envoyé un courriel à la requérante dont la teneur était la suivante :
« Suite à nos contacts par [courriel] et téléphone, merci de bien vouloir m’indiquer quelques dates auxquelles tu serais disponible pour rencontrer le [c]omité. Tu peux également me joindre, soit au bureau […] ou sur mon [GSM] […] en vue de préparer cette réunion. »
21 Le 15 juin 2012, l’AIPN a rejeté la réclamation dirigée contre la décision attaquée.
Conclusions des parties
22 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler la décision attaquée ;
– reconnaître le préjudice qu’elle a subi tant du point de vue de sa santé, de sa dignité, de sa réputation professionnelle et de la rupture d’égalité des chances, du fait des agissements de harcèlement et de mauvaise administration qui ont continué même pendant et après son congé de maladie de longue durée et dont la décision attaquée participe ;
– lui octroyer en réparation du préjudice susvisé des dommages et intérêts d’un montant évalué ex aequo et bono à la somme de 50 000 euros ;
– condamner la partie défenderesse aux dépens.
23 Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours en annulation comme non fondé ;
– rejeter la demande de dommages et intérêts comme non fondée ou à tout le moins prématurée ;
– condamner la requérante aux dépens.
Sur les conclusions en annulation
24 À l’appui de ses conclusions en annulation de la décision attaquée, la requérante soulève quatre moyens, respectivement tirés de la violation de l’obligation d’assistance et du devoir de sollicitude, de la violation du principe de la vocation du fonctionnaire à faire carrière sans impact négatif sur son grade et sa rémunération, de la violation des règles internes adoptées par le Parlement en matière de mobilité (ci-après la « réglementation sur la mobilité ») et de la violation du principe d’égalité de traitement.
Sur le premier moyen, tiré de la violation de l’obligation d’assistance et du devoir de sollicitude
Arguments des parties
25 La requérante reproche au secrétaire général du Parlement, en premier lieu, de n’avoir répondu, en méconnaissance du devoir de sollicitude de l’administration, que le 13 mai 2011 à la note du 20 décembre 2010 transmise par courriel du même jour. Elle lui reproche également sa passivité alors que, dans la lettre du 21 novembre 2011 qu’elle lui avait adressée, elle lui avait exposé la situation de harcèlement moral subie depuis mars 2009 et qui l’aurait contrainte à être en congé de maladie du 1er mars au 15 décembre 2011.
26 Comme deuxième grief, la requérante soutient que le Parlement aurait dû, en vertu de son obligation d’assistance et de son devoir de sollicitude, prendre des mesures d’éloignement afin de la protéger d’une nouvelle exposition à la situation de harcèlement. En effet, selon la requérante, le service médical de l’institution avait été informé de sa situation dès janvier 2011 et avait été destinataire d’un rapport médical de son médecin traitant, daté du 30 septembre 2011. Elle a également rencontré le médecin-conseil de l’institution le 12 janvier 2012 pour lui remettre un autre certificat médical attestant de sa situation, daté du 6 janvier 2012. En outre, dans sa lettre du 6 janvier 2012, elle avait demandé à l’AIPN l’adoption de mesures d’urgence pour éviter toute dégradation de son état de santé en cas de réaffectation sur son ancien lieu de travail.
27 Par son troisième grief, la requérante fait valoir que le Parlement a fait preuve de suspicion et de manque de compréhension permanents à son égard et donne comme exemple les problèmes qu’elle a eus pour obtenir l’autorisation de passer une partie de son congé de maladie en dehors du Luxembourg et le refus d’accepter son certificat médical d’arrêt de travail pour la période allant du 1er au 7 septembre 2011.
28 En quatrième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée n’a pas été adoptée dans l’intérêt du service dans la mesure où, en la contraignant à être de nouveau en congé de maladie, elle a privé l’institution d’une de ses fonctionnaires méritantes, dont l’expérience comme chef d’unité ne pouvait qu’être valorisée dans le cadre d’autres fonctions dans une autre direction générale.
29 En cinquième lieu, la requérante fait grief au comité consultatif sur le harcèlement de son défaut de réponse dans le délai de dix jours ouvrables à partir de la date de la saisine, à savoir le 23 janvier 2012.
30 Le Parlement conclut, à titre principal, à l’irrecevabilité du moyen, dans la mesure où la requérante ne démontre pas avoir intérêt à l’annulation de la décision attaquée au regard de l’existence d’une prétendue situation de harcèlement. En effet, l’annulation de ladite décision ne serait pas susceptible de procurer un bénéfice à la requérante en relation avec la situation dont elle se plaint, ce pourquoi la décision ne saurait être considérée comme un acte faisant grief. À titre subsidiaire, le Parlement conclut à l’inexistence de harcèlement et au rejet du moyen, car non fondé.
Appréciation du Tribunal
31 En ce qui concerne l’irrecevabilité du moyen soulevée par le Parlement, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le juge est en droit d’apprécier, suivant les circonstances de chaque espèce, si une bonne administration de la justice justifie de rejeter au fond des conclusions, voire des moyens, sans statuer préalablement sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la partie défenderesse (voir, en ce sens, arrêts Bordini/Commission, F‑134/06, EU:F:2008:40, point 56, et Kay/Commission, F‑113/05, EU:F:2010:132, point 31, et la jurisprudence citée).
32 Dans les circonstances de l’espèce et dans un souci d’économie de procédure, il y a lieu d’examiner d’emblée le moyen au fond, sans statuer préalablement sur la fin de non-recevoir soulevée par le Parlement, le moyen en annulation étant, en tout état de cause et pour les motifs exposés ci-après, dépourvu de fondement.
33 En ce qui concerne l’examen du moyen au fond, il y a lieu de rappeler que la notion de devoir de sollicitude de l’administration, telle que développée par la jurisprudence, reflète l’équilibre des droits et des obligations réciproques que le statut a créé dans les relations entre l’administration et les agents du service public. Cet équilibre implique notamment que, lorsqu’elle statue à propos de la situation d’un fonctionnaire, l’administration prenne en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et que, ce faisant, elle tienne compte non seulement de l’intérêt du service, mais aussi de celui du fonctionnaire concerné (arrêt Esders/Commission, F‑62/10, EU:F:2011:141, point 79, et la jurisprudence citée).
34 Les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un fonctionnaire dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée. En pareille hypothèse, l’administration doit examiner les demandes de celui-ci dans un esprit d’ouverture particulier (arrêt Esders/Commission, EU:F:2011:141, point 80, et la jurisprudence citée).
35 Par ailleurs, il incombe de façon générale au service médical d’une institution, particulièrement lorsque son attention est attirée, soit par le fonctionnaire concerné lui-même, soit par l’administration, sur les conséquences prétendument néfastes que pourrait avoir une décision administrative pour la santé de la personne à laquelle elle est adressée, de vérifier la réalité et l’étendue des risques invoqués et d’informer l’AIPN du résultat de son examen (arrêt Esders/Commission, EU:F:2011:141, point 82).
36 En ce qui concerne le premier grief, il y a lieu de constater, au vu du libellé de la note du 20 décembre 2010, que le secrétaire général du Parlement a été saisi au titre de l’article 21 du statut. Dans la note du 20 décembre 2010, l’article 24 du statut, base juridique de toute demande d’assistance de la part du personnel, n’est même pas mentionné. Dans ces conditions, le grief de la requérante, qui reproche au secrétaire général du Parlement d’avoir répondu tardivement à la demande d’assistance qu’elle aurait introduite le 20 décembre 2010, manque en fait.
37 En ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel le Parlement n’aurait pas donné suite à sa lettre du 21 novembre 2011, le Tribunal constate que dans cette lettre elle se plaint de son environnement de travail depuis 2009 pour justifier son refus d’accepter la proposition d’affectation dans le cadre de la mobilité et que la seule demande de la requérante au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut formulée dans cette lettre est la demande de détachement, à laquelle il a été répondu le 4 janvier 2012. Il s’ensuit que ce grief manque également en fait.
38 Pour ce qui est du deuxième grief, il convient de relever, en premier lieu, que, dans un certificat médical du 18 mai 2011, le médecin traitant de la requérante affirme qu’elle aurait besoin d’une nouvelle affectation et que, dans le certificat médical du 30 septembre 2011 qu’elle aurait adressé au médecin-conseil du Parlement, le même médecin traitant indique que les symptômes de la requérante s’expliqueraient par sa situation au travail et sa relation difficile avec son supérieur hiérarchique et recommande un changement de poste l’écartant de sa direction générale. Il doit également être relevé, en deuxième lieu, que la requérante a été en congé de maladie du 1er mars au 15 décembre 2011 et, à nouveau, à partir du 30 janvier 2012, et, en troisième lieu, qu’en décembre 2010 elle a fait état au secrétaire général du Parlement des difficultés rencontrées sur son lieu de travail du fait de l’attitude de son supérieur hiérarchique. Selon le certificat médical du même médecin traitant, du 6 janvier 2012, que la requérante a remis le 12 janvier suivant au médecin-conseil du Parlement, l’état de santé de la requérante lui permettrait de reprendre une activité professionnelle, mais un retour dans la même direction générale serait associé, à son avis, à un risque de rechute en ce qui concerne sa santé.
39 Or, il est constant, d’une part, que le secrétaire général du Parlement a indiqué à la requérante, dans sa lettre du 13 mai 2011 en réponse à la note du 20 décembre 2010, que, dans le cas où elle se plaindrait de harcèlement, elle devait saisir le comité consultatif sur le harcèlement et qu’il l’a informée sur la procédure à suivre si, par sa note du 20 décembre 2010, elle avait cherché à introduire une demande ou une réclamation.
40 En ce qui concerne l’entretien que la requérante aurait eu avec le médecin-conseil de l’institution en janvier 2011, le Tribunal constate que la seule pièce à l’appui qui figure dans le dossier est un courriel de la requérante, du 13 janvier 2011, annexé à la requête, avec pour objet « rendez-vous médical ». Dans ces conditions, la requérante reste en défaut de prouver qu’elle a demandé audit médecin-conseil de contacter l’administration afin d’être soustraite rapidement à son environnement de travail. En effet, le médecin-conseil de l’institution étant tenu par le secret médical à l’égard de l’administration en ce qui concerne ses communications avec un membre du personnel ainsi qu’en ce qui concerne le contenu des certificats médicaux qu’il reçoit, il n’est pas censé prendre l’initiative de divulguer ces informations à l’administration.
41 Il est également constant, d’autre part, que, par sa lettre du 19 octobre 2011, le secrétaire général du Parlement a réagi à la situation dont se plaignait la requérante en lui soumettant la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité et, le 4 janvier 2012, la proposition de réaffectation provisoire, cette dernière proposition ayant abouti à l’adoption par l’AIPN de la décision attaquée, et que la requérante a décliné la première proposition, s’est opposée à la seconde par un courriel à l’AIPN, du 6 janvier 2012, et a contesté la décision attaquée par une réclamation.
42 Même si les propositions du secrétaire général du Parlement ainsi que la décision attaquée n’ont pas été acceptées par la requérante, ceci ne signifie pas pour autant qu’elles ne constituaient pas, de la part de l’institution, des mesures d’éloignement permettant de la soustraire à la dépendance hiérarchique du harceleur présumé. Il s’ensuit que le deuxième grief manque en fait.
43 S’agissant du troisième grief, il suffit de constater, d’abord, que, pour la période de congé de maladie allant du 1er mars au 15 décembre 2011, la requérante a été autorisée, à plusieurs reprises, à passer ledit congé, pour un total de 51 jours calendaires, en dehors du Luxembourg, son lieu d’affectation ; ensuite, que, le certificat médical, certes daté du 24 août 2011 et lui prescrivant un arrêt de travail pour la période allant du 1er au 30 septembre 2011, mais ayant été envoyé à l’administration par un moyen de transmission non prévu par les règles internes relatives aux contrôles des absences au travail et n’étant parvenu à destination que le 7 septembre 2011, c’est à bon droit que, à défaut de justification valable de son envoi tardif, le certificat médical d’arrêt de travail a été pris en compte uniquement à partir de la date de réception.
44 L’obligation d’assistance et le devoir de sollicitude d’une institution à l’égard de son personnel n’allant pas jusqu’à imposer à l’administration de passer outre à ses propres règles internes, c’est à tort que la requérante soulève le troisième grief.
45 En ce qui concerne le quatrième grief, il y a lieu d’observer, à titre liminaire, que même si la décision attaquée se présente, dans la mesure où elle se fonde notamment sur l’article 7, paragraphe 1, du statut, comme une décision portant mutation de la requérante, dans l’intérêt du service, du poste de chef d’unité qu’elle avait occupé pendant plus de sept ans à un poste de conseiller à la direction des ressources de la DG du personnel, elle doit s’analyser comme une mesure de réaffectation, puisque la requérante n’a pas été transférée sur un emploi vacant en application des articles 4 et 29 du statut.
46 En effet, il résulte du système du statut qu’il n’y a lieu à mutation, au sens propre du terme, qu’en cas de transfert d’un fonctionnaire à un emploi vacant. Il en découle que toute mutation proprement dite est soumise aux formalités prévues par les articles 4 et 29 du statut. En revanche, ces formalités ne sont pas applicables en cas de réaffectation du fonctionnaire, en raison du fait qu’un tel transfert ne donne pas lieu à une vacance d’emploi (arrêt Clotuche/Commission, T‑339/03, EU:T:2007:36, point 31).
47 Selon la jurisprudence, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en considération de leurs aptitudes et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions. Dès lors, même si le statut, en particulier son article 7, ne prévoit pas explicitement la possibilité de « réaffecter » un fonctionnaire, il ressort d’une jurisprudence constante que les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont confiées et dans l’affectation, en vue de celles-ci, du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition, cependant, d’une part, que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et, d’autre part, qu’elle respecte l’équivalence des emplois (arrêt de Albuquerque/Commission, F‑55/06, EU:F:2007:15, point 55, et la jurisprudence citée).
48 Il s’ensuit que, dans la pratique, les décisions de réaffectation sont soumises, au même titre que les mutations, en ce qui concerne la sauvegarde des droits et des intérêts légitimes du fonctionnaire intéressé, aux règles de l’article 7, paragraphe 1, du statut.
49 En l’espèce, il convient dès lors d’examiner si la décision attaquée satisfait aux deux conditions, reprises au point 47 du présent arrêt, de l’intérêt du service et de l’équivalence des emplois, dans la mesure où la requérante n’a pas été nommée chef d’unité dans une autre direction générale.
50 Il convient de rappeler, tout d’abord, que la notion d’intérêt du service au sens de l’article 7, paragraphe 1, du statut, telle qu’elle a été précisée par la jurisprudence, se rapporte au bon fonctionnement de l’institution en général et, en particulier, aux exigences spécifiques du poste à pourvoir (arrêt BP/FRA, F‑38/12, EU:F:2013:138, point 140, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑658/13 P).
51 Or, conformément à une jurisprudence constante, une réaffectation dans l’intérêt du service n’exclut pas que l’AIPN tienne compte des souhaits personnels des intéressés, notamment afin de leur permettre de surmonter leurs difficultés personnelles (voir, en ce sens, arrêt Verhaaf/Commission, 140/77, EU:C:1978:197, points 11 et 12). Dans la mesure où le rendement de tout fonctionnaire dépend de son épanouissement personnel et en vertu du devoir de sollicitude de l’Union envers ses fonctionnaires, il est évident que l’intérêt du service implique nécessairement la prise en considération des problèmes personnels invoqués par les fonctionnaires (arrêt Ridolfi/Commission, F‑3/09, EU:F:2009:162, point 47).
52 En ce qui concerne la question de savoir si la réaffectation de la requérante s’est effectuée dans l’intérêt du service, il y a lieu de constater, en premier lieu, qu’il ressort du dossier que la requérante faisait partie du personnel du secrétariat général du Parlement soumis à mobilité ; que le 1er mars 2011 la requérante avait débuté un congé de maladie de longue durée et que, dans sa note de décembre 2010, elle avait fait état de tensions avec sa hiérarchie. C’est dans ces circonstances, afin de lui permettre de reprendre le travail dans un environnement professionnel différent, qu’est intervenue la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité, proposition que la requérante a déclinée.
53 En deuxième lieu, c’est au vu du refus de la requérante d’occuper le poste qui faisait l’objet de la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité qu’est intervenue la proposition de réaffectation provisoire, accompagnée de l’engagement, au conditionnel, qu’« [u]ne autre affectation pourrait le cas échéant être envisagée à [son] retour de congé en janvier 2012 en fonction des disponibilités qui exister[aie]nt à ce moment ».
54 En troisième lieu, par sa lettre à l’AIPN du 6 janvier 2012, la requérante lui a demandé, notamment, de ne pas donner suite à la proposition de réaffectation provisoire, compte tenu de la situation de harcèlement moral qu’elle aurait vécue au sein de la DG du personnel, laquelle aurait conduit à la détérioration de son état de santé, et de lui proposer, avant le 16 janvier 2012, date prévue de sa reprise du travail, une autre affectation correspondant à ses anciennes responsabilités de chef d’unité.
55 C’est dans le contexte qui vient d’être décrit qu’est intervenue la décision attaquée, par laquelle l’AIPN a donné suite à la proposition de réaffectation provisoire. Dans la mesure où la décision attaquée, lue ensemble avec la lettre du secrétaire général du 4 janvier 2012 portant proposition de réaffectation provisoire, premièrement, tient compte des souhaits exprimés par la requérante dans sa lettre au secrétaire général du Parlement du 21 novembre 2011 de ne plus travailler dans son domaine de spécialisation ; deuxièmement, réaffecte la requérante comme conseiller à la DG du personnel, mais sans lien hiérarchique direct avec le présumé harceleur et auprès d’un directeur qui venait d’être nommé à la DG du personnel en provenance d’une autre direction générale et à l’égard duquel la requérante n’avait pas proféré d’accusations de harcèlement ; troisièmement, stipule que l’affectation est provisoire et qu’elle sera revue en fonction des résultats des démarches de la requérante visant à être nommée à un autre poste et, quatrièmement, envisage la possibilité d’une autre affectation au retour de la requérante au travail en fonction des disponibilités à cette date, il y a lieu de conclure que, lors de l’appréciation de l’intérêt du service, le Parlement a pris en considération les problèmes personnels invoqués par la requérante.
56 Il s’ensuit que la décision attaquée a été adoptée dans l’intérêt du service, selon l’interprétation découlant de la jurisprudence reprise au point 51 du présent arrêt.
57 En ce qui concerne la question de savoir si la décision attaquée a respecté l’équivalence des emplois, seconde des deux conditions reprises au point 47 du présent arrêt, il y a lieu de rappeler la jurisprudence constante selon laquelle, en cas de modification des fonctions attribuées à un fonctionnaire, la règle de correspondance entre le grade et l’emploi, énoncée en particulier à l’article 7 du statut, implique une comparaison entre le grade et les fonctions actuels du fonctionnaire et non pas une comparaison entre ses fonctions actuelles et ses fonctions antérieures (arrêt Bermejo Garde/CESE, F‑41/10, EU:F:2012:135, point 162, et la jurisprudence citée, faisant l’objet d’un pourvoi pendant devant le Tribunal de l’Union européenne, affaire T‑530/12 P).
58 Dès lors, la règle de correspondance entre le grade et l’emploi ne s’oppose pas à ce qu’une décision entraîne l’attribution de nouvelles fonctions qui, si elles diffèrent de celles précédemment exercées et sont perçues par l’intéressé comme comportant une réduction de ses attributions, sont néanmoins conformes à l’emploi correspondant à son grade. Ainsi, une diminution effective des attributions d’un fonctionnaire n’enfreint la règle de correspondance entre le grade et l’emploi que si ses nouvelles attributions sont, dans leur ensemble, nettement en deçà de celles correspondant à ses grade et emploi, compte tenu de leur nature, de leur importance et de leur ampleur (arrêt Bermejo Garde/CESE, EU:F:2012:135, point 163).
59 En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que la requérante a été réaffectée d’un poste de chef d’unité au sein de la DG du personnel à un poste de conseiller à la direction des ressources au sein de la même direction générale, tout en conservant son grade AD 14. Par conséquent, la correspondance entre le grade et l’emploi a été respectée, dans la mesure où, tel que cela ressort du tableau descriptif des emplois types figurant à l’annexe I, point A, du statut, le grade AD 14 correspond à un « [a]dministrateur exerçant par exemple la fonction de […] [d]irecteur[, de] chef d’unité [ou de] conseiller ».
60 La décision attaquée ayant été adoptée dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence entre le grade et l’emploi, il y lieu de rejeter le quatrième grief.
61 En ce qui concerne le cinquième grief, il suffit de constater que, la requérante ayant saisi le comité consultatif sur le harcèlement le 23 janvier 2012, la suite que ce comité a donnée à la saisine n’a pas pu influencer la décision attaquée, qui avait été adoptée le 15 janvier 2012.
62 Il s’ensuit que le cinquième grief est inopérant.
63 Aucun des griefs soulevés par la requérante dans le cadre du premier moyen n’ayant été accueilli, il convient de rejeter le premier moyen dans son ensemble.
Sur le deuxième moyen, fondé sur la violation du principe de la vocation du fonctionnaire à faire carrière sans impact négatif sur son grade et sa rémunération
Arguments des parties
64 La requérante soutient que la décision attaquée a été adoptée en application de la règlementation sur la mobilité, telle qu’adoptée par décision du bureau du Parlement du 29 mars 2004 portant règlement relatif à la politique de mobilité. Ladite réglementation étant censée participer à l’avancement de carrière des fonctionnaires qui y sont soumis, sa mise en œuvre ne saurait avoir des conséquences négatives sur la rémunération du personnel. Or, la décision attaquée a eu pour effet que la majoration de traitement liée aux fonctions de chef d’unité (ci-après la « majoration de traitement ») lui a été retirée à partir du 1er janvier 2012. À l’appui de sa thèse, la requérante cite l’arrêt du Tribunal Da Silva/Commission (F‑21/06, EU:F:2007:116).
65 Le Parlement est d’avis que ce moyen est fondé sur une prémisse erronée et que la présentation de la jurisprudence est spécieuse. Il conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.
Appréciation du Tribunal
66 Ce moyen ne saurait prospérer, car il repose sur une lecture erronée ainsi que sur une mauvaise compréhension de la décision attaquée de la part de la requérante.
67 En ce qui concerne la base légale de la décision attaquée, il ressort de son premier visa qu’elle a bien été adoptée sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, du statut.
68 Il est vrai que, la requérante étant restée sur le même poste plus de sept ans, l’article 4, paragraphe 3, de la règlementation sur la mobilité, qui dispose qu’à l’issue d’une période de sept années d’affectation sur un même emploi le fonctionnaire est réaffecté par décision de l’AIPN, dans l’intérêt du service, conformément à l’article 7 du statut, après consultation du comité paritaire de mobilité, lui était applicable.
69 Il n’en demeure pas moins que la décision attaquée, premièrement, ne mentionne pas la règlementation sur la mobilité. Deuxièmement, elle n’indique pas que le comité paritaire de mobilité ait été consulté et, troisièmement, elle se réfère expressément, dans son troisième visa, à la lettre que le secrétaire général du Parlement avait envoyée à la requérante le 4 janvier 2012 et dont il a été dit au point 55 du présent arrêt qu’elle devait être lue ensemble avec la décision attaquée. Cette lettre contenait la proposition de réaffectation provisoire et stipulait que la proposition serait revue en fonction des résultats des démarches de la requérante pour être nommée à un autre poste, sans compter la possibilité éventuelle d’une autre affectation lors de la reprise du travail par la requérante, en fonction des disponibilités à cette date.
70 Par conséquent, la décision attaquée n’a pas été adoptée en application de la règlementation sur la mobilité.
71 La requérante ayant conservé le grade qu’elle détenait, il reste à examiner l’éventuel impact négatif que la décision attaquée a eu sur sa rémunération.
72 Le Tribunal constate, à cet égard, que c’est par application de l’article 44, paragraphe 2, du statut que le fonctionnaire nommé chef d’unité, directeur ou directeur général dans le même grade bénéficie d’un avancement d’échelon dans ce grade avec effet à la date de sa nomination. Cette disposition montre que la majoration de traitement est versée au fonctionnaire en raison de l’exercice de fonctions de gestionnaire et qu’elle est liée à l’exercice de telles fonctions. Dans la mesure où, comme en l’espèce, le fonctionnaire cesse d’exercer de telles fonctions pour en exercer d’autres qui ne comportent pas de responsabilités de gestion, le droit à la majoration de traitement s’éteint.
73 La requérante ayant été réaffectée à partir du 1er janvier 2012 à un poste de conseiller qui ne comporte pas de responsabilités de gestionnaire, c’est à bon droit que l’article 2 de la décision attaquée dispose que la majoration de traitement ne sera plus appliquée.
74 Il y a lieu d’ajouter encore que l’arrêt cité par la requérante à l’appui de sa thèse manque de pertinence. En effet, dans l’arrêt Da Silva/Commission (EU:F:2007:116), s’il est vrai que le Tribunal a conclu que le requérant avait un intérêt légitime à ce que sa rémunération ne soit pas abaissée, il n’en demeure pas moins que cette affirmation a été faite dans un contexte dans lequel le requérant, qui avait été nommé à un emploi supérieur en reconnaissance de ses mérites personnels, s’est vu octroyer un classement en grade et en échelon inférieur à ceux qu’il détenait avant sa nomination. Les circonstances de fait de la présente affaire et celles de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Da Silva/Commission (EU:F:2007:116) n’étant pas semblables, la requérante ne saurait reprocher au Parlement la méconnaissance à son égard du principe selon lequel tout fonctionnaire a vocation à faire carrière au sein de son institution.
75 Par conséquent, le deuxième moyen doit être rejeté.
Sur le troisième moyen, déduit de la violation de la réglementation sur la mobilité
Arguments des parties
76 La requérante insiste sur le fait que, la décision attaquée se référant explicitement, en son troisième visa, à la lettre que le secrétaire général du Parlement lui a adressée le 4 janvier 2012, laquelle était relative à l’exercice de mobilité auquel elle était soumise, ladite décision a été prise en application de la règlementation sur la mobilité.
77 Le Parlement soutient que ce moyen est à rejeter.
Appréciation du Tribunal
78 Il y a lieu de constater que ce moyen est, à l’instar des deux précédents, voué à l’échec, car, tel que l’indique à juste titre le Parlement, il est fondé sur une lecture erronée par la requérante de la lettre du secrétaire général du Parlement du 4 janvier 2012.
79 En effet, s’il est vrai que la décision attaquée mentionne dans ses visas la lettre envoyée à la requérante par le secrétaire général du Parlement le 4 janvier 2012 et que, au premier alinéa de ladite lettre, le secrétaire général du Parlement fait référence à la mobilité, ce n’est que dans le but de rappeler à la requérante que, par lettre du 21 novembre 2011, elle l’avait informé de sa décision de décliner la proposition de réaffectation dans le cadre de la mobilité.
80 Il ressort donc du libellé même de la lettre du 4 janvier 2012 envoyée par le secrétaire général du Parlement à la requérante que le troisième moyen manque en fait et doit, pour cette raison, être rejeté.
Sur le quatrième moyen, tiré de la violation du principe d’égalité de traitement
Arguments des parties
81 La requérante indique être le seul chef d’unité, parmi les chefs d’unité soumis à l’exercice de mobilité au 1er janvier 2012, à n’avoir pas été nommé sur un autre poste de chef d’unité et que les fonctions de conseiller ne comportent pas de responsabilités d’encadrement ou de management. Elle ajoute que le poste de conseiller qui lui a été initialement proposé auprès du directeur des ressources de la DG de la traduction n’existait pas et qu’il a été créé spécialement pour elle. L’exactitude de cette affirmation ressortirait du fait que, suite à son refus, personne n’a été affecté à cette fonction.
82 La requérante ajoute que les fonctions de conseiller auprès d’un directeur sont généralement assurées par des administrateurs en début de carrière, à partir du grade AD 5. De l’avis de la requérante, la décision attaquée semblerait aussi être en contradiction flagrante avec la politique et les objectifs adoptés par le bureau du Parlement en matière d’égalité des genres au sein du secrétariat général, notamment avec les actions visant à promouvoir la nomination de femmes aux postes d’encadrement, surtout aux postes d’encadrement intermédiaire, afin de réduire l’écart entre genres à ce niveau, les femmes ne représentant qu’environ 25 % des chefs d’unité au sein du secrétariat général.
83 Le Parlement fait valoir notamment que la présentation que la requérante fait de la fonction de conseiller est grossièrement dénaturée et sans pertinence au vu du tableau descriptif des emplois types figurant à l’annexe I, point A, du statut et conclut au rejet du moyen comme non fondé.
Appréciation du Tribunal
84 Il convient de rappeler, à cet égard, que, selon l’article 1er quinquies, paragraphe 5, du statut, si un fonctionnaire, qui se prétend victime d’une discrimination, établit des faits qui permettent de présumer l’existence de celle-ci, c’est à l’administration de démontrer qu’il n’y a pas eu violation du principe d’égalité de traitement.
85 S’agissant de la prétendue violation du principe d’égalité de traitement, le Tribunal constate que, même si la requérante se limite à de simples affirmations sans apporter de preuve à l’appui de ces affirmations, le Parlement n’a pas contesté qu’elle a été le seul chef d’unité parmi les chefs d’unité soumis à l’exercice de mobilité au 1er janvier 2012 à ne pas avoir été nommé sur un autre poste de chef d’unité lors de l’exercice de mobilité en cause.
86 Ceci ne signifie pas pour autant qu’il y a eu violation du principe d’égalité de traitement de la part du Parlement à l’égard de la requérante, car, tel qu’il ressort de la jurisprudence, si le statut vise à garantir aux fonctionnaires le grade obtenu ainsi qu’un emploi correspondant à ce grade, le statut n’accorde aux fonctionnaires aucun droit à un emploi déterminé, mais laisse au contraire à l’AIPN la compétence d’affecter les fonctionnaires, dans l’intérêt du service, aux différents emplois correspondant à leur grade. Par ailleurs, s’il est vrai que l’administration a tout intérêt à affecter les fonctionnaires en fonction de leurs aptitudes spécifiques et de leurs préférences personnelles, il ne saurait être reconnu pour autant aux fonctionnaires le droit d’exercer ou de conserver des fonctions spécifiques ou de refuser toute autre fonction de leur emploi type (arrêt Bermejo Garde/CESE, EU:F:2012:135, point 164).
87 En ce qui concerne l’affirmation de la requérante selon laquelle les fonctions de conseiller sont généralement assurées par des administrateurs en début de carrière, il suffit de constater que la requérante reste en défaut de prouver que, en dépit du tableau descriptif des emplois types figurant à l’annexe I, point A, du statut, selon lequel la fonction de conseiller est en principe exercée par un fonctionnaire de grade AD 13 ou AD 14, le Parlement conférerait une telle fonction à des administrateurs à partir du grade AD 5. Faute, donc, ne serait-ce que d’un commencement de preuve à l’appui de ses affirmations, cet argument de la requérante manque en fait.
88 Par conséquent, le quatrième moyen est également à rejeter, sans qu’il soit nécessaire d’examiner si la décision attaquée, tel qu’exprimé dans la requête, « semble être aussi en contradiction flagrante avec la politique et les objectifs adoptés par le [b]ureau du Parlement […] en matière d’égalité des genres au [s]ecrétariat général », la requérante n’ayant pas considéré nécessaire d’indiquer au Tribunal où exactement résiderait une telle contradiction.
89 Aucun des quatre moyens soulevés à l’appui des conclusions en annulation n’ayant été déclaré fondé, lesdites conclusions doivent être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires
Arguments des parties
90 La requérante soutient que l’ensemble des violations de ses droits par le Parlement lui ont nécessairement causé un préjudice, et ce à plusieurs niveaux : santé, dignité, réputation professionnelle, rupture d’égalité des chances. Elle fait valoir qu’elle a subi un préjudice important découlant des conséquences graves de la situation de harcèlement sur sa santé, situation à laquelle la décision attaquée participe nécessairement.
91 Les conséquences négatives sur sa santé résultant de la situation de harcèlement vécue seraient établies par les certificats médicaux produits au dossier. Sa grave dépression a nécessité des soins qui ont un coût certain. La requérante aurait donc également subi un préjudice découlant des frais médicaux exposés. Elle sollicite la reconnaissance de son préjudice, dans toutes ses composantes, et l’allocation de dommages et intérêts dont elle estime le montant ex aequo et bono à la somme de 50 000 euros.
92 Le Parlement conclut au rejet de la demande en réparation comme non fondée ou à tout le moins prématurée.
Appréciation du Tribunal
93 Selon une jurisprudence constante, lorsque le préjudice dont un requérant se prévaut trouve son origine dans l’adoption d’une décision faisant l’objet de conclusions en annulation, le rejet de ces conclusions en annulation entraîne, par principe, le rejet des conclusions indemnitaires, ces dernières leur étant étroitement liées (arrêt Eklund/Commission, F‑57/11, EU:F:2012:145, point 106).
94 Les conclusions indemnitaires visant la réparation du préjudice qu’aurait causé sur la santé de la requérante la décision attaquée doivent donc être rejetées dans la mesure où les conclusions en annulation de cette dernière ont été rejetées.
95 Selon une jurisprudence également constante, lorsque le dommage dont la réparation est demandée résulte d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel, la procédure administrative doit débuter par l’introduction d’une demande au sens de l’article 90, paragraphe 1, du statut, visant à obtenir un dédommagement. Ce n’est que le rejet explicite ou implicite de cette demande qui constitue une décision faisant grief contre laquelle une réclamation peut être dirigée et ce n’est qu’après le rejet explicite ou implicite de cette réclamation qu’un recours en indemnité peut être formé devant le Tribunal (arrêt Michail/Commission, F‑67/05 RENV, EU:F:2010:162, point 112).
96 En l’occurrence, le dommage matériel et moral dont se plaint la requérante, dérivé des faits de harcèlement supposé, résulterait d’un comportement de l’administration dépourvu de caractère décisionnel. La requérante n’ayant pas fait précéder son recours devant le Tribunal de la procédure précontentieuse applicable à une demande de réparation d’un dommage résultant d’un tel comportement, la demande indemnitaire sort de l’objet du litige et doit être déclarée irrecevable.
97 Les conclusions indemnitaires doivent donc être rejetées comme étant, en partie, non fondées et, en partie, irrecevables.
Sur les dépens
98 Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre. Par ailleurs, selon l’article 88 du règlement de procédure, une partie, même gagnante, peut être condamnée partiellement voire totalement aux dépens, si cela paraît justifié en raison de son attitude, y compris avant le début de l’instance.
99 Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la requérante est la partie qui succombe. En outre, le Parlement a, dans ses conclusions, demandé à ce que la requérante soit condamnée aux dépens de l’instance, y compris ceux de la procédure de référé.
100 Toutefois, le Tribunal estime, compte tenu de ce que la requérante, pour les raisons exposées dans sa note du 20 décembre 2010, a souhaité discuter avec le secrétaire général de son institution et s’est adressée, le 6 janvier 2012, directement au président du Parlement en tant qu’AIPN pour lui demander d’adopter des mesures d’urgence à son égard, sans qu’elle n’ait été reçue ni par l’un ni par l’autre, ce qui a pu engendrer chez elle le sentiment d’avoir été délaissée par son institution, envers laquelle elle avait fait preuve de dévouement, qu’il sera fait une juste appréciation des faits de l’espèce, au regard des dispositions de l’article 88 du règlement de procédure, en décidant que le Parlement doit supporter ses propres dépens, y compris ceux qu’il a exposés dans la procédure de référé, et doit être condamné à supporter les dépens exposés par la requérante, y compris ceux de la procédure de référé.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(deuxième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) Le Parlement européen supporte l’ensemble de ses propres dépens et est condamné à supporter l’ensemble des dépens exposés par BN.
Rofes i Pujol |
Barents |
Svenningsen |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 19 juin 2014.
Le greffier |
Le président |
W. Hakenberg |
M. I. Rofes i Pujol |
* Langue de procédure : le français.