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Document 62021CJ0539

Judgment of the Court (Eighth Chamber) of 27 October 2022.
CE v Comittee of the Regions.
Case C-539/21 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2022:840

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

27 octobre 2022 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Régime applicable aux autres agents    – Article 2, sous c) – Contrat à durée indéterminée – Résiliation anticipée avec préavis – Article 47, sous c), i) – Rupture du lien de confiance – Modalités d’exécution du préavis – Erreur manifeste d’appréciation et erreur de droit – Omissions – Recours en annulation et en indemnité »

Dans l’affaire C‑539/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 26 août 2021,

CE, représentée par Me M. Casado García-Hirschfeld, avocate,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Comité européen des régions, représenté par Mme S. Bachotet et M. M. Espárrago Arzadun, en qualité d’agents, assistés de Me B. Wägenbaur, Rechtsanwalt,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Jääskinen (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, CE demande l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 16 juin 2021, CE/Comité des régions (T‑355/19, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:369), par lequel celui-ci a, d’une part, annulé la décision du Comité européen des régions du 16 avril 2019 résiliant son contrat de travail (ci-après la « décision litigieuse ») en ce qui concerne les modalités particulières d’exécution du préavis et, d’autre part, rejeté sa demande indemnitaire comme étant non fondée.

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2        Les antécédents du litige sont exposés aux points 1 à 37 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour les besoins de la présente procédure, être résumés de la manière suivante.

3        CE a été recrutée par le Comité européen des régions, en qualité d’agent temporaire au titre de l’article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), en tant que secrétaire général de l’un des groupes politiques existant au sein du Comité des régions (ci-après le « groupe »).

4        Au cours du mois de septembre 2017, dans le contexte de la résiliation du contrat de travail de l’un des membres de l’équipe de CE, le Comité des régions a été informé d’allégations relatives à des dysfonctionnements dans l’exercice des responsabilités managériales de CE à l’égard de ses subordonnés. Dans le courant du mois de novembre 2018, à l’occasion de la démission d’un autre membre de l’équipe de CE, de nouvelles plaintes sont parvenues à l’administration du Comité des régions ainsi qu’au président du groupe, lequel a, dès lors, décidé de s’entretenir avec les membres restants de cette équipe qui avaient fait état de problèmes semblables à ceux mentionnés dans ces plaintes.

5        À l’occasion de la séance plénière des 5 et 6 décembre 2018, le président du groupe a informé CE de l’existence de plaintes formulées à son égard et l’a invitée à revoir son style de gestion afin d’améliorer le bien‑être de son équipe.

6        Par courrier électronique du 12 décembre 2018, le médecin-conseil du Comité des régions a fait part à l’administration du Comité des régions de sa préoccupation au sujet de la santé mentale et physique des collaborateurs de CE.

7        Le 7 janvier 2019, le directeur adjoint du service des ressources humaines et des finances du Comité des régions (ci-après le « directeur adjoint du service des ressources humaines et des finances ») et le chef de l’unité « Recrutement et carrière » du Comité des régions (ci-après le « chef de l’unité “Recrutement et carrière” ») ont organisé une réunion avec les membres de l’équipe de CE, afin d’évaluer la situation.

8        Le 16 janvier 2019, un stagiaire de l’équipe de CE a envoyé un courrier électronique au chef de l’unité « Recrutement et carrière » en lui faisant part de dysfonctionnements dans l’exercice des fonctions de gestion de CE.

9        Le 17 janvier 2019, une réunion s’est tenue en présence de CE ainsi que des représentants de l’administration et du service médical du Comité des régions afin de discuter des incidents décrits dans les plaintes déposées par différents membres de l’équipe de CE.

10      Par lettre du 6 février 2019, le directeur adjoint du service des ressources humaines et des finances a transmis à CE une note résumant les conclusions de la réunion du 17 janvier 2019. Par cette note, le directeur adjoint du service des ressources humaines et des finances lui suggérait de suivre des cours de management, un suivi de la situation étant également prévu au moyen de réunions mensuelles avec les membres de l’équipe de CE.

11      Le 7 février 2019, le président du groupe a informé oralement CE qu’il avait l’intention de demander la résiliation de son contrat de travail.

12      Le 8 février 2019, l’administration du Comité des régions, constatant que la situation n’évoluait pas, a organisé une première réunion de suivi avec les membres de l’équipe de CE. Une note résumant les conclusions de cette réunion a été finalisée le 20 février 2019.

13      Le 13 février 2019, le président du groupe s’est entretenu avec des représentants de l’administration et le médecin-conseil du Comité des régions pour leur faire part de la perte de confiance du groupe à l’égard de CE.

14      Lors d’une réunion informelle qui s’est déroulée le 14 février 2019 entre CE et le chef de l’unité « Recrutement et carrière », CE a demandé à ce dernier de lui fournir des exemples concrets concernant les problèmes qui lui avaient été signalés ainsi que d’avoir accès à son dossier, afin de vérifier les allégations qui étaient retenues contre elle, ce qui, selon ses déclarations, lui a été refusé.

15      Le 20 février 2019, le président du groupe, avec l’accord des trois vice‑présidents du groupe, a adressé au secrétaire général du Comité des régions une demande écrite visant à mettre fin au contrat de CE en raison de la perte du lien de confiance du groupe à son égard.

16      Le 28 février 2019, le secrétaire général du Comité des régions, agissant en tant qu’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci‑après l’« AHCC ») du Comité des régions, a adressé à CE une lettre l’informant de son intention de résilier le contrat de travail de celle-ci en faisant mention, d’une part, de la possibilité pour CE de présenter ses observations écrites dans un délai de huit jours ouvrés et, d’autre part, de la tenue d’une audition le 19 mars 2019 (ci-après la « lettre d’intention »). La lettre d’intention était accompagnée d’un rapport médical du médecin-conseil du Comité des régions, daté du 22 février 2019, relatif à l’état de santé mentale et physique des membres de l’équipe de CE.

17      Le 12 mars 2019, CE a envoyé à l’AHCC du Comité des régions ses observations écrites en réponse à la lettre d’intention.

18      Le 13 mars 2019, le médecin-conseil du Comité des régions a envoyé à l’administration du Comité des régions un nouveau rapport médical indiquant que les membres de l’équipe de CE avaient été examinés par un médecin externe et qu’ils avaient été soumis à un « test de stress ». Ce rapport médical a été envoyé à CE le 18 mars 2019, en lui permettant de présenter ses observations jusqu’au 26 mars 2019.

19      Le 19 mars 2019, l’audition annoncée dans la lettre d’intention a eu lieu en présence de l’avocate de CE, du secrétaire général du Comité des régions, du chef du service juridique du Comité des régions et du directeur adjoint du service des ressources humaines et des finances.

20      Du 25 mars au 26 avril 2019, à la suite de la présentation d’un certificat médical, CE a été placée en congé de maladie.

21      Le 27 mars 2019, CE a introduit une demande d’assistance auprès du Comité des régions, sur le fondement de l’article 24 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »), applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 11, premier alinéa, du RAA.

22      Le 29 mars 2019, le président du groupe a renouvelé auprès de l’AHCC du Comité des régions sa demande de résiliation du contrat de travail de CE en raison de la rupture du lien de confiance qui les unissait.

23      Lors de la réunion du groupe du 9 avril 2019, le bureau du groupe a confirmé la rupture du lien de confiance entre le groupe et CE. Le 10 avril 2019, les membres du groupe ont ratifié cette décision en séance plénière avec une majorité de quinze voix sur vingt.

24      Par la décision litigieuse, notifiée à CE le 17 avril 2019, l’AHCC du Comité des régions a résilié, avec un préavis de six mois, le contrat d’agent temporaire de CE, sur le fondement de l’article 47, sous c), i), du RAA, au motif que le lien de confiance entre CE et le groupe avait été rompu en raison d’une gestion inappropriée des collaborateurs de CE entraînant de graves problèmes de santé pour ceux-ci. Cette décision était assortie de mesures organisant sa mise en œuvre. Ainsi, il était prévu, tout d’abord, que CE serait dispensée de service pendant la période de préavis et serait remplacée dans ses fonctions à partir du 23 avril 2019, ensuite, qu’elle pourrait accéder à son bureau pour récupérer ses effets personnels pendant les deux semaines suivant le début de la période de préavis et que, à partir du 23 avril 2019, elle ne pourrait plus utiliser son badge d’accès ni son adresse de courrier électronique professionnelle. Il était prévu, en outre, que, dans le mois suivant le début de la période de préavis, CE aurait un accès en « lecture seule » à sa messagerie électronique, laquelle serait ensuite désactivée, et qu’elle conserverait ultérieurement un accès aux locaux du Comité des régions, mais avec un nouveau badge d’accès ne lui permettant pas d’assister aux réunions du bureau du groupe ni aux séances plénières, et enfin que CE resterait soumise aux obligations statutaires, y compris à l’interdiction d’exercer des activités extérieures sans autorisation préalable. Ladite décision précisait également que le contrat prendrait fin à l’expiration de la période de préavis, laquelle commencerait à courir dès la fin du congé de maladie de CE.

25      Par lettre de 25 avril 2019, CE a actualisé la demande d’assistance en précisant qu’il n’y avait pas eu d’accord entre les membres du groupe concernant la résiliation de son contrat, étant donné que nombre d’entre eux n’auraient pas été avertis de la situation et que certains auraient informé le président du groupe qu’ils s’y opposaient.

26      Le 26 avril 2019, sur le fondement de l’article 15, paragraphe 1, sous d), du statut, CE a reçu une réponse favorable du Comité des régions pour participer aux élections européennes, en tant que candidate de son groupe politique national, du 29 avril au 23 mai 2019.

27      Le 1er mai 2019, CE s’est rendue dans les locaux du Comité des régions afin de récupérer ses effets personnels. Par courrier électronique du 2 mai 2019, CE a informé le Comité des régions qu’elle n’avait pas été en mesure d’emporter la totalité de ceux-ci et qu’elle ne pourrait pas le faire avant la fin des élections européennes. Le 3 mai 2019, le Comité des régions a octroyé à CE un nouveau délai pour venir prendre ses effets personnels après les élections européennes, à savoir à partir du 26 mai et jusqu’au 3 juin 2019 au plus tard.

28      Le 9 mai 2019, l’avocate de CE a envoyé une lettre à l’AHCC du Comité des régions renouvelant sa demande d’extension du délai convenu pour lui permettre de récupérer ses effets personnels, afin de participer aux élections européennes en tant que candidate de son groupe politique national. Par courrier du 16 mai 2019 (ci-après la « lettre du 16 mai 2019 »), l’AHCC du Comité des régions a permis à CE de récupérer ses effets personnels jusqu’au 3 juin 2019 et d’avoir accès jusqu’à la même date à sa messagerie électronique en « lecture seule ».

29      Par lettre du 12 juin 2019, CE a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut contre la décision litigieuse et la lettre du 16 mai 2019.

30      Par décision du 13 juin 2019, l’AHCC du Comité des régions a rejeté la demande d’assistance de CE comme étant irrecevable, au motif que cette demande aurait en réalité été formulée contre l’intention de l’AHCC de résilier son contrat, et, à titre subsidiaire, comme étant non fondée.

31      Le 14 juin 2019, le Comité des régions a admis que CE puisse récupérer ses effets personnels jusqu’au 28 juin 2019 et a maintenu l’accès de celle-ci à sa messagerie électronique jusqu’à cette date. À la suite d’échanges de courriers électroniques avec CE ayant eu lieu entre le 24 et le 26 juin 2019, le Comité des régions a de nouveau prorogé, jusqu’au 6 juillet 2019, le délai durant lequel CE pouvait accéder à son ancien bureau pour reprendre ses effets personnels ainsi qu’à sa messagerie électronique.

32      Le 6 juillet 2019, CE s’est rendue une nouvelle fois dans les locaux du Comité des régions pour récupérer le reste de ses effets personnels. Le 9 juillet 2019, CE a adressé un courrier électronique à l’AHCC du Comité des régions en l’informant, d’une part, que, lors de sa visite du 6 juillet 2019 dans les locaux du Comité des régions, des incidents avaient eu lieu avec les agents de sécurité et, d’autre part, qu’une personne avait eu accès à son bureau et à ses effets personnels en son absence.

33      Par décision du 17 juillet 2019, l’AHCC du Comité des régions a de nouveau prorogé, jusqu’au 26 juillet 2019, le délai accordé à CE pour accéder à son ancien bureau en vue de récupérer ses effets personnels ainsi que, jusqu’à la fin de la période de préavis, l’accès à sa messagerie électronique.

34      Par décision du 10 octobre 2019, l’AHCC du Comité des régions a rejeté la réclamation introduite par CE.

 La procédure devant le Tribunal, l’arrêt attaqué et la demande en interprétation de cet arrêt

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 juin 2019, CE a introduit un recours tendant, d’une part, à l’annulation, à titre principal, de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, de la lettre du 16 mai 2019 et, d’autre part, à la réparation des préjudices matériel et moral qu’elle aurait prétendument subis du fait de la décision litigieuse et de cette lettre.

36      Au soutien de ses conclusions en annulation, CE a invoqué trois moyens, tirés, le premier, d’un détournement de procédure et de la violation des articles 47 et 49 du RAA ainsi que des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut, le deuxième, de la violation du droit à des conditions de travail justes et équitables, du principe de bonne administration et de l’interdiction de toute forme de harcèlement moral et, le troisième, d’une inexactitude « substantielle » et d’une erreur manifeste d’appréciation.

37      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 13 juin 2019, CE a introduit une demande en référé, fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant, d’une part, au sursis à l’exécution, à titre principal, de la décision litigieuse et, à titre subsidiaire, de la lettre du 16 mai 2019 et, d’autre part, à l’adoption de mesures provisoires relatives aux modalités d’exécution de la période de préavis.

38      Le 17 juin 2019, la procédure au principal a, en application de l’article 91, paragraphe 4, du statut, été suspendue jusqu’à l’adoption d’une décision explicite ou implicite de rejet de la réclamation de CE introduite contre la décision litigieuse.

39      Par ordonnance du 12 juillet 2019, CE/Comité des régions, (T‑355/19 R, non publiée, EU:T:2019:543), le président du Tribunal a rejeté la demande en référé de CE, au motif que celle-ci n’avait pas établi à suffisance de droit l’urgence à surseoir à l’exécution de la décision litigieuse et de la lettre du 16 mai 2019.

40      Ainsi qu’il a été indiqué au point 34 du présent arrêt, l’AHCC du Comité des régions a, le 10 octobre 2019, rejeté la réclamation introduite par CE et, partant, la procédure au principal a été reprise, conformément à l’article 91, paragraphe 4, du statut.

41      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté, comme étant irrecevable, la demande d’annulation de la lettre du 16 mai 2019 dès lors que l’annulation de la décision inscrite dans cette lettre ne pouvait procurer un bénéfice à CE et, comme étant non fondée, la demande indemnitaire.

42      Il a, en revanche, annulé la décision litigieuse en ce qui concerne les modalités particulières d’exécution du préavis.

43      À cet égard, le Tribunal a jugé, premièrement, aux points 59 à 76 de l’arrêt attaqué, que l’AHCC du Comité des régions pouvait en principe, en raison du large pouvoir d’appréciation dont elle dispose et sans que cela implique un détournement de procédure, résilier le contrat de travail de CE sur le fondement de l’article 47 du RAA pour rupture du lien de confiance tout en décidant que celle-ci ne devait pas travailler durant la période de préavis.

44      En particulier, le Tribunal a relevé, au point 66 de l’arrêt attaqué, que, si l’article 47, sous c), i), du RAA ne prévoit pas explicitement que les conditions de travail de l’agent dont le contrat est résilié puissent faire l’objet d’aménagements pendant la période de préavis, de sorte que cette période est présumée constituer une période de travail normal, il n’en demeure pas moins que les institutions, organes et organismes de l’Union européenne disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services et dans l’affectation du personnel qui se trouve à leur disposition, pour autant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et qu’elle respecte l’équivalence des emplois, y compris en ce qui concerne les membres du personnel qui sont dans une phase de préavis.

45      Au point 72 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a reconnu que la rupture du lien de confiance mutuelle peut être de nature à rendre impossible que la personne ou l’entité à l’origine du recrutement de l’agent temporaire confie à ce dernier la moindre tâche pendant la période de préavis.

46      En pareille hypothèse, le Tribunal a considéré, au point 73 de l’arrêt attaqué, que la décision prise par l’AHCC du Comité des régions de dispenser CE de fournir les prestations découlant de son contrat durant la période de préavis ne saurait être assimilée à une décision de suspension prise en vertu des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut. Il a en outre précisé que, lorsque la situation à l’origine de la rupture du lien de confiance à l’égard d’un agent temporaire recruté sur le fondement de l’article 2, sous c), du RAA rend impossible le fait que cet agent se voie confier des tâches pendant la période de préavis, il ne saurait être imposé à l’AHCC d’ouvrir une procédure disciplinaire pendant cette période conformément à l’article 49, paragraphe 1, du RAA.

47      Deuxièmement, s’agissant de la violation du principe de bonne administration, des droits de la défense et du droit d’être entendu, le Tribunal a jugé, au point 91 de l’arrêt attaqué, que, lors de l’adoption de la décision litigieuse, en tant qu’elle porte sur la résiliation du contrat de CE, l’AHCC du Comité des régions s’était pleinement conformée à son obligation de respecter le principe de bonne administration ainsi que d’assurer le respect des droits de la défense de CE. En particulier, le Tribunal a considéré, au point 89 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse était motivée de manière à permettre à CE d’apprécier, en parfaite connaissance de cause, le bien-fondé de celle-ci ainsi que d’introduire un recours et au Tribunal d’exercer son contrôle sur la légalité de cette décision.

48      En revanche, le Tribunal a jugé, aux points 100 et 105 de l’arrêt attaqué, que le droit de CE d’être entendue dans le cadre de l’adoption de la décision litigieuse en tant qu’elle prévoit des modalités particulières d’exécution du préavis avait été méconnu. À cet égard, le Tribunal a précisé, au point 97 de l’arrêt attaqué, que de telles modalités ne pouvaient être adoptées sans que CE ait été préalablement entendue afin de s’assurer qu’elle pouvait exprimer sa position à leur égard. Ainsi, le Tribunal a relevé, au point 104 de l’arrêt attaqué, qu’il ne pouvait être raisonnablement exclu que les modalités particulières d’exécution du préavis contenues dans la décision litigieuse, notamment celle de dispenser CE de fournir les prestations de travail découlant de son contrat durant la période de préavis, eussent été différentes si CE avait été dûment entendue.

49      En conséquence, le Tribunal a annulé la décision litigieuse en ce qu’elle fixait les modalités particulières d’exécution du préavis en raison de la violation du droit de CE d’être entendue. Toutefois, le Tribunal a rappelé, au point 106 de l’arrêt attaqué, que cette illégalité ne remettait pas en cause, par elle-même, la légalité de ladite décision en tant qu’elle résiliait le contrat de CE.

50      Par ailleurs, s’agissant des arguments de CE relatifs aux agissements du Comité des régions qui seraient constitutifs de harcèlement et de mauvaise administration et qui violeraient l’article 31 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »), le Tribunal a considéré, au point 115 de l’arrêt attaqué, que, de manière générale, CE n’avait pas démontré en quoi les agissements du Comité des régions auraient porté atteinte à sa personnalité, à sa dignité et à son intégrité physique.

51      Troisièmement, le Tribunal a rejeté, aux points 123 à 138 de l’arrêt attaqué, comme étant non fondées les allégations de CE selon lesquelles la décision litigieuse était entachée d’une erreur manifeste d’appréciation dans la mesure où cette décision se serait fondée sur des faits inexacts et non vérifiés.

52      Le Tribunal a conclu, au point 139 de l’arrêt attaqué, qu’il y avait lieu, conformément aux considérations exposées au point 48 du présent arrêt, d’annuler partiellement la décision litigieuse, mais qu’il convenait de rejeter comme étant non fondée la demande d’annulation en ce qu’elle a résilié le contrat de CE de façon anticipée.

53      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 13 juillet 2021, CE a demandé au Tribunal d’interpréter l’arrêt attaqué, en vertu de l’article 43 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et de l’article 168 du règlement de procédure du Tribunal.

54      Par ordonnance du 30 novembre 2021, CE/Comité des régions, (T‑355/19 INTP, non publiée, EU:T:2021:860), le Tribunal a rejeté la demande en interprétation de CE, au motif que celle-ci ne remplissait pas la condition de recevabilité relative à l’existence d’une obscurité ou d’une ambiguïté affectant le sens et la portée de l’arrêt attaqué.

 Les conclusions des parties devant la Cour

55      Par son pourvoi, CE demande à la Cour :

–        d’annuler partiellement l’arrêt attaqué et

–        de condamner le Comité des régions aux dépens, y compris à ceux exposés devant le Tribunal afférents à la procédure principale et à la procédure en référé.

56      Le Comité des régions demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner CE aux dépens.

 Sur le pourvoi

57      À l’appui de son pourvoi, CE invoque un moyen unique, tiré, selon son intitulé, « de l’omission et [de] la dénaturation de certains faits [...], d’erreurs manifestes d’appréciation et d’erreurs de droit ».

58      Ce moyen s’articule, en substance, en quatre branches. Par la première branche, CE soutient que le Tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation et une erreur de droit au point 69 de l’arrêt attaqué entraînant une méconnaissance des articles 47 et 49 du RAA ainsi que des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut. Par la deuxième branche, CE reproche au Tribunal d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation dans le cadre de l’examen de la première branche du deuxième moyen du recours en première instance, tirée de la violation du principe de bonne administration, des droits de la défense et du droit d’être entendu, ainsi que des omissions de faits, des erreurs manifestes d’appréciation et des erreurs de droit dans le cadre de l’examen de la seconde branche du deuxième moyen du recours en première instance. Par la troisième branche, CE fait valoir que le Tribunal a omis de vérifier les faits matériels ayant conduit à la perte de confiance du groupe à son égard, commettant ainsi plusieurs erreurs de droit. Enfin, par la quatrième branche, CE conteste le rejet par le Tribunal des conclusions indemnitaires de son recours en première instance en invoquant une erreur manifeste d’appréciation emportant une erreur de droit.

 Sur la première branche du moyen unique

 Argumentation des parties

59      Par la présente branche, CE estime, en substance, que le Tribunal a considéré à tort que l’AHCC du Comité des régions était habilitée, en cas de rupture du lien de confiance mutuelle, à suspendre l’agent temporaire concerné de toutes ses fonctions pendant la période de préavis. En particulier, elle conteste le fait que, pendant la période de préavis, elle a été privée d’exécuter la moindre tâche ainsi que de l’accès à son lieu de travail.

60      CE fait valoir, premièrement, que le Tribunal a commis, au point 69 de l’arrêt attaqué, une erreur manifeste d’appréciation emportant une erreur de droit du fait de la méconnaissance des articles 47 et 49 du RAA ainsi que des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut.

61      À cet égard, CE soutient, en s’appuyant sur les arrêts du 23 octobre 2013, Gomes Moreira/ECDC (F‑80/11, EU:F:2013:159, point 50), et du 13 décembre 2017, CJ/ECDC (T‑703/16 RENV, non publié, EU:T:2017:892, point 51), qu’une suspension de toutes les activités d’un agent pendant la période de préavis n’a été prévue par le législateur de l’Union qu’en cas de licenciement pour motif disciplinaire.

62      Selon CE, la suspension d’un agent temporaire opérée dans le cadre de la résiliation de son contrat assortie d’un préavis, et non dans le cadre d’une procédure disciplinaire, serait illégale en ce qu’elle constituerait un détournement de procédure. Ainsi, il ressortirait des arrêts mentionnés au point précédent que la décision litigieuse a été prise, d’une part, en violation de l’article 47 du RAA en ce qu’elle prévoyait à la fois la résiliation du contrat de CE assortie d’un préavis et la suspension de CE jusqu’à la fin de son contrat, et, d’autre part, en violation de l’article 49 du RAA, en ce que la suspension de CE aurait été opérée dans le cadre d’une procédure de résiliation du contrat assortie d’un préavis, et non dans le cadre d’une procédure disciplinaire.

63      En outre, CE reproche qu’une telle suspension, coïncidant avec le délai de préavis précédant la fin du contrat dans le cadre d’une procédure de résiliation au titre de l’article 47 du RAA, serait dépourvue des garanties qui sont prévues dans le cadre de la procédure disciplinaire visée à l’article 49 du RAA.

64      CE fait valoir, deuxièmement, que le Tribunal a méconnu la jurisprudence selon laquelle l’AHCC doit, dans le cadre de son pouvoir de détermination des fonctions administratives que l’agent licencié est appelé à exercer pendant la période de préavis, indiquer à ce dernier, de façon motivée et dans le texte de la décision de résiliation du contrat, le cas échéant, si celui-ci devrait s’abstenir d’exercer certaines fonctions déterminées.

65      Or, selon CE, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal aux points 69 et 73 de l’arrêt attaqué, la décision litigieuse serait considérée non pas comme une décision motivée « prise dans l’intérêt du service » l’empêchant d’effectuer certaines tâches, mais comme une suspension de facto de toutes ses activités en violation des articles 47 et 49 du RAA ainsi que des articles 23 et 24 de l’annexe IX du statut. Elle rappelle à cet égard qu’elle a été dépourvue également de tout accès à son bureau et à son courrier électronique.

66      Par ailleurs, CE reproche au Tribunal de n’avoir mentionné aucune jurisprudence à l’appui de son affirmation selon laquelle « ne pas confier la moindre tâche pendant la période de préavis à l’agent temporaire dont le contrat est résilié constitue une mesure prise dans l’intérêt du service ».

67      CE soutient, troisièmement, que le Tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation aux points 74 à 76 de l’arrêt attaqué en ce que les reproches avancés à son égard vont au-delà de la simple perte de confiance due à une prétendue mauvaise gestion de ses collaborateurs. Selon elle, en vertu de la jurisprudence, l’AHCC du Comité des régions aurait dû, à la suite de ses agissements ayant prétendument porté atteinte à la santé de ses collègues, engager une procédure disciplinaire à son égard, l’atteinte à la santé étant un élément caractérisant le harcèlement et justifiant, partant, l’engagement d’une telle procédure.

68      En outre, CE soutient que le pouvoir discrétionnaire de l’AHCC de suspendre un agent de toutes ses fonctions a été prévu par le législateur de l’Union non pas en cas de perte de confiance mutuelle entre la personne ou l’entité à l’origine du recrutement de cet agent et celui-ci, mais seulement en cas de faute grave caractérisée à l’issue d’une procédure disciplinaire, ce qui ne serait pas contredit par la jurisprudence citée dans l’arrêt attaqué.

69      Le Tribunal aurait également commis une erreur de droit aux points 69 et 76 de l’arrêt attaqué en considérant, concernant les licenciements pour perte de confiance mutuelle, que, « dans certaines circonstances particulières [...], l’intérêt du service exige de retirer à la personne concernée l’ensemble de ses tâches pendant la durée de son préavis ». Selon elle, un tel constat serait très vague et contraire au principe de sécurité juridique.

70      Quatrièmement, CE reproche au Tribunal de n’avoir pas, en vertu d’une jurisprudence constante, vérifié la véracité des faits matériels allégués à son égard, ainsi que de s’être contenté de ne retenir, au point 72 de l’arrêt attaqué, que les arguments avancés par la partie défenderesse en première instance lors de l’audience qui s’est tenue devant le Tribunal.

71      De plus, CE soutient que l’appréciation du Tribunal est manifestement erronée dans la mesure où le large pouvoir d’appréciation dévolu à l’AHCC n’était pas de nature à permettre à l’administration du Comité des régions de l’écarter de son activité professionnelle pendant une période prolongée, telle que, en l’espèce, la totalité de sa période de préavis.

72      Pour sa part, le Comité des régions fait valoir que l’argumentation de CE manque de clarté et émet des doutes quant à l’intérêt à agir de CE et, par conséquent, quant à la recevabilité de la présente branche, dans la mesure où CE conteste la légalité des modalités d’exécution de la période de préavis prévues dans la décision litigieuse, laquelle a été annulée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué. Il soutient que, en tout état de cause, les allégations de CE sont non fondées.

 Appréciation de la Cour

73      Il ressort des points 96 à 106 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a annulé partiellement la décision litigieuse au motif que, avant l’adoption de cette décision, l’AHCC du Comité des régions n’avait jamais évoqué la possibilité d’aménager la période de préavis de CE. Le Tribunal a motivé cette annulation partielle en jugeant, en substance, que CE n’avait pas eu la possibilité de présenter des observations sur les modalités particulières d’exécution du préavis que ladite autorité envisageait d’adopter et, en particulier, sur le fait que, pendant ce préavis, CE n’exercerait plus les fonctions de secrétaire général du groupe et que l’accès à sa messagerie électronique ainsi qu’à son bureau et aux locaux du Comité des régions serait aménagé.

74      Cela étant, la légalité de la résiliation du contrat de CE, assortie d’un préavis de six mois, n’ayant été aucunement contestée en soi par CE dans le cadre de la présente branche, il convient de considérer que CE n’a plus d’intérêt à contester l’interprétation faite par le Tribunal des articles 47 et 49 du RAA dans l’arrêt attaqué, selon laquelle l’AHCC du Comité des régions était habilitée à la suspendre de toutes ses fonctions pendant la période de préavis.

75      En effet, conformément à une jurisprudence constante, l’existence d’un intérêt à agir dans le chef de l’auteur d’un pourvoi suppose que ce dernier soit susceptible, par son résultat, de lui procurer un bénéfice (arrêt du 6 octobre 2009, GlaxoSmithKline Services e.a./Commission e.a., C‑501/06 P, C‑513/06 P, C‑515/06 P et C‑519/06 P, EU:C:2009:610, point 23 ainsi que jurisprudence citée). Or, l’accueil de la présente branche ne saurait procurer un bénéfice à CE dans la mesure où la décision litigieuse, en ce qu’elle prévoit les modalités particulières d’exécution du préavis, a déjà été annulée par le Tribunal dans l’arrêt attaqué, au motif que l’AHCC du Comité des régions n’était pas habilitée à suspendre CE de toutes ses fonctions sans l’avoir préalablement entendue.

76      Il s’ensuit que, faute d’intérêt à agir de CE, la première branche du moyen unique du pourvoi doit être écartée comme étant irrecevable.

 Sur la deuxième branche du moyen unique

 Argumentation des parties

77      Par la deuxième branche de son moyen unique, CE conteste, en substance, en premier lieu, l’affirmation du Tribunal, au point 91 de l’arrêt attaqué, selon laquelle l’AHCC du Comité des régions s’est pleinement conformée à son obligation de respecter le principe de bonne administration ainsi que d’assurer le respect des droits de la défense de CE lors de l’adoption de la décision litigieuse.

78      À cet égard, CE allègue, tout d’abord, que tant la lettre d’intention que la décision litigieuse étaient rédigées dans des termes généraux et imprécis, ne lui permettant pas de comprendre la teneur des allégations formulées à son égard et l’empêchant ainsi d’organiser efficacement sa défense. Par ailleurs, elle relève que la lettre d’intention et la décision litigieuse ainsi que la documentation à l’appui de celles-ci contenaient des incertitudes concernant la date, la nature ou les faits qui lui étaient reprochés.

79      Ensuite, CE soutient que c’est à tort que le Tribunal a jugé, aux points 83, 84, 87 à 90 et 109 de l’arrêt attaqué, qu’elle avait connaissance du contexte dans lequel la décision litigieuse était intervenue. Elle relève que, jusqu’à la réception de la lettre d’intention, elle ignorait les prétendues souffrances psychologiques dénoncées par ses collègues étant donné qu’aucune procédure de harcèlement n’avait été engagée contre elle.

80      CE fait valoir, à cet égard, que le président du groupe et l’administration du Comité des régions avaient l’obligation de la mettre en situation de comprendre la teneur des allégations relatives aux manquements graves à ses obligations professionnelles afin qu’elle puisse démontrer que les agissements en cause ne relevaient pas de sa responsabilité et qu’ils n’étaient pas d’une gravité suffisante pour justifier les décisions prises à son égard. CE en déduit que la résiliation de son contrat et la suspension de ses fonctions pendant la période de préavis doivent être considérées comme étant illégales.

81      En conséquence, CE soutient que, contrairement à ce qui a été jugé dans l’arrêt attaqué, non seulement son droit d’être entendue, mais également le droit à une bonne administration consacré à l’article 41 de la Charte auraient été méconnus.

82      En second lieu, CE fait valoir, tout d’abord, que le Tribunal a commis une erreur d’appréciation, au point 110 de l’arrêt attaqué, en considérant que le devoir de sollicitude du Comité des régions à son égard avait été respecté, alors qu’il a pourtant relevé, à ce même point de l’arrêt attaqué, qu’elle avait été exclue des réunions qui se sont tenues avec ses collaborateurs.

83      Ensuite, CE conteste les motifs exposés aux points 113 et 114 de l’arrêt attaqué aux termes desquels elle n’aurait subi aucun préjudice en raison du fait qu’elle devait remplir une demande d’autorisation pour se porter candidate aux élections européennes.

84      CE allègue à cet égard que le fait de devoir remplir une telle demande, non requise par l’article 15, paragraphe 1, du statut, alors qu’elle était sur le point d’être licenciée en raison d’un prétendu harcèlement moral dont elle aurait été à l’origine, a été « humiliant », et lui a causé un préjudice, en violation de l’article 31 de la Charte. Ainsi, au point 114 de l’arrêt attaqué, le Tribunal aurait interprété ladite disposition de manière erronée dès lors que celle-ci impose seulement d’informer l’autorité compétente de l’intention de l’intéressé d’être candidat à des fonctions publiques, et non pas de demander une autorisation à cette autorité pour pouvoir être candidat à de telles fonctions.

85      Par ailleurs, CE reproche au Tribunal de n’avoir pas tenu compte du fait que l’administration du Comité des régions n’ait pas envisagé la possibilité d’une médiation, conformément à l’article 8 du règlement intérieur du Comité des régions, en vue de résoudre les prétendus problèmes avec ses collaborateurs, dont elle n’aurait été informée que trois mois avant son licenciement en violation de son droit d’être entendue.

86      Enfin, CE conteste les appréciations du Tribunal, au point 115 de l’arrêt attaqué, selon lesquelles les agissements du Comité de régions n’ont pas porté atteinte à sa réputation. Elle conclut que le fait que n’aient pas été pris en considération, dans l’arrêt attaqué, ni son état de santé ni la volonté de nuire à celle-ci viole l’article 31 de la Charte.

87      Pour sa part, le Comité des régions soutient que les allégations de CE sont manifestement irrecevables et en tout état de cause non fondées.

 Appréciation de la Cour

88      Par la deuxième branche de son moyen unique, CE fait valoir, en substance, en premier lieu, que le Tribunal a commis une erreur d’appréciation en considérant que le Comité des régions n’a pas méconnu le principe de bonne administration et ses droits de la défense lors de l’adoption de la décision litigieuse. Plus particulièrement, CE conteste les points 83, 84, 87 à 90 et 109 de l’arrêt attaqué par lesquels le Tribunal aurait considéré, à tort, qu’elle avait connaissance du contexte de la décision litigieuse.

89      Selon une jurisprudence constante, le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits pertinents ainsi que les éléments de preuve qui lui sont soumis. L’appréciation de ces faits et de ces éléments de preuve ne constitue donc pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 15 avril 2010, Schräder/OCVV, C‑38/09 P, EU:C:2010:196, point 69 et jurisprudence citée).

90      En l’espèce, il convient de constater que, par son argumentation, CE cherche à remettre en cause les appréciations factuelles effectuées par le Tribunal aux points 83, 84, 87 à 90 et 109 de l’arrêt attaqué, sans invoquer une dénaturation quelconque des faits. Cette argumentation doit donc être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

91      En second lieu, CE conteste les appréciations du Tribunal exposées au point 110 ainsi qu’aux points 113 à 115 de l’arrêt attaqué.

92      S’agissant, premièrement, du grief de CE exposé au point 82 du présent arrêt, il convient de relever que celui-ci procède d’une lecture erronée du point 110 de l’arrêt attaqué. En effet, à ce point, le Tribunal s’est employé à démontrer que le Comité des régions n’avait pas manqué à son obligation d’engager une procédure en matière de harcèlement. À cet effet, il a constaté, d’une part, qu’aucun des membres de l’équipe de CE n’avait saisi le Comité des régions d’une demande d’assistance et, d’autre part, que ce dernier avait agi de manière diligente en tenant compte de l’intérêt du service et de celui de CE. C’est à ce dernier égard que le Tribunal a indiqué que, à la suite de plusieurs réunions menées avec les collaborateurs de CE, le Comité des régions avait pris des mesures pour restaurer des conditions de travail sereines en conformité, notamment, avec le devoir de sollicitude.

93      Ainsi, si CE a été exclue de plusieurs réunions telles que celles visées aux points 4 et 7 du présent arrêt, c’était pour permettre au Comité des régions d’apprécier la situation de manière à prendre des mesures, telles que celles mentionnées aux points 5 et 10 du présent arrêt, visant à améliorer les conditions de travail dans l’intérêt du service ainsi que dans l’intérêt de CE elle-même et de ses collaborateurs.

94      Dans ces conditions, le Tribunal n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que le devoir de sollicitude n’avait pas été violé.

95      Par conséquent, il y a lieu de rejeter l’argumentation de CE comme étant manifestement non fondée.

96      Deuxièmement, en ce qui concerne le grief de CE mentionné au point 85 du présent arrêt, il suffit de relever que le Tribunal a explicitement relevé, au point 110 de l’arrêt attaqué, qu’une procédure de médiation n’avait pas été mise en place dès lors qu’aucune procédure pour harcèlement n’avait été engagée contre CE. Partant, il convient de rejeter ce grief comme étant manifestement non fondé.

97      Troisièmement, il convient d’écarter le grief pris de ce que le Tribunal n’aurait pas pris en considération, dans l’arrêt attaqué, l’état de santé de CE. En effet, le Tribunal a rappelé les arguments de CE à ce sujet au point 118 de l’arrêt attaqué et y a répondu au point 134 de cet arrêt. Quant aux arguments développés par CE contre ce point 134, ils seront examinés dans le cadre de la troisième branche du moyen unique.

98      Quatrièmement, CE n’allègue aucune dénaturation des faits lorsqu’elle conteste les appréciations du Tribunal exposées aux points 113 et 114 de l’arrêt attaqué selon lesquelles elle n’aurait subi aucun préjudice en raison du fait qu’elle a été tenue de remplir une demande d’autorisation pour se porter candidate aux élections européennes. Il convient de considérer en effet que, par ses arguments, CE cherche en réalité à obtenir un nouvel examen de ces appréciations et, partant, de rejeter les griefs de CE à cet égard comme étant manifestement irrecevables.

99      Cinquièmement, quant à l’argument de CE mentionné au point 84 du présent arrêt, force est de constater qu’il ne ressort pas du point 114 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a interprété l’article 15, paragraphe 1, du statut comme requérant une demande d’autorisation de se porter candidat à des élections. Cet argument doit donc être rejeté comme étant manifestement non fondé.

100    Il s’ensuit que la deuxième branche du moyen unique du pourvoi doit être rejetée comme étant, en partie, manifestement irrecevable et, en partie, manifestement non fondée.

 Sur la troisième branche du moyen unique

 Argumentation des parties

101    Par la troisième branche de son moyen unique, CE  reproche au Tribunal de n’avoir pas vérifié la matérialité des faits à l’origine de la décision de licenciement pour perte de confiance, en méconnaissance de la jurisprudence.

102    En premier lieu, CE fait valoir que le Tribunal a commis une erreur manifeste d’appréciation, au point 126 de l’arrêt attaqué, en présumant la véracité des déclarations du Comité des régions concernant l’existence de conversations orales qui n’étaient pourtant pas prouvées et en n’ayant pas tenu compte de ses propres déclarations.

103    CE estime que le Tribunal aurait dû examiner ses déclarations pour vérifier si les motifs ayant provoqué son licenciement reposaient « sur des faits matériellement exacts », déclarations desquelles il résulte, en particulier, qu’elle a subi des pressions de la part du président du groupe pour quitter son poste, lors de leur rencontre du 7 février 2019 mentionnée au point 11 du présent arrêt, et que, dans l’hypothèse où les faits allégués à son égard étaient avérés, les rapports d’évaluation la concernant n’auraient pas été qualifiés d’excellents.

104    Par ailleurs, CE soutient que le Tribunal aurait dû prendre en compte le fait qu’elle n’a pas été entendue sur les agissements qui sont à l’origine de la décision litigieuse avant que celle-ci ne soit prise. Elle fait valoir également que les graves accusations à son égard ne constituent pas de simples faits conduisant à une perte de confiance, mais sont des faits de nature disciplinaire.

105    En deuxième lieu, CE réfute les constatations figurant aux points 127 et 134 de l’arrêt attaqué. Selon CE, les certificats médicaux concernant ses collègues ne prouveraient pas que les troubles psychiques de ceux-ci étaient la conséquence d’un harcèlement moral qu’elle leur aurait fait subir. À cet égard, CE précise qu’elle souffre des mêmes symptômes que ses collègues et soutient que, contrairement à l’affirmation figurant au point 134 de l’arrêt attaqué, un certificat médical indiquerait clairement que l’environnement de travail constitue la cause de son stress.

106    En troisième lieu, CE reproche au Tribunal d’avoir considéré au point 127 de l’arrêt attaqué que le manque de respect des horaires habituels de travail serait imputable à CE.

107    En quatrième lieu, CE conteste l’appréciation du Tribunal, au point 136 de l’arrêt attaqué, selon laquelle le fait qu’aucune procédure de harcèlement n’a été engagée contre elle démontrerait qu’elle n’a pas elle-même subi un harcèlement moral.

108    Le Comité des régions soutient que les arguments de CE sont partiellement irrecevables et, en tout état de cause, non fondés.

 Appréciation de la Cour

109    Par la troisième branche de son moyen unique, CE conteste les points 126, 127, 131, 132, 134 et 136 de l’arrêt attaqué en soutenant, en substance, que le Tribunal n’a pas vérifié si les faits à l’origine de la perte de confiance étaient matériellement exacts, en méconnaissance de l’arrêt du 11 septembre 2013, L/Parlement (T‑317/10 P, EU:T:2013:413, points 70 et 71).

110    À cet égard, il convient de relever que, comme il ressort des points 68 et 70 de cet arrêt, l’existence d’un rapport de confiance ne se fonde pas sur des éléments objectifs et échappe par nature au contrôle juridictionnel, le Tribunal ne pouvant substituer son appréciation à celle de l’administration. Toutefois, si une institution qui décide la résiliation d’un contrat d’agent temporaire se réfère, en particulier, à des faits matériels précis à l’origine de la décision de licenciement pour perte de confiance, le juge est tenu de vérifier la véracité de ces faits matériels. En effet, dans la mesure où une institution explicite les motifs à l’origine de la perte de confiance par la référence à des faits matériels précis, le juge doit contrôler que ces motifs reposent sur des faits matériellement exacts.

111    Or, en l’espèce, il importe de constater que le Tribunal a vérifié, aux points 126 à 133 ainsi qu’aux points 135 à 137 de l’arrêt attaqué, la matérialité des faits à l’origine de la perte de confiance en cause et que, par conséquent, CE, qui n’invoque pas une dénaturation de ces faits examinés par le Tribunal, cherche en réalité à obtenir un nouvel examen des appréciations du Tribunal qui ressortent desdits points de l’arrêt attaqué.

112    En revanche, ainsi que CE l’expose en substance dans son pourvoi, il convient de constater que le Tribunal a dénaturé les faits et les éléments de preuve en affirmant, au point 134 de l’arrêt attaqué, qu’« aucun élément de preuve ne démontre qu[e CE] ait été affectée par des problèmes médicaux de même nature que ceux des membres de son équipe. En effet, le certificat médical du 25 mars 2019 n’indique pas que les symptômes dont souffrait la requérante étaient liés à l’environnement de travail du groupe ».

113    À cet égard, il convient de rappeler que toute dénaturation des faits et des éléments de preuve doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir, en ce sens, arrêt du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, EU:C:2008:739, point 69 et jurisprudence citée).

114    Or, contrairement à ce qu’affirme le Tribunal, il ressort clairement des certificats médicaux fournis par CE, dont le certificat du 25 mars 2019, que les symptômes dont souffrait CE étaient bien liés, selon son médecin, à son travail. Dès lors, l’affirmation selon laquelle il n’existait aucun élément de preuve démontrant que les problèmes médicaux dont souffrait CE étaient de même nature que ceux des membres de son équipe n’est pas étayée en fait, et ce d’autant moins que, pour motiver cette affirmation, le Tribunal s’est exclusivement appuyé sur le certificat du 25 mars 2019 sans examiner, notamment, le rapport médical du Comité des régions du 22 février 2019 qui faisait état des différents symptômes dont souffraient les membres de l’équipe de CE.

115    Cela étant, il y a lieu de relever que cette dénaturation n’a eu aucune incidence sur le raisonnement tenu par le Tribunal au point 134 de l’arrêt attaqué. En effet, le fait, relevé par le Tribunal à ce même point, que CE a été invitée elle aussi à passer un « test de stress » sans donner suite à cette invitation, non contesté par CE au stade du pourvoi, suffit à motiver le rejet du grief de CE examiné au point 134 de l’arrêt attaqué ainsi que de celui exposé au point 118 de cet arrêt.

116    Par ailleurs, s’agissant de l’argument de CE selon lequel le Tribunal aurait inféré, à tort, des certificats médicaux de ses collègues que les symptômes présentés par ceux-ci résulteraient d’un harcèlement moral dont elle serait à l’origine, il suffit de relever que CE fait une lecture erronée du point 134 de l’arrêt attaqué. En effet, à ce point, le Tribunal n’a pas examiné le lien de causalité entre les certificats médicaux des collègues de CE et le harcèlement moral que ceux-ci auraient subi.

117    Par conséquent, la troisième branche du moyen unique doit être rejetée comme étant, en partie, irrecevable et, en partie, non fondée.

 Sur la quatrième branche du moyen unique

 Argumentation des parties

118    Par la quatrième branche du moyen unique, CE conteste le rejet, par le Tribunal, de sa demande indemnitaire. CE fait valoir, en substance, que l’annulation de la décision litigieuse en tant qu’elle concerne les modalités particulières d’exécution du préavis ne saurait en aucun cas, à elle seule, réparer le préjudice moral causé par l’illégalité de cette décision contrairement à ce que le Tribunal a jugé dans l’arrêt attaqué.

119    D’une part, CE soutient, en se référant à la jurisprudence mentionnée au point 147 de l’arrêt attaqué, que la décision litigieuse comporte une appréciation négative par rapport à sa conduite envers ses collègues, qui nuit à sa carrière professionnelle. Par ailleurs, CE allègue que les faits de l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt mentionné au point 147 de l’arrêt attaqué sont différents de ceux de la présente affaire.

120    D’autre part, le Tribunal aurait commis, au point 149 de l’arrêt attaqué, une erreur manifeste d’appréciation emportant une erreur de droit. En effet, CE fait valoir que, dans la mesure où, pendant la période de préavis, elle a été traitée comme une personne licenciée pour motif disciplinaire, elle a subi un préjudice moral qui serait détachable de l’illégalité fondant l’annulation de la décision litigieuse et qui ne serait pas susceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de cette décision. Selon CE, la seule annulation de la décision litigieuse, en tant qu’elle concerne les modalités particulières d’exécution du préavis, n’est pas susceptible de réparer les dommages qui lui ont été causés, à moins qu’elle ne soit réintégrée à son poste, ou qu’elle ne soit dédommagée pécuniairement.

121    Le Comité des régions soutient que les arguments de CE sont manifestement irrecevables.

 Appréciation de la Cour

122    Dans le cadre de son pourvoi, CE se limite à contester les points 146 à 149 de l’arrêt attaqué qui portent sur le préjudice moral.

123    À cet égard, il convient de constater que le Tribunal, après avoir rappelé, aux points 146 à 148 de l’arrêt attaqué, sa jurisprudence relative au préjudice moral, a rejeté, au point 149 de cet arrêt, la demande indemnitaire de CE comme étant non fondée au motif que celle-ci n’a pas précisé dans ses écritures ni le contenu ni l’étendue du préjudice dont elle se prévaut ni les raisons pour lesquelles ce préjudice n’aurait pu être réparé par l’annulation de la décision litigieuse.

124    Or, CE ne saurait, au stade du pourvoi, apporter de telles précisions. En effet, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour, dont la compétence en matière de pourvoi est limitée, d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal ( ordonnance du 15 septembre 2022, CNMSE e.a./Parlement et Conseil, C‑749/21 P, non publiée, EU:C:2022:699, point 20 ainsi que jurisprudence citée).

125    Par ailleurs, dans la mesure où CE cherche, par son argumentation, à remettre en cause, en tant que telles, les constatations effectuées par le Tribunal, sans toutefois invoquer une dénaturation des faits par ce dernier, une telle argumentation doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

126    Il s’ensuit que la quatrième branche doit être rejetée comme étant manifestement irrecevable.

127    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précédent, il y a lieu de rejeter le présent pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

128    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

129    Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

130    Le Comité des régions ayant conclu à la condamnation de CE et celle-ci ayant succombé en son moyen unique, il y a lieu de condamner cette dernière à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Comité des régions.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      CE est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Comité européen des régions.

Safjan

Jääskinen

Gavalec

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 27 octobre 2022.

Le greffier

 

Le président de chambre

A. Calot Escobar

 

M. Safjan


*      Langue de procédure : le français.

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