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Document 62017TJ0337

Judgment of the General Court (Fourth Chamber, Extended Composition) of 30 March 2022 (Extracts).
Air France-KLM v European Commission.
Case T-337/17.

ECLI identifier: ECLI:EU:T:2022:179

 ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

30 mars 2022 ( *1 )

« Concurrence – Ententes – Marché du fret aérien – Décision constatant une infraction à l’article 101 TFUE, à l’article 53 de l’accord EEE et à l’article 8 de l’accord entre la Communauté et la Suisse sur le transport aérien – Coordination d’éléments du prix des services de fret aérien (surtaxe carburant, surtaxe sécurité, paiement d’une commission sur les surtaxes) – Échange d’informations – Compétence territoriale de la Commission – Infraction unique et continue – Imputabilité du comportement infractionnel – Conditions de l’octroi du bénéfice de l’immunité – Égalité de traitement – Obligation de motivation – Montant de l’amende – Valeur des ventes – Gravité de l’infraction – Durée de la participation à l’infraction – Circonstances atténuantes – Encouragement du comportement anticoncurrentiel par les autorités publiques – Proportionnalité – Compétence de pleine juridiction »

Dans l’affaire T‑337/17,

Air France-KLM, établie à Paris (France), représentée par Mes A. Wachsmann, A. de La Cotardière et A.‑E. Herrada, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Dawes et C. Giolito, en qualité d’agents, assistés de Me N. Coutrelis, avocate,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2017) 1742 final de la Commission, du 17 mars 2017, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord entre la Communauté européenne et la Confédération suisse sur le transport aérien (affaire AT.39258 – Fret aérien), en tant qu’elle vise la requérante, et, à titre subsidiaire, à l’annulation partielle de cette décision ainsi qu’à la réduction du montant des amendes qui lui ont été infligées,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie),

composé de MM. H. Kanninen (rapporteur), président, J. Schwarcz, C. Iliopoulos, D. Spielmann et Mme I. Reine, juges,

greffier : Mme E. Artemiou, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 12 juin 2019,

rend le présent

Arrêt ( 1 )

[omissis]

II. Procédure et conclusions des parties

62

Par requête déposée au greffe du Tribunal le 30 mai 2017, la requérante a introduit le présent recours.

63

La Commission a déposé le mémoire en défense au greffe du Tribunal le 29 septembre 2017.

64

La requérante a déposé la réplique au greffe du Tribunal le 3 janvier 2018.

65

La Commission a déposé la duplique au greffe du Tribunal le 28 février 2018.

66

Le 24 avril 2019, sur proposition de la quatrième chambre, le Tribunal a décidé, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer la présente affaire devant une formation de jugement élargie.

67

Le 24 mai 2019, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89 du règlement de procédure, le Tribunal a posé des questions écrites aux parties. Ces dernières ont répondu dans le délai imparti.

68

Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 12 juin 2019.

69

Le 18 juin 2019, la requérante a produit le document demandé par le Tribunal lors de l’audience du 12 juin 2019.

70

Le 24 juin 2019, le Tribunal a clos la phase orale de la procédure.

71

Par ordonnance du 31 juillet 2020, le Tribunal (quatrième chambre élargie), considérant qu’il était insuffisamment éclairé et qu’il y avait lieu d’inviter les parties à présenter leurs observations concernant un argument sur lequel elles n’avaient pas débattu, a ordonné la réouverture de la phase orale de la procédure en application de l’article 113 du règlement de procédure.

72

Les parties ont, dans le délai imparti, répondu à une série de questions posées par le Tribunal le 4 août 2020, puis soumis des observations sur leurs réponses respectives.

73

Par décision du 6 novembre 2020, le Tribunal a clos de nouveau la phase orale de la procédure.

74

La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

à titre principal, annuler l’intégralité de la décision attaquée en tant que celle-ci la concerne ;

à titre subsidiaire, annuler l’article 1er, paragraphe 1, sous b), paragraphe 2, sous b), paragraphe 3, sous b), et paragraphe 4, sous b), l’article 3, sous b), ainsi que l’article 4 de la décision attaquée et réduire le montant des amendes qui lui sont infligées dans la décision attaquée ;

à titre très subsidiaire, annuler l’article 3, sous b) et d), de la décision attaquée et réduire le montant des amendes qui lui sont infligées ;

en tout état de cause, condamner la Commission aux entiers dépens.

75

La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

modifier le montant des amendes infligées à la requérante en lui retirant le bénéfice de la réduction générale de 50 % et de la réduction générale de 15 % dans l’hypothèse où le Tribunal jugerait que le chiffre d’affaires provenant de la vente de services de fret entrants ne pouvait pas être inclus dans la valeur des ventes ;

condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

[omissis]

A. Sur les conclusions en annulation

[omissis]

3.   Sur le premier moyen, tiré d’illégalités commises dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France et d’AF et d’une partie des pratiques de KLM

213

Le présent moyen, par lequel la requérante fait valoir que la Commission lui a illégalement imputé des pratiques de l’ancienne société Air France et d’AF et une partie des pratiques de KLM, est articulé en deux branches, prises, la première, d’illégalités commises par la Commission dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celles de KLM à partir du 5 mai 2004 et, la seconde, d’illégalités commises par la Commission dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France intervenues entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004.

214

Par ailleurs, la requérante reproche à la Commission d’avoir affirmé, au considérant 1085 de la décision attaquée, qu’elle et AF devaient être tenues pour solidairement responsables du paiement de l’amende en raison de leur participation à l’infraction. En effet, la requérante n’aurait pris aucune part, directe ou indirecte, dans les pratiques invoquées, seule AF y ayant pris part.

215

Le Tribunal statuera sur ce grief ensemble avec la seconde branche du présent moyen, dans la mesure où les deux sont intrinsèquement liés.

a)   Sur la première branche, prise d’illégalités dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celles de KLM à partir du 5 mai 2004

216

La présente branche, par laquelle la requérante soutient que la Commission lui a illégalement imputé les pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et celles de KLM à partir du 5 mai 2004, s’articule en quatre griefs tirés, le premier, d’une erreur dans l’imputation à la requérante de pratiques de KLM du 5 mai au 15 septembre 2004, le deuxième, de la motivation insuffisante du rejet des éléments attestant l’autonomie d’AF et de KLM, le troisième, d’erreurs dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF et de KLM à partir du 15 septembre 2004 et, le quatrième, de la violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions.

217

Il convient d’examiner d’abord le deuxième grief, qui a trait au respect, par la Commission, des formes substantielles.

1) Sur le deuxième grief, tiré d’une motivation insuffisante du rejet des éléments attestant l’autonomie d’AF et de KLM

218

La requérante soutient que la Commission n’a pas suffisamment motivé le rejet des éléments qui attesteraient l’autonomie d’AF et de KLM, se contentant de faire une référence implicite à ceux-ci et d’alléguer que, s’agissant d’AF, ils n’étaient pas suffisants pour renverser la présomption d’exercice d’une influence déterminante. Selon la requérante, la Commission était pourtant tenue d’examiner concrètement l’ensemble des éléments tendant à démontrer ladite autonomie et de prendre une position circonstanciée au sujet du renversement de la présomption de responsabilité. Le simple renvoi, au considérant 1083 de la décision attaquée, à la jurisprudence visée au considérant 1073 de la même décision, ainsi que les éléments listés dans l’annexe confidentielle à ladite décision ne sauraient être suffisants. S’agissant de KLM, l’obligation de motivation de la Commission serait renforcée dès lors qu’elle aurait reconnu ne pas avoir appliqué la présomption de responsabilité. Or, elle ne mentionnerait même pas dans cette décision les éléments tendant à établir l’autonomie de KLM. Devant le Tribunal, elle reconnaîtrait d’ailleurs que, dans la décision en question, elle n’a pas motivé son rejet du caractère probant des éléments produits durant la procédure administrative.

219

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

220

À titre liminaire, il convient de rappeler qu’une infraction aux règles de concurrence commise par une filiale peut être imputée à la société mère notamment lorsque, bien qu’ayant une personnalité juridique distincte, cette filiale ne détermine pas de façon autonome son comportement sur le marché, mais applique pour l’essentiel les instructions qui lui sont données par la société mère, eu égard en particulier aux liens économiques, organisationnels et juridiques qui unissent ces deux entités juridiques (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 30).

221

En effet, dans une telle situation, la société mère et sa filiale faisant partie d’une même unité économique et formant ainsi une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE, la Commission peut adresser une décision infligeant des amendes à la société mère sans qu’il soit requis d’établir l’implication personnelle de cette dernière dans l’infraction (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 31).

222

Dans le cas particulier où une société mère détient 100 % du capital de sa filiale ayant commis une infraction aux règles de concurrence de l’Union, la Cour a précisé que, d’une part, cette société mère pouvait exercer une influence déterminante sur le comportement de cette filiale et, d’autre part, il existait une présomption réfragable selon laquelle ladite société mère exerçait effectivement une telle influence (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 32).

223

Dans ces conditions, il suffit que la Commission prouve que la totalité du capital d’une filiale est détenue par sa société mère pour qu’il puisse être présumé que cette dernière exerce effectivement une influence déterminante sur la politique commerciale de cette filiale. La Commission sera en mesure, par la suite, de considérer la société mère comme tenue solidairement au paiement de l’amende infligée à sa filiale, à moins que cette société mère, à laquelle il incombe de renverser cette présomption, n’apporte des éléments de preuve suffisants de nature à démontrer que sa filiale se comporte de façon autonome sur le marché (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 33).

224

En outre, lorsqu’une décision d’application des règles de l’Union en matière du droit de la concurrence concerne une pluralité de destinataires et porte sur l’imputabilité de l’infraction, elle doit comporter une motivation suffisante à l’égard de chacun de ses destinataires, particulièrement de ceux d’entre eux qui, aux termes de cette décision, doivent supporter la charge de cette infraction. Ainsi, à l’égard d’une société mère tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale, une telle décision doit, en principe, contenir un exposé des motifs de nature à justifier l’imputabilité de l’infraction à cette société (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 34).

225

S’agissant en particulier d’une décision de la Commission qui s’appuie de manière exclusive, à l’égard de certains destinataires, sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, il y a lieu de constater que la Commission est en tout état de cause, sous peine de rendre cette présomption, dans les faits, irréfragable, tenue d’exposer de manière adéquate à ces destinataires les raisons pour lesquelles les éléments de fait et de droit invoqués n’ont pas suffi à renverser ladite présomption (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 35).

226

Toutefois, la Commission n’est nullement tenue de se fonder exclusivement sur ladite présomption. En effet, rien n’empêche cette institution d’établir l’exercice effectif, par une société mère, d’une influence déterminante sur sa filiale par d’autres éléments de preuve ou par une combinaison de tels éléments avec ladite présomption. Il s’agit, dans ce dernier cas, de la méthode dite de la « double base » (arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, points 36 et 37).

227

S’agissant d’une décision qui fonde l’imputabilité à la société mère d’une infraction commise par sa filiale sur une méthode comportant une double base, une appréciation globale des éléments avancés par la société mère, dans la mesure où ils sont pertinents aux fins du renversement de ladite présomption, est en principe conforme au degré de motivation incombant à la Commission, dès lors qu’elle est de nature à permettre à la société mère de connaître les raisons pour lesquelles la Commission a décidé de lui imputer l’infraction commise par sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du 10 avril 2014, Areva e.a./Commission, C‑247/11 P et C‑253/11 P, EU:C:2014:257, point 42).

228

Enfin, il est de jurisprudence constante que, si la Commission est certes tenue de motiver ses décisions en mentionnant les éléments de fait et de droit dont dépend la justification légale de la mesure et les considérations qui l’ont amenée à prendre sa décision, il n’est pas exigé qu’elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative, et notamment qu’elle prenne position sur des éléments qui sont manifestement hors de propos, dépourvus de signification ou clairement secondaires (voir arrêt du 6 février 2014, Elf Aquitaine/Commission, T‑40/10, non publié, EU:T:2014:61, point 168 et jurisprudence citée).

229

En l’espèce, tout d’abord, s’agissant du rejet des éléments avancés par la requérante tendant à démontrer l’autonomie d’AF, la Commission, après avoir rappelé, aux considérants 1070 à 1073 de la décision attaquée, les principes applicables à l’identification des personnes tenues pour responsables d’un comportement infractionnel au sein d’une même unité économique, a indiqué aux considérants 1081 à 1084 de ladite décision, ce qui suit :

« 1081 Des salariés d[’AF] ont participé à l’infraction du 15 septembre 2004 au 14 février 2006.

1082 Au cours de la même période cependant, [la requérante] détenait 100 % des droits économiques et des droits de vote à [AF].

1083 Conformément à la jurisprudence rappelée [au point 6.1 de cette décision], il est dès lors présumé [que,] au cours de cette période, [la requérante] a exercé une influence déterminante sur [AF]. [La requérante] n’a pas soumis de preuves suffisantes pour renverser la présomption qu’elle a exercé une influence déterminante sur [AF]. En conséquence, pour les besoins de l’application de l’article 101 TFUE, de l’article 53 de l’accord EEE et de l’article 8 de l’accord [CE-Suisse sur le transport aérien], [la requérante] et [AF] font partie de la même entreprise qui a commis l’infraction du 15 septembre 2004 au 14 février 2006.

1084 En plus de la propriété pleine et entière, il existe d’autres éléments qui démontrent qu’au cours de cette période, [la requérante] a exercé une influence déterminante sur [AF] ou du moins qui corroborent la présomption dans ce sens (voir l’annexe confidentielle [de la même décision] accessible uniquement à [la requérante]). »

230

L’annexe confidentielle de la décision attaquée listant les autres éléments de preuve visés au considérant 1084 de ladite décision se lit, s’agissant d’AF, comme suit :

[confidentiel] ( 2 )

231

Il en ressort que, pour imputer à la requérante les pratiques d’AF, la Commission s’est fondée à la fois sur la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, en raison du contrôle que la détention par la requérante de la totalité du capital d’AF et des droits de vote associés aux actions d’AF impliquait, et sur une série d’indices tendant à établir un tel exercice effectif. À cet égard, elle s’est appuyée, premièrement, sur les pouvoirs de direction, d’orientation et de contrôle de la requérante sur les activités d’AF par le biais de ses différents organes sociaux, deuxièmement, sur l’existence d’une structure commune à AF et à KLM s’agissant spécifiquement du fret et, troisièmement, sur le cumul de fonctions de plusieurs dirigeants entre la requérante et AF.

232

S’agissant ensuite du rejet des éléments avancés par la requérante tendant à démontrer l’autonomie de KLM, la Commission a indiqué aux considérants 1086 à 1088 de la décision attaquée ce qui suit :

« 1086 Des salariés de [KLM] ont participé à l’infraction du 21 décembre 1999 au 14 février 2006, c’est-à-dire pendant toute la période d’infraction. KLM doit dès lors être tenue pour responsable de sa participation directe à l’infraction.

1087 Comme expliqué [au point 2.2 de ladite décision], le 5 mai 2004, [l’ancienne société Air France] a acquis le contrôle de KLM. Depuis le 5 mai 2004, [la requérante] détient 97,5 % des droits économiques et 49 % des droits de vote dans KLM.

1088 Pour les raisons présentées dans l’annexe confidentielle [de cette décision] accessible uniquement à [la requérante], la Commission considère qu’à partir du 5 mai 2004, [la requérante] a exercé une influence déterminante sur KLM. »

233

L’annexe confidentielle de la décision attaquée listant les autres éléments de preuve visés au considérant 1088 de ladite décision se lit, s’agissant de KLM, comme suit :

[confidentiel]

234

Il en ressort que, pour imputer à la requérante les pratiques de KLM entre le 5 mai 2004 et le 14 février 2006, la Commission s’est fondée à la fois sur le capital et les droits de vote détenus par la requérante dans KLM et sur une série d’indices supplémentaires tendant à établir l’exercice effectif d’une influence déterminante sur cette dernière. À cet égard, elle s’est appuyée, premièrement, sur les pouvoirs de direction, d’orientation et de contrôle de la requérante sur les activités de KLM par le biais de ses différents organes sociaux, deuxièmement, sur l’existence d’une structure commune à AF et à KLM s’agissant spécifiquement du fret et, troisièmement, sur le cumul de fonctions de plusieurs dirigeants entre la requérante et KLM.

235

Or, la requérante s’était contentée d’indiquer, dans sa réponse à la communication des griefs, qu’elle était « une société holding sans aucune activité opérationnelle dans le domaine du transport aérien » et qu’elle n’avait « en aucun cas été impliquée de quelque façon que ce soit dans le cadre des pratiques alléguées ».

236

Au vu de ce qui précède, il ne saurait être valablement reproché à la Commission de ne pas avoir fourni une motivation circonstanciée, conforme aux exigences découlant de la jurisprudence, en ce qui concerne le rejet des éléments attestant l’autonomie d’AF et de KLM.

237

Au surplus, les quatre arrêts invoqués par la requérante dans la requête, concernant le niveau de motivation requis de la Commission en présence d’éléments contraires avancés durant la procédure administrative et tendant à renverser la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante, s’inscrivaient dans un contexte différent du cas d’espèce.

238

D’une part, la Cour, dans son arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission (C‑521/09 P, EU:C:2011:620), avait notamment tenu compte de circonstances particulières tenant à un changement dans la pratique décisionnelle antérieure de la Commission consistant à s’appuyer systématiquement sur la méthode de la double base (voir, en ce sens, ordonnance du 7 février 2012, Total et Elf Aquitaine/Commission, C‑421/11 P, non publiée, EU:C:2012:60, point 58).

239

D’autre part, il y a lieu d’apprécier la portée des arrêts du 16 juin 2011, Air liquide/Commission (T‑185/06, EU:T:2011:275), du 16 juin 2011, Edison/Commission (T‑196/06, EU:T:2011:281), et du 27 novembre 2014, Alstom/Commission (T‑517/09, EU:T:2014:999), à l’aune de la jurisprudence de la Cour, rappelée aux points 226 et 227 ci-dessus, en vertu de laquelle la Commission, lorsqu’elle combine, comme en l’espèce s’agissant de l’imputation des pratiques d’AF, les éléments de preuve de l’exercice effectif d’une influence déterminante avec la présomption d’un tel exercice, motive à suffisance son rejet des éléments en sens contraire produits par l’entreprise mise en cause en recourant à une appréciation globale ne se prononçant pas sur chacun desdits éléments.

240

Le présent grief doit, en conséquence, être rejeté.

2) Sur le premier grief, tiré d’une erreur dans l’imputation à la requérante de pratiques de KLM du 5 mai au 15 septembre 2004

241

La requérante fait valoir qu’elle n’a été constituée sous forme de société holding que le 15 septembre 2004. Or, selon elle, une société mère ne saurait être tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale pour la période antérieure à l’acquisition de cette filiale lorsque cette dernière poursuit son activité sur le marché en cause postérieurement à son acquisition. En conséquence, elle estime qu’elle ne saurait être tenue pour responsable des pratiques de KLM à partir du 5 mai 2004, contrairement à ce qui ressort du point 1089 de la décision attaquée.

242

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

243

En l’espèce, il ressort du considérant 1087 de la décision attaquée que, depuis le 5 mai 2004, la requérante détient 97,5 % du capital et 49 % des droits de vote dans KLM.

244

Certes, comme le relève à juste titre la requérante, l’entité détentrice de cette participation et de ces droits de vote dans KLM à la date du 5 mai 2004 était dénommée Air France SA, soit l’ancienne société Air France (voir, à cet égard, point 53 ci-dessus).

245

Il est cependant constant entre les parties que la requérante et l’ancienne société Air France sont une seule et même personne morale. Certes, la Commission a évoqué la notion de « succession juridique » au considérant 1080 de la décision attaquée. Il ressort cependant sans ambiguïté dudit considérant ainsi que du considérant 22 de cette décision que l’ancienne société Air France est, par suite d’une transformation en holding et d’un changement de dénomination sociale, « devenue » la requérante.

246

En particulier, la Commission a indiqué ce qui suit au considérant 22 :

« Le 5 mai 2004, [l’ancienne société Air France] a acquis le contrôle exclusif de [KLM] suite à l’offre publique d’échange d[e l’ancienne société Air France] sur les actions de KLM. Depuis cette date, [l’ancienne société Air France] et KLM font partie du groupe [AF]-KLM. Le 15 septembre 2004, [l’ancienne société Air France] s’est transformée en société holding et rebaptisée [AF]-KLM, tandis que les activités de transport aérien d[e l’ancienne société Air France] ont été transférées vers une filiale appelée “Air France Compagnie Aérienne”, rebaptisée [AF] ».

247

Ainsi, la requérante a continué, en ce qui concerne la détention du 5 mai au 15 septembre 2004 du contrôle de KLM, à exercer les droits et à assumer les obligations qu’elle avait acquis lorsqu’elle se présentait encore sous la dénomination de l’ancienne société Air France.

248

Dès lors, c’est à tort que la requérante affirme que, en lui imputant les pratiques de KLM du 5 mai au 15 septembre 2004, la Commission l’a tenue pour responsable du comportement infractionnel de sa filiale pour la période antérieure à son acquisition.

249

Partant, il y a lieu de rejeter le présent grief.

3) Sur le troisième grief, tiré d’erreurs dans l’imputation à la requérante des pratiques d’AF et de KLM à partir du 15 septembre 2004

250

La requérante prétend que c’est à tort que la Commission lui a imputé des pratiques d’AF et de KLM à partir du 15 septembre 2004, dès lorsqu’elle n’a exercé aucune influence déterminante sur ces sociétés. Elle affirme ne constituer, depuis le 15 septembre 2004, qu’une holding financière n’exerçant aucune activité dans le secteur du fret. Elle soutient avoir simplement eu, d’une part, un rôle de coordination et de consolidation financière consistant à veiller au respect des obligations légales en matière comptable et en matière de communication et de transparence financières, et, d’autre part, un rôle dans la définition de la stratégie globale d’AF et de KLM, sans toutefois s’immiscer dans leurs activités opérationnelles et commerciales ni leur donner quelque directive que ce soit. AF et KLM détermineraient de façon autonome leur politique commerciale, leur stratégie, leur budget et leur comportement dans le secteur du fret.

251

À cet égard, la requérante estime que les éléments invoqués par la Commission dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée ne démontrent pas l’exercice de son influence déterminante sur AF et sur KLM. Premièrement, elle avance que son comité de management stratégique n’a jamais adressé de « recommandations contraignantes » à AF et à KLM. Deuxièmement, elle indique qu’il n’y a pas de relation hiérarchique, par l’intermédiaire de son conseil d’administration et du comité de management stratégique, entre elle, d’une part, et AF et KLM, d’autre part. L’ensemble des décisions relatives à l’activité de fret d’AF et de KLM au cours de la période concernée aurait été confié à AF Cargo et à KLM Cargo ainsi qu’au « Joint Cargo Management Committee » (ci-après le « JCMC »). Troisièmement, la requérante souligne qu’aucun des membres de ses organes dirigeants visés dans ladite annexe qui, au cours de la période concernée, ont siégé dans les organes dirigeants d’AF ou de KLM, ne s’est immiscé dans les activités de fret d’AF ou dans celles de KLM. Quatrièmement, elle fait valoir que le JCMC ne constitue qu’une instance de coordination de l’activité de fret d’AF et de KLM n’intervenant qu’au niveau de ces dernières, de sorte qu’elle n’a pu l’utiliser pour s’immiscer dans la politique commerciale d’AF ou de KLM.

252

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

253

À titre liminaire, il convient de distinguer selon que le présent grief est dirigé contre les appréciations de la Commission concernant l’imputation des pratiques d’AF ou contre celles relatives à l’imputation des pratiques de KLM.

254

Dans le premier cas, compte tenu de la présomption d’exercice effectif d’une influence déterminante en raison du contrôle que la détention par la requérante de la totalité du capital d’AF et des droits de vote associés aux actions d’AF implique, c’est à cette société mère, conformément à la jurisprudence rappelée au point 223 ci-dessus, qu’il revient d’apporter des éléments de preuve de nature à démontrer à suffisance que sa filiale se comportait de façon autonome sur le marché et, ce faisant, à renverser ladite présomption.

255

Dans le second cas, en l’absence d’application de la présomption en cause, la requérante est seulement tenue d’établir que la Commission n’a pas démontré à suffisance de droit que KLM ne déterminait pas de façon autonome son comportement sur le marché.

256

En l’espèce, il y a lieu d’observer que la requérante dirige plusieurs arguments contre des éléments que la Commission a retenus dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée pour établir l’exercice d’une influence déterminante sur AF. Il y a néanmoins lieu de tenir compte de ces arguments pour déterminer si c’est à juste titre que la Commission a considéré que la requérante n’avait pas renversé la présomption en cause. Il convient, en effet, d’observer que lesdits arguments reposent, pour l’essentiel, sur les mêmes circonstances de fait que celles avancées par la requérante pour renverser la présomption en cause. Quant aux allégations de fait invoquées à l’appui de l’argumentation dirigée contre ces éléments mais que la requérante n’a pas repris aux fins de renverser cette présomption, il y a lieu, pour le Tribunal, d’en tenir compte comme élément pertinent aux fins d’apprécier si AF déterminait de façon autonome son comportement sur le marché (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2016, Evonik Degussa et AlzChem/Commission, C‑155/14 P, EU:C:2016:446, point 33). Tel est notamment le cas de l’allégation selon laquelle il n’y a pas eu de « recommandations contraignantes » émises par le comité de management stratégique de la requérante.

257

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent grief.

258

Premièrement, il convient d’abord de relever que l’invocation par la requérante de sa nature de holding financière n’est pas, en tant que telle, susceptible de remettre en cause le constat de son exercice effectif d’une influence déterminante sur AF et KLM (voir, en ce sens, arrêts du 24 mars 2011, Legris Industries/Commission, T‑376/06, non publié, EU:T:2011:107, points 50 et 51, et du 14 juillet 2011, Arkema France/Commission, T‑189/06, EU:T:2011:377, point 74). En effet, dans le contexte d’un groupe de sociétés, une holding, qui coordonne notamment les investissements financiers au sein du groupe, est une société qui a vocation à regrouper des participations dans diverses sociétés et a pour fonction d’en assurer l’unité de direction, notamment par le biais de ce contrôle budgétaire (arrêt du 15 juillet 2015, HIT Groep/Commission, T‑436/10, EU:T:2015:514, point 125).

259

Quant à la définition par la requérante de la stratégie globale d’AF et de KLM et au périmètre large de cette stratégie en ce qu’elle embrassait l’essentiel des leviers de développement du groupe dont la requérante est la société faîtière, loin d’attester d’une absence d’influence déterminante, ils tendent au contraire à étayer les constats auxquels la Commission est arrivée dans la décision attaquée.

260

À supposer, comme l’affirme la requérante, que ce rôle n’allât pas jusqu’à conduire à son immixtion dans les activités opérationnelles et commerciales d’AF et de KLM, il importe de rappeler que l’influence déterminante susceptible de justifier l’imputation, à la société mère, de la responsabilité pour l’infraction commise par sa filiale, ne saurait concerner que la politique commerciale stricto sensu de cette filiale (arrêt du 23 janvier 2014, Gigaset/Commission, T‑395/09, non publié, EU:T:2014:23, point 45), ni être nécessairement liée à la gestion quotidienne de celle-ci (arrêt du 26 septembre 2013, The Dow Chemical Company/Commission, C‑179/12 P, non publié, EU:C:2013:605, point 64).

261

Au demeurant, il convient de relever que l’affirmation de la requérante selon laquelle elle ne s’est pas immiscée dans les activités opérationnelles et commerciales de ses filiales non seulement n’est étayée par aucune preuve, mais est partiellement contredite par ses déclarations antérieures, faites dans sa réponse du 29 juin 2007 au questionnaire de la Commission du 12 juin 2007 adressé durant l’enquête et produite en annexe à la requête. En effet, selon ces déclarations, « [l]e Conseil d’administration de [la requérante] […] intervenait […] sur les grandes orientations commerciales des principaux métiers du Groupe Air France-KLM ».

262

Deuxièmement, s’agissant de l’argument selon lequel AF et KLM déterminaient de façon autonome leur politique commerciale, leur stratégie, leur budget et leur comportement dans le secteur du fret, tout d’abord, il y a lieu d’observer que la requérante procède, de nouveau, par simples affirmations. Ensuite, l’argumentation de la requérante repose pour l’essentiel sur l’autonomie des départements AF Cargo et KLM Cargo par rapport aux entités dont ils relèvent, respectivement AF et KLM, de sorte qu’elle ne permet pas d’établir l’autonomie d’AF et de KLM à l’égard de la requérante. Enfin, les exemples de domaines, mentionnés par la requérante, à l’égard desquels s’exercerait la prétendue autonomie d’AF Cargo et de KLM Cargo, telles, sur un plan opérationnel, la mise en œuvre des opérations de logistique inhérentes à l’activité de fret ou, sur un plan stratégique, la création et la fixation d’une surtaxe, ne sont pas contradictoires avec le pilotage stratégique plus général que la requérante dit assurer elle-même. En effet, une division des tâches constitue un phénomène normal dans un groupe de sociétés (voir, en ce sens, arrêt du 14 juillet 2011, Arkema France/Commission, T‑189/06, EU:T:2011:377, point 76).

263

Troisièmement, quant à l’abstention du comité de management stratégique de la requérante d’adresser des « recommandations contraignantes » à AF et à KLM, elle touche aux liens juridiques unissant la requérante et ses filiales. Dans ces conditions, bien que cette abstention soit invoquée pour contester les éléments listés dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée, il y a lieu d’examiner dès à présent si elle est de nature à remettre en cause les constats de la Commission relatifs à l’absence d’autonomie de ses filiales.

264

D’une part, il convient de constater que la requérante est en défaut de produire à l’appui de cette allégation le moindre élément de preuve, tels les procès-verbaux ou les comptes rendus des réunions du comité de management stratégique.

265

D’autre part, il est relevé que la requérante ne conteste pas que le comité de management stratégique s’est réuni entre sa création en 2004 et la fin de la période infractionnelle. Il ressort d’ailleurs de sa réponse du 29 juin 2007 au questionnaire de la Commission du 12 juin 2007 que ledit comité s’était effectivement réuni durant cette période et qu’il « [était] […] principalement intervenu sur [l]es questions [stratégiques] ».

266

Or, compte tenu du rôle et des attributions du comité de management stratégique, tels qu’ils ressortent des extraits des rapports annuels de la requérante pour 2004/2005 et 2005/2006, annexés à sa réponse du 29 juin 2007, il paraît peu crédible que les délibérations de ce comité n’aient pas eu précisément pour but de coordonner la stratégie des filiales AF et KLM. En effet, selon ces extraits, « les décisions [dudit comité] expriment la position commune d’AF et de KLM pour toute décision stratégique significative touchant aux domaines commerciaux, financiers, techniques et opérationnels […] ».

267

S’agissant spécifiquement des « recommandations contraignantes », il est précisé que « le [comité de management stratégique] émet des recommandations impératives sur les sujets susmentionnés au Conseil d’administration d’[AF], au Directoire et au Conseil de surveillance de KLM » et que « [l]e Président du Directoire de KLM, le Président du Conseil d’administration d’[AF] et tout président et administrateur ou personnel clé des entités combinées ou de leurs filiales selon le cas, ne peuvent prendre ou mettre en place des décisions relevant de la compétence du [comité de management stratégique] sans que celui-ci n’ait rendu préalablement sa recommandation impérative ». Il en ressort que l’intervention d’AF et de KLM dans un certain nombre de domaines inhérents à leur activité était conditionnée à l’adoption, au niveau du comité de management stratégique de la requérante, de recommandations contraignantes (ou impératives). Or, en l’espèce, la requérante n’apporte pas la moindre preuve ni le moindre élément de contexte de nature à éclairer le Tribunal sur un éventuel abandon, par ledit comité, des prérogatives qui étaient les siennes.

268

Au regard de ce qui précède, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas réussi à renverser la présomption, déduite du contrôle que sa détention de la totalité du capital d’AF et des droits de vote associés aux actions d’AF implique, selon laquelle elle aurait effectivement exercé une influence déterminante sur AF durant la période comprise entre le 15 septembre 2004 et le 14 février 2006.

269

Quant au constat de la Commission selon lequel la requérante a effectivement exercé une influence déterminante sur KLM, aucune erreur entachant l’appréciation de la Commission ne ressort de l’examen, aux points 258 à 267 ci-dessus, de la première série d’arguments de la requérante au soutien du présent grief.

270

Il reste donc à apprécier les arguments présentés par la requérante portant sur les éléments listés dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée concernant les liens qu’elle entretenait avec KLM, ceux ayant trait à AF devant être écartés comme inopérants puisque la requérante a échoué à prouver que la Commission a commis une erreur en s’appuyant sur la présomption en cause.

271

Premièrement, s’agissant de l’allégation de la requérante selon laquelle le comité de management stratégique n’a adopté aucune « recommandation contraignante », il convient de renvoyer aux développements figurant aux points 263 à 267 ci-dessus. Au demeurant, la Commission s’est appuyée, dans la décision attaquée, sur le pouvoir dudit comité d’adopter de telles recommandations (voir point 233 ci-dessus), dont l’existence n’est pas contestée par la requérante. Or la possibilité pour la requérante de déterminer ainsi la stratégie de sa filiale témoigne, en elle-même, de l’existence d’un pouvoir de direction de nature à remettre en cause l’autonomie du comportement de cette dernière.

272

Deuxièmement, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de l’inexistence d’une « relation de dépendance hiérarchique » entre elle, par l’intermédiaire de son conseil d’administration et de son comité de management stratégique, et KLM, il doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 262 ci-dessus.

273

Troisièmement, la requérante n’est pas fondée à faire valoir qu’aucun des membres de ses organes dirigeants visés dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée qui, au cours de la période concernée, ont siégé dans les organes dirigeants de KLM ne s’est immiscé dans les activités de fret. En effet, elle s’appuie à cet égard sur la circonstance que l’ensemble des décisions relatives à l’activité fret avait été confié, au sein de KLM, au département KLM Cargo ou au JCMC.

274

Or, cet argument doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 262 ci-dessus.

275

Au demeurant, il convient de relever que la requérante se contente d’affirmer, sans preuves à l’appui, que les membres cumulant des fonctions dirigeantes ou des mandats au sein de ses organes sociaux et de ceux de KLM ne se seraient pas immiscés dans les activités de fret. Or, outre qu’elle n’est pas étayée, cette affirmation ne tend pas à infirmer, en tant que telle, l’existence de ces chevauchements, alors qu’il est de jurisprudence constante que l’importance de l’implication d’une société mère dans la gestion de sa filiale peut être attestée par la présence, à la tête de la filiale, de nombreuses personnes occupant des fonctions de direction au sein de la société mère (voir arrêt du 9 septembre 2015, Toshiba/Commission, T‑104/13, EU:T:2015:610, point 100 et jurisprudence citée).

276

Quatrièmement, c’est en vain que la requérante fait valoir que le JCMC ne constituait qu’une instance de coordination de l’activité de fret d’AF et de KLM intervenant au niveau de ces dernières, de sorte qu’elle n’a pas pu l’utiliser pour s’immiscer dans leurs politiques commerciales respectives.

277

À cet égard, dans l’annexe confidentielle de la décision attaquée, la Commission a relevé que [confidentiel] (voir point 233 ci-dessus). Or, ainsi que le relève à juste titre la requérante, les éléments au dossier, et notamment sa réponse du 29 juin 2007 au questionnaire de la Commission du 12 juin 2007, font état d’une structure unique organisée au niveau des départements fret des filiales AF et KLM. Il n’en ressort pas que cette structure serait instituée au sein de la requérante ou qu’elle manifesterait, de toute autre manière, l’influence déterminante que cette dernière exercerait sur ses filiales.

278

Il n’en demeure pas moins que les autres raisons, non valablement critiquées, avancées par la Commission au soutien de l’imputation à la requérante des pratiques de KLM à partir du 5 mai 2004, à savoir, premièrement, la détention de 97,5 % du capital et 49 % des droits de vote de KLM, deuxièmement, les pouvoirs de direction, d’orientation et de contrôle de la requérante sur les activités de KLM au travers de son conseil d’administration et de son comité de management stratégique et troisièmement, la présence, à la tête de KLM, de plusieurs personnes occupant des fonctions de direction ou des mandats sociaux au sein de la requérante, suffisent à établir l’exercice effectif d’une influence déterminante de la requérante sur KLM.

279

Au regard de ce qui précède, il convient de rejeter le présent grief.

4) Sur le quatrième grief, tiré de la violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions

280

La requérante soutient que l’imputation des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celle de KLM à partir du 5 mai 2004 enfreint les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions.

281

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

282

Il convient de rappeler que, en vertu des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions qui sont applicables dans toute procédure administrative susceptible d’aboutir à des sanctions en vertu des règles de la concurrence de l’Union, une entreprise ne doit être sanctionnée que pour les faits qui lui sont individuellement reprochés (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2001, Krupp Thyssen Stainless et Acciai speciali Terni/Commission, T‑45/98 et T‑47/98, EU:T:2001:288, point 63 ; du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, T‑122/07 à T‑124/07, EU:T:2011:70, point 122, et du 11 juillet 2014, RWE et RWE Dea/Commission, T‑543/08, EU:T:2014:627, point 68).

283

Toutefois, ce principe doit se concilier avec la notion d’entreprise et avec la jurisprudence selon laquelle le fait que la société mère et sa filiale constituent une seule entreprise au sens de l’article 101 TFUE habilite la Commission à adresser la décision imposant des amendes à la société mère d’un groupe de sociétés (voir, en ce sens, arrêts du 3 mars 2011, Siemens et VA Tech Transmission & Distribution/Commission, T‑122/07 à T‑124/07, EU:T:2011:70, point 122, et du 11 juillet 2014, RWE et RWE Dea/Commission, T‑543/08, EU:T:2014:627, point 69). En effet, même si la société mère ne participe pas directement à l’infraction, elle exerce, dans une telle hypothèse, une influence déterminante sur la ou les filiales qui ont participé à celle-ci. Il en résulte que, dans ce contexte, la responsabilité de la société mère ne saurait être considérée comme étant une responsabilité sans faute (voir, en ce sens, arrêt du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 77).

284

Dans une telle circonstance, la société mère est condamnée pour une infraction qu’elle est censée avoir commise elle-même (voir, en ce sens, arrêts du 10 septembre 2009, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑97/08 P, EU:C:2009:536, point 77 ; du 17 mai 2011, Elf Aquitaine/Commission, T‑299/08, EU:T:2011:217, point 180, et du 27 juin 2012, Bolloré/Commission, T‑372/10, EU:T:2012:325, point 52).

285

En l’espèce, dans la mesure où la requérante fonde le présent grief sur l’absence d’exercice d’une influence déterminante sur AF et KLM, sans apporter d’éléments non déjà soulevés dans le cadre des précédents griefs, il suffit de constater qu’il ressort de l’examen des premier et troisième griefs du premier moyen que la Commission a démontré à suffisance de droit que la requérante exerçait une telle influence sur ses filiales durant les périodes en cause. Il s’ensuit que le présent grief repose sur une prémisse erronée.

286

En outre, dans la mesure où elle est exempte d’erreurs et compte tenu de la jurisprudence rappelée aux points 282 et 283 ci-dessus, l’imputation à la requérante des pratiques d’AF à partir du 15 septembre 2004 et de celles de KLM à partir du 5 mai 2004 ne saurait violer les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions.

287

Partant, le présent grief doit être rejeté.

288

Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter la première branche du premier moyen dans son ensemble.

b)   Sur la seconde branche, prise d’illégalités dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004

289

La présente branche, par laquelle la requérante soutient que la Commission a commis plusieurs illégalités en lui imputant les pratiques de l’ancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004, ce que la Commission conteste, s’articule en trois griefs. Ces derniers sont tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation, le deuxième, d’erreurs dans l’imputation à la requérante desdites pratiques pour la période en cause et, le troisième, d’une violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions.

290

À titre liminaire, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a procédé en trois temps. Dans un premier temps, au considérant 1080 de cette décision, elle a imputé des agissements de l’ancienne société Air France pour la période du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004 à la requérante en sa qualité de « successeur ». À cet égard, elle s’est fondée sur le constat que, le 15 septembre 2004, l’ancienne société Air France était « devenue » la requérante, par suite d’une transformation en holding et d’un changement de dénomination et objet sociaux, ainsi qu’il est précisé au considérant 22 de la décision attaquée.

291

Dans un deuxième temps, pour la période du 15 septembre 2004 au 14 février 2006, la Commission a retenu, aux considérants 1083 et 1084 de la décision attaquée, que la requérante avait exercé une influence déterminante sur AF.

292

Dans un troisième temps, au considérant 1085 de la décision attaquée, la Commission a déduit des éléments exposés aux points 290 et 291 ci-dessus que la requérante et AF devaient être tenus pour solidairement responsables du paiement de l’amende en raison de leur participation à l’infraction du 7 décembre 1999 au 14 février 2006.

293

Ainsi que la Commission l’a, en substance, confirmé lors de l’audience, cette mention de la participation de la requérante à l’infraction unique et continue s’appuie sur le constat que la personne morale directement impliquée dans la commission de l’infraction unique et continue jusqu’au 15 septembre 2004 et la requérante seraient une seule et même personne morale, seuls leur dénomination et objet sociaux, entretemps modifiés, les distinguant (voir points 244 et 290 ci-dessus).

1) Sur le premier grief, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

294

La requérante soutient que la décision attaquée ne motive pas suffisamment l’imputation qui lui est faite des pratiques de l’ancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004. Elle critique le considérant 1080 de la décision attaquée qui ne permettrait pas de comprendre le statut qui lui est attribué à l’égard de l’ancienne société Air France au titre de ladite période et, notamment, de savoir si elle a été considérée comme successeur économique ou successeur juridique, voire les deux, de cette société.

295

Le considérant 1080 de la version française de la décision attaquée aurait été modifié par rapport à la décision du 9 novembre 2010. La requérante souligne que, alors que le considérant 1056 de cette décision indiquait qu’elle et AF étaient respectivement le successeur économique et le successeur juridique de l’ancienne société Air France, telle qu’elle existait avant le 15 septembre 2004, le considérant 1080 de ladite décision ne fait plus référence à l’adverbe « respectivement ». Cette modification résulterait de l’erreur reconnue par la Commission devant le Tribunal dans le cadre de l’affaire qui a donné lieu à l’arrêt du 16 décembre 2015, Air France-KLM/Commission (T‑62/11, non publié, EU:T:2015:996). La requérante fait également observer que pareille modification n’a toutefois pas été opérée dans les versions néerlandaise et anglaise de la même décision, aux termes desquelles, dans ce dernier considérant, ce n’est pas elle, mais AF, qui est désignée comme le successeur économique de l’ancienne société Air France.

296

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

297

À cet égard, il convient de rappeler que la motivation doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, arrêt du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 147).

298

Le respect de l’obligation de motivation doit être apprécié en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires de l’acte ou d’autres personnes concernées par celui-ci au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE et de l’article 41, paragraphe 2, sous c), de la Charte doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêts du 29 septembre 2011, Elf Aquitaine/Commission, C‑521/09 P, EU:C:2011:620, point 150, et du 13 décembre 2016, Printeos e.a./Commission, T‑95/15, EU:T:2016:722, point 45).

299

Comme indiqué aux points 245 à 247 ci-dessus, il ressort du considérant 1080 de la décision attaquée que la Commission s’est appuyée sur la circonstance que la requérante résultait de la transformation de l’ancienne société Air France en holding pour lui imputer les pratiques de cette dernière sur la période concernée.

300

Ce faisant, la Commission a fait apparaître de façon claire et non équivoque les raisons pour lesquelles elle imputait à la requérante ces pratiques, de manière à lui permettre de connaître les justifications de la mesure prise et au Tribunal d’exercer son contrôle.

301

Aucun des arguments avancés par la requérante ne vient infirmer cette conclusion.

302

S’il est certes indiqué au considérant 1080 de la décision attaquée, comme le relève la requérante, que cette dernière « et [AF] sont […] les successeurs économiques et juridiques de l’ancienne [s]ociété Air France telle qu’elle existait avant le 15 septembre 2004 », cette référence ne saurait, cependant, être lue de manière isolée.

303

Il convient, en effet, de constater que, au considérant 1080 de la décision attaquée, les constatations qui précèdent immédiatement la référence en cause et qui sont formulées à son appui portent, respectivement, sur la continuité juridique entre l’ancienne société Air France et la requérante et sur la continuité économique entre l’ancienne société Air France et AF. De même, dans les versions linguistiques anglaise et néerlandaise de ladite décision, ladite référence se lit comme suit : « [la requérante] et [AF] sont donc, respectivement, les successeurs juridiques et économiques de l’ancienne [s]ociété Air France ». Il s’ensuit que cette référence doit, d’une part, être considérée comme relevant d’une simple erreur de plume et, d’autre part, être interprétée comme retenant la responsabilité de la requérante exclusivement au titre de la continuité juridique constatée avec l’ancienne société Air France, ce dont la Commission est convenue, au demeurant, lors de l’audience.

2) Sur le deuxième grief, tiré d’erreurs dans l’imputation à la requérante des pratiques de l’ancienne société Air France pour la période du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004

304

La requérante soutient que la Commission lui impute à tort, pour la période antérieure à sa création, soit entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004, les pratiques de l’ancienne société Air France, que le considérant 1080 de la décision attaquée soit interprété en ce sens qu’elle est le « successeur économique » de ladite société, ou son successeur juridique, voire les deux à la fois, au même titre qu’AF.

305

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

306

Il convient de relever que la requérante envisage, dans la requête, trois scénarios dans lesquels elle serait tenue pour responsable des pratiques de l’ancienne société Air France pour la période du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004. Il s’agit, premièrement, du scénario dans lequel la requérante serait son successeur économique, deuxièmement, du scénario dans lequel elle serait son successeur juridique et, troisièmement, du scénario dans lequel elle serait son successeur économique et juridique. Du point de vue de la succession juridique, la requérante se contente de renvoyer à un rappel de jurisprudence développé sous la première branche du présent moyen. Ce rappel couvre, de manière générale, les conditions de l’imputation, à une société mère, des agissements anticoncurrentiels de sa filiale avant l’acquisition de cette dernière.

307

Or, la requérante est en défaut d’expliquer en quoi la jurisprudence invoquée conduit à exclure l’imputation à son égard des pratiques de l’ancienne société Air France. Qui plus est, les situations couvertes par cette jurisprudence sont différentes de celles de l’espèce. En effet, la requérante n’a pas acquis l’ancienne société Air France, mais résulte d’un changement dans les dénomination et objet sociaux de cette dernière, assurant ainsi la continuité juridique des droits et des obligations de l’ancienne société Air France en ce qui concerne ses activités du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004.

308

Lors de l’audience, la requérante a ajouté que fonder la responsabilité d’AF pour les agissements anticoncurrentiels de l’ancienne société Air France sur une continuité économique entre elles ferait échec à un « partage de responsabilités » avec la requérante. La Commission ne pourrait ainsi décider de transférer la responsabilité des agissements de l’ancienne société Air France à AF et d’imputer, dans le même temps, ces agissements à la requérante.

309

À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il incombe, en principe, à la personne physique ou morale qui dirigeait l’entreprise concernée au moment où l’infraction a été commise de répondre de celle-ci, même si, au jour de l’adoption de la décision constatant l’infraction, l’exploitation de l’entreprise a été placée sous la responsabilité d’une autre personne (arrêt du 16 novembre 2000, Cascades/Commission, C‑279/98 P, EU:C:2000:626, point 78).

310

La circonstance que certaines caractéristiques de la personne qui dirigeait l’entreprise concernée au moment de l’infraction aient changé, par exemple sa dénomination, ne remet pas en cause la continuité de son existence juridique (voir, en ce sens, arrêt du 16 novembre 2000, SCA Holding/Commission, C‑297/98 P, EU:C:2000:633, points 28 et 29).

311

Or, en l’espèce, il ressort des considérants 22 et 1080 de la décision attaquée, et il est constant, que la personne morale impliquée dans l’infraction unique et continue avant le 15 septembre 2004 a subsisté après cette date, moyennant un changement de ses dénomination et objet sociaux. L’ancienne société Air France, entité juridique opérationnelle, est ainsi « devenue » la requérante, société faîtière du groupe Air France-KLM.

312

Il s’ensuit que, au regard de la jurisprudence rappelée aux points 309 et 310 ci-dessus, il ne saurait être reproché à la Commission d’avoir fait application du critère de la continuité juridique pour retenir la responsabilité de la requérante pour les agissements de l’ancienne société Air France du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004.

313

Quant à la circonstance que AF se voit, en tant que successeur économique, également imputer ces agissements, il y a lieu de rappeler qu’une décision adoptée en matière de concurrence à l’égard de plusieurs entreprises, bien que rédigée et publiée sous la forme d’une seule décision, doit s’analyser comme un faisceau de décisions individuelles constatant à l’égard de chacune des entreprises destinataires la ou les infractions retenues à sa charge et lui infligeant, le cas échéant, une amende (arrêt du 15 octobre 2002, Limburgse Vinyl Maatschappij e.a./Commission, C‑238/99 P, C‑244/99 P, C‑245/99 P, C‑247/99 P, C‑250/99 P à C‑252/99 P et C‑254/99 P, EU:C:2002:582, point 100). Ainsi, si un des destinataires d’une décision décide d’introduire un recours en annulation, le juge de l’Union n’est saisi que des éléments de la décision le concernant, tandis que ceux concernant d’autres destinataires n’entrent pas en principe dans l’objet du litige que le juge de l’Union est appelé à trancher (arrêt du 11 juillet 2013, Team Relocations e.a./Commission, C‑444/11 P, non publié, EU:C:2013:464, point 66), sous réserve du cas d’une société mère dont la responsabilité serait entièrement dérivée de celle de sa filiale (voir, en ce sens, arrêt du 22 janvier 2013, Commission/Tomkins, C‑286/11 P, EU:C:2013:29, points 43 et 49).

314

Or, dans la mesure où la responsabilité de la requérante pour les agissements de l’ancienne société Air France n’est pas dérivée de celle de sa filiale AF, il s’ensuit qu’elle n’est pas recevable, dans le cadre du présent recours, à faire grief à la Commission d’avoir imputé à ladite filiale les agissements de l’ancienne société Air France du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004.

315

Au regard de ce qui précède, le deuxième grief doit être rejeté.

3) Sur le troisième grief, tiré d’une violation des principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et de sanctions

316

La requérante soutient que l’imputation qui lui est faite des pratiques de l’ancienne société Air France entre le 7 décembre 1999 et le 15 septembre 2004 viole les principes de responsabilité personnelle et d’individualisation des peines et des sanctions. Elle soutient qu’elle n’existait pas pendant cette période et qu’elle ne constitue pas le successeur économique de l’ancienne société Air France.

317

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

318

À cet égard, il y a lieu de constater que l’argumentation de la requérante repose sur la prémisse erronée qu’elle « n’existait pas » à la date des agissements de l’ancienne société Air France. En effet, ainsi qu’il est relevé aux points 293 et 311 ci-dessus, l’ancienne société Air France et la requérante sont une seule et même personne morale, dont la constitution est antérieure à la commission des agissements de l’ancienne société Air France du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004.

319

Au regard de ce qui précède, le troisième grief doit être rejeté et, par voie de conséquence, la seconde branche dans son ensemble.

320

Il convient également de rejeter le grief soulevé à titre liminaire dans le cadre du présent moyen, dans la mesure où il est pris de l’absence de participation de la requérante à l’infraction unique et continue. En effet, il ressort de l’examen de la présente branche que la responsabilité de la requérante pour les agissements de l’ancienne société Air France du 7 décembre 1999 au 15 septembre 2004 n’est pas une responsabilité dérivée. Le présent moyen doit donc être rejeté.

4.   Sur le deuxième moyen, tiré de violations de la communication sur la clémence de 2002 et des principes d’égalité de traitement et de non-discrimination ainsi que de la protection de la confiance légitime

321

La requérante soutient que les preuves apportées par Lufthansa dans le cadre de sa demande d’immunité sont irrecevables et doivent être retirées du dossier. Lufthansa n’aurait, en effet, pas été éligible à une immunité d’amende, dans la mesure où elle n’aurait pas mis fin à sa participation à l’infraction unique et continue postérieurement au dépôt de sa demande d’immunité et aurait, par suite, violé les conditions visées au paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002.

322

Or, sans les preuves en question, la Commission aurait été dans l’impossibilité d’ouvrir l’enquête, ce qu’elle aurait reconnu au considérant 1302 de la décision attaquée. En outre, ces preuves constitueraient le socle de cette décision, comme il serait souligné au considérant 1250 de la même décision. Le retrait du dossier de ces preuves devrait donc conduire à l’annulation de ladite décision dans son intégralité.

323

La Commission conteste l’argumentation de la requérante. D’une part, elle fait valoir que le présent moyen est inopérant, dans la mesure où le retrait du bénéfice de l’immunité à Lufthansa n’entraînerait pas l’irrecevabilité des pièces soumises par celle-ci dans le cadre de la demande d’immunité. D’autre part, elle soutient que Lufthansa avait été sensibilisée au fait qu’une éventuelle divulgation de ladite demande était considérée comme étant susceptible d’avoir une incidence négative sur le bon déroulement de l’enquête et sur la capacité de la Commission à instruire et à réprimer l’entente litigieuse. Par ailleurs, le maintien des contacts entre Lufthansa et les autres transporteurs incriminés serait aussi intervenu à la demande d’une autorité de concurrence d’un pays tiers.

324

La requérante réplique que le présent moyen est opérant et que les arguments que la Commission a développés devant le Tribunal s’agissant des circonstances particulières qui auraient justifié la poursuite de l’infraction par Lufthansa postérieurement au dépôt de la demande d’immunité sont irrecevables, faute de figurer dans la décision attaquée. Elle estime que de tels arguments, en ce qu’ils lui ont été dissimulés, constituent une « violation des droits de la défense à travers une rupture de l’égalité des armes ».

325

La requérante demande en conséquence au Tribunal d’enjoindre à la Commission de communiquer les « détails des preuves » des nouveaux éléments avancés dans le mémoire en défense afin de lui permettre d’être pleinement éclairée sur les circonstances dans lesquelles la Commission et l’autorité de concurrence d’un pays tiers ont encouragé Lufthansa à poursuivre l’infraction au-delà du 7 décembre 2005.

326

Il y a lieu d’observer que l’argumentation de la requérante repose toute entière sur la prémisse selon laquelle le non-respect des conditions visées au paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002 est de nature à entraîner l’irrecevabilité des éléments de preuve apportés dans le cadre d’une demande d’immunité.

327

Cette argumentation se fonde sur les arrêts du 12 décembre 2012, Almamet/Commission (T‑410/09, non publié, EU:T:2012:676, points 39 et 40) et du 16 juin 2015, FSL e.a./Commission (T‑655/11, EU:T:2015:383, points 44, 46 et 80), dont il ressort que le droit de l’Union ne saurait admettre des preuves recueillies en méconnaissance totale de la procédure prévue pour leur établissement et visant à protéger les droits fondamentaux des intéressés.

328

Il y a, cependant, lieu d’observer que les conditions d’octroi du bénéfice de l’immunité d’amendes ne sont pas des règles procédurales relatives à l’établissement des preuves. Elles se rattachent en effet aux motivations qui amènent un témoin à collaborer avec les autorités et n’ont, en tant que telles, aucune incidence sur la légalité de la collecte des preuves et la possibilité de les exploiter (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Kokott dans l’affaire FSL e.a./Commission, C‑469/15 P, EU:C:2016:884, points 76 et 77).

329

En outre, pour autant que, par son argumentation, la requérante soutient qu’admettre de tels éléments de preuve serait contraire à certaines garanties fondamentales ou formes substantielles, au demeurant non précisées dans ses écritures, il y aurait lieu de relever que, selon la jurisprudence, une entreprise qui décide de soumettre une déclaration en vue de l’obtention d’une réduction du montant de l’amende est consciente du fait que, alors qu’une réduction ne lui sera accordée que si, de l’avis de la Commission, les conditions d’une réduction prévues dans la communication sont remplies, la déclaration fera en tout état de cause partie du dossier et pourra être invoquée à titre de preuve (arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, point 111).

330

Pour parvenir à cette conclusion, le Tribunal s’est, certes, appuyé sur le paragraphe 31 de la communication de la Commission sur l’immunité d’amendes et la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes (JO 2006, C 298, p. 17, ci-après la « communication sur la clémence de 2006 »), venue remplacer la communication sur la clémence de 2002, qui dispose que « [t]oute déclaration faite à la Commission dans le cadre de la présente communication fait partie du dossier de la Commission et peut donc être invoquée à titre de preuve ».

331

Toutefois, il ressort du paragraphe 37 de la communication sur la clémence de 2006 que le paragraphe 31 de ladite communication est applicable aux demandes de clémence pendantes au moment de l’entrée en vigueur de cette communication (voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission, T‑352/09, EU:T:2012:673, points 27 et 111). Or, tel est le cas de la demande introduite par Lufthansa le 7 décembre 2005 auprès de la Commission. En effet, cette demande était toujours pendante à la date d’entrée en vigueur de la communication en question, le 8 décembre 2006.

332

Au demeurant, selon le paragraphe 33 de la communication sur la clémence de 2002, « [t]oute déclaration écrite faite à la Commission en rapport avec la présente communication fait partie intégrante de son dossier ». Partant, une telle déclaration peut être utilisée à titre de preuve par la Commission. Le libellé du paragraphe 31 de la communication sur la clémence de 2006 ne fait, dès lors, qu’expliciter les conséquences qui découlent nécessairement du maintien dans le dossier de ladite déclaration.

333

Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, rien ne s’oppose à ce que les conclusions auxquelles le Tribunal est arrivé dans l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), s’agissant des déclarations faites par le demandeur de clémence, soient étendues à l’ensemble des éléments de preuve fournis par une entreprise en vue d’obtenir le bénéfice d’une immunité d’amendes.

334

Ainsi, dans l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), le Tribunal s’était appuyé, en substance, sur le caractère volontaire de la coopération fournie par l’entreprise désireuse d’obtenir une réduction du montant de l’amende ainsi que sur les termes de la communication sur la clémence applicable aux faits en cause pour conclure que la déclaration du demandeur de clémence pouvait être invoquée à titre de preuve, indépendamment du sort de sa demande de clémence.

335

Or, d’une part, les éléments de preuve fournis par Lufthansa en l’espèce dans le cadre de sa demande d’immunité, à l’instar de la déclaration du demandeur de clémence dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 12 décembre 2012, Novácke chemické závody/Commission (T‑352/09, EU:T:2012:673), l’ont été volontairement.

336

D’autre part, ni la communication sur la clémence de 2002, ni celle de 2006 ne contiennent de dispositions tendant à entretenir, pour les entreprises désireuses de coopérer avec la Commission, des attentes concernant le sort des éléments de preuve fournis par ces entreprises qui, bien que bénéficiaires d’une immunité conditionnelle d’amendes (conformément au paragraphe 15 de la communication de 2002 ou au paragraphe 18 de la communication de 2006), ne pourraient pas remplir les conditions pour bénéficier d’une immunité définitive (conformément au paragraphe 19 de la communication de 2002 ou au paragraphe 22 de la communication de 2006). Cette situation contraste avec les précisions offertes par lesdites communications sur le sort des éléments fournis à l’appui d’une demande dont la Commission exclut qu’elle satisfasse aux conditions d’octroi du bénéfice d’une immunité conditionnelle. En effet, dans un tel cas, l’entreprise peut retirer les éléments de preuve divulgués (voir paragraphe 17 de la communication de 2002 et paragraphe 20 de la communication de 2006).

337

Au surplus, écarter automatiquement du dossier les éléments de preuve fournis par une entreprise dont il s’avère que, bien qu’éligible à une immunité d’amendes au moment où elle introduit sa demande d’immunité, elle ne respecte pas les conditions pour en bénéficier de manière définitive à la date d’adoption de la décision constatant une infraction compromettrait l’effet utile de la procédure de clémence. En effet, la Commission serait privée de preuves par hypothèse essentielles à l’établissement de l’infraction en cause et de la participation d’entreprises à celle-ci, à un stade où la possibilité de suppléer à ce manque par des actes d’investigation supplémentaires serait considérablement amoindrie, notamment en raison du risque de dépérissement des preuves. En outre, le succès des procédures risquerait d’être laissé au bon vouloir du demandeur d’immunité, tandis que la Commission serait entravée dans le contrôle efficace du respect des conditions d’octroi du bénéfice de l’immunité d’amendes, la menace d’un non-octroi perdant, au regard des conséquences qui y seraient attachées, en crédibilité.

338

Compte tenu de l’ensemble de ce qui précède, il y a lieu de considérer que le non-respect par Lufthansa de la condition prévue au paragraphe 11, sous b), de la communication sur la clémence de 2002, à le supposer avéré, n’est pas de nature à priver la Commission de la possibilité d’utiliser les éléments de preuve communiqués dans le cadre de sa demande de clémence.

[omissis]

9.   Sur le huitième moyen, tiré d’erreurs et d’une violation du principe de proportionnalité dans le calcul de la durée de la participation d’AF à l’infraction unique et continue

498

La requérante soutient que la Commission a commis des erreurs manifestes d’appréciation et a violé le principe de proportionnalité en retenant qu’AF avait pris part à l’infraction unique et continue de manière ininterrompue entre le 7 décembre 1999 et le 14 février 2006. Selon elle, la Commission ne dispose, mis à part le contact entre AF et Japan Airlines du 7 décembre 1999 visé au considérant 136 de la décision attaquée, de preuves suffisantes à son égard que pour la période allant du 19 janvier 2001 au 19 octobre 2005.

499

Les contacts sur lesquels la Commission se serait appuyée pour retenir la participation d’AF à la coordination relative à la STC pendant la période du 7 décembre 1999 au 19 janvier 2001 et la période postérieure au 19 octobre 2005 ne pourraient, en effet, être qualifiés d’anticoncurrentiels, puisqu’ils concernaient des échanges d’informations publiques (considérants 137, 140 à 142, 554, 563 et 574 de la décision attaquée), mis en œuvre à l’extérieur de l’EEE (considérants 146, 152 et 182 de ladite décision) ou dont la Commission n’aurait pas prouvé le caractère anticoncurrentiel (considérants 530 et 556 de cette décision).

500

Par ailleurs, la Commission n’aurait apporté aucune preuve valable de la participation d’AF aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions pour les périodes postérieures, respectivement, au 19 octobre 2005 et au 14 octobre 2005.

501

Dans la réplique, la requérante ajoute que la Commission ne peut pas lui imposer de prouver qu’elle s’est publiquement distanciée de l’entente litigieuse après le 19 octobre 2005. Selon elle, c’est à la Commission d’établir sa participation à ladite infraction après cette date.

502

La Commission conteste l’argumentation de la requérante.

503

Il convient d’examiner, dans un premier temps, les contacts dont la requérante soutient qu’ils concernaient des échanges d’informations publiques (considérants 137, 140 à 142, 554, 563 et 574 de la décision attaquée), dans un deuxième temps, ceux dont elle avance qu’ils ont été mis en œuvre à l’extérieur de l’EEE (considérants 146, 152 et 182 de cette décision) et, dans un troisième temps, ceux dont elle fait valoir que le caractère anticoncurrentiel n’est pas suffisamment démontré (considérants 530 et 556 de ladite décision).

504

Dans la requête, la requérante a également invoqué les contacts décrits au considérant 563 de la décision attaquée parmi ceux qui ont, selon elle, été mis en œuvre à l’extérieur de l’EEE. Toutefois, en réponse aux questions écrites du Tribunal, elle a précisé qu’elle demandait qu’ils soient écartés en raison de leur caractère anticoncurrentiel insuffisamment établi.

505

En premier lieu, il convient de constater que, parmi les contacts dont la requérante soutient qu’ils concernaient des échanges d’informations publiques, figurent en réalité trois types d’échanges.

506

Premièrement, les contacts en question comprennent des courriels internes d’autres transporteurs incriminés dans lesquels il est expressément fait état de contacts avec AF. Ainsi, au considérant 137 de la décision attaquée, la Commission fait référence à un courriel interne de Japan Airlines du 20 décembre 1999. Ce courriel rapporte un échange entre un employé de Japan Airlines et un représentant d’AF au Japon. Or, cet échange, qui suit le contact entre Japan Airlines et AF du 7 décembre 1999 et dont la requérante ne conteste pas le caractère anticoncurrentiel (considérant 136 de ladite décision), ne portait pas uniquement sur l’introduction de la STC, qui avait été publiquement annoncée par AF le même jour. Dans le cadre dudit échange, le représentant d’AF au Japon indiquait aussi à Japan Airlines que « cela sera[it] annoncé sur chaque marché le 22 décembre et après cette date » et que le siège d’AF avait pris contact avec ceux d’autres transporteurs, dont Lufthansa, « afin d’encourager la mise en œuvre de la même manière qu’AF ».

507

Deuxièmement, les courriels visés aux considérants 140 à 142 de la décision attaquée comprennent des courriels internes d’autres transporteurs dans lesquels il n’est fait état d’aucun contact spécifique entre AF et un ou plusieurs autres transporteurs. Ces courriels, qui sont datés des 21 décembre 1999 et 3 janvier 2000, font simplement état de l’intention d’AF et d’un ou de plusieurs autres transporteurs d’instaurer une STC. Or, comme il a été indiqué au point 506 ci-dessus, AF avait déjà publiquement annoncé la mise en place d’une STC le 20 décembre 1999. La Commission n’a fait état d’aucun autre élément de preuve qui serait de nature à démontrer que les auteurs des courriels internes visés auxdits considérants avaient pris connaissance des intentions d’AF autrement que par cette annonce. Quant à la référence, dans le courriel interne visé au considérant 141 de ladite décision, à des « communiqués et [à] des notifications aux marchés » au sujet de la STC qui devaient intervenir « dans les prochains jours », elle est trop vague pour le démontrer.

508

Dans ces conditions, la Commission n’était pas fondée, au considérant 724 de la décision attaquée, à interpréter les courriels internes visés aux considérants 140 à 142 de ladite décision en ce sens qu’ils étayaient l’existence d’échanges d’informations entre AF et d’autres transporteurs.

509

Troisièmement, les courriels visés aux considérants 554, 563 et 574 de la décision attaquée sont des courriels dont AF est l’expéditrice ou l’une des destinataires.

510

Il est vrai que les informations que la requérante a partagées dans le cadre de ces courriels avaient déjà fait l’objet d’une annonce publique préalable. Il ne saurait, cependant, en être déduit que lesdits courriels ne pouvaient être retenus contre la requérante.

511

En effet, d’une part, il convient de rappeler que l’échange d’informations publiquement accessibles enfreint l’article 101, paragraphe 1, TFUE lorsqu’il constitue le support d’un autre mécanisme anticoncurrentiel (voir, en ce sens, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 281). Or, en l’espèce, les courriels visés aux considérants 554, 563 et 574 de la décision attaquée portaient tous sur des modifications futures du montant de la STC, dont la requérante ne conteste pas qu’elle faisait à l’époque l’objet d’une coordination anticoncurrentielle entre les transporteurs incriminés.

512

D’autre part, il convient d’observer que les informations échangées dans le cadre des courriels visés aux considérants 554, 563 et 574 de la décision attaquée ne se limitaient pas à celles qu’AF avait déjà publiquement annoncées. Au considérant 554 de cette décision, il est fait état d’un courriel du 15 novembre 2005 dans lequel AF ne s’est pas contentée de réitérer l’augmentation du montant de la STC qu’elle avait annoncée la veille, mais l’a confirmée. Or, ce faisant, AF a encore davantage réduit l’incertitude quant à l’évolution du niveau de la STC.

513

Aux considérants 563 et 574 de la décision attaquée, la Commission décrit des échanges d’informations entre les membres de l’Air Cargo Council Switzerland (Conseil du Fret Aérien Suisse, ci-après l’« ACCS »). L’échange visé au considérant 563 de ladite décision a débuté le 28 novembre 2005 et s’est terminé le 1er décembre suivant. L’échange visé au considérant 574 de cette décision date des 6 et 7 février 2006. Ces deux échanges portaient non seulement sur la modification du niveau de la STC qu’AF envisageait de mettre en œuvre, mais également sur celle que d’autres transporteurs incriminés, dont Swiss et SIA, comptaient mettre en œuvre. Or, AF n’établit ni même n’allègue que ces informations avaient toutes déjà fait l’objet d’une annonce publique préalable.

514

En deuxième lieu, pour ce qui est des contacts dont la requérante affirme qu’ils ont été mis en œuvre à l’extérieur de l’EEE, il convient d’observer qu’elle soutient qu’ils échappaient à la compétence territoriale de la Commission. Elle avance ainsi, en substance, que les trois contacts décrits aux considérants 146 et 152 de ladite décision concernaient les liaisons entrantes et avaient eu lieu avant l’entrée en vigueur du règlement no 411/2004 et de la décision du Comité mixte de l’EEE no 40/2005. Quant au contact décrit au considérant 182 de cette décision, il aurait concerné les liaisons au départ de la Suisse et serait antérieur à l’entrée en vigueur de l’accord CE-Suisse sur le transport aérien.

515

À supposer que les contacts visés aux considérants 146, 152 et 182 de la décision attaquée concernaient exclusivement des liaisons qui, aux périodes en cause, échappaient à la compétence de la Commission, il y a lieu de rappeler que cette dernière peut s’appuyer sur des contacts antérieurs à la période infractionnelle afin de construire une image globale de la situation et ainsi corroborer l’interprétation de certains éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Lafarge/Commission, T‑54/03, non publié, EU:T:2008:255, points 427 et 428). Tel est le cas même dans l’hypothèse où la Commission n’était pas compétente pour constater et sanctionner une infraction aux règles de concurrence antérieurement à cette période (voir, en ce sens, arrêts du 30 mai 2006, Bank Austria Creditanstalt/Commission, T‑198/03, EU:T:2006:136, point 89, et du 22 mars 2012, Slovak Telekom/Commission, T‑458/09 et T‑171/10, EU:T:2012:145, points 45 à 52).

516

Aux considérants 107 et 108 de la décision attaquée, sous le point 4.1, intitulé « Principes de base et structure de l’entente », la Commission a indiqué que son enquête avait révélé une entente d’ampleur mondiale fondée sur un réseau de contacts bilatéraux et multilatéraux, qui avaient lieu « à divers niveaux au sein des entreprises concernées […] et [avaie]nt porté, dans certains cas, sur diverses zones géographiques ».

517

Aux considérants 109, 110, 876, 889 et 1046 et à la note en bas de page no 1323 de la décision attaquée, la Commission a précisé les modalités de fonctionnement de cette organisation « à plusieurs niveaux ». Selon elle, les surtaxes étaient des mesures d’application générale qui n’étaient pas spécifiques à une liaison, mais avaient pour but d’être appliquées à toutes les liaisons, au niveau mondial. Les décisions concernant les surtaxes auraient généralement été prises au niveau des sièges de chaque transporteur. Les sièges des transporteurs auraient ainsi été en « contact mutuel » lorsqu’un changement de niveau de surtaxe était imminent. Au niveau local, les transporteurs se seraient coordonnés, dans le but, d’une part, de mieux exécuter les instructions de leurs sièges respectifs et de les adapter aux conditions de marché et à la réglementation locales et, d’autre part, de coordonner et de mettre en œuvre les initiatives locales. Au considérant 111 de ladite décision, la Commission a précisé que les associations locales de représentants de transporteurs avaient été utilisées à cette fin, notamment en Suisse.

518

Les contacts visés aux considérants 146, 152 et 182 de la décision attaquée s’inscrivaient précisément dans ce cadre. En effet, premièrement, ces contacts portaient tous sur l’instauration ou sur la mise en œuvre de la STC à Singapour (considérants 146), en Inde (considérant 152) et en Suisse (considérant 182). Deuxièmement, ces contacts soit étaient contemporains de discussions entre les sièges ou de décisions prises au niveau de ceux-ci concernant les surtaxes (considérant 146), soit faisaient état d’instructions de consulter le siège ou reflétaient au niveau local des annonces effectuées ou des décisions prises au préalable au niveau central (considérants 152 et 182). Troisièmement, tous ces contacts ont eu lieu dans le cadre ou en marge d’associations locales de représentants de compagnies aériennes.

519

Or, aux considérants 724 et 792 de la décision attaquée, la Commission s’est appuyée sur lesdits contacts pour corroborer son interprétation d’autres éléments de preuve, dont il n’est pas allégué qu’ils échappaient à sa compétence. Ainsi, lesdits contacts comptent parmi les nombreux contacts litigieux que la Commission a cités au considérant 724 de cette décision pour retenir qu’AF avait entretenu des « contacts avec les concurrents au niveau local ». Ils comptent aussi parmi plusieurs contacts antérieurs au 19 janvier 2001 que la Commission a opposés à AF aux considérants 722 à 724 de ladite décision.

520

Il s’ensuit que la Commission n’a pas outrepassé les limites de sa compétence en s’appuyant sur les contacts visés aux considérants 146, 152 et 182 de la décision attaquée pour construire une image globale de l’entente litigieuse et ainsi corroborer l’interprétation des éléments de preuve qu’elle a retenus pour imputer à la requérante la responsabilité de la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC.

521

Il y a cependant lieu d’observer, à l’instar de la requérante, que la Commission n’a pas établi la participation d’AF à l’un de ces contacts, à savoir la réunion officielle du SCC du BAR en Inde décrite au considérant 152 de la décision attaquée. Pour autant, la requérante ne conteste pas qu’AF a été invitée à ladite réunion, comme tous les membres du SCC du BAR. Or, le fait que les transporteurs en cause entendaient aborder le sujet de la STC avec AF constitue en lui-même un indice de la participation de cette dernière à la composante de l’infraction unique et continue tenant à la STC (voir, en ce sens, arrêt du 29 juin 2012, GDF Suez/Commission, T‑370/09, EU:T:2012:333, point 226). Il ressort d’ailleurs des éléments du dossier qu’elle était au courant de l’objet de cette réunion. En effet, à l’issue de la réunion informelle également décrite audit considérant et à laquelle la requérante ne conteste pas qu’AF a participé, le président du SCC du BAR avait proposé d’organiser une réunion officielle du SCC du BAR afin qu’un accord sur la STC puisse être atteint entre les transporteurs concernés. Il s’ensuit que la Commission était fondée à tenir compte, dans le cadre d’un faisceau d’indices plus large, de l’invitation d’AF à cette réunion pour conclure, au considérant 724 de ladite décision, à sa participation à des discussions relatives à la STC au sein du SCC du BAR en Inde.

522

Il résulte de ce qui précède que la Commission pouvait retenir contre AF les contacts décrits aux considérants 146, 152 et 182 de la décision attaquée.

523

En troisième lieu, s’agissant des contacts dont la requérante conteste le caractère anticoncurrentiel, il convient d’observer qu’ils comprennent une réunion et plusieurs appels téléphoniques. Lors de cette réunion, qui s’est tenue le 19 octobre 2005 et qui est visée au considérant 530 de la décision attaquée, AF et Lufthansa se « sont assurées mutuellement de l’application cohérente des surtaxes, sont convenues qu’aucune autre mesure unilatérale telle que le plafonnement de la STC par AF ne serait répétée, et que les transitaires ne devaient pas recevoir de commissions sur les surtaxes ». Le caractère anticoncurrentiel de cette réunion ne saurait donc être contesté. Dans sa réponse aux questions écrites du Tribunal, la requérante a d’ailleurs reconnu que la réunion en question faisait partie des éléments de preuve qui étaient susceptibles d’être retenus contre elle.

524

La contestation de la requérante se concentre dès lors sur les appels téléphoniques visés aux considérants 530 et 556 de la décision attaquée. Selon la requérante, ces appels ont été effectués à l’initiative de Lufthansa, dans le seul but d’alimenter son dossier de clémence. Elle estime qu’il s’agit de « contacts de suivi », qui n’ont pas porté sur des sujets nouveaux, mais visaient simplement à maintenir un « lien artificiel » avec AF. Par ailleurs, elle soutient que les appels téléphoniques du 21 novembre 2005 visés au considérant 556 de ladite décision ont été de très brève durée et qu’il est impossible de conclure qu’ils avaient pour objet un échange d’informations d’un caractère anticoncurrentiel, car AF avait annoncé une baisse de la STC le même jour.

525

Aucun de ces arguments ne saurait prospérer.

526

Premièrement, ne se fonde sur aucun élément de preuve concret l’argument de la requérante selon lequel les appels téléphoniques visés aux considérants 530 et 556 de la décision attaquée avaient pour seul but de maintenir un lien artificiel avec AF pour alimenter le dossier d’immunité de Lufthansa. Les éléments du dossier tendent d’ailleurs à démontrer le contraire. Ainsi, d’une part, l’appel téléphonique visé au considérant 530 de ladite décision a remplacé la réunion de suivi de la réunion du 19 octobre 2005, dont le caractère anticoncurrentiel est établi (voir point 523 ci-dessus). De surcroît, la Commission a visé dans cette décision plusieurs autres contacts qui avaient eu lieu pendant cette période et auxquels AF avait participé (voir, notamment, considérants 525 et 563). D’autre part, les deux appels téléphoniques visés au considérant 556 de la même décision ont eu lieu le 21 novembre 2005, soit le même jour que la publication du communiqué de presse de Lufthansa annonçant une baisse de la STC et deux jours après la réunion du 19 octobre 2005, dont le caractère anticoncurrentiel est établi (voir point 523 ci-dessus).

527

Deuxièmement, les appels téléphoniques visés au considérant 556 de la décision attaquée ne sauraient être écartés au motif qu’il est impossible de conclure qu’ils avaient pour objet un échange d’informations d’un caractère anticoncurrentiel. En effet, outre le fait que ces appels ont eu lieu le même jour que la publication du communiqué de presse de Lufthansa annonçant une baisse de la STC et deux jours après la réunion du 19 octobre 2005, leur auteur était le directeur de la politique des prix de Lufthansa, dont la requérante reconnaît elle-même qu’il a « joué un rôle central dans les pratiques au niveau international ». Cet employé de Lufthansa avait d’ailleurs déjà appelé AF pour discuter des surtaxes à de précédentes occasions (considérants 357, 525 et 552 de ladite décision).

528

Quant au fait que les appels visés aux considérants 530 et 556 de la décision attaquée impliquaient des employés de Lufthansa qui savaient prétendument qu’une demande d’immunité était en cours de préparation, d’une part, il convient d’observer qu’il n’enlève rien à leur nature anticoncurrentielle. D’autre part, écarter les appels visés auxdits considérants pour ce motif risquerait de porter atteinte à l’effet utile de la procédure de clémence en empêchant la Commission de prendre en compte des éléments de preuve recueillis entre la date à laquelle un employé concerné prend connaissance de l’intention de son employeur de demander l’immunité et la date de cessation de l’infraction.

529

Par ailleurs, loin de mettre en doute le caractère anticoncurrentiel des contacts visés au considérant 556 de la décision attaquée, la circonstance qu’AF avait annoncé une baisse de la STC le 21 novembre 2005 tend à le corroborer. En effet, comme il ressort de ce considérant, le communiqué de presse que Lufthansa a transmis à Lan Airlines le même jour, juste avant de le publier, annonçait lui aussi une baisse de la STC.

530

Troisièmement, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’est aucunement nécessaire qu’un contact porte sur un sujet nouveau ou soit d’une certaine durée pour qu’il soit retenu contre une entreprise dans le cadre d’une procédure d’infraction aux règles de concurrence.

531

Il s’ensuit que la Commission était fondée à retenir contre la requérante les appels téléphoniques visés aux considérants 530 et 556 de la décision attaquée.

532

Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de considérer que la Commission pouvait retenir contre AF les contacts visés aux considérants 137, 146, 152, 182, 530, 554, 556, 563 et 574 de la décision attaquée, mais ne pouvait lui reprocher ceux décrits aux considérants 140 à 142 de ladite décision.

533

C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient de déterminer si la Commission pouvait tenir AF pour responsable de l’infraction entre le 7 décembre 1999 et le 19 janvier 2001 et après le 19 octobre 2005.

534

S’agissant de la période allant du 7 décembre 1999 au 19 janvier 2001, lors de laquelle seule la STC était en vigueur, il convient de constater que la Commission disposait de plusieurs éléments de preuve qu’elle a valablement pu retenir contre AF. Il s’agit, premièrement, de l’échange entre AF et Japan Airlines de décembre 1999 (considérant 137 de la décision attaquée), deuxièmement, d’une déclaration de CPA quant à la tenue d’une réunion en Inde « vers janvier 2000 » (considérant 152 de ladite décision), troisièmement, du procès-verbal d’une réunion du SCC du BAR du 3 février 2000 (considérant 146 de cette décision) et, quatrièmement, du procès-verbal d’une réunion de l’ACCS du 17 janvier 2001 (considérant 182 de la même décision). La période pendant laquelle la Commission n’a retenu aucun contact à l’encontre d’AF a donc commencé le 4 février 2000 pour se terminer le 17 janvier 2001. Cette période ne s’élève, par conséquent, pas à « près d’un an et un mois et demi », mais tout au plus à onze mois et treize jours.

535

Dans les circonstances de l’espèce, une telle durée est suffisamment longue pour qu’il soit nécessaire de vérifier si la participation d’AF à l’infraction unique et continue a connu une interruption entre le 4 février 2000 et le 17 janvier 2001.

536

À cet égard, il convient de rappeler que le fait que la preuve directe de la participation d’une entreprise à l’infraction en cause pendant une période déterminée n’a pas été apportée ne fait pas obstacle à ce que cette participation, également pendant cette période, soit constatée, pour autant que cette constatation repose sur des indices objectifs et concordants (voir arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, point 27 et jurisprudence citée).

537

Le fait que, dans le cas d’une infraction complexe, l’entreprise concernée ne participe pas à un ou plusieurs contacts collusoires ou ne marque pas son accord avec les résultats de l’un de ceux-ci ne signifie pas qu’elle ait cessé de participer à l’infraction en cause (arrêt du 24 mars 2011, Kaimer e.a./Commission, T‑379/06, non publié, EU:T:2011:110, point 66).

538

En revanche, la distanciation publique constitue un fait important susceptible d’établir la cessation d’un comportement anticoncurrentiel. Réciproquement, l’absence de distanciation publique constitue une situation factuelle dont la Commission peut faire état pour prouver la poursuite du comportement anticoncurrentiel d’une entreprise. Il ne s’agit, cependant, que d’un élément parmi d’autres à prendre en considération en vue d’établir si une entreprise a effectivement continué à participer à une infraction ou, au contraire, a cessé de le faire. Il ne suffit pas à fonder le constat d’une participation ininterrompue de l’entreprise concernée lorsque, au cours d’une période significative, plusieurs contacts collusoires ont eu lieu en l’absence de ses représentants. La Commission est alors tenue d’apporter d’autres éléments de preuve (voir, en ce sens, arrêt du 17 septembre 2015, Total Marketing Services/Commission, C‑634/13 P, EU:C:2015:614, points 23 et 28).

539

Ces éléments de preuve peuvent notamment tenir à la nature de l’infraction en cause (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 237), au fonctionnement de l’entente concernée (voir, en ce sens, arrêt du 25 octobre 2011, Aragonesas Industrias y Energía/Commission, T‑348/08, EU:T:2011:621, points 243 et 244), au comportement de l’entreprise concernée sur le marché en cause (voir, en ce sens, arrêts du 5 décembre 2006, Westfalen Gassen Nederland/Commission, T‑303/02, EU:T:2006:374, point 139 et jurisprudence citée, et du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, point 241), à l’inscription du comportement concerné dans une infraction unique comportant plusieurs autres composantes, ou encore aux effets produits par ledit comportement (voir, en ce sens, arrêt du 12 juillet 2011, Toshiba/Commission, T‑113/07, EU:T:2011:343, points 242 et 245).

540

Au considérant 117 de la décision attaquée, la Commission a retenu que, « [a]u minimum à partir de fin 1999, l’introduction des STC, l’application des mécanismes STC et l’introduction de modifications à ceux-ci a[vaient] fait l’objet d’une coordination entre plusieurs des [transporteurs incriminés] ». Aux considérants 133 à 153 de la même décision, elle a décrit les éléments de preuve tendant à démontrer que, entre début décembre 1999 et février ou mars 2000, plusieurs transporteurs, dont AF, avaient été impliqués dans des contacts en vue d’instaurer la STC au niveau central au début de l’année 2000 et de la mettre en œuvre au niveau local. C’est dans ce contexte que s’inscrivent les contacts visés aux considérants 136, 137, 146 et 152 de cette décision, que la Commission a retenus contre AF.

541

Au considérant 884 de la décision attaquée, la Commission a, néanmoins, souligné que la « fréquence des contacts entre les transporteurs a[vait] vari[é] dans le temps ». Elle a constaté que les contacts relatifs à la STC étaient « particulièrement fréquents lorsque les indices du carburant approchaient un niveau susceptible de déclencher une augmentation ou une diminution, mais [pouvaient] avoir été moins fréquents à d’autres moments ».

542

Or, une fois la STC instaurée au début de l’année 2000, ce n’est, comme il ressort des considérants 157 à 165 de la décision attaquée, qu’en été 2000 que le prix du carburant a connu une hausse suffisante pour inciter les transporteurs à entamer, en septembre et octobre de la même année, des discussions sur l’augmentation de la STC ou l’instauration de celle-ci, dans le cas des transporteurs qui ne l’avaient pas encore fait. Les éléments de preuve décrits auxdits considérants ne font cependant état que de contacts peu nombreux et dont une proportion significative revêtait une forme bilatérale.

543

Ce n’est, comme il ressort des considérants 166 à 183 de la décision attaquée, que lorsque Lufthansa a annoncé une réduction de la STC au début de l’année 2001 que se sont engagés des contacts plus fréquents et multilatéraux entre transporteurs incriminés au sujet de la STC. Or, AF comptait parmi ces transporteurs et la requérante n’établit ni même n’allègue qu’AF s’était entretemps publiquement distanciée de l’infraction unique et continue entre le 4 février 2000 et le 17 janvier 2001. Elle ne soutient pas davantage que, pendant cette période, AF avait repris un comportement de concurrence loyale et indépendant sur le marché en cause ni ne conteste que les effets de la coordination relative à la STC ont perduré pendant la période. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la Commission pouvait, sans commettre d’erreur, tenir AF pour responsable de l’infraction unique et continue pendant ladite période.

544

S’agissant de la période postérieure au 19 octobre 2005, il convient d’observer que la Commission disposait de plusieurs éléments de preuve qu’elle a valablement pu retenir contre AF. Il s’agit, pour ce qui est de la STC, de l’appel téléphonique avec Lufthansa de fin novembre 2005 (considérant 530 de la décision attaquée), du courriel à Japan Airlines du 15 novembre 2005 (considérant 554 de ladite décision), des appels téléphoniques avec Lufthansa du 21 novembre 2005 (considérant 556 de cette décision) et de courriels que les membres de l’ACCS ont échangés entre les 28 novembre et 1er décembre 2005 et les 6 et 7 février 2006 (considérants 563 et 574 de la même décision).

545

En revanche, il y a lieu de constater que, comme le relève la requérante, aucun des éléments de preuve dont la Commission dispose concernant la STS et le refus de paiement de commissions n’est postérieur, respectivement, au 19 octobre 2005 et au 14 octobre 2005. Les derniers éléments de preuve que la Commission a retenus contre AF remontent au 14 octobre 2005 pour le refus de paiement de commissions (considérant 697 de la décision attaquée). Pour ce qui est de la STS, la Commission n’a pas identifié de contact concret auquel AF aurait participé en 2005, bien qu’elle ait indiqué, au considérant 639 de ladite décision, que le directeur des ventes de Lufthansa pour la Belgique, la France, le Luxembourg, les Pays-Bas et la Confédération suisse depuis janvier 2005 avait rapporté avoir rencontré un employé de la requérante concernant le plafonnement de la STS.

546

Il y a cependant lieu d’observer que la requérante n’en tire aucune conséquence particulière dans ses écritures. Pour autant qu’elle soutienne avoir cessé de participer aux composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions après le 14 octobre ou le 19 octobre 2005, il y a lieu d’observer qu’elle se méprend. En effet, tout d’abord, AF a continué de participer à la composante de ladite infraction tenant à la STC après le 19 octobre 2005 (voir points 544 et 545 ci-dessus) et n’allègue pas avoir ignoré que les autres transporteurs incriminés continuaient de se coordonner au sujet de la STS et du refus de paiement de commissions après cette dernière date. Ensuite, la requérante n’a pas apporté le moindre élément de preuve témoignant, de la part d’AF, de la reprise d’un comportement de concurrence loyale et indépendant sur le marché en cause ou d’une volonté déclarée de se dissocier des composantes de l’infraction unique et continue tenant à la STS et au refus de paiement de commissions après le 19 octobre 2005. Elle ne conteste pas non plus que les effets de ces composantes ont perduré après cette date. Enfin, la mise en œuvre de la STS et du refus de paiement de commissions exigeait des contacts significativement moins fréquents que la mise en œuvre de la STC. En effet, à l’inverse de la STC, la STS n’était pas fondée sur un indice, dont l’évolution nécessitait des ajustements réguliers. Ceci explique qu’une fois introduite fin 2001, elle n’ait fait l’objet que de contacts ponctuels entre transporteurs concernant sa mise en œuvre (voir considérant 579 de la décision attaquée). Quant au refus de paiement de commissions, il consistait simplement à refuser d’octroyer des rabais aux transitaires et n’exigeait donc pas d’ajustements aussi réguliers que la STC. Dans ces conditions, la Commission était fondée à déduire des éléments de preuve dont elle disposait que la participation d’AF aux composantes de cette infraction tenant à la STS et au refus de paiement de commissions n’avait pas pris fin en octobre 2005.

[omissis]

 

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre élargie)

déclare et arrête :

 

1)

Le recours est rejeté.

 

2)

La Commission européenne supportera le tiers de ses dépens.

 

3)

Air France-KLM supportera ses propres dépens ainsi que les deux tiers des dépens de la Commission

 

Kanninen

Schwarcz

Iliopoulos

Spielmann

Reine

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 mars 2022.

Signatures


( *1 ) Langue de procédure : le français.

( 1 ) Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.

( 2 ) Données confidentielles occultées.

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