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Document 62005TJ0456

    Sommaire de l'arrêt

    Affaires jointes T-456/05 et T-457/05

    Gütermann AG et

    Zwicky & Co. AG

    contre

    Commission européenne

    «Concurrence — Ententes — Marché européen du fil industriel — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE et à l’article 53 de l’accord EEE — Amendes — Gravité de l’infraction — Impact concret sur le marché — Durée de l’infraction — Circonstances atténuantes — Coopération durant la procédure administrative — Proportionnalité — Lignes directrices pour le calcul du montant des amendes»

    Arrêt du Tribunal (cinquième chambre) du 28 avril 2010   II ‐ 1457

    Sommaire de l’arrêt

    1. Droit communautaire – Interprétation – Actes des institutions – Motivation

    2. Concurrence – Ententes – Interdiction – Infractions – Accords et pratiques concertées pouvant être abordés en tant que constitutifs d’une infraction unique – Imputation d’une responsabilité à une entreprise à raison d’une participation à l’infraction considérée dans son ensemble – Admissibilité

      (Art. 81, § 1, CE)

    3. Concurrence – Ententes – Imputation à une entreprise – Responsabilité du fait de comportements mis en oeuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction – Admissibilité – Critères

      (Art. 81, § 1, CE)

    4. Concurrence – Procédure administrative – Cessation des infractions – Pouvoir de la Commission – Injonctions adressées aux entreprises

      (Règlement du Conseil n o  1/2003, art. 7, § 1)

    5. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Montant maximal

      (Règlements du Conseil n o  17, art. 15, § 2, et n o  1/2003, art. 23, § 2)

    6. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité et durée de l’infraction – Possibilité d’élever le niveau des amendes pour renforcer leur effet dissuasif

      (Règlements du Conseil, n o  17, art. 15, § 2, et n o  1/2003, art. 23, § 2)

    7. Concurrence – Amendes – Montant – Caractère approprié – Contrôle juridictionnel

      (Art. 229 CE et 253 CE; règlements du Conseil n o  17, art. 17, et n o  1/2003, art. 31)

    8. Recours en annulation – Contrôle juridictionnel – Limites de la saisine

      (Art. 233 CE)

    9. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Impact concret sur le marché – Critères d’appréciation

      (Règlement du Conseil n o  17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

    10. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Durée de l’infraction – Infractions de longue durée

      (Règlement du Conseil n o  17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 B, al. 1)

    11. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Non-application effective d’un accord – Appréciation au niveau du comportement individuel de chaque entreprise

      (Règlement du Conseil n o  17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, points 1 A, al. 1, et 3)

    12. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Circonstances atténuantes – Rôle passif ou suiviste de l’entreprise

      (Art. 81 CE; règlement du Conseil n o  17, art. 15; communication de la Commission 98/C 9/03, points 2 et 3)

    13. Procédure – Production de moyens nouveaux en cours d’instance – Conditions – Moyen nouveau – Notion

      (Règlement de procédure du Tribunal, art. 48, § 2)

    14. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Réduction du montant de l’amende en contrepartie d’une coopération de l’entreprise incriminée – Conditions – Pouvoir d’appréciation de la Commission

      (Règlement du Conseil n o  17; communication de la Commission 96/C 207/04, titre D, point 2)

    15. Concurrence – Amendes – Montant – Détermination – Critères – Gravité de l’infraction – Fixation de l’amende proportionnellement aux éléments d’appréciation de la gravité de l’infraction

      (Règlement du Conseil n o  17, art. 15, § 2)

    1.  Le dispositif d’un acte est indissociable de sa motivation, de sorte qu’il doit être interprété, si besoin est, en tenant compte des motifs qui ont conduit à son adoption.

      (cf. point 41)

    2.  Une violation de l’article 81, paragraphe 1, CE peut résulter non seulement d’un acte isolé, mais également d’une série d’actes ou bien encore d’un comportement continu. Cette interprétation ne saurait être contestée au motif qu’un ou plusieurs éléments de cette série d’actes ou de ce comportement continu pourraient également constituer en eux-mêmes et pris isolément une violation de ladite disposition.

      L’infraction unique et continue regroupe fréquemment une série d’actes qui se suivent chronologiquement et qui, en eux-mêmes, au moment où ils sont commis, peuvent également constituer une infraction aux règles de la concurrence. La particularité de ces actes est qu’ils s’inscrivent dans une stratégie d’ensemble.

      (cf. points 45, 46)

    3.   Une entreprise ayant participé à une infraction unique et complexe aux règles de concurrence par des comportements qui lui sont propres, qui relèvent des notions d’accord ou de pratique concertée ayant un objet anticoncurrentiel au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE et qui visent à contribuer à la réalisation de l’infraction dans son ensemble, peut être également responsable des comportements mis en oeuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction pour toute la période de sa participation à ladite infraction, lorsqu’il est établi que l’entreprise en question connaît les comportements infractionnels des autres participants, ou qu’elle peut raisonnablement les prévoir et qu’elle est prête à en accepter le risque.

      Une entreprise est susceptible de violer l’interdiction prévue à l’article 81, paragraphe 1, CE lorsque son comportement, tel que coordonné avec celui d’autres entreprises, a pour but de restreindre la concurrence sur un marché pertinent particulier à l’intérieur du marché commun, sans que cela présuppose nécessairement qu’elle soit elle-même active sur ledit marché pertinent.

      (cf. points 50, 53)

    4.  Le pouvoir de la Commission de prononcer des injonctions doit se faire en fonction de la nature de l’infraction constatée.

      Dans la mesure où une entreprise n’exerce plus d’activités dans le secteur en cause, elle n’est pas concernée, en fait, par l’injonction de mettre fin aux infractions. Il ne peut donc y avoir d’atteinte au principe de proportionnalité.

      L’application de l’article 7, paragraphe 1, du règlement n o  1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, peut comporter l’interdiction de continuer certaines activités, pratiques ou situations dont l’illégalité a été constatée, mais aussi celle d’adopter un comportement futur similaire ou de prendre toute mesure susceptible d’avoir un objet ou un effet équivalent.

      Dès lors que l’entreprise concernée s’est engagée à ne pas répéter son comportement anticoncurrentiel, la Commission est en droit d’inclure l’injonction de s’abstenir à l’avenir de toute mesure susceptible d’avoir un objet ou un effet équivalent, même si cette entreprise n’exerce plus d’activité dans le secteur concerné par l’entente.

      De telles mesures ne doivent toutefois pas dépasser les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché.

      (cf. points 61, 63, 65, 67)

    5.   Pour la détermination de la notion d’ « exercice social précédent » , la Commission doit, dans chaque cas d’espèce et en tenant compte du contexte ainsi que des objectifs poursuivis par le régime de sanctions établi par le règlement n o  17 et le règlement n o  1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, apprécier l’impact recherché sur l’entreprise concernée, notamment en tenant compte d’un chiffre d’affaires qui reflète la situation économique réelle de celle-ci durant la période au cours de laquelle l’infraction a été commise.

      Il découle, toutefois, tant des objectifs du système dans lequel l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n o  1/2003 s’insèrent que de la jurisprudence que l’application du plafond de 10% du chiffre d’affaires présuppose, d’une part, que la Commission dispose du chiffre d’affaires pour le dernier exercice social qui précède la date d’adoption de la décision et, d’autre part, que ces données représentent un exercice complet d’activité économique normale pendant une période de douze mois.

      Ainsi, si l’exercice social s’est terminé avant l’adoption de la décision, mais que les comptes annuels de l’entreprise en cause n’ont pas encore été établis ou n’ont pas encore été communiqués à la Commission, cette dernière est en droit, voire obligée, de recourir au chiffre d’affaires réalisé au cours d’un exercice social antérieur pour appliquer l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et l’article 23, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement n o  1/2003. De même, si, en raison d’une réorganisation ou d’une modification des pratiques comptables, une entreprise a, pour l’exercice social précédent, produit des comptes qui concernent une période inférieure à douze mois, la Commission est en droit de recourir au chiffre d’affaires réalisé au cours d’un exercice complet antérieur pour appliquer ces dispositions. Il en va également ainsi si une entreprise n’a pas exercé d’activité économique au cours de l’exercice social précédent et que la Commission ne dispose donc pas d’un chiffre d’affaires représentant une activité économique exercée par celle-ci lors dudit exercice. En effet, le chiffre d’affaires pour cette période ne donne aucune indication de l’importance de ladite entreprise, contrairement à ce que requiert la jurisprudence, et, dès lors, ne peut servir de base pour la détermination du plafond prévu à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003.

      Même lors d’un exercice d’activité économique normal, il se peut que le chiffre d’affaires d’une entreprise baisse d’une façon importante, voire substantielle, par comparaison aux années précédentes, pour des raisons diverses, telles qu’un contexte économique difficile, une crise dans le secteur en cause, un sinistre ou une grève. Toutefois, dès qu’une entreprise a, en fait, réalisé un chiffre d’affaires pendant un exercice complet durant lequel des activités économiques, bien que réduites, ont été exercées, la Commission doit tenir compte de ce chiffre d’affaires pour déterminer le plafond prévu à l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et à l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003. Dès lors, à tout le moins dans les situations où il n’y a aucune indication qu’une entreprise a cessé ses activités commerciales ou détourné son chiffre d’affaires pour éviter l’imposition d’une lourde amende, il y a lieu de considérer que la Commission est obligée de fixer la limite maximale de l’amende par rapport au chiffre d’affaires le plus récent reflétant une année complète d’activité économique.

      (cf. points 89, 90, 94-97)

    6.   Le pouvoir de la Commission d’infliger des amendes, en vertu de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 23, paragraphe 2, du règlement n o  1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, constitue un des moyens attribués à la Commission en vue de lui permettre d’accomplir la mission de surveillance que lui confère le droit communautaire.

      Cette mission comprend la tâche d’instruire et de réprimer des infractions individuelles, mais comporte également le devoir de poursuivre une politique générale visant à appliquer en matière de concurrence les principes fixés par le traité et à orienter en ce sens le comportement des entreprises. Elle comprend ainsi également les tâches de réprimer des comportements illicites aussi bien que d’en prévenir le renouvellement.

      Il s’ensuit que la Commission doit veiller au caractère dissuasif des amendes.

      (cf. points 79, 91)

    7.   S’agissant des recours dirigés contre les décisions de la Commission infligeant des amendes à des entreprises pour violation des règles de concurrence, le juge communautaire est compétent pour apprécier, dans le cadre du pouvoir de pleine juridiction qui lui est reconnu par les articles 229 CE, 17 du règlement n o  17 et 31 du règlement n o  1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, le caractère approprié du montant des amendes. Cette appréciation peut justifier la production et la prise en considération d’éléments complémentaires d’information dont la mention dans la décision infligeant l’amende n’est pas, comme telle, requise en vertu de l’obligation de motivation prévue à l’article 253 CE.

      (cf. points 105, 106)

    8.  Si un destinataire d’une décision décide d’introduire un recours en annulation, le juge communautaire n’est saisi que des éléments de la décision le concernant. En revanche, ceux qui concernent d’autres destinataires, n’ayant pas fait l’objet d’un recours, n’entrent pas dans l’objet du litige que le juge communautaire est appelé à trancher.

      (cf. point 112)

    9.  Pour apprécier l’impact concret d’une infraction sur le marché, il appartient à la Commission de se référer au jeu de la concurrence qui aurait normalement existé en l’absence d’infraction. Pour conclure à un impact sur le marché, il suffit que les prix convenus aient servi de base pour la fixation des prix de transaction individuels, limitant ainsi la marge de négociation des clients.

      En revanche, il ne saurait être exigé de la Commission, lorsque la mise en œuvre d’une entente est établie, de démontrer systématiquement que les accords ont effectivement permis aux entreprises concernées d’atteindre un niveau de prix de transaction supérieur à celui qui aurait prévalu en l’absence d’entente. Il serait disproportionné d’exiger une telle démonstration qui absorberait des ressources considérables, étant donné qu’elle nécessiterait le recours à des calculs hypothétiques, basés sur des modèles économiques dont l’exactitude n’est que difficilement vérifiable par le juge et dont le caractère infaillible n’est nullement prouvé. En effet, pour apprécier la gravité de l’infraction, il est décisif de savoir que les membres de l’entente avaient fait tout ce qui était en leur pouvoir pour donner un effet concret à leurs intentions. Ce qui s’est passé ensuite, au niveau des prix de marché effectivement réalisés, était susceptible d’être influencé par d’autres facteurs, hors du contrôle des membres de l’entente. Les membres de l’entente ne sauraient porter à leur propre crédit, en en faisant des éléments justifiant une réduction de l’amende, des facteurs externes qui ont contrecarré leurs efforts.

      Le comportement effectif que prétend avoir adopté une entreprise est sans pertinence aux fins de l’évaluation de l’impact d’une entente sur le marché. Seuls doivent être pris en compte les effets résultant de l’infraction dans son ensemble. Ainsi la prise en compte du comportement infractionnel d’une entreprise concernée sur la concurrence intervient pour apprécier sa situation individuelle, mais ne saurait avoir une quelconque incidence sur le classement de l’infraction dans la catégorie des infractions « très graves » .

      S’agissant d’une infraction de longue durée, il est peu probable que les entreprises concernées puissent avoir considéré que les pratiques reprochées étaient totalement dépourvues d’efficacité et d’utilité.

      La nature de l’infraction joue un rôle primordial, notamment pour caractériser les infractions « très graves » . À cet égard, il résulte de la description des infractions très graves par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA que des accords ou des pratiques concertées visant, notamment, à la fixation de prix peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification de « très graves » , sans qu’il soit nécessaire de caractériser de tels comportements par un impact ou une étendue géographique particulière. La description des infractions « très graves » ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière.

      (cf. points 126, 128-130, 133, 134, 136, 137)

    10.   La durée de l’infraction constitue un des éléments à prendre en considération pour déterminer le montant de l’amende à infliger aux entreprises coupables d’infractions aux règles de concurrence. S’agissant des infractions de longue durée, la Commission peut appliquer automatiquement le taux maximal de majoration par année de 10% du montant retenu pour la gravité de l’infraction. En effet, même si le point 1 B, premier alinéa, troisième tiret, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoit pas de majoration automatique, il laisse à cet égard une marge d’appréciation à la Commission.

      Rien n’interdit dans les lignes directrices de prendre en compte la durée réelle de l’infraction dans le cadre du calcul du montant de l’amende. Une telle approche est tout à fait logique et raisonnable et s’inscrit dans le cadre du pouvoir d’appréciation de la Commission.

      Lorsqu’il est établi qu’une entreprise connaissait les comportements infractionnels des autres participants, ou qu’elle pouvait raisonnablement les prévoir et qu’elle était prête à en accepter le risque, elle est également considérée comme responsable, pour toute la période de sa participation à l’infraction, des comportements mis en œuvre par d’autres entreprises dans le cadre de la même infraction. C’est à juste titre que la Commission peut implicitement considérer que la durée de l’infraction ne doit pas être divisée en fonction de l’intensité de la participation à l’infraction de l’entreprise requérante sur les marchés concernés. Si le rôle joué dans l’entente par l’entreprise en question a été correctement pris en compte dans la détermination du montant de départ de l’amende, le fait que l’entreprise n’ait pas participé à tous les éléments constitutifs de l’entente ne peut être à nouveau pris en compte dans la détermination de la durée de l’infraction.

      L’augmentation du montant de l’amende en fonction de la durée de l’infraction se fait par l’application d’un certain pourcentage au montant de départ qui est déterminé en fonction de la gravité de l’ensemble de l’infraction, reflétant déjà ainsi les différentes intensités de l’infraction. Il ne serait donc pas logique de prendre en compte, pour l’augmentation de ce montant au titre de la durée de l’infraction, une variation dans l’intensité de l’infraction pendant la période concernée. Il importe de faire toujours une distinction entre la durée du fonctionnement effectif de l’entente et la gravité de l’entente telle qu’elle résulte de sa nature propre.

      (cf. points 147, 148, 150, 152, 156, 157, 159, 160)

    11.   Les circonstances atténuantes prévues au point 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA sont toutes fondées sur le comportement propre à chaque entreprise. Aux fins de leur évaluation, il y a lieu de prendre en considération non pas les effets résultant de l’ensemble de l’infraction, qui doivent être pris en compte dans l’appréciation de l’impact concret d’une infraction sur le marché aux fins de l’évaluation de la gravité de l’infraction, mais le comportement individuel de chaque entreprise, aux fins d’examiner la gravité relative de la participation de chaque entreprise à l’infraction.

      Les entreprises doivent donc soulever d’autres arguments de nature à établir que, pendant la période au cours de laquelle elles ont adhéré aux accords infractionnels, elles se sont effectivement soustraites à leur application en adoptant un comportement concurrentiel sur le marché ou, à tout le moins, qu’elles ont clairement et de manière considérable enfreint les obligations visant à mettre en oeuvre cette entente, au point d’avoir perturbé le fonctionnement même de celle-ci.

      (cf. points 178, 180)

    12.   Un rôle passif implique l’adoption par l’entreprise concernée d’un « profil bas » , c’est-à-dire une absence de participation active à l’élaboration du ou des accords anticoncurrentiels. Parmi les éléments de nature à révéler le rôle passif d’une entreprise au sein d’une entente, peuvent être pris en compte le caractère sensiblement plus sporadique de ses participations aux réunions par rapport aux membres ordinaires de l’entente, de même que son entrée tardive sur le marché ayant fait l’objet de l’infraction, indépendamment de la durée de sa participation à celle-ci, ou encore l’existence de déclarations expresses en ce sens émanant de représentants d’entreprises tierces ayant participé à l’infraction.

      C’est seulement dans certaines circonstances particulières que la faible dimension d’une entreprise constitue un élément important à prendre en considération. Lorsque les dirigeants de celle-ci assument le rôle de président pendant plusieurs réunions et les organisent, c’est à juste titre que la Commission conclut à l’absence de comportement passif: il est constant que convoquer des réunions, proposer un ordre du jour, distribuer des documents préparatoires en vue de telles réunions est incompatible avec un rôle passif de suiveur adoptant un profil bas, de telles initiatives révélant une attitude favorable et active des entreprise concernées dans l’élaboration, la continuation et le contrôle de l’entente.

      La Commission n’est pas tenue par une pratique décisionnelle: ce n’est pas parce qu’elle a pu tenir compte, dans de précédentes affaires, de la situation économique du secteur comme circonstance atténuante qu’elle doit nécessairement continuer à observer cette pratique. La Commission est tenue de procéder à une analyse individualisée des circonstances propres à chaque affaire, sans être liée par des décisions antérieures qui concernent d’autres opérateurs économiques, d’autres marchés de produits et de services ou d’autres marchés géographiques à des moments différents.

      (cf. points 184, 185, 189, 193-195)

    13.  Il ressort des dispositions de l’article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal que la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

      Cependant, un moyen qui constitue l’ampliation d’un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, dans la requête introductive d’instance et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable.

      (cf. points 198, 199)

    14.  La Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes et elle peut, à cet égard, tenir compte de multiples éléments, au nombre desquels figure la coopération des entreprises concernées lors de l’enquête conduite par les services de cette institution. La coopération d’une entreprise avec la Commission peut justifier une réduction de l’amende au titre de la communication concernant la non-imposition d’amendes ou la réduction de leur montant dans les affaires portant sur des ententes uniquement si elle facilite la tâche de la Commission consistant à constater l’existence d’une infraction et à y mettre fin.

      La Commission n’est pas liée par une pratique décisionnelle antérieure quand elle accorde un certain taux de réduction pour un comportement déterminé; elle n’est pas tenue d’accorder la même réduction proportionnelle lors de l’appréciation d’un comportement similaire dans le cadre d’une procédure administrative ultérieure.

      La Commission jouit d’une large marge d’appréciation pour évaluer la qualité et l’utilité de la coopération fournie par une entreprise, notamment par rapport aux contributions d’autres entreprises. Dans ce cadre, la Commission est appelée à effectuer des appréciations factuelles complexes, telles que celles qui portent sur la coopération respective des entreprises concernées. La liste des circonstances donnant lieu à une réduction d’amende, contenue au titre D, point 2, de la communication sur la coopération, n’est qu’indicative.

      La Commission ne peut faire abstraction de l’utilité de l’information fournie, qui est nécessairement fonction des éléments de preuve déjà en sa possession. Lorsqu’une entreprise ne fait que confirmer, de manière moins précise et explicite, des informations déjà fournies par une autre entreprise, cela ne facilite pas la tâche de la Commission de manière significative et exclut une réduction du montant de l’amende au titre de la coopération.

      La clémence est une récompense accordée par la Commission à l’entreprise pour avoir facilité l’établissement de l’infraction, et ce quel que soit le stade auquel est intervenue l’aide fournie par l’entreprise, que cette aide ait consisté en la fourniture d’informations nouvelles et d’éléments de preuve nouveaux, ou en la reconnaissance d’éléments factuels ou de la qualification juridique de ces derniers.

      La réduction de l’amende au titre de la coopération dépend principalement de la qualité et de l’utilité de la coopération fournie, que la Commission évalue dans le cadre de sa large marge d’appréciation, dont seul un usage manifestement excessif est susceptible d’être censuré.

      Dans le cadre de son appréciation de la coopération fournie par les entreprises, la Commission ne saurait méconnaître le principe d’égalité de traitement, qui est violé lorsque des situations comparables sont traitées de manière différente ou que des situations différentes sont traitées de manière identique, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié.

      L’évaluation de l’utilité de la coopération ne repose pas sur une formule arithmétique impliquant d’office une réduction d’au moins 20% si les deux tirets du titre D de la communication sur la coopération entrent en ligne de compte.

      (cf. points 219-225, 238, 246, 248)

    15.  Le principe de proportionnalité exige que les actes des institutions communautaires ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché.

      Dans le contexte du calcul des amendes, la gravité des infractions doit être établie en fonction de nombreux éléments et il ne faut attribuer à aucun de ces éléments une importance disproportionnée par rapport aux autres éléments d’appréciation.

      Le principe de proportionnalité implique, dans ce contexte, que la Commission doit fixer l’amende proportionnellement aux éléments pris en compte pour apprécier la gravité de l’infraction et qu’elle doit à ce sujet appliquer ces éléments de façon cohérente et objectivement justifiée.

      Ainsi, la Commission n’est pas tenue, lors de la détermination du montant de l’amende, de tenir compte de la situation financière déficitaire d’une entreprise, étant donné que la reconnaissance d’une telle obligation reviendrait à procurer un avantage concurrentiel injustifié aux entreprises les moins adaptées aux conditions de marché. En tout état de cause, à supposer qu’elle provoque la liquidation de l’entreprise sous la forme juridique qui est la sienne, une mesure prise par une autorité communautaire, si elle peut porter atteinte aux intérêts financiers des propriétaires, actionnaires ou détenteurs de parts, ne signifie pas pour autant que les éléments personnels, matériels et immatériels représentés par l’entreprise perdraient eux aussi leur valeur.

      Ainsi, ni le règlement n o  17, ni le règlement n o  1/2003, relatif à la mise en oeuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité, ni les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 15, paragraphe 2, du règlement n o  17 et de l’article 65, paragraphe 5, du traité CECA ne prévoient que le montant des amendes doit être fixé directement en fonction de la taille du marché affecté, ce facteur n’étant qu’un élément pertinent parmi d’autres.

      Si les lignes directrices ne prévoient pas que le montant des amendes est calculé en fonction du chiffre d’affaires global ou du chiffre d’affaires réalisé par les entreprises sur le marché concerné, elles ne s’opposent pas non plus à ce qu’un tel chiffre d’affaires soit pris en compte dans la détermination du montant de l’amende afin que soient respectés les principes généraux du droit communautaire et lorsque les circonstances l’exigent. Le chiffre d’affaires provenant des marchandises faisant l’objet de l’infraction est de nature à donner une juste indication de l’ampleur de l’infraction et de la responsabilité de chaque membre de l’entente sur les marchés concernés. Il constitue en effet un élément objectif qui donne une juste mesure de la nocivité de la pratique en cause pour le jeu normal de la concurrence et représente donc un bon indicateur de la capacité de chaque entreprise concernée à créer un dommage. Il n’existe pas cependant de principe d’application générale selon lequel la sanction doit être proportionnée au chiffre d’affaires réalisé par l’entreprise au travers de la vente du produit faisant l’objet de l’infraction.

      La Commission n’est pas tenue d’assurer, au cas où des amendes sont infligées à plusieurs entreprises impliquées dans une même infraction, que les montants finals des amendes auxquels son calcul aboutit pour les entreprises concernées traduisent toute différenciation entre celles-ci quant à leur chiffre d’affaires global ou à leur chiffre d’affaires sur le marché du produit en cause. La Commission n’a pas à déterminer le montant de l’amende en tenant compte de la taille des entreprises concernées; il n’y a aucune raison de traiter les petites et moyennes entreprises différemment des autres entreprises, cela ne les exonérant pas de leur devoir de respecter les règles de la concurrence.

      (cf. points 260, 261, 264, 266, 267, 275, 277-283)

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