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Document 62015CO0604

Order of the Court (Fifth Chamber) of 12 July 2016.
Ana Pérez Gutiérrez v European Commission.
Appeal — Rules of Procedure of the Court of Justice — Article 181 — Non-contractual liability of the European Union — Public health — Photographs proposed by the European Commission for the health warnings to be shown on packaging for tobacco products — Unauthorised use of the image of a deceased person.
Case C-604/15 P.

ECLI identifier: ECLI:EU:C:2016:545

ORDONNANCE DE LA COUR (cinquième chambre)

12 juillet 2016 (*)

« Pourvoi – Règlement de procédure de la Cour – Article 181 – Responsabilité non contractuelle de l’Union européenne – Santé publique – Photographies proposées par la Commission européenne pour les avertissements relatifs à la santé à faire figurer dans les conditionnements des produits du tabac – Utilisation non autorisée de l’image d’une personne décédée »

Dans l’affaire C‑604/15 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 novembre 2015,

Ana Pérez Gutiérrez, demeurant à Mataró (Espagne), représentée par Me J. Soler Puebla, abogado,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par MM. J. Baquero Cruz et J. Tomkin, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (cinquième chambre),

composée de M. J. L. da Cruz Vilaça (rapporteur), président de chambre, MM. F. Biltgen, A. Borg Barthet, E. Levits et Mme M. Berger, juges,

avocat général : M. M. Bobek,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de statuer par voie d’ordonnance motivée, conformément à l’article 181 du règlement de procédure de la Cour,

rend la présente

Ordonnance

1        Par son pourvoi, Mme Ana Pérez Gutiérrez demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 9 septembre 2015, Pérez Gutiérrez/Commission (T‑168/14, non publié, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2015:607), par lequel celui-ci a rejeté son recours en indemnité introduit au titre de l’article 340 TFUE, visant à obtenir, d’une part, la réparation du préjudice qu’elle prétend avoir subi du fait de l’utilisation non autorisée de l’image de son époux décédé parmi les photographies proposées par la Commission européenne pour les avertissements relatifs à la santé à faire figurer sur les conditionnements des produits du tabac et, d’autre part, le retrait de l’image de son époux décédé et l’interdiction de son utilisation dans l’Union européenne.

 Le cadre juridique

2        Le considérant 4 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO 2001, L 145, p. 43), est rédigé dans les termes suivants :

« Le présent règlement vise à conférer le plus large effet possible au droit d’accès du public aux documents et à en définir les principes généraux et limites conformément à l’article 255, paragraphe 2, du traité CE. »

3        L’article 1er du règlement n° 1049/2001, intitulé « Objet », prévoit :

« Le présent règlement vise à :

a)      définir les principes, les conditions et les limites, fondées sur des raisons d’intérêt public ou privé, du droit d’accès aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission [...] prévu à l’article 255 du traité CE de manière à garantir un accès aussi large que possible aux documents ;

[...] »

 Les antécédents du litige

4        Les antécédents du litige ont été exposés par le Tribunal, aux points 1 à 14 de l’arrêt attaqué, comme suit :

« 1      La requérante [...], est une citoyenne de nationalité espagnole dont le mari, M. Patrick Jacquemyn, de nationalité belge, est décédé le 10 décembre 2010 à l’Instituto Valenciano de Oncología (Institut valencien d’oncologie, Valence, Espagne). L’une des causes directes de son décès était le tabagisme.

2      Quelques années avant son décès, M. Jacquemyn avait fait l’objet d’une hospitalisation à l’hôpital de Barcelone (Espagne), du 21 juin au 16 août 2002.

3      Mise en présence d’une photographie figurant sur des conditionnements de produits du tabac reproduite [dans l’arrêt attaqué], la requérante a estimé avoir reconnu les traits de son défunt époux. Un des médecins de M. Jacquemyn ainsi qu’un ami et voisin de ce dernier l’auraient également reconnu [...]

4       La photographie [en cause] fait partie de la bibliothèque électronique élaborée conformément à l’article 3 de la décision 2003/641/CE de la Commission, du 5 septembre 2003, sur l’utilisation de photographies en couleurs ou d’autres illustrations comme avertissements relatifs à la santé à faire figurer sur les conditionnements des produits du tabac [(JO 2003, L 226, p. 24)], adoptée sur le fondement de la directive 2001/37/CE du Parlement européen et du Conseil, du 5 juin 2001, relative au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres en matière de fabrication, de présentation et de vente des produits du tabac [(JO 2001, L 194, p. 26)].

5       La réalisation de cette bibliothèque électronique a été confiée par la Commission [...] à une société spécialisée dans les enquêtes, le marketing et les études de marché, au titre d’un contrat de services dans le cadre duquel ont collaboré des experts en santé publique, en séméiologie et en communication institutionnelle. Les activités photographiques ont été sous-traitées à une agence de communication spécialisée en communication visuelle et graphique. Cette agence de communication a, à son tour, fait appel aux services de photographes, de modèles et d’organismes pour réaliser de nouvelles images.

6       Par lettre du 14 mai 2012, les représentants de la requérante ont demandé à la Commission de leur présenter l’autorisation ou le consentement indispensable à l’utilisation ou à la cession des droits à l’image de [M. Jacquemyn].

7       Par lettre du 11 juin 2012, la Commission a demandé aux représentants de la requérante d’apporter des éclaircissements sur la nature et la portée de la réclamation de leur cliente.

8       Par lettre du 29 juin 2012, les représentants de la requérante ont précisé que la réclamation de leur cliente devait être comprise comme une demande d’indemnisation des préjudices matériels et moraux subis du fait de l’utilisation non autorisée de l’image de [M. Jacquemyn] comme avertissement relatif à la santé à faire figurer sur les conditionnements des produits du tabac. [Ils] ont également réitéré leur demande visant à ce que la Commission leur indique le type d’autorisation qu’elle avait pour cette utilisation, étant donné que, durant sa longue maladie et, en particulier, son hospitalisation en 2002, M. Jacquemyn n’avait signé aucune autorisation pour l’utilisation de son image.

9       Par lettre du 23 juillet 2012, la Commission a répondu [...] que, après de nouvelles vérifications, elle avait acquis la certitude que la personne qui se trouvait sur la photographie [susvisée] n’était pas M. Jacquemyn. Elle a admis que [M. Jacquemyn] pouvait ressembler à l’homme [y] figurant [...], mais elle a ajouté que cette ressemblance ne conférait aucun droit à la requérante, ni ne lui permettait de réclamer des dommages et intérêts.

10     Le 7 novembre 2012, une première réunion dans les locaux de la Commission à Bruxelles (Belgique) s’est tenue entre les représentants de la requérante et ceux de la Commission afin de trouver une solution à ce différend.

11     Par courrier électronique du 12 novembre 2012, la Commission a demandé aux représentants de la requérante de lui fournir, notamment, des informations sur la période et le lieu d’hospitalisation de M. Jacquemyn afin de soumettre à son cocontractant les allégations d’activités frauduleuses soulevées [...]

12     Par courrier électronique du 16 novembre 2012, les représentants de la requérante ont répondu [...], tout en indiquant leur étonnement face à de telles demandes, dans la mesure où, si la Commission disposait de l’autorisation pour utiliser la photographie [en question], le simple fait de leur montrer le consentement de la personne en cause ou cette autorisation aurait résolu le différend. [...]

13     Par courrier électronique du 26 novembre 2012, la Commission a indiqué qu’elle avait obtenu la confirmation écrite de la part de son cocontractant que l’image utilisée dans la bibliothèque électronique avait été prise en 2004, à Bruxelles. Elle a, par ailleurs, invité la requérante à se rendre dans ses locaux à Bruxelles afin de voir un original de la photographie [...]

14     Le 20 décembre 2012, une seconde réunion a eu lieu dans les locaux de la Commission à Bruxelles, durant laquelle les représentants de la requérante ont pu voir la photographie [en cause] sur un écran d’ordinateur, sans que cela ait modifié leur avis quant à l’identité de la personne présente sur cette photographie. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mars 2014, la requérante a introduit un recours visant à obtenir la réparation du préjudice qu’elle estime avoir subi en raison de l’utilisation non autorisée de l’image de son époux décédé comme photographie pour les avertissements relatifs à la santé à faire figurer sur les conditionnements des produits du tabac ainsi que le retrait de cette dernière et l’interdiction de son utilisation dans l’Union.

6        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a rejeté le recours introduit par la requérante au motif que, dans la mesure où l’illégalité du comportement reproché à la Commission n’était pas établie, l’une des conditions nécessaires à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union faisait défaut.

 Les conclusions des parties devant la Cour

7        La requérante demande à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué ;

–        de renvoyer l’affaire devant le Tribunal, et

–        de condamner la Commission aux dépens.

8        La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner la requérante aux dépens.

 Sur le pourvoi

9        En vertu de l’article 181 de son règlement de procédure, lorsqu’un pourvoi, principal ou incident, est, en tout ou en partie, manifestement irrecevable ou manifestement non fondé, la Cour peut à tout moment, sur proposition du juge rapporteur, l’avocat général entendu, décider de rejeter ce pourvoi totalement ou partiellement, par voie d’ordonnance motivée.

10      Il y a lieu de faire application de cet article dans la présente affaire.

11      Au soutien de son pourvoi, la requérante soulève cinq moyens.

 Sur le premier moyen

 Argumentation des parties

12      Par son premier moyen, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir fondé l’arrêt attaqué sur des appréciations erronées concernant le déroulement de l’audience. Contrairement à ce qu’il ressortirait du point 42 de cet arrêt, et cela en contradiction avec les considérations contenues au point 45 du même arrêt, la requérante aurait toujours contesté les déclarations de la Commission selon lesquelles la personne apparaissant sur la photographie en cause était un modèle ainsi que les preuves apportées par la Commission. La requérante relève que, interrogée sur ce point par le Tribunal lors de l’audience, elle s’est limitée à accepter que la Commission produise ultérieurement la version intégrale des éléments de preuve.

13      La Commission conteste le bien-fondé de cette argumentation.

 Appréciation de la Cour

14      Il y a lieu de constater qu’il ressort uniquement du point 42 de l’arrêt attaqué, qui doit être lu en combinaison avec le point 41 de cet arrêt, que la requérante n’a pas remis en cause les explications mises en avant par la Commission lors de l’audience, selon lesquelles cette institution avait produit devant le Tribunal une lettre du directeur de l’agence de communication qui a réalisé la photographie en cause reçue le 18 octobre 2013, plutôt qu’une version antérieure de la même lettre datée du 15 novembre 2012, dans la mesure où cette dernière contenait certaines omissions et erreurs.

15      Par conséquent, contrairement à ce que la requérante fait valoir, il ne résulte pas du point 42 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a considéré que la requérante ne contestait pas les déclarations de la Commission quant à l’identité de la personne se trouvant sur la photographie en cause et, en particulier, l’aptitude des preuves apportées par cette institution à démontrer que ladite personne n’était pas M. Jacquemyn. Le fait que le Tribunal ne s’est pas fondé sur une telle prémisse est confirmé par l’examen qu’il a effectué, aux points 52 à 60 de l’arrêt attaqué, de la force probante de chacun des éléments de preuve produit par la Commission, en ce compris la lettre du directeur de l’agence de communication susvisée.

16      Il résulte de ce qui précède que le premier moyen est manifestement non fondé et doit par conséquent être rejeté.

 Sur le deuxième moyen

 Argumentation des parties

17      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit en ce qu’il a appliqué de manière erronée, au point 49 de l’arrêt attaqué, l’article 15, paragraphe 3, TFUE. Selon elle, en produisant des preuves dont tous les éléments significatifs étaient noircis, la Commission a empêché l’accès aux documents qu’elle avait spontanément apportés à la procédure. Quand bien même la requérante n’aurait pas demandé l’accès à ces documents en vertu du règlement n° 1049/2001, la Commission était tenue, conformément à l’article 15, paragraphe 3, TFUE, de les apporter en toute transparence. Par ailleurs, la requérante souligne avoir demandé à plusieurs reprises à la Commission le document cédant les droits d’image qui aurait permis l’utilisation de la photographie en cause, ainsi que les photographies originales avec lesquelles l’avertissement relatif à la santé en question aurait été effectué.

18      La Commission estime que ce moyen est dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

19      Selon l’article 15, paragraphe 3, TFUE, les principes généraux et les limites régissant l’exercice du droit d’accès aux documents des institutions, des organes et des organismes de l’Union, garanti par le même paragraphe 3, doivent être fixés par voie de règlements par le Parlement et le Conseil, statuant conformément à la procédure législative ordinaire. L’article 15, paragraphe 3, TFUE a remplacé l’article 255 CE.

20      Faisant écho à l’article 255 CE dont il assure la mise en œuvre, le règlement n° 1049/2001 vise, ainsi qu’il ressort de son considérant 4 et de son article 1er, sous a), à définir les principes, les conditions et les limites du droit d’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil de l’Union européenne et de la Commission.

21      En l’espèce, il est constant, ainsi que la requérante l’admet d’ailleurs expressément, que la Commission n’a pas été saisie d’une demande d’accès aux documents détenus par cette institution, présentée conformément au règlement n° 1049/2001, la procédure de première instance n’ayant pas pour objet une telle demande. Qui plus est, il résulte de l’examen du dossier que la requérante a contesté devant le Tribunal, pour l’essentiel, non pas le caractère confidentiel des données qui avaient été noircies, mais plutôt la prise en compte par le Tribunal des documents produits par la Commission en tant qu’éléments de preuve.

22      Dans ces conditions, ainsi que le Tribunal l’a relevé au point 49 de l’arrêt attaqué, la requérante ne saurait se prévaloir des obligations de transparence qui incombent à la Commission selon l’article 15, paragraphe 3, TFUE.

23      Le deuxième moyen doit donc être rejeté comme étant manifestement non fondé.

 Sur le troisième moyen

 Argumentation des parties

24      Par son troisième moyen, la requérante fait valoir que l’arrêt attaqué est entaché d’erreurs de droit découlant, d’une part, d’un défaut d’instruction de l’affaire en raison d’une insuffisance de preuve et, d’autre part, d’un défaut de motivation. La requérante met en avant, à cet égard, qu’elle avait demandé dans sa requête en première instance la production d’un certain nombre de preuves tendant à éclaircir les faits, lesquelles n’ont pas été produites, alors même que les éléments de preuve apportés par la Commission étaient insuffisants. Le Tribunal aurait donc dû demander de nouvelles preuves. La requérante relève, par ailleurs, que le Tribunal ne s’est pas non plus prononcé sur l’éventuelle nécessité de l’examen des preuves qu’elle avait sollicitées.

25      La Commission soutient que ce moyen doit être rejeté.

 Appréciation de la Cour

26      En ce qui concerne l’argument tiré d’un défaut d’instruction, il suffit de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le Tribunal est seul juge de la nécessité éventuelle de compléter les éléments d’information dont il dispose dans les affaires dont il est saisi. Le caractère probant ou non des pièces de procédure relève de son appréciation souveraine des faits, qui, selon une jurisprudence également constante, échappe au contrôle de la Cour dans le cadre du pourvoi, sous réserve du cas d’une dénaturation des faits ou des éléments de preuve, laquelle doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier (voir, en ce sens, arrêt du 22 novembre 2012, E.ON Energie/Commission, C‑89/11 P, EU:C:2012:738, point 115, et ordonnance du 11 juin 2015, Faci/Commission, C‑291/14 P, non publiée, EU:C:2015:398, point 32).

27      S’agissant de l’argument relatif à un défaut de motivation, il résulte d’une jurisprudence constante que l’obligation de motivation qui incombe au Tribunal n’impose pas de fournir un exposé qui suivrait, de manière exhaustive et un par un, tous les raisonnements articulés par les parties au litige et que la motivation peut donc être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles le Tribunal n’a pas fait droit à leurs arguments et à la Cour de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle (voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2009, Commission/Schneider Electric, C‑440/07 P, EU:C:2009:459, point 135 et jurisprudence citée).

28      En l’occurrence, il ressort clairement des points 52 à 68 de l’arrêt attaqué que, compte tenu de l’ensemble des preuves avancées par les parties et examinées par le Tribunal, celui-ci n’a pas jugé nécessaire pour statuer sur le litige d’ordonner des mesures d’instruction supplémentaires et donc de donner suite à la demande formée par la requérante en ce sens.

29      À cet égard, il convient de relever, en particulier, qu’il résulte du point 60 de l’arrêt attaqué que le Tribunal a conclu que la Commission avait réussi à démontrer de manière plausible et documentée sa thèse selon laquelle un modèle avait été engagé afin de réaliser la photographie en cause.

30      Dès lors, il convient d’écarter le troisième moyen comme étant en partie manifestement irrecevable et en partie manifestement non fondé.

 Sur le quatrième moyen

 Argumentation des parties

31      Par son quatrième moyen, la requérante reproche au Tribunal d’avoir violé les principes du contradictoire et de l’égalité des armes. La requérante soutient que, dans la mesure où le contenu principal des éléments de preuve apportés par la Commission était noirci, il ne saurait être considéré qu’elle a eu connaissance des documents en cause et qu’elle a pu présenter ses observations à leur sujet. D’après elle, ces documents ne sauraient en effet constituer un mode de preuve valable. La requérante critique également l’affirmation du Tribunal, au point 51 de l’arrêt attaqué, selon laquelle lesdits éléments de preuve ne devaient pas être écartés quand bien même ils ne seraient pas crédibles.

32      La Commission considère que ce moyen est dénué de fondement.

 Appréciation de la Cour

33      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que le principe du respect des droits de la défense constitue un principe fondamental du droit de l’Union. Ce serait violer ce principe que de fonder une décision juridictionnelle sur des faits et des documents dont les parties elles-mêmes, ou l’une d’entre elles, n’ont pu prendre connaissance et sur lesquels elles n’ont donc pas été en mesure de prendre position (voir, notamment, arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 30).

34      Le principe d’égalité des armes, qui est un corollaire de la notion même de procès équitable et a pour but d’assurer l’équilibre entre les parties à la procédure, en garantissant que tout document fourni à la juridiction puisse être évalué et contesté par toute partie à la procédure, implique l’obligation d’offrir à chaque partie une possibilité raisonnable de présenter sa cause, y compris ses preuves, dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son adversaire (voir, notamment, arrêt du 12 novembre 2014, Guardian Industries et Guardian Europe/Commission, C‑580/12 P, EU:C:2014:2363, point 31).

35      Dans la présente affaire, il ressort de l’examen du dossier que certaines données contenues dans les documents produits par la Commission à titre de preuve, relatives au nom, au prénom, à l’adresse, à la signature et au numéro de la carte d’identité des personnes concernées, ont été considérées comme confidentielles par cette institution, sur le fondement du règlement (CE) n° 45/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2000, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel par les institutions et organes communautaires et à la libre circulation de ces données (JO 2001, L 8, p. 1).

36      Il y a donc lieu de constater que l’essentiel des documents joints par la Commission en annexe à son mémoire en défense en première instance, en ce compris les initiales du nom et du prénom de la personne photographiée, tout comme le fait qu’elle possédait la nationalité allemande, indications qui permettaient de la distinguer de M. Jacquemyn, n’a pas été noirci par la Commission.

37      Dans ces conditions, ainsi que le Tribunal l’a relevé à bon droit, au point 49 de l’arrêt attaqué, la requérante ne saurait prétendre qu’elle n’a pas été mise en mesure de prendre connaissance du contenu des éléments de preuve produits par la Commission et de faire valoir utilement ses arguments concernant ces éléments.

38      Ensuite, en ce qui concerne l’argument en rapport avec la valeur probante reconnue par le Tribunal aux documents produits par la Commission, il y a lieu de rappeler que le principe qui prévaut en droit de l’Union est celui de la libre appréciation des preuves dont il découle, d’une part, que, dès lors qu’un élément de preuve a été obtenu régulièrement, sa recevabilité ne peut être contestée devant le Tribunal et, d’autre part, que le seul critère pertinent pour apprécier la force probante des preuves régulièrement produites réside, ainsi que l’a souligné à bon droit le Tribunal au point 50 de l’arrêt attaqué, dans leur crédibilité (voir, notamment, arrêt du 19 décembre 2013, Siemens e.a./Commission, C‑239/11 P, C‑489/11 P et C‑498/11 P, non publié, EU:C:2013:866, point 128).

39      Enfin, force est de constater que la critique de la requérante selon laquelle le Tribunal aurait pris en compte les éléments de preuve produits par la Commission tout en considérant qu’ils n’étaient pas crédibles, procède d’une lecture erronée du point 51 de l’arrêt attaqué. En effet, le Tribunal y a souligné uniquement que « si les arguments de la requérante peuvent être pertinents pour apprécier la crédibilité et, partant, la force probante des documents soumis par la Commission, il n’y a pas lieu de considérer que ces documents doivent être écartés du simple fait que certaines données ont été noircies ».

40      Il y a ainsi lieu de rejeter le quatrième moyen comme étant manifestement non fondé.

 Sur le cinquième moyen

 Argumentation des parties

41      Par son cinquième moyen, la requérante fait grief au Tribunal d’avoir dénaturé les faits, dans la mesure où il s’est appuyé sur des preuves apportées par la Commission. Elle relève à cet égard que, au point 53 de l’arrêt attaqué, il est indiqué que la déclaration du photographe est datée du 24 novembre 2012, alors que cette déclaration ne comporte pas de cachet indiquant la date de réception du document. En outre, la Commission aurait admis, lors de l’audience, avoir reçu la lettre du directeur de l’agence de communication qui a réalisé la photographie en cause le 18 octobre 2013, soit postérieurement à la première réclamation effectuée par la requérante. Par ailleurs, selon celle-ci, il résulte du point 65 de l’arrêt attaqué que l’appréciation du Tribunal se fonde sur des suppositions, en violation de la maxime latine selon laquelle iudex iudicare debet secundum allegata et probata, non secundum conscientiam.

42      La Commission fait valoir que ce moyen doit être écarté.

 Appréciation de la Cour

43      Ainsi qu’il a été rappelé au point 26 de la présente ordonnance, l’appréciation des faits et des éléments de preuve opérée par le Tribunal ne peut, sauf en cas de leur dénaturation manifeste, faire l’objet d’un contrôle par la Cour dans le cadre d’un pourvoi.

44      À cet égard, l’examen du dossier révèle que, en constatant, au point 53 de l’arrêt attaqué, que la déclaration du photographe était datée du 24 novembre 2012, le Tribunal s’est référé correctement à la date mentionnée sur ladite déclaration. En outre, s’agissant de la lettre du directeur de l’agence de communication, le Tribunal a dûment noté, au point 41 de cet arrêt, les explications de la Commission au sujet de sa réception le 18 octobre 2013. De surcroît, il résulte des points 52 à 59 de l’arrêt attaqué que le Tribunal ne s’est pas fondé exclusivement ni même décisivement sur lesdits éléments pour conclure, au point 60 du même arrêt, que la thèse soutenue par la Commission, selon laquelle un modèle avait été engagé afin de réaliser la photographie en cause, était plausible et documentée.

45      Il y a donc lieu de constater que les arguments de la requérante en rapport avec les preuves susvisées ne sont pas de nature à établir que le Tribunal a dénaturé les faits.

46      En ce qui concerne l’argument de la requérante dirigé contre le point 65 de l’arrêt attaqué, il convient de rappeler que le Tribunal y a relevé que, « au vu des photographies et des explications fournies par la Commission, il est manifestement plus probable que la photographie en cause a été créée à la suite de plusieurs séances de photographies, lors desquelles une mise en scène, qui se retrouve dans la photographie en cause, a été élaborée, plutôt qu’à la suite de nombreux et importants ajouts et retouches apportés à une photographie de M. Jacquemyn ».

47      Le Tribunal s’est donc livré au point 65 de l’arrêt attaqué à une appréciation des faits et des éléments de preuve qui, dès lors qu’elle ne révèle aucune dénaturation, ne peut être discutée au stade du pourvoi.

48      Partant, le cinquième moyen doit être rejeté comme étant manifestement irrecevable.

49      Il résulte de tout ce qui précède qu’aucun des moyens soulevés par la requérante à l’appui de son pourvoi ne peut être accueilli. Dès lors, celui-ci doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

50      Aux termes de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

51      Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

52      La Commission ayant conclu à la condamnation de la requérante et cette dernière ayant succombé en ses moyens, il y a lieu de la condamner aux dépens afférents à la présente procédure.

Par ces motifs, la Cour (cinquième chambre) ordonne :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Mme Ana Pérez Gutiérrez est condamnée aux dépens.

Signatures


* Langue de procédure : l’espagnol.

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