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Document 62023TJ0581
Judgment of the General Court (Tenth Chamber) of 15 January 2025.#La Maison de l'Union syndicale v Council of the European Union.#Case T-581/23.
Judgment of the General Court (Tenth Chamber) of 15 January 2025.
La Maison de l'Union syndicale v Council of the European Union.
Case T-581/23.
Judgment of the General Court (Tenth Chamber) of 15 January 2025.
La Maison de l'Union syndicale v Council of the European Union.
Case T-581/23.
ECLI identifier: ECLI:EU:T:2025:12
ARRÊT DU TRIBUNAL (dixième chambre)
15 janvier 2025 (*)
« Recours en annulation – Droit institutionnel – Fonction publique – Promotion – Refus de promouvoir un fonctionnaire proposé par la commission consultative de promotion – Association professionnelle – Qualité pour agir – Défaut d’affectation directe – Défaut d’affectation individuelle – Irrecevabilité »
Dans l’affaire T‑581/23,
La Maison de l’Union syndicale, établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me N. de Montigny, avocate,
partie requérante,
contre
Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer et Mme I. Demoulin, en qualité d’agents,
partie défenderesse,
LE TRIBUNAL (dixième chambre),
composé de Mme O. Porchia (rapporteure), présidente, MM. M. Jaeger et S. Verschuur, juges,
greffier : M. L. Ramette, administrateur,
vu la phase écrite de la procédure, notamment les mesures d’organisation de la procédure du 7 juin 2024 et les réponses de La Maison de l’Union syndicale et du Conseil déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 27 et le 28 juin 2024,
à la suite de l’audience du 10 septembre 2024,
rend le présent
Arrêt
1 Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, La Maison de l’Union syndicale, demande l’annulation partielle de la note ORG.1.A/1123/23, du 14 juillet 2023, établissant la liste des fonctionnaires du groupe de fonctions AST (grades 1 à 5) promus lors de l’exercice 2023 (ci‑après la « décision attaquée »), en ce qu’elle s’écarte de la proposition relative aux promotions au grade AST 5 présentée par la commission consultative de la promotion compétente (ci-après la « CCDP ») au directeur général du développement organisationnel et des services du Conseil (ci-après l’« AIPN »).
Antécédents du litige
2 Le 26 mai 1988, le Conseil de l’Union européenne et l’association Union syndicale ont signé un « protocole de négociation codifié » régissant les modalités de la participation des instances paritaires et représentatives du personnel aux procédures afférentes au recrutement, à la promotion et à la mobilité des agents et des fonctionnaires du Conseil (ci-après le « protocole »).
3 L’article III du protocole énonce à son paragraphe 1 une « [r]ègle de consultation ». Conformément à celle‑ci, dans l’éventualité où l’AIPN entendrait s’écarter d’un avis majoritaire ou unanime d’une instance paritaire, elle devrait en avertir l’instance concernée, en l’informant des motifs de sa décision. Dans une telle hypothèse, cette décision ne pourrait être prise qu’au terme d’un délai de cinq jours destiné à permettre au comité du personnel de prendre des initiatives appropriées auprès de l’AIPN.
4 L’article IV, paragraphe 1, sous f), du protocole prévoit, en outre, la publication de la liste des fonctionnaires proposés à la promotion au grade supérieur, qui est établie par la CCDP à l’occasion de chaque exercice de promotion.
5 Le 12 juillet 2023, la CCDP a proposé à l’AIPN une liste de fonctionnaires du groupe de fonctions AST à promouvoir au titre de l’année 2023, comprenant 53 noms de fonctionnaires susceptibles d’accéder au grade 5.
6 Par note du 14 juillet 2023, l’AIPN a informé la CCDP que sa proposition tendant à la promotion de l’un des 53 fonctionnaires ne serait pas suivie en raison d’informations qu’elle possédait concernant la conduite de l’intéressé (ci-après le « fonctionnaire intéressé »). Par la décision attaquée, prise le même jour, l’AIPN a promu au grade AST 5 les 52 autres fonctionnaires proposés par la CCDP.
7 Par courrier du 26 juillet 2023, la présidente du comité du personnel a demandé à la secrétaire générale du Conseil de publier la liste des fonctionnaires proposés à la promotion par la CCDP.
8 Par note du 8 septembre 2023, l’AIPN a rejeté la demande de publication présentée par le comité du personnel, en invoquant des circonstances particulières de l’espèce qui seraient discutées lors d’une réunion organisée à cet effet.
Conclusions des parties
9 La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– annuler partiellement la décision attaquée, en ce qu’elle s’écarte de la proposition relative aux promotions au grade AST 5 présentée par la CCDP ;
– condamner le Conseil aux dépens.
10 Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :
– rejeter le recours comme irrecevable et, à titre subsidiaire, comme non fondé ;
– condamner la requérante aux dépens.
En droit
11 À titre liminaire, il y a lieu de constater que la liste des fonctionnaires du Conseil proposés à la promotion par la CCDP, soumise à l’AIPN le 12 juillet 2023, a été versée au dossier par le Conseil en réponse à la mesure d’organisation de la procédure du 7 juin 2024.
12 Sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité par acte séparé sur le fondement de l’article 130, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, le Conseil conteste, à titre principal, la recevabilité du recours en raison de l’absence de qualité pour agir de la requérante.
13 La requérante soutenait initialement que son recours avait été exercé à la fois dans l’intérêt du fonctionnaire intéressé, qui était l’un de ses membres, et dans la défense de ses intérêts propres en tant qu’organisation syndicale représentative.
14 Toutefois, la requérante n’a pas donné suite à une mesure d’organisation de la procédure, par laquelle le Tribunal l’avait invitée à produire une preuve de l’affiliation du fonctionnaire intéressé. Au cours de l’audience de plaidoiries, elle a confirmé avoir renoncé à agir dans l’intérêt individuel de son prétendu membre, tout en maintenant l’ensemble de ses conclusions dans son intérêt propre.
15 À cet égard, la requérante fait valoir que la décision attaquée l’affecte directement et individuellement en tant qu’association syndicale représentant le personnel du Conseil. En particulier, les irrégularités procédurales qui entachent, selon elle, la décision attaquée, à savoir, d’une part, l’absence de publication de la liste des fonctionnaires proposés à la promotion par la CCDP et, d’autre part, le non-respect du délai de cinq jours destiné à permettre une éventuelle négociation avec les représentants du personnel, l’auraient privée de la possibilité d’influencer la position de l’AIPN par l’entremise de ses membres siégeant au comité du personnel et à la CCDP.
16 En outre, la requérante avance que la décision attaquée l’affecte en sa qualité de négociatrice et signataire du protocole, ce qui a pour effet de l’individualiser par rapport aux autres organisations syndicales actives au sein de cette institution. Par le même biais, la décision attaquée affecterait également sa capacité à faire valoir les intérêts du personnel dans le cadre des accords collectifs qu’elle conclut au titre de l’article 10 quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne, tels que le protocole conclu en l’espèce avec le Conseil.
17 Le Conseil rétorque, en substance, que les facultés procédurales reconnues aux instances paritaires et représentatives du personnel, au sein desquelles la requérante n’est pas représentée en sa qualité d’organisation syndicale, ne sauraient l’individualiser à l’égard de la décision attaquée, même si certains de ses membres y siègent à titre individuel. Le Conseil avance, en outre, que les stipulations de l’article III, paragraphe 1, du protocole prévoyant un délai de cinq jours en vue de consultations éventuelles entre le comité du personnel et l’AIPN sont devenues obsolètes et ne sont plus applicables en matière de promotion, du fait de l’adoption des dispositions ultérieures qui s’y sont substituées.
18 À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que la décision attaquée constitue un faisceau d’actes à caractère individuel qui s’adressent aux fonctionnaires promus à un grade supérieur au titre de l’exercice 2023 (voir, en ce sens, ordonnance du 9 février 2006, Vounakis/Commission, C‑322/05 P, EU:C:2006:99, point 21).
19 La requérante n’étant pas destinataire de la décision attaquée, il convient d’examiner si cette décision l’affecte directement et individuellement au sens des dispositions de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
20 À cet égard, en premier lieu, il ressort d’une jurisprudence constante que la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par l’acte faisant l’objet du recours requiert que cet acte produise directement des effets sur sa situation juridique et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre (voir arrêt du 13 décembre 2016, IPSO/BCE, T‑713/14, EU:T:2016:727, point 46 et jurisprudence citée).
21 En second lieu, la condition selon laquelle les personnes physiques ou morales autres que les destinataires d’un acte doivent être individuellement concernées par celui-ci requiert que la mesure contestée les atteigne en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’un tel acte le serait (voir ordonnance du 28 octobre 2020, Sarantos e.a./Parlement et Conseil, C‑84/20 P, non publiée, EU:C:2020:871, point 31 et jurisprudence citée).
22 En ce qui concerne, plus particulièrement, les recours en annulation formés par des associations chargées de défendre des intérêts collectifs, y compris des organisations syndicales ou professionnelles du personnel telles que la requérante, leur recevabilité a été admise dans trois cas de figure, à savoir, premièrement, lorsqu’une disposition légale reconnaît expressément aux associations professionnelles une série de facultés à caractère procédural, deuxièmement, lorsque l’association représente les intérêts de ses membres, qui seraient eux-mêmes recevables à agir et, troisièmement, lorsque l’association est individualisée en raison de l’affectation de ses intérêts propres en tant qu’association, notamment, parce que sa position de négociatrice a été affectée par l’acte dont l’annulation est demandée (voir arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, T‑456/14, EU:T:2016:493, point 55 et jurisprudence citée).
23 S’agissant du premier cas de figure visé au point 22 ci-dessus, parmi les dispositions légales susceptibles de conférer aux associations des facultés à caractère procédural, il y a lieu de ranger, notamment, les stipulations des accords concernant le personnel des institutions de l’Union européenne au sens de l’article 10 quater du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (arrêt du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, T‑456/14, EU:T:2016:493, points 100, 101 et 144), tels que le protocole invoqué en l’espèce par la requérante.
24 Toutefois, comme l’avance à juste titre le Conseil, les facultés ainsi reconnues à des associations professionnelles ne doivent pas être confondues avec celles dont bénéficient les instances paritaires ou représentatives du personnel des institutions de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, points 80 et 81, et du 15 septembre 2016, TAO-AFI et SFIE-PE/Parlement et Conseil, T‑456/14, EU:T:2016:493, points 83 et 84). En particulier, la qualité pour agir d’une association ne saurait être reconnue au motif que certains membres d’une instance représentative du personnel ont été élus sur les listes qu’elle avait présentées aux élections professionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, points 82 et 83). En effet, dans le cas où des droits procéduraux sont accordés à une entité comprenant plusieurs membres, seule l’entité nommément désignée par la disposition conférant une telle position juridique peut être considérée comme individuellement concernée (voir, en ce sens, ordonnance du 5 mai 2009, WWF‑UK/Conseil, C‑355/08 P, non publiée, EU:C:2009:286, point 43 et jurisprudence citée).
25 En l’espèce, il est constant que les attributions consultatives prévues par les stipulations du protocole ont été reconnues non pas à la requérante elle-même, en sa qualité d’organisation syndicale, mais à la CCDP et au comité du personnel du Conseil, ce dernier pouvant intervenir dans la procédure de promotion dans l’éventualité où l’AIPN entendrait s’écarter d’une proposition qui lui serait faite en la matière par la CCDP.
26 Il s’ensuit que la qualité pour agir de la requérante ne saurait, en tout état de cause, être déduite des compétences consultatives reconnues à la CCDP ou au comité du personnel, quand bien même certains de ses membres, notamment ceux élus sur ses listes aux élections professionnelles, siégeraient au sein des instances en question.
27 En ce qui concerne, par ailleurs, le deuxième cas de figure visé au point 22 ci-dessus, relatif à la représentation des membres d’une association, il suffit de relever que la requérante a renoncé à représenter son prétendu membre dans le cadre du présent recours (voir points 13 et 14 ci-dessus). Dès lors, elle n’a pas qualité pour agir dans l’intérêt du fonctionnaire intéressé.
28 S’agissant du troisième cas de figure visé au point 22 ci-dessus, relatif à l’affectation des intérêts propres d’une association professionnelle et, notamment, de sa position de négociatrice, la requérante invoque à cet égard, outre le fait que la décision attaquée l’aurait empêchée de négocier avec l’AIPN par l’entremise de la CCDP ou du comité du personnel, sa qualité de signataire du protocole, qui serait de nature à l’individualiser par rapport aux autres organisations syndicales actives au sein de cette institution.
29 À cet égard, conformément à une jurisprudence constante, il convient de rappeler que la seule circonstance selon laquelle une organisation syndicale ou professionnelle du personnel a participé aux négociations qui ont conduit à l’adoption d’un acte ne suffit pas pour modifier la nature du droit d’action qu’elle peut, dans le cadre de l’article 263 TFUE, posséder à l’égard de celui-ci. Toutefois, le recours d’une association peut être déclaré recevable lorsqu’elle défend ses intérêts propres, distincts de ceux de ses membres, notamment lorsque sa position de négociatrice a été affectée par l’acte attaqué, et ce dans des situations particulières dans lesquelles elle occupait une position de négociatrice clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de la décision, la mettant dans une situation de fait qui la caractérisait par rapport à toute autre personne (voir ordonnance du 27 février 2019, SFIE-PE/Parlement, T‑401/18, non publiée, EU:T:2019:132, point 62 et jurisprudence citée).
30 En l’espèce, force est de constater que la requérante n’allègue pas être intervenue à un stade quelconque de l’adoption de la décision attaquée, se bornant à invoquer son rôle dans la conclusion du protocole dont les stipulations auraient été méconnues par l’AIPN.
31 Or, les stipulations de l’article III, paragraphe 1, du protocole ne prévoient aucune participation de la requérante dans la procédure de promotion des fonctionnaires du Conseil, de telle sorte que celle-ci ne saurait prétendre, en tout état de cause, occuper une position de négociatrice clairement circonscrite et intimement liée à l’objet même de la décision attaquée.
32 Par ailleurs, il y a lieu de relever que la présence de membres de la requérante au sein de la CCDP ou du comité du personnel ne constitue pas une circonstance de nature à l’individualiser par rapport à toute autre organisation syndicale susceptible d’agir par le même biais (voir, par analogie, ordonnance du 27 février 2019, SFIE-PE/Parlement, T‑401/18, non publiée, EU:T:2019:132, point 63). Dès lors, la méconnaissance alléguée des compétences consultatives reconnues à ces instances ne saurait affecter les intérêts propres de la requérante au sens de la jurisprudence citée au point 29 ci‑dessus.
33 Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument selon lequel ni la CCDP ni le comité du personnel ne seraient recevables à agir en leur nom propre en vue de l’annulation de la décision attaquée. Même à la supposer avérée, une telle circonstance n’aurait pas pour effet de modifier la nature du droit d’action consacré à l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (voir, par analogie, arrêt du 15 septembre 2016, U4U e.a./Parlement et Conseil, T‑17/14, non publié, EU:T:2016:489, point 84). En effet, conformément à la jurisprudence, si la condition d’affectation individuelle doit être interprétée à la lumière du principe de protection juridictionnelle effective, compte tenu des diverses circonstances qui sont de nature à individualiser une partie requérante, une telle interprétation ne saurait aboutir à écarter la condition en cause, qui est expressément prévue par le traité FUE, sauf à conduire les juridictions de l’Union à excéder les compétences qui leur sont attribuées par ce dernier (voir ordonnance du 26 mars 2021, SATSE/Commission, T‑484/20, non publiée, EU:T:2021:172, point 70 et jurisprudence citée).
34 À la lumière de ce qui précède, il y a lieu de constater que la décision attaquée n’affecte pas individuellement la requérante au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.
35 Au surplus, en ce qui concerne la condition d’affectation directe visée au point 20 ci-dessus, la requérante n’a pas démontré comment la décision attaquée, qui a pour objet exclusif de promouvoir des fonctionnaires du Conseil et qui ne saurait modifier les engagements que ce dernier aurait souscrits au titre du protocole, pourrait avoir un effet direct sur sa situation juridique en tant qu’organisation syndicale.
36 Partant, il y a lieu de rejeter le recours comme irrecevable, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur l’applicabilité de l’article III, paragraphe 1, du protocole.
Sur les dépens
37 Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.
38 La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.
Par ces motifs,
LE TRIBUNAL (dixième chambre)
déclare et arrête :
1) Le recours est rejeté.
2) La Maison de l’Union syndicale est condamnée aux dépens.
Porchia |
Jaeger |
Verschuur |
Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 janvier 2025.
Le greffier |
Le président |
V. Di Bucci |
S. Papasavvas |
* Langue de procédure : le français.